Chapitre V. L’économie générale des prélèvements
(II) Au-delà du cercle agro-pastoral
p. 191-217
Texte intégral
« Per ningun motiu redimirse de la quistia y drets que pagan á sos Princeps, tan al Sr Bisbe de Urgell com al Compte de Foix y Rey de Fransa ; ni tampoch buscar altra justicia qua la que han tingut fins al present, pues una y altra cosa es un solidissim fonamen per conservar á les Valls ».
Politar, maxime 48.
1À leur source, les productions de l’agriculture et de l’élevage, qui pour l’essentiel nourrissaient les Vallées, étaient assez peu ou très médiocrement ponctionnées par le prélèvement seigneurial. L’impôt, les réserves, les monopoles, les péages ou quelque autre dérivation des droits juridictionnels permettaient-ils de combler ce déficit ? C’est ce qu’à présent nous souhaiterions donner à voir.
2D’emblée cependant, il faut préciser que ce tour d’horizon aurait pu être beaucoup plus rapide tant il est fait de lacunes plus ou moins scrupuleusement consignées. C’est que le principal intérêt des paragraphes qui suivent n’est pas exactement celui que l’on attendrait légitimement. Ces sortes de taxations n’ont pas les mêmes caractéristiques que celles que nous avons prises en compte au chapitre précédent. Elles ne pouvaient frapper une famille sans toucher en partie ses voisines, elles atteignaient les hommes des Vallées dans des secteurs d’indispensable solidarité. Corrélativement, les Andorrans y échappaient principalement par leur maîtrise du territoire et leur discipline collective. Celles-ci pouvaient prendre des formes variées dont nous guetterons tout particulièrement l’émergence tant elles doivent guider l’étude des communautés rurales, même si elles apparaissent d’abord au détour d’une analyse des formes de domination.
1/ SUR LES RESSOURCES NATURELLES
3Passé le xie siècle, tout ce qui en Andorre n’était pas propriété privée était possession, sans la moindre entrave, des communautés andorranes. Souligner cette carence n’est pas suffisant. Ne pas évoquer, même brièvement, les bénéfices qu’en tiraient les hommes des Vallées serait une manière de sous-estimer cette impuissance seigneuriale, qu’il s’agisse d’imposer des redevances, de régenter les pratiques ou de s’approprier le territoire. Ce serait réduire les relations sociales à celles vécues dans la subordination, celles que les textes présentent en priorité. Il est peu de documents médiévaux qui disent les droits que n’ont jamais possédés les sires, et Andorre n’échappe guère à cette règle. Nous procéderons donc par tâtonnements et comparaisons.
La maîtrise du territoire
4Il faut d’abord dire un mot des chasseurs, pêcheurs et cueilleurs que furent immanquablement les riverains des Valiras. Un capbreu célèbre du xiie siècle montre toute l’importance de la chasse et de la pêche dans les régions voisines d’Andorre. En Cerdagne, Vallespir, Confient, les comtes de Barcelone prélevaient cuisses d’ours, quartiers d’isards et coqs de bruyère ; les seuls villages de Molló et Prats devaient trois mille truites salées1. Il n’est pas douteux que les immenses forêts d’Andorre furent tout aussi giboyeuses et les torrents tout autant poissonneux. Un toponyme du xie siècle évoque le piégeage ; un tarif de leude du xiiie donne à penser que les Andorrans faisaient commerce de fourrures ; un cens versé pour une estive en Baridà atteste la pratique courante de la pêche à la truite2. En revanche, il n’existe pas l’ombre d’une redevance à la source3 ou d’un monopole comparable à la dominicatura de l’évêque d’Urgell à Sanahuja où la capture d’un lapin pouvait être sanctionnée d’une amende d’un bœuf, un porc et neuf paires de lapins vivants4. Le saltus était riche. Peut-on négliger cette gigantesque réserve vivrière à l’entière disposition des Andorrans ? Que dire du ramassage des noix, noisettes, châtaignes, champignons et baies sauvages ? Si nous ne croyons pas qu’il pût s’agir de pratiques de survie, elles permettaient certainement de différer et limiter l’entame des stocks céréaliers. Pour dire les choses autrement, l’insuffisance agricole des Vallées avait d’autres remèdes que l’élevage. No demostrar jamay fausto, ni riquesas...5, les Andorrans savaient se vanter moins de cette nature abondante que de leur misère frumentaire.
5La montagne, c’était environ trente cinq mille hectares de pâtures et de bois plus ou moins ouverts au bétail. Il n’est trace d’aucune dîme du foin6, d’aucun pascuarium ou autre taxe sur la dépaissance7. On ne devine pas l’ombre d’un défens ou d’un troupeau seigneurial8, pas même d’une bête foraine introduite de par la licence de l’un des seigneurs d’Andorre. Au début du xve siècle, les officiers des coseigneurs essayèrent timidement de taxer ces entrées de bétail étranger. Mais, les Andorrans firent appel, et obtinrent gain de cause9. C’est que, bien au contraire, les communautés avaient l’habitude de vendre en toute liberté l’usage de certaines estives et revendiquaient fermement le droit d’en user de la sorte10 ; elles fixaient en toute indépendance les limites de chaque territoire ; ainsi en 1295, quand elles négociaient directement avec les viguier et juge de Cerdagne11. Même lorsque le comte de Foix tranchait un litige à propos de communaux, comme en 1289, ce n’était qu’au titre d’arbitre appelé par les parties en présence12. En 1332, un viguier du comte de Foix reconnaissait aux hommes des Vallées le droit de défendre les montagnes et ademprivia qu’ils avaient et possédaient, avec ou sans armes, contre toute personne, quelle que fût sa condition et sans que la cour d’Andorre eût pouvoir de juger des dégâts commis13. D’autres se montrèrent moins respectueux des coutumes locales, ce qui provoqua, en 1364, une plainte outragée des Andorrans, l’un des plus beaux documents qui nous soient parvenus14 – en 1366, ils avaient renouvelé leurs doléances et obtenu gain de cause15.
6Les routes et les chemins publics, les eaux courantes et les fontaines, les prés et les pâturages, les bois, les garrigues et les roches – pour reprendre la liste du célèbre article 72 des Usatges de Barcelone16 – étaient entièrement sous le contrôle des communautés. Elles pouvaient détourner les chemins à leur guise, non pas seulement les sentiers forestiers ou les itinéraires montagnards, mais toutes les voies publiques17. Les communautés pouvaient également irriguer comme bon leur semblait18 ; aménager les rives sablonneuses des rivières à leur convenance, tout autant que les lits abandonnés par quelques divagations des cours d’eau, notamment pour les enclore ou y faire des prés communs19. Elles jugeaient des conflits de bornages, aussi bien entre particuliers qu’entre universités, et sans aucun doute, réglementaient, les défens20. Elles pouvaient, enfin, attribuer tout autant que vendre l’usage des prés et pacages à des particuliers, et les bénéficiaires avaient pouvoir de les céder librement. Elles en disposaient souverainement, ou pour reprendre les termes de leurs revendications, « de leur propre autorité et sans licence d’aucun seigneur »21. Il ne paraît pas nécessaire, effectivement, de souligner que tout cela aurait été impossible si les seigneurs d’Andorre avaient eu le moindre droit de regard sur ces objets. Mais la meilleure preuve en est, sans doute, que tous les bénéfices des aliénations consenties étaient alloués au meilleur profit des communautés22.
Charbonnage et métallurgie
7« Le bois surtout est essentiel, au point que la civilisation médiévale peut être, sous bien de ses aspects, définie comme une civilisation du bois »23. Autant que les herbages, les forêts servaient au pacage. Mais le bois était aussi matériau de construction et combustible. En Andorre, les forestadges n’existaient pas24. Pour leurs propres besoins, les hommes du cru n’avaient qu’à se servir. Le couvert forestier était riche, et les communautés pouvaient même concéder le droit d’essarter, qu’il s’agît de construire un enclos ou d’entreprendre une maigre culture25. L’enjeu principal résidait ailleurs. Les ressources sylvestres étaient telles que les Andorrans vendaient sur pied du bois d’œuvre aux hommes de contrées voisines26. Ce trafic devait être substantiel, suffisamment pour que fût précisée en 1289 la taxe dont était frappé le bois à la Bastida de Ponts, au débouché urgélitain de la Valira27. Plus encore, les communautés s’accordaient avec des étrangers qui venaient charbonner puis emportaient leur production hors des Vallées28. Les seigneurs n’en tiraient aucun subside, contrairement aux universités locales. Il ne faut surtout pas mésestimer ce secteur d’activité fortement lié, c’est une évidence, à la métallurgie. Somme toute, l’importance ancienne des charbonnières de l’est pyrénéen n’a été soulignée que récemment. En vallée d’Aston, leur impact sur la forêt était sensible dès le haut Moyen Âge29. En Vicdessos au début du xive siècle, le déboisement avait déjà pris des proportions très lourdes. Il devait en aller de même dans les Pyrénées catalanes où les activités minières étaient aussi anciennes et importantes, en Confient, Vallespir ou Capcir, de même, vraisemblablement que dans la bien nommée Vallferrera30, à l’ouest immédiat d’Andorre. Pour le moins, le charbonnage n’avait rien d’une activité sans débouché ni envergure.
8Le seul document qui fasse état d’un prélèvement sur l’exploitation des ressources naturelles d’Andorre embrasse précisément ce double registre de la forêt et de la sidérurgie. Daté de 860, c’est une confirmation par Charles le Chauve de droits que l’Église d’Urgell aurait reçus de ses aïeux, parmi lesquels les dixièmes du fer et de la poix d’Andorre, d’origine publique selon toute vraisemblance31. De notre point de vue, il importe assez peu de savoir si les prétentions de l’évêque étaient fondées ou non ; il serait même assez indifférent qu’il s’agît d’une interpolation du début du xie siècle. Cette redevance était tombée en totale désuétude avant le xiie siècle32, à la suite des flottements comtaux peut-être (quand Ermengol IV ne parvenait pas à percevoir les mers), à moins que les Andorrans en aient été libérés par les franchises évoquées en 1003. Juste ou mensongère, cette revendication n’avait de sens qu’à raison de l’existence notoire d’une production andorrane de poix et de fer. Au roc d’Enclar, les traces de métallurgie de l’antiquité tardive ou du haut Moyen Âge donnent quelque crédit au diplôme de 86033. Par ailleurs, on sait qu’un demi-douzaine de forges fonctionnèrent à plein régime au cours de l’âge moderne, alimentées par les mines des Vallées34. En revanche, malgré des programmes de recherche ambitieux35, la période intermédiaire est fort mal connue. Pourtant, dans cet intervalle, l’extraction de minerai et sa transformation se poursuivirent. En 1218, une forge servait de localisation – ou n’était plus qu’un microtoponyme ? – à Santa Coloma, au pied d’Enclar comme en signe de continuité. En 1289, les leudes de la Bastida de Ponts frappaient le bois mais également le fer36. Au demeurant, l’anthroponymie compte un nombre significatif de Ferrer, Ferran, Ferriol, Ferrezer ; et tel Ferrer Maestre pourrait faire figure de maître forgeron en pleine activité37. Même si les noms se transmettaient et voyageaient – Ferrer et Ferrera étaient devenus des prénoms largement répandus – il était toujours des cas lumineux comme celui de ce Guillem Faure d’Andorre-la-Vieille qui possédait une forge en 1346. Peut-être employait-il le Simon de Culties qui se déclarait faber en 135338.
9En 1412, les probi homines d’Encamp concédaient à un forgeron des Angles un « hostal de la forge » à rebâtir dans les dix ans. Ils lui accordaient toute liberté de charbonner et tarifaient quelques unes de ses productions39. À l’époque moderne, les différentes communautés des Vallées maîtrisaient l’adjudication de certaines forges et des mines40. Cette prérogative avait certainement des racines médiévales ; en l’absence d’indice du moindre contrôle seigneurial, elle s’inscrirait très bien dans le prolongement des droits exclusifs que les villages andorrans possédaient sur leur sol. Même rares, des usages collectifs de cette sorte existaient du Portugal à la Lombardie41. En amont, les techniques rudimentaires permettaient peut-être une exploitation individuelle, voire privée42. Plus tard, les spécialistes durent composer ; ils trouvèrent comme interlocuteurs les communautés. En d’autres termes, tout ce pan de l’économie andorrane ne subissait pas le joug seigneurial, de l’appropriation des matières premières à leur transformation43.
2/ SUR LES ACTIVITÉS DE TRANSFORMATION
10Dans le Politar, A. Puig étendait le domaine réservé des communautés bien au-delà des questions relatives aux bois et chemins, chasse et pêche, eaux et communaux. Tout ce qui regardait les tavernes, boulangeries, boucheries, les établissements de médecins, chirurgiens et apothicaires, toutes les affaires de poids et mesures, le commerce de grains et leur prix, les servitudes urbaines ou rurales, l’industrie du drap et de la toile relevaient du Conseil de la Terra, l’organe politique des universités andorranes44. On ne saurait en conclure qu’il en allait de même au Moyen Âge tant ces prérogatives ressemblent aux privilèges que les communautés médiévales voulurent arracher à leurs sires, souvent à prix d’or. Pourtant, en matière économique, aucun texte ne laisse deviner un monopole ou une contrainte réglementaire des seigneurs d’Andorre, mis à part le cas tangent des tabellions. Surtout, le défaut d’une présence seigneuriale au cœur même de la vie quotidienne des Andorrans permet de croire que ces derniers disposaient de bien des latitudes. Ces seigneurs qui ne surent édifier un château et maintenir une garnison dans les Vallées eurent-ils vraiment le souci et la force de construire une forge ou un moulin, d’en imposer et taxer l’usage ? Cela paraît très improbable.
Les moulins en paradigme
11Les plus anciennes mentions de moulins peuvent laisser perplexe parce qu’elles apparaissent au sein de litanies descriptives qui accompagnent des donations pieuses d’alleux. Cependant, elles ne sont en rien systématiques, et leur témoignage mérite quelque attention. Ancien domaine de la maison d’Urgell, le villare d’Abresem, vendu avant 987 par la comtesse Letgarda, pouvait fort bien disposer d’un tel équipement. En revanche, les moulins de Llumeneres, d’Andorre-la-Vieille et de Canillo, parmi des biens-fonds que reçurent la cathédrale d’Urgell et le monastère de Tavèrnoles en 1048, 1079 et 1092, appartenaient à des Andorrans. En 1111, Guillem Ponç offrait son capmas au chapitre d’Urgell qui Tacensa en 1176 à Martí de Toise ; les deux actes évoquent des moulins, et ce ne peut être une fantaisie de scribe. En outre, ces références prennent une tournure plus concrète en signalant les amenées d’eau (caput aquis, quabadaquis)45.
12À n’en pas douter, les alleutiers des Vallées pouvaient donc détenir au moins quelques appareillages sommaires. Car ce sont bien, les donations le montrent, ces petits propriétaires qui ont eu l’initiative des constructions dont beaucoup restaient dans les patrimoines familiaux ; transmissions successorales ou contrats entre époux l’attestent en 1115, 1132, 1213 ou 125346. L’inventaire non daté des biens que possédait tel Andorran, du xiiie siècle vraisemblablement, rapporte qu’il possédait avec son frère une moitié de moulin, héritage de leurs parents47. Il s’agissait donc bien d’un alleu48, et certainement pas d’une fiction. Cette multitude de moulins familiaux suppose la simplicité des bâtisses, explique certainement la totale absence de banalité, mais peut-être également le défaut de meuniers dans l’anthroponymie et l’insignifiance des deux acensements de moulins que nous connaissons. Ce fut sans doute un caractère remarquable de l’Andorre médiévale, un trait dont les vestiges archaïques n’ont pas manqué de frapper P. Bonnassie49.
13Toutefois, il ne faut pas s’y tromper : cette modestie des édifices n’empêchait certainement pas une gestion raisonnée. Le clos de la Mola, la chènevière ou le jardin de la Mola, le lieu qui est dit ad ipso vilar sive ad ipsa Mola, le pré commun appelé la Mola50 suggèrent un aménagement de l’espace marqué par ces installations, des roues à aubes en batterie et une irrigation concertée. L’investissement ne devait pas être à la portée de toutes les bourses. En 1315, Bernat Martí de Les Bons, habitant aisé d’Encamp, achetait pour trois cents sous deux parcelles, mais surtout un pré sur lequel le vendeur s’engageait à construire un moulin fariner, juste à côté de celui que possédait Ramon Joan de Les Bons et sa société51. Hormis le prix du bâtiment, et sûrement la technologie déployée, l’écart paraît mince entre les réalités que décrit cet acte et celles que relatent les documents du xe siècle catalan. Ces moulins construits et possédés par les villageois, seuls ou en association, leur concentration et la succession des viviers, chenaux d’amenée et zones irriguées rappellent, au début du xive siècle, un passé ailleurs révolu depuis longtemps52.
De quelques traces d’artisanat
14Rien n’indique qu’il en fût très différemment pour les forges ; nous n’y reviendrons pas. Les banalités de four et de pressoir étaient, dans l’ensemble de l’Occident médiéval, bien plus rares, et la modicité de l’investissement qu’ils requéraient n’empêchait pas que chaque exploitation andorrane possédât les siens ou trouvât un arrangement avec quelque voisin53. Au-delà, le cercle de ces échanges restreints, au sein ou en périphérie immédiate des productions domestiques, pouvait prendre les traits d’un artisanat spécialisé, destin de cadet54. Le chanvre était cultivé pour subvenir aux besoins locaux55, mais surtout, les Vallées regorgeaient de laine et abritaient bien sûr quelques foulons, quelques tisserands dont, malheureusement, seule l’anthroponymie a gardé la mémoire, à de rares et tardives exceptions près56. Peut-être avaient-ils eux aussi apprivoisé l’énergie hydraulique dès la fin du xiiie siècle ou le début du xive57 ; pour le moins, leur production avait retenu l’attention des châtelains de la Bastida de Ponts qui prenaient douze deniers sur toute charge d’étoffe58. Au début du xve siècle, l’existence de moulins foulons est attestée à Engordany, mais l’importance de cette activité reste difficile à évaluer. En revanche, l’on sait qu’une confrérie de paraires et teixidors fut créée aux Escaldes, tout près de là, en 1604, et qu’elle comptait 45 membres en 176759. Le travail du cuir, non plus, n’a guère laissé de vestiges, si ce n’est quelques sabater60 et de très nombreux pellicier61. La peau des bêtes d’élevage, et certainement la fourrure, étaient aussi l’objet de commerce62.
15Même si ce n’était pas leur finalité principale, toutes ces activités s’inscrivaient forcément dans un système local d’échanges, probablement non-marchand pour sa plus grande part. De tout cela, les seigneurs ne percevaient rien. Dans la seconde moitié du xive siècle, les Andorrans obtinrent la tenue d’un marché hebdomadaire qui dut quelque peu se nourrir de ces transactions, sans plus de contrôle seigneurial qu’auparavant63. D’après les accords de 1162 et 1176, les muids de grains et les canadas de vin que devaient livrer les hommes des Vallées étaient calibrés selon un étalonnage andorran64. En 1346, telle dette était évaluée en setiers de seigle, ad rectam mensuram vallis Andorre65. Or, posséder ses propres unités de mesure signifiait une autonomie certaine66, plus encore quand elles s’imposaient aux sires. Cependant, l’essentiel des négoces s’opérait sûrement hors de l’espace andorran, vers des économies complémentaires. L’attraction de la Seu d’Urgell et de son marché familiarisa les Andorrans avec l’usage de la bladeria, l’office épiscopal chargé de lever les droits de mesurage67. Néanmoins, même si cette référence s’immisça jusque dans certains contrats entre particuliers des Vallées68, cela comptait peu dans les affaires quotidiennes. En obtenant leur propre marché, mais aussi une foire annuelle, c’était surtout ce commerce avec l’extérieur que visaient les Andorrans. Là, les données du problème se posaient tout différemment.
3/ SUR LE COMMERCE
16Sur leur territoire, ou plus exactement sur leur production et les ressources naturelles de leurs terroirs, les Andorrans jouissaient d’une certaine limitation des prélèvements seigneuriaux. Au-delà, bien sûr, ils étaient astreints aux redevances sur le commerce et la circulation des marchandises que subissaient leurs voisins, et d’abords les leudes et tonlieux dont l’évêque d’Urgell détenait le tiers dès le ixe siècle. De ce point de vue aussi, le xie siècle fut double qui vit l’accroissement vigoureux des échanges et de leur taxation69. Les foires d’Urgell, solennellement fondées en 104870, la déloyale concurrence des marchés de la Seu et de Castelbon au troisième quart du xiie siècle, le monopole de la bladeria épiscopale scandent ce mouvement dans l’Urgellet71. La guerre que, de 1047 à 1064, suscita le péage d’Yravals, sis entre Cerdagne et vallée de l’Ariège, signale l’importance acquise par les flux de marchandises72. En l’occurrence, la situation limitrophe d’Andorre pouvait avoir quelques menus avantages. À condition de passer les ports septentrionaux, ce qui n’était pas une mince affaire même en l’absence de surveillance73, les hommes des Vallées pouvaient se rendre en Sabartès sans se soumettre aux taxes catalanes74. Par ailleurs, il n’est pas impossible qu’aient été un peu facilitées leurs déambulations vers l’intérieur du comté d’Urgell. En 1133, Ermengol VI reconnaissait tout à la fois l’adempramentum des Andorrans sur son honneur et la protection (amparamentum) que leur devaient ses fidèles. Le champ sémantique attaché au groupe de mots allant d’ademparamentum à empriu invite à penser que le parcours du bétail était visé plus que le transport des marchandises. Mais n’était-ce pas tout un ?
Contrastes des xiiie et xive siècles
17En 1213, l’évêque d’Urgell obtint du roi d’Aragon que l’exemption de monedatge et bovatge dont bénéficiaient les habitants de la cité épiscopale et les hommes d’Andorre fût élargie à tout impôt royal et étendue à toute la population de ses domaines75. Il n’est pas sans intérêt que la Mitre ait choisi dans un premier temps de protéger conjointement ces deux fleurons de son patrimoine seigneurial ; la contestation de l’autorité royale qu’elle sous-entendait traçait la voie du statut des Vallées. Ce rapprochement d’Andorre et de la Seu d’Urgell contribua peut-être au privilège concédé en 1266, lequel, pour toute transaction andorrane sur l’huile, réduisait à deux oboles le droit de mesurage perçu76. Peut-être les Andorrans avaient-ils déjà profité d’autres avantages de ce type, ne serait-ce que pour les détourner du marché de Castelbon. Dans cette optique, les comtes de Foix facilitèrent la tâche des évêques en construisant un château au débouché des vallées de Sant Joan et Andorre, en y imposant une leude vers le milieu du xiiie siècle77. Un acte de 1289 nous instruit des tarifs les plus remarquables de ce péage de la Bastida de Ponts. Les charges d’étoffe, de poivron ou piment, de cire et de laine, de grain, de bois et de fer, de cuir, de toison ou fourrure étaient grevées de taxes allant de trois deniers à deux sous78. La politique de la maison de Foix ne manquait pas de pertinence79. Les blés et les piments80 devaient être importés régulièrement ; le reste des produits spécialement imposés constituait la richesse des hautes montagnes, et nombre de ces productions se trouvait dans un angle mort du prélèvement seigneurial. Cela dit, le péage pouvait être contourné point trop malaisément sur la rive gauche de la Valira. En définitive, il semble qu’au xiiie siècle l’économie andorrane était largement tournée vers le commerce, mais qu’elle ne jouissait guère de complaisances. Pour le moins, le bilan était contrasté.
18En revanche, le xive siècle est univoque. En 1303, les hommes des Vallées obtinrent « protection, commande et guidage » du roi d’Aragon ; c’est-à-dire qu’ils pouvaient parcourir les terres de sa souveraineté, voire s’y installer, sans que l’on puisse se saisir abusivement de leur personne, de leur bétail, de leurs marchandises, ou de leurs propriétés mobilières ou immobilières81. Ce privilège fut étendu à tous les habitants de la vicomté de Castelbon en 1328, et l’on connaît un mandement visant à son application daté de 133082. Une protection similaire leur fut accordée en Cerdagne, fruit des bonnes relations entretenues par le comte de Foix, le vicomte de Castelbon, son frère, et le roi de Majorque, maître du comté cerdan83. Ces faveurs, qui n’incluaient aucun dédouanement84, peuvent paraître sommaires. Ce serait mésestimer leur gratuité autant que la fréquence des abus évoqués ; il ne devait pas être indifférent que tel habitant de Canillo en fût victime en 1346, ni que les coupables fussent condamnés par la juridiction royale85. En outre, cette chicane en Pallars Jussà révèle bien sûr l’orientation de la transhumance andorrane, aspirée par la plaine de Lérida. En 1326, le roi d’Aragon dut rappeler à l’ordre deux seigneuries qui, au nord de Balaguer, se déchiraient à propos du passage des troupeaux andorrans86. L’ampleur desdits cheptels ne nécessite guère d’autre confirmation.
19En 1341, à force de suppliques adressées aux comtes de Foix, les hommes des Vallées arrachèrent à la branche cadette de Castelbon un acte révélateur. Les bayles de la vicomté, dont celui de la Bastida de Ponts au sortir d’Andorre, avaient soumis les Andorrans à diverses extorsions en arguant de péages sur les marchandises ou de droits de passage sur les animaux87. Roger Bernard III statua que les gens des Valiras ne devaient que deux fromages annuels quand leurs troupeaux franchissaient le col de Nargone. En revanche, ils devaient dix-huit sous par centaine de têtes si les animaux avaient été pris en parcerias auprès d’habitants de l’Urgellet pour être menés vers la plaine de Lérida, hors de la juridiction vicomtale88. Ce document est instructif à plus d’un titre. D’abord, il corrobore la vectorisation des remues andorranes. Ensuite, il montre des Andorrans favorisés par rapport aux habitants de l’Urgellet qu’ils traversaient. Par ailleurs, il fait apparaître les conflits suscités par la vaste transhumance andorrane, et par là même éclaircit les exactions des bayles. Le principal du texte est un règlement du droit de parcours qui rappelle l’interdiction de piétiner les blés et les vignes, de demeurer trop longtemps sur les pâtures des localités franchies, accordant trois jours de répit en cas de guerre ou d’inondations89. Sur l’appréciation des infractions ou des dégâts, les agents de justice devaient donner libre cours à leur cupidité ou leur vindicte. Enfin, il faut noter, sinon l’exemption de tout péage, du moins leur probable insignifiance. En effet, la question semble passée sous silence derrière le problème majeur du va-et-vient des troupeaux. Pourtant le début du document met clairement en balance d’une part les taxations indues tant sur les marchandises que sur les animaux, et d’autre part les péages et les droits de passage. Obnubilés par la question des itinéraires pastoraux, ses rédacteurs se contentèrent de préciser que l’Andorran circulant avec son troupeau n’acquittait aucun droit de passage ni aucun péage, dans tout l’Urgellet. Le texte du privilège ne paraît concerner que la transhumance, et sans doute peut-on l’interpréter ainsi. Cela dit, l’absence de réserve concernant les péages en général nous paraît probante. Aurait-on oublié d’en spécifier la perduration si ces droits avaient eu quelque importance90 ? En fait, sinon en droit, la leude de la Bastida de Ponts avait vécu.
Les origines d’une spécialité douanière
20Sous l’œil protecteur du comte de Foix, les gens des Vallées avaient donc entrepris de jouer avec leurs diverses appartenances pour commercer à bon compte. La brèche prit de l’ampleur et certains manèges apparurent au grand jour dans le dernier tiers du xive siècle. Si l’on en croit la copie établie en 1398 à partir d’une notule, la querelle prit corps un peu avant 136991. L’acte rapporte que, le roi d’Aragon ayant imposé une taxe de trois deniers par livre pour les marchandises franchissant la frontière franco-aragonaise, ses collecteurs et fermiers de Puigcerdà voulurent l’imposer aux Andorrans qui circulaient entre leur pays et le reste de la Catalogne. Ils avançaient deux arguments ; les Andorrans étaient sujets du comte de Foix, lui même sujet du roi de France, de plus, ils ne participaient pas aux contributions de guerre levées par la Généralité de Catalogne pour le roi d’Aragon92. À cela les Andorrans répondaient que leurs Vallées avaient toujours fait partie des regalia d’Aragon et se situaient dans les limites du Principat de Catalogne, et enfin, qu’ils étaient tout simplement exempts de l’impôt évoqué93. L’arbitre nommé par le roi trancha en faveur de ces derniers ; il était plus facile de laisser filer quelques marchandises que de permettre que l’on amputât le royaume, ne serait-ce qu’en principe.
21Manifestement, les collecteurs d’impôts essayèrent de passer outre cette sentence qui fut pourtant confirmée par le roi d’Aragon en 1379, à la demande expresse du comte de Foix94. Celui-ci dut encore prendre la défense des Andorrans en 1383, mais contre son propre viguier95. En 1391, année terrible d’effondrement financier et de pogroms, les députés de la Généralité s’emparèrent eux-mêmes de l’affaire et entrèrent en conflit ouvert avec le roi. Ils se plaignaient tant des Andorrans que des Aranais, et prétendaient assez habilement que ces pays ne relevaient pas de la Généralité, que leurs populations devaient donc être considérées comme étrangères au même titre que les Aragonais ou les Valenciens, gens du royaume mais non point catalans, et qui acquittaient donc les droits de douane objet du litige96. Le comte de Foix intervint et fut à nouveau soutenu par le roi d’Aragon97. Les parties campèrent sur leurs positions pendant plus de deux ans, le roi d’Aragon, Joan Ier se permettant même, pour des raisons diplomatiques, d’étendre ces exemptions aux habitants de Béarn, puis à ceux de Foix et du Nébouzan en 139298. Si l’on ne connaît pas le dénouement ponctuel de cette querelle, sans doute interrompue par les troubles de 1396, il semble que les Andorrans obtinrent gain de cause99 et il est évident que les événements tournaient à leur avantage depuis quelques années. En 1403, le procureur du roi en Cerdagne et Roussillon jugeait légitimes, une fois de plus, les prétentions des Andorrans100. Des franchises similaires101 furent renouvelées jusqu’à nos jours avec le résultat que l’on sait.
22En décembre 1392, les députés de la Généralité de Catalogne avaient dressé à l’intention du roi un petit argumentaire historique sur la question des douanes et d’Andorre. Plusieurs de ses points retiennent l’attention. En premier lieu, il est remarquable que ne furent évoqués de trafics qu’entre Catalogne et Gascogne. Il s’agissait manifestement d’éviter les mots de France et Aragon, afin d’esquiver les susceptibilités souveraines qui protégeaient le statut des Vallées102. En fait, ce commerce était naturellement dirigé vers Toulouse et son économie complémentaire, bien plus que vers la Gascogne forte de vallées toutes pareilles à celles des Valiras. Le négoce des Andorrans avec les marchands toulousains est attesté, et l’existence d’un réseau relationnel fort, d’une véritable filière, est probable103. Au demeurant, étoffe, laine et safran sont les rares marchandises dont il soit fait clairement mention parmi celles que les hommes d’Andorre étaient suspectés d’emporter hors de Catalogne104 ; elles étaient au rang des produits que recherchaient les commerçants toulousains105. Le petit texte de 1392 décrit très bien la façon dont procédaient les Andorrans pour justifier leurs franchises et pratiquer leurs négoces. Ils prétendaient ne véhiculer que des biens issus de leur production ou destinés à leur consommation, mais comme ils refusaient tout contrôle sur les cols situés entre Andorre et le Sabartès, cela n’était que vaines paroles106. Le mécanisme se perpétua à l’identique jusqu’à la fin du xixe siècle107.
23Enfin, ce document de la Généralité affirmait, non sans exagération, que cette licence des Andorrans menaçait de ruines ses finances, et exhortait le roi d’Aragon à ne pas aimer les seules vallées d’Andorre plus que toute la Catalogne108. Quel était donc le volume des marchandises qui transitaient par là ? Forcément entourées de discrétion, ces pratiques n’ont pas laissé de traces comptables. En 1391, deux députés déclaraient que les habitants des Vallées s’y adonnaient « tous les jours ou fort souvent »109. Or, il y a tout lieu de croire que la formule pastichait des faits sensibles. D’une confirmation de 1402, on sait que les Andorrans obtinrent la tenue d’un marché hebdomadaire et d’une foire annuelle au cours de l’épiscopat de Berenguer d’Erill, soit entre 1371 et 1387110. Cette toute jeune nécessité commerciale, chronologiquement encadrée par les protestations des fermiers de Puigcerdà et des gens de la Généralité, ne peut qu’avoir été liée au nouveau contexte douanier. Il n’est donc pas douteux que les hommes d’Andorre aient largement mis à profit les barrières douanières, et trouvé là, dès cette époque, les subsides qui bien plus tard devaient faire leur fortune.
24Si le contexte commercial déborde largement la structure sociale des relations entre une communauté et ses seigneurs, sa gestion peut se révéler significative. La circulation des troupeaux et le commerce andorran se développèrent aux xie et xiie siècle dans des conditions point trop défavorables, sinon teintées d’indifférence. En revanche, au milieu du xiiie siècle, les comtes de Foix parvinrent à frapper, par le biais des péages, des secteurs d’activités qui était demeurés étrangement exempts de tout tribut. Ce fut cependant une réaction de courte durée. Les querelles de prééminences entraînèrent une surenchère sur les privilèges que l’on pouvait accorder aux gens des Vallées. En outre, la transhumance et le commerce enrichissaient un pays qui, étranglé, n’aurait produit que peu de chose et rapporté en conséquence. La maison de Foix qui disposait d’un droit de taille illimitée sur les Vallées préféra soutenir ces orientations nouvelles. L’impôt des comtes était lourd ; le calcul économique et fiscal qui semble l’avoir étayé n’était pas défavorable aux Andorrans.
4/ SUR LA FORCE DE TRAVAIL ET LA FORTUNE
25Relativement rares en Catalogne111, les corvées étaient, semble-t-il inconnues en Andorre. L’absence de château et de réserve domaniale, la maigreur du patrimoine foncier seigneurial expliquent le fait ou corroborent l’impression. Toutefois, cette présentation met en avant, comme il est d’usage, l’économie seigneuriale et passe sous silence la logique du travail paysan. Le service d’ost fut bien souvent remplacé par des labeurs que la morale des temps jugeait avilissants, ce qui certes n’alla pas sans conséquences. Néanmoins, qu’ils fussent consacrés à la guerre ou dédiés à la maison du maître, ces jours là étaient tout aussi bien perdus. Selon les conventions de 1162 et 1176, les Andorrans fournissaient aux troupes épiscopales un homme par maison, le plus apte au maniement des armes112, autant dire le plus solide gaillard, celui dont la vigueur était la plus utile à l’exploitation familiale. Les jours de décimation113 ou de réception du seigneur114 ne valaient guère mieux pour les villageois. Ces contraintes limitées115 ne peuvent être tenues pour nulles ; elles étaient cependant minimes à l’aune de ce que connaissaient en général les paysanneries de l’Occident médiéval.
Du cens comtal à la queste
26À l’autre bout de la chaîne économique, les prélèvements en argent qui avaient pour assiette les individus ou les communautés frappaient indifféremment l’ensemble des activités productives, et rejoignaient en cela les corvées. Bien sûr, les quelques monnaies versées pour telle tenure provenaient certainement de la vente de produits non-agricoles ; et les six vaches offertes tous les deux ans par les communautés étaient forcément l’objet d’une contribution répartie par les Andorrans. Néanmoins, ces redevances concernaient des quantités marginales et ne pesaient pas indistinctement sur l’ensemble de la fortune des hommes d’Andorre. C’était là le propre de la queste.
27En 1176 les Andorrans convenaient qu’ils devaient, une fois tous les deux ans, verser deux cents sous à l’évêque d’Urgell au titre de « sous du comte »116. La somme est de prime abord remarquable. Mais si l’on considère que les 383 signataires de l’acte représentaient autant de familles – ce qui ne fournit qu’un chiffre plancher – cet impôt coûtait à peine trois deniers annuels à chaque foyer. Dérisoire ou symbolique, cette fiscalité ne grevait guère l’économie andorrane, surtout en regard des augmentations révélées par les paréages. En 1278, il fut décidé que la cathédrale pouvait lever jusqu’à quatre mille sous selon la même périodicité. En outre, pour les hommes des Vallées cette queste était devenue annuelle puisque le comte de Foix pouvait dans l’intervalle percevoir une taille à merci117. Manifestement, le comte ne voulait pas recevoir moins que l’évêque, lequel, s’il ne l’avait pas déjà fait, dut s’empresser de réclamer les quatre mille sous qui lui échoyaient. En un siècle, cet impôt avait donc vraisemblablement été multiplié par quarante, voire beaucoup plus. Cette colossale progression permet de négliger la dévaluation des monnaies, la hausse des prix et la croissance démographique.
28L’alliance des vicomtes de Castelbon et des comtes de Foix provoqua ce monstrueux surcroît des exigences seigneuriales, né dans le premier tiers du xiiie siècle, nous l’avons dit. En 1229, Ermessende, la comtesse de Foix héritière des Castelbon, léguait à sa fille dix mille sous à prendre sur les revenus issus de la Vallée d’Andorre118. Une telle somme, même collectée en plusieurs années, n’était pas concevable sur la base des rentes andorranes dont avaient disposé ses aïeux, d’autant qu’Ermessende avait alloué à un autre sa part de la dîme d’Andorre-la-Vieille. La violence qui caractérisa ces quelques décennies incite à penser que la taille des feudataires prit corps à partir de réquisitions arbitraires, irrégulières et entremêlées de sanctions judiciaires, pour finalement trouver dans les années exemptes de queste épiscopale une sorte de créneau prédestiné. Curieusement, le plafond de quatre mille sous imposé à l’évêque d’Urgell en 1278 correspond parfaitement à la somme qu’Arnau de Castelbon aurait extorquée aux Andorrans119 – donc avant 1226. Est-ce un hasard ou s’agit-il d’un précédent coutumier ? La querimonia qui accuse le vicomte de ce forfait est trop isolée pour que nous tranchions.
Ce qu’il en coûtait d’une taille à merci
29Cette hausse gigantesque ne doit pas conduire à exagérer l’importance de la queste. Il est bien difficile d’évaluer son montant annuel : l’évêque d’Urgell pouvait exiger quatre mille sous au plus, mais puisait peut-être beaucoup moins dans les avoirs andorrans ; la taille de Foix était illimitée en principe, et selon toute vraisemblance égale au moins à la somme dont le dépassement était interdit au parier du comte. Sur les revenus de la justice, la maison fuxéenne percevait les trois quarts, le restant allait à la Mitre. Un déséquilibre similaire situerait la queste du comte à douze mille sous environ, ce qui paraît un ordre de grandeur raisonnable. Pour illustrer notre propos, nous utiliserons un chiffre bien plus défavorable aux Andorrans. Au xvie siècle, la taille du comte de Foix et roi de Navarre atteignait 1870 livres120, ce qui représentait, si l’on ajoute les quatre mille sous de l’évêque, un versement annuel de 3450 sous par paroisse. En 1312, la dîme de la paroisse de Canillo avait une valeur nominale légèrement supérieure à cela121. C’est dire que, même en faisant preuve du plus noir pessimisme, la queste rapportait moins que n’empochaient les décimateurs. Évidemment, il est bien plus vraisemblable que le montant de la taille ait doublé ou triplé au cours des xive et xve siècles. En outre, il est fort possible que la vente de Canillo n’ait concerné que la dîme agricole et immanquable qu’elle fût conclue en dessous des prix du marché122. Finalement, on peut donc, avec une sécurité non négligeable, situer la taille imposée vers 1300 dans une fourchette allant de 20 à 40 % de la valeur des dîmes.
30Pour conclure et fixer quelques ordres de grandeur, admettons que vers 1278 le comte de Foix ait perçu 12 000 sous de queste. Cela signifierait qu’en un siècle son montant nominal aurait été multiplié par quatre-vingts pour n’être équivalent en fin de compte qu’à un prélèvement de 3 % environ sur les productions dîmées, et sans doute moins encore. Disons donc que la taille aurait représenté 2 à 3 % du revenu des Andorrans vers 1300, et pratiquement rien au xiie siècle.
31Deux ultimes remarques sont nécessaires. Si globalement la queste n’entraînait pas de saignée significative de l’économie andorrane, l’essentiel de son poids se reportait sur les années de taille comtale. Pour peu que la récolte fût très mauvaise, elle pouvait alors correspondre à un doublement de la dîme et devenir bien difficilement supportable. Au demeurant, on ne sait rien des façons de sa répartition qui relevait exclusivement des communautés locales. Cette maîtrise de l’assiette fiscale pouvait aussi bien renforcer le pouvoir des structures sociales qui gouvernaient la vie intérieure des Vallées que provoquer de graves dissensions. Il semble que prévalût la première solution. À la fin du xive siècle, le bayle du comte de Foix, unique agent seigneurial qui fût originaire d’Andorre, voulut arguer de son office pour prétendre à une exemption. Il fut fermement rappelé à l’ordre par les communautés qui obtinrent gain de cause auprès de leur seigneur123. Une chose est sûre néanmoins : quels que fussent les procédés adoptés, la queste grevait de manière très différenciée le budget des familles. Telle maisonnée prospérait quand telle autre obérait ses ressources pour faire face à l’impôt. Les sources privées nous ont conservé de superbes exemples. À deux reprises au moins, la famille Marti de Les Bons put acheter à bon compte des terrains vendus dans ces conditions. En 1347, Arnau de Pere Joan leur céda une terre pour les trente sous qui avaient permis d’acquitter une part de queste au comte de Foix124. Ce qui advint en 1326 était certainement plus complexe. Bernat Marti emporta une vente à l’encan ordonnée sur décision judiciaire parce qu’il avait prêté de l’argent à un contribuable défaillant, endetté sans doute depuis plusieurs années, à moins qu’il ne fût responsable du paiement d’une part collective125. Même si une nouvelle poignée de textes datés de 1307 ne permet pas de lier le passif d’un certain Bernat del Pont au versement de la queste, nous relèverons que ses biens (un pré, un jardin et quatre terres) furent aussi vendus à ses créanciers, pour quelques deux cents sous, lors d’enchères ordonnées par la Cour126. Après avoir frauduleusement vendu ses propriétés hypothéquées, l’homme avait choisi de fuir les Vallées. C’est dire que, selon toute vraisemblance, le capital des moins pourvus ne devait guère résister à quelques arriérés d’impôt, et à tout le moins que l’endettement menaçait vite, jusqu’à la ruine parfois. La faiblesse globale des prélèvements ne soulageait pas les plus pauvres, mais profitait grassement à d’autres.
Le judiciaire et le juridique
32Cette dernière note, qui rappelle le rôle tenu par la Cour d’Andorre, nous mène tout naturellement à considérer le produit de la justice et à confesser l’ignorance cruelle qui, du fait des sources andorranes, prévaut sur ce point. Cette lacune est d’autant plus gênante que l’on sait à quel point l’exercice du droit de juger pouvait être lucratif, comme il en allait, par exemple, pour les comtes de Bigorre qui en tiraient 30 % de leurs revenus127. En conséquence, il faut tenter de se frayer un chemin parmi quelques rares indices, détournés et contradictoires.
33La querelle qui avait surgi en 1206 entre l’évêque d’Urgell et le vicomte de Castelbon, au sujet des firmanciae d’Andorre, permet de croire que ces cautions versées pour engager les procès – s’il ne s’agit pas d’autre chose – avaient une valeur plus que symbolique128. Cinq ans auparavant, le vicomte avait fixé, avec les Andorrans, les droits qu’il estimait devoir lui revenir. Ce qui nous est parvenu de ce texte permet de croire, au vu d’une certaine insistance, que la perception des firmamentos était de première importance, mais leur montant ne fut aucunement consigné129. Outre ces gages, il semble qu’Arnau de Castelbon, voire son viguier, recevait les plets ou iusticias, soit probablement les amendes ou compositions130. Ces plaids concernaient les causes majeures, celles qui bien souvent valaient une amende de soixante sous. Sous cet angle, on serait tenté de penser que les produits de la justice pouvaient être assez importants. Cependant, il paraît bien que la iusticia n’était que de cinq sous pour les blessures causées par des armes, et qu’il en allait de même pour les vols et les viols. En outre, il est assez clair que les voisins partageaient avec le seigneur les compositions exigées des femmes accusées d’être sorcières (de donner des goitres), entremetteuses ou prostituées (de gazaliciuum)131. Par extension, l’on peut se demander si les compositions, évaluées par des probi homines, ne venaient pas apaiser le plaignant (clamator) plus que grossir les revenus du vicomte. En définitive, mieux vaut donc ne pas trancher trop fermement sur le rapport financier de ce droit de juger. Nous relèverons néanmoins, pour soutenir que l’exercice habituel de la justice ne procurait pas des rentes gigantesques, qu’il est uniquement fait état d’accusations graves, celles qui certes pouvaient être lourdement sanctionnées, mais qui tout de même, si l’on ose le formuler ainsi, ne devaient pas être monnaie courante.
34Plus significatives pourraient avoir été les lourdes amendes collectives qu’infligèrent aux Andorrans les feudataires de la Mitre. En 1198, Arnau de Castelbon exigeait d’eux 1500 sous au titre de querimoniae non précisées132. Avant le milieu du xiiie siècle, la cathédrale accusa le vicomte et le comte de Foix, d’avoir extorqué d’abord 4000 puis 50 000 sous aux hommes des Vallées pour avoir soutenu le parti épiscopal133. Il n’est pas improbable que les vassaux des prélats urgélitains n’aient vu là que l’expression de leur juridiction, comme lorsqu’en 1398 ils intimaient, sous menace de peines, des ordres contradictoires aux Andorrans134. Cependant, on ne peut guère prétendre qu’il s’agissait de procédures normales, et nous avons déjà signalé que par leur violence ces décisions s’apparentaient plutôt avec l’origine de la queste à merci.
35En 1289, Roger Bernard III condamna les hommes de la paroisse d’Andorre-la-Vieille au versement de mille sous à propos de conflits pastoraux survenus entre ce comú et celui de Sant Julià de Loria. Néanmoins, de telles sanctions ne pleuvaient pas à la discrétion des sires. Le texte est très clair ; c’est parce que les hommes d’Andorre s’étaient engagés auprès du père de ce comte à respecter un premier accord sous peine de ces mille sous que Roger Bernard put les exiger135. De tels arbitrages ont été conservés pour le xive siècle. Ils engageaient les communautés contractantes, en cas de contraventions, à se présenter devant une cour et stipulaient les peines encourues de même que leurs récipiendaires – nous y reviendrons. Mais en aucun cas, le seigneur n’avait a priori le pouvoir de juger ces litiges et d’infliger des amendes à son gré.
36En somme, il semble jusque là que les abus étaient toujours possibles, lesquels globalement prirent forme de taille annuelle ou biennale, mais que l’exercice strict des prérogatives judiciaires n’était pas particulièrement rémunérateur. Du milieu du xive siècle à celui du xve, les officiers seigneuriaux, viguiers et bayles, voulurent faire fructifier leurs charges, suscitant les dénonciations, prenant salaire sur les parties, exigeant à tort et à travers citations à comparaître et dédommagements136. Nonobstant, toutes les plaintes andorranes formulées à ces sujets obtinrent, à ce qu’il semble, gain de cause. Au demeurant, il convient de relever tout spécialement les préventions des Andorrans envers la délation, « matière à semer la dissension entre voisins » ; autant dire que les procédures accusatoires qui avaient longtemps prévalu étaient verrouillées par une solidarité vicinale qui ne favorisait pas la multiplication des plaintes et, concomitamment, des revenus du droit de juger. Certes, et à n’en pas douter, la justice était devenue une machinerie plus lourde qu’aux siècles précédents, mais dans des proportions modestes toutefois ; en 1433, il fut ainsi rappelé que les Corts ne pouvaient avoir lieu qu’une fois par an, ce qui devait limiter l’appétence des officiers seigneuriaux pour les procédures intempestives137.
37Ces agents, liés aux notaires, avaient pris l’habitude de faire rédiger des actes en bonne et due forme hors de tout propos138. C’est le dernier aspect du prélèvement seigneurial qu’il nous faut aborder ; ces tabellions que les co-seigneurs avaient pouvoir d’instituer à parts égales depuis l’arbitrage de 1288 ou pseudo second paréage d’Andorre. S’il nous est loisible d’approcher cette dimension méconnue, c’est que nous disposons d’un document aussi magnifique qu’inattendu. En 1356, les hommes des Vallées s’étant plaint du comportement desdits notaires, « de leur cupidité démesurée et de leurs salaires excessifs », les viguiers de l’évêque d’Urgell et du comte de Foix établirent un tarif de leurs actes qui comportait près de soixante rubriques139. Outre qu’elle constitue un inventaire des instruments courants que l’on doit inviter à consulter, cette ordonnance des viguiers montre qu’il en coûtait de six deniers à deux sous pour les actes les plus communs, que pour les transmissions de patrimoine (testaments, heretaments) il fallait compter de sept à quinze sous quand elles étaient développées140, et que les documents qui requéraient l’approbation de la Cour d’Andorre (émancipations, curatelles, tutelles, ventes à l’encan, cession de juridiction...) nécessitaient également le déboursement de cinq à quinze sous pour le moins. Avant de poursuivre, qu’il nous soit permis de relever ce fait que l’on a guère l’habitude d’examiner : le parchemin qui consignait tel testament, et que l’on considère distraitement tant il présente peu d’intérêt particulier, avait coûté au testateur le prix d’une ou deux belles brebis, ou encore d’un muid de blé. Faut-il répéter que nos sources sont le fruit de sélections ? Pour en revenir à notre sujet, force est de convenir que cette prégnance nouvelle du notariat obligeait les Andorrans à de nouvelles dépenses, sous peine de voir leurs conventions dénoncées devant la Cour. Globalement, il est vraisemblable que cela pouvait représenter un, deux ou trois milliers de sous par ans141 – nombre de transactions ayant dû se passer de rédaction officielle –, peut-être même l’équivalent de la queste épiscopale, peut-être beaucoup moins. C’était là encore une contrainte nouvelle, même si l’on gagerait que la rédaction de chartes ne fut jamais gratuite.
38Le cas des tabellions mérite une dernière observation. Une grande partie des notaires des Vallées, de même que les bayles ou saïons du comte de Foix à partir du xive siècle, furent des Andorrans. Si l’on excepte la position forcément très ambiguë des clercs, c’était la première fois que les seigneurs du pays des Valiras recrutaient parmi les natifs les relais de leur puissance, tout en les intéressant, ne serait-ce que de manière indirecte, à la perception de leurs revenus. Un ver était dans le fruit. Cependant, il ne semble pas que, dans l’ensemble, ces prélèvements judiciaires ou dérivés de l’exercice de la justice aient très nettement alourdi la ponction seigneuriale. Tout au plus, ils ne faisaient que renforcer un peu les tendances déjà entrevues, tel l’accroissement spectaculaire de la queste et, en définitive, son poids assez acceptable.
CONCLUSION
39Ce que les prélèvements nous enseignent quant à la seigneurie affrontée par les hommes d’Andorre tient pour sa plus grande part en deux points-clefs. En premier lieu, leur étude souligne l’extrême brutalité de la cassure qui advint dans la première moitié du xiiie siècle. Jusqu’à cette période, la ponction d’ensemble subie par l’économie andorrane était presque dérisoire ; elle fut ensuite nettement accrue. Cependant, une seconde lecture relativise cette opposition. En effet, même à partir de la fin du xiiie siècle, il ne semble pas que la pression seigneuriale soit devenue particulièrement lourde.
40Cette stupéfiante médiocrité de la charge seigneuriale est éclatante dans trois registres dont on sait qu’il furent parmi les principaux fondements de la domination économique des sires. Derechef, il faut insister sur l’incroyable étroitesse de la seigneurie foncière. Dans leur immense majorité, les Andorrans étaient maîtres de leurs champs, ils en disposaient à leur gré et n’acquittaient pas le moindre cens à ce titre. Même si ces pseudo loyers de la terre n’ont pas atteint partout et toujours les vingt à vingt-cinq pour cent des récoltes qu’il en coûtait fréquemment aux tenanciers catalans des xiie et xiiie siècles, c’était à n’en pas douter quantités et quantités remarquables de versements en deniers ou mesures de céréales qui leur étaient ainsi épargnées, sans même évoquer l’absence de ces lods et ventes que mirent à profit les propriétaires lorsque l’érosion des cens en monnaie eut anéanti cette source de revenus.
41Outre qu’il y avait peu de tenures, il n’y avait pas l’ombre d’une réserve. Il n’existait par conséquent aucun système de corvées, d’autant qu’il n’y avait ni douves à curer, ni remparts à entretenir ou surveiller, faute de château tout simplement. Mais surtout, cette nullité de la réserve s’étendait à l’ensemble du territoire. Bois et pâturages étaient à l’entière disposition des hommes des Vallées, en telle profusion qu’ils pouvaient en allouer à leurs voisins l’utilisation, au meilleur profit des communautés andorranes. C’est dire que faisait défaut à tous leurs seigneurs la possibilité d’exploiter eux-mêmes ces espaces, d’imposer aux gens des Valiras ces taxes, usages et coutumes dont l’accès aux vacants fut si souvent le prétexte ; les maîtres étaient en l’espèce si démunis qu’il ne surent seulement s’octroyer la police de ces pratiques, pourtant lucrative en général, ni même taxer l’entrée des forains.
42L’absence de banalités complète ce tableau de désolation seigneuriale. Les sires n’avaient guère de domaine pour bâtir un moulin ou établir une forge. Les Andorrans élevèrent les leurs, les familles s’organisèrent. Il fut rapidement trop tard pour imposer ce seizième de la mouture que rapportaient en général les meules banales ou ce locidum exigé pour le travail des métaux. Là encore, les habitants des Vallées avaient gagné la partie. Au sein de leur pays, les travaux des champs, l’élevage, l’artisanat ne subissaient globalement aucun prélèvement fors la dîme, aucune contrainte hors celles qu’ils se choisissaient. Les Andorrans avaient l’habitude de se débrouiller seuls, tant et si bien qu’ils possédaient même leurs propres unités de mesure.
43En somme – risquons la provocation – si l’on fait le tour de ce qui est généralement considéré comme la seigneurie, elle n’était presque nulle part, quasi inexistante en Andorre, réduite à une poignée de tenanciers de Tavèrnoles, à quelques fidèles de la Mitre. À cela, on objectera avec raison quelques résidus des vieux droits comtaux de la famille d’Urgell, l’exercice de la justice, l’explosion de la taille ou l’importance de la dîme, tous ces éléments qui scandent les changements intervenus dans les Vallées. Mais quelle seigneurie était-ce là ? Disons nettement que le sens que l’on donnera à ces prélèvements et à leur évolution risque fort de déterminer toute l’analyse menée sur la nature des pouvoirs dont ils relèvent. Aussi s’en dégage-t-il plus de questions que de certitudes.
44Sur les vieux revenus des comtes d’Urgell, il n’est pas besoin de s’attarder longuement. Le cens, les paratae, les receptos étaient d’une valeur si minime qu’il est permis de la croire essentiellement symbolique. Ces rentes étaient le signe d’une antique allégeance – devenue presque aussi insensible que les redevances qu’elle impliquait ; ce n’était rien de plus, mais tout cela il est vrai. Le domaine de la justice est d’une interprétation beaucoup plus délicate. Les Andorrans réglaient eux-mêmes presque tous les conflits mineurs. En 1162 et 1176, la Mitre fit reconnaître son droit de présider les arbitrages concernant les clercs, ses bayles, la Trêve de Dieu, les dommages commis à son encontre et les accords conclus entre les hommes des Vallées et leurs voisins. Finalement, ses champs d’intervention paraissent donc avoir été assez limités, comme il en allait pour le vicomte de Castelbon qui ne jugeait que des grands crimes, une fois l’an pour l’essentiel. Il ne s’agit pas de nier l’importance de ces prérogatives, mais de pointer leur caractère épisodique, leur faible capacité à peser tous les jours sur le comportement et les finances des Andorrans. Au xiiie siècle, il est vraisemblable que les amendes se soient mises à pleuvoir, pour ainsi dire en toute irrégularité. Cependant, entre deux crises, la pression comtale devait être assez restreinte. Après les paréages, il est manifeste que la justice s’était faite pesante ; viguiers, bayles et notaires tendaient à prendre leurs salaires à tous propos. Malheureusement, il n’est pas d’éléments précis permettant d’évaluer cette ponction nouvelle. Elle fut, semble-t-il, de quelques milliers de sous annuels au moins. Nous sommes enclin à croire qu’elle ne pesa guère plus que cela, pour deux raisons principales. Certes, des abus furent commis, mais les Andorrans les contrôlaient, les dénoncèrent et obtinrent plus d’une fois gain de cause contre des officiers dont les champs d’action étaient restreints. Ce premier point s’explique en partie par le second ; les revenus andorrans des comtes fuxéens, qui étaient trois fois plus intéressés que les évêques d’Urgell au fonctionnement de la justice, reposaient essentiellement sur la queste. C’est dire qu’il leur était assez peu utile d’exercer de ce côté là une pression inique.
45En définitive, le pouvoir judiciaire ne tint, selon toute apparence, un rôle déterminant qu’au cours du xiiie siècle, lorsque les Andorrans durent admettre un prélèvement seigneurial en hausse vertigineuse. Le reliquat de l’impôt public était devenu queste à merci, et avait probablement centuplé au xive siècle. Bien sûr, cette hausse est le signe d’un pouvoir devenu incomparablement plus fort. Mais encore faut-il noter que cette taille occupait la place des fiscalités princières, en plein essor un peu partout à la même époque. De ce point de vue, il se révélerait réducteur de considérer cette contribution nouvelle – de même que les réaménagements judiciaires – comme l’on peut analyser les exactions d’un châtelain du xie siècle. Il ne s’agit pas de prétendre qu’Andorre était un État au milieu du xive siècle142, mais de rappeler qu’en vertu de son statut symbolisé par la queste elle échappait à bien d’autres formes de prélèvement. Autrement dit, sans pour autant nier l’importance de cette soustraction, il faut retenir qu’elle accompagnait nombre d’exemptions dans une vallée où les manières classiques de la seigneurie n’existaient pas. Par conséquent, outre leurs allures princières, la taille et la justice ne complétaient ni ne doublaient une implantation locale, de sorte que leur fonction seigneuriale est difficile à spécifier et apparaît pour le moins comme ayant été réduite. À cela, il faut ajouter que ce prélèvement fut très inférieur à ce que représentait la dîme. Il semble donc que l’accroissement monstrueux de la taille fut le signe de changements forts sans néanmoins avoir entraîné un laminage démesuré de l’économie andorrane.
46Nous ne cacherons pas, dans ce registre, que la place tenue par la dîme a été dans notre démarche une progressive mais néanmoins immense surprise. La décimation fut à chaque instant de la période qui nous intéresse le prélèvement le plus important, et de loin. A cette aune, bien des faits deviennent mieux compréhensibles, comme l’importance des inféodations de paroisses et du patronage des églises. Notre méconnaissance des règles de la distribution des produits dîmés devient également plus cruelle. Quelles dîmes percevaient les Caboet et leurs lointains héritiers comtes de Foix ? Ce pourrait être, voire ce devait être le principal du problème en matière de prélèvement. À ce propos, il convient d’abord de formuler une remarque générale, forcément abrupte et exagérée. En effet, on peut avoir le sentiment tranché que la place des dîmes dans le système féodal n’a pas été correctement analysée. Précisément, G. Duby ou R. Fossier, par exemple, ont noté qu’elles tenaient probablement le premier rang des revenus seigneuriaux. De façon plus globale, il est vraisemblable que, dans le vaste espace occidental et dans la longue durée médiévale, il n’ait existé aucun complexe de drainage de la production paysanne d’une ampleur comparable à celle de la dîme. Cependant, il en reste souvent fort peu de choses au moment d’interpréter féodalité ou seigneurie143, tout juste une question subsidiaire, même selon A. Guerreau qui a pourtant plaidé pour un modèle théorique plaçant l’Église au centre du féodalisme144. La nature (ecclésiastique ?), les origines (fiscales ?), l’attribution (seigneuriale ?) des dîmes mériteraient certainement une réflexion plus soutenue, de même que leur position dans les revenus aristocratiques ou dans l’ensemble des prélèvements subis par les producteurs145. Au xe siècle par exemple, était-ce le comte d’Urgell ou l’évêque qui distribuait les revenus paroissiaux ? Était-ce les grands nobles laïcs qui les engrangeaient ou leurs parents diacres et chanoines ?
47Il n’est donc guère assuré que cette prépondérance des dîmes fût une grande spécificité des Vallées. Aussi doit-on s’en tenir à quelques observations qui en découlent dans le cas particulier d’Andorre. D’abord il apparaît que le volume global de la ponction seigneuriale n’a jamais atteint l’équivalent de deux dîmes et fut vraisemblablement, au plus fort de son développement, de l’ordre de quinze à dix-huit pour cent du produit andorran, ce qui, pensons-nous, demeure plutôt faible. Surtout, si près de la moitié des dîmes restaient au xiie siècle au mains des Andorrans par l’intermédiaire des clercs qu’ils avaient longtemps désignés, le prélèvement seigneurial était alors incroyablement maigre. Comme la queste était alors dérisoire, il faut estimer cette ponction globale aux environs de cinq pour cent. C’est désormais une certitude : la seigneurie sur Andorre fut spectaculairement moins forte qu’on ne l’a imaginé.
48À rebours de bien des schémas traditionnels, il est évident que les dominations exercées sur les Vallées furent inaptes à organiser la vie économique et sociale des Andorrans, même si, à partir du xiiie siècle, leur poids croissant eut forcément une influence indirecte. Tout se passe donc comme si dîmes, tributs et autorité juridictionnelle n’avaient pas suffi à construire une seigneurie, alors même qu’ils en furent généralement les socles. C’est un paradoxe ou une invitation à poursuivre l’effort théorique en direction des aspects systémiques du féodalisme. En fait, il semble qu’Andorre était parfaitement intégrée dans un monde féodal sans pour autant que les règles de ce monde aient pénétré le quotidien de ses habitants. Le dernier aspect des prélèvements qu’ils connaissaient en est une forme d’illustration.
49En effet, il est a priori difficile de considérer que les diverses formes de péages qu’ils acquittaient relevaient de la domination des Vallées alors que c’était pour traverser des territoires étrangers qu’ils devaient y satisfaire. Les leudes de la Bastida de Ponts grevaient une économie andorrane désormais largement prise dans son ensemble régional. Dès lors, les hommes des Vallées avaient besoin de la coopération de leurs maîtres pour maintenir et développer ces formes nouvelles d’activités qui exigeaient des liaisons lointaines. On a par conséquent le sentiment d’une adaptation des Andorrans, qui acceptèrent une cruelle augmentation des redevances seigneuriales lorsqu’ils eurent besoin de la bienveillance des sires pour commercer et mettre à profit les ressources particulières de leur territoire. De la sorte, la question revient, lancinante : est-ce de seigneurs qu’ils admirent les réquisitions ou de grands princes territoriaux ? Subirent-ils entièrement les événements ou surent-ils les mettre à profit, voire les orienter ? Quand on constate que dès la seconde moitié du xive siècle ils avaient mis en place le sas douanier qui devait faire leur fortune, force est de fournir une réponse nuancée. Les prélèvements avaient progressé, mais les ressources des Andorrans également, dans le même temps qu’elles changeaient sensiblement de nature. La création d’un marché et d’une foire avaient dans ce contexte une utilité très spécifique. En un mot, on ne peut s’en tenir aux visions naïves de paysans opprimés qu’un hasard féodal auraient pourvus de recours inespérés au fil du développement des États-Nations. Il faut retenir ce point : pour maintenir voire accroître leurs privilèges, les Andorrans ont su construire un discours savamment orchestré, non pas au xviie ou au xviiie siècle comme on l’a cru souvent, mais dès le xive. Certes, celui-ci n’aurait pas triomphé sans les aléas historiques qui l’ont servi. Il importait toutefois de montrer qu’il participait d’une volonté déterminée, qu’il n’était pas qu’un méandre du temps.
Notes de bas de page
1 T. N. Bisson, Fiscal Accounts..., p. 3-29 ; P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 92 ; J.-M. Salrach « La renta feudal... », p. 62-63.
2 Ad illa trapa (A2, p. 33-34 ; relevé par P. Bonnassie : La Catalogne..., p. 91) ; Item de coriorum pilosorum sex denarios melgorienses (1289 ; A1 p. 336) ; homines dicte vallis Andorre... consueverunt annuatim facere et prestare... unam duodenam tructarum (1333 ; A3, p. 54-55).
3 La liberté de pêche fut menacée par deux fois (1433 et 1439). Les communautés andorranes firent reconnaître leurs droits, elles seules pouvaient imposer quelques restrictions aux particuliers (Los dits senhors an ordenat et volen que los homis d’Andorre pusquen pescar segont lors costumes antiques, sino que a requeste deus juratz inhibicion fos feyte et no autrementz (Privilegis, p. 488-490).
4 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 575-576.
5 No demostrar jamay fausto, ni riquesas ni propalar poder ni forsas ; sino predicar sempre la miseria y pobresa de les Valls ; com es aixi (Politar, maxime 49, p. 303).
6 Le mot herba pouvait désigner le foin (une maison appelée en 1289, Palier de l’herba en témoigne ; M. 139). Cependant, l’exemption de toute dîme de l’herbe signalée en 1480, vise plus sûrement certaines plantes potagères par opposition aux llegums, légumineuses ou plantes à cosses (Capbreu, p. 17-18). Pour autant, il n’est pas douteux que l’on puisse l’étendre au foin (sur la dîme du foin : J. Duvernoy, Le registre..., t. 3, note 109, p. 337-341 ; relevé par F. Da Silva, Ruptures...).
7 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 155 et 308 ; J. M. Salrach, « La renta feudal... », p. 62.
8 Los dits senhors an ordenat et volen que las aygues et erbes sien deffensades segont es acostumat (1433 ; Privilegis, p. 488). Les communautés prétendaient entièrement réglementer les défens en 1364 (A3, p. 153).
9 Privilegis, p. 487-488.
10 Elles réaffirmèrent ce droit en 1364 : Quarto ut superius est dictum et apradare et apastangere id est vendere pascua locorum communium et pretium convertere in utilitatem communis universitatis (A3, p. 154).
11 A2, p. 165-167. Le plus remarquable est bien sûr de voir les Andorrans négocier de leur propre autorité face aux représentants du roi de Majorque.
12 Idcirco utraque pars ipsum dubium et quis et qualis esset dictus collis de la Meyana, de quo dicte partes non poterant convenire pecierunt seu peciit pars utraque hoc per nobilem dominum Rogerium Bernardi... una cum probis hominibus vallium de Andorra super predictis inquisita inter partes plenaria veritate, de consensu et consilio dictorum proborum hominum prelibata dubia taliter declarari (A1, p. 340).
13 Damus et concedimus plenariam potestatem hominibus terre vallis Andorre quod ipsi impune possint deffendere cum armis et sine armis, montaneam et adimprivia que habent... extra portus et intra portus, contra cunctas personas cuiuscumque condicionis ut preheminencie existant, qui ipsis vel aliquibus ipsorum fecerint... De quïbusquidem fraccionibus destruccionibus et irupcionibus si de cetero fecerint nobis nec dicte curie vallis Andorre minime teneantur (A3, p. 52).
14 A3, p. 151-159.
15 Com temps passat la cort de les dites vals [et] los vigiés d’aquelha aguessan privats vosaltres, no degudament segons que-s diu, des bosques, emprius et des stalis de la terra, que són vostres en comú, et per aquesta cosa ayats soplicats als dits senhor bisbe, so és saber que fossats tornats et restituïts en la possessio de boxgar, pradar, cornus fer et d’emprar en los cominals de la terra (A3, p. 164-171).
16 L. Assier-Andrieu, Le peuple...
17 Quinto, cum de consuetudine antiqua sit in dictis vallibus quod si fuerit contencio inter aliquos super aliqua via vel si videatur universitatibus per aliquod iter publicum alibi melius stare deberet quam in loco ubi est quod de tali questione iudicant inter se ipsos et mutant iter seu viam publicam de uno loco ad alium (A3, p. 154).
18 C’est ainsi que nous interprétons le mot adaquar dans la plainte de 1364 : in locis communibus, qui consueverunt vocari los comunals quilibet possit apradar et pratum appropriar et adaquar in tanta quantitate quanta placuerit hominibus vel mayori parti ipsorum universitatum dictarum vallium (A3, p. 153).
19 Encara per tots los arenys de la terra et en tot altre loc on las aygues sian passades on ayen laxats areyns puscats fer cornus prats e cloure aquels et mettre bestiars e aygues en aquela manera que fer y voldrets ne que plaurà (A3, p. 165-166).
20 Est consuetudo in dictis vallibus et in pluribus aliis locis circumvicinis eisdem quod si est dissensio de vicino ad vicinum vel aliter inter universitatem unius loci et universitatem alterius de antipeu vel de aliquo vierono vel de aliqua clausura utrum debeat fieri vel prohiberi quod homines dictarum vallium possunt concordare et convenue adinvicem alius quod aliqui assignandi per ipsas universitates qui iudicant inter eos de tali re (A3, p. 153).
21 Tertio, cum sit de consuetudo antiquissima in dictis vallibus quod cuilibet liceat aboygare et acortalare suum bestiare ac alia ademprivia recipere et habere in locis communibus ipsis hominibus dicte vallis, et dicta cortalia, cum sunt facta est licitum cuilibet vendere vel permutare vel alio quocumque titulo in alium transferre, auctoritate propria et licencia dominorum non petita... Quarto, ut superius est dictum et apradare et apastangare id est vendere pasca locorum comunium (A3, p. 154).
22 Quarto ut superius est dictum et apradare et apastangere id est vendere pascua locorum communium et pretium convertere in utilitatem communis universitatum (A3, p. 154).
23 P. Bonnassie, Les cinquante mots clefs..., p. 95.
24 J.-M. Salrach, « La renta feudal... », p. 62.
25 C’est ce que signifie le catalan aboygare : Tertio, cum sit de consuetudo antiquissima in dictis vallibus quod cuilibet liceat aboygare et acortalare suum bestiare (A3, p. 154). La pratique de cultures au sein des petits groupes de cortals est attestée par quelques documents privés du xive siècle (par exemple, en 1329 : M. 59) mais aussi par l’arbitrage d’un conflit entre deux communautés au sujet de l’un de ces cortals (A3, p. 30-31). Pour éviter de trop graves déprédations, il semble que les moutons étaient interdits de sous-bois (A3, p. 25). Les boïgues étaient toujours pratiquées au xixe siècle, sous le contrôle des communautés (A5, p. 11 et 257-258).
26 Fustam et trabes abstrahere de dictis vallibus, et precium ab eis recipere (A3, p. 154).
27 Item de saumata fustaneorum octo denarios melgorienses (A1, p. 336). Il convient, bien sûr, de noter que cette taxe était prélevée sur le transport et non sur la vente ou la production.
28 Quarto ut superius est dictum et apradare et apastangere id est vendere pascua locorum communium et pretium convertere in utilitatem communis universitatum, et carbonem facere in nemoribus communibus et convenire cum gentibus extraneis quod possint carbonem facere et fustam et trabes abstrahere de dictis vallibus, et precium ab eis recipere et in utilitatem communis convertere (A3, p. 154). Toujours importante au milieu du xixe siècle, la pratique du charbonnage était très réglementée par les communautés (A4, p. 112, 129-130, 143-144, 168-171).
29 Leur impact est sensible dès la fin du viie siècle : D. Galop, La forêt..., p. 152-165. Sur l’importance du charbonnage en vallée d’Aston : J. Bonhôte, Forges..., p. 127-195. Sur la métallurgie dans le haut comté de Foix : C. Verna, Le temps des moulines...
30 D. Galop, La forêt..., p. 192-195 ; P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 472-475. En Vallferrera, un crassier a été signalé à 1900 m. d’altitude. Il daterait de l’antiquité tardive (D. Galop, La forêt..., p. 189).
31 Adiit aetiam de decimis Andorrensis pagi ferri et picis que aecclesie sue debantur (Al, p. 94-95). La nature de la confirmation, comme celle de la taxe, ne permet guère de croire qu’il s’agissait d’autre chose que d’un impôt public, à l’instar des tonlieux du diocèse dont le tiers était concédé aux évêques d’Urgell par ce même document. Les sources catalanes ont laissé fort peu de traces de l’exploitation minière antérieures à la grande enquête de 1151 (R. Sprandel, « Notas... »).
32 Dans le cas contraire, sans l’ombre d’un doute, il en aurait été fait mention dans les accords de 1162 et 1176.
33 Roc d’Enclar..., p. 351-365.
34 D. Mas, « Auge... » ; D. Bascompte, « Les valls... », p. 289 ; V. Turn Michels, « La mina... » ; Las Montanÿas principals son las dels Meners de ferro (dels que se proveheÿx a 5 fargues de ferro, totas dins de ditas Valls) ; Politar, p. 31.
35 X. Llovera, « Projecte... » ; A. Net et C. Rovira, « Projecte... » ; C. Rovira et alii, « Primers resultats... »
36 Alia est a la fabrega (A2, p. 61-62) ; Item de saumata ferri tres denarios malgorienses (A1, p. 326).
37 Sur 383 noms livrés en 1176, l’on compte sept Ferrer, deux Ferran et un Ferrezer. (A1, p. 223-226). Dans une liste de 150 noms d’Andorrans de 1231, l’on relève trois Ferriol et six Ferrer (A1, p. 274).
38 Guillem Faure cédait une maison qui avait pour confronts l’église Sant Estève d’Andorre, et l’atelier de sa forge : affrontat... et in operatorio meo de la forga (S. 215) ; Simon de Culties : M. 101.
39 A4, p. 108.
40 A5, p. 11-12 et 111-113.
41 P. Toubert, « Les statuts... », p. 493-494 ; M. Bourin, R. Durand, Vivre au village..., p. 162.
42 A. Catafau, « Une famille... », p. 98 et 103 ; E. Pastor, Castilla en el tránsito..., p. 90-91.
43 En Catalogne, la taxe seigneuriale sur les forges était le locidum, fréquemment attesté : J. M. Salrach, « La renta feudal... », p. 63-64 ; V. Farias, « La ferreria... »
44 Politar, p. 105 et 139.
45 A2, p. 30-31 (987) ; A1, p. 128 (1048), 142-144 (1079) et A2, p. 43 (1092) ; A1, p. 158 (1111) et 226-227 (1176). Caput aquis : A1, p. 158 (1111), A2, p. 90-91 (1213) et 106 (1253).
46 A2, p. 85, 86-87, 90-91 et 106.
47 Memoria de honore que Johannes de Santa Columba habet in vallis Andorre... et de omnia honore que patre suo et matre habebant et possidebant, faciebat equalem fratre suo A. scilicet de la chasa fogania cum columbario et solario et cambra que contingua est et ortos et vineas de la peca et terra et vinea de laren et medietatem de .I. moli que habebant per melioracionem (A2, p. 137-138).
48 Les deux frères ont bénéficié d’une melioratio et doivent, pour le reste des possessions de leurs parents, composer à parts égales avec leurs autres frères et sœurs. Une tenure du xiiie siècle ne pouvait pas se transmettre de la sorte (LI. To Figueras, Família..., p. 279-317).
49 En 1176, trois personnes sont dites de Moles, ou de Moleres (A1, p. 223-226), cependant qu’on ne relève aucun Moliner dans l’ensemble de la documentation, avant le Raymundus de Mulnerii signalé en 1394 (A3, p. 245). Le capmas, et son moulin, de Guillem Ponç fut acensé pour un sou seulement (Al, p. 226-227). Même si le donateur avait stipulé ces conditions d’acensement en 1111 (A1, p. 158), il reste étonnant que la cathédrale n’ait pu ou voulu en obtenir davantage soixante ans plus tard. Le second exemple n’est pas andorran mais significatif cependant puisqu’il s’agit d’un moulin acensé pour une émine de céréales seulement, aux portes d’Andorre au lieu-dit le Prat de Moles (A2, p. 58-59 ; 1210). P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 461, note 102.
50 In loco de la Massana et prato communi dicti loco vocato a la Mola (1367 ; A3, p. 168) ; Va. terra es lo canamar de la Mola... La sisena terra est en l’ortal de la Mola (A2, p. 101 ; 1246) ; Et est ipsa terra al clot de la Mola (A2, p. 124-125) ; in locum qui dicitur ad ipso Vilar sive de ipsa Mola (A2, p. 46 ; 1122). Ces références apparaissent dans trois paroisses et concernent donc au moins trois endroits différents, vraisemblablement quatre.
51 Nos Johanis Mir habitator de Les Bons et gener eius Johanis et uxor eius Sancia omnes in simul et uterque pro se... vendimus... tibi Bernardi Martini eiusdem loci et tuis et quibus volueris in perpetuum quidem locum [vivi et] prati quod habemus juxta molendini Raymundi Johannis de Les Bons et de sua societate, juxta flumine aque, in quo prati promi[timus] tibi facere molendinum far[...] cum suis caput aquis et cum aliis rebus et juribus prout molendino fariner [necessarie] fuerit vel pertinet et pertinere debet (M. 18).
52 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 459-464.
53 Dans un acte de 1264, un jardin était désigné comme l’ortal del forn (A2, p. 121) ; c’est la seule mention de cet équipement que nous avons pu trouver. Sur les arrangements entre voisins pourvus et dépourvus de four : E. Le Roy Ladurie, Montaillou..., p. 31-32.
54 LL To Figueras, Familia..., p. 298-300.
55 Par exemple : A2, p. 101 et 125-126 (1246 et 1267) ; M85 (1350). Il est possible que certaines parties du terroir fussent spécialisées dans cette culture : fecimus charta de venda ad tibi... de .I. chanamar... Et ipsum chanamar iam dictum affronta in canamar de Steva de Bixessari qui iam fuit, de alia parte in chanamar de Berengera de Exoval (A2, p. 95 ; 1235).
56 En 1367, Ermengol de Riu se déclarait textor d’Endorra (A3, p. 173). Les anthroponymes en tixidor ne sont guère nombreux (A3, p. 66, 80-81, 187-189, en 1334, 1340 1381, etc. ; M. 22, en 1308 ; A2, p. 95-96, 118-122, en 1235 et 1262-1264, etc.). Le plus ancien livré par la documentation est cependant de 1176 (A1, p. 225). En revanche, les paradors (foulons) sont plus fréquents à partir de la fin du xiiie siècle (A3, p. 206 et 208 ; A1, p. 300). Surtout dans les archives de la maison Marti (M. 1, 2, 3, 4, 5, 9, 11, 13, 14, 19, 46, 58, 70, 93, 125, 139, 146, mais aussi, S. 124, etc.).
57 L’acte qui, en 1315, programmait la construction d’un moulin, stipulait qu’il devait s’agir d’un moulin fariner (M. 18). Cette précision ne signifie-t-elle pas que la construction d’un moulin à foulon n’était pas inenvisageable dans les Vallées ?
58 Quod de qualibet saumata pannorum ex [manque un mot] transeuntem habeatis duodecim denarios malgorienses (A1, p. 336). Bien sûr, il pourrait également s’agir de trafics en sens inverse, c’est-à-dire d’importation depuis l’Urgell vers les Vallées. Cependant, il nous semble relativement improbable qu’une consommation limitée aux besoins andorrans fût ainsi taxée.
59 A4, p. 105 et 205 ; C. Baraut, « L’Estatut... » ; Bascompte, « Les Valls... », p. 289-290.
60 A3, p. 107, 188, etc. (1346 et 1381) ; M. 125 (1375).
61 Dans l’anthroponymie, ils sont légion, bien avant tout autre métier. Il en est déjà sept parmi les 383 noms fournis en 1176 (A1, p. 223-226).
62 Selon la leude de 1289 : Item de saumata cerae vel lanae seu cordonis octo denarios... Item de saumata coriorum pilosorum sex denarios malgorienses (A1, p. 336).
63 D’une confirmation de 1402, il apparaît que ce privilège datait au moins de l’épiscopat de Berenguer d’Erill (1371-1387) : concedimus quod homines sive gentes terre et vallium nostrarum Andorre possint tenere nundinam... et forum una die quem elegerint aut maluerint in qualibet septimana, prout melius videbunt expedire ; in quibus nundinis sive firas aut foris sive mercats omnes et singuli, tam subditi nostri quam quivis aliorum regnorum et terrarum, sint et possint in ipsis venire, stare et redire salve et secure in persona et bonis sive mercibus et vendere sive emere ad beneplacitum eorum, quoniam nos ipsis cum presentibus damus et concedimus illamet privilegia, franquitates et immunitates que in aliis nundinis sive foris villarum et locorum nostrorum antiquitus concessa fuerunt, de quibus utuntur (Privilegis, p. 476).
64 Quando vero inter nos intrare noluerit donemus ei de unaquaque parrochia... et .IIIIor. chanadas vini puri ad nostrum mensuram et.I. modium de bona civada, medio ordeo et media avenu ad nostrum mensuram (A1, p. 194).
65 A3, p. 97.
66 L. Assier-Andrieu, Une France coutumière..., p. 34.
67 C. Battle, La Seu d’Urgell..., p. 29-30 et 46-47.
68 En 1328 et 1380, deux rentes constituées étaient formulées en justia d’huile à la mesure d’Urgell (S. 161 et 248). On notera cependant que les Andorrans avaient précisément obtenu un privilège sur le mesurage de l’huile en 1266 (A1, p. 293).
69 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 425-432.
70 Ibid., p. 425-426.
71 Item conquestus est episcopus quod R. [Ramon de Castelbon] proiberat, minando et multa mala ingerendo, homines suos et extraneos et homines episcopi auferando eis sua venire ad forum Sedis ; R. respondit se proibere hominibus suis ne veniant ad forum Sedis, eo quod episcopus proibet suis ne veniant ad forum Castriboni, ceteris nunquam proibuit, nec minando nec auferando sua. (A1, p. 215) Ces doléances réciproques exprimées en 1171 portaient également sur la levée d’un guidonaticum qui entravait aussi la circulation des hommes et des biens. Sur la bladeria : C. Battle, La Seu d’Urgell..., p. 29-30 et 46-47.
72 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 619-624 ; C. Baudon, Les relations..., p. 28-30.
73 Cette surveillance pouvait fort bien être le fait des seigneurs de Châteauverdun, Lordat et Quié, témoins, en 1095, de la constitution de dot de Guitard Isarn de Caboet en faveur de sa fille et de son gendre (A1, p. 145).
74 Il convient de relever tel privilège, bien trop tardif pour être invoqué comme preuve indirecte, mais néanmoins significatif. En 1470, le comte de Foix reconnut que les Andorrans pouvaient emprunter le col de Fontargente pour ne pas acquiter les péages d’Ax : aven autreyat... licentia et facultat de passar per lo dit port de Font argenta tant solament ab blad, vi, oli, coers, crus, liat, sabattes, camises obrades et autres causes victuals et neccessarias a provision de lor et de lors hostaux, sens que degun deus passants a degun autre de las dittes vals ni deffora no-n pusque revendre et sens tot autre frau en asso comettre, declarons per las presens que si negun deus dit habitants passons per lo dit port comettra negun frau en asso, so es que passes mercaderies sens pagar lo dit dreyt et aquel fraudes sus color de nostre gracia o autrement en neguna manera ne abuses, que sia punit ayxi que les fraudons le pas de Ax se an accoustumat de punir (Privilegis..., p. 542-544).
75 A1, p. 264.
76 Ibid., p. 293.
77 C. Baraut, « La bastida de Ponts... »
78 Quod de qualibet saumata pannorum ex [manque un mot] transeuntem habeatis duodecim denarios malgorienses. Item de saumata piperis habeatis duodecim denarios malgorienses. Item de saumata cerae vel lanae seu cordonis octo denarios malgorienses. Item de saumata fustaneorum octo denarios malgorienses. Item de saumata granae duos solidos malgorienses. Item de saumata ferri tres denarios malgorienses. Item de saumata coriorum pilosorum sex denarios malgorienses ; et de omnibus aliis rebus sicut est consuetum (A1, p. 336).
79 Il pourait bien s’agir d’une stratégie très réfléchie du parti fuxéen, où les libertés concédées auraient été compensées par une meilleure rentrée des taxes commerciales. En 1241 déjà, la ville de Castelbon avait reçu de substantiels privilèges, cependant que Roger IV se réservait les leudes (Spill, p. 154-155).
80 Sur la nécessité d’importer du blé, il n’est guère besoin de revenir. Sur l’importance des piments, « condiments indispensables des bouillies et des brouets » : R Bonnassie, La Catalogne..., p. 95.
81 Ita quod possint homines ipse ire, stare, marcare et redire per totam terram et dominationem nostram, cum animalibus, mercibus et aliis rebus eorum, salvi et securi, ita quod nullus de nostri gratia vel amore confidens audeat vel presumat dictos homines, res aut bona ipsorum marcare, pignerare, invadere, capere, impedire, agravare seu in aliquo molestare culpa crimine vel debitis alienis, nisi ipsi homines principales debitores fuerint vel pro fideiussorio nomine obligati, nec etiam in hiis casibus nisi prius fatica in eis inventa fuerit de directo (A3, p. 19-20).
82 A3, p. 41-43.
83 A3, p. 37-39.
84 Et pro leude et pedagio consueta non innoventur eysdem vel in aliquo aucmententur in dicto comitatu Ceritanie, sed in eodem statu persistant que nunc sunt... Item quod victualia, res et merces quas homines dicti vicecomitatu et dicte vallis Andorre emerint extra terras domini regis Maioricarum illustris possint homines ipsi, salve et secure et absque impedimento quocumque, portare et portari facere per dictum comitatum Ceritanie ad dictum vivecomitatum et vallem Andorre pro eorum libito voluntatis, vectigalia et consueta inde pedagia persolvendo (A3, p. 38).
85 A3, p. 96-97 ; R Bertran, « Transhumancia... », p. 91-92. L’importance de ces protections apparaît surtout a contrario. Ainsi, il semble qu’en Catalogne, les bergers montalionais devaient constituer des proies plus faciles (E. Le Roy Ladurie, Montaillou..., p. 151-154).
86 Le conflit opposait les exécuteurs testamentaires du comte d’Urgell et le prieuré de Santa Maria de Meià. Le texte, qui renvoie à l’application des usages en cours sans rien expliciter, ne permet pas d’en dire plus : Cum nos intellexerimus quod alique questiones moventur... super passagio bestiarii Andorre et super ademprivio termini hominum Sancte Marie de Meeyano (A3, p. 36-37).
87 Reminiscentes in veritate nobis fuisse plura intimatum per quosdam homines de Andorra quod baiuli nostri de Nargone, de Salent et de Organiano, de Tausto, vallis de Aquilario, in loco de Novis, de Belestar, in valle de Sancte Cicilie, de valle Sancti Iohannis, in loco de Bastita, a paucis temporibus citra oprimebant, impidiebant et plurima dampna eis infferebant et merciis et animalibus suis, cum transiebant per loca predicta, occasione peagii seu pasagii animalium suorum, quare requirebant nos quod dicti officiales et submissi nostri a predictis violenciis, extorsionibus et gravaminibus dictis hominibus de Andorra illatis seu amodo inferendis desistere facaremus (A3, p. 82).
88 Quod homines de Andorra et mulieres, cum animalibus suis propriis, passint quandocumque eis placuerit, licite et salve et secure, per omnia loca Urgelleti... per itinera et loca deserta ubi animalia depascere possint et victum levare... absque aliqua exactione seu extorsione peagii seu passagii, quam solvere minime teneantur in... nisi dumtaxat unum par casseorum, quod solvant et tradant semel in anno nostro baiulo in loco de Nargone, quilibet pro suo bestiario... quod si aliquis homo de Andorra vel femina habuerit parceriam bestiarii cum aliquo homine Urgelleti vel alterius loci et voluerit ducere dictum bestiarium de parceria extra nostram ditionem, quod pro parte sui parcerii tantum solvat et solvere teneatur in loco de Nargone decern et octo denarios barchinonenses bonorum pro centenario et non plus, de parte dicti sui parcerii ut dictum est supra. Pro parte, vero, dicti Andorrani solvat duos caseos, ut supra tactum est et non plus (A3, p. 82-83).
89 Quod si didos homines de Andorra transeuntes cum animalibus suis per alica loca nostra et ipsis faciebant talas in bladiis [et vineis] seu aliqua alia dampna inferebant submissis nostris in bonis eorum, illa satisfeciant sufficienter... Et si dicta bestiaria intrarent divesias vel loca prohibita, compellentur ad solvendum bannum consuetum... ut dictum est supra. Et si forte dicta bestiaria hominum de Andorra remanerent in Urgelleto per aliquod espacium temporis, solvant pasturam et pasquerium prout acthenus fieri consuetum, et nihil aliud solvant... si forte, ob casu fortuitu guerre, inundacionis aquarum vel aliqua alia eveniente necessitate, homines remanere per duos vel III dies in uno loco, propter hoc ad solvendum penam minime teneantur meque pasquerium (A3, p. 83).
90 A contrario, la concession du roi de Majorque stipulait très clairement que la protection ou la liberté de circulation ne dispensaient en rien les Andorrans du paiement des péages (A3, p. 38).
91 A3, p. 171-172 et 260-261.
92 Questio existit suscitata inter homines vallis Andorre, ex una parte, et emptores dicte imposicionis in villa Podioceritani, ex altera, super solucione dicte imposicionis quam dicti emptores asserehant debere fieri per homines dicte vallis pro eo, videlicet quia dicebant eos fore in parte homines et subiectos egregii comitis Fuxi, qui est subditus dicti domini regis Ffrancie, et etiam quia dicti homines semper cessarunt solvere inprofertis dicto domino regi Aragonum factis per Generale Cathalonie in subsidium guerrarum pretitarum, ex quo asserebant eos a Principatu Cathalonie fore alienos et per consequens debere solvere impositionem pretactam (A3, p. 172).
93 Dictis tamen hominibus predicte vallis contrarium asserentibus et dicentibus eos esse et fuisse perpetuo de regalia domini nostri regis Aragonum prefati et infra ipsius limites et Principatum Cathalonie sistentes, et quasdam etiam alias rationes facientes pro ipsis allegantibus ex quibus asserunt eos a solucione et contribucione dicte imposicionis fore quitios et immunes (ibid.).
94 A3, p. 181-182.
95 A3, p. 192-197.
96 On nós, considérants que los de les dites calls no contribueixen en los càrrechs de Cathalunya ne s’alegren en res de les Constitucions de Cathalunya, per la quel cosa, segons tenor del capitol preinsert, loqual es acte de Cort de Cathalunya, e són vists et haüts en Cathalunya per estranys, axícom són los de Aragó et de València, et per consegüent le requests a nós feta per los dits arrendadors ésser justa e raonable (A3, p. 218).
97 A3, p. 219-221.
98 J. Miret, El vizcondado..., p. 269-270.
99 Selon R. Anthony, le privilège de 1369 fut confirmé en 1398 (« Recherches... », p. 52).
100 Privilegis, p. 540-542.
101 Par exemple en 1470 par le comte de Foix (Privilegis, p. 542-544).
102 Los arrendadors... faeren pacte e covinença ab los dits hòmens de la vall de Andorra no pagassen entrada ne exida de les coses que traurïen de Cathalunya a obs dels habitadors en la dita vall, mas si aquellas traien de Cathalunya e de la dita vall, metent-les en Guascunya o en altres parts, que en aquel cas pagassen lo dit dret ; e semblanment fos fet de les coses que de la vall metrïen en Cathalunya, ço és que no pagassen si donchs aquelles de Gascunya o de altres parts no havien aportades e metien en Cathalunya (A3, p. 240-241).
103 En 1382, un Guilhem Pierre d’Andorre, agnelier de Toulouse, achetait de la laine à Labège, dans la périphérie toulousaine (P. Wolff, Commerces..., p. 245 ; voir également p. 197). Installé à Toulouse, il devait, pour se nommer de la sorte, être andorran ou en commerce notoire avec les Vallées.
104 Per los hòmens de la dita vall e per altres hic porie exir tots safrans, lanes et altres mercaderies sens pagar lo dit dret (A3, p. 242) ; que los hbmens de les vails d’Aran et d’Andorra no contribuesquen en pagar drets de generalitats de les robes o mercaderies que trauran o metran en o del Principat de Cathalunya (A3, p. 236).
105 Pour ce qui concerne la laine et les étoffes, nous nous permettons de renvoyer à l’ensemble de la thèse de P. Wolff. Pour ce qui est du safran, on peut relever plus particulièrement qu’en 1419, des marchands du comté de Pallars en fournissaient à Toulouse (P. Wolff, Commerces..., p. 152).
106 A3, p. 241.
107 A5 p. 11.
108 E axí, senyor, plàcia a la vostra gran senyoria que no vuillats més amar la vall de Andorra a qui hom sa mes de assats que no tota Cathalunya (A3, p. 242).
109 Tot die o fort sovent (A3, p. 217-218).
110 Privilegis, p. 474-477.
111 P. Bonnassie, La Catalogne..., p. 593-594 et 818.
112 Et in hoc seguimento vadat de unaquaque domo unus bene armato qui melior sit ibi in armis (A1, p. 194).
113 Pour bien évaluer ces contraintes, il faut se rappeler que selon l’accord de 1334, la décimation de la laine prenait de deux à quatre jours par paroisse, et qu’il en fallait autant pour dîmer les agneaux (A3, p ; 59-61). Il convient également de rappeler que les céréales de la dîme étaient battues par les Andorrans, qui pour ce faire réclamaient, vraisemblablement, force collations (A1, p. 193).
114 A1, p. 253.
115 Le service armé n’était dû qu’un an sur deux, dans une région limitée (probablement l’Urgellet). En outre, les Andorrans n’acceptaient le service qu’aussi longtemps qu’ils pouvaient se nourrir sur l’ennemi : infra statutos terminas una die cum nostro cibo ; aliis vero diebus quibus nos vobiscum esse volueritis stabimus vobiscum quamdiu super inimicos vestros cibum accipere poterimus (A1, p. 194). Au xve siècle, ce devoir était limité à la garde de la Seu d’Urgell (Privilegis, p. 418, note 1).
116 A1, p. 221.
117 A1, p. 308.
118 Dimito filie mee .Xm. millia solidos melgoriensum super redittas de Andorra (A1, p. 268).
119 Habuit per violenciam de hominibus de val de Annora .IIII. .M. solidos, eo quod adiuvaverunt ecclesiam (Al, p. 285).
120 R. Anthony, « Recherches... », p. 54-56.
121 Visites, p. 88.
122 Cf supra, chapitre VII.
123 Ce fut l’objet de querelles répétées, sanctionnées en faveur des Andorrans en 1389, 1394 et encore en 1433 (A3, p. 203-208 et 245-246 ; Privilegis, p. 484-485).
124 M. 76. À supposer ce montant représentatif, on notera qu’à raison d’une soixantaine de contribuables par paroisse, le total de la queste comtale serait fort proche des 12 000 sous que nous avons évoqués.
125 M. 51. Le cas est d’interprétation plus délicate que le précédent. Le propriétaire du pré vendu était, en raison d’une part de queste qu’il lui revenait d’acquitter, endetté à hauteur de 830 sous auprès de Bernat Martí, lequel tenait cet argent d’une commande de sa paroisse sur la location de pâtures communautaires. Au vu de l’importance de cette somme et de ces manipulations, on est fondé à croire qu’il ne s’agissait pas de particuliers réglant des parts individuelles de la queste, mais de personnes engagées dans son versement global et encaissant, voire collectant, ces sommes après leur répartition entre voisins.
126 M. 23, 24, 25, 26, 27.
127 M. Berthe, Le comté..., p. 69.
128 A1, p. 258-259.
129 A1, p. 253-254.
130 Pour la lecture iustidia (iusticia) en lieu et place de l’incompréhensible instidia (lu par F. Vails Taberner et C. Baraut) nous renvoyons à l’édition fournie par I. Baiges (Llibre, p. 176).
131 Nous devons à l’obligeance de J. M. Font Rius l’interprétation de ces deux expressions et souhaitons qu’il trouve ici l’expression de notre reconnaissance la plus profonde. Nous reviendrons sur ce point (cf. infra, p. 252).
132 A1, p. 239.
133 A1, p. 285 ; C. Baudon, Relations..., p. 106.
134 A3, p. 258.
135 Preterea, quia nobis, tam per confessionem dictarum partium quam dictorum proborum hominium de Andorra, certum est homines dicte parroquie de Anorra contra sentenciam dicti domini Rogerii condam [Roger IV], patris nostri, verbo et facto insurrexisse, et sic ipsos in ipsam penam.M. solidorum, quam idem dominus Rogerius ipsis imposuit, non sit dubius incidisse. Ideo in eadem ipsos homines de Anorra sentencialiter condempnamus et eosdem M. solidos nobis, tanquam filio et heredi suo dicti Rogerii, adiudicamus (A1, p. 341).
136 Sur ce point crucial de l’histoire andorrane., cf. supra, p. 158-159.
137 Privilegis, p. 490.
138 A3 p. 259 et 263 ; Privilegis, p. 490-93 (respectivement, en 1398 et 1433).
139 A3 p. 115-122.
140 Il semble qu’il n’en coûtait que la moitié pour des minutes ou brouillons approchants.
141 Les archives de la maison Marti conservaient cent cinquante actes du xive siècle. Il est certain que cette famille puissante, en raison même de sa grande richesse, devait avoir particulièrement recours au notaire, mais il est également sûr qu’elle a dû faire rédiger beaucoup plus d’instruments qu’il n’en reste aujourd’hui. À supposer, à titre purement indicatif, que les foyers andorrans aient en moyenne fait mettre en forme autant d’actes qu’il en est conservé pour la casa Marti, le notaire d’Andorre aurait rédigé près d’un millier d’actes par an.
142 Le statut international d’Andorre était encore un problème insoluble il y a quelques années. Une bibliographie pléthorique en fait foi.
143 À titre d’exemple, on peut observer les difficultés rencontrées par G. Bois au moment de donner une place à la dîme dans un schéma général qui n’est guère bâti pour cela (Crise du féodalisme..., p. 191 et 212-213 en particulier). Précisons toutefois qu’il ne s’agit pas de critiquer sa démarche qui a, bien au contraire, l’immense mérite de poser quelques questions à ce sujet, mérite qui n’est guère partagé parmi les médiévistes.
144 Le féodalisme..., p. 201-202.
145 Assez logiquement, les tenants d’une mutation de l’an mil n’accordent qu’un intérêt restreint à ce prélèvement qui semble tout de continuité. Combien nombreux, cependant, sont les fiefs qui naquirent sur le socle des droits paroissiaux. Comment s’articulèrent par conséquent la montée des violences féodales, le mouvement de restitution des églises, puis la crise des revenus de la petite aristocratie en particulier, etc. ? À n’en pas douter, la continuité en la matière ne fut pas exempte de changements très significatifs. Toute la difficulté demeure cependant d’intégrer la dîme dans la description classique des seigneuries banales, castrales ou comme on voudra les nommer. Il faut bien avouer qu’en règle générale un tel effort n’est pas fourni.
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