À la découverte de Joseph Piazza
p. 14-15
Texte intégral
Immigré italien, Josué Polini était peintre itinérant dans la région d’Issoire et d’Ussel, puis professeur de dessin au petit séminaire de Brive. Il fut ensuite sollicité, dans le Lot, pour peindre les quatre évangélistes prévus à [’origine dans la chapelle de Montfaucon. Pendant son séjour dans le village, il exécuta quelques commandes destinées au décor des églises locales. On retrouve notamment deux de ses œuvres dans l’église de Cuzac.
1Les tableaux recensés dans les églises lotoises sont pour la plupart attribués à des artistes locaux. Professionnels ou amateurs, ces peintres méconnus gardent souvent l’anonymat et seules quelques toiles sont signées et datées. Il est par conséquent difficile d’appréhender cette production qui se détache de l’enseignement académique dispensé dans les écoles des Beaux-Arts. Il n’est pas rare de constater certaines maladresses dans la composition des tableaux ou dans le réalisme des personnages. Les artistes reprennent souvent des modèles existants et les sujets sont traités de manière simplifiée. Dans la plupart des cas, les couleurs vives et contrastées animent un dessin sommaire. Ces œuvres n’ont pas un style remarquable mais ont pour but de sensibiliser les fidèles à la foi dans la plus grande simplicité : le message passe avant l’art.
2Au cours de nos pérégrinations dans les églises, nous avons remarqué un artiste qui signait régulièrement ses œuvres. Nous fûmes intrigués en particulier par l’importante commande qu’il réalisa pour l’église du Vigan.
3Joseph Piazza, originaire de Domodossola dans le Piémont italien, s’installe vers 1852 à Montfaucon, appelé par son cousin Josué Polini, professeur de dessin au petit séminaire. Après le départ de celui-ci pour l’Italie en 1862, Joseph Piazza reprend son poste de professeur. Il épouse en 1865 Anna Hermet, fille de l’aubergiste de Montfaucon, et s’installe définitivement dans la commune.
4C’est à partir de ces années-là que l’on retrouve les premiers tableaux signés “pinxit Piazza à Montfaucon”.
5Le volume de sa production est important et concerne pour une large part des commandes religieuses. Sur les trois cent cinquante tableaux que nous avons répertoriés dans le Lot, quarante-quatre sont signés ou peuvent lui être attribués. Si l’on étend cette proportion à l’ensemble du département, un dixième environ des tableaux serait de sa main. Ils se localisent surtout dans l’ouest du département, avec quelques exceptions à l’est (Cajarc, Faycelles, Reyrevignes, Sousceyrac) et au nord (Gignac, Floirac). Son activité s’étendrait principalement entre 1865 et 1884. Il semble évident que son poste au petit séminaire ait favorisé les commandes des paroisses. Selon les témoignages oraux, il aurait également exécuté de nombreux portraits, pour compléter ses revenus.
6Les sujets de ses toiles répondent à la demande et au goût des commanditaires, paroisses et particuliers : Sacré-Cœur de Jésus, enfances de la Vierge et du Christ, représentations de saints. Il lui arrive fréquemment de reproduire deux ou trois fois la même scène selon un modèle identique. C’est ainsi que La Fuite en Égypte se retrouve au Vigan (1876) et à l’église de Salviac ; La Présentation de la Vierge au Temple est reproduite à Beaumat (1869), à Séniergues et au Vigan. De la même façon, les saints sont parfois représentés dans des attitudes très proches et assez figées, ainsi les saints Médard et Aignan à Belaye.
7Piazza connaît les peintures des grands maîtres et s’en inspire. Saint Pierre en prison reprend le motif des grilles en trompe-l’œil d’une fresque de Raphaël au Vatican. Il effectue aussi de nombreuses copies de l’Assomption de la Vierge de Murillo (Gigouzac et Sousceyrac) et utilise comme modèle Le Dominiquin pour la Lapidation de saint Etienne (Cajarc).
8La peinture de Joseph Piazza se caractérise à ses débuts par un style très naïf. C’est un peu le douanier Rousseau de la peinture religieuse lotoise. Les toiles accumulent les personnages comme dans les œuvres de Sérignac (La Décollation de saint Jean-Baptiste - 1868 -, L’Adoration des bergers) et de Cajarc (1869). Les couleurs utilisées, vives et contrastées, sont soulignées par un cerne brun. Par la suite, les scènes sont réduites à peu de personnages. L’Annonciation du Vigan (1875) est représentative de cette deuxième phase. Présentés dans une attitude alanguie, les sujets sont empreints d’un léger maniérisme, visible dans le dessin des mains que le peintre schématise et affine. Les visages aux yeux proéminents s’inscrivent dans un ovale. Les silhouettes longilignes sont enveloppées dans des drapés au traitement simplifié. Toutefois, les vêtements liturgiques offrent à Piazza l’occasion d’ajouter des motifs décoratifs géométriques ou des dessins de brocart. Les tonalités ocre ou marron dominent dans les arrière-plans de ses tableaux. D’un point de vue technique, on remarque que Piazza recouvrait ses toiles d’une préparation rouge à la manière des peintres du XVIIIe siècle alors que d’ordinaire au XIXe siècle, une préparation blanche sert de base à la couche picturale. L’église Notre-Dame-de-l’Assomption du Vigan permet d’apprécier une partie de son œuvre. Il exécuta pour sa décoration une série de seize tableaux dans les années 1870, offerts à la paroisse par la famille Teulat-Lauvel. Cet ensemble est disposé dans les chapelles et le chœur. Divers thèmes ont été choisis mais l’essentiel des sujets sont ceux que Piazza a l’habitude de peindre : scènes de l’enfance de la Vierge et du Christ, représentations de saints et dévotion au Sacré-Cœur.
9On attribue aussi à Joseph Piazza le chemin de croix actuellement déposé au presbytère de Latronquière. Peintes sur toile, les quatorze stations ont la particularité d’être de grand format. Toutefois, l’absence de signature et le style très conventionnel propre aux chemins de croix, ne permettent pas d’affirmer avec certitude que Piazza est l’auteur de cette réalisation.
10Joseph Piazza s’est principalement consacré à la peinture religieuse : le nombre de tableaux retrouvés dans les églises du département en témoigne. Ses portraits, notamment ceux qui représentent des parents (sa belle-mère, sa femme Anna ou son fils Frédéric...) ne doivent cependant pas être négligés : ils révèlent une maîtrise de la technique que l’on ne perçoit pas toujours dans les autres tableaux.
11Peintre de la campagne, connu du milieu ecclésiastique en raison de sa profession, Joseph Piazza a reçu des commandes dans tout le Lot, facilitant sa notoriété locale. Il reste de nos jours un artiste qui mérite intérêt, même si son style parfois maladroit ne permet pas d’en faire un peintre local de premier ordre. Son œuvre s’adresse aux fidèles dans l’esprit d’une peinture populaire, alliant naïveté, fraîcheur et sens.
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