Parlement et pouvoirs locaux au xviiie siècle : le parlement de Navarre séant à Pau
p. 491-507
Texte intégral
1Au XVIIIe siècle, le parlement de Navarre séant à Pau était en apparence partagé entre un loyalisme dynastique sans failles et l’acharnement qu’il mettait à défendre des institutions, les fors en particulier, qui alimentaient le principe de la souveraineté béarnaise et navarraise. En réalité, outre qu’une double naturalité ne gênait absolument pas les hommes de l’Ancien Régime, les prétentions de la cour souveraine qui siégeait à Pau étaient le résultat de son histoire. Lorsque Louis XIII l’établit en 1620, il procéda en fait à la fusion du conseil souverain de Béarn avec la chancellerie du royaume de Navarre qui avaient déjà, en plus des attributions comparables à celles des parlements français, un rôle politique au sein d’entités territoriales souveraines. Encore plus qu’ailleurs, les parlementaires basco-béarnais se considéraient comme les principaux et même les seuls intermédiaires entre le prince et les peuples qu’ils prétendaient représenter.
2Mais cette prétention qui déterminait leur attitude à l’égard de tous les pouvoirs locaux se comprendrait mal si on ne prenait en compte leur prééminence quasi absolue, économique, sociale et culturelle. Dans des pays de noblesse réelle, tous les conseillers palois étaient déjà nobles lorsqu’ils accédaient à l’office et l’opposition entre noblesse d’épée ou de race et noblesse de robe n’avait guère de sens ici. La meilleure noblesse servait à la fois à la cour et aux armées ; l’acquisition d’un office ou d’un grade confirmait une prépondérance déjà ancienne. Après avoir surmonté la crise consécutive à la révocation de l’édit de Nantes, les officiers palois contrôlèrent la vie économique, ils fondèrent et colonisèrent sans partage l’académie royale et la loge de Pau, ils obtinrent en 1722 une université qui fut leur chasse gardée. L’atonie des bourgeoisies locales confirmait enfin une puissance que nul ne pouvait leur disputer en Béarn, en Soûle et en Basse-Navarre.
3Leurs origines institutionnelles, leur toute-puissance socio-économique expliquent sans doute l’adhésion tardive des parlementaires palois à l’union des classes. D’une part le soutien des autres cours n’ajoutait rien à leur puissance locale, d’autre part ils redoutaient de dénaturer la cause de la souveraineté béarnaise en se confondant dans le parlement de France. Mais s’il est nécessaire de rappeler ainsi la spécificité paloise, celle-ci était loin d’être irréductible et l’histoire du parlement de Pau fut aussi et parfois même plus agitée encore que celle des autres cours du royaume. La multiplication des remontrances en est un bon indice et l’on imagine volontiers l’agitation des parlementaires toute entière tournée contre le gouvernement royal et ses agents en province1 ; en réalité, la cour de Pau, comme ses consœurs, menait le combat sur deux fronts : contre le centre et contre la périphérie. La plus grave des crises parlementaires paloises (1765-1775) naquit au sein même du parlement ; elle aboutit à une démission collective et au remplacement des officiers par des magistrats nommés par le roi2. Mais cette parenthèse institutionnelle et, en partie, sociale, ne changea rien à l’attitude des magistrats basco-béarnais, toujours aussi prompts à veiller à la défense de leurs prérogatives et privilèges, que la menace vînt de Versailles ou de la province.
4À juste titre, l’historiographie a longuement insisté sur les comportements contestataires, vindicatifs des Messieurs des cours souveraines. Depuis le XVIe siècle on ne comptait plus leurs innombrables refus de se plier aux injonctions royales : refus d’appliquer le concordat de Bologne, d’enregistrer les édits de pacification religieuse ou les édits bursaux. Aussi la plupart des historiens s’entendent-ils pour dénoncer « la véritable maladie institutionnelle qu’était l’opposition des parlements »3. Peu suspect d’hostilité systématique envers les parlementaires, Fr. Bluche écrit même que « le jour où le jeune Louis XVI, mal conseillé par Maurepas, rétablit l’ordre ancien, il condamnait son régime à terme »4.
5Il n’est pas question de nier le côté excessif et sans doute néfaste, du point de vue de la survie de l’Ancien Régime, de l’opposition parlementaire ; mais dans la perspective qui sera la nôtre, celle de la confrontation entre le parlement de Pau et les pouvoirs locaux, il convient d’apporter quelques retouches au tableau. La principale question sera la suivante : le parlement entretenait-il un simple rapport de force avec le centre et de domination avec la périphérie ? Faut-il voir dans le parlement, ici celui de Pau, une force de stricte opposition aussi bien au roi qu’à tous les pouvoirs locaux ? À force d’être condamnés pour cause d’égoïsme, les parlementaires n’ont-ils pas été sous-estimés ?
6Ces magistrats, solidement appuyés au XVIIIe siècle sur la vénalité et l’inaliénabilité de leurs charges, étaient d’abord les serviteurs de la loi, donc du roi. On ne saurait tenir pour nul et non avenu le rôle qu’ils jouèrent dans l’extension à la province de la « civilisation des mœurs » et il ne faut pas prendre à la légère leurs déclarations réitérées de loyalisme monarchique. Des parlementaires dépendait le degré de pénétration des injonctions royales dans les provinces les plus lointaines ; en fait, le « dressage » politique et culturel des peuples était le véritable enjeu de leur activité5. S’ils comptent au nombre des fossoyeurs de l’Ancien Régime, ils furent aussi les bâtisseurs de cet ordre moral, politique et culturel en province.
7Détenteurs de la justice déléguée, les parlementaires se trouvaient placés entre le centre et la périphérie en position d’intermédiaires obligés. Les sempiternelles querelles de préséances qui les opposaient aussi bien à l’intendant, au gouverneur, qu’aux états et aux jurades tendaient, en principe, à préserver la prééminence des gens du roi donc celle du souverain lui-même. À ces luttes pour les apparences se juxtaposaient celles pour la réalité du pouvoir : la définition tatillonne de la juridiction du parlement. La combativité du « Consistoire des lois » était ici à la mesure de son adhésion à l’adage : « une foi, une loi, un Roi ».
8Le souci des parlementaires palois d’affirmer leur prépondérance n’était donc originellement ni la marque systématique d’une opposition politique, ni celle d’un égoïsme de classe. Mais au cours du XVIIIe siècle, tout laisse supposer un dévoiement de cette potestas. Le dévoiement social est le plus évident : sous le couvert de la défense des « libertés » basco-béarnaises les Messieurs en vinrent surtout à défendre leurs propres privilèges. Enfin, légitimes lorsqu’elles servaient le roi et la loi, les querelles de préséances servirent en fin de compte l’orgueilleuse prépondérance personnelle des parlementaires.
9La vérification de ces hypothèses suppose le recours à des sources originales ; pour être exhaustive la collecte devrait s’étendre au point de vue de tous les interlocuteurs du parlement : jurades (série BB des Archives communales), états et intendances (série C des Archives départementales). Par commodité et par choix, nous nous en sommes tenus aux seules archives parlementaires (série B des archives départementales) : registres secrets, arrêts à rapport et arrêts criminels6. Les remontrances du parlement de Navarre confiées à l’un de mes étudiants, je me suis moins attaché à l’expression idéologique de l’attitude du parlement de Navarre à l’égard des provinciaux qu’à sa traduction pratique. Le XVIIIe siècle enfin a été retenu du fait de l’état des fonds palois ; la destruction du palais par un incendie en 1716 nous prive malheureusement de presque tous les documents antérieurs à cette date. Les inconvénients des fonds judiciaires sont bien connus : le champ d’intervention du parlement, limité par ses compétences, n’est jamais l’exact reflet de toute la réalité. Par nature ils majorent en outre les aspects conflictuels et contestataires des rapports du parlement avec les pouvoirs locaux. En revanche ils constituent de bons révélateurs du vécu et réintroduisent dans la démonstration la part utile de l’événementiel.
10Au demeurant, la véritable difficulté de l’enquête n’est pas dans la nature des sources mais dans l’usage que peut en faire l’historien. L’analyse exhaustive du corpus dépassait de beaucoup le cadre de notre approche ; il a donc fallu se résoudre à procéder par sondages chronologiques. Ceux-ci invitent à beaucoup de prudence : les relations, pas toujours conflictuelles, du parlement de Navarre avec les pouvoirs locaux, intendance, états, gouverneurs et jurades occupent finalement une part modeste et variable dans le temps de l’activité parlementaire : de 10 à 15 % des arrêts annuels au cours de la première moitié du siècle. C’est avec les jurades (61 % des arrêts) que le parlement entretenait le dialogue le plus intense (2,3 arrêts par an) et surtout le plus constant ; officiers ou élus, les jurats des villes et bourgs sont restés d’un bout à l’autre du siècle les interlocuteurs privilégiés du parlement, ce qui souligne à quel point celui-ci était une courroie de transmission entre le centre et la périphérie. En revanche, toujours mis en avant par l’historiographie, l’antagonisme entre les parlementaires et l’intendance ne représente que 20,3 % des arrêts et 1,3 arrêt par an ; par ailleurs, passé le premier quart du siècle, les conflits sont devenus de plus en plus rares. Les deux puissances dominantes dans la province semblent avoir assez vite délimité leurs propres territoires et s’être ensuite mutuellement respectées. Avec les états de Béarn et de Navarre que peuplaient des alliés et des parents des parlementaires, les compromis étaient scellés depuis longtemps déjà au XVIIIe siècle ; aussi le dialogue est-il discret (11,1 % des arrêts) et plutôt serein. Enfin, passé 1720 le parlement n’eut pratiquement plus l’occasion de se confronter aux gouverneurs, les ducs de Gramont (3,7 % des arrêts) ; le volume et le rythme des arrêts parlementaires confirme ainsi le reclassement général des pouvoirs en province.
11L’évolution chronologique dessine un paysage politique provincial plus nuancé qu’on ne l’imaginait. Dès la fin du premier quart du siècle un réel équilibre s’était instauré entre le parlement de Navarre et la plupart des pouvoirs provinciaux, celui des jurats excepté. Mais ce calme apparent était finalement inquiétant car, en particulier dans le cas de l’intendance, le sentiment prévaut qu’il n’existait plus aucun fusible provincial entre le parlement et le gouvernement royal. On comprend mieux dès lors la violence des crises parlementaires ; mais il faut aussi insister sur l’isolement politique dans lequel se trouvaient les parlementaires palois, une solitude qu’aggravait leur écrasante prééminence économique et sociale. Se trouve alors posée la principale question : avec qui et comment, dans l’espace basco-béarnais, le parlement pouvait-il coopérer ?
La civilisation des mœurs : le dressage politique des peuples
12L’une des premières tâches du parlement consistait à enregistrer la loi et à veiller à son application ; à cet égard il était le premier agent de la volonté du roi en province. Au-dessous du parlement, les jurades étaient à leur tour les exécutrices locales de cette volonté ; les Messieurs palois exercèrent une vigilance étroite et constante sur le pouvoir municipal. Au cours de la seconde moitié du siècle, la mise en œuvre des réformes municipales suscita de vifs engagements entre les vieilles oligarchies municipales et la cour. Les édits de 1764 et 1765 en particulier furent difficiles à faire admettre ; pour ne pas multiplier les exemples de résistance, retenons ceux de Salies et de Labastide-Villefranche7. Dans les deux cas les anciens jurats refusaient de se retirer ; à Salies la crise ne se régla que par des prises de corps et plusieurs emprisonnements8. Les troubles de Villefranche révèlent mieux encore la multiplicité des pouvoirs impliqués dans ces crises locales. Ce fut le curé du lieu qui attira l’attention de la cour sur des élections « contraire au véritable esprit de ces deux lois » ; en réalité le curé dénonçait la participation de protestants aux élections ; il exigeait un certificat de catholicité des nouveaux jurats et soutenait en fin de compte les anciens9.
13Dans un premier temps la cour suspendit l’élection des nouveaux officiers ; mais après examen elle constatait que les plaintes « n’avoient aucun fondement ». Très peu enclin par ailleurs à s’occuper de la RPR, le parlement s’en tenait a une stricte exécution de la loi et retenait l’obstruction que pratiquaient les anciens jurats : « ils n’avoient d’autre vue que celle de se perpétuer par une désobéissance criminelle dans des places qu’ils ne pouvoient plus remplir »10. La cour prit l’affaire très au sérieux et y vit même une menace de sédition ; la résistance des anciens jurats tendait « à faire perdre au peuple l’esprit de subordination si nécessaire à la tranquilité publique ». Cette appréciation est une constante parlementaire et rappelle opportunément dans quel camp se trouvaient les parlementaires : très naturellement dans celui de l’ordre. Sans barguigner, la cour fit jeter en prison l’ancien premier jurât de Labastide et le fit libérer le lendemain. Elle agit de même à Nay ; pour les peuples aucun doute ne devait subsister : le roi, la loi et le parlement ne faisaient qu’un.
14En dehors de crises graves, le parlement devait veiller à réprimer de très multiformes abus de pouvoir qui soulignent quel enjeu important représentait alors le pouvoir municipal. Parfois, celui-ci souffrait de pures carences et se trouvait abandonné aux mains de quelques profiteurs. À Athos en 1719 « depuis quelques années les habitans et communauté ont négligé de nommer des députés ce qui cause un grand désordre dans le lieu, chaque habitant prétendant d’être le maître de la police pour ce qui le regarde (…) quelques particuliers se rendent maîtres des rentes et revenus et font les rolles des tailles et reçoivent les comptes des gardes comme bon leur semble »11. Mais moins que contre le vide, c’est contre le trop plein du pouvoir municipal que le parlement devait combattre. Le refus de céder le pouvoir après des élections et celui de rendre des comptes étaient monnaie courante parmi les potentats villageois. En 1724 la cour prononça deux arrêts contre Angaïs et Pontacq où les jurats refusaient d’abord de rendre leurs comptes, puis présentaient de « prétendus comptes » avec un tel retard qu’il « fait soubçonner qu’il pourroit y avoir quelques malversations »12. Les suspects n’obtempérèrent que menacés de prise de corps. Les jurats n’étaient pas seuls en cause dans ces dissidences ; à Castéide et Montaner « où il n’y a pas des jurats, les députés et les gardes commettent plusieurs abus et malversations dans l’administration des biens communaux (…) ils ont évité avec soin de faire rien coucher sur le registre des délibérations »13. Leur petit manège durait depuis dix ans...
15Dans le processus de dressage politique des peuples, le parlement jouait ainsi un rôle décisif et il le fit bien avant que n’intervienne l’intendance, tardive dans les pays basco-béarnais14. Mais s’il est l’agent loyal du roi et de la loi, le parlement est aussi le défenseur des « lois fondamentales ». En la matière le parlement de Navarre se distinguait de ses homologues, les lois fondamentales en Béarn et en Navarre étaient en effet celles que contenaient les fors ou coutumes15. Le parlement ne manquait jamais une occasion de défendre cette « constitution » ; ainsi en 1729 il s’opposa à l’exécution des articles d’un édit portant création d’un receveur des consignations : « il auroit fallu changer les loys fondamentales de cette province concernant la manière de faire les décrets établie par le For et les précautions pour assurer les collocations des dots établies par les Règlements »16.
16La stricte application des lois ne représentait par ailleurs qu’une partie de ce que l’on a appelé la « civilisation des mœurs » qui impliquait une discipline quotidienne à laquelle veillaient les magistrats. Dans ce registre comme dans le précédent, leurs principaux interlocuteurs étaient les jurats. Prompts à les tancer, les parlementaires venaient parfois à leur secours lorsque le civisme communautaire était défaillant ; ainsi en 1722, sur plainte des jurats, la cour « enjoint aux habitants d’Oloron de quel ordre et condition qu’ils soient ou puisse être de se rendre aux assemblées qui leurs seront marquées à moins de maladie ou autre légitime empêchement à peine de 50 livres »17.
17Quelques rubriques émergent d’une activité incessante qui met en cause la vigilance du pouvoir municipal : police des mœurs, des marchés, de la voierie et de l’hygiène publique. Pau étant le siège du parlement, les malheureux jurats palois étaient la cible privilégiée des Messieurs qui les traitaient avec une dureté qui en dit long sur les rapports sociaux entre la noblesse parlementaire et les oligarchies municipales. En février 1734 les jurats se voyaient reprocher la conduite d’ouvriers maçons mandés par eux à des travaux à l’église Saint-Martin de Pau : « ils étoient entrés, hier jour de dimanche, avec leurs outils dans l’église paroissiale et ils y avoient pris à grand bruit des matériaux pendant les vêpres au grand scandalle du publicq »18. Les jurats invoquèrent en vain l’urgence des travaux, la sécurité publique : « une pareille conduite, estait tout a fait blamable ; ils n’avoient à l’avenir qu’à estre plus circonspects. Ce fait il leur a été ordonné de se retirer et ils ont obéi » ! Un an plus tard, la cour imputait aux jurats la conduite du marguillier de Saint-Martin à l’égard d’un conseiller-prêtre, de Colomme : « le dit Pedarriu ne se contenta pas de menasser de la main le laquay de Mr de Colomme, mais que pour marquer son inconsidération d’une manière plus intéressante, il ne se rendit pas dans la sacristie. Comme cette conduite intéresse la gloire de Dieu, le caractère et le public », la cour le condamna à « passer le guichet » et, magnanime, le tira de prison le même jour19.
18La négligence des jurats était également mise en cause à propos de la police des marchés, très surveillés, en particulier dans la capitale, à la fois par la cour et par l’intendance qui redoutaient toujours des troubles frumentaires. Préoccupés de leurs propres aises autant que de celles des consommateurs, les Messieurs condamnèrent à plusieurs reprises la gestion des boucheries de la ville : en août 1734 ils convoquèrent les jurats « au sujet de la mauvaise viande qu’on débite ». Les jurats assuraient avoir veillé à l’exécution des règlements : « ils ont confisqué des viandes et condamné les bouchers toutes les fois qu’ils les ont trouvés en faute ». La cour répliquait que leur négligence était « inexcusable de ne pas visiter les viandes chaque jour »20. La ferme des boucheries était elle aussi étroitement contrôlée ; il est vrai que les fraudes étaient fréquentes. En 1721 à Bruges, les jurats truquèrent les enchères « dans la vüe de se rendre eux-mêmes les fermiers sous des noms empruntés ; ils n’ont point accepté les offres au préjudice de la délibération ». Ils avaient aggravé leur fraude en achetant « à vil prix les billets de banque à la veille du decry et en ont payé le prix de la ferme »21.
19La surveillance des marchés avait des implications sanitaires, comme celle de la voierie, et donnait matière à des dispositions prophylactiques. L’année 1720 des arrêts organisèrent d’un commun accord avec les jurats la protection du ressort contre la menace de la peste qui sévissait à Marseille et incitèrent les jurats à se préoccuper de l’écoulement des eaux pluviales, du percement des éviers22. L’année précédente un long débat s’était engagé avec les jurats de Pau au sujet du cimetière de la ville ; un long arrêt le sanctionna. Le parlement dut alors faire face à une situation exceptionnelle, rare à Pau : la conjonction entre une épidémie et la présence de l’armée, une forte croissance démographique enfin. « On estait obligé d’enterrer cinq ou six corps dans la même fosse à cause de la petitesse du cimetière et du grand nombre de personnes qui mourroient tous les jours, ce qui causoit une infection sy grande que toutes les maisons du voisinage étoient remplies de malades, que l’on ne pouvoit même pas passer dans la rue qui joint le cimetière sans sentir suffoquer par la puanteur qui en sortoit »23. Le débat sur l’implantation du cimetière était lancé et dura plus d’un siècle24. Il fut l’occasion pour le parlement de contester la représentativité de l’assemblée des notables composée pour les deux tiers « de paysans demeurant hors la ville, lesquels par conséquent n’ont nul intérêt au fait dont il s’agit ne recevant aucune incommodité dudit cimetière ». L’affaire révélait l’éclatement de la communauté d’habitants ; d’un côté les jurats étaient attachés à un cimetière intra muros, respectueux des solidarités traditionnelles. D’un autre les parlementaires et la bourgeoisie du quartier de Notre-Dame souhaitaient écarter le cimetière du centre urbain pour en améliorer la salubrité mais aussi la distinction sociale. Pour cette fois, l’attentisme des jurats et la fin de la contagion repoussèrent sine die la réforme. À tous ces arrêts, il faudrait ajouter ceux qui reprochaient aux jurats de mal surveiller une jeunesse que l’on entreprenait de mettre au pas ; un arrêt de 1738 évoquait ainsi les rixes traditionnelles entre jeunes citadins, « les discutions qui se sont élevées la nuit entre les écoliers, les clercqs et les laquays »25.
20Par la concertation parfois, par la contrainte le plus souvent la cour veillait à ce que les jurades observent la loi et, plus généralement, inculquait cette civilisation des mœurs qui devait faire l’unité politique du royaume. Au-delà de l’immédiat politique, ce sont bien les « mœurs » au sens voltairien du terme qui étaient en cause : les hiérarchies sociales et des valeurs telles que l’ordre, la sécurité, le profit.
Entre le centre et la périphérie
21Placé au cœur du jeu des pouvoirs locaux, le parlement de Navarre ne pouvait négliger les apparences de sa prééminence ; d’où les très nombreuses querelles de préséances qui émaillent son histoire26. En la matière, la doctrine parlementaire était en principe fort simple : à travers son parlement faire respecter toujours et partout la majesté royale. Nous l’avons dit, répétons-le, il ne faut pas sous-estimer les déclarations répétées du loyalisme monarchique des parlementaires et leur souci, affiché jusque dans le moindre détail, de la soumission et de l’affection des sujets du roi. Dans un monde où les signes et les symboles conservaient une grande importance, on ne saurait mépriser le témoignage de ces querelles.
22Il en va de ces disputes comme de la plupart des faits sociaux : aucun n’est tout à fait identique à ceux qui l’entourent. Mais on ne peut non plus tous les décrire. Les plus significatifs n’étaient pas nécessairement ceux dont l’objet nous semble aujourd’hui le plus important. Il fallut ainsi plusieurs arrêts pour régler la question des honneurs dus aux parlementaires lorsqu’ils entraient dans une ville du ressort ; une fois de plus les jurats firent les frais de l’humeur tatillonne des Messieurs. Les faits et les arguments étaient toujours les mêmes : les jurats manquaient de respect à des gens du roi qui ne demandaient rien pour eux-mêmes mais tout pour le souverain. En 1712 le premier président de Fenoyl se plaignit des jurats de Pau qui, à son retour de Lyon « n’estoit point venus à sa rencontre à la tête de la bourgeoisie comme il avoit toujours été pratiqué à l’esgard de ses prédécesseurs »27. En conséquence, le premier président « a dit que quoyque par rapport a luy mesme il ayt peu d’attention aux honneurs, cependant par rapport à la place qu’il a l’honneur d’occuper et pour l’honneur de la Compagnie, il croit devoir soutenir les prérogatives de la place ». Quelques jurats esquissèrent une résistance : les honneurs n’étaient dus qu’à la première entrée du premier président ou à son retour de la cour. Ces velléités furent écartées sans pitié ; les jurats durent concocter un règlement, l’insérer dans leurs registres et reconnaître « leur très grande faute ; cella a fait beaucoup de murmure dans la ville et les bourgeois s’atendoient avec impatience qu’ils fussent mandés, résolus de faire cette cérémonie avec toute la distinction qu’ils auraient peu » ! Cette « impatience » était bien la preuve de ce qu’il fallait démontrer : les Messieurs étaient les représentants, aimés, du peuple28.
23Mais c’est autour de la dépouille mortelle de ses membres que le parlement eut avec les jurats ses plus virulentes querelles. Dans une province qui restait fidèle aux pompes baroques, les cérémonials funèbres étaient une occasion privilégiée de se situer dans la hiérarchie des pouvoirs et des honneurs29. L’incident le plus éclatant survint en 1733 lors des funérailles du premier président Roux de Gaubert ; les jurats de Pau revendiquaient « la possession de marcher immédiatement après le Parlement de Navarre dans les pompes funèbres des premiers présidents » et non autour du cercueil, comme l’exigeait la cour30. Accessoirement ils contestaient au parlement le droit de faire des règlements en la matière31 et faisaient appel au roi, « n’estant pas convenable à des jurats qui avoient l’honneur de porter la livrée royale » d’entourer un cercueil. On le voit, chaque camp usait du même argument : la défense de la dignité royale. Pour une fois les jurats résistèrent avec la dernière énergie et malgré les menaces, « après avoir mûrement réfléchy sur toutes les raisons de part et d’autres, ils persistaient dans leur première résolution »32. Lorsque les jurats « se saisirent de la place que l’arrest leur avoit refusé », le parlement dut céder devant le risque d’un scandale public. Sans perdre un instant les parties investirent le pouvoir central, la chancellerie et le conseil des dépêches ; pour ne rien laisser au hasard, la cour délégua son nouveau premier président à Versailles. Le roi chercha à ne mécontenter personne : il débouta les jurats de leur demande en cassation des arrêts de la cour et régla le cérémonial funèbre conformément aux vœux des parlementaires. Mais il fit aussi suspendre toutes les procédures et les interdictions engagées contre les jurats, ajoutant même qu’ils n’avaient « pas lieu de craindre d’estre confondus dans la foule outre qu’on ne manquera pas de prendre les précautions pour empêcher que les domestiques ou d’autres personnes de la lie du pûple ne se mellent avec les jurats »33. Les Messieurs reconnurent du bout des lèvres que les jurats avaient « tourné leur désobéissance d’une manière bien avantageuse », mais ils proclamèrent leur triomphe final : « ces adoucissements qu’un esprit d’équité inspire à Sa Majesté, n’empêchent pas que tout l’avantage ne soit icy du costé du Parlement » !
24Autant les querelles de préséances furent nombreuses entre le parlement et les jurats, autant elles furent rares avec les autres pouvoirs locaux. La seule qui mérite attention eut lieu en 1718 entre la cour, les états de Béarn et l’intendance à propos des hommages. Le débat porta à la fois sur le fond (l’hommage était-il dû à chaque mutation de vassal ou de seigneur ? était-il dû en corps ou par chacun en particulier ? ) et sur la forme (devait-on constituer une assemblée générale regroupant parlementaires et députés ou bien délibérer séparément mais en présence de l’intendant ?). L’affaire était politique (elle mettait en jeu le for de Béarn) mais surtout fiscale (abonnement des corps). Le parlement soutint avec fermeté les droits du domaine royal, surveilla de près l’intendant et accepta une assemblée générale réglée comme un ballet de cour et où il avait naturellement la place d’honneur34.
25Au-delà des apparences de son pouvoir, le parlement défendait aussi avec vigueur la réalité et en particulier son champ juridictionnel. Dans cette perspective les jurats n’étaient que de bien faibles compétiteurs et très peu d’arrêts concernent le partage de leur juridiction d’avec celle du parlement : en 1731, à la suite d’une visite des prisons paloises, les parlementaires dénoncèrent « un abandon intollérable de la justice » par les jurats et menacèrent de les faire interdire35. En 1738, au détriment des jurades et de l’intendance, la cour fut maintenue « dans la possession de connoitre de toutes les contestations concernant les élections dans les villes et lieux »36. Avec les états de Béarn, le parlement eut peu de démêlés : l’affaire des hommages resurgit en 1725. Deux ans auparavant les états avaient cherché à usurper la juridiction du parlement en matière d’aveux de dénombrement37 ; dans chaque cas des compromis réglèrent les litiges.
26Mais dans le domaine juridictionnel, c’est avec l’intendance que les conflits furent les plus nombreux et les plus âpres, surtout entre 1712 et 1740, alors que l’intendance d’Auch et de Pau s’implantait durablement. Le contentieux, d’abord très lourd, eut par la suite tendance à s’alléger ; en 1712 l’intendant Barrillon disputait à la cour sa compétence fiscale : « il se donne a connoitre et juger des affaires dont la juridiction en apartient à la Cour, la levée des deniers du Roy et charges fiscales »38. De la levée du dixième et autres charges, la dispute s’étendit aux frais de capture des criminels ; la cour dénonça les entreprises de l’intendant et « une suspicion contre les premiers officiers du Parlement ». Bientôt, l’intendant prétendit contrôler les frais d’exécution des condamnés, « une injure gratuite » ! Il s’appuyait sur le contrôle général, le parlement reçut le renfort des états ; à la fin de 1712 les parlementaires dressaient un tableau apocalyptique d’une province privée de justice et livrée aux crimes : « des compagnies de voleurs répandues dans la province quy volent et assassinent sur les grands chemins et il s’est répandu dans le commerce un nombre infiny d’espèces fausses, il y a d’autres crimes aussy atroces comme sacrilèges, vols, duels »39.
27En fin de compte la chancellerie ne trancha pas sur le fond, « scavoir si Mr l’intendant peut entrer en connoissance des frais réglés par les exécutions donnés par le Parlement », mais intima l’ordre à l’intendant de viser à nouveau les ordonnances du parlement. Le 28 novembre la chancellerie promulgua un règlement sur les juridictions réciproques ; le 8 février 1713 la cour reçut le nouvel intendant, de Harlay : « il profite avec plaisir de cette occasion d’assurer la Compagnie que personne ne l’honore en général et en particulier plus que luy ». La cour répliqua « que rien n’est plus convenable au service du Roy et au bien des peuples que cette union ».
28Après cette violente empoignade, un calme relatif s’établit ; le parlement souhaitait surtout que les justiciables ne tirent aucun avantage des querelles de juridiction et fit distribuer le règlement de 1712 en trois exemplaires dans chaque sénéchal et aux syndics des procureurs. À chaque mutation d’intendant, la cour réitérait ses bonnes intentions « d’éviter toutes occasions de différents au sujet de la juridiction entre le parlement et le sieur commissaire départy »40. Entre 1717 et 1723 on ne put cependant éviter trois accrochages avec les intendants Barrillon et de Lesseviele ; le premier concerna les impositions ordinaires et les nominations des gardes et collecteurs des tailles ; le second, la gestion des communautés, adjudications des revenus et biens patrimoniaux, des comptes, des charges locales, des élections des jurats ; le dernier, la vente des biens et bois des communautés, la police générale. En 1722 une élection à Orthez et une émotion en vallée d’Ossau provoquèrent quelques discussions41 ; en 1723 un projet de création d’un grand prévôt unit le parlement et les états contre l’intendant au nom du for42. Dans toutes ces affaires, réglées par une négociation locale, le parlement s’attribua la palme du parfait diplomate : « on ne peut user de plus de sagesse et de raison qu’il en a usé » !
29Ces belles paroles n’interdisaient pas une extrême vigilance ; une crise grave s’ouvrit en 1736 lorsque l’intendant Balosre se mêla de contrôler les auxiliaires de justice, archers, huissiers, bourreaux, concierge des prisons, « il n’est pas jusqu’au boulanger dont Mr de Balosre n’ayt retardé le payement en refusant de vizer les ordonnances données pour la fourniture du pain des prisonniers »43. Si la cour n’avait fait elle-même l’avance de leur pain, il eut fallu soit leur ouvrir les portes, soit les laisser mourir de faim. Plus grave encore selon le parlement : les prétentions de l’intendance retardaient les exécutions capitales, faisant ainsi offense à la cour « et mesme à l’humanité deüe à des condamnés et dont le publicq murmuroit ». Enfin la cour accusait l’intendant de détourner les communautés de la justice déléguée en adressant leurs syndics à ses subdélégués et de « rendre la voye de la justice inaccessible ». Au lieu de soulager le justiciable, cette politique l’accablait : « les parties adverses sont portées au conseil de sorte qu’une communauté qui n’avoit qu’un procès en a deux ». L’amertume des parlementaires ne connut plus de bornes lorsqu’ils apprirent que l’intendant avait imposé au concierge des prisons son propre registre d’écrou : « Pourquoy un registre particulier, seroit-ce pour dérober au Parlement la qualité des délits des justiciables de son ressort ? »44.
30Passé 1740 l’ardeur des belligérants se calma, sans doute par suite de l’épuisement des conflits potentiels ; en 1744 le parlement dut défendre, en tant que cour des comptes, sa juridiction contre l’intendance de Montauban45. Une discussion surgit en 1746 « au sujet des comptes des octroys », en réalité sur la juridiction de la cour des comptes en pays de Foix. Après maints débats « a esté arresté que la voye de conciliation seroit suivie avec Mr l’Intendant ». Au total, passée la période d’acclimatation de l’intendance, un climat de respect mutuel s’imposa, conforté par la personnalité du grand intendant du milieu du siècle, d’Étigny46.
Une puissance dévoyée ?
31Aucun pouvoir local, pas même l’intendant, ne songea sérieusement à déposséder le parlement de Navarre de sa juridiction ou à contester sa prééminence sociale, politique et culturelle dans la province. Le parlement fut en fait la victime de sa propre puissance qu’il épuisa dans des querelles internes, mais qu’il ternit aussi par de véritables dévoiements.
32Ardent défenseur des fors de Béarn et de Navarre, le parlement confondait trop souvent ses intérêts particuliers et ceux de la province ; les « libertés » cachaient mal les privilèges du corps. Dans ces conflits avec les jurades ou bien avec les états, le parlement fit souvent prévaloir ce qu’il faut bien appeler par son nom : un égoïsme de classe. En 1718 il s’en prit violemment aux jurats de Pau à propos du logement des gens de guerre ; « on avoit marqué à la craie les maisons de la plus grande partie des Messieurs et même forcé les portes des maisons de Mr le Président d’Oroignen »47. Une menace d’interdiction, une intervention de l’intendance rétablirent les parlementaires dans leurs privilèges. Pour alléger ses charges fiscales, au détriment de l’ensemble des contribuables, le parlement négocia à plusieurs reprises avec le grand corps aux états de Béarn en constituant un front de classe des privilégiés. En 1725 la cour sacrifia ses épices sous réserve que le tarif des hommages soit modéré et que l’on ne paie un droit entier que pour le fief principal ; le parlement évoqua alors « les marques d’un désintéressement parfait »48 ! En 1735 ce front se reconstitua « concernent la quotité que le parlement doit supporter dans l’abonnement que les Etats ont obtenu du Roy pour la capitation »49. Appliquant une stricte logique socioprofessionnelle, le parlement réintégra parmi ses contribuables les conseillers qui s’étaient réfugiés aux états, « où ils estoient sur d’estre moins taxé. On doit estre taxé suivant la principale qualité ».
33Ces médiocres combinaisons étaient toutefois peu de chose au regard de certains arrêts à portée économique comme celui de 1714 pris de connivence avec les députés du grand corps. Les Messieurs et les députés nobles, agissant « pour le bien et avantage de la province » dressaient un tableau très sombre de la situation économique. « Personne n’ignore qu’il ne sorte chaque année des sommes considérables de la province pouracheter des étoffes et des grains n’y ayant pas en Béarn des manufactures ny du grain pour la subsistance des habitants pendant les deux tiers de l’année »50. « La seule voye pour faire venir l’argent » consistait à vendre les vins béarnais ; or, vers 1714, une véritable fureur de planter des vignes s’était emparée des Béarnais. Parlementaires et nobles auraient dû être satisfaits ; en réalité ils étaient les adversaires acharnés de ces nouvelles plantations, réalisées dans les plaines par de petits agriculteurs. Ils leur reprochaient de tarir la main d’œuvre et de la mettre « à un prix exhorbitant » ; les nouvelles vignes épuisaient les bois destinés à la construction des barriques ; elles aggravaient la pénurie de céréales. Enfin et surtout, le vin des plaines « est de mauvaise qualité, il discrédite le bon parmy les étrangers et il empêche dans la province la consommation de celluy qui croit dans les terroirs qui ne sont propres que pour la vigne ».
34Tout n’était pas faux dans cette argumentation, mais on voit bien ce que défendaient les Messieurs et les députés, tous propriétaires de vignobles. Une commission mixte élabora un arrêt qui interdisait les vignobles de plaine, taxait la main d’œuvre et les charretiers et ordonnait de planter des châtaigners dont « le fruit en est bon pour l’usage des hommes » et le bois encore meilleur pour les barriques... ! Un front de propriétaires abusait de son pouvoir juridictionnel pour préserver un monopole économique.
35Les querelles de préséances de leur côté étaient en principe au service de la plus grande gloire du roi et de l’État ; mais elles aussi étaient souvent dévoyées au bénéfice de la seule prépondérance locale des Messieurs. Dans une longue dispute triangulaire avec les jurats de Pau et le gouverneur duc de Gramont, la cour réussit ainsi à humilier et les premiers et le second. Le prétexte était pourtant bien mince : les mousqueteries de la milice bourgeoise en l’honneur des victoires du roi. « Les jurats qui dès longtemps cherchent à se rendre indépendant et à se soustraire à la subordination de la Cour » furent brutalement remis à leur place : « Comme s’il pouvoit être libre à des inférieurs de retrancher de leur chef les honneurs qu’ils ont accoutumé de rendre à leurs supérieurs »51. Le gouverneur était à peine moins mal traité, « parce que le Conseil et le Parlement avoient anciennement le commandement des armes »... Cedant arma togae.
36L’histoire du parlement de Navarre au XVIIIe siècle dans ses rapports avec les pouvoirs locaux n’est pas celle d’une confrontation systématique. L’égoïsme de classe n’était pas le seul mobile des parlementaires qui n’ignoraient ni le service du roi, ni le bien public. Mais il est vrai qu’enfermés dans leur prééminence provinciale, les Messieurs eurent tendance à monopoliser toutes les formes du pouvoir. S’ils eurent des comparses, ils n’eurent jamais de véritables alliés et leur capacité de coopération politique et sociale était à peu près nulle à la veille de la Révolution. Dans la solitude d’un pouvoir sans partage, ils étaient devenus l’exemple même des dysfonctionnements de l’Ancien Régime et leurs jours étaient comptés.
Notes de bas de page
1 C’est ce qu’illustre J Egret dans son classique Louis XV et l’opposition parlementaire, Paris, 1970.
2 On manque de travaux récents sur le parlement de Pau ; l’article de R de Boyer-Montégut, Les crises du Parlement de Navarre au XVIIIe siècle, Bull Soc Sc Lettres Arts de Pau, 1942-43, p 182, est vieilli La thèse de F Bidouze sur les remontrances du parlement au XVIIIe siècle est en cours d’achèvement.
3 Dictionnaire du Grand Siècle, sous la dir de Fr Bluche, Paris, 1990, p 1153, art « Parlement » par J.-L Harouel.
4 Fr Bluche, L’Ancien Régime, institutions et société, Paris, 1993, p 42.
5 Sur cette politique, dans des domaines proches, voir N Elias, La civilisation des moeurs, Paris, 1974, et B Garnot, Le peuple au temps des Lumières Échec d’un dressage culturel, Paris, 1990.
6 Arch dép Pyrénées-Atlantiques (ADPA), B 4544 à 4574 ; B 4804 à 5027 ; B 5436 à 5466.
7 Sur les réactions régionales à ces édits, voir M Bordes, La réforme municipale de 1764- 1765 et son application dans l’intendance d’Auch, Annales du Midi, t 85, 1963.
8 ADPA, B 4937, f° 32 à 86 Les « anciens » cumulaient les fonctions de président du corps électoral et d’électeurs.
9 ADPA, B 4937, f° 103 Cinq protestants avaient été élus notables.
10 ADPA, B 4938, f° 11.
11 ADP A, B 4808, f° 271 En fait les comptes de la communauté n’étaient plus tenus depuis dix ans.
12 ADP A, B 4814, f° 129 et 332.
13 ADPA, B 4810, f° 458.
14 Voir C Desplat, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle La terre et les hommes, Biarritz, 1992, 2 vol., et P Raymond, Notice sur l’intendance en Béarn, Paris, 1865.
15 Voir C Desplat, Le For de Béarn de 1551 Édition critique et traduction, Pau, 1986.
16 ADPA, B 4550, f° 171.
17 ADP A, B 4812, f° 162.
18 ADPA, B4552, f° 42-43.
19 ADPA, B 4552, f° 108.
20 ADPA, B 4552, f° 67-68 En août 1737 la cour dénonce « les boucheries mal fournies en qualité et en quantité », B 4553, f° 123.
21 ADPA, B 4810, f° 308.
22 ADPA, B 4809, f° 195-216 Le parlement de Pau était entré en contact avec celui de Toulouse.
23 ADPA, B 4808, f° 292 à 304.
24 Voir C Desplat, Pau et le Béarn..., t 1, p 359-362, et M Lasserre, La difficile création du cimetière urbain de Pau (1778-début XIXe siècle), Revue de Pau et du Béarn, n° 20, 1993, p 169.
25 ADPA, B 4553, f° 123 Le « dressage » de la jeunesse fut une préoccupation majeure du parlement Voir C Desplat, Pau et le Béarn..., t 2, p 742-744, et Y.-M Bercé, Fête et révolte Des mentalités populaires du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1976, p 148.
26 Si elles passionnèrent parfois l’érudition locale, ces querelles occupent peu de place dans les grands classiques : Fr Bluche, Les magistrats du Parlement de Paris au XVIIIe siècle (1715-1771), Paris, 1960, ou M Gresset, Gens de justice à Besançon (1674- 1789), Paris, 1978.
27 ADP A, B 4547, f° 218.
28 Une querelle à peu près semblable éclata en 1737 avec les jurats d’Orthez qui firent eux aussi amende honorable : « le corps ne s’est plaint que malgré luy de ce qu’il a crû estre une nouveauté » ! B 4553, f° 40 Chaque fois la cour fut soutenue sans faiblesse par la chancellerie.
29 Voir C Desplat, Pau et le Béarn..., t 2, p 1146-1148.
30 ADP A, B 4552, f° 11.
31 Le parlement s’appuyait sur un règlement intérieur de 1655 et sur un règlement royal de 1678 Depuis 1620 il n’existait en matière de pompes funèbres parlementaires que deux précédents, en 1655 et 1701.
32 ADPA, B 4551, f° 138-145.
33 ADPA, B 45S2, f° 1.
34 ADPA, B 4549, f° 32 à 38.
35 ADPA, B 4551, f° 64.
36 ADPA, B 4553, f° 162.
37 ADPA, B 4550, f° 1.
38 ADPA, B 4547, f° 195.
39 ADPA, B 4547, f° 236.
40 ADP A, B 4548, f°151.
41 ADP A, B 4549, f° 166 et 168.
42 ADP A, B 4550, f° 16.
43 ADPA, B 4552, f° 182.
44 ADPA, B 4553, f° 1.
45 ADPA, B 4554, f° 182.
46 M Bordes, D’Étigny et l’intendance d’Auch (1751-1767), Auch, 1957, a souligné le rôle pacificateur de cet intendant.
47 ADPA, B 4549, f° 72.
48 ADP A, B 4550, f° 52.
49 ADPA, B 4553, f° 26.
50 ADPA, B 4548, f° 14.
51 ADPA, B 4549, f° 77-78.
Auteur
Professeur d’histoire moderne Université de Pau et des pays de l’Adour
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mine claire
Des paysages, des techniques et des hommes. Les techniques de préparations des minerais de fer en Franche-Comté, 1500-1850
Hélène Morin-Hamon
2013
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Michel Taillefer
2014
« Rapprocher l’école et la vie » ?
Une histoire des réformes de l’enseignement en Russie soviétique (1918-1964)
Laurent Coumel
2014
Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)
Claudine Adam
2015
Sedes Sapientiae
Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale
Sophie Brouquet (dir.)
2016
Dissidences en Occident des débuts du christianisme au XXe siècle
Le religieux et le politique
Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.)
2015
Huit ans de République en Espagne
Entre réforme, guerre et révolution (1931-1939)
Jean-Pierre Almaric, Geneviève Dreyfus-Armand et Bruno Vargas (dir.)
2017