Châteaux et peuplements dans la Péninsule ibérique (xe-xiiie siècles)
p. 93-107
Texte intégral
1La toponymie comme les paysages de la Péninsule ibérique témoignent d’un riche passé « castrai ». Ici, comme au-delà des Pyrénées, les termes désignant des ouvrages fortifiés apparaissent fréquemment. Ils sont d’origine latine (Castro, castillo, torre, plus rarement roca, pefia, ou moto), ou arabe (cala, borox, almenar, alcazar1). On les trouve sous la forme d’un diminutif, d’un pluriel, avec des variantes dialectales, soit seuls soit suivis d’un qualificatif, d’un nom de personne ou de lieu, ou encore précédés d’un nom de saint. Quant aux paysages, l’image du château, parfois isolé mais dominant de sa masse une agglomération qui se presse à ses pieds, est familière à tous ceux qui ont parcouru les routes de l’Espagne et du Portugal.
2Qu’elle soit matériellement présente encore aujourd’hui ou qu'elle ne survive plus que dans un nom de lieu, la forteresse médiévale a donc marqué de son empreinte le sol de la Péninsule. Affirmer qu’elle a joué un rôle dans l’histoire de son peuplement, c’est énoncer une vérité première. Mais les difficultés se pressent lorsqu’il s’agit de préciser ce rôle.
3Sans doute, les ouvrages de « castellologie », en langue espagnole, portugaise ou catalane, ne manquent pas : monographies consacrées à tel ou tel château et corpus des forteresses d’une région2. Ces travaux ne sont pas inutiles, mais leur intérêt pour l’étude de l’occupation du sol reste limité. Leurs auteurs, qui ne sont pas toujours des historiens de métier, se préoccupent essentiellement des aspects architecturaux des édifices, de leurs possesseurs passés, des événements — réels ou imaginaires — dont ils ont été le théâtre. Les châteaux qu’ils décrivent sont ceux qui sont encore debout et qui, dans leur état actuel, pour la plupart, ne remontent pas en deçà des xive et xve siècles, ou ceux dont il subsiste des vestiges de quelque importance. La chronologie est incertaine car elle n’est établie, quand les textes font défaut, ce qui est souvent le cas, que par référence à des détails de construction : on ignore donc ce qui a pu précéder l’édifice tel qu’il nous est parvenu. Sur les forteresses disparues, attestées par la documentation ou la toponymie, les travaux auxquels je fais allusion n’apportent que peu de choses.
4Il n’y a guère à attendre, pour l’instant, de la recherche archéologique dans le domaine qui nous intéresse. Restent les données éparses, établies à partir de sources écrites et de la toponymie, que l’on rencontre dans les travaux consacrés à la reconquista et au repeuplement des zones soustraites à la domination musulmane3. Cependant, si le lien entre ouvrages fortifiés et établissements humains y est évoqué, c’est de façon incidente, sans que le phénomène soit envisagé dans toutes ses implications. À ma connaissance, il n’existe pas, du moins pour l’espace que je connais le mieux, celui qui correspond au royaume de Léon Castille, de travaux comparables à ce qui a été fait par Pierre Toubert pour le Latium et par Benoît Cursente pour la Gascogne gersoise.
5Dans ces conditions, je ne puis fournir un état général de la question, pour lequel les bases font défaut, ni non plus apporter le résultat de recherches personnelles menées dans un secteur déterminé. Ma contribution consistera seulement à signaler quelques résultats acquis et à suggérer un certain nombre de directions de recherche. Ceci dans le cadre constitué par l’ensemble politique issu du noyau de résistance asturien. Je ne ferai que quelques allusions aux autres États chrétiens de la Péninsule.
6Les structures de l’habitat au sud des Pyrénées, à la veille de l’invasion musulmane n’étaient pas différentes de celles de la Gaule et de l’Italie. Les villes, bien qu’étiolées, subsistaient, et le réseau des villae et des vici hérité de la période romaine était probablement en grande partie intact4. Plusieurs agglomérations urbaines possédaient une enceinte et l’on a soutenu que des ouvrages fortifiés jalonnaient les approches des zones plus ou moins rebelles à la domination wisigothe, peuplées par les Astures, les Cantabres et les Basques5. Mais la fortification n’était qu’un épiphénomène dans l’Espagne du début du viiie siècle. Elle n’avait pas de signification autre que militaire et, pour ce qui concerne les villes, il ne s’agissait que d’un vestige du passé. Reste le problème des oppida ou castra que l’on évoquera plus loin6.
7Le débarquement arabo-berbère de 711 a profondément modifié ces données. La Péninsule a été coupée en deux, et l’on est passé d’une situation de paix relative, troublée seulement par des révoltes localisées dans les régions périphériques, à un état de guerre permanent, interrompu certes par des trêves de fait ou de droit, plus ou moins longues mais toujours précaires, entre les musulmans qui en occupent la majeure partie et des noyaux de résistance qui ont progressivement étendu l’aire où ils étaient nés. Aux uns et aux autres, la fortification s’est imposée comme une nécessité.
8Du côté musulman, les souverains, les gouverneurs de provinces, leurs services, leur garde armée, étant donné la nature de leur pouvoir et par crainte des émeutes, s’enferment dans des palais-forteresses (alcazars) parfois agrandis aux dimensions d’un quartier ou d’une ville (alcazaba, almudena) de caractère militaire et administratif qui double la cité commerçante et artisanale souvent, elle aussi, au moins sommairement, fortifiée. D’autre part, l’Emirat puis Califat de Cordoue, bien que l’emportant largement sur ses adversaires chrétiens quant à la puissance militaire, n’était pas à l’abri de leurs raids ni non plus des rébellions intérieures. Il a donc fallu créer une organisation défensive à base de villes et de bourgades fortifiées, de fortins isolés, aux confins des territoires de domination islamique et le long des axes de communication.
9Entre les régions qui appartenaient pleinement au Dar al-Islam péninsulaire (Andalousie, Levante, vallées du Guadiana, du Tage, de l’Ebre inférieur et moyen) et celles qui en étaient indépendantes (Massif galicien, Cordillère cantabrique, chaîne pyrénéenne) s’étendaient, à la fin du viiie siècle, des espaces à peu près vides dont la profondeur variait de quelques dizaines à plus d’une centaine de kilomètres7. Ils ont été, à partir du ixe siècle commençant, un champ d’expansion pour les populations chrétiennes du Nord et de l’Est descendues de leurs refuges montagneux. Les établissements humains qui s’y sont constitués ont dû être protégés contre les attaques musulmanes qui visaient à les détruire. La ville forte, le castrum, le château, la tour ont dès lors marqué le paysage de leur empreinte.
10Galiciens du nord, Asturiens, Cantabres de la « montaña » de Santander, Basques ont progressé en direction du Duero qu’ils ont atteint au début du xe siècle. Le bassin du fleuve était une terra nullius d’où toute organisation collective avait disparu, même si une population clairsemée s’était, peut-être, maintenue çà et là8. Au fur et à mesure de leur avance, les populatores ont constitué un réseau d’exploitations rurales, de villae. Ils ont occupé les sites d’anciennes agglomérations ruinées qui avaient eu un caractère urbain plus ou moins prononcé, remis en état leurs enceintes9. Des villes fortes, les urbes et civitates des chartes et des chroniques, ont ainsi marqué les étapes de l’occupation du sol : Lugo, León d’abord, puis Tuy, Astorga, Duenas, Amaya Patricia, Auca, enfin sur le fleuve Portucale (Porto), Zamora, Toro, Simancas, Roa, Osma, Clunia. Des castra ou castella ont complété ce système de défensé. Les habitants des villae et des monastères des environs trouvaient asile dans ces villages fortifiés situés sur des hauteurs en cas d’attaque musulmane. On trouve assez fréquemment mention d’agglomérations rurales dont il est précisé qu’elles sont sises au-dessous (subtus) de tel ou tel castrum10.
11L’abondance des ouvrages fortifiés a été particulièrement notable dans la partie orientale de cette zone de colonisation qui a été connue dès le début du ixe siècle comme le « pays des châteaux » : Castella/Castilla pour les chrétiens, al-Qila pour leurs adversaires11. Là, en effet, le danger était plus proche qu’ailleurs : les musulmans tenaient solidement la vallée moyenne de l’Ebre et la vallée supérieure du Duero était peu éloignée de leur base de Medinaceli12. Dans ce pays de hauts plateaux, les paramos, que des chaînes montagneuses, les sierras, scindent en unités naturelles plus ou moins vastes, les sites défensifs ne manquaient pas. Des forteresses qui les couronnaient, nous ignorons malheureusement à peu près tout sauf le nom d’un certain nombre d’entre elles13. Elles étaient certainement de types variés : castra abritant une population qui ne se dédiait pas seulement à des tâches militaires, châteaux occupés de façon temporaire ou par des garnisons permanentes, simples tours de vigie14.
12C’est en Castille qu’est apparu un type d’agglomération qui a connu une grande fortune : le binôme château-ville. Le premier exemple en est fourni par Burgos15. Sur une hauteur entourée de trois côtés par des cours d’eau (Arlanzon, Pico et Vena), à environ cinq kilomètres de la voie romaine Burdigala-Caesarea Augusta-Asturica, fut établi, en 863, un poste de guet, un presidium. Il fut détruit par une attaque musulmane. La tentative fut reprise en 883 et, l'année suivante, un comte de la région « peupla » Burgos sur l’ordre du roi asturien Alphonse III16. Sur les circonstances et les modalités de ce peuplement, les sources ne nous en apprennent pas davantage. Le nom même de la ville pourrait laisser supposer l’existence d’établissements antérieurs. Mais ils auraient été relativement récents : on n’a trouvé aucun vestige préhistorique, romain, ou wisigoth sur le site de Burgos. Quoiqu’il en soit, au xe siècle, ce site était occupé par un château bâti sur la hauteur et par une agglomération qui s’étendait sur la pente méridionale de celle-ci. L’enceinte de la ville était formée de deux bras qui partaient de la forteresse.
13Il existe de toute évidence un lien étroit entre le repeuplement « rural » du bassin du Duero et l’édification de places fortes. On peut penser que les deux entreprises ont été menées simultanément et se sont épaulées l’une l’autre : conduites isolément elles auraient été vouées à l’échec. Quelques textes vont à l’appui de cette hypothèse. Je citerai le plus éloquent. Il est du 1er octobre 982 et rappelle l’action de repeuplement d’Odoario, « digno bellatori », dans le sud de la Galice et le nord du Portugal actuel. Ce personnage, sur l’ordre d’Alphonse III :... vicos et castella erexit et civitates et villas populavit atque eas certis limitibus firmavit et terminis certis locavit, et inter utrosque abitantes divisit et omnia ordonate et jirmate bene cuncta disposuit17 ». L’ouvrage fortifié ne s’impose pas à des structures préexistantes en les remodelant comme cela s’est produit dans d’autres régions de l’Occident. Tout est mis en place en même temps là où il n’existait rien.
14Les constatations de Pierre Bonnassie en ce qui concerne la Catalogne, ou la pré-Catalogne, rejoignent en partie, mais en partie seulement celles-ci18. Il n’est pas inutile d’en faire état dans la mesure où cela peut éclairer la singularité de l’évolution dans le royaume asturo-léonais. Dans celui-ci comme dans les pays catalans, en l’absence de défenses naturelles, ce sont « les enceintes fortifiées des villes qui furent les bastions du repeuplement ». Chacune de ces cités a été la « base de protection » d’une partie de la zone pionnière.
15En revanche, je me demande si les castella ont été dans les régions dont je traite : « les instruments de stabilisation des micro-sociétés de la frontière, tandis que les forteresses urbaines présidaient à l’organisation de l’arrière-pays immédiat19 ». En effet, en Catalogne, le château (et aussi la ville, bien entendu) est le centre d’un territoire administré par un agent du comte, le viguier, et qui englobe plusieurs villages. La forteresse et le territoire qui en dépend sont désignés par le terme abstrait de castrum dans la langue savante. Il semble que la division du pays en unités militaires et politiques — les castra — ait toujours suivi et immédiatement, sa réoccupation, et ait procédé de l’initiative des comtes20. Ici donc, villes et châteaux sont des éléments fondamentaux des structures politico-administratives et commandent aussi l’organisation des terroirs.
16Ces structures, dans le royaume asturo-léonais, sont assez mal connues. On sait cependant qu’il existait des circonscriptions, appelées commissa, commissos, territoria, mandationes, à la tête desquelles se trouvaient des personnages, imperantes, potestates, appartenant à l’aristocratie et qui étaient nommés, déplacés, éventuellement destitués par le souverain. On ne trouve pas trace de viguiers et le titre comtal était la marque d’une dignité qui n’impliquait pas l’exercice d’une fonction particulière21. Rien ne permet d’affirmer que les imperantes aient résidé en règle générale et de façon permanente dans des lieux fortifiés qui auraient été le centre des circonscriptions qui leur étaient confiées.
17On ne peut cependant exclure une hypothèse selon laquelle, dans les régions pionnières, se serait développé un système dont villes fortes et bourgades fortifiées (castra) auraient, sinon les châteaux au sens strict du terme, constitué l’ossature. Il n’est pas exceptionnel de rencontrer dans la documentation le terme d’alfoz : il y désigne le territoire rural d’une agglomération22. Il peut exprimer une simple idée de proximité géographique. Mais il semble qu’il recouvre aussi la notion d’une certaine dépendance dont il est malaisé de préciser l’étendue : dans l’état actuel de la recherche, les renseignements dont on dispose ne concernent à peu près exclusivement que la seule ville de Léon23. Il semble que les habitants des villae étaient tenus à des obligations en matière militaire envers l’agglomération qui était le centre de l’alfoz : ils devaient, en cas de besoin, concourir à sa défense et participer à l’entretien de son enceinte24. Le concilium, l’assemblée judiciaire, s’y tenait et les hommes libres de l’alfoz en relevaient25. Enfin il existait des liens économiques entre celui-ci et la ville : parmi les domaines dont il était parsemé bon nombre, sans doute, appartenaient à des établissements religieux de la cité ou à des nobles qui y résidaient. On a récemment soutenu que León était un centre d’exploitations domaniales26. Par l’intermédiaire du marché se concrétisaient les relations économiques entre ville et alfoz27.
18Je n’ai pas l’impression que le type d’organisation qui vient d’être décrit ait connu une grande diffusion au xe siècle. Il a été limité, dans l’hypothèse qui me semble la plus favorable, aux villes et à quelques castra. À partir du xie siècle, lorsqu’on rencontre l’alfoz, il est toujours associé à une agglomération de caractère urbain. L’administration territoriale dans le royaume asturo-léonais n’a pas eu pour base le castrum ou le château. Preuve en est que le successeur de la monarchie d’Oviedo et de León, le royaume de León-Castille, n’a pas connu l’équivalent du castrum ou du castell termenat catalan ni de la châtellenie française. Aux xiie-xiiie siècles, c’est à partir des villes et de leurs alfoces et par le regroupement de villae en merindades28 qu’a été constituée son organisation administrative29.
19Il ne semble pas qu’il y ait eu, dans l’espace dont je traite, de lien étroit entre autorité sur les hommes d’un terroir et château. Le terme qui désigne à la fois cette autorité et le lieu d’où elle s’exerce est celui de palatium/palacio. Palatium et non pas castrum ou castellum. Donc, normalement, une résidence non fortifiée30. Cela paraît indiquer que le château est, en quelque sorte, extérieur à l’organisation socio-économique des campagnes fondée seulement sur la villa ou le groupement de villae dépendant d’un palatium. Cela ne signifie pas que les villani aient été déliés de toute obligation envers le castellum là où il existait. Ils étaient vraisemblablement astreints à des services de garde, de réparation des murs, mais le détenteur du château, agent du roi, n’était pas aussi, ou n’était qu’exceptionnellement, le maître de la terre31.
20Comment s’expliquent ces traits qui font que le royaume asturoléonais occupe une place particulière dans l’Occident médiéval ? Je crois que des éléments de réponse doivent être cherchés dans les directions suivantes :
211. L’avance asturo-léonaise vers le sud a été beaucoup plus rapide que celle des Catalans, et l’extension territoriale qui en est résultée fut beaucoup plus considérable. Ainsi, une partie importante du territoire du royaume s’est trouvée, pendant la plus grande partie du xe siècle, à l’abri des attaques musulmanes et bien des castella ont probablement été délaissés et sont peu à peu tombés en ruine. Dans le dernier quart du siècle, lors des campagnes d’Almanzor, les coups de boutoir se sont succédés si rapidement qu’il n’a pas été possible de mettre sur pied une défense en profondeur tandis que les forteresses les plus avancées, sur la ligne du Duero, étaient démantelées par les musulmans ou passaient entre leurs mains32. À partir du xie siècle la région au nord du fleuve n’étant plus menacée, l’abandon des châteaux s’est vraisemblablement poursuivi33. Il a été facilité, si l’hypothèse avancée plus haut est juste, par le fait que la plupart des ouvrages fortifiés n’étaient pas le siège de pouvoirs. Leur disparition rapide paraît confirmée par la rareté des toponymes en -Castro, -castillo, dans le León et même dans le pays des châteaux, en Castille.
222. L’émiettement des pouvoirs qui a permis qu’au-delà des Pyrénées le château échappe au contrôle du souverain ne s’est pas produit dans le royaume asturo-léonais. Grâce à une richesse foncière considérable, le roi a gardé les moyens de la puissance et a pu éviter l’extension des réseaux de la vassalité privée34. Chef de guerre, distributeur de terres et de fonctions, il tenait dans une dépendance assez étroite la haute aristocratie des magnats, peu nombreuse, et dont la fortune reposait, en grande partie, sur sa générosité35. Ses membres auraient difficilement pu prendre l’initiative d’élever des forteresses sans avoir reçu l’ordre de le faire et il était inconcevable qu’ils s’y maintiennent contre la volonté royale36. Il en allait de même, à plus forte raison, pour les infanzones, noblesse de second rang, dont les ressources étaient souvent médiocres37.
233. Dans les villae des zones de colonisation, les communautés paysannes n’étaient pas composées de sujets passifs mais de combattants, les uns à pied les autres à cheval, dont le concours était indispensable. Elles avaient leur assemblée — le concilium — et géraient assez librement leurs affaires38. Solidement implantées dans leurs terroirs, elles auraient eu les moyens de s’opposer à des entreprises de restructuration de l’habitat du type de celles qu’ont connu le Latium et, plus tardivement, la Gascogne.
24Les arguments que je viens d’invoquer ne valent, peut-être, que pour une partie du royaume asturo-léonais. Il est possible qu’en Galice, et à un moindre degré dans les Asturies, la possession de castra et de châteaux ait eu pour corollaire l’exercice de droits assez étendus sur la terre et sur les hommes. On constate dans ces régions la présence relativement massive de toponymes en -Castro et en-castelo. Sans prétendre à une exactitude absolue, j’ai relevé environ 300 des premiers dans l’aire territoriale comprise entre la mer et la Cordillère centrale39. Sur ce total, on en compte près de 200 en Galice, une vingtaine dans les Asturies. Ils s’éparpillent ensuite dans les actuelles provinces de Zamora, León, Valladolid, Palencia, Burgos et Santander. On ne les trouve qu’en quantité infinitésimale au-delà du Duero (provinces de Soria, Ségovie, Avila et Salamanque). Il en va de même pour les noms de lieux en -castelo, dont le nombre est moins élevé : environ 200. Ils sont localisés pour près de la moitié en Galice40.
25En ce qui concerne les castra du nord-ouest de la Péninsule, il conviendrait de rechercher d’abord si, comme pour les oppida catalans étudiés par Pierre Bonnassie, il y a eu réoccupation d’anciens habitats de hauteur pré-romains qui avaient été délaissés et, dans l’affirmative, quand cette réoccupation a eu lieu et dans quelle mesure elle a modifié les structures antérieures, ou bien s’il y a eu continuité dans le peuplement de ces anciens sites41. Il faudrait ensuite s’interroger sur leur rôle et leur fonction : simple habitat protégé d’une communauté rurale ou siège d’un pouvoir ?
26Quant aux castella de la même région, leur densité et leur permanence doivent être mises en relation avec l’existence d’une aristocratie, tant ecclésiastique que laïque, puissante et indocile : on connaît plusieurs révoltes de la noblesse galicienne entre le viiie et le xe siècles. L’affaiblissement du pouvoir royal qui a coïncidé avec les campagnes d’Almanzor lui a laissé une grande liberté d’action. Elle tenait les communautés paysannes dans une dépendance étroite42. Il est certain que la Galice a été, jusqu’au xive siècle, la terre la plus « seigneurialisée » de l’ensemble géopolitique léonais-castillan et, plus durablement que la Castille, un pays de châteaux43. Mais on ignore si ces châteaux ont été à l’origine de peuplements nouveaux ou si leur édification a apporté des changements dans les modes de peuplements antérieurs. La recherche, jusqu’à présent ne s’est pas intéressée à ces problèmes44.
27En deçà du Duero, le réseau des villae mis en place au cours de la période précédente, a subi quelques modifications entre le début du xie et la fin du xiiie siècles. Il y a eu des abandons mais surtout des transformations de villae. En majorité, elles sont restées des agglomérations rurales — villages ou hameaux — non fortifiées. On les appelle maintenant aldea(s) ou lugar(es)45. Quelques autres ont grandi et des activités artisanales et marchandes s’y sont développées. Elles se sont dotées d’une enceinte, et le nom de villa(s) leur est désormais réservé. Leur « promotion » a eu pour conséquence la formation autour d’elles d’un alfoz englobant des aldeas préexistantes qui sont dans leur dépendance au point de vue économique, judiciaire, militaire46. Dans le nord-ouest apparaissent des circonscriptions administratives — les tierra(s) — qui ont pour centre un château « tenu » au nom du roi par un membre de la noblesse47. La forteresse isolée se perpétue donc, mais les pouvoirs du tenens nous sont mal connus48.
28Toujours en deçà du Duero, il y a eu création de villes fortes dans des régions peu ou pas urbanisées : sur la côte atlantique, en Galice dans les Asturies, le pays basque, ainsi que dans les régions frontalières49. Certaines de ces agglomérations, telle Benavente, sont du type châteauville, sans que l’on puisse préciser si la forteresse est antérieure à la localité50. Le pouvoir royal est, en général, à l’origine de ces créations qui se sont poursuivies jusqu’au xive siècle, mais parmi leurs initiateurs, on trouve aussi des prélats et des abbés, et au moins un noble51. Elles ont entraîné des regroupements de population52. Il y a peut-être des rapprochements à faire entre ce mouvement, notamment dans les régions basques, et celui des castelnaux et des bastides53.
29Dès la seconde moitié du xie siècle, l’affaiblissement et la division de l’Espagne musulmane ont ouvert à la colonisation chrétienne les espaces de la Meseta entre le Duero et la Cordillère centrale. Dans cette entreprise, les ouvrages fortifiés ont assumé la fonction de protection qui avait été la leur aux ixe et xe siècles et plus qu'alors ils ont été les ordonnateurs du peuplement.
30Le procédé adopté consista à créer des villes fortes, parfois sur d’anciens emplacements hispano-romains, et à les doter d’un très vaste alfoz dont la communauté urbaine, pourvue d’une large autonomie, assurait la mise en valeur et la défense. Les exemples en sont nombreux. On peut citer du nord au sud : Olmedo, Cuellar, Arevalo, Coca, Sepúlveda, Salamanque, Avila, Segovie. Certaines de ces villes, mais non pas toutes, ont un château soit infra muros, soit en dehors et relié dans ce cas à l’enceinte urbaine. Au point de vue institutionnel, le château est sous l’autorité directe du souverain par l’intermédiaire de son délégué, le dominus villae, appelé plus tard señor ou tenens. Sa garnison est placée sous les ordres d’un alcaid. Dans une certaine mesure, le château se confond avec le palatium dont il a déjà été question54. Il forme une sorte de corps étranger dans la ville. Ceux qui relèvent de lui et qui ne vivent pas forcément dans ses murs mais en ville ne sont pas soumis aux autorités urbaines et leurs rapports avec les vicini sont définis par la charte municipale ou fuero55.
31Sur le territoire de l’alfoz se sont constitués des hameaux — les aldeas — en nombre variable : leur création est subordonnée à l’autorisation des magistrats et du concilium, l’assemblée urbaine. Les plus éloignés du centre ont été dotés de fortifications sommaires sous la forme de tours. Des édifices de ce type ont été également construits aux endroits par où pouvaient survenir les attaques musulmanes devenues fréquentes lorsque Al-Andalus a été réunifié par les Almoravides, et aussi des forteresses plus importantes. Ultérieurement les uns et les autres ont parfois servi de points d’appui à la colonisation, ce qui explique la relative abondance des toponymes en -torre, -tor que l’on rencontre dans la région56.
32Le peuplement de la Meseta septentrionale s’est fait pour l’essentiel à partir et autour de ces villes fortes dont l’autonomie n’excluait pas l’appartenance au realengo, au domaine royal57. Cependant les souverains ont aussi concédé des terres à des membres de la noblesse, aux cathédrales, à des ordres religieux. Les bénéficiaires de ces donations ont attiré des populatores qui ont fondé des aldeas. Il est possible qu’ils aient aussi parfois élevé des tours ou des châteaux avec l’autorisation du roi58. Mais les aldeas « seigneuriales » étaient enclavées dans des alfoces urbains et leurs hommes, dans le domaine économique (exploitation des pâturages) et militaire (participation à la défense et aux expéditions contre les musulmans), étaient soumis aux mêmes obligations que ceux des hameaux voisins appartenant à la ville59.
33La conquête de Tolède, en 1085, a permis l’occupation de la région comprise entre la Cordillère centrale et le Tage. Les villes abandonnées par les musulmans possédaient des fortifications — alcazars, alcazabas, almudenas — qui ont été conservées60. Comme aussi, les ouvrages isolés qui gardaient les voies de communication, et notamment le grand axe Henares-Jalon qui était très riche en châteaux d’Alcala (de Henares) à Medinaceli. Plusieurs ont donné naissance à des agglomérations. Après une première période où seule l’éminence où s’élevait la forteresse a été occupée, les populatores et de nouveaux venus se sont installés en plaine pour des raisons de commodité : là se trouvaient les terres qui leur avaient été assignées comme alfoz61. On constate ce phénomène à Alcala de Henares62. A Sigüenza, une première agglomération s’est formée sur la pente de la hauteur qui porte le château musulman ; une seconde s’est développée, en contrebas, autour de la cathédrale fondée après la conquête chrétienne. Ultérieurement, l’une et l’autre ont été réunies en une seule63.
34Du xie siècle finissant au début du xiiie, la Meseta inférieure, au-delà du Tage, a été le théâtre d’un va-et-vient incessant de troupes guerrières, de troupeaux transhumants, d’expéditions commerciales. Elle était à peu près vide64. Aux abords du fleuve, sur les routes qui suivaient les vallées de ses affluents ou passaient par les cols des massifs montagneux, les deux adversaires ont édifié des fortifications65. Ainsi, les châteaux de Mora, Aurelia, Albalat et, plus en arrière, celui d’Uclés, aux mains des musulmans, ont longtemps fait peser une menace sur Tolède. Plus loin encore celui de Calatrava était la principale étape des armées almoravides puis almohades en marche vers le nord. De leur côté, les Castillans ont gardé les approches du Tage, sur la rive gauche, en construisant le château de Milagro dans les monts de Tolède ; ceux d’Escalona (encore un exemple du binôme ville + forteresse) et de Maqueda, sur la rive droite. Pour assurer le ravitaillement des garnisons, renforcer la défense, on a fait appel à des populatores à qui on offrait des conditions privilégiées66. U y a donc ici un lien étroit entre château et peuplement. Cependant, les toponymes évoquant l’idée de forteresse sont peu nombreux dans la région, à l’exception de ceux en -torre ou tor et borox (bordj). D’assez nombreuses alcleas ont été créées à leur ombre. Mais parfois les tentatives pour faire des ouvrages fortifiés des centres de peuplement ont été des échecs67.
35La victoire de Las Navas de Tolosa, en 1212, a mis fin aux expéditions musulmanes, sans que leur souvenir se soit pour autant estompé. Aussi, lorsqu’on a commencé à « peupler » la Meseta méridionale, on s’est également préoccupé de la défense des « peuplements » que l'on y établissait. Les méthodes utilisées rappellent celles qui avaient été utilisées plus au nord. La colonisation a été opérée à partir de centres urbains. Cependant leur création n’a pas été laissée à l’initiative des populatores mais confiée aux Ordres militaires68. Les communautés qui ont ainsi vu le jour, n’ont reçu que des franchises politiques restreintes. Elles possèdent un territoire étendu mais où les aldeas sont rares. La ville est d’un type familier : château et agglomération. Mais ici le château est le siège d’un pouvoir réel : celui de l’Ordre et de ses représentants69. Dans une assez large mesure, il régente la vie de la localité qui s’étend à ses pieds.
36À la fin du Moyen Age, selon Julio Gonzalez, il y avait plus d’une centaine de fortifications ou de châteaux en Nouvelle-Castille, sans compter les tours, mais la plupart étaient déjà ruinées70. Souvent donc, ici comme au nord du Duero, les forteresses n’ont pas survécu aux circonstances qui les avaient fait naître. Elles demeurent là où s’affirme une domination seigneuriale : celle des Ordres militaires.
37En conclusion, je voudrais souligner quelques points de cet exposé. Il me paraît à peu près certain que, dans l’espace dont j’ai traité, le « château » n’a pas joué un rôle directeur dans la mise en place des « peuplements ». En revanche, il est très vraisemblable qu’il a contribué à assurer pendant une période plus ou moins longue selon les lieux la durée et la stabilité de ces peuplements qui revêtaient la forme de villae rurales. Lorsque cette fonction protectrice a cessé d’être nécessaire, le château a disparu, sauf là où il est devenu ou resté un centre de pouvoirs et, à cet égard, le cas de la Galice mériterait d’être approfondi. Mais il n’est pas possible de préciser si ces pouvoirs « castraux » ont imposé des remaniements de l’habitat. Je serais tenté de répondre par la négative.
38Dans les régions du centre de la Péninsule qui ont été libérées de la domination musulmane entre le ixe et le xiiie siècle, le roi, meneur de la reconquista, a dirigé la repoblación sans se heurter à l’obstacle d’une noblesse puissante. Dans les zones pionnières, il a implanté de solides communautés rurales et urbaines — les concilia/concejos — qui ont organisé de façon autonome les terroirs dont elles avaient été dotées. Si ailleurs le château est symbolique de l’ordre social, économique et politique, la ville forte, ici, en est largement représentative.
39Le château, dans l’Occident médiéval, a été un facteur de l’histoire du peuplement là où il existait une classe seigneuriale forte dont, à son tour, il a renforcé l’emprise sur les populations. Rien de tel, jusqu’à la seconde moitié du xiiie siècle, dans l’espace castillan. C’est ce que j’ai tenté de montrer. Mais il serait vain de dissimuler que bien des problèmes restent en suspens.
Notes de bas de page
1 Mota, peña, roca ne désignent pas des forteresses en général, seulement des accidents topographiques : éminence, pic. Mais le nom commun entre dans la composition de noms de lieux caractérisés par la présence d’une forteresse : ainsi Penna fidelis = Peñafiel.
2 J’écarterai les monographies pour ne citer que quelques ouvrages de caractère général : Els castells catalans, Barcelone, 1967-1969, 2 vol. ; Juan Espinosa de los Monteros, Luis Martin Artajo-Saracho, Corpus de castillos medievales de Castilla, obra promovida y coordinada por..., Bilbao, 1974 ; Cristobal Guitard Aparicio. Caslillos de Aragon desde el siglo IX hasta el segundo cuarto del XIII, Saragosse, 1976. 2 vol. ; Jose-Luis Gordillo Courcières, Castellos templarios arruinados en el sur de la Corona de Aragon, Valence, 1974 ; Publio Hurtado, Castillos, torres y casas fuertes de la provincia de Câceres, Cáceres, 1927 ; Francisco Layna Serrano, Castillos de Guadalajara, descripción e historia de los mismos y noticias de sus senores, Madrid, 1962, 2e éd. ; Carlos Sarthou Carrères, Castillos de Espana (su pasado y presente), Madrid, 1952, 3e éd. ; Gervasio Velo y Nieto, Los castillos de Extremadura, Madrid, 1968. Il existe une revue consacrée à l’étude des châteaux : Castillos de Espana. Boletin de la Asociación espñaola de amigos de los Castillos (Madrid) qui paraît depuis 1954. La Revista geográfica española publie des notices sur les châteaux de la Péninsule.
3 Reconquête et repeuplement trouvent naturellement leur place dans les travaux consacrés à l’histoire d'un règne ou d’une région, tels ceux de : Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie siècle. Croissance et mutation d’une société, Toulouse, 1975-1976 ; Justo Pérez de Urbel (Fray), El condado de Castilla. Los trescientos años en que se hizó Castilla, Madrid, 1969, 3 vol. ; Julio Gonzalez, Regesta de Fernando II, Madrid, 1943 ; ID., Alfonso IX, Madrid, 1944, 2 vol. ; id., El reino de Castilla en la época de Alfonso VIII, Madrid, 1960 ; Jose Ma. Lacarra, Historia política del reino de Navarra, Pampelune, 1972-1973, 3 vol. Les mêmes thèmes sont traités d’ensemble dans : Julio Gonzalez, La repoblacíon de la Extremadura leonesa, dans Hispania (Madrid), XI (1943), p. 195 sq. ; ID., Repoblación de Castilla la Nueva, Madrid, 1975, 2 vol. ; Salvador de Moxó, Repoblación y sociedad en la España cristiana medieval, Madrid, 1979 ; Claudio Sanchez-Albornoz, Despoblación y repoblación del valle del Duero, Buenos Aires, 1966 ; La reconquista española y la repoblación del paìs, Saragosse, 1951.
4 On ne peut cependant exclure l’hypothèse d’abandons consécutifs aux invasions germaniques. Voir Cl. Sanchez-Albornoz, o.c. supra, n. 3.
5 Voir Barbero (A.), Vigil (M.), Sobre los orígenes sociales de la reconquista, Barcelone, 1974, p. 67-69. Ces auteurs identifient les castra cum villis et viculis suis qu’Alphonse I, selon la chronique d’Alphonse III, aurait détruits au cours de ses campagnes du milieu du viiie siècle, à des postes fortifiés établis par les Wisigoths, à l’imitation des forteresses byzantines du sud de l’Espagne. Cl. Sanchez Albornoz s’élève contre cette interprétation : Observaciones a unas paginas sobre el inicio de la reconquista, dans Cuadernos de Historia de Espana, XLVII-XLVIII (1968), p. 341-352. Reste le problème que pose l’existence de ces castra. Sans aucun doute des habitats fortifiés dont dépendaient des villae et des hameaux.
6 Voir infra, p. 102.
7 Le problème du dépeuplement de la Meseta septentrionale divise les historiens. Selon Sanchez-Albornoz, la zone située au nord du Duero aurait été totalement désertée ; quelques établissements humains auraient pu subsister au sud. La thèse contraire a été soutenue par Ramon Menendez Pidal, Dos problemas iniciales relativos a los romances hispanicos : repoblación y tradición en la cuenca del Duero, dans Enciclopedia lingüística hispánica, Madrid, 1960, L, p. LXXIXLVII et, plus récemment par Carlos Estepa Diez, Estructura social de la ciadad de León, 1977, p. 62-73. Les arguments de Cl. Sanchez-Albornoz, étayés par une information considérable, apparaissent comme les plus convaincants. Des fouilles réalisées de 1966 à 1969 sur l’emplacement du castrum de Monte Cilda, dans la province de Palencia, vont dans le même sens. Occupé par des Cantabres au ier siècle, puis abandonné au profit d'un site de vallée pendant la paix romaine, il a été réoccupé et fortifié au début du ve lors des invasions germaniques. Au viiie siècle, il était de nouveau abandonné. Aux ixe-Xe le castrum, dont la muraille était détruite, a pu servir occasionnellement de poste de guet (M.A. Garcia Guinea, J. Ma. Iglesias Gil y P. Caloca, Excavaciones de Monte Cilda, Olleros de Pisuerga (Palencia) campañas de 1966 a 1969, dans Excavaciones arqueológicas en España, 82, Palencia, 1973).
8 La recherche archéologique seule pourra apporter la preuve de son existence.
9 Crónica de Alfonso III, éd. Ubieto Arteta, Valence, 1961 : Civitates ab antiquis desertas, id est Legionem, Astoricam, Tudem et Amagiam Patriciam muris circumdedit, portas in altitudinem posuit..., p. 56.
10 Exemples dans Luis G. de valdeavellano, Sobre los burgos y los burgueses de la España medieval, Madrid, 1960, p. 50-54.
11 L’arabisant espagnol, Jaime Oliver Asin, a récemment soutenu que le nom de la Castille viendrait d'al-Qastiliya, région de l’actuelle Tunisie, et lui aurait été donné par les Berbères qui s’y étaient installés. L’hypothèse paraît peu vraisemblable.
12 Les expéditions musulmanes, parties de Cordoue, passaient par Tolède, remontaient le Henares et le jalon. De Medinaceli, elles continuaient vers Saragosse et la haute vallée de l’Ebre ou bien se dirigeaient vers le Duero.
13 La géographie castrale de la Castille primitive reste à faire. On trouvera des indications partielles dans les ouvrages cités en note 2 supra. On peut y ajouter : Luis G. de Valdeavellano, Historia de España I,-2a. parte, p. 123-128, et Teofilo Lopez Mata, Geografia del condado de Castilla a la muerte de Fernan Gonzalez, Madrid, 1957.
14 Comme le montre la relative abondance des toponymes en torre ou tor.
15 Sur les origines de Burgos, voir Nazario Gonzalez, Burgos, la ciudad marginal de Castilla, Burgos, 1958, cap. I et II.
16 Ibid., p. 83.
17 L. Barrau-Dihigo, Chartes royales léonaises, dans Revue Hispanique, X (1903), p. 369-370.
18 P. Bonnassie, o.c. n. 3, supra, p. 112, 130.
19 Ibid., p. 113-123.
20 Ibid., p. 175-176.
21 L.G. de Valdeavellano, Historia de España, I, 2a. parte, cap. VI, p. 97 sq.
22 Le terme vient de l’arabe al-Hawz, le district.
23 Sur León, voir Carlos Estepa Diez, Estructura social de la ciudad de León (Siglos XI-XIII), León, 1977.
24 C’est ce qui est prescrit dans le fuero de León qui est de 1020, mais reflète une situation antérieure. Cf. Luis Vazquez de Parga, El fuero de Leôn, Madrid, 1944 (separata de Anuario de Historia del derecho espanol, t. XV), art. XXXIX, p. 33-34.
25 Ibid., art. XLI, p. 37.
26 Carlos Estepa Diez, O.C., n. 24, supra, p. 199.
27 On a cependant peu de renseignements sur les marchés avant le xie siècle.
28 Ces circonscriptions tirent leur nom de l’agent royal, le merinus/merino, qui est à leur tête.
29 Certains castra ont pu, comme en Catalogne, constituer des circonscriptions administratives (voir Carlos Estepa Diez, La vida urbana en el norte de la Península ibérica en los siglos VIII y IX. El significado de los terminos « civitates » y « castra », dans Hispania, 139 (1978), p. 257 sq.). Mais je crois que le phénomène est resté limité.
30 Il n’existe pas, à ma connaissance, de travaux sur le palatium. Le mot a laissé d’assez nombreuses traces dans la toponymie.
31 Claudio Sanchez-Albornoz, El ejercito y la guerra en el reino asturleones, dans Investigaciones y documentos sobre las instituciones hispanas, Santiago de Chile, 1970, p. 230-231 et 269-272.
32 Elles furent récupérées, au début du xie siècle, par le comte de Castille Sancho Garcia.
33 À l’exception de ceux à l’abri desquels des bourgades s’étaient développées.
34 Les terres reconquises appartiennent au roi. Sur la vassalité, voir Hilda Grassotti, Las instituciones feudo-vasalláticas en León y Castilla, Spolète, 1969, 2 vol.
35 O.c. supra, II, cap. 2 et 3.
36 L’obligation pour le tenens de les remettre à toute réquisition du roi a été une tradition constante de la monarchie : elle a été codifiée par Alphonse X dans les Siete Partidas : Partida II. 18, lois XX, XXI et XXII.
37 Sur les infanzones, il existe un travail récent : Ma. Isabel Pérez de Tudéla y Vélasco, Infanzones y caballeros, su proyección en la esfera nobiliaria castellano-leonesa (siglos IX-XI), Madrid, 1979.
38 Sur le concilium, je renvoie à l’édition abrégée de ma thèse, Jean Gautier-Dalché, Historia urbana de León y Castilla en la Edad media (siglos IX-XIII), Madrid, 1979, p. 41-48.
39 D’après Madoz, Diccionario geográfico-estadístico-histórico de España y de sus posesiones de Ultramar, Madrid, 1845-1850, 16 vol.
40 Les toponymes en -torre se répartissent de façon plus égale, mais ils sont moins significatifs.
41 Ils ont été occupés et aménagés par les populations celtiques du nord-ouest de la Péninsule.
42 Les paysans libres y sont l’exception, les servi nombreux jusqu’au xiie siècle au moins.
43 Un territorium du diocèse d’Orense appelé Castella apparaît à plusieurs reprises dans l’Historia compostelana.
44 Aucune allusion aux châteaux dans l’ouvrage récent de Ermelindo Portela Silva, La región del obispado de Tuy en los siglos XII a XV, Santiago de Compostela, 1976.
45 Ces mots ont aussi une acception « administrative » : ils désignent des agglomérations, parfois importantes, qui dépendent d’une autorité extérieure : seigneur, ville.
46 Op. cit., supra, n. 38, p. 324 sq., sur l’alfoz.
47 Elles correspondent souvent à une vallée.
48 En dehors de la Galice des châteaux sont aussi donnés en « tenencia » mais il ne semble pas qu’ils soient les chefs-lieux de circonscriptions administratives.
49 Entre le León, le Portugal et la Castille ; la Castille, le León, la Navarre, l’Aragon. Voir ma thèse, op. cit., n. 38, supra, p. 131-134 ; sur les fondations de la côte atlantique, ibid., p. 87-96 ; sur celles de Galice, Lofez Alsina (F.), Introducción al fenoméno urbano medieval gallego a través de tres ejemplos : Mondoñedo, Vivero y Ribadeo, Santiago de Compostela, 1976 ; pour les Asturies, Eloy Benito Ruano, El desarollo urbano de Asturias en la Edad Media. Ciudades y « polas », in Villes de l’Europe méditerranéenne et de l’Europe occidentale du Moyen Age au xviiie siècle, Nice, 1969 (Annales de la Faculté des Lettres et Sc. hum. de Nice, nos 9-10) ; pour le pays basque, Arizaga Bolumburu (B.), El nacimiento de las villas guipuzcoanas en los siglos XIII y XIV, Saint-Sébastien, 1978.
50 Benavente a été créée sur l’emplacement d’un hameau, Malgrat, au nord de Zamora. Le château est situé sur une éminence qui domine la ville.
51 Le comte de Biscaye, fondateur de plusieurs agglomérations, dont Bilbao. Il était le seul parmi les membres de la haute noblesse à jouir d’une assez large autonomie.
52 On en trouvera des exemples dans les ouvrages cités supra, n. 49.
53 Rappelons qu’une localité de l’Alava porte le nom de Labastida.
54 Voir ma thèse, op. cit., n. 38, p. 345-353.
55 Ibid., p. 346.
56 Des exemples dans Julio Gonzalez, Repoblación de Castilla la Nueva, I, p. 154.
57 Ce sont les autorités urbaines qui fixent les endroits où peuvent s’établir les populatores.
58 On sait encore peu de choses sur les « seigneuries » de la Meseta septentrionale.
59 Voir Fuero de Sepulveda (1076) dans Emilio Saez, Los fueros de Sepúlveda, edición crítica y apendice documentai por... Ségovie, 1953. 48 : Totas las villas que sunt in lermino de Sepuluega, sic de rege quomodo de injanzones, sedeant populatas ad uso de Sepuluega. et uadan in lur jonsado et lur apellido...
60 Julio Gonzalez, Repoblación de Castilla la Nueva, II, p. 224-233.
61 On a peu de renseignements sur la constitution de ces alfoces.
62 Voir Julio Gonzalez, op. cit., supra, I, p. 174-180.
63 Ibid., p. 156-162.
64 La Chronica Adefonsi Imperatoris (éd. Sánchez Belda, Madrid, 1950, p. 31) rapporte que, lors d’une expédition d’Alphonse VII en Andalousie, l’armée du roi, traversant la région, marcha pendant quinze jours « per eremum ».
65 Sur les routes de la Meseta inférieure, voir Manuel Criado del Val, Teoria de Castilla la Nueva, Madrid, 1960, p. 37-71.
66 Voir fuero de Oreja, dans Julio Gonzalez, op. cit., II, p. 54.
67 Ni Milagro, ni Oreja n’ont prospéré.
68 Les principaux bénéficiaires ont été les Ordres de Santiago et de Calatrava.
69 Rien à voir avec le palatium des villes royales. Ici, l'Ordre participe à la désignation des magistrats. Il possède des monopoles.
70 Julio Gonzalez, op. cit., p. 195.
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