Chapitre VI. La basilique d’Uppenna des premiers temps à l’époque vandale
p. 359-382
Texte intégral
1Nous ignorons la configuration de l’édifice initial qu’allaient occuper les chrétiens.
2Robin écrivait à Gauckler, dès le 16 décembre 1904 : « Il y a là certainement un monument initial sur lequel et autour duquel se sont greffées des constructions postérieures ; ce monument initial semble être un temple romain car il a été déjà trouvé six soubassements et six chapiteaux en marbre blanc d’ordre corinthien ».
3Ajoutons à ces découvertes la stèle de Saturne réemployée (pièce XXXIV, cf. fig. 274) et les deux fragments d’une inscription datant peut-être du règne de Commode ou d’un de ses successeurs (chapelle I).
4La présence antérieure d’un ensemble préchrétien, peut-être un temple à cour, détermine, c’est incontestable, la structuration du futur espace ecclésial1. Participent à cette géométrie au moins quatre murs : un d’axe nord-sud qui traverse l’ensemble du bâtiment, contre lequel sont alignés les pavements C.1, C.3, C.4-C.5 et s’adossent les monuments des martyrs ; trois murs de direction est-ouest : celui contre lequel ont été placées les mosaïques de [...]do et d’Ispesina C.23-C.24, le mur nord des pièces VIII-XXI (avant son ouverture entre VIII et IX et entre XI et XII), et le mur sud des pièces XXI, XXIII, XXIV, du moins son sillon initial, à partir duquel il sera reconstruit.
5On y associera, sans grand risque, le mur nord-sud devant les absides, dont on peut suivre le tracé sur 25,10 m, de l’extrémité nord-ouest de la chapelle VIII à l’angle sud-ouest de la pièce XXI, c’est-à-dire des points d’une intersection avec deux des alignements précédemment cités.
6De l’époque préchrétienne surtout, il subsiste le fond de la grande pièce en forme de demi-cercle dont les dalles ont servi bien plus tard de semelles de fondation à l’abside c, et la conque absidiale de la chapelle sud (XXV) ainsi que la pièce XXVI. Nous ne sommes pas à même, présentement, de prouver l’égale ancienneté de l’abside nord (IX).
7La considérable extension « initiale » du bâtiment dans le sens de la largeur – sud-nord – (au sud, chapelle à abside XXV, et au nord peut-être la chapelle à abside IX), qui a facilité le développement ultérieur du complexe baptismal, constitue un argument crédible en faveur de l’ancienne présence d’un temple à cour.
8Nous nous efforcerons, grâce au plan évolutif (Pl. IIa) et à son explicitation, de déterminer comment les premiers moments de l’espace chrétien ont pris appui sur cet ensemble préexistant.
9Plus étonnante est l’importance que cette première structuration des lieux gardera bien plus tard, lors de la reconstruction byzantine. Le déplacement d’axe de la basilique et l’édification de la nouvelle abside c constituent d’une certaine manière un retour à l’ordonnance initiale...
10Il est souhaitable que des sondages ultérieurs, dans le cadre d’une campagne de fouilles spécifique qui élargirait le périmètre d’investigation, soient entrepris afin de déterminer l’identité et l’environnement de cet édifice initial.
1. TROIS CONSTATATIONS INITIALES
11Trois constatations peuvent nous aider dans notre recherche des étapes et de la réalisation du bâtiment ecclésial à partir du moment où les chrétiens disposèrent des lieux.
12La première constatation concerne le plan et l’interprétation de Gauckler. La première église aurait été de dimension restreinte, l’exèdre de l’absidiole des martyrs se situant au milieu du mur du fond de l’église.
13Mais depuis la découverte en 1971 de l’ensemble des mosaïques C.20 à C.24, mosaïques parmi les plus anciennes et placées bien au-delà de la première inscription martyriale, nous savons que le premier lieu chrétien était considérablement plus étendu, ce que confirme aussi la découverte de tombes, simples fosses dans la terre, dans les chapelles XXI et XXIV et la localisation de l’épitaphe de Maxentia C.28.
14Les deux affirmations ne sont pas nécessairement inconciliables. Le plan de Gauckler impliquait d’ailleurs, même si son auteur n’en parlait pas, l’hypothèse de la contraction en raison de la juxtaposition des petites dimensions de la partie centrale de l’église et de l’importance des dépendances.
15La configuration des lieux à l’époque du bâtiment préchrétien suffit à expliquer qu’il y ait eu contraction. Elle est loin de résoudre nos difficultés de reconstitution.
- Comment concilier, avant la construction de la basilique, l’existence d’un ancien temple ou d’un bâtiment public et celle d’une nécropole chrétienne ?
- Ce temple s’étendait-il suffisamment à Test pour occuper la totalité du périmètre dont les chrétiens disposeront ? Il serait important de déterminer si l’emplacement des mosaïques C.20 à C.24 – area est – était initialement intégré à un lieu de culte païen ou s’il fut d’abord une nécropole païenne.
16On parvient néanmoins assez vite à la conclusion que le niveau de base de ce bâtiment préchrétien était supérieur à celui du sol 1 de l’édifice chrétien, du moins dans sa partie centrale. Cela rend notre tâche plus complexe et s’ajoute aux difficultés maintes et maintes fois rencontrées pour passer d’une chronologie relative à une chronologie absolue dans des nécropoles ou dans des situations comparables2.
17Tout se passe comme si le sol de ce bâtiment, dont on conviendra qu’il fut, selon toute probabilité, horizontal et régulier, s’était tassé, boursouflé après avoir été utilisé comme cimetière. La perte de son revêtement initial, les multiples opérations de creusement, d’insertion de tombes de formes différentes et quelquefois même superposées, sont à même d’expliquer une telle évolution.
18Notre déduction se fonde sur les chiffres suivants de hauteur :
- mosaïques dans la partie centrale, sol 1 : Aelia Victoria C.13 - 29 cm, Bernacla C.6 – 25 cm, Are[tus] C.4 - 20 cm, Fortunata C.17 - 20 cm, Bictoria - 17 cm, Aprikis + 10 cm (sur le seuil d’entrée de la chapelle II) ; dans le secteur est : [...]do C.23 - 8 cm, Ispesina C.24 + 8 cm.
- niveau des sols en liaison avec les trois constructions dont il est licite de penser qu’elles ont une origine préchrétienne : le fond de la pièce en forme de demi-cercle qui supportera les fondations de l’abside c, la chapelle à abside nord VIII-IX, la chapelle à abside sud XXV et la pièce XXVI :
- le fond de pièce : assise des dalles + 42 cm, sol présumé de ce bâtiment + 17 cm. Le sol à l’époque de la construction de l’abside b, face externe, est à + 18 cm (cf. ch. I, fig. 51).
- chapelle à abside nord VIII-IX. La mosaïque de Ciionisia C.25, semblable à celle de Fortunata C.17, est à + 26 cm, soit 46 cm d’écart entre les deux mosaïques. Dans l’abside IX, le niveau du sol initial dans lequel on aurait creusé pour disposer les tombes avec le chrisme gravé est à + 30-32 cm.
- chapelle à abside sud XXV et pièce XXVI. La hauteur de la mosaïque de Maxentia C.28, une des plus anciennes d’Uppenna, est à + 26 cm, le sol extérieur est à + 22 cm. La cote du sol initial de l’abside de la pièce XXV est inconnue. On sera d’autant plus facilement en droit d’estimer qu’ici aussi il y eut abaissement et non haussement lorsque le sol de la pièce fut porté à ~ 0 cm, en continuité du sol 3 de la nef, et que ce sol caractérise un état bien postérieur à celui de la mosaïque de Maxentia dont la pièce communiquait avec la chapelle à abside XXV.
19La deuxième constatation s’articule autour de la double perception d’une grande rapidité d’évolution initiale du lieu devenu chrétien et d’un espace-temps plus considérable cependant que ce que nous pouvons mesurer !
20Rapidité d’évolution : toute une série d’observations effectuées au chapitre II y concourent. L’ensemble des mosaïques découvertes lors de la reprise des fouilles appartiennent à un même niveau, le niveau 1, qui est d’abord un assemblage de concessions familiales, l’absidiole des martyrs étant surélevée de deux marches.
21Toutes ces mosaïques qui éclosent portent la marque d’une évidente diversité. Tout va très vite, a-t-on envie de déduire, et tout est différent. La formule adoptée pour chacun des deux audientes C.1 n’est pas tout à fait la même, or c’est le même pavement. Quant aux épitaphes d’Aelia Victoria et d’Elius Victorinianus, un monde les sépare.
22La normalisation ensuite semble suivre rapidement puisque la formule de [...]dio[...] C.2, de Dativa C.12, prolongeant le pavement d’Aureliu[s] Kandidu[s] C.11, de Fortunata C.17, etc., c’est-à-dire la typologie du groupe majoritaire des mosaïques, est trouvée dès ce niveau. La plupart des mosaïques regardent alors du côté du presbyterium.
23Rapidité d’évolution, donc, en s’en tenant à des contrastes entre pavements d’un même sol. Cette perception se confirme si on fait intervenir les différences entre sépultures : d’un côté de simples fosses sous la mosaïque de Quiriac[a/us] C.9, sous le pavement C.4 d’Are[...], l’étage inférieur de la concession de la famille d’Aelia Victoria, et, à l’autre extrémité, le sarcophage sous le pavement C.7.
24Cet espace-temps fut nécessairement plus considérable que ce qui résulte d’une première approche limitée à l’observation linéaire d’un seul niveau, le niveau 1. Nous avons la certitude qu’il existait des repères, mais ils apparaissent mal, car écrasés à l’image de plans superposés. Nous devrons nous efforcer de concilier les paramètres antinomiques, d’une part les contractions des durées avec les liens entre les plus anciennes sépultures et les mosaïques, ainsi que l’emplacement des mosaïques sur un même sol, d’autre part l’étirement dans le temps avec la diversité des sépultures, leur étagement quelquefois, l’évolution des formes de pavements funéraires.
25La concession de la famille d’Aelia Victoria illustre cette ambivalence : utilisation d’un même espace en surface et à l’étage des tombes les plus profondes. Et corrélativement, le facteur temps. Entre ces tombes et les pavements, il y a le palier des sépultures supérieures, une des deux tombes, celle à tuiles contrebutées, ayant été de plus reconstituée. En surface, il y a la différence entre les mosaïques d’Aelia Victoria et d’Elius Victorinianus, la superposition de cette dernière mosaïque sur le pavement disparu C.14, sans compter que la mosaïque d’Elius Victorinianus n’est pas, loin s’en faut, la plus récente du premier sol de l’église !
26Autres symboles de ces perceptions opposées. Resserrement dans le temps : la mosaïque et la tombe de Quiriac[a/us], en relation directe, sans intermédiaire. Cheminement plus complexe : les tombes à fosse, à tuiles contrebutées, en maçonnerie, d’amphores accolées, sous les pavements C.4 et C.5, et il s’agit d’une des réalisations les plus anciennes !
27Rappelons, également, l’observation effectuée lors du sondage contre le pilier de la colonnade sud : l’existence d’une pellicule de terre prise entre le mortier de la tombe à fosse inférieure et la sous-base du pilier pourrait être comprise comme signifiant un temps d’abandon entre la nécropole et la première structuration de l’espace par les chrétiens.
28Ajoutons aussi que le témoin que constituerait la construction de l’absidiole des martyrs, comme seule référence à un état 1 global, apparaît bien limitatif pour notre désir de comprendre les enchaînements.
29Il est possible de relativiser cette rapidité d’évolution sur un premier point, le lien entre les plus anciennes sépultures et le sol des mosaïques. Ce lien n’est pas le lien « sépulture-mosaïque » mais « reconstitution de la sépulture-mosaïque ».
30Nous avons en effet constaté que les sépultures les plus anciennes furent détruites et, tant bien que mal, relevées plus tard. C’est le cas des tombes des audientes, celui de la tombe à fosse dans la concession d’Are[...] et près du pilier de la colonnade sud. Bien des tombes de tuiles contrebutées ont été redressées – telle la sépulture de Bernacla –, certaines reconstituées partiellement, ainsi la tombe à tuiles de la concession d’Are[...]. Il est possible d’avancer que les sépultures du type primitif, excavation en terre, que nous avons observées, ont été remaniées, leur fragilité et la netteté de la conservation ne pouvant se concilier que par un réaménagement avant la pose d’une couverture qui les protégera définitivement. Cette couverture était soit la mosaïque soit un étage de tombes superposées. Il est sûr, en effet, que les réalisations des tombes supérieures dans la concession de la famille d’Aelia Victoria ont nécessité des « soins » aux sépultures inférieures. Par contre, il est vrai, nous n’avons pas de preuve qu’on ait fait de même lors de la pose de la mosaïque de Quiriac[a/us].
31Toutefois il demeure, et ce n’est pas rien, la relation fondamentale du défunt lui-même et l’attachement de la famille à sa mémoire, avec cet emplacement.
32La troisième constatation repose sur l’analyse graphologique des épitaphes. Nous arrivons en effet au point où nous avons la conviction de ne plus pouvoir progresser dans les déductions avec les seuls indices fournis par l’observation des sépultures et de la relation sépultures-mosaïques.
33Il reste la comparaison des mosaïques de la première génération.
34Dans le cas de petites cités comme Uppenna, ce n’est pas la Carthage de la grande époque et les mosaïstes devaient être peu nombreux.
35Il faut immédiatement distinguer entre les décorations des grands ensembles, maisons, bâtiments publics, sans doute églises lorsqu’un programme a été défini, ici probablement lors de la décoration des grands pavements, où il était nécessaire de faire venir des artisans spécialistes, aptes évidemment à satisfaire aussi des commandes individuelles, – ce qui doit nous inciter à rechercher de fortes ressemblances dans un cadre régional – et un grand nombre de modestes épitaphes où Ton se devait d’utiliser les services de celui qui, sur place, était à même, plus ou moins adroitement, d’officier très vite.
36Il est à se demander – ce que nous ferons dans la partie consacrée au corpus des mosaïques – si les pavements du groupe II (Fortunata, etc.), les mosaïques-type d’Uppenna qu’on reconnaît, dans et malgré leur simplicité, entre mille, ne sont pas d’abord l’œuvre d’une même personne.
37Nous aurons l’occasion d’affirmer qu’à Uppenna, il est impossible de douter que la mosaïque de Baleriolus et la deuxième épitaphe de Quadratianus aient été l’œuvre d’un même artisan, tant les similitudes sont manifestes (ch. VII).
38Dans certains cas, nous avons l’intuition de grandes ressemblances pour des œuvres du tout début, les épitaphes des pavements C.20 à C.24, bien sûr, mais aussi entre les mosaïques d’Irene et de [Re]stituta notamment. Cela reste pourtant le plus souvent du domaine de l’intuition.
39La comparaison minutieuse entre les mosaïques des audientes et d’Elius Victorinianus nous donne, elle, la certitude qu’une même main a donné forme à ces épitaphes, cela malgré le mauvais état de conservation du pavement d’Elius Victorinianus – (fig. 277 pour le pavement des audientes, fig. 2781-2 pour celui d’Elius Victorinianus).
40L’attention est d’abord attirée par la forme des symboles du Christ dans le texte ou à la fin de l’épitaphe. Avec la mosaïque de Secundianus et Restuta, il s’agit des trois seuls exemples conservés ici où le symbole du Christ est antérieur à sa représentation traditionnelle sous forme de monogramme dans la couronne. Cet état intermédiaire entre la simple mention du nom suivi ou non d’in pace dans le cartouche et la structure ternaire des mosaïques du type II (Fortunata) invite à des rapprochements. L’identité est frappante entre le chrisme du pavement de Bonifatia et les trois derniers, les plus lisibles, d’Elius Victorinianus, la modestie appliquée du P et la difficulté des bras inférieurs du quadrant de se rencontrer au centre (fig. 275-276).
41Dans la forme de chacune des lettres mais aussi dans l’écriture de la phrase du texte, les similitudes sont encore plus frappantes. On observe un début d’écriture ordonné, immobile, vertical, puis l’amorce d’un mouvement avec les lettres gagnant en élévation, penchées vers la droite : IN P très caractéristiques (cf. IN P des deuxièmes lignes) ; le mouvement de houle s’accentue dans les AN de AN(NU) (la composition de ces deux lettres étant identique) ; ensuite un retour à la verticalité et à l’immobilité du T de ET, ces deux lettres étant entourées d’un point, et pour finir, la houle inverse, avec le M des mois obliquant vers la gauche – oblique un peu plus accentuée sur le pavement des audientes – et dans les deux cas une même position des points à gauche et à droite de cette lettre !
42Or, chacune de ces deux mosaïques est liée à une œuvre de grande importance pour la chronologie des premiers temps chrétiens de ce site. La mosaïque d’Elius Victorinianus est postérieure à celle d’Aelia Victoria ; la reconstitution de la tombe et la pose de la mosaïque des andientes sont contemporaines de la délimitation du premier chœur oriental en mosaïque blanche en relation avec la construction de l’absidiole des martyrs.
43Le synchronisme des deux pavements funéraires d’Elius Victorinianus et des audientes constitue le maillon qui nous manquait.
2. SIX MOMENTS JUSQU’À L’ÉPOQUE VANDALE
44Trois binômes parallèles dans la recherche des origines du culte chrétien. Comment un cimetière devient-il une église ? Quel lien entre culte martyrial et inhumation ad sanctos des fidèles ? Un bâtiment du souvenir martyrial, ici une absidiole, est-il l’élément pivot du bâtiment en voie de construction ?
45Les observations sur le site, les analyses dans les chapitres précédents de cette étude étaient centrées sur la réponse à donner à ces interrogations traditionnelles. Au terme de ce travail, nous nous rendons compte que les réponses simples sont trop réductrices car les questions elles-mêmes le sont. L’absidiole martyriale n’est pas un élément pivot du bâtiment-église en voie de construction et pourtant sa réalisation a été le geste qui a donné réellement à ce lieu sa dimension ecclésiale. Comment le cimetière est-il devenu église ? Nous en discernons les modalités, et pourtant il n’a jamais été autant cimetière que lorsqu’il fut acquis qu’il allait devenir église. Que le culte martyrial ait développé le désir d’une inhumation ad sanctos, certainement ; cependant le souvenir des martyrs avait été localisé ici dans ce qui était déjà lieu de sépultures, et la première mosaïque des martyrs, nous le savons maintenant, n’est pas la plus ancienne épitaphe du site.
46Nous individualisons six moments dans la première partie de la « vie » de la basilique d’Uppenna :
LE PREMIER MOMENT
47D’abord un bâtiment public ou religieux occupé par les chrétiens. Ils y firent des inhumations, mais sans doute n’étaient-elles pas très nombreuses3. Elles étaient secondes par rapport à ce qui était la raison première : lieu de rencontre, de réunion, de prière d’une communauté chrétienne déjà suffisamment puissante pour avoir été à même d’exister et de s’imposer en ces lieux. Cette distinction me paraît de nature à expliquer pour une part la conjonction dans la « préhistoire » de la basilique chrétienne d’Uppenna, et probablement d’autres basiliques4, de deux réalités – ou racines – qui paraissent antagonistes, un « temple » et une area chrétienne. Une part d’explication serait également à rechercher de manière complémentaire dans l’hypothèse d’un possible voisinage entre deux périmètres, devenus tous deux propriété des chrétiens, celui du « temple » et celui, plus à Test, d’une ancienne nécropole (cf. l’emplacement des mosaïques C.20 à C.24).
48Mais l’hypothèse de l’antécédence d’une nécropole païenne semble devoir être abandonnée pour la partie centrale malgré les difficultés de différenciation des caractères concernant les rites funéraires des païens et des chrétiens, et de lecture iconographique sur des œuvres dépourvues de traits spécifiquement chrétiens5. Les arguments à lui opposer sont au nombre de deux, d’abord l’origine probable d’un sanctuaire païen, pour cette partie centrale, qui rendrait inéluctable une suite chronologique et logique trop complexe – temple, nécropole païenne, nécropole chrétienne, lieu de culte chrétien – et surtout la prise en compte des constatations que nous avons faites d’une continuité dans les concessions familiales entre l’élément le plus ancien et celui qui s’intègre en bout de chaîne à un lieu défini comme chrétien.
49L’existence des sépultures met en évidence ici la convergence en un lieu de plusieurs fonctions, comme dans une enclave autonome. Il ne fait néanmoins pas de doute que la majorité des chrétiens étaient enterrés ailleurs.
LE DEUXIÈME MOMENT
50La bourrasque de la persécution avec deux implications. La première est la mort de chrétiens. La deuxième est la destruction des bâtiments ou d’une partie d’entre eux, à moins que seules aient été mutilées des sépultures, si on voulait signifier que leur emplacement avait été sacrilège6. Mais cette hypothèse paraît bien trop en dessous de ce que dut être la dure réalité attestée par les dépôts de cendres au-dessus du sol de la primitive sépulture des audientes ou dans le sondage de la chapelle XXIV. Il faut relier ces deux éléments pour comprendre les enchaînements suivants.
LE TROISIÈME MOMENT
51Avec la paix, peut-être provisoire, c’est la réappropriation des lieux par la communauté chrétienne. Plusieurs impressions fortes : une responsabilité et une entreprise essentiellement familiales sauf peut-être dans ce que nous avons appelé l’area est (emplacement des épitaphes C.20 à C.24)7. L’autorité, spirituelle ou municipale, n’a pas encore les moyens ou la volonté de définir une unité d’ensemble.
52Interviennent dans cette situation probablement la nature juridique du terrain : à qui appartenait-il ?, mais surtout le fait que les inhumations, donc les concessions familiales existaient dès le premier moment. Il y avait donc continuité après l’épreuve. On a observé combien l’ensemble des pavements d’Aelia Victoria et d’Elius Victorinianus (que l’on peut fixer au troisième et au quatrième moment) occupait la même superficie que l’emplacement des trois excavations à l’étage moins deux, sans être toutefois à même de déterminer si initialement on avait utilisé simplement 2 m2 ou les 4 m2.
53Les gestes qui ont été accomplis pour la concession d’Are[...] C.4.-C.5 résument bien le cadre des interventions lors du troisième moment. On redispose les tombes anciennes, on façonne la sépulture en maçonnerie – assurance ou vœu de pérennité – on apporte en limite les ossements recueillis dans les amphores. L’appropriation du sol est bien marquée par de la mosaïque blanche ou un sol en béton autour des épitaphes.
54Ce que nous avons observé dans la concession d’Aelia Victoria-Elius Victorinianus est semblable – tombe en dur sous la mosaïque d’Aelia Victoria et au-dessus des deux tombes à fosse – mais de structuration plus complexe en raison de l’étagement. Partout se retrouve la volonté de redisposer, recomposer avec piété, la sépulture primitive (cf. le sondage près du pilier de la colonnade sud de la nef, avec l’obturation du trou de la couverture de la tombe primitive, et l’observation des tombes sous le pavement des audientes).
55Les pavements de cette époque ne comportaient pas encore de signe chrétien. C’est le cas, avec certitude ou très probablement (cf. ch. IX), pour les mosaïques d’Aelia Victoria, de Quiriac[a/us], de la famille d’Are[...], de [Re]stituta, d’Aureliu[s] Kandidu[s], de la série C.20 à C.24, de Maxentia, d’Irene, d’Icosu. Ces concessions n’ont pas été très nombreuses, elles étaient loin d’occuper la majeure partie du sol.
56Nous discernons une grande différence entre la solidité et l’armature de l’absidiole des martyrs, la stabilité et l’horizontalité de la plate-forme sur laquelle la mosaïque était déposée, et l’abside a et la cuve a. Elles ne sont pas contemporaines. Nous concluons que c’est lors de ce troisième moment que furent « construites » l’abside a et la cuve baptismale a (impossible cependant d’écarter l’hypothèse que la cuve a puisse remonter au premier temps de l’occupation chrétienne). Modeste abside a, en fait un tertre funéraire où l’on dépose des ossements dans des tombes. La sépulture ouverte nous a montré qu’il s’agissait d’une réinhumation à l’époque où on allait relever et disposer d’autres tombes dans les concessions voisines.
57En observant ces concessions et leurs mosaïques, l’abside a, la cuve a, on est frappé de l’ambivalence entre d’une part la fragilité et la pauvreté, l’absence probable de référence explicitement chrétienne et malgré cela, une certaine sécurité – tombes en maçonnerie, existence même des pavements. Comme s’ils avaient obtenu l’assurance, ou cru, que leur présence ne serait pas remise en cause en ces lieux.
58Nous trouvons lors de cette étape, et dans la précarité, l’idée d’une diversité voire d’une « totalité » de fonctions. Au moment où les sépultures deviennent plus nombreuses, l’abside a et la cuve baptismale a constituent les repères du lieu. Il est instructif d’observer l’orientation des épitaphes les plus anciennes. Où faut-il porter les yeux pour les lire ? Le plus souvent vers le nord : (Are[...], Quiriac[a/us], ensemble C.20 à C.24). C’est la direction de la cuve baptismale. Une fois vers le sud – (Irene, cf. P.V. de la troisième Mission archéologique) – c’est-à-dire en l’occurrence vers la partie centrale, mais cette mosaïque est elle-même disposée assez près de la cuve. Jamais vers l’est, donc vers le monument des martyrs, sauf dans le cas explicable de [Re]stituta8. Quant à Aelia Victoria et, plus loin, Aureliu[s] Kandidu[s], leur épitaphe se dirige vers l’abside a.
59Parvenus à ce temps de l’évolution du site, fin du troisième moment, nous pouvons procéder à une première évaluation de l’organisation de l’espace. C’est le plan évolutif (Pl. IIa) qui réunit les composantes des trois premiers moments... et la somme de nos interrogations.
LE QUATRIÈME MOMENT
60– Pl. IIb –
61Le temps de l’absidiole des martyrs. Événement majeur de la restructuration du bâtiment de l’église. À proprement parler, il n’y a pas rupture avec ce qui précède. Dans un lieu de concessions familiales, on réalise une concession martyriale. Le monument englobe l’absidiole et la plate-forme d’un premier chœur oriental délimité par le déploiement des bras latéraux de l’absidiole. Ce chœur oriental détermine initialement le périmètre où les fidèles pouvaient venir se recueillir. Le souvenir des catéchumènes (audientes), de tout jeunes enfants ([...]dio[...]), marqué par leur emplacement, est (et sera) associé à celui des martyrs.
62Le culte des martyrs transforme immédiatement les données sur place car ses conséquences se manifestent par un double mouvement d’attraction. Ces martyrs deviennent objet de pèlerinage. Peut-être était-il modeste au début, mais il était inévitable : Uppenna est situé sur la grande route côtière nord-sud de la Tunisie. Au surplus, ces martyrs deviennent, comme bien d’autres, un enjeu dans la grande division qui affecte l’Église africaine, dès 308, année de l’élection de Caecilianus comme évêque de Carthage.
63De nouvelles mosaïques sont disposées. Il n’y a plus de place pour des concessions à la superficie importante (on avait 4 m2 pour celles d’Are[...] C.4-C.5, autant pour la famille d’Aelia Victoria, et pour « la famille » de Quiriac[a/us] si on y associe le pavement C.10).
64Au nom de quoi se fait la sélection ? Sur des critères religieux ? municipaux ? socio-économiques ? d’antériorité (tombes plus anciennes) ? Double sélection en réalité car s’il y a un droit d’inhumations ou de réinhumations nombreuses, le privilège de l’épitaphe est beaucoup plus limité.
65On a observé que des mosaïques près de l’absidiole des martyrs inscrivent les noms d’enfants (les audientes, [...]dio[...], Bernacla). Cas typique de la sépulture de Bernacla avec inhumation d’enfants puis d’adultes, et souvenir au nom de l’enfant.
66Conséquence du culte des martyrs, l’attraction sur place, l’aimantation même avec un flux d’inhumations ad sanctos, c’est-à-dire de réinhumations. Des ossements de dizaines et de dizaines de fidèles sont disposés dans des tombes à tuiles contrebutées, des jarres, des amphores. Sans doute aussi des cendres.
67C’est une nécropole. Mais ce n’est pas nouveau : la sépulture constituée de deux amphores en limite de la concession d’Are[...] et sous la mosaïque blanche prouve que ce transfert était commencé avant qu’on ne fît l’absidiole des martyrs, dès le moment trois. Rien de comparable cependant avec ce qui suivit et l’empilement désordonné des restes de défunts, alors qu’au niveau du sol il n’y a souvent rien qui identifie. Les fouilleurs des années 1900 avaient été étonnés de cette abondance d’ossements un peu partout. Le dégagement de la sépulture de Bernacla nous en a donné une vision explicite dans un petit périmètre.
68À ce moment de l’histoire de la basilique d’Uppenna, on se trouve au point de rencontre entre deux formes d’inhumation ad sanctos, celle qui concerne le maintien « des privilèges de quelques-uns » et celle qui caractérise dorénavant « un privilège de masse »9.
69En liaison avec le moment de la première inscription des martyrs, l’apparition du symbole du Christ à Uppenna. Nous avons mis en évidence le lien entre cette absidiole martyriale et les mosaïques des audientes et d’Elius Victorinianus. La grande nouveauté de ces deux pavements, avec peut-être celui de Secundianus et Restuta, consiste dans l’apparition du chrisme. Il est possible qu’en tête de la première inscription martyriale il y ait eu ce chrisme. Si cette mosaïque comportait un signe du Christ, de par la place disponible, ce ne pouvait être que celui-ci et juste en haut.
70Moment déterminant que celui de cette apparition à Uppenna. Très vite le symbole du Christ va être intégré dans des compositions ordonnées après quelques essais non concluants, comme le pavement de Bernacla. C’est le groupe majoritaire des mosaïques du type II.
71La totalité des fonctions cultuelle et cimetériale évoquées déjà se retrouve encore une fois mais cumulant une grande faiblesse, celle d’un état des lieux totalement inadapté : abside a, cuve a, et une très grande « surcharge » de tout ce qui se rapporte aux morts. Une situation de moins en moins satisfaisante, surtout si on songe à ce qui était associé : les venues voire les repas ou libations de parents et amis près des tombes. Il est possible que cette fréquentation ait été responsable de l’effondrement de plates-formes de mosaïques (cf. discussion sur C.14).
72Il était temps de réaliser une église.
LE CINQUIÈME MOMENT
73– Également Pl. IIb –
74Il importe de distinguer ce qui évolue au niveau du sol et ce qui relève de la construction des murs, de l’abside ou du baptistère. Ces transformations, probablement chronologiquement très proches, nous aimerions pouvoir être plus précis dans la définition de leur interaction.
75Au sol, la structure des mosaïques du type II, normalisée, codifiée, disciplinée en trois parties – couronne et chrisme, champ épigraphique, tableau « décoratif »–, montre qu’une autorité s’exerce. Ces pavements s’intègrent dans un dessein d’ensemble de l’église. Ils sont orientés pour la plupart, y compris la mosaïque de [...]dio[...] si proche de l’absidiole des martyrs, vers l’abside – l’abside b à n’en pas douter – c’est-à-dire dans la direction de la prière liturgique.
76La construction de l’abside b, le façonnement de la cuve baptismale b avec une ou deux marches constituent le moment cinq du premier âge de ce site chrétien. C’est à partir de maintenant seulement qu’on peut parler de basilique. Tout l’ensemble du site passe du stade de l’« occupé, réemployé » sous forme de « basilique découverte »10, au « réaménagé », « reconstruit », couvert même, pour la partie centrale au moins, l’œuvre architecturale dépendant cependant des formes antérieures. Et ce n’était pas si simple.
77La construction de l’absidiole des martyrs impliquait qu’on en arriverait là. Encore fallait-il attendre le moment où la communauté d’Uppenna en aurait les moyens.
78De part et d’autre de l’espace central de la nef et des bas-côtés, les deux ailes nord et sud vont connaître une évolution différente.
79Le côté sud a une vocation exclusivement funéraire, à part peut-être la chapelle XXV. Une impression d’empilement informel prévaut souvent. C’est une nécropole à l’extérieur de la basilique proprement dite (sol 1). Certes, il y avait le mur très ancien dont l’alignement servira de fondations aux murs du fond des chapelles XXI-XXIII-XXIV. Mais dans quel état subsistait-il avant sa reconstruction ? Sous forme de muret, de petite clôture ?
80Le côté nord a également servi de cimetière. Mais la présence des baptistères a intégré cette partie de l’église dans le complexe liturgique du bâtiment ecclésial, les cuves baptismales constituant comme les absides et les inscriptions martyriales un des sommets du triangle liturgique de la basilique. D’où une plus grande netteté. Une exigence de rigueur se précise : disposition des tombes de la deuxième génération de la pièce X (cf. sondage) mais aussi dans l’abside IX, emplacement de la mosaïque de Ciionisia C.25 et des pavements de la même génération – pièces VIII et IX.
81Dans ce premier état de la basilique, l’abside b est flanquée de la chapelle nord (II) et le mur du fond est le large mur à l’arrière de l’emplacement des mensae martyriales.
82À propos du lien entre aménagements architectoniques et mosaïques tombales, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que le groupe majoritaire des pavements II d’Uppenna a, à la fois, précédé et suivi la réalisation du bâtiment basilical.
83Nous ignorons si certaines œuvres sont antérieures à la transformation du cimetière chrétien en église. Cela paraît douteux. La question peut néanmoins se poser pour la mosaïque de Bictoria (développement ch. X). Nous pouvons par contre attester que certaines mosaïques sont à coup sûr postérieures. Ainsi, la mosaïque de Ciionisia située dans un ensemble latéral suffisamment vaste pour qu’il soit exclu qu’à cette époque on ait utilisé encore l’abside a. Ainsi, l’emplacement de celle d’Aprikis implique l’existence de la chapelle au nord de l’abside et donc aussi l’existence de l’abside b. Ainsi, la mosaïque de Cilonia Grata (cf. corpus) dont la partie inférieure se justifie par la cuve baptismale b.
84Toutes ces mosaïques du groupe II appartenaient au sol 1 de l’église, sol dont la mise en place remonte au moment trois. C’est dire que coexistaient les pavements des concessions familiales sans signe chrétien, les mosaïques contemporaines de l’absidiole des martyrs et ce groupe dans lequel il faut intégrer aussi des pavements sans épitaphe. Trois temps donc, symbolisés par la proximité des pavements d’Aelia Victoria (moment trois), d’Elius Victorinianus (moment quatre), de Fortunata (moment cinq).
85Le sol n’a pu gagner en régularité et en solidité : dénivellations significatives, pavements fragiles. Où l’ensemble des fidèles était-il disposé ? Autant un cheminement entre les tombes apparaît plausible, plus ordonné peut-être que lors du moment trois11, autant des rassemblements de l’ensemble de la communauté sont encore difficiles à imaginer. À terme, il y avait obligation de tout recouvrir et de profiler un sol plus solide et horizontal (sol 3).
LE SIXIÈME MOMENT
86Période assurément longue. Du début du Ve siècle, peut-être du lendemain de la conférence de Carthage de 411, jusqu’aux réalisations du temps du deuxième monument des martyrs (deuxième moitié de l’époque vandale) (cf. chapitre suivant).
87Ce moment, nécessairement très composite, demeurera pour nous très obscur. Les temps d’épreuve et de destruction s’enchaînent aux périodes d’aménagement de la basilique.
88Époques de difficultés : il nous est très difficile, souvent impossible, de distinguer ce qui fut dû alors aux conséquences de la fracture donatiste, aux difficultés internes de l’Église donatiste-maximianiste, à la répression contre les donatistes après 411, et à l’arrivée des Vandales ariens, aux premiers temps particulièrement sévères de leur occupation. Cette évocation du donatisme ne constitue pas une anticipation du développement du chapitre XV. Elle se fonde sur l’interprétation la plus plausible des raisons de l’absence de toute représentation d’Uppenna à la Conférence de Carthage de 411, à savoir l’appartenance au courant maximianiste12.
89Les observations qu’on peut tirer de l’examen du sol sont les suivantes : Il y a d’abord l’occultation de mosaïques, principalement celles du type II, avec du mortier particulièrement résistant – cf. le pavement de Fortunata. Ce n’était pas le cas pour les mosaïques les plus anciennes, comme celle d’Aelia Victoria, qui n’ont pas eu besoin, elles, d’être décapées.
90Il faut bien remarquer cependant que toutes les mosaïques du groupe II ne semblent pas avoir été également recouvertes de mortier, ou que celui-ci fut plus ou moins résistant. La lecture de l’épitaphe de Bictoria aurait été immédiate (cf. texte des P.V.). Les mosaïques que nous avons découvertes donnent le classement dégressif suivant : Fortunata, Ciionisia, Dativa, C.7. L’observation des anciennes photos d’Aprikis et d’« Aripectus ou Arictecius Zarzio » est instructive. Ces deux mosaïques furent abondamment recouvertes. Or, la mosaïque du deuxième défunt contenait la maxime Ic qui digni sunt sic accipiant.
91Quelle explication donner à cette occultation des mosaïques du groupe II ? La volonté de ne pas profaner le symbole du Christ par les pas13 ? La nécropole chrétienne étant devenue église et les mosaïques du groupe II comportant ce signe dans la couronne, les assemblées du culte imposaient de résoudre cette question. Mais la position des tombes avec le chrisme dans la chapelle à abside IX et le fait que la tombe centrale, au moins, ait eu, elle aussi, le symbole du Christ recouvert par la suite, invite à penser que cette première explication, si elle a joué, n’est pas suffisante.
92Doit-on alors l’expliquer par la lutte catholiques-donatistes ? Les donatistes devenus proscrits après 411 ont-ils eux-mêmes recouvert, pour les protéger, les mosaïques de leurs défunts ? Fut-ce la première action des catholiques ayant pris possession de la basilique (épuration des lieux) ?
93Il y a ensuite le sol 2 gréseux, extrêmement fragile. Un souci d’égaliser le sol irrégulier du niveau 1 ? Sa faible consistance, mais aussi son manque d’horizontalité, le rendent inapte à toute utilisation dans le cadre de manifestations religieuses un tant soit peu importantes.
94Est-il lui aussi l’indice d’un temps d’abandon, où les lieux sont désertés, ou de grande précarité d’une communauté chrétienne proche de la clandestinité ? À moins qu’il ait été tout simplement un sol intermédiaire, de mise à plat, au-dessus du sol 1, lors de la réalisation du sol 3, celui que nous avons pris pour référence. À cette question, indubitablement, les fouilles des années 1900 auraient pu permettre de donner une réponse.
3. LE CHOIX D’UNE CHRONOLOGIE
95Une étape sur laquelle nous n’avons guère de peine à nous accorder est celle de la construction de l’église et de la réalisation des mosaïques du groupe II – le moment cinq – la deuxième moitié du IVe siècle, le premier tiers du Ve siècle.
96Le temps de la persécution – deuxième moment – est soit celui du milieu du troisième siècle, Dèce-Valérien, soit celui de Dioclétien. En fonction de ces deux repères, trois chronologies sont envisageables :
- persécution de Dioclétien / concessions familiales, premières mosaïques, abside a et cuve a sous le règne de Constantin / absidiole des martyrs vers 340-360 / basilique ensuite. Chronologie basse.
- persécution Dèce-Valérien / concessions familiales, mosaïques, abside et cuve a14 et absidiole des martyrs (moments trois et quatre) lors de la petite paix de l’Église avant la persécution de Dioclétien / basilique, milieu deuxième moitié du quatrième siècle. Chronologie haute.
- les deux variantes d’une solution médiane : persécution de Dèce-Valérien / concessions familiales, premières mosaïques, abside a et cuve a lors de la petite paix de l’Église / persécution de Dioclétien/construction de la memoria martyriale commémorant le souvenir des martyrs morts soit sous la persécution de Dèce-Valérien, soit lors de la persécution de Dioclétien/basilique, deuxième moitié du IVe siècle.
97La première chronologie, la plus sécurisante en termes de calcul de risques (les premières mosaïques à partir de l’époque constantinienne), a pour elle la coexistence sur un même niveau des mosaïques les plus anciennes et des mosaïques du groupe II. Elle a contre elle deux conséquences du rapprochement des repères chronologiques : on ne voit pas bien la justification de l’abside a et de la cuve a, à moins de les considérer comme des œuvres très provisoires réalisées dès les premières années après la fin de la persécution. On discerne assez mal ce qu’elles avaient de si « sacré » pour qu’on tienne tant à les respecter lors de la réalisation de l’état II.
98Surtout cette hypothèse a contre elle de faire l’impasse sur les différences essentielles entre trois séries de mosaïques : celles sans signe chrétien, les trois épitaphes où apparaît le symbole du Christ, la série du groupe IL Cette chronologie nous paraît devoir être abandonnée. Néanmoins on pourrait apporter à son crédit un argument d’une autre nature. Elle situe la persécution à l’époque de Dioclétien. L’Église donatiste est née en Afrique des conséquences de la persécution de Dioclétien. Le prix payé par la communauté d’Uppenna – treize martyrs –, si la passion de ces martyrs a eu lieu sous Dioclétien, permettrait jusqu’à un certain point de mieux comprendre non seulement l’affiliation à l’Église donatiste mais aussi l’expression de cette fidélité. Sur la deuxième inscription, bien plus tardive, les martyrs d’Uppenna sont identifiés aux martyrs d’Abitina, victimes de la persécution de Dioclétien (cf. ch. XIII). L’argument est intéressant, il est loin d’être décisif. Les donatistes se voulaient les fils de toutes les générations de martyrs. Il suffit de se rappeler leur piété envers saint Cyprien.
99La chronologie haute et la solution médiane – davantage encore la première – rompent avec le confort sans risques des datations des premiers témoignages de l’archéologie chrétienne au IVe siècle et le démarrage en douceur dans le post-constantinien, et posent résolument le problème de la découverte des vestiges, traces de toutes ces églises et évêchés d’Afrique au temps de saint Cyprien.
100Est-il de nos jours possible de proposer de dater du IIIe siècle des mosaïques chrétiennes d’Afrique ? On peut même élargir le cadre de cette question : des cimetières chrétiens au IIIe siècle ? des salles de réunion ? des lieux de culte ? Cette Église du IIIe siècle, à la vie si intense, n’a-t-elle aucun lieu de mémoire à nous léguer en héritage ? Était-elle si désincarnée que ses évêques, prêtres, fidèles du temps de saint Cyprien n’eurent jamais le désir de rien édifier ou ne surent rien entreprendre ? Ce vide archéologique traduit-il un désert existentiel15, l’étendue des destructions puis des aménagements ultérieurs, notre refus légitime de donner cours à des « légendes dorées », notre absence de repères de chronologie absolue pour la partie est de l’Afrique, un glissement trop prononcé qui amène imperceptiblement des recommandations judicieuses de grande prudence à la conclusion que la grande éclosion, puis que l’éclosion tout court, fut celle du milieu du IVe siècle ?
101S’il est exact qu’« on ne sait rien d’une architecture ‘chrétienne’ avant le IVe siècle »16, s’il a été avancé « qu’il n’existe encore aucune mosaïque funéraire chrétienne qui soit de façon certaine rapportée à la première moitié du siècle »17, s’« il faut attendre le milieu du IVe siècle pour voir naître un formulaire chrétien bien constitué »18, si nous devons reconnaître que les textes les plus anciens concernant les cimetières d’Afrique, notamment le célèbre Ad Scapulam de Tertullien, montrent l’ambiguïté de la définition et du statut des areae, explicable par l’interaction entre société romaine et valeurs chrétiennes19, si aucune memoria des martyrs connue d’Afrique ne paraît antérieure au IVe siècle20, il n’en est pas moins également vrai que notre méconnaissance présente d’infrastructures chrétiennes au IIIe siècle doit être prise pour un constat et non comme la conséquence « d’une inexistence archéologique ».
102La difficulté majeure, incontournable, de l’hypothèse haute à Uppenna c’est l’état des lieux durant la persécution de Dioclétien. On demandait certes aux chrétiens de livrer les Écritures et cela ne laisse pas de trace pour l’archéologie. Il est cependant difficile de penser qu’une mosaïque exaltant le souvenir de ces martyrs tués au nom de l’empereur ait pu rester intacte alors qu’un autre empereur engageait une persécution tout aussi violente.
103Ou alors, on va jusqu’au bout des déductions possibles au prix d’une construction intellectuelle fort hardie, en considérant que la mosaïque d’absidiole fut effectivement brisée il y a très longtemps ! Si on croit en effet que cette mosaïque était déjà cassée lors de la pose de la grande mosaïque des martyrs – ce qui disculperait les intervenants de la Commission ecclésiastique de l’accusation d’une grave négligence !-, on doit conclure qu’elle l’avait été bien avant, puisque c’était nécessairement chose faite au moment de la mise en place de la contremarche. En effet, le cliché du chanoine Raoul plaide pour l’intégrité de cette mosaïque pariétale en 1905. Comment envisager donc qu’elle n’ait pas été cassée, tout au moins dans sa partie gauche, au moment de la mutilation de la mosaïque de l’absidiole si celle-ci avait eu lieu postérieurement à la pose de l’invocation ? Une seule explication est susceptible de convenir dans cette hypothèse : la mosaïque de l’absidiole fut cassée au moment de la dernière persécution, celle de Dioclétien, et la partie conservée fut laissée en place au IVe siècle en même temps qu’était apposée l’inscription commémorative de la contremarche.
104Construction intellectuelle fort hardie néanmoins que cette déduction, en raison de ce qu’elle implique comme conséquence : la présentation en l’état, même vénérable, durant deux siècles, de ce fragment de mosaïque d’absidiole, mais aussi très fragile ; la reproduction, deux siècles plus tard, d’une liste de martyrs dont les noms, dans leur majorité, auraient disparu durant tant de temps ! C’est pourquoi, on se permettra de reculer devant l’ampleur de l’effort que nécessiterait une telle hypothèse, avec trop peu d’éléments.
105Le respect de l’observation de l’ensemble des éléments que nous avons analysés nous conduit ainsi à la troisième hypothèse, celle de la voie médiane entre la chronologie haute et basse, dont nous rappelons les successions. Occupation d’un édifice public ou religieux (temple) dans la première moitié du IIIe siècle, premières inhumations/persécutions de Dèce ou Valérien et destruction / réoccupation dès la petite paix de l’Église, peut-être en liaison avec le rescrit de Gallien de 260. Cet édit restitue lieux de culte et cimetières – « reprendre les lieux appelés cimetières »21 – et donc officialise l’existence de la propriété ecclésiastique22, juridiquement assimilée aux collèges païens23 : Relèvement des tombes, concessions familiales, construction de l’abside a, cuve a, premières mosaïques funéraires24 / persécution de Dioclétien / édification de la mosaïque martyriale en souvenir des martyrs de l’époque de Dèce, Valérien ou (et) de Dioclétien25. Étape encore de la « nécropole » avec néanmoins institution d’un culte (autel sur le premier chœur oriental, celui de la plate-forme des audientes) / Construction définitive et mosaïques du groupe II dans la deuxième moitié du IVe siècle voire, pour certaines mosaïques, dans les premières décennies du Ve siècle. Apposition, probablement au IVe siècle, de l’invocation de la contremarche, soit dès la mise en place de la mosaïque martyriale, soit au moment cinq.
106Nous répondons affirmativement à la question posée précédemment. Oui, il est, de nos jours, possible de proposer de dater du IIIe siècle les premières mosaïques d’Uppenna. Ce faisant, il n’est pas question de prétendre que ce site, sur la route Karthago-Hadrumetum, fut le premier d’Afrique à se doter d’inscriptions chrétiennes...
107Cette proposition de datation reprend à son compte très largement les termes et les conclusions de la démonstration de Mgr Saxer relative à l’apport d’une mise en perspective réciproque de l’archéologie et de l’ecclésiologie dans l’Afrique du IIIe siècle26. Certes, il n’entre pas dans mes intentions de me prononcer ici sur l’appartenance des œuvres de telle ou telle église au IIIe siècle, particulièrement en Algérie, ni de discuter de la possibilité de remonter certaines jusqu’à la première moitié de ce siècle27.
108La première mention, sur une mosaïque, après le nom du défunt, fut celle de l’acclamation in pace. On peut tenir pour plausible que cette acclamation faisait partie du formulaire chrétien dès l’époque de saint Cyprien28.
109Avant la reprise des investigations en 1971, on connaissait, à Uppenna, l’existence de trois mosaïques seulement, avec l’apposition in pace : Icosu, Irene, Iulia, et celle de Secundianus et Restuta avec en plus le chrisme. Les découvertes de 1971 ont accru le nombre des mosaïques ayant cette spécificité et surtout mis en évidence la très grande diversité des formes de composition de ces mosaïques29. Uppenna n’ayant à l’évidence pas inventé toutes ces formes, nous disposons d’un indice supplémentaire de nature à nous inciter à donner plus de densité – en terme de capacité novatrice et de bouillonnement – à l’époque où furent réalisées des œuvres si différentes, chacune porteuse de son identité, qu’unissait toutefois une même acclamation30. Cela correspond à ce que nous savons de l’Église du temps de saint Cyprien puis de la petite paix de l’Église.
110Cette observation corrobore la diversité des informations données par le premier sol et le sous-sol, objets de la synthèse de ce chapitre, qui excluent l’existence d’une séquence chronologique limitée au quatrième siècle.
111Nous prenons en compte ainsi :
- La grande différence et le respect des étapes du cheminement typologique des pavements d’Aelia Victoria à Fortunata. Ce que signifient, très différemment, en termes de capacité de réalisation, l’abside a, l’absidiole des martyrs, la structuration de l’ensemble pour constituer une basilique.
- Les caractéristiques de précarité, de pauvreté des œuvres du deuxième moment, abside a, cuve a, l’absence de références explicitement chrétiennes sur les pavements, la volonté de croire néanmoins en une assurance de durée, typique du climat de l’époque de la petite paix de l’Église.
- L’impossibilité probable de construire un monument martyrial et d’insérer des noms de martyrs avant Constantin31, la tolérance impériale et des fonctionnaires chargés de surveiller n’allant pas jusque là.
- Et peut-être enfin, mais cela n’est qu’une interrogation dont la réponse, quelle qu’elle soit, ne met pas en cause l’ensemble : des traces possibles de la persécution de Dioclétien, explication éventuelle de la mutilation de la mosaïque C.14 sous le pavement d’Elius Victorinianus, si cette cassure n’est pas accidentelle32.
Notes de bas de page
1 Sur le lien temple à cour-église, cf. A. Lézine, Architecture romaine d’Afrique, Tunis, 1961, p. 99-119 (Thuburbo Majus : « temple des Cereres » devenu église) ; N. Duval, « Église et temple en Afrique du Nord. Note sur les installations chrétiennes dans les temples à cour à propos de l’église dite de Servus à Sbeitla » [Sbeitla III, Thuburbo Majus, Djebel Oust, Tipasa], BAC, ns 7,1971, Paris, 1973, p. 265-296 ; N. Duval, « Une hypothèse sur la basilique de Rutilius à Mactar et le temple qui Ta précédée », Revue des Études Augustiniennes, t. 31,1985, p. 20-45.
2 Cf. P.-A. Février et R. Guéry, « Les rites funéraires de la nécropole orientale de Sétif », Antiquités Africaines, t. 15, 1980, p. 93. N. Duval, « Église et temple en Afrique du Nord », op.cit., et sa conclusion sur la reconstitution de la « chronologie, malheureusement mal assurée », lors du passage temple-église à Sbeitla III, p. 276.
3 On doit sans doute définir ce moment comme un « laps de temps relativement long entre l’agonie du culte païen et la reprise chrétienne du sanctuaire » cf. J. Vaes, « Nova construere sed amplius vetusta servare’ : La réutilisation chrétienne d’édifices antiques (en Italie) », XIe Congrès international d’Archéologie chrétienne, EFR, 1989, p. 299-321 (p. 303).
4 Sur l’existence des vestiges de temples païens dans des areae chrétiennes : cf. U. Fasola et V. Fiocchi-Nicolai, « Le necropoli durante la formazione della città cristiana », XIe Congrès international d’Archéologie chrétienne, p. 1153-1205 (p. 1163).
5 On se reportera à la communication de N. Ferchiou, « Architecture funéraire de Tunisie à l’époque romaine », dans Monuments funéraires et Institutions autochtones en Afrique du Nord antique et médiévale, VIe Colloque international, Pau, 1993, 118e Congrès du CTHS, 1995, p. 111-137, avec la mise en évidence de caractères qui paraissent pouvoir être communs aux pratiques des païens et des chrétiens (enclos funéraires – cimetières d’enfants ( ?) – p. 116-117 ; tombeaux de famille, p. 117 ; symboles – couronnes, guirlandes, paniers de roses – p. 122-123 ; rites funéraires avec maintien de l’incinération assez tard au cours du IIIe siècle, p. 127. À propos des caractères de mosaïques chrétiennes considérées parmi les plus anciennes d’Afrique, celles des catacombes de Sousse, cf. l’appréciation sans appel de L. Foucher : « Les mosaïques funéraires des ‘Catacombes’ sont d’un décor relativement pauvre et leurs bordures, très simples et courantes, des torsades, des oves ou des grecques fractionnées, n’ont aucune signification symbolique », Hadrumetum, Tunis, 1964, p. 360.
6 Peut-être aussi la démolition du mur devant lequel seront disposées les mosaïques des audientes et de [Re]stituta. Dans le temps trois, en effet, on intégrera le pavement de [Re]stituta, donc la réfection du mur contre lequel il s’adosse.
7 Série à part, et pas seulement en raison de leur emplacement « décentré », difficile à situer avant ou après les premiers pavements sans signe chrétien. Chacune des mosaïques est délimitée par des tuiles posées de chant. Il y a donc un compartimentage individuel avec dénivellations imposantes (cf. la cote d’Ispesina), mais dans le cadre d’une organisation d’ensemble.
8 L’existence du mur nord-sud contre lequel est disposée cette mosaïque est à même de justifier cette orientation, sans faire intervenir l’emplacement de l’absidiole.
9 Y. Duval, Auprès des saints, corps et âme. L’inhumation « ad sanctos » dans la chrétienté d’Orient et d’Occident du IIIe au VIIe siècle, Paris, 1988, cf. la conclusion du chapitre III : « Sépultures ‘ad sanctos’. Les lieux près des saints », p. 97-98.
10 E. Marec, Monuments chrétiens d’Hippone, Paris, 1958, p. 155 et 227 n.2 et 6, et H.-I. Marrou, « La basilique chrétienne d’Hippone », Revue des Études Augustiniennes, t. 6,1960, p. 119, à propos du rapprochement avec la basilique N de Marusinac à Salone (d’après les travaux d’E. Dyggve).
11 L’allée du collatéral nord apparaît comme un axe de cheminement important mais non linéaire (en raison de la présence de mosaïques), à en juger par l’ampleur du massif de mosaïque blanche dans laquelle était insérée la mosaïque de Fortunata 07.
12 « Il n’est pas certain mais très probable que si ces trois villes du Byzacium et de la côte [Uppenna, Thapsus, Acholla] ne figurent pas en 411, c’est qu’il s’agissait de fiefs du Maximianisme où le sous-schisme n’était pas venu à résipiscence après le coup de barre donné à Bagaï en 394 », S. Lancel, « Originalité de la province ecclésiastique de Byzacène aux IVe et Ve siècles », Les Cahiers de Tunisie, no45-46,1964, p. 149.
13 Conformément notamment à la loi de Théodose et Valentinien, interdisant en 427 « de représenter le Signum Salvatoris Christi, là où il eût risqué d’être foulé aux pieds », H.-I. Marrou, « La basilique chrétienne d’Hippone », op.cit., p. 109-154 (p. 120).
14 Rappelons que nous n’avons pas exclu qu’on puisse faire remonter la cuve a au premier moment d’une occupation chrétienne.
15 À noter cependant le processus de passage de ecclesia-communauté à ecclesia-éditice, en Afrique, dans les œuvres de Tertullien et de Cyprien – cf. Chr. Mohrmann, « Les dénominations de l’église en tant qu’édifice, en grec et en latin au cours des premiers siècles chrétiens », Actes du Colloque Archéologie paléochrétienne et culte chrétien, Strasbourg, 1961, Revue des Sciences religieuses, 1962, no3-4, p. 155-174 (ici, p. 161-163).
16 N. Duval, « Problématique d’une architecture chrétienne au IVe siècle », Revue des Études Augustiniennes, t. 35, 1989, p. 308-313 (p. 309).
17 P.-A. Février, « Les sources épigraphiques et archéologiques et l’histoire religieuse des provinces orientales de l’Afrique antique », XIX Corso di Cultura sull’arte mvenmte e bizantina, 1972, p. 131-158 : à propos des mosaïques des Catacombes de Sousse : « On a dégagé un certain nombre de mosaïques funéraires. Sans doute en se fondant sur les mosaïques dégagées tant à l’entrée de la catacombe d’Hermès que dans une galerie de celle-ci, ou encore dans le cubiculum de Parthénope de la catacombe de Sévère, on aurait pu étudier les origines de la mosaïque funéraire africaine. On sait l’importance de ce genre de décor de tombe en Afrique, mais les documents datés du IVe siècle sont rares, et il n’existe encore aucune mosaïque funéraire chrétienne qui soit de façon certaine rapportée à la première moitié du siècle. Y en avait-il à Sousse ? Ou bien les tombes trouvées ainsi décorées sont-elles un indice de plus de l’utilisation tardive de ces hypogées ? La discussion peut rester encore ouverte, même si je pense volontiers que le style ou le décor de ces tombes invitent à ne pas trop les vieillir » (p. 133-134). N. Duval, « L’épigraphie funéraire chrétienne d’Afrique : Traditions et ruptures. Constantes et diversités », Epigrafia e Antichità –9– La terza età dell’Epigrafia, Colloque AIEGL, Borghesi, 1986, p. 265-309 : « Les inscriptions anciennes, en nombre assez faible, qu’autrefois on attribuait volontiers au IIIe siècle, mais qu’on a tendance à placer maintenant au début du IVe siècle, existent à Carthage, Cherchel et Tipasa et dans les catacombes de Sousse » (p. 267).
18 P.-A. Février, « Le culte des morts dans les communautés chrétiennes durant le IIIe siècle », Actes du IXe Congrès international d’Archéologie chrétienne, p. 211-274 (p. 225).
19 Cf. É. Rebillard, Les Areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3,1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens ?, METRA, t. 108, 1996, p. 175-189.
20 Y. Duval, Loca Sanctorum Africae, II, EFR, 1982, ch. I, p. 455-474 (à noter cependant une area martyrum attestée dès 305 à Cirta dans les Gesta apud Zenophilum – cf. p. 461).
21 Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique VII, 13, éd. Sources chrétiennes, t. 41, p. 188, (trad. G. Bardy).
22 J. Daniélou, Nouvelle Histoire de l’Église, 1.1, Paris, 1963, p. 240-241. L. Pietri, Histoire du Christianisme, 2, Paris, 1995 : « Les résistances : de la polémique païenne à la persécution de Dioclétien », p. 170.
23 L. Pietri, Histoire du Christianisme, 2, ibid., p. 170.
24 Sur la dynamique engendrée par cet édit : « Les chrétiens ne pouvaient espérer du prince qu’il permît expressément l’accroissement de leur patrimoine immobilier, du moins leur était-il possible de le développer en s’autorisant de cette décision qui le consacrait », J. Guyon, Le cimetière « Aux deux lauriers ». Recherches sur les catacombes romaines, EFR, 1987, p. 96-97.
25 Cf. les monuments aux morts des villages d’Europe où on a complété la liste des morts de la première guerre mondiale avec ceux de la deuxième guerre.
26 V. Saxer, Vie liturgique et quotidienne à Carthage vers le milieu du IIIe siècle. Le témoignage de saint Cyprien et de ses contemporains d’Afrique, Rome, 1969, particulièrement p. 20-23, 276-277, 293-300 ; Morts, martyrs, reliques en Afrique chrétienne aux premiers siècles, Paris, 1980, (introduction p. 27-30, et ensemble de la première partie : « La période primitive des IIe et IIIe siècles, Tertullien et Cyprien », p. 35-119).
27 « Les inscriptions qui appartiennent certainement ou probablement au IIIe siècle proviennent de Sousse, Tipasa, Cherchel, Sétif, Taksebt, Ksar Sbaï, Tebessa, Philippeville » (V. Saxer, Vie liturgique, op.cit., p. 20-23). L’auteur propose de dater de la première moitié du IIIe siècle l’épitaphe de Marinianus trouvée à Stora, Bono Ispirito Mariniani Deus refrigeret, CIL 8191, (p. 22-23). Sur les inscriptions de Cherchel et le cimetière ouest de Tipasa : Morts, martyrs, reliques, op.cit., p. 95 et 117-119.
28 V. Saxer, Vie liturgique, op.cit., p. 276-277.
29 Mosaïques de [Re]stituta C.3, Arel...] C.4-C.5, C.7, Qui[ri]ac[a/us] C.9, C.20 à C.24, Maxentia C.28.
30 Se reporter au chapitre IX. On intégrera, sans grand risque, à l’environnement chronologique de cette époque de création, les mosaïques d’Aelia Victoria et d’Aureliu[s] Kandid[us].
31 Cette capacité d’initiative à l’époque de Constantin est allée peut-être au-delà de l’édification du premier monument absidial. Il est à envisager qu’elle se soit traduite aussi par une mainmise sur le foncier si les deux périmètres initiaux avaient correspondu à l’emplacement d’un temple à l’ouest, à celui d’une area à l’est, et étaient séparés par une rue, dont le plan paraît restituer le possible tracé, et sur l’emprise de laquelle l’absidiole aurait été construite.
32 Dans tous les cas, la conservation de la bordure du pavement antérieur se justifie, nous le comprenons maintenant, par la date de cette mosaïque et s’apparente, comme geste, à la sauvegarde de l’abside a et de la cuve baptismale a.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Bestiaire chrétien
L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (Ve-XIe siècles)
Jacques Voisenet
1994
La Gascogne toulousaine aux XIIe-XIIIe siècles
Une dynamique sociale et spatiale
Mireille Mousnier
1997
Que reste-t-il de l’éducation classique ?
Relire « le Marrou ». Histoire de l’éducation dans l’Antiquité
Jean-Marie Pailler et Pascal Payen (dir.)
2004
À la conquête des étangs
L’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen (xiie - xve siècle)
Jean-Loup Abbé
2006
L’Espagne contemporaine et la question juive
Les fils renoués de la mémoire et de l’histoire
Danielle Rozenberg
2006
Une école sans Dieu ?
1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République
Pierre Ognier
2008