Les jardins urbains dans la France médiévale
p. 115-144
Texte intégral
1Il y a vingt ans, Noël Coulet attirait l’attention sur les jardins médiévaux à travers une étude du cas d’Aix-en-Provence entre 1350 et 14501. Sa phrase introductive posait exactement le problème : “On ne fait pas au jardin sa place”. La formule reste en grande partie exacte. Le silence relatif des textes sur les jardins et les légumes est responsable de nos ignorances. L’autoconsommation des productions des “jardins familiaux”2 faisait partie d’une vie quotidienne sans histoire qui a accrédité l’idée que, au Moyen Age, on mangeait peu de légumes. Néanmoins, si depuis vingt ans il n’y a pas eu d’étude générale sur ce sujet, des touches de détail regroupées ont fait légèrement progresser la connaissance.
2Que doit-on entendre par jardins urbains quand il s’agit de jardins nourriciers ? Les études de villes qui ont vu le jour depuis un quart de siècle permettent de savoir maintenant que des jardins ont existé à l’intérieur des villes. Plusieurs auteurs ont noté que la plupart des villes conservaient un caractère profondément rural. Beaucoup d’habitants des villes s’adonnaient au travail de la terre. Ils constituaient un groupe particulier, les laboratores. Mais aussi, bourgeois et artisans de façon à peu près générale, avaient conservé des liens avec la terre, cultivant un champ, une vigne, et plus fréquemment encore au moins un jardin. Presque tous les chefs de maison des villes bretonnes avaient au moins un jardin3 et Louis Stouff dont le livre sur l’alimentation en Provence4 a fait date, a souligné vigoureusement que ces jardins domestiques ont eu une place considérable dans l’alimentation.
Le vocabulaire des jardins
3Différents noms désignent les jardins dans les textes médiévaux. Le plus courant et le plus répandu géographiquement est ortus ou hortus, ort, dans les régions méridionales. On le rencontre partout5. Son interprétation ne pose pas de problème : c’est le jardin classique dans son sens le plus courant.
4D’autres termes, plus ou moins particuliers à une région, sont difficiles à définir avec précision. Ainsi courtil avec aussi son diminutif courtillet se rencontre-t-il à Rennes, à Vannes et dans la plupart des villes bretonnes6 où il désigne un potager de petites dimensions alors qu’ailleurs il peut désigner seulement une arrière-cour. Appliqué aussi à de petites parcelles, il se rencontre en Picardie7. D’abord terre réservée à une culture particulière — qui pouvait donc être une culture de légumes — ces courtils picards ont été multipliés au cours du XIIIe siècle. A Lyon, sous la forme latine curtilis, il a pu désigner une cour mais aussi un jardin8. Sous la forme curtilum et courtille, le terme se rencontre encore dans le Marais de Paris ou dans ses abords : d’abord clos planté d’arbres fruitiers, le sens a évolué et les légumes y sont devenus au début du XIIIe siècle la note dominante9. Dans certains cas, ce mot est employé concurremment avec ortus pour désigner la même exploitation.
5Les petits jardins sont quelquefois différenciés : c’est le virgultum d’Aix et de Chartres ou le porprisium de Lyon10. Certains termes se rencontrent rarement et n’ont permis que des traductions où demeure une part d’incertitudes. Dans le Marais de Paris11, le mot olchia employé concurremment avec ortus pour désigner une même parcelle, pouvait avoir le sens de jardin, comme ocha en Forez et ouche en Charente12. Dans certaines villes bretonnes13, on rencontre parfois quelques termes très particuliers : “clouères” désigne aussi de petits jardins, closets et planches, difficiles à définir avec précision, se rapportent néanmoins aussi aux jardins. Les bastides en général ont volontiers adopté le terme de casai ou casalère14. Jardinus ou gardinus, n’est pas très employé : on en trouve mention à Lyon, Douai, Rouen et Chartres. “Marais” sous le sens particulier de terrain consacré à la culture des légumes apparaît en 1215. Il s’imposa à ce point que, un siècle plus tard, la conversion de terres en jardins s’exprimait par terres “mises en marais”15.
6La plus grande difficulté dans l’établissement de définitions provient du mot viridarium. Très fréquent dans les textes, il est utilisé dans toutes les régions françaises et très souvent dans les villes. Sa traduction la plus générale et la plus simple est “verger”. En fait, dans de nombreux cas, on le rencontre sous la forme alternative ortum sive viridarium. Cette formule a suscité déjà beaucoup de réflexion et de façon générale, on a voulu y voir une équivalence. En réalité, pensons-nous, il ne s’agit pas d’une véritable équivalence, mais plutôt d’une hésitation à classer nettement dans l’une ou l’autre catégorie. Il pourrait être question ainsi de jardins avec des arbres ou de vergers qui comporteraient des plantations intercalaires de légumes, une forme mixte par conséquent. Le caractère dominant peut incliner ainsi soit du côté de l’arbre, soit du côté du potager. Les auteurs qui ont accepté l’équivalence concluent à l’impossibilité de distinguer entre les deux mots. Louis Stouff a relevé ainsi quelques cas qui justifient cette conclusion : celui, en 1390, d’un ortolan — jardinier professionnel — qui prend à rente une terre pour en faire un jardin et s’engage à la clôturer et à y faire planter 200 arbres fruitiers. Ou encore en 1433 un contrat concernant un jardin (ortum) sis à Arles avec tous les arbres fruitiers qui y sont plantés, les treilles et les rosiers16.
7Mais, à l’inverse, la comparaison de quelques textes dispersés montre que des nuances s’exprimaient qui prouveraient un souci d’exactitude dans la description de ces exploitations. Nous en citerons deux à titre d’exemple. L’un à Périgueux concerne un bien sis au nord de la ville17. La description de la propriété énumère “une maison avec un verger contigu, plus un petit jardin derrière le verger”. Les indications des confronts prouvent que cet ensemble est sis dans un quartier où jardins (“orts”) et vergers coexistaient et où la distinction correspond à des formes d’exploitation qui ne sont pas absolument identiques. Un autre texte se rapporte à l’abbaye Saint-Victor de Marseille : le 1er mars 142218, l’abbé de Saint-Victor passe un contrat avec un laboureur de Marseille qui prend en charge le jardin (ortus) du monastère et les jardins ou vergers qui lui sont contigus, laissant ainsi comprendre que l’exploitation des deux parcelles présente certaines différences. Au total, on peut proposer l’interprétation que cette formule d’“équivalence” pourrait signifier dans les vergers une prédominance d’arbres plus ou moins bien disposés et, dans le jardin ’’des arbres fruitiers placés un peu au hasard”19.
8Un autre problème de définition se pose sur les termes de ferrage et de verchère. Les ferrages étaient des parcelles de culture continue, en général de petites dimensions, situées tout près des agglomérations qui se rapprochent donc fortement des jardins20. Présentant quelques analogies avec le ferrage, la verchère est signalée en Bourgogne21 et en Forez : sise près de la maison22, on y cultivait des légumes et l’on y plantait des arbres fruitiers. Quant aux termes de casai et de casalère, ils ne sont pas non plus tout à fait précisés de façon claire sauf topographiquement. Ils sont surtout employés en Gascogne en particulier dans les bastides23.
Les jardins urbains
9Que sont donc ces jardins urbains, quand il s’agit de jardins utilitaires ? Depuis les jardins intra muros en passant par les abords immédiats des villes où les jardins ont leur densité maximale, puis par des zones où peu à peu et progressivement, les jardins se mêlent de plus en plus à d’autres formes d’exploitation au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’agglomération, une zone se définit qui vit en étroite osmose avec la ville24.
10La présence de jardins à l’intérieur même des enceintes des villes médiévales est constatée en maints endroits. Ils n’y occupent certes en général que des surfaces restreintes mais ils traduisent le souci d’utiliser le sol au maximum pour l’agrément ou pour l’utilité. Notre approche dans la connaissance de ces jardins urbains ne recourt qu’à de rares textes descriptifs. L’information dont nous disposons se limite à de simples mentions dans les documents fiscaux ou dans les actes de la pratique. Les jardins urbains de l’intérieur des enceintes ont été rarement de purs jardins d’agrément ; ils constituaient vraisemblablement un type mixte. Le vrai jardin d’agrément tel qu’on le voit sur les miniatures ou les tapisseries se rencontre seulement dans les demeures princières.
11Le nombre et la densité des jardins intra muros dépendaient étroitement — c’est une évidence — de la surface enfermée dans l’enceinte et du coefficient d’habitation. En règle générale, dans les petites cités ou dans les parties les plus anciennes des villes, les jardins étaient peu nombreux.
12Quelques auteurs l’ont noté dans leurs monographies : tout l’espace proprement urbain avait dû être bâti par exemple à Saint-Flour25 où à peu près chaque contribuable possédait un ou deux jardins, mais situés de façon générale dans les faubourgs. Les choses se présentent un peu différemment dans la Cité de Rodez en 1449 où deux formules ont été observées26 : certaines maisons possédaient un jardin jointif, mais aussi 29 jardins non associés à une maison constituaient un petit quartier dans la partie nord. La ville du Puy-Saint-Front de Périgueux, d’une superficie constante, paraît très significative de la présence ou de la disparition des jardins intra muros. A travers des textes qui s’échelonnent entre 1247 et la fin du XVe siècle, on peut saisir des changements liés à la situation démographique. Ces jardins intra urbains souvent désignés sous le terme de verdiers ou viridarium, ont été relativement nombreux dans l’enceinte au moment de son édification où tout le territoire englobé n’était pas encore bâti. Mais aussi en période de récession démographique, on connaît maints exemples de jardins créés, de façon provisoire, sur l’emplacement de maisons détruites. L’un et l’autre phénomène ont été constatés aussi à Aix-en-Provence à la fin du XIVe siècle : la rareté des jardins dans le centre de la ville comtale, et la création de jardins sur des emplacements ruinés27. A Arles, des jardins ou des vergers existaient à l’intérieur de la ville elle-même, plus nombreux cependant dans les paroisses périphériques que dans le centre même28.
13La présence de jardins intra muros s’explique mieux dans le cas des villes qui ont élargi leurs enceintes. Ces agrandissements le plus souvent effectués dans la période de la puissante poussée démographique de la deuxième moitié du XIIIe siècle et des premières années du XIVe, avaient prévu d’englober des espaces libres de constructions qui puissent éventuellement accueillir de nouveaux habitants. Ainsi en était-il à Toulouse29 où, dans l’enceinte de 1347, le long de la muraille, sur une grande partie de son tracé, s’étendait une zone où les caractères ruraux restaient prédominants. Les maisons y étaient appelées bordes alors que les maisons typiquement urbaines portaient le nom d’oustals. Et il y avait là des jardins et des terrains vagues servant au parcours de la volaille. C’est essentiellement près des portes que l’occupation du sol urbain se présentait sous cet aspect. Une observation semblable peut être faite aussi à Rennes. Au sud de la deuxième enceinte élevée tardivement dans la première moitié du XVe siècle, succéda rapidement une troisième enceinte édifiée entre 1448 et 1475. Ce nouvel accroissement conserva longtemps un aspect rural avec de nombreux et souvent grands jardins près des bras de la Vilaine. Une analyse plus fine, pour la ville de Rennes30, donne un exemple de l’extension relative des aires vertes parallèlement à l’élargissement des enceintes. Au milieu du XVe siècle, dans le Livre rentier de 1455, le coefficient des jardins par rapport aux maisons recensées était de 17 % dans la Cité, 43,5 % dans la Ville Neuve (deuxième enceinte) et de 59 % dans la Nouvelle Ville (troisième enceinte où, il est vrai, ils rencontraient de plus des conditions d’humidité très favorables).
14Reims est aussi une des villes de France qui, au XIVe siècle, abritait le plus de jardins intra muros. Sa vaste enceinte antique (62 ha) comportait encore au XIIe siècle de nombreux espaces libres situés en majorité à la périphérie. La densité urbaine resta faible encore lorsque une nouvelle enceinte engloba au XIIIe siècle les faubourgs de Saint-Rémi, Saint-Jacques et Saint-Denis. Dans les 228 ha de sa nouvelle étendue, elle enferma les vastes jardins de Saint-Rémi, de Saint-Nicolas et le Jard de l’Evêque, mais aussi de grands espaces occupés par de nombreux jardins familiaux séparés des habitations qui constituaient des secteurs spécialisés31.
15Il est regrettable que les deux grandes villes du Sud-Ouest, Bordeaux et Toulouse, n’aient pas jusqu’à présent suscité des études consacrées à la production médiévale des légumes. Cette carence est particulièrement gênante pour Bordeaux où le rapport quantitatif entre vignes et jardins pourrait être différent des autres villes. On doit donc encore se contenter d’indications qualitatives forcément imprécises. Toutefois il semble pour Bordeaux que les surfaces en jardins soient très restreintes à l’extérieur de l’enceinte du XIVe siècle. Le hasard des recherches ou de la documentation fait qu’à Bordeaux on connaît surtout les jardins ecclésiastiques. Le chapitre cathédral dès la fin du XIIe siècle, possédait des jardins et des vergers sur les paroisses Sainte-Eulalie et Saint-Paul32 ; aux XIVe et XVe, ils en avaient aussi sur les paroisses Notre-Dame de la place, Saint-Michel et autour de Sainte-Croix ; dans la Cité, dans la sauveté de Saint-André, des jardins accompagnaient les maisons canoniales. L’abbaye de Sainte-Croix, de son côté, avait créé des jardins sur des terres humides conquises sur les marais de l’Eau Bourde. Hors des remparts, entre Saint-Seurin et Saint-Etienne, les jardins des chanoines de Saint-Seurin s’ouvraient sur le Pradeau.
16De la superficie des enceintes a dépendu la présence ou l’absence de couvents intérieurs. La structure des communautés, on le sait, comportait des potagers. Ils ont occupé parfois de vastes surfaces dans l’espace muré33. C’était le cas, à Toulouse, du Collège de Périgord ou encore du jardin Saint-Jacques qui devait border le mur de la Cité entre la porte Montoulieu et Saint-Etienne34. Ces couvents ont parfois de plus engendré alentour une zone de jardins privés : à Nantes autour des couvents des Cordeliers et des Clarisses, à Hennebont autour des Carmes35 ou encore à Chartres autour de l’Hôtel-Dieu en rue de Beauvais. Quand on a la chance d’en posséder, les contrats passés entre abbés et ortolans apprennent beaucoup sur l’organisation des jardins. Mais peut-être tout n’était pas aussi bien réglé dans les jardins des particuliers. Les obligations imposées par exemple par l’abbé de Saint-Victor de Marseille à l’ortolan qu’il engage pour neuf ans en 142236 fixent à la fois les productions courantes ou plus rares et leur saison de mise en place.
17Jouissant d’un éclairage particulier en raison des travaux dont elles ont fait l’objet, les villes bretonnes et Paris offrent deux exemples très caractéristiques de l’importance et de l’évolution des jardins urbains au Moyen Age. On pourrait imaginer que la localisation des jardins intra muros dépendait en grande partie du hasard. Et c’est bien le cas, en effet, lorsqu’ils étaient créés sur des emplacements auparavant occupés par des habitations et devenus vacants. Or, les villes bretonnes, comme Paris, révèlent qu’il a existé un souci d’organisation et une planification répondant à certaines préoccupations qu’il serait toutefois hasardeux de généraliser. Les villes bretonnes ont joui de grands espaces et les enceintes y ont répondu à des besoins plus diversifiés que la simple sécurité des personnes. Il s’y est ajouté ainsi le souci de pouvoir faire face à un possible état de siège. La présence dans la ville de jardins et de quelques animaux devait fournir un apport alimentaire non négligeable. Des jardins et des courtils sont présents à l’intérieur des murs de toutes les villes bretonnes : à Vannes, dans la deuxième moitié du XVe siècle, une maison sur trois jouissait d’un jardin37. A Rennes au milieu du XVe siècle, on a pu compter dans la Cité 56 espaces verts. Les plus nombreux de ces jardins intra muros “se situent de préférence à l’arrière des habitations qu’ils séparent des remparts”. Cette zone verte qui avec les jardins comportait aussi des vignes et des prés, avait une double fonction : un intérêt nourricier auquel les murailles ajoutaient un sentiment de sécurité, et, d’autre part, en cas de siège, elle facilitait les déplacements des hommes d’armes.
18Paris offre le cas le plus clair du rôle apparemment progressif des jardins dans la vie urbaine médiévale et de leur extension sur le territoire de la ville. Dans l’enceinte de Philippe Auguste, de vastes espaces non bâtis38 étaient occupés par des jardins quelquefois jardins d’agrément, mais le plus souvent aussi jardins utilitaires. Il y existait encore — mode de culture intermédiaire entre le champ et le jardin — des champs en culture permanente rappelant les ferrages d’Arles. Ces taches verdoyantes persistaient encore au temps de la plénitude démographique à la fin du XIIIe siècle et même au XIVe39. L’espace enfermé dans l’enceinte de Charles V engloba de très vastes zones de verdure. La plupart des hôtels aristocratiques du quartier du Louvre ou des rues Saint-Jacques et de la Harpe, par exemple, avaient leur jardin. Jardins où tonnelles de fleurs se mêlaient aux treilles, aux arbres fruitiers et aux plantes aromatiques. L’existence et l’entretien de ces jardins étaient liés à une bonne situation économique tout autant qu’à un état démographique : aussi, dans la période de crise et de dépeuplement des années 1420-1440, les espaces libres n’étaient-ils plus que des terrains abandonnés et en friche.
19Les plus caractéristiques des jardins parisiens parce que plus particulièrement utilitaires, ont été établis dans la vaste zone basse qui s’étendait en demi-cercle de Charonne à Chaillot en passant par Montfaucon et Montmartre, dépassant ainsi largement les enceintes urbaines. Ancien méandre de la Seine, ce secteur a été longtemps une sorte de marécage désigné sous le nom de “Marais”, mot qui a fait fortune et, aujourd’hui encore, l’expression de cultures maraîchères est le lointain souvenir de la mise en exploitation particulière de ce site parisien. Ces “marais” de Paris ont fait l’objet d’un travail très approfondi. L’auteur, Thérèse Kleindienst, grâce à une étude comparative très serrée d’un très grand nombre de textes, a pu reconstituer l’évolution et les mutations tout à fait remarquables de ce large quartier. Il apparaît, en effet, que les abords de la ville n’ont pas toujours été occupés par des jardins. Les textes de la fin du XIe siècle et de la première moitié du XIIe siècle mentionnent des terres et des vignes autour de la ville. La plus grande partie de cette zone avait été donnée aux chanoines de Sainte Opportune au moment de la fondation de la collégiale au IXe siècle. Au XIIe siècle elle leur servait de pâture. Les jardins n’apparaissent guère avant le milieu du XIIe siècle. Même alors, on n’en mentionne que très rarement et ils sont associés à une habitation. Les conditions favorables d’humidité du sol, les progrès démographiques et la croissance de Paris sont responsables d’un changement dans les formes d’exploitation de ce quartier qu’on va de plus en plus orienter vers la culture des légumes. Tout permet de penser qu’il s’agit bien d’une mutation délibérée. Deux dates capitales jalonnent et précisent la mise en culture des marais. En 1153-1 154, les chanoines de Sainte-Opportune font mettre en culture la moitié de leurs marais en donnant comme raison qu’il serait “d’un meilleur usage et plus nécessaire à toute la Cité et à l’église Sainte-Opportune”40. L’argument invoqué pour justifier cette mutation doit être retenu.
20Les textes ne sont pas suffisamment explicites pour permettre de savoir comment ce changement progressa. Il est possible qu’une première étape de l’exploitation des marais ait consisté à convertir les pâtures communes en prés fauchables, particulièrement sur la zone riveraine de la Seine. Mais après le XIIe siècle, le terme de prata cesse d’être employé dans les textes et au début du XIIIe siècle, les légumes ont en partie remplacé les prés. Dès 1215, le mot de marais qui était appliqué à cette partie de la région parisienne, va prendre le sens plus particulier de terrain consacré à la culture des légumes. Dans cette acception, il débordera aux XIIIe et XIVe siècles sur les parcelles extérieures au marécage de Sainte-Opportune et deviendra un terme général. Les légumes occupent dès lors et occuperont de plus en plus de larges places même si l’on semble encore hésiter à choisir entre légumes et céréales41. En 1232, le chapitre de Sainte-Opportune lui-même avait laissé entendre que l’expérience devait s’étendre sur vingt ans. Progression hésitante donc... ou prudente ? Cependant, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la culture des légumes verts avait fait des progrès importants et elle était suffisamment développée pour être chargée de dîmes. La partie hors l’enceinte de Charles V fut progressivement transformée en “marais” entre 1387 et 1457 et même un peu au-delà. Dans la première moitié du XVIe siècle, les jardins maraîchers étaient devenus, dans la portion hors les murs, le mode d’exploitation dominant. Cette mutation s’est accompagnée d’une évolution de la terminologie du jardinier qualifié comme partout d’ortolanus au XIIIe siècle qui voit aussi à Paris apparaître progressivement le terme de courtillier utilisé jusqu’au début du XVe siècle ; on commence alors à se servir du mot de maraîcher qui a eu une longue vie42.
Les jardins péri-urbains
21Ces jardins qui assez curieusement ont existé de façon plus ou moins généralisée à l’intérieur des villes médiévales, étaient de petites superficies et insuffisants pour subvenir aux besoins de la population urbaine. Et c’est, en effet, d’observation courante que autour des villes, grandes ou petites, a existé ce que Georges Duby a appelé une “auréole de jardinage”43. Ces jardins qui enserraient les villes jusqu’aux abords même des fossés et des portes étaient liés étroitement à la vie quotidienne des hommes de la ville. Parfois certains de ces quartiers en quasi totalité exploités en jardins portent des noms significatifs : c’est en Roussillon, l’horta d’Argelès plusieurs fois mentionnée à la fin du XIIIe siècle (1293) ou l’horta de Perpignan avec son extension appelée déjà en 1225 l’horta nova44 ; en Provence, ces secteurs sont simplement appelés les “Ors” ou les “Orts”45 ; la “Orta” ou les “Hortes” à l’est de Cahors46. On trouve ortalicia à Saint-Antonin en Bas-Quercy et à Foix en 140047. Plus déterminés encore sont le quartier dit l’Ort de Balaguier à Rodez48, les “Ortz petitz” à Périgueux, les “Courtillets” à Hédé49. A Toulouse, un cadastre de 147850 fait connaître une ample zone de jardins hors, mais tout contre la ville, particulièrement dans le quartier Matabiau le long et à l’extérieur des remparts du Bourg et dans le quartier Arnaud-Bernard. Dans les villes où l’espace était restreint, les jardins se développaient largement dans les faubourgs. C’est le cas de Saint-Flour51, de Nuits-Saint-Georges au milieu du XVe siècle52 ou de Chartres. Les jardins semblent avoir eu de bonne heure aux abords immédiats de Périgueux une particulière densité. Dans les cas d’agrandissement des enceintes, la ceinture des jardins a été englobée dans la nouvelle enceinte53. Elle était vouée à disparaître plus ou moins devant les progrès des habitations. Ailleurs, les enceintes agrandies au XIVe siècle ont partagé les zones de jardins. Cela a été observé dans des villes de toutes dimensions : Foix, Toulouse comme Paris et Bordeaux.
22Les villes les plus importantes de Picardie et des régions voisines, ont engendré des zones souvent vastes consacrées aux cultures de légumes qui se sont créées principalement autour de Saint-Quentin, Amiens, Cambrai, Arras, mais aussi auprès de plus petites villes, entre autres Abbeville, Montreuil, Hesdin ou Saint-Omer. Le début de ces nouvelles pratiques agraires auxquelles ici on donne le nom d’hortillonage ou hardine, a pu être daté54. La mutation a débuté, comme partout dans les milieux amphibies, par d’importants travaux pour discipliner et canaliser les eaux. Cette mutation s’est opérée environ à la même époque qu’à Paris à partir de 1150 environ et le développement des jardins a atteint le maximum d’intensité entre 1230 et 1260. Ce progrès se traduit également par l’augmentation dans les documents du nombre de mentions de jardins, courtils et vergers surtout à partir de 1250 : ils figuraient dans 1 % des actes en 1200 ; entre 2,5 % et 3 % à la fin du XIIIe siècle et cette augmentation se poursuit encore au début du XIVe siècle55.
23Les hortillonages de Saint-Omer et d’Amiens présentent des similitudes de mise en valeur avec le Marais de Paris. La ville de Saint-Omer qui, à une vingtaine de kilomètres de la mer, se trouve à l’altitude extrêmement faible de 1,50 m à 2,50 m était environnée d’un paysage de marécages. L’abbaye de Saint-Bertin en possédait de vastes étendues tout particulièrement au Nord, dans la Grande Meer, mais le comte et les bourgeois de la ville en avaient aussi. Comme à Paris, les premiers aménagements effectués avant 1127 en ont fait des pâtures56 longtemps exploitées sous cette forme. La transformation en jardins fut plus tardive qu’à Paris. Entre 1165 et 1215, on effectua les travaux préalables de drainage et les canaux qui permirent assez tôt des pêcheries57. C’est à la fin du XIIIe siècle que se dessine officiellement la nouvelle orientation dans l’exploitation de ces territoires amphibies lorsque les échevins donnent “congé de fuir la pasture de la ville pour faire vergiers ou autres aisements”58.
24On ne peut parler de jardins urbains sans faire mention des villes créées a novo. Ces nouvelles agglomérations, dans l’esprit de leurs fondateurs étaient pensées comme des villes. Il est donc tout à fait significatif qu’ils aient eu le souci de fournir à chaque habitant les éléments essentiels pour démarrer avec des moyens convenables de subsistance. Le terroir des bastides était constitué de quatre catégories de lots : des emplacements à bâtir, des jardins, des vignes, des terres labourables. Ainsi en fut-il à Grenadesur-Garonne59 conçue en 1290 avec une particulière ampleur : 3 000 jardins (portant le nom de “casais” ou “casalères”) correspondaient à 3 000 emplacements de maisons. Cette zone de jardins de façon générale était prévue aux abords immédiats des bastides.
Physionomie des jardins. Le problème de l’eau.
25Si l’on possède des miniatures plus ou moins idéalisées des jardins d’agrément seigneuriaux, on est en revanche démuni d’images pour se représenter les potagers du Moyen Age. Seuls, quelques textes écrits viennent à notre secours ; les inventaires descriptifs minutieux des jardins de deux familles d’Aix que Noël Coulet a publiés60 sont tout à fait exceptionnels et riches d’enseignements à la fois pour la disposition, les cultures pratiquées et par le fait que l’un de ces jardins — cependant de vastes dimensions — ait pu persister à l’intérieur des remparts jusqu’au milieu du XVe siècle.
26Les jardins clos de murs n’étaient pas la règle générale. Ceux des couvents pouvaient l’être ou du moins être englobés dans les murs qui délimitaient la propriété conventuelle et être localisés sur une partie de cette surface. Il est possible que les plans figurés des XVIIe et XVIIIe siècles donnent des potagers de couvents une image assez peu différente de ce qu’ils étaient au Moyen Age61, mais c’est tout ce que l’on peut en dire. Les jardins intra muros contigus ou non à une maison, ont été volontiers clos de murs de pierre. C’est, en tout cas, ce qui a été relevé à Arles et à Aix62. Devant un grand péril, les autorités municipales ont parfois fait abattre ces clôtures pour faciliter la défense. Dans les faubourgs, les jardins clos de murs n’étaient pas la règle sauf lorsqu’ils étaient associés à une habitation. Les auteurs néanmoins se sont rarement posé cette question que les documents d’ailleurs laissent presque toujours sans réponse. A Périgueux, nous en avons rencontré seulement quelques-uns de façon certaine. Ils sont localisés sur la paroisse Saint-Hilaire au sud de la ville, qui était presque exclusivement consacrée aux jardins et sur la paroisse Saint-Georges. Le plus connu est celui des Bernabé dit le “claus sive ort” en 1394 et, en 1439, “le jardin clos de pierre sis en Saint-Hilaire”63. Ce quartier comportait quelques autres clos dont nous ignorons la forme d’exploitation. En fait, le grand nombre de déprédations dont les jardins ont été victimes de la part d’animaux en quête de nourriture, permet de penser qu’ils étaient peu clôturés. Au maximum, de petites haies offraient-elles un semblant de protection qui n’empêchaient pas les porcs et même, à l’occasion de plus plus gros animaux, de pénétrer. Ainsi peuvent en témoigner certaines plaintes en justice ou les ordonnances de la Prévôté de Paris de 1402 et 1429, faisant défense de conduire le bétail dans les Marais et les jardins des environs de Paris et d’y rompre les clôtures64. Dans les faubourgs des villes bretonnes, les potagers les plus vastes pouvaient être clos de murettes ou de haies avec parfois même des fossés qui donnaient dans l’ensemble un paysage bocager peut-être assez particulier à la Bretagne65.
27Les jardins conquis sur les marais présentaient un aspect très caractéristique par la présence des nombreux canaux et par les activités multiples qui en ont dérivé. Cela a été précisé pour les Marais de Paris et de Saint-Omer où, en plus des activités maraîchères, les canaux ont été exploités en eux-mêmes. Pour l’arrosage, bien sûr, mais aussi pour la circulation. De plus, étant poissonneux, ils ont suscité une activité de pêche et une pisciculture grâce à l’aménagement de viviers. Enfin, à Saint-Omer, on y chassait les “oiseaux de rivière”66, et à Paris ils étaient utilisés encore pour le rouissage des plantes textiles67.
28Cet aspect des jardins de marais où l’eau maîtrisée dans d’innombrables canaux est omniprésente, impose une réflexion particulière. L’eau a été en effet, l’un des éléments essentiels dans l’établissement des jardins. La nécessité de l’arrosage a déterminé en grande partie le choix des emplacements. Les solutions adoptées présentent quelques variantes suivant les conditions physiques de chaque région. L’existence d’un cours d’eau a suscité sur les rives et leurs abords, des zones plus ou moins vastes de jardins, comme à Rennes68. Et cela même auprès de simples ruisseaux comme par exemple à Bordeaux sur les bords de la Devèze dans la paroisse Saint-Christol69. La seule présence d’une source a pu, elle aussi, être à l’ori gine d’un ensemble de jardins : c’était le cas au nord de Périgueux où une ligne de petites sources avait généré des quartiers de jardins. Louis Stouff a relevé aussi en Provence des lieux-dits Alafont exploités en jardins70. Les glacis de méandres de rivières ont constitué une zone de prédilection surtout lorqu’ils prolongent la ville immédiatement au sortir des enceintes. Ces terroirs bénéficiaient d’une atmosphère humide et de terres imprégnées d’eau. Les jardins de Cahors et ceux de la paroisse Saint-Hilaire à Périgueux illustrent cette possibilité. Les jardins créés autour des villes bretonnes ont prospéré sur les rives parfois inondables des rivières ou de leurs affluents, mais aussi sur les bords des étangs si nombreux dans cette région71. Fougères avec sa ceinture maraîchère au pied du château le long de la rivière du Nançon, ou encore Vannes en sont particulièrement représentatives.
29La recherche et l’utilisation de l’eau se présentent de façon un peu différente dans les pays de climat sec comme la Provence. A Aix72, mais aussi dans quelques autres villes, telles Brignoles ou Pertuis (Vaucluse), des groupes de jardins existaient le long des canaux des moulins, ce qui n’a pas manqué d’ailleurs de susciter quelques conflits avec les meuniers. Une règlementation de la répartition de l’eau entre les usagers a été nécessaire. A Arles, les jardins et les vergers de la ville elle-même étaient dotés d’un puits parfois installé à la limite de deux jardins pour un usage commun. On a conquis l’eau souterraine proche et abondante par des puits et des posarata, ou noria, qui ont donné une physionomie particulière à cette région73. A Toulouse, dans les jardins maraîchers, la présence de “puits à roue” valorise les parcelles qui en sont dotées.
30Quelques arbres fruitiers disposés régulièrement en bordure du jardin ou plantés un peu au hasard et de petits arbustes fructifères — groseilliers et framboisiers — complétaient la physionomie du potager.
Superficies
31Les superficies des jardins médiévaux sont pour plusieurs raisons extrêmement difficiles à préciser. Tout d’abord, parce que les mesures médiévales sont très variables d’une région à une autre74. Très variables aussi dans leur vocabulaire, deux constatations qui rendent les équivalences avec les mesures actuelles très approximatives. Les mesures le plus fréquemment utilisées sont le journal et l’arpent. Malgré des variations régionales importantes, elles représentent vraisemblablement l’unité de référence. Le plus souvent d’ailleurs, les contenances ne sont pas exprimées dans les textes. J.-P. Leguay s’est toutefois livré à un calcul pour la ville de Rennes75 : dans la ville close, près de 63 °7o des parcelles individuelles occupaient moins de 150 m2 y compris allées et cours. Par une voie indirecte, R. Fossier arrive à une conclusion identique76 : le nombre élevé de courtils à Cambrai en 1156 (soit 60) ou à Arras en 1160 (soit 117), lui paraît révélateur de faibles dimensions. On peut penser qu’en règle générale, les jardins internes étaient de petites dimensions.
32Les superficies augmentent quand on sort des remparts et quand on s’éloigne des faubourgs les plus densément peuplés. En fait, dans les secteurs péri-urbains aussi, il existait des jardins de dimensions très variables. En Bretagne, ils peuvent aller, en conversion approximative, de 300 m2 à un journal, le journal étant estimé à 4860 m2
33.Dans certaines régions, on fait la distinction entre le journal de bœuf utilisé pour les champs, le journal de pradier pour les prés et le journal d’homme — évidemment beaucoup plus petit — utilisé pour les vignes et les jardins. J.-P. Leguay pour les villes bretonnes ne fait pas cette distinction. A Périgueux, les deux mesures sont utilisées indifféremment. Dans le Terrier Bernabé, on trouve les deux formules : le jardin de la dotation Bernabé par exemple et un autre sont évalués en journal de bœuf tandis que cinq autres jardins sont évalués en journal d’homme sans raison apparente sauf, peut-être, les plus ou moins grandes dimensions de chacun d’eux, mais c’est là une simple hypothèse. En Bretagne, à Fougères, dans le faubourg de Bourg Roger, l’étendue moyenne est d’environ 900 m2, mais certains jardins peuvent atteindre 2500 ou 3000 m277. Autour de Saint-Sulpice, le potager moyen couvre environ 400 à 450 m2 mais les extrêmes vont d’une vingtaine de m2 à 3000 m2. A Hédé, sur 93 jardins, 22 sont de grands jardins contre 71 petits de 500 m2 en moyenne, certains n’ayant même qu’une centaine de m2 ; parmi les plus grands, on va jusqu’à 2 ha.
34Dans la petite ville de Rive-de-Gier (Loire), deux frères, citoyens de Lyon, possédaient en 1493 trois jardins évalués chacun à environ 2500 m2. Deux étaient situés à l’intérieur de la ville et le troisième “auprès de la porte de ladite ville”78. A Tarascon, les superficies les plus fréquentes allaient de 440 à 875 m279. Les casais ou casalères des bastides contenaient ordinairement 1/4 arpent, soit 1000 à 1200 m280. Le fait que cette superficie ait été choisie dans les créations planifiées incite à la considérer comme une moyenne convenable pour des jardins familiaux. A Toulouse, la lecture des Estimes de 1335 donne quelques éclairages intéressants. Certes, les contenances n’y sont pas, loin de là, toujours exprimées. Néanmoins, un certain nombre ont été notées qui peuvent être représentatives, que l’on tente de les convertir en superficies actuelles ou que l’on se borne à la seule comparaison entre mesures médiévales. La majorité des jardins y étaient destinés à la consommation familiale. Mais il a existé aussi des professionnels des cultures maraîchères à qui s’applique en général le terme d’ortolanus. Ainsi, grâce à ces Estimes peut-on en dépister quelques-uns dans le Bourg de Toulouse. Outre ce qualificatif de métier rarement exprimé81, on est frappé des superficies importantes de certains de ces jardins. Dans bon nombre de cas, elles pourraient aller de un à deux hectares si l’on adopte l’arpent à 0,569 ha. Toutefois, si l’on se garde de faire une conversion, il reste qu’il y a une proportion élevée de grands et même de très grands jardins. Ils se situent plus particulièrement dans les quartiers du nord du Bourg : Saint-Sernin, Arnaud-Bernard et Saint-Julien partiellement assis dans les murs et partiellement à l’extérieur, tout contre la porte Lascrosses ou la porte ArnaudBernard par exemple. Ce devaient être là des jardins spéculatifs où d’ailleurs, la présence mentionnée de puits à roue incite à penser à une culture raisonnée.
35On peut s’étonner d’avoir très peu de renseignements concernant les superficies des parcelles du Marais de Paris. Les quelques chiffres relevés montrent ici aussi des différences assez nettes sans être excessives, mais il faut en convenir, à des dates très distantes les unes des autres et pour des jardins le plus souvent situés hors des murs, près des portes, la Porte du Temple en particulier : 2 1/2 arpents en 1434, 4 1/2 arpents en 1438 ; 1/2 arpent est assez fréquent82. Dans le marais de Saint-Omer, en 1394, la plus grande pièce peut être évaluée à environ 1,775 ha de superficie qui se rapprocherait de certaines observations faites à Toulouse pour les jardins professionnels, le plus petit environ une dizaine de m2. Enorme différence par conséquent83.
36En présence de ces quelques données, on ne peut donc que conclure à une extrême diversité des surfaces. A Aix, l’éventail des superficies extrêmes pouvait aller de 1 à 2484 et c’est plus encore dans les marais de Saint-Omer. Les jardins professionnels présentaient, quand on a pu le vérifier, de beaucoup plus grandes dimensions que les jardins familiaux. Partant de cette observation, la seule présence de très grands jardins (approximativement plus de un hectare) peut faire présumer une culture spéculative.
La place des jardins dans les patrimoines
37Les lots proposés aux familles venues peupler les villes neuves et les bastides qui figurent dans les chartes de coutumes constituent le patrimoine élémentaire type pouvant assurer la subsistance moyenne d’une famille. Les rapports de proportion néanmoins ne sont pas partout exactement les mêmes d’une région à une autre trahissant par ces différences les préoccupations économiques des fondateurs.
38Un assez bon exemple peut être trouvé dans la bastide de Bouloc (Tarnet-Garonne) qui reçut sa charte de Sicard Alaman le 10 juin 1242. Les quatre éléments habituels y figurent : un emplacement pour bâtir la maison, et trois terres, l’une pour faire un jardin, une pour planter une vigne, une à mettre en culture. Mais le rapport est assez inhabituel : le jardin représentant une superficie de 1400 m2 environ, la terre à planter en vigne 5700 m2 et la terre à céréales seulement 700 m2, superficie qui, toutefois, pourra être agrandie de ce que le tenancier défrichera. Etant donnée la région, on a voulu privilégier la culture de la vigne. Et, en comparaison de la “terre”, le jardin, d’une étendue notable, devait constituer l’élément essentiel de la nourriture familiale, au moins au début de l’installation85.
39La place du jardin dans les patrimoines n’était pas forcément en relation avec la situation économique, professionnelle ou sociale des propriétaires ou des tenanciers. La proportion des surfaces de jardins des communautés semble plus élevée que la moyenne générale86. Entre la cour des ducs de Bourgogne par exemple (qui a donné lieu à quelques travaux intéressants sur l’alimentation au travers des livres de dépenses), et les familles bourgeoises urbaines, l’approvisionnement en légumes ne s’opérait pas de la même façon. Pour les premiers, étant donné le nombre de bouches à nourrir, il était nécessaire de recourir à l’achat, la production directe pouvant être vite épuisée. Les autres, qui, surtout dans les villes moyennes, avaient conservé des habitudes rurales, ou encore qui, comme à Périgueux, étaient contraints par les événements de vivre en circuit fermé, devaient assurer à peu près entièrement leur propre subsistance et celle d’une maison sans comparaison d’importance toutefois avec les cours princières. Un cas précis, à Périgueux, pourrait être assez représentatif dans la mesure où il donne l’inventaire d’un patrimoine, sinon d’une famille, du moins d’une “maison” à un niveau social relativement élevé. Les Bernabé, au début du XVe siècle, ont fondé une chapellenie et ils ont en même temps constitué une dotation pour assurer la vie du chapelain87, le 16 décembre 1430. L’acte comporte vingt rubriques : 14 terres de superficies inégales, un pré, une vigne, un jardin, un hospitium et encore trois maisons. Sauf pour les maisons, les superficies sont indiquées. On peut ainsi évaluer le jardin à un peu moins de 4 % de l’ensemble cultivable. Estimé à un journal de bœuf de contenance (soit environ un peu moins de 1/2 ha), ce devait être un grand jardin comme déjà le faisait présumer la clôture de pierre qui l’enfermait.
40A Foix, les superficies ne sont pas connues, mais on a pu jouer sur la valeur estimée des patrimoines : les jardins représentent sur l’ensemble en moyenne 3 % de la valeur totale en 1460 (contre 2 °7o en vignes) et 3,75 % de la valeur totale en 1470. G. de Llobet a remarqué que plus la fortune est importante, plus la proportion des jardins est faible88. Quand les fortunes se diversifiaient par rapport aux patrimoines élémentaires, il s’y ajoutait un plus grand nombre d’immeubles, des ateliers, parfois des moulins, la superficie des jardins nourriciers restant à peu près fixe. A Tarascon, les jardins ne représentent que 1 à 2 % de la valeur totale des biens immobiliers, estimation basée sur des données rectifiées89, et à Maillane (Bouches-du-Rhône) en 1468, ils sont 3,8 % de la superficie encadastrée et 4 % en valeur90. A Saint-Flour, à la fin du XIVe siècle, ils représentaient entre 3 % et 6 % des patrimoines91 ; deux chiffres nettement plus élevés (13 % à la Côte et 20 % à Bastide et Fridière situés le long du ruisseau) peuvent poser la question d’une petite culture spéculative. Dans la Cité de Rodez, en 1449, ils représentent 5 % de l’ensemble des biens92.
41Sur les jardins de Toulouse, deux catégories très nettes se dégagent des Estimes de 1335. Dans les patrimoines familiaux des artisans et des bourgeois, ils ont une place relative qui peut varier de 1 % et quelquefois moins, à 7 % en moyenne avec une plus grande fréquence autour de 3 °7o/4 %. Chez les “ortolans” ou jardiniers professionnels, ils représentent de 36 % à 75 % du patrimoine, le plus fréquemment entre 50 % et 70 %.
Productions
42Les nombreuses recherches effectuées sur l’alimentation médiévale ont indirectement contribué à la connaissance des espèces de légumes produits dans les jardins médiévaux. Marianne Mulon a dressé la liste des légumes consommés93 et Pierre de Crescens des légumes cultivés au début du XIVe siècle94. Ce qui frappe le plus, c’est le petit nombre d’espèces et l’uniformité de leur culture. Partout dominent le chou et les poireaux qui, toute l’année, grâce à diverses variétés formaient l’essentiel du “potage”. Tous les auteurs les ont rencontrés et mentionnés, du Roussillon à Toulouse, Périgueux, Lyon, à la région parisienne, à la Picardie. On cultivait également des navets en Roussillon et des raves en Lyonnais, en Forez, à Foix, en Languedoc95. Quelques légumes verts de production moins intense apportaient de la variété au cours de leur saison. Ainsi, le cresson dont la culture est fort ancienne en France96 et les épinards sont signalés entre autres dans les jardins du sud de la région parisienne, en Picardie, en Bourgogne97 en Provence, à Toulouse et jusqu’en Gascogne, à Montréal-du-Gers98. Les épinards apparaissent comme un élément des plus fréquents avec le poireau et le chou. Les salades sont mentionnées en Léon99, le pourpier (plante à salade), le cerfeuil, l’échalote dans le Marais parisien100. Il est vraisemblable, au moins d’après ce que l’on sait, que les espèces étaient plus nombreuses en Provence où, en sus des légumes communs, que l’on désignait sous le terme général d’“herbes”, figuraient de l’ail, des oignons, de la bourrache, des carottes, des courges et des concombres101.
43Les légumineuses avaient une importance capitale dans l’alimentation médiévale et donc dans la culture. Les fèves et les pois de diverses couleurs étaient une production de base, les fèves peut-être plus encore que les pois. La consommation fraîche restait assez exceptionnelle, les pois verts étaient considérés comme un mets de luxe. A Périgueux les pois frais faisaient l’objet de cadeaux estimés. A Paris, à Arras, les “fèves de marais’’102constituaient à la saison une nourriture fine. Suivant les régions, les pois destinés à être conservés présentaient plusieurs variétés. On en connaît quatre en Bourgogne : blancs, bis, noirs, chiches. Les fèves étaient destinées en grande partie à constituer des réserves pour l’hiver. Aussi, la culture en jardins était-elle grandement insuffisante pour cela et des champs leur étaient aussi consacrés103. On rencontre des pois et des fèves à peu près partout. Ils sont mentionnés en Forez104, à Toulouse, mais aussi en Hainaut. Suivant les régions, la production la plus importante réside ici dans les fèves, là dans les pois. Certaines légumineuses couvrent une aire géographique plus restreinte. C’est le cas des lentilles, des vesces et des gesces que l’on a signalées en Forez, en Normandie, en Bourgogne, en Languedoc, en Hainaut.
44La production de l’ail et des oignons suscite un intérêt particulier. Il semble que l’on en ait fait une très forte consommation et pas seulement comme condiment. Pierre Charbonnier a décrit par exemple un repas de gala où les oignons figurent en bonne place105. M.-Th. Lorcin a relevé dans le fabliau Les trois dames de Paris, la description d’un repas à l’auberge où ces trois dames gourmandes se font servir une oie rôtie avec une pleine écuelle d’aulx qui semble bien les donner ainsi comme un légume d’accompagnement du rôti ; et ailleurs, il est question d’ail “en sauce avec du poivre, du vinaigre et du jus de viande”106. Cultivé dans toutes les régions, les auteurs en font mention entre autres en Bas-Quercy, à Toulouse dans les potagers du collège de Périgord107, en Provence, dans les jardins des monastères comme dans les jardins privésl108. La production était néanmoins souvent insuffisante, en particulier dans les communautés. Le collège de Périgord à Toulouse, en sus de ses propres récoltes, en achetait ainsi des quantités parfois importantesl109. Peut-être aulx et oignons ont-ils fait l’objet d’une culture spécialisée dans certaines régions mais alors en champs et non plus seulement en jardins.
45La production intense du persil soulève une nouvelle interrogation quant à son utilisation. Il était considéré comme un véritable légume de consommation, soit en lui-même, soit mêlé à d’autres “herbes” dans la préparation des “potages” au chou ou aux épinards. Françoise Piponnier a observé une telle consommation de persil en Bourgogne qu’elle le qualifie avec les choux et les poireaux de “base la plus courante de l’alimentation”110. Dans les jardins des papes, à Avignon111, comme dans le Marais de Paris ou dans la banlieue méridionale de la ville112 ou encore en Lorraine113, le persil tenait également une place importante. Dans le Marais de Paris, il n’était pas rare de lui voir consacrer plusieurs planches et même des demi-quartiers d’un seul tenant.
46Le cresson a la réputation d’être un légume très anciennement connu et produit. Mais, par sa nature même, on n’en trouve pas partout. Ainsi, n’en cultivait-on pas dans les marais de Paris, contrairement à ce que l’on aurait pu supposer a priori. En revanche, on en trouve couramment dans les domaines de Thierry d’Hireçon aux environs d’Arras114 et les cressonnières de l’abbaye de Saint-Denis à Rueil et son cresson de jardin étaient réputés115.
47Sans qu’on puisse fournir d’explication tout à fait satisfaisante, des céréales sont parfois mentionnées dans les jardins, en Roussillon, à Périgueux, à Cahors en 1369116, à Avignon dans les jardins pontificaux et chez les Frères mineursll117. On trouve du lin et du chanvre dans certains domaines de Thierry d’Hireçon ou à Périgueux. Pour quelle utilisation ? Production ou semence ? Essai ? On n’a pas de données suffisantes pour répondre à cette interrogation. Le jardin accueillait également des plantes qui visaient d’autres usages que la simple alimentation. Les plantes médicinales ou aromatiques occupaient une place notable dans les jardins et dans les vergers urbains. Elles ne sont pas toujours précisées. La sauge et la ciboule sont fréquemment rencontrées118. Sauge et marjolaine figuraient dans le jardin des papes à Avignonl119. On a relevé une grande variété dans les jardins du Marais de Paris, thym cultivé même en planches, marjolaine, ysope, sauge, basilic, civette, estragon, pimprenelle, sarriette. La présence en Roussillon de plantes tinctoriales (garance, pastel, gaude) a été signalée à partir du XIIIe siècle. Quelques tentatives d’introduire la garance ont été faites dans le Marais de Paris au milieu du XIIIe siècle120.
48L’apparition progressive et la généralisation d’un plus grand nombre de variétés de légumes sont liées, pense-t-on en général, à un goût plus marqué pour les végétaux, ou aussi à la nécessité. Ainsi, en Lorraine, dans le compte de l’hôtel de la comtesse de Bar de mai 1352 apparaissent pour la première fois les légumes et assaisonnements comme nourriture régulière des jours maigres et comme appoint les autres jours.
49On pense que le goût des fraises est apparu au XIVe siècle. Signalées d’abord dans les jardins seigneuriaux, on serait tenté de penser que la duchesse de Bourgogne a contribué à les mettre à la mode. On sait, en effet, qu’en avril 1376, la duchesse employa quatre hommes pendant 40 journées pour arracher des blettes et des choux rouges dans le jardin du château de Rouvres et qu’elle les fit remplacer par des fraisiers. Quatre femmes pendant 60 jours parcoururent les bois pour chercher des plants de fraises sauvages121. L’histoire est intéressante par son côté anecdotique, certes, mais elle révèle de plus un esprit de direction et d’innovation chez les seigneurs. Une certaine hardiesse aussi dans les transformations de culture : le nombre élevé de personnes qui ont concouru à cette opération laisse supposer qu’elle concernait une importante surface.
50Le melon était cultivé dès les dernières années du XIVe siècle à Avignon122 ; s’il est signalé en abondance à Paris, c’est seulement au début du XVIe siècle123. La Provence a probablement été comme le veut Emmanuel Le Roy Ladurie la plaque tournante et le pôle de diffusion des nouvelles espèces.
51Des cultures maraîchères spécialisées en certaines productions ont existé sans qu’on puisse nettement déterminer leur véritable importance. Les cris des rues de Paris des XIIIe et XIVe siècles et différentes allusions dans les textes signalent à notre attention les pois de Normandie, l’ail de Gandelu (Aisne), les oignons de Corbeil, spécialement les rouges, l’échalote d’Etampes ou les ciboules de Sceaux124, les poireaux d’Arras, et, au temps de François Ier, les artichauts et les asperges de Blois. Les oignons étaient aussi cultivés, peut-être en champs à Saint-Denis, La Courneuve et surtout Aubervilliersl125. En Sologne, entre Saudre et Cher et surtout dans la région de la Ferté-Hubert, la culture des oignons était très développée déjà au XIVe siècle126. Au XVIe, ils jouissaient d’une telle réputation que cette localité fut appelée la Ferté-aux-Oignons et longtemps elle garda ce nom.
52Culture spécialisée encore que celle du safran, culture délicate qui demandait beaucoup de soins et ne pouvait se faire qu’avec des outils de jardinage. Employé à la fois en cuisine, en médecine, et en teinture, il était au XIVe siècle très répandu en Italie centrale et dans l’Espagne du Nord. La France méridionale en produisait au XVIe siècle en Albigeois, Quercy, Vivarais, Forez, Provence et Lyonnais. On connaît la réputation du safran de Bruniquel au XVIe siècle. Les auteurs qui ont donné des dates précises de la présence du safran dans les textes ne le rencontrent pas avant la deuxième décennie du XVe siècle. En Quercy, il est mentionné à Saint Antonin dès 1424 sous la forme intéressante de “un ort sive safranaria” et au cours du XVe siècle, un peu partout dans la région, on relève des cens en safran et aussi l’existence de lieux-dits “le Safranier”. Un texte de 1432 incite à penser que les safranières y constituaient de petits quartiers. En 1444 une bulle du pape Eugène IV accorda au chapitre de Saint-Antonin la dîme du safran “cultivé dans les jardins de la ville”127. Quelques jalons chronologiques traduisent une expansion progressivel128. Les textes de référence le mentionnent en 1436 à Cajarc, en 1467 à Figeac, en 1468 à Saint-Cirq-laPopie, en 1481 à Espagnac, 1482 encore à Cajarc. Louis Stouff d’autre part signale à Avignon un arrentement de 1459129 qui imposait à l’ortolan de “planter ou semer du safran” dans le jardin qui lui est acensé. Cette clause peut laisser supposer une culture en progression. Thérèse Sclafert a signalé à Sisteron au début du XVIe siècle un cas intéressant de cette culture de jardin : 40 safranières existaient alors dans la ville, à l’intérieur des remparts130.
53Dans cet ensemble économique que constituait le jardin, on a fait aussi une place aux rûches. A Périgueux, en 1329, un jardin de la paroisse Saint-Georges en comptait huit. En Forez, les rûches donnaient lieu à des clauses particulières dans les testaments et leur nombre, en général précisé, est souvent de plusieurs unités et peut aller jusqu’à huit également131.
54Il a existé un commerce des produits de jardins et de vergers mais on ne peut en mesurer ni le volume ni l’aire géographique. Portant sur des denrées de peu de valeur, ils ne représentaient qu’un élément mineur de l’économie médiévale si, par ailleurs, ils avaient au contraire un rôle essentiel dans l’alimentation et la vie quotidienne. Dans chaque ville, même de faible importance, il a existé un marché aux légumes dont la dénomination de Place aux Herbes, rue du Marché aux Herbes ou encore, en Provence, l’Herberie, a parfois laissé le souvenir dans la toponymie urbaine. Ils provenaient des surplus domestiques ou de maraîchers plus ou moins nombreux suivant l’importance aussi de la ville. L’origine des produits vendus sur les marchés urbains était surtout local : ville ou banlieue immédiate. A Toulouse, dès 1152, un marché aux fruits existait près de Saint-Sernin132 et dès le XIIIe siècle au moins un marché aux légumes se tenait près de la porte Arnaud-Bernard ; à Paris, les jardiniers apportaient leur production aux Halles, au parvis de Notre-Dame ou au marché Saint-Christophel133. Ils ne pouvaient y porter que leur propre production qu’ils vendaient aux regrattiers. Les légumes des marais de la Somme et de ses affluents étaient apportés par bateaux jusqu’à Amiens134.
55Comme on pouvait le présumer, les denrées étroitement soumises à certains climats, circulaient à plus grandes distances que les légumes courants. Ainsi, les noix et les figues que l’on a relevées sur divers marchés dans toute la France, entre autres à Saint-Omer135, ou les aulx et oignons dont l’aire de culture est cependant vaste. Leur présence quasi générale dans les tarifs de leude — seuls légumes à figurer dans ces pancartes — laissent supposer qu’il peut s’agir de denrées recherchées et d’une demande assez importante pour susciter une circulation régulière et d’un notable volume. Aulx et oignons portés en barque figurent au début du XIIIe siècle dans les tarifs de tonlieu et de leude de Péronne, Bapaume, Cambrai, Paris ; de Périgueux à la fin du XIVe siècle136. Ils semblent avoir fait l’objet de transactions dans les foires plutôt que sur les marchés. Ils se négociaient à Châlon, plus particulièrement à la “foire froide”137. Certains contrats de facherie en Provence prévoient les différents légumes à planter. L’ail et l’oignon, le persil y figurent. Mais malgré cela, Arles devait importer en quantité toutes sortes de végétaux et les aulx et oignons occupent une part importante, en particulier dans les livres de recettes du péage et de la leude138. Peut-être aulx et oignons faisaient-ils l’objet d’un commerce internationall139.
Modes d’exploitation et professions du jardinage
56Les laboureurs et les artisans exploitaient presque toujours eux-mêmes leurs jardins. Les bourgeois, quant à eux, faisaient cultiver par leurs domestiques les parcelles qui leur étaient utiles pour leur consommation ; lorsqu’ils possédaient plusieurs jardins — ce qui n’était pas rare — ils en acensaient quelques-uns à des artisans, parfois à des clercs, mais souvent aussi à des jardiniers professionnels. Les monastères et les communautés avaient un responsable des jardins, l’ortolanus, qui, dans les cas de nécessité ou aux moments des travaux saisonniers importants engageait, de plus, des travailleurs à la journée dont un assez grand nombre de femmes140. Un très bon exemple de gestion concerne le monastère de Saint-Victor de Marseille : en novembre 1421, dans un contrat d’arrentement passé avec un jardinier sont détaillés tous les droits et toutes les obligations du preneur vis-à-vis de l’abbé, y compris le programme strict des cultures à effectuer suivant les saisons. Ici, et souvent dans la région d’Aix, le contrat est conclu à part de fruits mais ce n’était pas toujours la règle, le cens en argent est aussi fréquent.
57On a vu que s’était développé un jardinage qui dépassait la simple consommation familiale. La mise en valeur des Marais de Paris en a été le modèle. De là est sortie et s’est généralisée peu à peu l’expression de cultures maraîchères qui s’applique de façon précise aux cultures de légumes à caractère spéculatif et en étroite dépendance avec une agglomération urbaine suffisante pour provoquer un appel de consommation, et cela pouvait exister même dans des villes de petites dimensions. Un petit jardinage spéculatif a été dépisté ainsi à Labastide-Clairence, bastide des Pyrénées-Atlantiques141 où un seul jardinier exploitait 21 jardins en 1343 et 1347. Le voisinage des potagers familiaux et de tenures exploitées par des professionnels a été à peu près général. Les productions maraîchères — y compris les graines de semence — des villes bretonnes alimentaient le marché local des villes proches, mais aussi une exportation142. Les villes de la côte nord de la Bretagne, depuis la baie du Mont Saint-Michel jusqu’au Léon et plus particulièrement Morlaix, Lesneven et Saint-Renan, et aussi les alentours de Vannes, en étaient les régions les plus caractéristiques.
58Louis Stouff incite à réfléchir à certaines particularités d’Arles. Ici, en 1437-1438, les ortolans sont peu nombreux : 4 sur 1220 chefs de feux recensés sont propriétaires. L’un deux a ses jardins en plein coeur de la ville. Les parcelles arrentées le sont au tiers des fruits et légumes. Quelques femmes exerçaient aussi ce métier, au moins au début du XVe siècle : en 1437-1438, sur les quatre ortolans propriétaires recensés, deux sont des femmes, mais quel était exactement leur rôle actif sur l’exploitation ? On ne peut le définir. Il est de plus probablement assez particulier à Arles que, à l’imitation des contrats de sociétés de marchands, les ortolans arlésiens se soient, à l’occasion, groupés aussi en sociétés d’exploitation comme en témoigne un acte de 1418143. Cette pratique était essentiellement le fait d’immigrés venus de Provence, des diocèses de Nîmes et de Mende, et surtout des régions alpines et rhodaniennes (diocèses de Genève, Belley, Tarentaise, Lyon, Valence). A Avignon aussi de nombreux jardiniers étaient originaires au XIVe siècle des évêchés de Sisteron et de Gap144, et encore en décembre 1459 où un Barthélemy Martin du diocèse de Turin, habitant Avignon conclut un contrat de fâcherie où sont énumérés les légumes qu’il devra planter145. Les jardiniers immigrés étaient nombreux également dans le Marais de Paris. En 1232, plus de 10 % des tenanciers de la collégiale de Sainte-Opportune étaient d’origine anglaise et certains d’entre eux furent l’origine de familles qui durèrent jusqu’au XVIIIe siècle. Cet afflux d’étrangers a été une constante de l’histoire du Marais de Paris146. Les maraîchers de Paris effectuaient leur culture suivant des modalités diverses : terres qu’ils possédaient en propre, et parcelles acensées ; d’autres encore allaient travailler à la tâche ou à la journée147. Les maraîchers propriétaires étaient en particulier nombreux dans la censive de Sainte-Opportune. L’exploitation y était assurée par la famille et des apprentis. Aux XIIIe et XIVe siècles, ils ne semblent pas avoir été organisés en métiers jurés : ils ne figurent pas dans le Livre des Métiers d’Etienne Boileau et ne s’organisèrent probablement que bien plus tard.
Les vergers
59Toutes les régions françaises ont eu des arbres fruitiers, ceux qui étaient naturellement adaptés à leur climat. Les régions géographiques les plus favorables les ont organisés en véritables vergers. Mais, il est apparu, on l’a vu, que la distinction n’est pas toujours très nette entre potager et verger. Ainsi, entre autres, dans le verger (viridarium) du collège de Périgord à Toulouse même, la présence de choux et d’épinards est attestée à plusieurs reprises. C’était aussi le cas des pourpris picards.
60La production de fruits en vergers a été importante dans les communautés. Outre, encore, le collège de Périgord à Toulouse, les abbayes de Saint-Denis et de Saint-Martin-des-Champs de Paris en récoltaient abondamment,148. Biens des communautés ou biens familiaux, les arbres fruitiers étaient considérés comme un élément important du patrimoine et de la production, et lorsque, au cours des guerres, les ennemis les détruisaient, cet acte était considéré comme un très grave dommage. A Aix149 les rentes en nature étaient beaucoup plus élevées sur les produits des vergers que sur les potagers. Hubert Collin150 a déduit également de l’étude de la charte de Beaumont (1182) que les fruits constituaient plus qu’un appoint pour les hommes du Moyen Age. Les arbres fruitiers en effet, y faisaient l’objet d’une protection particulière : des amendes, élevées, étaient prévues contre ceux qui les détruiraient. Mais il est intéressant de constater qu’étaient protégés également les arbres fruitiers sauvages des forêts communales. Certains comportements transparaissent dans les textes, qui sont significatifs de la place que l’on donnait aux arbres fruitiers. La comtesse d’Artois Mahaut en 1324, lorsqu’elle fit bâtir l’hôpital Saint-Jean à Hesdin y fit créer normalement un jardin et les premiers comptes mentionnent l’achat de nombreux arbres fruitiers151.
61Tous les arbres n’avaient pas la même importance dans l’utilité qu’ils offraient. Le châtaignier et le noyer fournissaient une contribution de base à l’alimentation et comme tels ils étaient très prisés. Aussi figurent-ils souvent dans les contrats de cession ou d’arrentement quand ils sont présents à une ou plusieurs unités sur une terre ou dans un jardin152. Pommiers et poiriers donnaient des récoltes qui pouvaient durer tout ou partie de l’hiver. Les arbres à fruits plus saisonniers, tels le cerisier ou le prunier apportaient pendant un temps un agrément et l’on en veut pour preuve que, à la saison, cerises et poires par exemple étaient offertes dans les réceptions.
62Les arbres présentent plus de différences régionales, semble-t-il, que les légumes. Pommiers, poiriers et cerisiers sont les espèces le plus souvent rencontrées. Il y en avait partout en France et il est probable que chacun en possédait. Diverses variétés de pommiers et poiriers existaient, adaptées au climat et aux sols de chaque région, et aussi, pour les pommiers, à différentes saisons. L’aire géographique des autres arbres fruitiers est plus restreinte. On rencontre les noyers, plus ou moins densément groupés en Périgord, Quercy, Languedoc, en région toulousaine, en Provence intérieure, en Forez, en Lyonnais, en Bourgogne, en Bretagne, dans le Maine qui en produisait suffisamment pour en exporter vers Chartres en particulier. A Paris et en Ile-de-France, ils étaient surtout présents dans les vergers abbatiaux et dans les hôtels seigneuriaux153. Le châtaignier est restreint à certaines régions de sols et de climat relativement frais. Sa répartition, sur les terrains cultivés, est difficile à établir. Autour de Périgueux sur les terres et dans les jardins des habitants de la ville, il y en avait en unités isolées. Cependant, la plus grande part de la récolte de châtaignes provenait de la cueillette sauvage dans les bois et les forêts comme en Corse, Limousin et Châtaigneraie cantalienne.
63Amandiers et figuiers ont été dans une très large mesure des arbres de régions méditerranéennes. Denrée de luxe très appréciée, les amandes ont voyagé. La production se limitait essentiellement à la Provence (principalement dans la région de Salon) et aux jardins du Roussillon. Néanmoins, Y. Bézard a signalé des amandiers dans les jardins d’Issy154. Les figuiers sont recensés en Languedoc et étaient surtout denses sur la région littorale de Provence, tout spécialement autour de Marseille. Rien ne permet d’affirmer qu’ils faisaient l’objet d’une organisation en vergers, sauf peut-être dans la région de Marseille. Ils piquetaient les potagers en un ou plusieurs exemplaires. Les figues sèches donnaient lieu comme les amandes à un commerce à distance. Les pêchers sont mentionnés en Provence et Thierry d’Hireçon en avait dans ses jardins d’Arras. Des pêches se montrent en Bourgogne au début du XIVe siècle sur les marchés de Châlon mais rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit d’une production locale bien que l’auteur le suggèrel155.
64Quelques espèces plus rares apparaissent ici, ou là dans les textes : les cognassiers du Languedoc et de Provence et si l’on en trouve dans les achats de l’Hôtel d’Angoulême en 1462, on n’en connaît pas la provenancel156. Le grenadier est franchement limité à la Provence157. Le mûrier est plus rare encore. Il est mentionné dans les jardins du Roussillon, ailleurs il est exceptionnel. Robert Fossier le mentionne en 1320 à Arras, mais il reste sceptique sur sa présence effective en Flandre158. Rares encore étaient les néfliers rencontrés à Saint-Cloud en 1451159 et en Forez160 et — cas tout à fait particulier — l’oranger dont la culture apparaît sur la Riviera française au XVe siècle. La première mention connue signale la plantation d’un oranger dans un potager intra muros d’Aix en 1427. A la fin du XVe siècle, on constate une présence déjà notable d’orangers à Ollioule161. Quant aux oliviers, ils restaient limités aux régions méditerranéennes. Les olivettes de Carpentras sont signalées — accidentellement il est vrai — à la suite des dégâts qu’elles avaient subis lors de l’hiver rigoureux de 1382162 et les jardins du Roussillon toutefois en comportaient aussi.
65Récolte annuelle dépendant fortement des caprices du climat, la production de fruits au total n’était cependant pas aussi faible que l’on serait tenté de le croire. Mais l’imprécision des textes ne permet pas de dresser une géographie des vergers qui reste ainsi très floue en dehors de quelques notations. A Bordeaux, des vergers existaient en même temps que des jardins sur les paroisses de Sainte-Eulalie et de Saint-Paul163 au moins à la fin du XIIe siècle. Au milieu du XVe, il y en avait près de la cathédrale164.
66Dans la géographie des vergers, une place particulière doit être réservée à la Provence où pour des raisons climatiques les véritables vergers étaient nombreux. Ainsi, dans le bourg d’Alleins165 vers 1450, sur 42 propriétaires, 28 avaient un jardin et 22 un verger. Toutefois, de façon générale, légumes et arbres fruitiers ont coexisté sur la même parcelle.
67Peut-on dire qu’il y a eu un développement du goût des fruits et partant un développement progressif des vergers ? Louis Stouff rappelle que le roi René en 1470 fit aménager un terrain à Gardanne (Bouches-du-Rhône) et y fit planter des cerisiers, des pêchers et d’autres variétés qui ne sont pas précisées. Dans le Comtat, les communautés encouragèrent la plantation d’arbres fruitiers dès la fin du XIVe siècle et au cours du XVe où certaines d’entre elles ordonnent à chaque chef de famille, suivant les lieux, d’en planter sur leurs terres deux ou quatre chaque année.
A-t-il existé une science des jardins ?
68Une certaine science de l’horticulture se déduit pour nous d’un ensemble de données et d’observations qui dénotent une culture assez savante, responsable de l’enrichissement des espèces de plantes de jardin et de l’existence de nombreuses variétés adaptées à chaque saison, tels les oignons et surtout les choux que l’on a pu ainsi consommer toute l’année. Et c’est vrai également pour les arbres166 : on retiendra entre autres les pêches de la Saint-Martin. En Bourgogne existaient diverses qualités de pommiers productives aux différentes saisons. Ailleurs, cette science se manifeste par une politique de plantation et d’entretien. Ainsi, dans les classes supérieures, certaines personnes éclairées ont donné l’exemple et peut-être lancé un mouvement. La duchesse de Bourgogne, Marguerite de Flandre, a eu un goût marqué pour les jardins et a dirigé leur exploitation. Pour la Saint-Martin d’hiver 1375, elle a fait planter des cerisiers au château de Rouvres et on a vu que en avril 1376 de grands travaux ont été réalisés pour planter des fraisiers. Mais en 1376 elle a fait aussi chercher et arracher dans la forêt d’Argilly deux charretées de framboisiers pour les planter à Rouvres. En mars 1376, les comptes détaillés mentionnent des achats de graines diverses (fèves, pois, blettes, choux rouges), de plants de poireaux et d’oignons. Parallèlement à ces innovations, les comptes de 1376 révèlent de sa part une direction, serrée et précise, des travaux et de la production des jardins ducaux. Elle n’hésite pas à modifier la disposition et la physionomie du jardin d’agrément. Et elle choisit minutieusement ses jardiniers (janvier 1379). L’évêque d’Arras Thierry de Hireçon qui a déjà été cité à plusieurs reprises et certaines communautés religieuses telles que les Chartreux de Dijon en 13 89167, sont également de ceux qui ont donné une impulsion à l’horticulture... et d’autres sans doute qui n’ont pas encore été tirés de l’oubli ! En 1511, le fermier des Célestins à Porchefontaine est tenu de planter “chacune année des 9 [du bail], tant aux jardins que terres et prés convenables pour ce faire, six sauvageons de pommiers et poiriers et les anter de bons greffes, entretenir, curer, émonder tous les arbres tant vieux que nouveaux, aussi tous les noyers et même ceux qui ont été de nouveau plantés... et les armer et habiller tellement que le bétail n’y fasse point de mal et le rendre en bon état”168. Certaines spécialisations, telles que les pêches de Corbeil ou les cerises des coteaux de Meudon peuvent être le résultat aussi d’un savoir plus ou moins empirique.
69Cette “science” se traduit aussi par l’introduction de plantes nouvelles ou la propagation de légumes existant. A vrai dire, le catalogue des plantes cultivées dans les jardins s’est peu élargi avant le XVIe siècle et il est difficile de donner une chronologie véritable des nouvelles acquisitions, d’autant que certaines de ces plantes existaient à l’état sauvage et faisaient déjà l’objet de cueillette. Il est vraisemblable qu’elles sont entrées progressivement dans les jardins (asperges et carottes par exemple). Il y eut des essais plus hardis, tels que la tentative en Bourgogne, au moins dans les jardins ducaux d’acclimater le figuier et l’olivier. En 1320, Thierry d’Hireçon a introduit dans ses jardins des mûriers et des framboisiers ainsi que la laitue dite de Paris ou celle d’Hesdin et les épinards169. On pense cependant que l’artichaut a peut-être pénétré en France au cours du XVIe siècle. La fraise d’abord culture seigneuriale et assez rare ne s’est vraiment répandue qu’au cours du XVIe siècle où on la vendait dans les rues de Paris170.
70Les graines de légumes étaient un élément important dans l’horticulture au point qu’elles étaient parfois considérées comme un bien. Marg. Gonon a publié un inventaire de biens de 1345 où les graines figurent pour 8 florins d’or171. Certains devaient sélectionner eux-mêmes leurs semences mais il existait aussi des professionnels ou des semi-professionnels. Olivier de Serres172 a noté la nécessité, connue de longtemps, de changer les semences. Et, en effet, les graines de légumes, au moins au milieu du XVe siècle, donnaient lieu à une production et à un commerce, aussi bien en Languedoc qu’en Bretagne173.
71Certaines régions paraissent s’être spécialisées et peut-être des pépinières, créées à des époques imprécises, ont-elles existé. On peut retenir par exemple qu’en 1320 l’évêque d’Arras a fait venir de Boulogne les mûriers et les framboisiers qu’il fit planter dans ses jardins174. En 1389, les Chartreux de Dijon achètent à un homme d’Hauteville (Marne) des greffons et des arbres175. Les religieux de Saint-Germain firent venir de Reims 300 pruniers pour leur domaine de Cachan en 1511176.
72Mais aussi et surtout, le traité d’agriculture écrit par l’italien Pietro di Crescenzi en 1306 et traduit en français en 1385 pour Charles V apporte la certitude qu’une science agraire médiévale a été alors une réalité. Elle a d’abord été l’apanage des seigneurs qui l’ont propagée en dirigeant de près l’exécution des divers travaux. Crescenzi se consacre essentiellement aux travaux avec une prédilection pour les arbres. Les légumes l’ont moins intéressé mais il s’est plu avec complaisance à détailler les vertus médicinales de chaque plante potagère. L’énumération des légumes donne un catalogue de ceux qui étaient connus et cultivés au début du XIVe siècle dans l’Italie du Nord du moins. L’expression qu’emploie Pietro di Crescenzi177 d’“herbes pour la viande” peut permettre de penser que les légumes n’étaient pas entièrement consacrés aux “potages”.
Conclusion
73Au terme de cette recension, on a donc acquis la certitude que les structures des villes médiévales françaises ont comporté de nombreux jardins. L’existence générale de potagers dans les organisations planifiées des communautés ou des villes neuves est un indice sûr de la nécessité de produire des légumes. De la nécessité aussi d’avoir le plus près possible de l’habitation des parcelles où la récolte est quotidienne. Il semble que les jardins se sont multipliés dans les villes et dans leurs alentours immédiats au cours du XIIIe siècle. Cela pourrait provenir de la documentation. Néanmoins, quelques auteurs ont observé cette évolution. Robert Fossier a constaté une notable augmentation du nombre des mentions de jardins et de courtils à partir de 1225, augmentation qui s’accélère entre 1250 et la fin du siècle178 ; et il en est de même du Marais parisien.
74Quelques hypothèses d’explication pourraient être proposées avant des recherches plus approfondies. La croissance démographique générale et le développement des villes ont suscité un appel de consommation qui a contribué à la multiplication des parcelles de cultures intensives capables de fournir des récoltes à court terme plusieurs fois par an. Mais peut-être aussi (quelques auteurs l’ont avancé, et dans d’autres cas, cela apparaît en filigrane) y a-t-il eu soit progressivement, soit plus rapidement, un changement des habitudes alimentaires qui aurait fait par goût, par mode ou par nécessité, une plus large place aux légumes dans l’alimentation courante.
75Je penserais volontiers aujourd’hui que ce bilan fait ressortir qu’à côté des trois éléments essentiels à la vie traditionnellement retenus (pain, viande, vin), les légumes ont eu probablement une part aussi importante dans l’alimentation. Mais ils ont constitué une sorte de circuit parallèle : absents des documents, n’ayant pas donné lieu en général à un commerce d’envergure, ils ont été ignorés. Et cependant, les jardins et leurs productions furent le recours dans les moments de pénurie ou de disette, de récoltes déficitaires de céréales, de pléthore démographique, d’opérations militaires. En dernière analyse, ce sont en grande partie, les jardins qui, dans les temps d’épreuves, ont permis aux populations de survivre.
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76Une thèse de 3e Cycle de l’EPHESS dont l’auteur est Martine Paul-Sehl, a été soutenue en 1980 sous le titre Recherches en vue d’une reconstitution matérielle du jardin médiéval à l’aide de documents historiques, iconographiques et littéraires.. Elle n’a pas été publiée et nous n’avons pu la consulter que tardivement. Elle traite des jardins en général sans différencier particulièrement les jardins intra-urbains. Sauf peut-être pour les jardins de Bordeaux (p. 135) évoqués dans la Geste de Garin le Lorrain où quelques-uns, rares cependant, sont situés dans un cadre proprement urbain. Son étude des dimensions des jardins (p. 138-141) a rassemblé nombre de données intéressantes. Il resterait peut-être à vérifier que les grands jardins (plus de 8 000 m2) appartenaient en majeure partie à la France du Nord. Nous avons vu qu’il en existait aussi à Toulouse par exemple. Par ailleurs, les textes littéraires font allusion plus que les textes juridiques et surtout aussi dans la France du Nord, à des murs clôturant les jardins. La nécessité de l’eau est signalée en 1399 par la présence particulière de puits à Saint-Germain-des-Prés où les conditions naturelles étaient différentes du Marais. Les fleurs et les oiseaux n’ont pas été oubliés dans cette recherche de la physionomie du jardin médiéval qui révèle finalement bien des traits communs entre les différentes régions.
Notes de bas de page
1 Noël Coulet, Pour une histoire du jardin. Vergers et potagers à Aix-en-Provence : 1350-1450, Le Moyen Age, 1967, p. 230-270 (= Jardin).
2 Daniel Faucher, Les jardins familiaux et la technique agricole, Ann. E.S.C., 1959, p. 297-307 (= Jardins familiaux).
3 Jean-Pierre Leguay, Un réseau urbain au Moyen Age : les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1981, p. 219 (= Villes bretonnes).
4 Louis Stouff, Ravitaillement et alimentation en Provence aux XIVe et XVe siècles, Paris-La Haye, 1970, p. 104 (= Alimentation).
5 Coulet, Jardin, p. 255 et 257 ; Marguerite Gonon, La vie familiale en Forez au XIVe siècle et son vocabulaire d’après les testaments, Paris, 1961, p. 63, 186-187 (= Vie familiale) ; Nicole Gonthier, Une esquisse du paysage urbain Lyonnais aux XIVe et XVe siècles, dans Le paysage urbain au Moyen Age, Lyon 1981, p. 264 ; Thérèse Kleindienst, La topographie et l’exploitation des “Marais de Paris” du XIIe au XVIIe siècle, dans Paris et Ile-de-France, Mémoires, t. XIV, 1964, p. 41 et n. 6 (= Marais de Paris I) ; Arch. comm. Périgueux, FF 203, pass, et ibid., II, 11, 1 ; dans le Cartulaire de la Sauve Majeure (Bibl. mun. Bordeaux, ms 769) par ex. sur 29 mentions de jardins, ou rencontre 23 fois le terme ortus ; Phil. Wolff, Les “Estimes” toulousaines des XIVe et XVe siècles, Toulouse, 1956, pass. (= Estimes).
6 Jean-Pierre Leguay, Le paysage urbain de Rennes au milieu du XVe siècle d’après un Livre rentier, Mémoires de la Soc. d’Hist. et d’archéol. de Bretagne, 1978, p. 195 (= Rennes) ; Id., Vannes au XVe siècle. Etude de topographie urbaine, 2’partie, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 1975, p. 265 (= Vannes) ; Id., Villes bretonnes, p. 219.
7 Robert Fossier, La terre et les hommes en Picardie jusqu’à la fin du XIIIe siècle, 2 vol. Paris-Louvain, 1968, surtout p. 591-594 (= Picardie).
8 Gonon, Vie familiale, p. 63.
9 Kleindienst, Marais de Paris, I, p. 81-85.
10 Coulet, Jardin, p. 254 ; Claudine Billot, Chartres au XIVe et au XVe siècles. Une ville et son plat pays, Thèse Lettres, Paris 1980, ronéotée, p. 218 ; Gonon, Vie familiale, p. 63.
11 Kleindienst, Marais de Paris I, p. 41 n. 6.
12 Auguste Vincent, Toponymie de la France, Bruxelles 1937, no 815.
13 Jean-Pierre Leguay, Le paysage péri-urbain au XVe siècle : l’aspect et le rôle de la campagne voisine dans la vie des cités bretonnes au Moyen Age, Mémoires de la Soc. d’hist. et d’archéol. de Bretagne, 1980, p. 91 et n. 103 et p. 93 (= Paysage péri-urbain).
14 Charles Higounet, Paysages et villages neufs du Moyen Age, Bordeaux 1975, p. 392 (= Paysage)*.
15 Kleindienst, Marais de Paris I, p. 55 et 57.
16 Louis Stouff, Arles à la fin du Moyen Age, Aix-en-Provence-Lille, 1986, 2 vol., p. 375 (= Arles) ; Id., Alimentation, p. 103.
17 Arch. comm. Périgueux, II, 11, 1 (12 mai 1337).
18 Stouff, Alimentation, p. j. no 6, p. 380.
19 Faucher, Jardins familiaux, p. 299.
20 Stouff, Arles, p. 338-339 et 375-378 ; Georges Duby, Techniques et rendements agricoles dans les Alpes du Sud en 1338, Annales du Midi, 1958, p. 404.
21 Perrine Mane, La vie agricole en Bourgogne aux XIIe et XIIIe siècles à travers l’iconographie des calendriers, 109 e Congrès national des Soc. sav., Dijon 1984, Histoire médiévale et philologie, t. Il, Paris, 1987, p. 109.
22 Gonon, Vie familiale, p. 188-190 et 231.
23 Higounet, Paysages, p. 295.
24 Anne Lombard-Jourdan, Oppidum et banlieue. Sur l’origine et les dimensions du territoire urbain, Ann. E.S.C., 1972, p. 395 a donné de l’unité que constitue la ville et sa banlieue une heureuse définition : “la ville commence à la limite de sa banlieue comme une demeure à l’entrée de son jardin”.
25 Albert Rigaudière, L’assiette de l’impôt à ta fin du XIVe siècle : le livre d’estimes des consuls de Saint-Flour, Paris, 1977, p. 59 (= Assiette de l’impôt) ; Alain Guerreau, Remarques sur les méthodes statistiques adaptées aux cadastres urbains médiévaux. A propos du livre d’estimes de Saint-Flour (1380-1385) (Colloque de Saint-Cloud), Les cadastres anciens des villes et leur traitement par l’informatique, 1985, sous presse, à paraître fin 1989.
26 Bernadette Suau-Noulens, La Cité de Rodez au milieu du XVe siècle d’après le livre d’estimes de 1449, Bibl. Ec. des Chartres, 1973, p. 164 et 172 (= Cité de Rodez).
27 Coulet, Jardin, p. 249 et 250.
28 Louis Stouff, Les Livres terriers d’Arles du XVe siècle (Colloque de Saint-Cloud 1985), sous presse, fig. 138.
29 Jean Coppolani, Toulouse. Etude de géographie urbaine, Toulouse, s.d. (1954), p. 61 et plan h.t. p. 58 (= Toulouse).
30 Leguay, Villes bretonnes, p. 171 et 174 ; Id., Rennes, p. 204-205.
31 Pierre Desportes, Reims et les Rémois aux XIIIe et XIVe siècles, Paris 1979, p. 60-61 et 464-465 (= Reims).
32 Charles Higounet, Bordeaux pendant le haut Moyen Age (Histoire de Bordeaux, II), Bordeaux, 1963, p. 108 et 279.
33 Coulet, Jardin, p. 249-252.
34 Geneviève Alamy, L’alimentation d’un collège d’étudiants à Toulouse aux XIVe et XVe siècles d’après les comptes du Collège de Périgord (1381-1426) T.E.R. oct. 1969, Fac. Lettres Toulouse, dactyl., (= Alimentation) ; La Chanson de la Croisade albigeoise, éd. Eug. Martin-Chabot, t. II, Paris 1957, p. 291.
35 Jean-Pierre Leguay, Paysage péri-urbain, p. 91 et n. 103 ; Id..Villes bretonnes, p. 262 (plan) et carte p. 144.
36 Stouff, Alimentation, p.j. no 16, p. 380-381.
37 Leguay, Villes bretonnes, p. 58 et 219 ; Id., Vannes, p. 265-267 ; Id., Rennes, p. 195.
38 Raymond Cazelles, Paris de la fin du règne de Philippe Auguste à la mort de Charles V, 1223-1380, Nouvelle Hist, de Paris, t. II, 1972, p. 13-15 (= Paris).
39 Jean Favier, Paris au XVe siècle, 1380-1500, Nouvelle Hist, de Paris, t. III, Paris 1974, p.26-27 (= Paris).
40 Kkeindienst, Marais de Paris I, p. 45 et n. 1 et 4, p. 46.
41 Id., ibid., p. 51 n. 4 : au milieu du XIIIe s., certaines pièces sont ainsi alternativement cultivées en légumes et en céréales.
42 Id., La topographie et l’exploitation des “Marais de Paris” du XIIe au XVIIe siècle, 2e partie. Etude économique, dactylographiée, aimablement communiquée par l’Auteur à qui nous exprimons ici tous nos remerciements, p. 208 (= Marais de Paris II).
43 Georges Duby, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, t. 1, Paris 1962, p. 60.
44 Auguste Brutails, Etude sur la condition des populations rurales du Roussillon au Moyen Age, Paris 1891, p. 20 (= Populations rurales du Roussillon).
45 Stouff, Alimentation, p. 103 et Arles, p. 376.
46 Renseignement aimablement communiqué par Jean Lartigaut.
47 Robert Latouche, La vie en Bas-Quercy du XIVe au XVIIIe siècle, Toulouse 1923, p. 196 (= Bas-Quercy) ; Gabriel de Llobet, Foix médiéval, recherches d’histoire urbaine, s.d., p. 160 (= Foix).
48 Bernadette Suau, Rodez, Atlas des Villes de France, Paris 1983.
49 Leguay, Paysage péri-urbain, p. 92.
50 G. Lafforgue, Gardiage de Toulouse. La Grande-Lande et Croix-Daurade, Toulouse 1909, p. 322 et 334.
51 Rigaudière, Assiette de l’impôt, p. 59.
52 Renseignement aimablement communiqué par Patrice Beck.
53 Higounet, Paysages, p. 332 l’a noté pour Marmande.
54 Fossier, Picardie, p. 393-394, carte h.t. et p. 422.
55 Id. ibid., p. 424.
56 A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au XIVe siècle, Paris 1877, p. 138-139 (= Saint-Omer).
57 Alain Derville, Le Marais de Saint-Omer, dans Le Paysage rural : réalités et représentations (Actes du Xe congrès des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur), 1979, p. 73-93, p. 80 (= Saint-Omer).
58 Giry, Saint-Omer, p. 237, 419, p.j. 48.
59 Higounet, Paysages, p. 392, 181 et 272 et Joseph Calmette et Charles Higounet, Textes et documents d’histoire, 2. Moyen Age, Clio, Paris, 1953, p. 90-92.
60 Coulet, Jardin, p. 262 et s.
61 Le potager que Fernand Braudel a reproduit dans L’identité de la France. Espace et histoire, I, h.t. p. 128 no 7 avec ses treilles, ses arbres et ses planches de légumes est bien une survivance du Moyen Age.
62 Stouff, Arles, p. 376 et dessin ; Coulet, Jardin, p. 269 et n. 116.
63 Arch. dép. Dordogne, 2 E 1834, 107, f° 25 et 26 vo (juin 1439) et Arlette Higounetnadal, Périgueux aux XIVe et XVe siècles. Elude de démographie historique, Bordeaux, 1978, p. 96.
64 Kleindienst, Marais de Paris /, p. 160 n. 3.
65 Leguay, Vannes, p. 266 ; Id., Villes bretonnes, p. 57 ; Id., Paysage périurbain, p. 93.
66 Derville E, Saint-Omer, p. 85 et 86.
67 Kleindienst, Marais de Paris I, p. 48-49.
68 Leguay, Villes bretonnes, p. 56 et 358.
69 Charles Higounet, Le quartier Saint-Christoly à Bordeaux au milieu du XIVe siècle, Actes de P Acad. nat. des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 1976 (1977), p. 45-53.
70 Stouff, Alimentation, p. 103.
71 Leguay, Paysage péri-urbain, p. 81 ; Id., Villes bretonnes, p. 57 et 144.
72 Coulet, Jardin, p. 254-255.
73 Stouff, Arles, p. 375 et 376.
74 A titre d’exemple, le journal est estimé par J.-P. Leguay en Bretagne à env. 4860 m2 (Villes bretonnes, p. 219) et par Rob. Boutruche (La crise d’une société, Paris 1947, p. XVII et notes 2 et 3) en Bordelais (journal de boeuf) à 1433 m2 env. ; et en Hainaut il peut varier de 2772 à 5115 nr (G. Sivery, Structures agraires et vie rurale dans le Hainaut à la fin du Moyen Age, Univ. Lille III, Villeneuve-d’Ascq 1977, p. 59) et la mesure de Saint-Omer env. 3550 m2
75 Leguay, Rennes, p. 195-196.
76 Fossier, Picardie, p. 392 n. 107.
77 Leguay, Villes bretonnes, p. 219 ; Id., Paysage péri-urbain, p. 93-94.
78 René Fedou, Les hommes de loi lyonnais à la fin du Moyen Age, Paris, 1964, p. 473-474.
79 Michel Hebert, Tarascon au XIVe s., Thèse 3e cycle, Aix, 1979, p. 31 (= Tarascon).
80 Higounet, Paysages, p. 351 et 392.
81 On en relève seulement 14 mentions, de niveaux économiques variés, puisque sur ce nombre de 14, il y a 6 nichils (Wolff, Estimes, p. 113).
82 Kleindienst, Marais de Paris I, p. 92 n. l et p. 83 n. 2 (1598), p. 101 n.l. (1543), p. 97 n. 4, p. 113 n. l. (1295, 1300 et 1315), p. 114 n. l. (1512).
83 Derville, Saint-Omer, p. 85.
84 Coulet, Jardin, p. 257.
85 Higounet, Paysages, p. 144 et 316.
86 Coulet, Jardin, p. 250.
87 Arch. dép. Dord., 2 E 1834, 107, f° 25.
88 Llobet, Foix, p. 125 n. 18, p. 129 et 130.
89 Hebert, Tarascon, p. 31.
90 D. Poppe, Maillane, p. 97.
91 Rigaudière, Assiette de l’impôt, p. 72-73.
92 Suau-Noulens, Cité de Rodez, p. 174.
93 Marianne Mulon, Deux traités inédits d’art culinaire médiéval, B.C.T.H. Congrès national des Soc. sav. de Tours, 1968, vol. 1, Paris 1971, p. 377-378.
94 P. de Crescens, Le livre des proufits champêtres et ruraux.
95 Jean Duvernoy, La nourriture en Languedoc à l’époque cathare, Actes du Congrès de la Fédération Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Carcassonne, 1968, p. 235-241 (= Nourriture en Languedoc).
96 L. Guyot, Histoire des plantes cultivées, Paris 1953.
97 Françoise Piponnier, Recherches sur la consommation alimentaire en Bourgogne au XIVe siècle, Ann. de Bourgogne, 1974, p. 72-74 (= Consommation alimentaire).
98 Charles Samaran et Gilbert Loubes, Comptes consulaires de Montréal en Condomois (1458-1498), Coll. Documents inédits, Paris 1979, p. 43.
99 J.-P. Leguay, Le Léon, ses villes et Morlaix au Moyen Age, Bull. Soc. hist, et archéol. du Finistère, 1980, p. 202 et 224.
100 Kleindienst, Marais de Paris II, p. 193-197.
101 Stouff, Alimentation, p. 103-108 et p.j. 16 et 17.
102 J.-M. Richard, Thierry d’Hireçon, agriculteur artésien, Biblioth. Ecole des Chartes, 1892, p. 402 (= Thierry d’Hireçon) ; Kleindienst, Marais de Paris II, p. 195.
103 Geneviève Alamy et Ch. Fruhauf, Notes sur l’alimentation des étudiants à Toulouse aux XIVe et XV’siècles, Congrès Fédération Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Luchon 1969, p. 39 et 46 s. (= Alimentation des étudiants) ; Latouche, Bas-Quercy, p. 194-195 ; Kleindienst, Marais de Paris II, p. 193-194.
104 Danièle Alexandre-Bidon et Corinne Beck-Bossard, La préparation des repas et leur consommation en Forez au XVe siècle d’après les sources archéologiques, dans Manger et boire au Moyen Age, Congrès de Nice 1982, Paris, 1984, t. 2, p. 61-62 (= Repas en Forez).
105 Pierre Charbonnier, L’alimentation d’un seigneur auvergnat au début du XVe s., BCTH, Congrès de Tours 1968, Paris 1971, t. I, p. 94 et 100.
106 Manger et boire dans les fabliaux ; rites sociaux et hiérarchie des plaisirs, dans Manger et boire au Moyen Age (Actes du Colloque de Nice 1982), t. 1, Paris, 1984, p. 228.
107 Ch. Fruhauf, L’alimentation d’un collège d’étudiants à Toulouse au XVe s. d’après les comptes du Collège du Périgord (1426-1456), T.E.R. Univ. Toulouse oct. 1969, ronéoté, p. 38.
108 Stouff, Alimentation, p. 103-108 et p.j. 17 p. 383.
109 Alamy et Fruhauf, Alimentation étudiants, p. 50.
110 Consommation alimentaire, p. 73, 101, 104, 105, 109.
111 Stouff, Alimentation, p. 103-108 (1357).
112 Kleindienst, Marais de Paris II, p. 195-196 ; Yvonne Bezard La vie rurale dans le Sud de la région parisienne de 1450 à 1560, Paris, 1929, p. 159 (= Région parisienne).
113 Hubert COLL IN, Les ressources alimentaires en Lorraine pendant la première partie du XIVe siècle, BCTH, Congrès national des Soc. Sav. de Tours 1968, Paris, 1971, t. I, p. 73 (= Lorraine).
114 Richard, Thierry d’Hireçon, p. 414-415.
115 Bezard, Région parisienne, p. 159 et surtout p.j. Il, p. 320 (5 mai 1494) et p. 334, n. 3.
116 Renseignement aimablement communiqué par Jean Lartigaut.
117 Stouff, Arles, p. 377 ; Id., Alimentation, p. 103.
118 Piponnier, Consommation alimentaire, p. 72 s. et p. 109.
119 Louis Stoupf, Y avait-il à la fin du Moyen Age une alimentation et une cuisine provençales originales ? dans Manger et boire au Moven Age (Colloque de Nice, 1982), t. 2, Paris 1984, p. 97-98.
120 Kleindienst, Marais de Paris/, p. 51 et no 4 (1260).
121 Charles Commeaux, La vie quotidienne en Bourgogne au temps des ducs Valois, 1364-1477, p. 150-151.
122 Stouff, Alimentation, p. 107.
123 Kleindienst, Marais de Paris II, p. 195.
124 Id. ibid., p. 241 ; Bezard, Région parisienne, p. 159 et 169 ; Livre des Métiers, p. 334 et n. 3 ; Georges Gibault, Histoire des légumes, Paris, 1912, p. 77.
125 Kleindienst, Marais de Paris II, p. 241 et 243.
126 Isabelle Guerin, La vie rurale en Sologne aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1960, p. 75-76.
127 Latouche, Bas-Quercy, p. 188 no 7 et p. 189.
128 Jean Lartigaut, Les campagnes du Quercy après la guerre de Cent Ans (v. 1440-v. 1500), Toulouse, 1978, p. 318.
129 Alimentation, p. 107.
130 Thérèse Sclafert, Sisteron au début du XVIe siècle, Ann. de Géographie, 1928, p. 167-173.
131 Gonon, Vie familiale, p. 196-197.
132 R. Limouzin-Lamothe, La Commune de Toulouse et les sources de son histoire, Toulouse, 1932, p. 267 ; Coppolani, Toulouse, p. 188. Voir aussi Pierre Ponsich, La charte de “poblacio” d’Espera de l’Agli (1389), Actes 106e Congrès national des Sociétés Savantes Perpignan 1981, Paris, 1984, p. 114 et 125.
133 Kleindienst, Marais de Paris II, p. 241.
134 Fossier, Picardie, p. 368.
135 Giry, Saint-Omer, p. 336.
136 Fossier, Picardie, p. 394 ; Etienne Boileau, Livre des Métiers de Paris, p. 334 ; Arch. comm. Périgueux, BB 13, f° 73.
137 Piponnier, Consommation alimentaire, p. 109.
138 Stouff, Arles, p. 379.
139 On a quelques mentions d’une exportation médiévale d’oignons vers l’Angleterre, en particulier vers le port d’Exeter qui en a reçu régulièrement (Henri Touchard, Le commerce maritime d’Exeter au début du XVe s., Economies et sociétés au Moyen Age, Mélanges offerts à Ed. Perroy, p. 533). L’exportation se serait faite par le port de Morlaix (Leguay, Paysage péri-urbain, p. 92 et 93) et les autres petits ports de la Bretagne septentrionale jusqu’à Saint-Malo (Leguay, Villes bretonnes, p. 231 et Henri Touchard, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Age, Paris 1967, p. 52-53).
140 Stouff, Alimentation, p. 104 et p.j. no 16.
141 F. Darnere, Labastide Clairence au XIVe s., TER Univ. Bordeaux III, 1969, p. 47.
142 Paysage péri-urbain, p. 92 et Villes bretonnes, p. 231.
143 Stouff, Arles, p. 378 s. et 602-603 n. 30.
144 Bernard Guillemain, La cour pontificale d’Avignon (1309-1376). Etude d’une société (Befar, 201), Paris, 1962, p. 684.
145 Stouff, Alimentation, p. 105.
146 Kieindienst, Marais de Paris II, p. 210, 216, 218.
147 Id., ibid., p. 220 s. et p. 231.
148 Guy Fourquin, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen Age, Paris 1964, p. 72 et n. 52 (= Campagnes région parisienne).
149 Coulet, Jardin, p. 260.
150 Collin, Lorraine, p. 44.
151 Richard, Thierry d’Hireçon, p. 413 et n. 5.
152 Arch. dép. Dord., 2 E 1834, 107, f° 25 v° (dotation de la chapellenie) et Arch. comm. Périgueux FF 203, F" 20 et 117 par exemple.
153 Fourquin, Campagnes région parisienne, p. 72 et notes 52 et 53.
154 Bezard, Région parisienne, p. 160.
155 Piponnier, Consommation alimentaire, p. 75 et 102.
156 Duvernoy, Nourriture en Languedoc, p. 238 ; Stouff, Alimentation, p. 107 ; François Maillard, Les dépenses de l’Hôtel du comte Jean d’Angoulême pour le second semestre 1462, BCTH, Congrès national des Soc. sav., Tours 1968, Paris 1971, vol. 1, p. 125.
157 Stouff, Alimentation, p. 107 ; Coulet, Jardin, p. 266.
158 Picardie, p. 426 n. 28 et p. 394 n. 110.
159 Bezard, Région parisienne, p. 160.
160 Gonon, Vie familiale, p. 191.
161 Coulet, Jardin, et Stouff, Alimentation, p. 107.
162 Robert-Henri Bautier et Janine Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Age. Provence, Comtal Venaissin, Dauphiné, Etats de la Maison de Savoie, 3 vol. Paris, 1968-1974, p. 1041 et 1048 n. 3.
163 Higounet, Bordeaux pendant le haut Moyen Age, p. 108.
164 Renouard, Bordeaux sous les rois d’Angleterre (Histone de Bordeaux, III), p. 497 n. 30.
165 Alimentation, p. 103 et 107.
166 Coulet, Jardin, p. 263-264.
167 Commeaux, Vie quotidienne, p. 150-152.
168 Bezard, Région parisienne, p. 160-161.
169 Picardie, p. 426 n. 208.
170 Georges Gibault, Histoire des légumes, Paris, 1912, p. 350.
171 Vie familiale, p. 152-153, no 169.
172 Olivier DE Serre, Le théâtre d’agriculture et Mesnage des champs, Livre VI pour les Jardins, éd. revisée, 2 vol. Paris, 1804-07, p. 239.
173 Leguay, Paysage péri-urbain, p. 93.
174 Fossier, Picardie, p. 426, no 208.
175 Commeaux, Vie quotidienne, p. 152.
176 Bezard, Région parisienne, p. 160.
177 P. de Crescens, op. cil., f° 157.
178 Fossier, Picardie, p. 392 et 424.
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