Le clergé rural gascon à la fin du Moyen Âge (xive-xvie siècles)
p. 41-59
Texte intégral
1Nous abordons ici l'histoire du clergé rural gascon dans la dernière partie du Moyen Âge, plus exactement à partir du XIVe siècle et en incluant le XVIe jusqu'au Concile de Trente (1545-1563).
2Le cadre géographique retenu ne recouvre pas toute la Gascogne mais l'actuel département du Gers, cadre artificiel certes, mais riche d'une grande diversité politique et religieuse.
3D'un point de vue politique, ce territoire comprend les anciens comtés d'Astarac et de Fezensac, celui-ci fractionné plus tard en comtés ou vicomtés d'Armagnac, de Gaure, de Pardiac, de Fezensaguet. Le Gers recouvre en outre la partie méridionale de la Lomagne autour de Lectoure, du Comté d'Agen autour de Condom, la partie occidentale du comté de L'Isle-Jourdain et le Bas-Comminges avec Samatan et Lombez.
4La géographie ecclésiatique n'est pas moins éclatée. Certes le diocèse d'Auch recouvre plus de la moitié du territoire gersois. Mais au Nord et à l'Est surtout, les diocèses de Condom et de Lombez furent prélevés, en 1317, sur ceux d'Agen et Toulouse. Quant à Lectoure, le diocèse existait dès les origines chrétiennes. À l'Ouest et au Nord-Ouest, le département est grignoté par deux avancées du diocèse de Tarbes et par une échancrure du diocèse d'Aire-sur-Adour, dont la ville épiscopale était toute proche. À l'époque qui nous occupe, les pays gersois incluaient donc quatre villes épiscopales : Auch (métropole), Condom, Lectoure et Lombez (Condom cependant faisait partie de la province ecclésiastique de Bordeaux, Lombez de celle de Toulouse).
5Cette diversité, aux plans politique et ecclésiastique, n'a pas été étrangère à la multiplication des implantations bénédictines et autres, et plus tard des ordres mendiants (voir les cartes jointes). Chaque siège épiscopal avait évidemment son chapitre canonial. Mais, dans sa partie septentrionale, le grand archidiocèse d'Auch comptait, depuis le XIe siècle, quatre collèges de chanoines, tous subordonnés au siège archiépiscopal : Sos (actuellement en Lot-et-Garonne), Nogaro, Vic-Fezensac et Jégun. Ces chanoines appartenaient donc au clergé séculier, mais ils étaient l'émanation de la petite aristocratie locale et, pas plus que le clergé régulier, ils n'entrent directement dans le cadre de cette étude.
6Les sources documentaires dont nous disposons sont très réduites. À l'exception des textes des constitutions provinciales, pour l'ensemble gascon, et synodales pour le diocèse d'Auch (toutes d'ailleurs publiées)1, nous ne connaissons pas d'archives ecclésiastiques pour cette période, mis à part les pouillés diocésains qui ne sont ici d'aucune utilité2. Les seuls témoignages d'une vie ecclésiastique, saisie en grande partie dans son aspect matériel ou dans sa marginalité, seront donc extraits d'archives civiles. Essentiellement les notaires des XVe et XVIe siècles, relativement abondants surtout dès le dernier quart du XVe, mais n'intéressant guère que la moitié Nord du département3. Occasionnellement, nous aurons également recours aux Comptes consulaires des villes de Montréal et Riscle pour cette période4.
Origines familiales du clergé rural
7Sur ce point, nos sources sont très peu explicites et il faudrait de longues recherches à travers les actes notariés pour saisir, dans quelques cas, des filiations assurées. Dans la bastide de Montréal, dans les dernières années du XVe siècle, cinq clercs accèdent à la prêtrise5. Ils sont en majorité de familles qui fournissent des consuls, marchands, artisans ou paysans aisés. Vers la même époque, à Nogaro et dans une cinquantaine de paroisses voisines, nous avons les noms de quelque cent cinquante prêtres ou clercs6. Une très forte majorité semble issue du milieu paysan. C'est évident pour des paroisses telles que Bétous, Bouzon, Caupenne, Cravencères, Espas, Fustérouau, Saint-Griède, Sainte-Christie d'Armagnac, où apparaissent dans chacune trois ou quatre prêtres, or ces localités sont exclusivement paysannes, nous ne voyons s'y manifester aucun marchand ou aucun personnage plus ou moins lié à l'administration seigneuriale. On ferait la même constatation pour Cologne dont les vingt-six prêtres obituaires, en 1545, sont à peu près tous issus de la paysannerie locale. Les six vicaires sont soit fils de paysans, soit fils de petits marchands7.
8La petite noblesse locale pourvoit assez bien les églises collégiales, ainsi le chapitre de Nogaro, où nous trouvons en 1484 des cadets des Armagnac-Termes, des Luppé, des Lavardac, des Lau. Un fils des Padailhan, seigneurs de Panjas, est abbé du monastère bénédictin de Tasque. Mais dans quelle mesure les fils de famille occupent-ils des postes de recteurs ou curés dans les paroisses rurales ? Très peu apparemment. Ainsi Me Manaud de Saint-Jean, recteur de Préchac-sur-Adour, est le fils de l'abbé-lai du lieu. Odon-Guilhem de Larée, fils du seigneur de Bétous en Armagnac, n'a pu être investi d'une cure que dans la région d'Astarc, à Bazugues. Son neveu est également prêtre mais ne régit pas une paroisse8. Un de Seysses, fils du seigneur de Sirac, est prêtre et réside sous le toit paternel, mais la cure ne lui appartient pas9. Sur un nombre de vingt-six curés relevé dans la région armagnacaise, quatre sont assurément de familles nobles, deux d'origine incertaine, les autres, soit une vingtaine, d'origine roturière10.
9Les constitutions de la province ecclésiastique d'Auch en 1326 interdisaient l'ordination de prêtres étrangers au diocèse11. 150 et 200 ans plus tard, on est surpris de voir le nombre de prêtres issus de diocèses relativement lointains, en particulier Rodez et Saint-Flour, alors que le diocèse d'accueil est abondamment pourvu. Certains de ces ecclésiastiques font même ce que l'on appellerait ailleurs une belle carrière : né à Capdenac, Jean Fabre n'en devient pas moins chanoine de Vic-Fezensac et archiprêtre de Gondrin12. En 1471, il fera un testament dont nous aurons l'occasion de reparler.
Études et formation du prêtre
10Les écoles de campagne étaient ouvertes aux fils des bourgeois ainsi qu'aux fils de paysans aisés que ceux-ci destinaient à la prêtrise. Beaucoup d'écoles du XVIe siècle étaient connues mais, à travers une recherche récente, celles du XVe apparaissent déjà très nombreuses13. Malgré les lacunes de la documentation, on en a recensé dans une quinzaine de localités et une projection sur l'ensemble du département permet de les multiplier sans doute par trois.
11Voici quelques exemples de scolarisation en vue de la prêtrise. En 1494, dans le bourg de Lannepax, Bernard Dupouy institue ses cinq fils héritiers universels. Ils devront se partager l'héritage en parts égales. Cependant si le second d'entre eux, Guillaume, veut étudier et se faire prêtre, les autres devront l'aider à faire ses études (pro eundo ad scolas) et l'habiller honnêtement jusqu'à la prêtrise14. Également à Lannepax, en 1515, Jean Lagarde lègue à celui de ses héritiers « qui voudrait se faire prêtre » (qui vellet sacerdotari) une somme d'argent pour aller aux écoles (pro eundo ad scolas) jusqu'à ce qu'il parvienne au sacerdoce15. En 1516, le paysan Garcie Ortholan, de Lamazère près Mirande, lègue à son fils Guillaume onze écus à raison d'un écu par an, pour qu'il aille aux écoles et apprenne les belles-lettres (causa eundum ad scolas et ad addicendum litteras). La durée des études est donc prévue pour onze ans, sans doute se termineront-elles à l'université ; mais le donateur prend ses précautions : à condition, précise-t-il, que son fils aille aux écoles pour apprendre les belles lettres et non autrement ! (Dum tamen accedat ad scolas ad fines addicendum litteras et nos alias)16. Ces exemples apparaissent un peu tardifs, mais on voit fonctionner des écoles rurales dès que la documentation est disponible : 1411 à Montréal, 1417 à Condom, 1428 à Vic-Fezensac, etc.
12Bien que tenues par des prêtres, ces écoles étaient municipales et gérées par les consuls de la communauté. L'enseignement s'étendait sur 6 ans et les enfants apprenaient à coup sûr à lire, à compter, à écrire, mais aussi sans doute bien d'autres rudiments et une véritable culture religieuse.
13Les Constitutions provinciales de 1290 précisent bien que l'évêque ne peut conférer les ordres mineurs à aucun illettré (illiteratus)17. En fait, tous les prêtres savent lire et écrire, ils doivent posséder le texte des synodes18 et les archidiacres pourront vérifier leurs connaissances19, ils doivent lire quotidiennement leur bréviaire, user du missel et du rituel. Ils sont tenus d'écrire le nom de tous les excommuniés20, de rédiger l'inventaire de tous leurs biens21.
14Quelques curés de campagne avaient même poursuivi leurs études en faculté, ainsi les recteurs de Laujuzan et de Mauléon d'Armagnac, bacheliers en droits22.
15D'autres enfin, prêtres ou clercs, gradués ou non, se consacraient à l'enseignement dans les écoles de campagne. Thomas Trilhe, maître principal (magister principalis et caput scolarum) des écoles de Vic-Fezensac était gradué ès arts ; son auxiliaire, Bernard Dufréchou, bachelier23.
16Les bibliothèques connues de prêtres ne comprennent guère que des œuvres religieuses, ainsi celle du curé de Solomiac, Bernard Dufour, au moment de l'inventaire de ses biens après décès en 1489 : un bréviaire de l'ordre de Saint-Étienne, un psautier en parchemin, un livre de collectes, en parchemin, un livre en papier appelé Manipulus curatorum, un autre appelé Speculum Ecclesie, également en papier, un livre en parchemin où sont écrites et notées toutes les passions, un livre en parchemin où sont écrites les épîtres24.
17Plus décevants encore sont les testaments de prêtres car rien n'est détaillé de ce qui est attribué au légataire universel et c'est souvent le cas de la bibliothèque. Quand il s'agit de legs particuliers à des clercs, ils concernent toujours des bréviaires, des psautiers, des missels, des vademecum, des obsequium. Plus originale est la bibliothèque d'un clerc de Vic-Fezensac en 1420 : il lègue à un autre clerc un Abreardum, un Alexandrian, une Lectura doctrinalis et tous les livres de grammaire qu'il possède25.
L'inflation numérique
18Nous avons fait état de documents au sujet des origines familiales, il nous faut les reprendre pour tenter une évaluation très approximative du nombre de clercs et de prêtres. Sur quatre ans (1484-1488), au hasard d'un seul registre d'actes notariés, sont signalés 120 prêtres et 30 clercs de la région de Nogaro, sur une cinquantaine de paroisses26. Mais toutes les paroisses n'apparaissent pas et, dans celles qui apparaissent, beaucoup d'ecclésiatiques ne sont pas nommés. Dans une dizaine de petites communautés, trois ou quatre sont signalés, non point tous. Et pour la seule ville de Nogaro, 20 prêtres et 12 clercs, sans compter les 8 chanoines de la collégiale27 et les 12 Frères Mineurs du couvent des Cordeliers28.
19La confrérie des prêtres du Saint-Esprit d'Aignan regroupait librement quelques prêtres de plusieurs paroisses d'alentour. On en comptait au moins 52 en 1484, dont 8 à Aignan, 5 à Termes d'Armagnac, 4 à Fustérouau et 4 à Tasque, 3 à Espas, 3 à Cravencères29. Dans la bastide de Montréal, à la même époque, le service paroissial était assuré par un recteur, un ou probablement plusieurs vicaires. Mais l'église abritait un collège de prêtres (les capéras) au nombre de 14. Ce collège fut réduit à 10 par décision autoritaire de l'évêque de Condom en 1493, décision refusée par les consuls qui lui intentèrent un procès30.
20En 1518 et encore en 1526, les prêtres du village d'Aubiet étaient au nombre de 18. Ils faisaient des fondations de messes, apparemment pour assurer des revenus à leurs confrères. La plupart étaient originaires du lieu et appartenaient aux familles les plus marquantes. Dans son testament de 1518, le prêtre Pierre Lacroix veut que 80 prêtres soient invités à sa sépulture, ainsi qu'aux services de bout de mois et d'an. Pour la neuvaine, seulement tous ceux d'Aubiet31.
21À l'extrémité orientale du département, à Cologne, 26 prêtres obituaires se donnent un syndic en 154532. Quelques autres sont absents, nous précise le texte. À quoi il faut ajouter le recteur de la paroisse et sept vicaires, quatre pour la ville et sa banlieue, trois pour les églises rurales Saint-Georges et Saint-Pierre33. Le nombre de clercs reste inconnu. Dans cette même bourgade, en 1537, le prêtre Jean Pourtier demandait dans son testament que soient présents à sa sépulture, aux services de neuvaine et d'anniversaire, 100 prêtres, dont les 6 religieux dominicains du couvent de Mauvezin. Le testateur précisait que ces 100 prêtres seraient en provenance de Cologne et de sept autres paroisses limitrophes. Parmi celles-ci la paroisse de Sirac dont on sait qu'elle en comprenait au moins sept34.
22L'inflation n'était pas encore à son comble ! En 1555, la veuve du riche marchand de Cologne Pierre Griffolet réclamait à ses obsèques, services de neuvaine et bout d'an, la présence de 200 prêtres35. Cette fois, le nom des paroisses où se ferait le recrutement n'était pas donné. Quelque vingt années plus tôt, c'est ce même nombre de 200 prêtres qu'Arnaud de Grossoles, seigneur de Flamarens, conviait à sa sépulture et services funèbres36.
23Plusieurs indices semblent montrer que le nombre de prêtres s'accroît vers la fin du XVe siècle pour ne cesser de grandir au siècle suivant. Sans pousser au delà notre réflexion, cet accroissement paraît accompagner les deux courbes ascendantes de la démographie et de la prospérité matérielle, dans une paix retrouvée.
Le statut ecclésiastique
24Au premier rang du clergé rural apparaissent les rectores, « recteurs » ou curés, c'est à dire ceux qui ont charge d'âmes sur le territoire d'une paroisse. Ils sont toujours nommés par l'évêque, mais souvent sur présentation d'un « patron », le plus souvent lointain successeur du fondateur de la paroisse, seigneur laïque ou monastère. Combien sont ces recteurs ? Aussi nombreux ou presque, car le cumul est théoriquement interdit, qu'il y a de paroisses. Or elles sont fort nombreuses et parfois de petites dimensions. Par exemple à Auch la petite paroisse de Bazillac près Ordan. Dans la région de Nogaro, celles de Violes, d'Espagnet, de Gellenave, de Saint-Aubin au Houga, et bien d'autres encore. On peut sans doute les évaluer à près d'un millier dans le cadre gersois. La prise de possession de la paroisse par le recteur donnait lieu à un cérémonial dont nous sont parvenues de nombreuses relations : présentation par le bénéficiaire à un prêtre ou curé voisin des lettres de nomination, émanées de la curie épiscopale, puis déroulement du cérémonial habituel : le bénéficiaire ouvre et ferme les portes de l'église, sonne la cloche, se rend aux fonts-baptismaux, touche les vases sacrés ou le tabernacle, les burettes, le missel, revêt les vêtements sacerdotaux, etc., quelques-uns d'ailleurs de ces gestes symboliques pouvant être omis37.
25Le curé est tenu à résidence et les statuts synodaux lui enjoignent d'habiter au plus près de l'église38. Il ne peut s'absenter de sa paroisse au delà de quinze jours sans autorisation spéciale39, et si son absence est motivée, par exemple pour cause d'études ou de pèlerinage, il doit mettre sa cure en fermage.
26Les contrats de fermage de ce type subsistent nombreux dans les registres notariaux40. Le preneur, un prêtre du lieu ou du voisinage, s'engage à bien desservir la paroisse, même en temps de peste, il doit dans certains cas assister au synode, retirer à Auch les saintes huiles, payer la lettre de regendo. Le bailleur s'engage à verser au preneur une somme d'argent ou laisse une partie des revenus de la dîme, et le casuel appelé aussi « manuel » ou bérouilh.
27L'obligation de desservir en temps de peste était une éventualité que l'on ne pouvait exclure. Le 28 août 1508, des témoins viennent déposer devant notaire les dernières volontés d'un homme récemment décédé de la peste à Marambat. Pendant que le vicaire du lieu, à son chevet, prenait note des dernières volontés, les témoins écoutaient à la fenêtre d'une maison d'en face, de l'autre côté de la rue !41
28Les vicaires justement sont les auxiliaires du curé. Ils apparaissent rarement dans les petites paroisses (Arblade-Brassal42, Marambat43 par exemple), mais nous en avons vu jusqu'à 7 dans la petite ville de Cologne. Très nombreux en revanche sont les prêtres, sans autre qualification dans nos textes, mais qu'il faut bien appeler obituaires, parce que leur activité sacerdotale se réduisait à peu près à dire les messes de requiem ou obits demandés par les fidèles. Ces obits pouvaient d'ailleurs être regroupés en neuvaines ou en trentains de messes, et plusieurs de ces fondations pieuses étaient faites à perpétuité : c'étaient les chapellenies, chacune desservie par un chapelain. Un noble ou un riche bourgeois affectait les revenus d'une maison et de quelques terres à un chapelain qui contractait ainsi l'obligation de dire des messes pour le repos des âmes du fondateur et de sa famille, à date fixe. Le premier chapelain était désigné par le fondateur, les suivants par ses héritiers, chapelain habituellement choisi parmi les prêtres les plus proches de la famille. Avec quelques variantes, c'est ainsi que fonctionnaient les innombrables chapellenies fondées surtout à partir de la fin du XVe siècle44.
29Le clerc ne pouvait accéder à la prêtrise que s'il possédait un « titre clérical ». Celui-ci lui était attribué, devant notaire, s'il était pourvu d'un minimum d'avoirs immobiliers ou s'il était assuré d'une honnête subsistance. Plusieurs pères de famille y pourvoyaient en faisant à leur fils clerc une dotation qui consistait en terres, vignes et quelquefois en une maison ou partie de maison, tout cela à valoir sur l'héritage paternel45.
30D'autres clercs, d'origine plus pauvre ou venus d'ailleurs, avaient recours à la générosité d'un protecteur, généralement aisé. Le 25 mars 1501, un « clerc libre » du diocèse de Saint-Flour, « désirant très fortement être promu aux ordres sacrés... et comme il est statué que nul ne peut l'être s'il ne possède d'abord de quoi vivre » va trouver Bernard Dufort, marchand de Viella. Celui-ci qui a, dit-il, grande confiance dans les messes et prières dudit Géraud, lui promet à l'avenir nourriture et vêtement, dans la mesure de ses moyens46. À Monfort, en 1479, c'est un hôtelier du nom de Pierre Dupouy, qui prend en charge ainsi deux clercs originaires du diocèse de Rodez. À l'un il assurera nourriture et vêtements, à l'autre la nourriture et les vêtements sacerdotaux. L'hôtelier a agi, dit-il, par piété et amour de Dieu47. Mais ce sont également des clercs originaires des pays gersois, Castillon-Debats ou Plaisance, qui font appel aux libéralités du seigneur de Marambat pour l'un, de deux frères, marchands vicois, pour l'autre48.
31Les collèges de chanoines distribuaient quelques prébendes à des prêtres du voisinage dont nous ne savons rien des raisons qui motivaient leur choix. Nous relevons le nom de quatre de ces prêtres (dont un curé) à Nogaro en 148449. À L'Isle-Jourdain un nombre identique au début du XVIe siècle. Dans cette dernière collégiale, ils avaient un tombeau qui leur était réservé et la prébende s'élevait, du moins pour l'un d'entr'eux, à la somme de 18 livres par an50.
32On l'a compris, l'état de cléricature était un état transitoire dont on s'efforçait de sortir pour être admis à la prêtrise qui entre autre offrait un état de vie plus stable et plus décent. On pouvait être clerc dès le jeune âge. Ainsi, en 1503, un père de famille de Vic-Fezensac place son fils de 6 ans, en tant que clerc, auprès d'un prêtre originaire de Tours qui s'engage à lui apprendre la musique, le chant et « autres bonnes connaissances »51. Dans d'autres cas, il apparaît que le jeune enfant reste au service du prêtre, quelquefois avec ses parents domestiques, et qu'il reçoit l'éducation souhaitable en vue de la prêtrise52. D'une manière générale, l'enfant va à l'école du village, ou du village voisin, sans quitter le milieu familial. Il reste ensuite dans les « ordres mineurs » jusqu'à ce que l'attribution de biens puisse justifier un « titre clérical » et l'accès aux « ordres majeurs » ou in sacris, sous-diaconat, diaconat et prêtrise.
33Ces clercs étaient particulièrement nombreux. Dans la région de Nogaro un trentaine pour 120 prêtres environ, dont une très forte proportion, une douzaine, au chef-lieu53.
34À quelques mois d'intervalle, Bernard Duplanté, d'Aignan, est dit diacre puis prêtre ; Jean Fitère, de Maulichères, clerc puis diacre ; Jean Faget, du Mimort, clerc, puis diacre, puis prêtre54. Il pouvait arriver qu'un clerc soit curé de paroisse avant d'avoir reçu la prêtrise, mais il fallait, aux termes des constitutions provinciales du début du XIVe siècle, qu'il soit ordonné prêtre dans l'année55. C'est probablement ce qui dut arriver à Guillaume Bernadias, de Castelnavet dans la région d'Aignan. En 1494, il est mentionné comme clerc et néanmoins curé d'Esparros en Bigorre ; quelques mois plus tard, il est qualifié d'acolyte, c'est à dire tout près de rentrer dans la hiérarchie des ordres majeurs56.
35L'église de la fin du Moyen Âge faisait la chasse aux clerici vagi ou soluti, c'est à dire à ceux qui n'étaient pas sous la juridiction d'un évêque, libres de tout lien avec un diocèse. Nous en avons retrouvé trois, dont deux précisément demandent une prise en charge, pour le vivre et le couvert, à des protecteurs de Marambat et de Viella57.
État de fortune et revenus
1. Biens patrimoniaux et faire-valoir
36Nous l'avons dit, dans bien des cas le prêtre était pourvu de quelques biens fonciers, à la suite d'une donation ou d'un héritage. Il lui était donc loisible d'exploiter directement ses biens, de les vendre, de les louer, de les mettre en fermage. C'est ce que fait, en 1522, un prêtre de Monferran-Savès pour sa borde de la Cavalerie de Pujos58. D'autres mettent en gasaille ou bail à cheptel des animaux : un recteur de Lau place ainsi, en bail à mi fruit, cinq bœufs, quatre vaches, deux veaux, une jument59. Un autre, à L'Isle-Jourdain, donne en location une forge complète, peut-être héritée de son père ( ?) : cela lui rapportera quatre sacs de blé par an60. D'autres vendent une maison61, du vin62, un char à quatre roues63 et même des pièces de drap : nous sommes à Mirande, il est vrai, véritable centre manufacturier64.
37L'argent réalisé est normalement réinvesti. L'un achète une maison65, un autre prend une vigne en fermage66. Plus original encore, ce prêtre de Saint-Mont, en association avec deux laïques, prend en fermage la taverne communale67. Il ne leur restera plus qu'à la sous-louer, en réalisant un bénéfice, bien entendu. D'autres placent leur argent en commende, le confiant à des hommes sûrs qui pourront ainsi commercer et réaliser des bénéfices68.
2. Revenus au titre de l'état sacerdotal
38Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà dit des revenus liés à l'exercice de la fonction sacerdotale : honoraires de messes et obits, neuvaines, trentains, fondations diverses, ou encore revenus de prébendes ou chapellenies.
39Liés à la fonction curiale étaient les dîmes et le casuel. Celui-ci consistait en des offrandes, tarifées ou non, que versaient les paroissiens à l'occasion des services spirituels reçus, essentiellement les sacrements. Les fermages de cure stipulent que tout le casuel (appelé encore manuel ou berrouilh) appartient en entier au preneur du bail. Mais nous ne saurions en dire davantage69. Nos documents sont muets sur ce point, non moins que les statuts synodaux publiés.
40Il n'est pas possible, dans ce cadre limité, d'étudier la dîme, car, pour le curé, le taux de perception variait considérablement d'une paroisse à l'autre, et dans une même paroisse, d'un « parsan » à l'autre. Voici, à titre d'exemple, comment étaient partagés les fruits décimaux, en 1564, dans la petite paroisse de Sion en Bas-Armagnac. Le prélèvement sur l'ensemble des récoltes, grain et vin, était d'un dixième. Ce dixième était à son tour divisé en 16 parts dont 4 allaient au curé, 2 à l'archevêque, 3 au chapitre de Nogaro, les 7 autres restant à la fabrique de l'église70.
3. Autres revenus occasionnels
41Nous avons parlé des maîtres d'école, en tres grande majorité clercs ou prêtres. Comment étaient-ils rétribués ? De deux manières. D'abord ils reçoivent un traitement fixe de la communauté, pour une part en argent, pour une part en nature (vin et froment). A cela s'ajoutent les contributions des parents d'élèves, appellées collectes, dont nous ne savons au juste en quoi elles consistaient71.
42Certains prêtres avaient réussi à se glisser dans les rouages de l'administration seigneuriale, à des échelons sans doute modestes ou relativement modestes, et à ce titre évidemment percevaient des émoluments. L'un d'eux, Bonhomme de Bariquaire, était receveur du comte d'Armagnac à Vic-Fezensac en 143472. En 1474, apparaissent dans la région de Mirande deux receveurs généraux du Comte d'Astarac, Pierre de Cardes et Pierre Labat, tous deux prêtres et agissant conjointement73. Le seigneur de Lautrec a pour receveur, à Loussous, le prêtre Bertrand Dupouy74. C'est parmi les prêtres également que le seigneur de Barbazan d'une part75, le commandeur de Saint-Jean de Jérusalem à Sainte-Christie d'autre part76, se choisissent leurs procureurs.
43Nous avons rencontré aussi, tout au début du XVIe siècle, deux prêtres tabellions, l'un à Saint-Mont77, l'autre à Bouvées, près de Mauvezin78. Et deux maîtres de chant, l'un à Vic-Fezensac dont nous avons parlé79, l'autre à Saint-Mont. Ce dernier, Rostand Broquier, originaire de Provence, avait enseigné le chant aux enfants de la maîtrise d'Aire-sur-Adour. Il réclamait 50 francs bordelais que lui devait encore le chapitre de cette ville pour son travail et pour les dépenses occasionnées par ses élèves80. Enfin deux manuscrits ont été copiés à Auch par deux prêtres (ou peut-être le même prêtre, une recherche reste à faire). Le premier manuscrit, un Speculum puerorum se trouve aujourd'hui à la bibliothèque de l'université d'Upsal, en Suède. Il porte la date de 144781.
44L'année suivante un autre manuscrit, aujourd'hui à la bibliothèque municipale d'Auch, fut copié dans cette ville. Nous connaissons cette fois le nom du copiste, c'est un prêtre du nom d'Antoine Vincent, en résidence à Auch, mais originaire du diocèse de Mende. Le texte est une brève compilation d'articles de droit canonique82.
Modes de vie
45Sur les vingt-six recteurs ou curés rencontrés dans la région de Nogaro, tous, semble-t-il, gardaient la résidence, à l'exception de deux qui vivaient dans la petite ville voisine de Nogaro, celui de Caupenne, paroisse limitrophe, et celui de Violes paroisse distante de deux lieues83. La très grande majorité des prêtres obituaires paraissent résider dans leur paroisse d'origine et très probablement dans leur famille ou à proximité. C'est là que leur a été léguée une maison, parfois une ou deux pièces seulement.
46À quoi occupent-ils leur temps en dehors de la messe qu'ils célèbrent évidemment à l'église du village84, en dehors de l'office et de quelques prières ?
47Nous n'avons aucune certitude, mais il n'est pas téméraire de penser qu'ils travaillent leurs terres, avec l'aide de leurs frères qui trouvent également en eux deux bons bras à la saison des gros travaux et des récoltes. On peut penser que le froment ou le vin qu'ils mettent en vente sont en grande partie le fruit de leur labeur. On a conservé au moins un acte de constitution d'association fraternelle (affrayramentum). En 1500, à L'Isle-Jourdain, un prêtre et son frère marié s'engagent à vivre et travailler ensemble, « mangeant le même pain, buvant le même vin »85. Pour un contrat explicite, combien de rélisations semblables, probablement, étaient la conséquence de conventions plus ou moins tacites !
48Plusieurs questions se posent que les documents ne permettent pas de résoudre. Quel est dans la fratrie celui des garçons qui a été choisi pour être prêtre ? Et ce choix était-il irrévocable ? En 1494, à Lannepax, Bernard Dupouy institue ses 5 fils légataires universels, ils devront se partager l'héritage en parts égales. Les 5 frères sont cités dans l'ordre suivant : Fort, Guillaume, Bernard, Jean et autre Jean. Le testateur continue : quod si contingat quod dictus Guilhelmus velit studere et promoveri ad sacros ordines, quod alii heredes sui teneantur eum juvare pro eundo ad scolas donec celebraverit missam et facere expensas sui festi et eum induere honeste pro celebrando missam86. Nous avons donné ce texte in extenso et dans le latin originel, car il nous paraît révélateur. D'abord, il semble bien que le choix de la famille se soit porté sur le cadet. Ensuite que la liberté lui est laissée d'être promu aux « saints ordres » (si velit studere et promoveri...) Dans la même localité, Jean Lagarde lègue une somme d'argent à celui de ses héritiers « qui voudrait se faire prêtre » (qui vellet sacerdotari)87.
49À Lannepax également, Vital Labatut lègue à son fils Pierre, clerc in sacris, un bréviaire qu'il a déjà, et « lorsqu'il célèbrera sa première messe, qu'on lui fasse fête aux frais de la maison pour qu'il prie Dieu pour le testateur et tous les siens ». Le même Pierre est institué héritier universel en même temps que ses deux frères88.
50Nous sommes obligés de raisonner à partir d'indices peu nombreux et fragiles, mais il semble bien que la cléricature était en fait imposée à l'enfant par la famille, et que l'entrée définitive dans les ordres majeurs (ou « sacrés » comme on disait), et qui impliquaient le célibat, était au contraire l'objet d'un choix personnel et délibéré du clerc.
51S'agissant de célibat, nous n'avons pas rencontré une seule mention de prêtre marié ou même vivant en concubinage, alors que ce dernier cas n'était pas rare en Béarn à la même époque89. La seule mention d'un fils de prêtre est la suivante : le 24 mai 1503 sont établis les pactes de mariage entre Manaud Lodouch, fils de Pierre Lodouch, prêtre de Peyrusse-Grande, et Jeannette, fille de noble Bernard de Ponsan, seigneur du petit fief du Bouan, à Peyrusse90.
La confraternité
52Tandis que les collégiales étaient réservées aux chanoines qui jouissaient de prébendes et de revenus particuliers, il semble que les prêtres ruraux, et en particulier les obituaires, aient eu tendance à se regrouper au sein de confréries ou fadernes, consorses, collèges ou autres « messaux ».
53La première confrérie qui apparaît dans nos textes est celle du Saint-Esprit qui a son siège à Aignan, en Armagnac. En 1450, un chanoine de Vic-Fezensac, testant avant son départ pour Rome, demande à ses confrères, s'il vient à décéder, de célébrer « un septenaire de messes comme il est de coutume »91. Bien plus tard, en 1515, un prêtre de Séailles confie qu'il est membre de la confrérie du Saint-Esprit d'Aignan « où se retrouvent de nombreux prêtres, et chacun est tenu, après le décès d'un confrère, de célébrer ou faire célébrer pour lui un septenaire de messes »92. Des documents de 1484 donnent les noms et la résidence de 52 de ces confrères répartis sur plus d'une vingtaine de communes actuelles. Elle était à l'époque sous l'autorité de Pierre de Saint-Mont, archiprêtre de Crémens et « abbé de la haute confrérie (alme confratrie) du Saint-Esprit d'Aignan ». C'était donc une œuvre d'assistance spirituelle et confraternelle93.
54Légèrement différents paraissent les « collèges » de prêtres dont l'assise semble ne pas dépasser les limites de la communauté humaine et dont les buts apparaissent autres. Ainsi les « collégiats » de Montréal, au nombre de 14 puis de 10, regroupés dans l'église N.D. de Montréal, se partageaient les chapellenies, obits et autres « légats »94. Des collèges de ce genre sont attestés au XVIe siècle à Valence-sur-Baïse95, Beaumarché96, Riscle97, Barcelonne98, Lagraulet près de Gondrin. Dans ce dernier bourg existait aussi une confrérie de clercs (confratria clericorum) dont le but fut peut-être légèrement différent : plusieurs textes parlent en effet de « l'hôpital de la confrérie des clercs de Saint-Nicolas » de Gondrin99. Doit-on entendre par là qu'il s'agissait d'une sorte d'hospice pour prêtres âgés ou infirmes, par exemple ? Ce serait évidemment peu commun, aussi n'osons-nous rien affirmer.
55En Bigorre, où ce genre d'association a été mieux étudié, on les appelait fadernes, mot dérivé du latin fraternitatem100. D'autres étaient connues sous le nom gascon de messaus, probablement parce qu'elles permettaient la répartition équitable des messes. Au XVIe siècle, on trouvait un de ces « messaus » à Gimont101.
56Il n'est pas certain que les autorités ecclésiastiques aient toujours vu d'un œil très bienveillant ces regroupements de prêtres qui ne semblent pas avoir été prévus par le droit canonique. Voici en tout cas ce que disent les statuts synodaux du XIVe siècle : « Aux confréries et fadernes, ainsi qu'à leurs responsables, nous interdisons fermement de se mêler d'affaires, de questions et querelles qui relèvent de l'archevêque, de l'archidiacre ou de tout autre... »102.
57La solidarité sacerdotale ne s'arrêtait pas là, on a un exemple d'action beaucoup plus revendicative et catégorielle. Dans les années 1460, les curés de l'archiprêtré de Vic-Fezensac forment un « syndicat » donnant procuration à l'un des leurs. Ils protestent en effet contre leur archidiacre qui veut leur imposer un droit de visite et de « dépouille ». Suivent les noms de 19 paroisses, encore le document en mauvais état ne les mentionne-t-il pas toutes…103.
La relation au monde
58Nous avons essayé d'esquisser le mode d'insertion du prêtre obituaire dans sa propre famille. Quelle était son insertion au monde laïque, particulièrement paysan ?
59Il semble qu'il était considéré comme faisant partie institutionnellement de la communauté. Sa première messe, appelée « messe nuptiale », était un événement rassemblant toute la population. À Montréal, les six consuls étaient invités officiellement et, au nom de la communauté et « pour satisfaire à la coutume », ils offraient un présent : trois chevreaux, ou bien deux moutons, ou bien un mouton et une barrique de vin. De plus, de facon rituelle, une torche dans laquelle ils introduisaient un écu...104.
60Cependant le prêtre obituaire pas plus que le recteur n'ont jamais accès aux postes de responsabilité communale, ils ne sont jamais consuls, ni syndics de la communauté, ni bailes. Je n'en ai jamais trouvé un seul parmi les milliers de noms de consuls. Les statuts synodaux d'ailleurs sont formels : « Aucun clerc ne doit administrer à la place d'un laïque prendre la charge de baile être avocat dans une cause séculière »105. Au delà de cet aspect négatif, que d'aucuns au contraire jugeront positif, eu égard à l'absence de cléricalisme, il est permis de s'interroger sur le rôle joué par les prêtres dans les toutes petites communautés où les consuls eux-mêmes ne savaient ni lire ni écrire. Il est probable qu'ils ont eu maintes fois à intervenir, pour tenir des comptes, écrire des relations d'évènements, établir des mémoires, rédiger des suppliques, etc.
61Pour terminer, nous voudrions dire un mot de l'attitude du clergé à l'égard d'un groupe de marginaux, présent à l'époque dans toutes les communautés gasconnes : les cagots106.
62Ces malheureux vivaient dans des hameaux assez isolés à quelque distance des agglomérations, ils ne pratiquaient que les métiers du bois, ne pouvaient se marier qu'entr'eux. Les grandes cagoteries avaient leur propre église et leur cimetière. Lorsque leur groupe était restreint ils assistaient aux offices de la communauté mais en restant à la porte de l'église, ou s'ils étaient admis à rentrer ils usaient d'un bénitier qui leur était propre et se groupaient au fond de l'édifice, évitant tout contact avec le reste des habitants. Ils étaient enterrés dans le cimetière commun, mais dans un carré réservé.
63Parmi les hypothèses que l'on a formulées sur leur origine, une opinion prévaut : ce seraient des descendants de lépreux exclus de la communauté par peur de la contagion. La lèpre ayant disparu, l'ostracisme s'est maintenu et c'était le cas encore à la fin du Moyen Âge. Cependant, en pays gersois, on observait déja quelques signes de réintégration : ils vendent leurs récoltes à qui bon leur semble, ils se rendent dans l'étude du notaire ou le reçoivent chez eux, ils vont à Compostelle, tous les sacrements leur sont normalement conférés, ils ont donc contact avec le clergé.
64Mais, s'agissant de l'habitat et du mariage, la ségrégation existe toujours et, dans les petites communautés, subsiste aussi une attitude de rejet et de mépris.
65À cet égard, quelle était l'attitude du clergé rural ? En fait, il semble que nous ayons à faire à deux tendances et à deux types de comportement. Encore en 1517, un prêtre, notaire ou tabellion de Saint-Mont, refuse de donner copie à deux cagots d'une lettre de créance qu'ils réclamaient : il faut que le prêtre soit rappelé à l'ordre par le juge ordinaire du pays d'Armagnac107. En revanche, 45 ans plus tôt, en 1472, l'archiprêtre de Gondrin lègue 6 écus à la fabrique de l'église paroissiale, pour qu'elle fasse construire un auvent sur la porte de l'église où se tiennent les cagots pour assister aux offices. En reconnaissance ils devront prier pour lui. Geste d'attention peut-être bien timide mais méritoire face à une communauté hostile108.
66Les historiens ont fait remarquer que, sous l'Ancien Régime, le haut clergé avait beaucoup fait pour la libération des cagots, alors que, localement, le bas clergé, victime des mentalités paysannes qu'il partageait, ne faisait rien pour sortir du statu quo. Dès la fin du Moyen Âge, nos deux anecdotes n'appellent-elles pas déjà une semblable réflexion ?
Notes de bas de page
1 J. Duffour, Livre rouge du chapitre métropolitain de Sainte-Marie d'Auch, Paris, Auch, 1907-1908.
2 Ch.-E. Perrin, Pouillés des Provinces d'Auch, de Narbonne et de Toulouse, Paris, 1972.
3 Ces notaires sont tous rassemblés aux Archives départementales du Gers (A.D. Gers) sous les cotes suivantes : Castelnavet : I 3710-3716 ; Lannepax : I 3765-3773 ; Nogaro : I 3830-3831 ; Vic-Fezensac : I 3943-4004, 4038-4050 ; Mirande et Montesquiou : 3E 2100-2103 ; Aignan : 3E 3949 bis ; Montfort : 3E 8784-8785 ; Saint-Mont : 3E 11380, 3E 11410 ; Cologne : 3E 4819-4835, E 1385-1387, E 3718.
4 P. Parfouru et J. de Carsalade, Comptes consulaires de la ville de Riscle, Paris, Auch, 2 vol., 1886, 1892 ; A. Breuils, « Comptes des consuls de Montréal-du-Gers » (1411-1450), dans Archives historiques du département de la Gironde (1895-1897) ; Ch. Samaran et abbé G. Loubès, Comptes consulaires de Montréal-en-Condomois (1458-1498), Paris, Bibliothèque nationale, 1979.
5 Ch. Samaran et abbé Loubès, Comptes consulaires..., On consultera en particulier les années qui vont de 1475 à 1493, pages 136 à 201.
6 Le dépouillement des archives notariales (A.D. Gers I 3830) a été réalisé par nous, page après page, et a fait l'objet de fiches, non publiées, commune par commune.
7 Même remarque qu'à la note précédente. Pour le « syndicat » des 26 prêtres obituaires de Cologne, voir 3E 4823, fol. 114 ; 3E 4826, fol. 144.
8 A.D. Gers, I 3830, fol. 239.
9 Notaires de Cologne, passim.
10 A.D. Gers, I 3830, passim.
11 J. Duffour, Livre rouge..., p. 9.
12 A.D. Gers, I 4038, fol. 78 ; I 4039, fol. 130.
13 G. Loubès, Prémices de la Renaissance en Gascogne : Écoles et instruction au xve siècle, Lectoure, 1981, Béziers, 1988, (colloque Pey de Garros), « Écoles en Gascogne centrale au xve siècle », dans Annales du Midi, 1983, p. 309.
14 G. Loubès, Prémices de la Renaissance..., pp. 44-45.
15 Ibidem.
16 Ibidem, p. 43.
17 J. Duffour, Livre rouge..., p. 1.
18 Ibidem, pp. 103, 263.
19 Ibidem, p. 103.
20 Ibidem, p. 91.
21 Ibidem, p. 106.
22 A. D. Gers, I 3830, fol. 368 et 503.
23 G. Loubès, Prémices de la Renaissance..., pp. 40-41.
24 A.D. Gers 3E 27162, fol. 156-157.
25 A.D. Gers, I 3956, fol. 160.
26 A.D. Gers, I 3830.
27 Ibidem. Ces chanoines de Nogaro appartiennent aux familles nobles de la région : les Armagnac de Sainte-Christie, les Luppé, les Laur, les Lavardac. On relève aussi quelques patronymes tels que Broquet, Dupouy, Lucmau et Fite qui pourraient être issus de la bourgeoisie.
28 Ibidem, fol. 417.
29 Ibidem, p. 479. La cartographie de ces 52 confrères les répartit sur des communes actuelles qui vont, du sud au nord, de Louslitges et Beaumarchés à Magnan, Sainte-Christie et Manciet ; d'est en ouest de Séailles à Izotges.
30 Charles Samaran et Gilbert Loubès, Comptes consulaires…, p. 37.
31 R. Dubord, « Institutions religieuses à Aubiet », dans Revue de Gascogne, 1864, pp. 537 et suiv.
32 A.D. Gers, 3E 4823, fol. 114, 3E 4826, fol. 144.
33 Ibidem, passim. Voir en particulier 3E 10454, fol. 212 ; 3E 4820, fol. 153 ; 3E 4824, fol. 224 ; 4E 4831, fol. 301, etc.
34 Ibidem, 3E 10454, fol. 229.
35 Ibidem, 3E 4820, fol. 167.
36 Testament d'Arnaud de Grossoles, à la date du 15 juillet 1536. Archives de La Rochette-Manlay (Côte-d'Or).
37 Les attestations sont surabondantes. On verra par exemple A.D. Gers I 3955, acte du 23 septembre 1416 ; I 3752, I 3758, registres non foliotés, plusieurs exemples.
38 J. Dufour, Livre rouge..., p. 84.
39 J. Dufour, Livre rouge..., pp. 266, 271.
40 À titre d'exemple, I 3961, fol. 72 ; I 3962 fol. 141 ; I 3996, fol. 44 et 45 ; I 4032, fol. 38, etc.
41 A.D. Gers I 4001, fol. 11.
42 I 4830, fol.
43 Voir note 41.
44 A.D. Gers, I 3962 ; I 4000, fol. 26 ; I 3955, 3956, 3963, 3995, 3E 2100. Beaucoup de ces registres ne sont pas foliotés. Le chapelain assure le service religieux dans une chapelle de l'église, quelquefois richement dotée de vêtements et objets liturgiques. A. Gondrin en 1435, on trouvait dans la chapelle Saint-Blaise : deux calices, un encensoir, quatre candélabres d'argent, une lampe d'argent, un plateau d'argent pour recueillir les offrandes, deux burettes d'argent, une croix d'argent, un baiser de paix d'argent, un ciboire d'argent, une chasuble et les ornements pour diacre et sous-diacre, une chape de drap d'or, un vieux vêtement de drap d'or, trois nappes, un surplis, une bannière aux armes du seigneur Pons à qui appartenait la chapellenie (A.D. Gers, I 3755, fol. 61).
45 Les registres de notaires de Cologne pour le xvie siècle sont particulièrement riches en dotations de ce genre.
46 A.D. Gers, 3E 11380, fol. 180.
47 A.D. Gers, 3E 8784.
48 A.D. Gers, I 3990 et I 3985.
49 A.D. Gers, I 3830, passim.
50 A.D. Hte-Garonne, 3E 10325 bis, fol. 17, 74 ; 3E 10326, fol. 78 ; 3E 10323, fol. 9.
51 Gilbert Loubès, Au temps de Josquin des Prés. Notes sur l'enseignement de la musique et du chant en Gascogne, dans Bulletin de la société archéologique et historique du Gers, 1975, p. 334.
52 Gilbert Loubès, Prémices de la Renaissance..., p. 45.
53 A.D. Gers, I 3830, passim (dépouillement sur fiches).
54 Ibidem.
55 J. Duffour, Livre rouge..., pp. 6.-7) La cura animarum et les bénéfices ecclésiastiques ne peuvent être conférés avant l'âge de 25 ans, mais on peut obtenir dispense à partir de 20 ans.
56 A.D. Gers, I 3710, fol. 235 et I 1711.
57 J. Duffour, Livre rouge..pp. 6-7. A.D. Gers, I 4000, fol. 13. Voir également les notes 46 et 48.
58 A.D. Hte-Garonne, 3E 10329, après fol. 128.
59 A.D. Gers, registres non coté (année 1435), fol. 121.
60 A.D. Hte-Garonne, 3E 10327.
61 A.D. Gers, I 3960, 3961.
62 G. Loubès, « Le commerce des vins d'Armagnac à la fin du Moyen Âge », dans Bulletin de la société archéologique et historique du Gers, 1983, p. 152.
63 A.D. Gers, I 3752.
64 A.D. Gers, 3E 2100.
65 A.D. Gers, I 3958.
66 A.D. Gers, I 3963, I 3985.
67 A.D. Gers, 3E 11380, fol. 99.
68 A.D. Gers, I 3962.
69 Voir note 40.
70 J. Camoreyt, « L'église Sainte-Marie du Bédat », dans Revue de Gascogne, 1932, pp. 71 et 125.
71 Gilbert Loubès, Prémices... op. cil. et surtout, « Écoles en Gascogne centrale au xve siècle », dans Annales du Midi, 1983, p. 315.
72 A.D. Gers, I 3959.
73 A.D. Gers, 3E 2100, fol. 1.
74 A.D. Gers, I 3711.
75 A.D. Gers, I 3960.
76 A.D. Gers, I 3990.
77 A.D. Gers, 3E 11380, fol. 40.
78 A.D. Gers, 3E 11418.
79 Voir plus haut note 51.
80 A.D. Gers, 3E 11380, fol. 159.
81 Charles Samaran, Sur un manuscrit copié à Auch en 1447, dans Bulletin de la société archéologique et historique du Gers, 1978, p. 566.
82 Ce manuscrit comprend 17 feuillets papier écrits recto-verso.
83 A.D. Gers, I 3830, pp. 72, 73, 261.
84 Ou dans l'une des multiples églises dans les écarts de la juridiction. Aux xiie et xiiie siècles, des communautés comme Durban et Fourcés comptaient une dizaine d'églises. Les prêtres devaient célébrer la messe aux heures où les fidèles pouvaient plus facilement y assister. Voir J. Duffour, Livre rouge..., p. 82.
85 A.D. Hte-Garonne, 3E 325 bis, fol. 37.
86 Gilbert Loubès, Prémices..., p. 45, et A.D. Gers, I 3990, fol. 14.
87 Ibidem, p. 45, et A.D. Gers, I 4032.
88 Notaire de Lannepax, A.D. Gers, série I.
89 Paul Raymond, Mœurs béarnaises de 1335 à 1550, Pau, 1873. Dans le diocèse d'Auch les status synodaux prescrivent qu'aucun prêtre ne célèbre la messe seul en présence de son propre fils, voir J. Duffour, Livre rouge…, p. 88.
90 A.D. Gers, I 3993.
91 A.D. Gers, I 3961, fol. 72.
92 A.D. Gers, 3E 3949 bis, fol. 179.
93 Voir plus haut note 29.
94 Voir note 30.
95 Archives communales de Valence, livre terrier de 1585, sans fol.
96 A.D. Gers, I 396, livre censier de Beaumarchés, xvie siècle, passim.
97 Le 16 juillet 1501, Me Pierre Cazeneuve, prêtre et collégiat du collège du bassin des âmes du purgatoire de l'église Saint-Pierre de Riscle, fait son testament. Si dans le passé, en étudiant, prêchant, argumentant ou autrement, il a dit ou soutenu des choses contre la Sainte Écriture de Dieu ou contre sa conscience... il le révoque, l'annule et le tient pour non avenu. Il lègue 50 écus sur lesquels seront payés aux collégiats une Bible complète, écrite sur parchemin, et un livre de quibusdam ysloriis scolasticis, également écrit sur parchemin. A.D. Gers, 3E 11380, fol. 55.
98 Ibidem, notaires de Saint-Mont.
99 A.D. Gers, I 3758, Hospitalis confratrie clericorum beati Nicolay de Gondrino, passim.
100 J. Poumarède, À l'origine des paroisses de montagne dans le diocèse de Tarbes, les Fadernes du Lavedan, dans Tarbes et la Bigorre, Tarbes, 1979, p. 105. Dans le dialecte gascon, le mot faderne, principalement en toponymie, a évolué en baderne.
101 Voir par exemple, A.D. Gers, 3E 1583, année 1572.
102 J. Duffour, Livre rouge..., (Confratiis et fradernis et earum rectoribus... firmiter inhibemus...), p. 88. L'éditeur parlant d'« associations prohibées » donne une traduction incorrecte.
103 A.D. Gers, I 4032, fol. 5.
104 Ch. Samaran et G. Loubès, Comptes consulaires de Montréal-en-Condomois..., op. cit., passim.
105 J. Duffour, Livre rouge..., p. 86.
106 Parmi une littérature abondante on retiendra la thèse récente de Françoise Bériac sur la lèpre au Moyen Âge. L'auteur de ces lignes a également sous presse un ouvrage, L’énigme des Cagots.
107 Voir plus haut note 77.
108 A.D. Gers, I 4038, fol. 78, I 4039, fol. 130.
Auteur
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