Hérésies, croisades et Inquisition en Languedoc (xiie-xiiie siècle)
p. 33-56
Texte intégral
1L’histoire du Languedoc aux xiie et xiiie siècles est traversée de violences religieuses. La dissidence des Bonshommes, manifeste vers 1140, justifie peu après 1200 l’organisation d’expéditions militaires, sous la forme d’une croisade à épisodes multiples. À partir de 1229, une répression judiciaire vigoureuse s’abat sur ses adeptes. Comme la croisade, elle est menée au nom du Christ, pour la défense de l’unité de foi et le salut des chrétiens.
2Ces événements génèrent plusieurs questions.
- La croisade, guerre sainte, produit-elle davantage de violences que la guerre ordinaire ?
- Contre l’hérésie, quelle est la plus efficace, de la violence guerrière de la croisade ou de la violence judiciaire de l’Inquisition ?
- La répression et les luttes que connaît le Languedoc au xiiie siècle ont-elles une origine exclusivement religieuse ? Question double, en fait, car elle concerne deux problèmes complémentaires.
- Le conflit languedocien oppose-t-il réellement les tenants de deux religions ? Il ne fait aucun doute que les Croisés vivent effectivement une guerre de religion, mais est-ce bien le cas des méridionaux ?
- En corollaire, les enjeux de religion ne masquent-ils pas d’autres phénomènes, non pas les ambitions du roi de France – trop souvent évoquées –, mais des enjeux essentiels de société ? Répondre implique de réfléchir au statut de la religion dans la société médiévale.
LA CROISADE AJOUTE-T-ELLE À LA VIOLENCE ORDINAIRE DE LA GUERRE MÉDIÉVALE ?
3Dans la société du Moyen Âge, la violence s’exerce ouvertement. Ce « monde perdu » ne doit pas être abusivement idéalisé. On a eu grand tort, en particulier, de projeter sur le Midi occitan l’image idyllique d’une utopie, qui demeure aujourd’hui à réaliser.
4Il serait fastidieux de dresser le catalogue complet des violences endémiques du Moyen Âge. Notons seulement que la société féodale achève de s’instaurer dans la violence, au moins pour partie, puisque des paysans, libres jusque-là, sont contraints d’acquitter des redevances, par la force ou la menace. En témoigne le quadrillage serré de roques et de mottes, qui se met en place entre 950 et 10501. Les seigneurs se disputent la matière fiscale les armes à la main, dans des guerres qui n’ont pas de loi et dont les paysans font généralement les frais. Le Livre des miracles de sainte Foy de Conques, notamment, relate un très bel ensemble de violences, châtiées par la sainte2.
5Ultérieurement, les grands seigneurs matent avec brutalité les révoltes de leurs dépendants. Par exemple, Carcassonne, au début du xiie siècle se donne au comte de Barcelone, Raimond-Béranger III, trahissant son seigneur direct, le vicomte Trencavel. Ce dernier, Bernard Aton, reprend la ville en 1123-1124, et fait procéder à la mutilation de certains de ses habitants.
6D’une manière générale, le pays étranger commence à la limite du finage de chaque village. Et l’on se bat souvent entre communautés voisines. Ainsi, vers 1290, les Albigeois et leurs voisins de Castelnau-de-Bonafous (aujourd’hui Castelnau-de-Lévis) entrent-ils en guerre pour un feu de la Saint-Jean, que les premiers avaient dressé sur un territoire revendiqué par les seconds3.
7Bien entendu, toute personne éloignée de sa résidence se trouve exposée à des violences. C’est pourquoi le pèlerinage, depuis le Haut Moyen Âge, est considéré comme expiatoire ou méritoire.
8Enfin, la société médiévale s’affirme comme une société « à honneur », où la violence individuelle se donne libre cours sous des prétextes divers, ainsi que l’a montré, pour la fin du Moyen Âge, l’excellente thèse de Claude Gauvard4.
9Cependant, l’Église et les pouvoirs temporels, sans pouvoir les juguler totalement, s’efforcent très tôt de canaliser toutes les violences potentielles de la société médiévale, ainsi que le prouve, au xie siècle, l’essor de « la paix de Dieu ». Se met également en place un droit qui protège les étrangers, les marchands et les pèlerins.
10Autant de freins à la violence que desserre la croisade, laquelle instaure un droit particulier5. La croisade est, d’abord, un pèlerinage satisfactoire, pénitentiel ; au reste, le cistercien Pierre des Vaux-de-Cernay, dans son Histoire albigeoise, nomme « pèlerins » les croisés de l’Albigeois. La croisade est une guerre sainte et sacralisée, car destinée à restaurer Dieu dans sa souveraineté ; il s’agit en conséquence d’une guerre sanctifiante : elle confère des indulgences effaçant les péchés et à ceux qui meurent au combat elle assure la vie dans l’éternité glorieuse.
11À la fin du xiie siècle, la croisade, comme institution et comme esprit, se trouve parfaitement en place. Toutefois, la croisade contre les Albigeois ajoute un élément considérable aux croisades en Orient : elle n’est plus dirigée contre des païens, mais contre des hérétiques, traîtres à leur foi, des renégats ayant apostasié. Plus encore que les païens, les dissidents chrétiens du Midi sont présentés par les clercs comme des suppôts de Satan. Cette diabolisation commence dès les années 1140. Les Cisterciens, depuis saint Bernard qui vient prêcher dans le Toulousain en 1145, en sont les agents primordiaux6.
12Réduire la dissidence, c’est donc purifier l’Europe, calmer la colère de Dieu, qui empêche les chrétiens de reconquérir la Terre sainte, justement parce qu’ils n’ont pas su rendre l’Occident à la vraie foi. Ainsi le proclament, au début du xiiie siècle, après l’échec de la ive croisade, des prédicateurs comme Foulques de Neuilly.
13En Languedoc s’opère donc, pour la première fois, Tan 1209, la conjonction de la croisade et de la lutte contre l’hérésie. Elle prend le nom, riche de sens, de negotium fidei et pads, « l’affaire de la foi et de la paix » : l’unité de la foi peut seule garantir la paix, la paix de Noël, la paix eschatologique qui prépare l’univers terrestre à rentrer dans le monde divin. Cet objectif sous-tend aussi la croisade en Orient, la reconquête de la Jérusalem terrestre devant précéder et préfigurer l’avènement de la Jérusalem céleste.
14Dans la bulle qu’il fulmine pour lancer la croisade en Languedoc, Innocent III nomme milites Christi, chevaliers du Christ, les futurs croisés. L’opération est également définie comme l’affaire du Christ, negotium Christi, par Pierre des Vaux-de-Cernay7. Le chroniqueur toulousain Guillaume de Puylaurens évoque, quant à lui, l’armée de Dieu, Dei exercitus8, composée des champions du Christ crucifié, Crucifixi Christi pugiles9. Les Croisés portent évidemment sur leurs armures et leurs vêtements la croix, qui surmonte également leurs machines de guerre10. Durant les assauts, les clercs accompagnant les guerriers chantent le Veni creator, aussi bien à Lavaur en mai 121211 qu’en septembre de la même année à Moissac, où sont rassemblées aussi de nombreuses reliques12. Cette hymne célèbre le Saint-Esprit ; on la chante aux Vêpres de Pentecôte, fête qui commémore, on le sait, la descente sur les apôtres du Saint-Esprit, envoyé par le Christ, mais qui est aussi le jour où l’on arme les nouveaux chevaliers.
15Dans un tel contexte, pour réduire la perversité diabolique qui s’est emparée du Midi, pour faire reculer les forces de Satan qui mettent en question le salut commun, enjeu d’une importance incommensurable, car il concerne l’éternité, la croisade ne peut avoir d’autre loi que l’extermination des hérétiques. Innocent III l’écrit, le 10 mars 1208, aux évêques et aux princes du Midi, après l’assassinat de son légat, Pierre de Castelnau : « Appliquez-vous à détruire l’hérésie par tous les moyens que Dieu vous inspirera. Avec plus d’assurance encore que les Sarrazins, car ils sont plus dangereux, combattez les hérétiques d’une main puissante et d’un bras tendu13 ».
16En toute logique, les opérations de croisade débutent donc par un massacre, à Béziers le 22 juillet 1209. L’abbé de Cîteaux, Arnaud Amalric, chef spirituel de l’armée, aurait alors prononcé la célèbre injonction : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Elle est peut-être apocryphe, mais elle décrit parfaitement la mentalité des croisés14. Les chroniqueurs ont célébré la prise de Béziers comme l’expression d’un châtiment divin. Pour en accroître le caractère terrible, en même temps que la gloire des croisés, ils n’ont cessé d’amplifier les faits et d’augmenter le nombre des victimes15. L’impossibilité technique d’anéantir, avec les moyens de l’époque, huit à dix mille personnes en un temps très court, et des documents attestant qu’il existe des maisons en bon état à Béziers dès l’automne 1209 et que des habitants ont survécu, incitent à relativiser les destructions et les mises à mort, ainsi que l’ont proposé Monique Bourin et Julien Roche16. Il reste que la population biterroise supporte sans doute des violences et des exécutions en grand nombre, ce qui terrorise les autres villes, lesquelles se soumettent sans résistance, sauf Carcassonne. Le massacre de Béziers sert donc efficacement les buts stratégiques de la croisade17. Le Midi des Trencavel se soumet, comme un peu plus tard celui des comtes de Toulouse. C’est sans doute la raison pour laquelle il faut attendre dix ans pour que se reproduise un massacre identique à celui de Béziers, encore plus féroce sans doute. Le contexte spirituel et politique est le même que celui des débuts de la croisade. L’ost des croisés s’avère imposant. Le prince royal, futur Louis VIII, a rassemblé à ses côtés bien des nobles du royaume (dont nombre de méridionaux). Ils opèrent en juin 1219, sous Marmande, leur jonction avec les troupes d’Amaury de Montfort qui assiègent la ville depuis l’automne précédent. L’état d’esprit des « Français », de nouveaux croisés pour beaucoup, est analogue à celui de 1209. La ville est enlevée d’assaut et sa population exterminée. Guillaume le Breton, historiographe de Philippe Auguste, fait état de son anéantissement complet et il estime à cinq mille le nombre des victimes.
17Voici ce qu’en dit La Chanson de la croisade albigeoise, l’épopée en langue d’oc qui fournit beaucoup de renseignements sur les événements de la décennie 1209-1219 :
« Ils courent vers la ville avec des armes aiguës
Et commencent le martyre et le massacre redoutés.
Les barons, et les dames, et les enfants menus, (i.e. petits)
Et les hommes, et les femmes, tout dépouillés et nus,
Ils les tranchent et mettent en morceaux avec leurs épées aiguisées.
Et la chair, et le sang, et les cervelles, et les troncs,
Et les membres et les corps dépecés et fendus, Et les foies, les cœurs et les poumons, taillés et rompus,
Sont mis par les places, comme s’il en avait plu.
Et du sang épars qui là s’est répandu,
La terre est vermeille, et le sol, et les paluds.
Il ne reste ni homme, ni femme, ni jeune, ni chenus,
Ni aucune créature, si elle ne s’est cachée.
La ville est détruite et par le feu incendiée18. »
18Les massacres de Béziers et de Marmande sont les plus importants de la croisade, mais les croisés dressent aussi des bûchers. Après la prise de Minerve en juillet 1210, celle de Lavaur en mai 1211 et celle du bourg des Cassés, le même mois encore, tous ceux des assiégés qui refusent de faire leur soumission à l’Église : cent quarante personnes à Minerve, entre trois cents et quatre cents à Lavaur, soixante aux Cassés. Le bûcher de Montségur, dressé en mars 1244 à la conclusion d’un siège long et difficile, s’inscrit dans la ligne des précédents, car il fait suite à une opération militaire. On brûle alors deux cent cinq à deux cent vingt-quatre bonshommes, bonne dames et leurs amis.
19La pratique des bûchers découle de l’idée, courante depuis longtemps, que le feu purifie. Elle participe aussi de la croyance que les morts dont les corps ont été réduits en cendres et privés de sépulture ne trouvent jamais le repos (cf. le mythe d’Antigone et, dans la Bible, le Livre de Tobie I, 15-19).
20Outre les violences majeures que sont massacres et bûchers, la croisade donne lieu à des violences plus ponctuelles. Et d’abord le châtiment implacable des traîtres, qui ont regagné le camp du diable après avoir fait allégeance aux soldats du Christ. En effet, bien des méridionaux, ralliés par prudence aux croisés, ont mal anticipé la suite des événements. Un trait particulier de l’expédition albigeoise réside en effet dans son alignement sur la quarantaine féodale – ce qui n’était pas possible pour la Terre Sainte, en raison de son éloignement. Le service du Christ s’identifie pleinement au service d’ost vassalique et dure quarante jours. Montfort, privé de troupes à la fin de Tété, voit cependant ses effectifs se renouveler au printemps. Le phénomène se répète chaque année, de sorte qu’à l’automne 1209, comme encore en 1210 et en 1211, seigneurs et chevaliers méridionaux se révoltent, croyant la fin de la croisade arrivée. Mal leur en prend, car, à la belle saison, avec le renfort de nouveaux croisés, Montfort lance des contre-offensives assorties d’une politique de terreur. Pierre des Vaux-de-Cernay évoque ainsi la prise de Bram en mars 1210 : « Des] défenseurs de cette place, plus de cent eurent les yeux crevés, le nez coupé ; un seul fut éborgné, afin de mener à Cabaret le cortège ridicule de nos ennemis19 ».
21Bien connue aussi, la pendaison de Lavaur, en mai 1212. Nombre des chevaliers qui défendent la place contre les croisés ont renié le serment de fidélité prêté au successeur des Trencavel ; leur chef, Aimery de Montréal, après l’avoir trahi une première fois et avoir été pardonné, l’a trahi de nouveau. Ces volte-face, courantes lors des luttes entre Toulouse, Barcelone et les vicomtes de Carcassonne, au xiie siècle, ne sont pas admises par Simon de Montfort. Après la prise de Lavaur, quatre-vingts chevaliers sont donc condamnés à la pendaison, peine infamante, normalement appliquée aux seuls vilains.
22À tous ces faits s’ajoutent, assurément, les violences et les exactions quotidiennes dont souffrent les habitants des villes prises et les paysans du plat-pays, mais elles n’apparaissent pas dans les chroniques, qui ne relatent que les événements exceptionnels.
23À cet égard, il convient de noter que la violence se module en fonction des différences de classe. Ainsi Guillaume de Puylaurens signale-t-il qu’à Lavaur se sont mêlés aux chevaliers des roturiers pensant qu’ils seraient de ce fait épargnés : ceterosque generosos cum quïbusdam que se illis immiscerant, sperantes quod militibus parceretur ; mal leur en a pris, ils ont été exécutés avec les gentilshommes. L’affaire souligne que ce n’était pas l’habitude de mettre ceux-ci à mort20.
24De même, aux Touelles, Montfort laisse anéantir tous les habitants, mais il épargne le seigneur du lieu21 ; encore à Marmande, les chefs de la défense, Centulle d’Astarac et le sénéchal d’Agenais de Raimond VII, puis Arnaud de Blanquefort, Gaston de Gontaud, Vézian de Lomagne, et d’autres, qui se sont rendus à merci, échappent à l’exécution capitale. Même si bien des seigneurs méridionaux sont épargnés, afin d’être échangés contre des croisés prisonniers, il est clair que la croisade, dont les fondements religieux postulent un traitement identique pour tous ses ennemis, n’oblitère pas totalement les différences et les solidarités sociales. Elle opère des violences discriminatoires, comme le montre bien, le cas échéant, l’extermination des routiers. Les mercenaires sont systématiquement éliminés ; ainsi après la reddition de Moissac (8 septembre 1212), comme le rapporte La Chanson : « Les croisés en tuèrent plus de trois cents, je crois, par saint Martin ! et recueillirent armes, chevaux et ronsins. Les bourgeois payèrent pour rançon [afin d’éviter le pillage] cent marcs d’or fin. Tous leurs voisins, dans le pays à l’entour, étaient dans l’épouvante22 ».
25Les violences des croisés suscitent la contre-violence des méridionaux, qui, logiquement, se défendent. Nous y reviendrons plus bas.
26À ces violences accumulées s’adjoignent celles des combats et des batailles, que la Chanson de la Croisade, destinée à un public d’aristocrates, détaille complaisamment. Mais, l’appareil liturgique mis à part et encore… – rien ne distingue ces luttes des conflits ordinaires.
27Les violences perpétrées par les croisés ne suffisent pas, dans une première phase à assurer leur victoire définitive. Dès 1217 débute la reconquête toulousaine, qui s’affirme après 1219. La croisade n’a jamais disposé des moyens suffisants pour prendre et contrôler Toulouse, âme de la résistance qui lui est opposée. Mais à partir de 1226, le roi de France intervient directement. La guerre change d’échelle et surtout, un autre type de violences fait l’objet d’un emploi systématique : la destruction des biens matériels, des récoltes, des vignes et des arbres fruitiers. Cette politique de la terre brûlée a déjà été pratiquée par Montfort, autour de Cabaret notamment23, mais de manière épisodique et sporadique. Humbert de Beaujeu, chef de l’armée royale et des croisés, la constitue en règle. Il fait procéder autour de Toulouse au ravage des vignes, des moissons et des maisons-fortes. Ce « dégât » frappe durement le patriciat toulousain dans ses biens. Contre un parti populaire qui prône la résistance, le milieu des capitouls traditionnels pousse le comte à accepter les propositions de paix faites au nom de saint Louis. Raimond VII capitule, car il ne peut rien sans l’appui de Toulouse24.
28Les patriciens toulousains agissent ainsi, probablement, car ils ont saisi que la croisade royale marque un changement d’époque et qu’il y a peut-être autant d’avantages pour eux – sur le plan matériel et social – à l’intégration de leur ville dans le système monarchique qu’au maintien de son autonomie (au demeurant, Toulouse n’a pas réussi, avant la croisade, à devenir une cité-État, à l’instar des villes italiennes ou allemandes).
29La croisade contre les Albigeois, première croisade en pays chrétien, génère-t-elle finalement plus de violences que les autres guerres médiévales ? Si l’on excepte les bûchers, spécifiquement liés au fondement religieux des opérations, il semble que non. On peut appuyer une telle conclusion sur des constats matériels. Le Midi du xiie siècle a connu des guerres constantes25 et, cependant, l’essor de ses campagnes et de ses villes n’en a pas été entravé. De même la croisade n’a, semble-t-il pas créé de zone rouge définitive en Languedoc et la croissance générale du pays ne semble pas en avoir souffert. Massacres, violences de tous ordres et bûchers n’en sont pas moins certains, mais leur effet demeure ponctuel. Jouent en ce sens la faiblesse numérique de l’armée des croisés et le premier résultat de la croisade, aboutissant à substituer un nouveau chef politique aux anciens, ce qui, à partir de ce moment, limite nécessairement les visées destructrices des opérations. Il faut lire chroniques et épopées en prenant quelque distance par rapport aux faits qu’elles exposent, car leur tendance à l’hyperbole est structurelle.
L’INQUISITION, VIOLENCE SPÉCIFIQUEMENT RELIGIEUSE
30Après 1229 et le traité de Meaux-Paris, conclu en avril, la poursuite de l’hérésie s’exerce dans le cadre de l’Inquisition. Le passage de la répression militaire à l’activité judiciaire marque un changement politique profond, puisqu’il est possible à un tribunal de poursuivre son activité, dans une région qui a été soumise entièrement par les armes. Les modalités de la répression changent, car l’action inquisitoriale frappe exclusivement ceux qui sont, du point de vue de l’Église, des déviants religieux effectifs, des « hérétiques », tandis que la croisade concernait l’ensemble des populations (dissidents et orthodoxes confondus).
31Pour être une instance judiciaire, l’Inquisition n’en exerce pas moins des violences de divers ordres26.
32Un premier ordre ressortit au fait que l’Inquisition est une juridiction d’exception. En matière d’hérésie, l’Inquisiteur, juge délégué par le pape, bénéficie de la plenitudo potestatis de ce dernier. Puisque l’Inquisition a pour compétence des crimes qui portent atteinte à la majesté divine et compromettent le salut de la vie éternelle de tous les chrétiens, son action déroge évidemment au droit coutumier établi dans les villes après de longues luttes. Elle introduit dans le monde urbain un droit qui ruine les franchises reconnues aux bourgeoisies méridionales, dont les membres se trouvent exclus du tribunal inquisitorial, alors qu’ils étaient généralement associés à la justice de leur seigneur. Elle met aussi en jeu les vies, les privilèges et les biens sans qu’on puisse rien contre elle. L’expérience prouve en effet, très rapidement, que si l’on s’oppose à l’action des inquisiteurs, sans pour être autant hérétique, on se trouve par eux défini comme tel et justiciable sur ce chef. En outre, dès ses débuts, l’Inquisition se livre à des procès posthumes, qui entraînent la dépossession des héritiers des condamnés et conduisent à l’exhumation des morts et à la combustion de leurs ossements. Ce viol de sépultures et ce manque de respect aux morts, joints aux facteurs précédemment évoqués, suscitent une émeute anti-inquisitoriale à Albi en 123427 ; d’autres se produisent à Narbonne et à Toulouse en 123528.
33Un second ordre de violences réside dans la substitution à la procédure accusatoire, orale et publique, d’une poursuite d’office, totalement secrète, ce qui supprime toutes les garanties dont bénéficient normalement les accusés. Les débats se tiennent à huis clos. Les prévenus n’ont le droit à aucune assistance. Les noms des témoins à charge ne sont pas publiés ; le tribunal invite seulement les accusés (désignés « témoins » par euphémisme) à nommer leurs ennemis, afin que les éventuelles dénonciations calomnieuses, suscitées par des inimitiés personnelles ou des querelles de voisinage, puissent être décelées par les inquisiteurs.
34Le caractère secret de la procédure a pour but d’éviter les représailles contre les délateurs, mais il entretient aussi une psychose d’inquiétude, voire d’angoisse, parmi les justiciables potentiels et il exalte la toute-puissance du tribunal. Il est évident qu’il peut entraîner des abus.
35Il en va de même du troisième type de violences, qui se rattache à la manière d’obtenir les aveux des prévenus. Les inquisiteurs peuvent confondre un accusé par les témoignages portés contre lui (il en faut au moins deux) ; c’est la preuve testimoniale de la faute commise ; ils préfèrent toutefois obtenir l’aveu du prévenu. Cet aveu s’inscrit dans la double logique de l’Inquisition, à la fois judiciaire et spirituelle. Du premier point de vue, l’aveu est alors, à la différence d’aujourd’hui, considéré comme une preuve parfaite. Du second point de vue, l’aveu, s’il est sincère et complet, ouvre la voie au repentir, à la pénitence et au salut.
36Dans cette double perspective, pour obtenir les aveux des prévenus, les inquisiteurs mettent en œuvre des moyens puissants de coercition. En premier lieu, la prison préventive, dans des conditions matérielles et psychologiques difficiles ; en second lieu, la torture, appliquée aux prévenus que la prison laisse impavides. La torture n’appartient pas au registre spécifique de l’Inquisition. À cette époque, on l’utilise couramment dans toutes les juridictions laïques. Une bulle d’innocent IV Ad extirpandam autorise en 1252 son usage pour les suspects d’hérésie. La torture s’inscrit dans la logique de la lèse-majesté divine : il est indispensable que le crime d’hérésie soit avoué pour qu’il soit purgé, que la communauté chrétienne se trouve purifiée et que le coupable puisse être pardonné et admis à pénitence.
37D’évidence, les aveux extorqués sont gros d’ambiguïtés. Les pressions exercées sur les accusés les poussent, sans aucun doute, à dire la vérité des juges, ce que ceux-ci souhaitent entendre, et ils authentifient par leurs paroles l’accusation portée contre eux. Tous les abus et toutes les dérives peuvent alors se produire29. Ils ne s’avèrent pas systématiques, mais certains inquisiteurs peuvent se montrer non seulement rigoureux, mais aussi caractériels, voire sadiques, n’hésitant pas à faire dire aux prévenus tout autre chose que les faits réels. Le plus connu est Jean Galand, inquisiteur de Carcassonne. Un peu après 1280, des habitants de la ville mettent en cause, dans des appels au roi et au pape, la véracité des aveux qu’il a obtenus. « Certains sont mis au chevalet, plusieurs en ont perdu l’usage de leurs membres par la cruauté de la torture et sont rendus complètement impotents… Ainsi contraints [beaucoup] donnent pour vrai ce qui est faux, souhaitant plutôt mourir que d’être ainsi torturés plusieurs fois30 ».
38Les peines infligées aux condamnés constituent le quatrième ordre des violences inquisitoriales. En effet, ou bien les accusés abjurent l’hérésie ou bien ils persévèrent dans leur croyance. Dans ce dernier cas, ils sont déclarés impénitents et sont remis au bras séculier. Le sort des relaps, revenus à la dissidence après l’avoir rejetée, est identique. Les uns et les autres sont alors brûlés, pour les raisons définies plus haut à propos des bûchers de la croisade.
39Les hérétiques apostats sont admis à faire pénitence. Pour beaucoup, celle-ci prend la forme de la prison, le mur. Il s’agit d’une nouveauté introduite par l’Inquisition, car jusque-là la prison ne faisait pas partie des peines afflictives. Elle correspond à une précaution : il convient de mettre l’hérétique repenti à l’écart du corps social, pour éviter qu’il ne se livre au prosélytisme, s’il retombait dans l’erreur. Elle constitue également un châtiment. Les prisonniers subissent en effet de mauvais traitements de la part de leurs gardiens31 et les cachots sont souvent malsains. On distingue en général le mur « large », qui permet de se promener à l’air libre et de recevoir visites et victuailles et offre la possibilité d’une longue survie, et le mur « strict », où les détenus sont parfois chargés de chaînes et doivent se satisfaire du « pain de douleur et de l’eau de tribulation ». On y meurt rapidement. Les Carcassonnais, en 1285, décrivent avec horreur les cachots dont Jean Galand est le maître :
« Nous nous considérons comme opprimés, du fait que, contre l’usage et l’habitude de vos prédécesseurs dans l’Inquisition, vous avez fait construire une nouvelle prison, que l’on appelle le mur, et qui mériterait mieux d’être appelée l’enfer. Vous y avez construit, en effet, beaucoup de petites pièces pour tourmenter et supplicier les gens par diverses sortes de tortures. Certaines sont tellement obscures et privées d’air que ceux qui s’y trouvent ne peuvent discerner s’il fait nuit ou s’il fait jour ; ils y manquent en permanence d’air et totalement de lumière. Dans d’autres, les malheureux ont les pieds immobilisés, tant par des fers que par des entraves de bois ; ils ne peuvent pas bouger ; ils font et urinent sous eux ; ils ne peuvent se coucher que le dos sur la terre froide et ils restent longtemps dans ce supplice, nuit et jour. Dans les autres endroits de la prison, non seulement on manque d’air et de lumière, mais aussi de nourriture, sauf le pain et l’eau de douleur, qui ne sont même donnés que très rarement32 ».
40Les biens des condamnés au bûcher ou bien à la prison perpétuelle font l’objet de confiscations au profit des seigneurs dont relèvent les condamnés, à charge pour ces derniers d’entretenir les inquisiteurs et les prisons.
41Les inquisiteurs infligent aussi des peines infamantes (pœne confusibiles), dont la plus grave est le port sur les vêtements de croix jaunes, simples ou doubles, analogues à la rouelle des juifs. Cette peine est en général assortie de pèlerinages obligatoires.
42Au début du xive siècle, le régime pénal paraît s’assouplir. Le registre des sentences de Bernard Gui, inquisiteur de Toulouse, comporte de nombreuses commutations de peine33. Certains condamnés peuvent être libérés du mur après un certain temps, pour être astreints au port de croix et à des pèlerinages, puis bénéficier plus tard de la remise de toute obligation. À cette époque, selon la même source, la durée moyenne du port de croix se situe autour de quatre ans et demi, le cas modal étant de trois ans34.
43Pour bien mesurer la portée des violences de l’Inquisition, il convient de replacer avec précision son activité dans la société méridionale de l’époque. Quelques remarques s’imposent à ce sujet.
44En premier lieu, bien que la procédure soit secrète et que des abus se produisent, l’Inquisition n’opère pas de manière totalement arbitraire. Ceux qu’elle condamne, sont effectivement, de son point de vue, des hérétiques « avérés », pour autant qu’on en puisse juger. La « construction » des dépositions par les inquisiteurs n’empêche pas qu’elles aient un fondement de réalité et concernent bien des dissidents ; à cet égard, l’Inquisition construit sans doute l’image de l’hérétique, mais non son opposition fondamentale à l’Église35.
45En second lieu, malgré toutes les violences qu’elle comporte, la justice des inquisiteurs offre autant et plus de garanties aux justiciables que la justice ordinaire. Devant les tribunaux seigneuriaux et consulaires prévaut, au début du xiiie siècle, la procédure accusatoire et tout prévenu est chargé d’une présomption de culpabilité. Il lui appartient de prouver son innocence et il est le plus souvent soumis à cette fin au jugement de Dieu, à l’ordalie ; la justice ainsi rendue s’avère aléatoire et arbitraire.
46Les inquisiteurs, quant à eux, se livrent à une enquête et disposent d’une mémoire écrite, de registres où ils consignent les dépositions des accusés. Phénomène neuf, qui tient à la révolution du papier, comme à l’usage démultiplié de l’écriture, et rend l’Inquisition redoutable. Cette mémoire permet le recoupement des témoignages à la charge d’un accusé ; elle comporte, à coup sûr, distorsions et manipulations, mais elle permet aussi des recoupements qui disculpent éventuellement un prévenu. Bernard Gui sait identifier ainsi des dénonciations calomnieuses et il punit de la prison perpétuelle les délateurs mal intentionnés. Sans doute le secret de la procédure inquisitoire permet-il à la toute-puissance du tribunal de n’être en rien bornée36 et à l’arbitraire des inquisiteurs de s’exercer pleinement, mais leurs enquêtes semblent plus que les ordalies donner une chance aux prévenus d’établir leur innocence.
47En outre, on doit éviter de considérer la société méridionale du Moyen Âge avec les yeux des hommes du xxie siècle, en lui attribuant des valeurs d’aujourd’hui. Il faut réviser en ce domaine tous les a priori sur les actes de foi et enregistrer les apports de l’anthropologie historique. Quand Torquemada, à la fin du xve siècle, commande à Pedro Berruguete pour le couvent des Prêcheurs d’Avila, dont il est alors prieur, le célèbre tableau figurant saint Dominique qui préside un autodafé, il considère de toute évidence qu’il célèbre la gloire du saint, alors qu’aujourd’hui ces cérémonies sont considérées comme l’expression absolue du fanatisme et de la violence et que l’Église en a fait elle-même repentance.
48Reprenons la question des actes de foi, pour les placer dans la perspective du xiiie siècle. Les peines frappant les dissidents sont édictées au cours de « sermons généraux », grandes assemblées présidées par les puissants laïcs et les dignitaires ecclésiastiques, auxquelles fait suite, parfois, un bûcher.
49On a interprété et l’on continue d’interpréter sermons généraux et actes de foi comme des moyens utilisés par les inquisiteurs pour terroriser les foules. Les inquisiteurs croyaient-ils donc à l’exemplarité des peines ? Voilà qui est loin d’être sûr. Ils savaient que la persécution crée des prosélytes. En fait, ils s’appuyaient sur un sentiment de la foule, qui n’était pas très différent du point de vue ultérieur de Torquemada.
50Des historiens contemporains ont montré, ou suggéré, que le fonctionnement psychosociologique et spirituel des bûchers était très différent de la présentation qu’on en donne souvent37. À la lueur de leurs travaux, le sermo generalis, générateur d’indulgences pour ceux qui y assistent, apparaît comme une cérémonie qui restaure la cohésion de l’assistance autour d’une positivité, celle de la vie ici-bas et surtout celle – majeure – de la vie éternelle. En effet, les hérétiques repentis reconnaissent alors publiquement leur erreur et la vérité de l’Église, tandis que les impénitents sont envoyés au néant. Le sermo generalis marque la fin d’une fracture et réduit un désordre, suscité par l’hétérodoxie ; il est une cérémonie pénitentielle et purificatrice qui constitue un retour à l’unité et à l’harmonie. Il rétablit l’Alliance avec Dieu par la réduction de ce crime horrible et abominable qu’est l’hérésie. Et la punition des hérétiques, une mise en ordre, devient une fête qui pourvoit l’assistance d’un fort sentiment d’identité communautaire, en opposition à ceux que l’on châtie. Et la liesse populaire, et non le deuil, se manifeste autour des bûchers38. Fait qu’on peut trouver détestable aujourd’hui, mais que l’historien ne doit pas négliger.
51Si l’on s’interroge enfin sur l’efficacité de l’Inquisition, il ne fait aucun doute qu’elle s’avère très supérieure à celle de la Croisade quant à l’impact sur l’hérésie. La faiblesse des résultats des opérations militaires en ce domaine ressort d’un fait significatif : après 1219 et jusqu’en 1226, année où débute la croisade royale, la dissidence connaît de très beaux jours ; les bûchers dressés par les croisés ne l’ont point fait reculer. Et cela d’autant moins que, face à l’armée de la croisade, tous les méridionaux sont concernés et résistent solidairement, dans le cas d’une agression directe. Les sièges, notamment, opposent aux croisés des collectivités citadines dont elles renforcent l’unité, quelles que soient leurs divisions spirituelles internes.
52Le jeu de l’Inquisition a le mérite de la subtilité. Au lieu de renforcer les solidarités, elle les détruit, en isolant les inculpés, en opérant – en quelque sorte – des « frappes chirurgicales ». Elle ne met en cause que quelques individus, que certaines familles, dont les autres se désolidarisent, par crainte sans doute, mais aussi pour les raisons religieuses profondes évoquées plus haut, par souci de rester intégrées à une communauté territoriale et spirituelle.
53L’Inquisition recherche aussi, de manière systématique l’anéantissement du clergé hérétique ; elle pourchasse les Bonshommes et les élimine. Il n’en subsiste plus que quelques-uns après 1290. Or il ne peut y avoir d’église sans clergé. Il est d’autres causes à l’effacement de la dissidence, mais il est certain que l’Inquisition a tenu dans ce phénomène un rôle non négligeable.
« L’AFFAIRE DE FOI ET DE PAIX » DU LANGUEDOC, GUERRE DE RELIGIONS OU DE RELIGION ?
54Une des questions posées initialement est celle de savoir si la croisade contre les Albigeois oppose vraiment les tenants de deux religions : le christianisme et la foi des Bonshommes, l’hérésie. Cette vue simplificatrice de l’événement a, naturellement, été énoncée dès les origines de la croisade, comme justification de celle-ci.
55Les croisés mènent une guerre de religion, ou croient la mener, sous l’autorité du pape et de ses légats, mais ce n’est pas le cas de leurs adversaires. Il existe à cela une excellente raison : la dissidence recrute exclusivement dans les élites et se trouve de ce fait minoritaire.
56Ce n’est pas ici le lieu d’examiner en détail la sociologie de l’albigéisme. Bornons-nous à signaler qu’il recrute d’une part dans la petite noblesse proliférante des castra, comme Fanjeaux en Lauragais, Verfeil en Toulousain, Puylaurens ou Lombers en Albigeois ; d’autre part, ses adhérents appartiennent au milieu urbain et se rangent parmi les élites du savoir et de la richesse marchande, auxquelles se joignent parfois quelques artisans huppés. Par conséquent, la dissidence n’affecte aucun caractère populaire et elle est très minoritaire dans la population méridionale.
57Les comptages que l’on peut opérer révèlent que les dissidents représentent au plus 5 % de la population du Languedoc toulousain, et peut-être seulement 2 %39. Ceci permet d’établir que, pour la plupart, les méridionaux, à l’inverse de leurs agresseurs croisés, ne mènent pas une guerre religieuse, mais une guerre purement défensive, sans aucun arrière-plan spirituel. L’affaire albigeoise oppose, dans les faits, des chrétiens à d’autres chrétiens. La défense des gens du Midi n’est pas moins violente et cruelle que la conduite des croisés ; si elle n’a pas, sauf exceptions, de motivations religieuses, elle participe de raisons vitales : la préservation des dominations seigneuriales établies dans le Midi, celle des franchises acquises par les villes et puis aussi celle des biens, des personnes et, tout simplement, des vies.
58Les violences exercées par les méridionaux, qui ont l’excuse d’être victimes d’une agression, sont nombreuses et bien connues, car les chroniqueurs catholiques du Nord les détaillent à plaisir, pour exalter leur parti.
59Par exemple, Guiraud de Pépieux enlève à Montfort le bourg de Puisserguier durant l’automne 1209. Obligé plus tard de prendre la fuite, il fait subir un triste sort à deux chevaliers français, commis à la garde du castrum et auxquels il avait promis la vie sauve. Voici ce qu’en dit Pierre des Vaux-de-Cernay dans son Histoire albigeoise :
« Sans doute il ne les tua pas, mais ce qui est pire que la mort, il leur creva les yeux, puis il leur fit couper les oreilles, le nez et la lèvre supérieure et les renvoya tout nus au comte. Quand il les eût chassé nus en pleine nuit par la bise et le gel, car l’hiver était extrêmement froid, l’un d’eux – ce qui ne peut s’écouter sans pleurer – expira sur un fumier, l’autre… fut conduit par un pauvre à Carcassonne40 ».
60Pierre des Vaux-de-Cernay raconte également le guet-apens meurtrier dont est victime, en avril 1211 à Montgey, près de Puylaurens, un convoi de « pèlerins « allemands se rendant au siège mis sous Lavaur par les troupes de Montfort. Ils cheminent sans protection, car les chevaliers ne revêtent leur pesante armure que pour les combats. Ils sont alors assaillis par le comte de Foix, Guiraud de Pépieux encore, et ses hommes qui les taillent en pièces. On relève entre mille et cinq mille morts, à en croire le cistercien Aubry des Trois-Fontaines41 ou la Chanson de la croisade42. Le nombre de quelques centaines, déjà considérable, paraît plus vraisemblable. Guillaume de Tudèle, l’auteur de la première partie de la Chanson, laisse percevoir sa gêne devant une embuscade aussi peu conforme aux règles chevaleresques. Il attribue cette vilenie aux paysans de la contrée – qui ne peuvent se comporter noblement – et il suggère qu’on aurait dû les pendre pour ce forfait :
« Que le Seigneur Dieu de gloire de mes péchés vous fasse pardon :
Qui eut ces vilains pendu comme larrons
Qui tuèrent les croisés, à moi aurait semblé bon43 ».
61Pierre des Vaux-de-Cernay évoque encore les violences que subissent les Français faits prisonniers durant le siège de Toulouse, en 1218 :
« Il nous faut faire connaître la cruauté des Toulousains pour apprendre à ceux qui nous écoutent combien méritent d’être châtiés les auteurs éhontés de tels actes de fureur. Quand ils avaient pu faire prisonniers quelques-uns des nôtres, ils les conduisaient aux carrefours de la ville, les mains liées, une bourse pendue au cou, pour que chaque passant mît dans la bourse un ou plusieurs deniers au profit de ceux qui les avaient pris, ensuite des bourreaux aveuglaient les uns, coupaient la langue aux autres, traînaient les uns à la queue d’un cheval et les exposaient aux corbeaux et aux chiens, dépeçaient les autres et nous envoyaient les morceaux au moyen d’un trébuchet, brûlaient les uns et pendaient les autres.
Un certain acolyte de Toulouse, Bernard Escrivan, qui suivait le parti de la Sainte Église, comme c’était son devoir, fut enterré vivant jusqu’aux épaules, les mains attachées : après quoi on lui lança des flèches et des pierres, comme sur une cible destinée à des archers. Enfin on posa sur lui un grand globe de feu et ses restes, carbonisés, furent exposés aux chiens. Quel genre de martyre lui fut-il épargné ? D’aucuns étaient lapidés, d’autres noyés, une pierre meulière au cou, d’autres enfin jetés du haut en bas des remparts44 ».
62La reconquête toulousaine, après 1218, s’accompagne également de violences, toutes inhérentes à la guerre, bien plus qu’à la religion.
63Le fait que les Languedociens, quoi qu’en aient dit les légats pontificaux au début du xiiie siècle, demeurent catholiques dans leur énorme majorité, explique que certains n’éprouvent aucune difficulté à procurer un appui aux croisés ; c’est cela, au demeurant, qui permet à Montfort de se maintenir pendant dix ans dans le Midi, avec des effectifs réduits, la plupart du temps, à quelques centaines d’hommes.
64Les exemples sont nombreux de seigneurs méridionaux et aussi de villes qui pactisent avec la croisade. Les oppositions religieuses éventuelles ne se font nullement jour en l’occurrence, elles s’estompent derrière la conjonction des intérêts. Le fait est particulièrement net dans le cas d’Albi, ville éponyme de l’hérésie pour les croisés et les chroniqueurs de l’Europe du nord. Il existe dans cette cité une oligarchie assez largement acquise à la dissidence. Or un contingent d’Albigeois se bat en permanence aux côtés de Montfort45. L’élimination de Trencavel, seigneur de la ville, vaut en effet aux élites albigeoises de gagner un consulat et une large autonomie. Cet exemple montre bien que le Midi ne se bat pas pour une religion particulière et que très rapidement la croisade fait jouer des antagonismes féodaux séculaires.
65Apparemment, l’action de l’Inquisition concerne la seule éradication de l’hérésie. Elle semble plus spécifiquement religieuse que la Croisade, laquelle évolue rapidement à bien des égards, vers une guerre classique, même si elle conserve pour ceux qui se croisent une implication spirituelle. Cette évolution souligne que la violence religieuse est, en l’occurrence, étroitement associée à des données sociales. Il est donc légitime de poser à propos du Midi au xiiie siècle la question du lien entre faits religieux et faits sociaux et celle de savoir si ce lien s’affirme ou disparaît à l’époque de l’Inquisition.
FAITS RELIGIEUX ET FAITS SOCIAUX DANS LE MIDI AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES
66Une réflexion sur la croisade des Albigeois et l’Inquisition, leur origine, leur rôle et leur portée, passe nécessairement par une réflexion sur la place de la religion et le rôle de l’Église dans la société du Moyen Âge.
67À cette époque, la sphère du religieux n’affecte pas l’autonomie qu’elle a prise aujourd’hui. La nature, la société et la personne n’ont de sens et d’ordre que dans des représentations gouvernées par le religieux. Ce dernier est un « fait social total46 ». C’est dans cette perspective qu’il faut chercher à comprendre pourquoi l’unité de foi est défendue par la violence. On se bornera sur ce point à élargir la perspective sans entrer dans les détails.
68Le système féodal en place après l’an mille se caractérise par la prolifération de cellules aristocratiques concurrentes. Pour que le cœur de ce système, le prélèvement seigneurial opéré sur la paysannerie, soit productif, il faut qu’il existe une instance régulatrice capable de maintenir ce dernier dans une paix et un équilibre relatifs. En raison de son universalité et de son caractère spirituel à finalité eschatologique – qui lui confère une efficacité réelle, ce rôle est tenu par l’Église, par ailleurs profondément engagée dans l’univers seigneurial et dont les chefs appartiennent à l’aristocratie. De ce fait, l’Église concourt également de manière primordiale, à la préservation de la domination nobiliaire ; en instaurant le mariage monogamique indissoluble, elle régule la démographie lignagère et préserve les patrimoines ; elle absorbe les enfants surnuméraires des familles aristocratiques, dans les communautés religieuses, pourvues de biens inaliénables après la réforme grégorienne ; elle pourvoit les chevaliers d’une forme de sacralité en canalisant leur turbulence et en dirigeant leur activité vers les marges de la chrétienté et jusqu’en Terre Sainte.
69Ce rôle régulateur n’est possible, il convient de ne pas l’oublier, qu’en raison de la fonction spirituelle de l’Église. Il favorise l’unification de celle-ci – plus ou moins éclatée en églises régionales avant l’an mille – et sa centralisation autour du pape. Des ordres monastiques, constitués autonomes dans le cadre féodal, Cluny, Saint-Victor de Marseille, puis Cîteaux, sont les représentants et les agents de ce mouvement.
70Toutefois, le système féodal génère des éléments nouveaux, perturbateurs de Tordre à peine établi : les villes, l’économie monétaire et marchande, des élites sociales nouvelles, celles de la richesse mobilière et du savoir, et avec l’accès des laïcs à la lecture et à l’écriture, l’entrée de nouveaux milieux dans ce que les historiens anglo-saxons nomment literacy, et une culture orientée vers le développement de la réflexion, du raisonnement et de la logique. Dans les milieux urbains apparaissent trois ordres de demandes : celle de la liberté économique et de l’autonomie politique, celle d’une reconnaissance sociale pour les membres de l’oligarchie nouvelle, celle, enfin, d’une religion moins ritualiste et davantage personnalisée et intériorisée, s’accompagnant d’un accès direct à la Parole de Dieu.
71Ces demandes nourrissent une contestation – et bientôt une dissidence – qui mettent en cause l’Église au nom de l’Évangile. Les dissidents jugent que ni l’Église, ni la société ne sont conformes à ce dernier. Ils rejettent en conséquence la prétention des clercs à assurer seuls la médiation entre les hommes et Dieu ; ils se réclament eux-mêmes des apôtres, dont ils observent les principes de vie.
72Non sans paradoxe, cet évangélisme radical puise ses racines dans la réforme ecclésiastique dite « grégorienne », qui s’est elle-même appuyée sur un vif appétit d’Évangile. Il participe également de la logique déductive pré-scolastique pour aboutir à un dualisme ontologique, conséquence d’un paroxysme d’évangélisme et d’un dualisme vécu47. Ce dernier procède de la condamnation du monde et de l’Église romaine, profondément insérée dans ce dernier.
73Contester l’Église et sa doctrine, c’est aussi contester la société féodale, avec laquelle elle entretient des liens étroits. Comme l’Église, la dissidence possède concurremment une dimension spirituelle et une dimension sociale. Celle-ci apparaît dès que l’on examine les effets concrets de la doctrine des bonshommes, pour ce que l’on en sait par les polémistes du temps. Il est clair que la dissidence constitue la mise en cause radicale de la société féodale, dont elle ruine toutes les bases : la terre, le serment, la guerre, la justice, la noblesse. Ce constat est dressé par les polémistes eux-mêmes. Ils accusent les bonshommes de vouloir subvertir la société au profit du diable. Elle a été reprise par nombre d’historiens catholiques, pour lesquels les hérétiques sont des anarchistes, ennemis de la société. On ne peut qu’adhérer à cette opinion, à la condition de spécifier qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle société, mais bien de la société féodale, dans laquelle l’hérésie prend naissance.
74On comprend bien, de ce fait, que l’offensive contre l’hérésie, dès saint Bernard, soit conduite par les Cisterciens. La modernité spirituelle de l’ordre n’est pas, en effet, contradictoire de choix sociaux marqués, car ses membres éminents, les moines de chœur, se recrutent avant tout dans la petite aristocratie. Les moines blancs, qui font choix du désert pour établir leurs monastères, n’éprouvent que répulsion pour la ville, Babylone et magna meretrix. L’ordre de Cîteaux, fer de lance de la défense de l’Église et de l’unité de foi, protège en même temps la société féodale dans laquelle il plonge ses racines.
75Les Cisterciens contribuent à retourner positivement la menace que l’hérésie constitue pour l’unité de la chrétienté et de l’Église. En effet, la lutte contre la dissidence devient une arme majeure de la monarchie pontificale et l’un des facteurs d’une centralisation accentuée de l’institution ecclésiastique. Celle-ci, qui vise à regrouper la chrétienté occidentale autour du pape, s’appuie au xie siècle sur le thème de la réforme et, au début du xiie siècle, sur celui de la croisade ; après 1160 le thème des combats contre l’hérésie s’adjoint à ce dernier au point de s’y conjoindre dans la croisade contre les Albigeois.
76L’hérésie, en vertu du magistère spirituel du Souverain pontife, donne prétexte au pape et à ses légats d’intervenir partout, pour la défense de la foi et le salut commun. L’Inquisition pontificale ultérieure repose également sur ce principe. Sous le pontificat d’innocent III, pape qui prétend au dominium mundi, l’hérésie devient un ressort essentiel de la théocratie.
77La croisade contre les Albigeois – et ses violences – interviennent donc à l’aboutissement d’un processus de sauvegarde de l’instance régulatrice majeure de la société féodale et de défense de la prépondérance aristocratique dans cette société. Il est à cet égard symptomatique que les plus farouches adversaires de la dissidence méridionale soient des Cisterciens eux-mêmes méridionaux, à commencer par Arnaud Amalric, abbé de Poblet, puis de Grandselve, avant de devenir abbé de Cîteaux. Il est de même symptomatique que le noyau dur des Croisés se compose de seigneurs sous influence cistercienne, celle de l’abbaye des Vaux-de-Cernay. À ce groupe appartiennent Simon de Montfort et ses compagnons les plus fidèles, venus d’Ile-de-France, où la croissance de Paris nuit fatalement à la prépondérance relative de la chevalerie dans la société48. Il est enfin un fait majeur, trop souvent négligé : la croisade contre les Albigeois a pour acteurs principaux des représentants de la noblesse ; elle est fondamentalement aristocratique. Sans doute trouve-t-on des roturiers parmi les croisés, mais il semble bien qu’il s’agisse soit de sergents, membre de la mesnie des seigneurs, soit de routiers à la solde de ces derniers, tels les « ribauds » qui prennent Béziers d’assaut.
78L’ensemble de ces données paraît profondément significatif de la nature des violences de la croisade. Elles participent de raisons sociales essentielles, que ne doivent pas faire oublier leurs motivations spirituelles, majeures également, car sans ressort spirituel la croisade ne pourrait avoir lieu.
79L’histoire, cependant, ne se résout pas en phénomènes et en causalités simples.
80L’évolution économique et politique des xie et xiie siècles concourt à la reconstruction de pouvoirs politiques embrassant des territoires bien plus vastes que la seigneurie châtelaine. Sans doute parce que ces pouvoirs offrent un niveau de régulation, d’arbitrage et de résolution des conflits tout à fait opératoire, car ils sont à même de mettre en œuvre une puissance matérielle considérable en cas de litiges aigus. Sans doute aussi parce qu’ils sont à même de conserver les villes sous une forme nouvelle de la tutelle aristocratique, alors qu’elles tendent à s’affranchir des modalités anciennes de cette domination. Princes et souverains opèrent donc un retour sur le devant de la scène.
81Ce retour, qui a même finalité sociale que l’établissement de la monarchie pontificale, gêne cependant l’affirmation du primat papal. S’ouvre alors une concurrence aiguë des deux instances œuvrant chacune pour le maintien de la domination aristocratique, l’instance princière semblant davantage jouer au profit de la haute aristocratie, l’Église servant d’abord les intérêts de la moyenne et petite noblesse.
82Logiquement, les princes tentent de contrôler l’Église de leur territoire, instrument d’autorité fondamental parce que spirituel. En outre, ils s’efforcent de mettre en place des états qui entrent fatalement en conflit d’intérêts matériels et politiques avec les églises de leurs principautés. C’est le cas dans le Midi de la seconde moitié du xiie siècle pour ce qui concerne les états en gestation des Trencavel et des comtes de Toulouse49.
83L’hérésie, tant est prégnante la religion dans le monde médiéval, fournit au pape et à ses représentants cisterciens prétexte à opérer des purges dans l’épiscopat languedocien, largement indépendant par rapport à Rome, puis à lancer une croisade contre les princes méridionaux, afin de conforter l’autorité pontificale.
84L’hérésie et la croisade contre les Albigeois permettent au pape d’intervenir dans le royaume de France sans que puisse s’y opposer le roi Philippe Auguste, avec lequel il est en conflit permanent (cf. l’affaire Ingeburge de Danemark, le soutien respectif apporté dans l’Empire à Othon de Brunswick et Philippe de Souabe, le conflit franco-anglais). Le roi d’ailleurs, s’il ne se risque pas à interdire la croisade, se garde bien d’y participer.
85Par paradoxe, les violences de la croisade servent le pouvoir monarchique. En effet, Toulouse, cité qui a montré de manière éclatante l’importance des villes dans le monde du xiiie siècle en s’opposant avec succès à Montfort50, contraint Raimond VII à la paix en 1229, puis s’intègre très vite dans le système monarchique, nouvel avatar de la prédominance aristocratique, capable de réduire l’autonomie des villes et la soustraction de leur richesse au prélèvement seigneurial. Et le Languedoc tout entier passe également dans la main des Capétiens.
86Il convient ici de revenir sur le fonctionnement de l’Inquisition. Il est notable qu’elle ne dispose par elle-même d’aucune force matérielle. Pour être redoutable, elle a sans doute besoin du consentement populaire, qui lui est aisément acquis, car l’hérésie demeure un fait élitiste, mais plus encore elle ne peut se dispenser de l’appui du pouvoir temporel. Nulle part les inquisiteurs ne peuvent arrêter un suspect, siéger, juger, condamner, et faire exécuter leurs sentences, s’ils ne disposent de la force armée et de l’assistance du bras séculier, des pouvoirs laïcs. Cette collusion apparaît d’ailleurs très clairement dans le fait que ce sont les seigneurs et le roi qui bénéficient des biens saisis sur les condamnés (les encours d’hérésie) et qui financent le tribunal et ses juges.
87L’Inquisition est certes une institution d’Église, mais elle fonctionne en étroite collaboration avec le pouvoir temporel dominant.
88En Languedoc, elle bénéficie de l’appui constant du pouvoir royal. Dès le 13 avril 1229, au lendemain du traité de Paris, un statut est publié au nom de saint Louis, alors mineur51. Il annonce et entérine par avance les mesures qui organisent la poursuite des hérétiques et sont définies au concile de Toulouse, quelques mois plus tard52.
89Cette collaboration de la puissance monarchique et de l’Église pour l’extinction de la dissidence ne se dément pas après la mise en place de l’Inquisition pontificale. Le souverain capétien a tout intérêt, en effet, à la réduction des poches de résistance spirituelle qui pourraient se muer en zones d’irrédentisme politique53. Robert Moore a montré comment l’action inquisitoriale favorisait l’implantation du pouvoir monarchique en Languedoc. Dans ses ouvrages54, il a souligné qu’avec la mise en place du système féodal et, plus encore avec l’essor des États princiers – et, parallèlement, de la théocratie pontificale – s’affirmait un totalitarisme religieux produisant des effets violents. L’hérésie est pourchassée, non seulement en raison des dangers centrifuges qu’elle représente, mais aussi parce qu’elle permet de déstabiliser les communautés traditionnelles et de créer une communauté plus large, qui se soude en rejetant les mal-croyants. L’hérétique – comme le juif – joue en l’occurrence le rôle de repoussoir. Il est symptomatique que l’on commence d’accuser les juifs de crimes rituels, à la même époque – vers 1160 – où l’on définit l’hérésie comme une religion dualiste, étrangère au christianisme55. Il semble bien que, dans cette perspective, non étrangère au déclenchement de la croisade contre les Albigeois, le danger et la réalité de l’hérésie aient été très fortement amplifiés dans le discours des clercs, notamment dans celui des Cisterciens.
90Au xiiie siècle, le combat contre l’hérésie fournit aux « autorités » un prétexte d’intervention au cœur des communautés traditionnelles et vient faire exploser des noyaux sociaux : familles, villages, oligarchies urbaines ou nobiliaires, dont la solidarité aurait autrement rendu la soumission difficile, voire impossible56. En déstructurant toutes les composantes de la société, l’Inquisition contribue à faire éclater les cadres politiques préexistants, hérités de l’époque féodale. Elle favorise en Languedoc l’instauration d’un nouveau pouvoir, le pouvoir monarchique. Le souverain, incarnation de ce dernier, est lui-même porteur, dans le cadre de l’orthodoxie, d’une auréole de sacralité qui en fait le lieutenant de Dieu sur la terre, un collaborateur privilégié du plan divin et l’agent primordial du salut de ses sujets. En ce domaine, l’exemple de saint Louis et l’essor de son culte s’avèrent significatifs. Du reste, en 1319-1321, ce sont les inquisiteurs qui imposent aux habitants d’Albi et de Cordes, révoltés contre l’Inquisition dans les années 1300-1305, l’érection à titre de pénitence de chapelles portant le vocable de Saint-Louis57. À cette époque l’Inquisition est devenue très nettement l’instrument de la monarchie, ainsi que l’a montré le procès fait aux Templiers.
91Dans la seconde moitié du xiiie siècle déjà, l’Inquisition méridionale manifeste rigueur et mansuétude en phase avec la politique capétienne. Une ère de sévérité s’ouvre, par exemple, quand Alphonse de Poitiers devient comte de Toulouse, en 1249, et surtout lorsqu’il rentre de la croisade en Orient, en 1251. Plus tard, au temps de la querelle entre Boniface VIII et Philippe le Bel, alors que les deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, s’opposent vigoureusement, le roi paralyse provisoirement, entre 1298 et 1303, l’action de l’Inquisition languedocienne, qui s’en est prise à ses officiers, mais il refuse de libérer pour autant les hérétiques condamnés à la prison, au « mur », se bornant à les faire transférer à Carcassonne des geôles inquisitoriales dans les siennes ; en outre, dès qu’il est réconcilié avec le pape, Clément V en l’occurrence, l’Inquisition peut suivre son cours58.
92On peut également constater, et c’est un fait essentiel, que l’Inquisition change de style après 1270, quand s’affirme l’état monarchique. Alors que la dissidence des bonshommes est moribonde, elle traque désormais l’ensemble des diviances, sous tous leurs aspects, jusque dans les montagnes les plus reculées. Le registre de Jacques Fournier, évêque de Pamiers de 1318 à 1325, futur pape d’Avignon sous le nom de Benoît XII, fournit une bonne illustration de cette évolution59. L’Inquisition collabore ainsi à la réduction de tous les contre-pouvoirs potentiels dans le domaine religieux et c’est alors que s’amorce la poursuite systématique des sorciers, auxquels Bernard Gui, inquisiteur de Toulouse fait déjà une large place dans sa Practica inquisitionis heretice pravitatis, manuel rédigé vers 132360.
93Les violences de l’Inquisition ne sont donc pas seulement religieuses ; elles ont une portée politique. Au demeurant, l’institution ne dispose d’aucune autonomie réelle par rapport au pouvoir temporel. Il n’existe entre elle et lui aucun lieu organique, mais une collusion pratique, qui sert l’unité de foi, mais dont la royauté tire aussi grand profit.
94Pour conclure, il semble bien que dans l’affaire des Albigeois, si les violences ont la religion pour prétexte et pour fin avoués, elles participent en fait du mouvement et des problèmes globaux de la société dans son ensemble. Il s’agit de violences sociétales autant que religieuses, la religion au Moyen Âge étant consubstantielle et coextensive à la société et leur union intime rendant arbitraire leur dissociation dans une analyse qui conduit, fatalement, à segmenter la réalité médiévale.
95C’est au xviiie siècle seulement que l’on opère, dans certains milieux, une franche dichotomie entre la religion et les autres paramètres sociaux. Les philosophes des Lumières ont alors chargé l’Église de tout le poids des violences de la croisade contre les Albigeois et de l’Inquisition. Cet anticléricalisme un peu court « fausse » les perspectives, masquant les dimensions sociales et politiques de la religion médiévale.
96Durant l’année jubilaire 2000, le pape a proclamé que les vérités de foi doivent aujourd’hui s’imposer par leur seule force ; il a condamné le totalitarisme religieux ainsi que le recours à la violence en matière de religion, tout homme bénéficiant d’une pleine liberté de conscience. En Europe occidentale, en effet, la religion occupe désormais un champ spécifique et n’investit plus l’ensemble des structures de la société, même si ses principes conservent en divers domaines des incidences notables. Au xiiie siècle, dans la France méridionale et dans l’Occident en général, il en allait tout autrement, car la religion n’impliquait pas seulement les consciences. Les conflits religieux étaient intimement associés à des enjeux de société fondamentaux. Cela explique sans doute la force des violences qu’ils engendraient.
Notes de bas de page
1 Sur ce processus, cf. P. Bonnassie, « Du Rhône à la Galice : genèse et modalités du régime féodal », Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (xe-xiiie siècles), Rome, 1980. Des exemples régionaux, G. Mercadier, « Les mottes castrates de l’Albigeois », Archéologie – Peuplement et vie quotidienne depuis 100000 ans. 10 ans d’archéologie tarnaise, Albi, 1988 et A. Debord, « Châteaux et société dans le Rouergue médiéval ( xe- xiiie siècle) », Château-Gaillard 14, Caen, 1990. P. Bonnassie, « Les descriptions de forteresses dans le Livre des miracles de Sainte Foy de Conques », Mélanges d’archéologie et d’histoire médiévale en l’honneur du Doyen M. de Boüard, Paris, 1982.
2 Sur la violence féodale en général, cf. H. Débax, La féodalité languedocienne xie-xiie siècles, Toulouse, 2003, Ch. 5, en particulier. Voir aussi A. Catafau, « Contentiones fuerunt. Conflits et violences dans le Roussillon féodal ( xie- xiie siècle) », Actes du lxviie congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Perpignan, 1995.
3 A.C. Albi, FF 4-5.
4 De grace especial. Crime, état et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, 1991.
5 Sur l’esprit de la croisade, les livres essentiels sont désormais ceux de Jean Flori, La première croisade. L’Occident chrétien contre l’Islam (aux origines des idéologies occidentales), Bruxelles, 1992 et La guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, 2001.
6 Cf. Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoir avant l’Inquisition, M. Zerner, édit., Nice, 1998.
7 Histoire albigeoise, trad. P. Guébin et H. Maisonneuve, Paris, 1951, p. 65.
8 Chronique (1203-1275), édit J. Duvernoy, Paris, 1976, p. 73.
9 Ibid., p. 82.
10 P. Des Vaux-de-Cernay, Histoire albigeoise, p. 92.
11 Id., Ibid., p. 93-94.
12 Id., Ibid., p. 136, « Sur la pente de la colline, étaient debout, face à la ville, l’archevêque de Reims, les évêques de Toul et d’Albi, l’archidiacre Guillaume de Paris, avec l’abbé de Moissac lui-même, avec quelques moines et autres clercs de l’armée. Vêtus de blanc, nu-pieds, ils tenaient devant eux une croix et des reliques et chantaient le “Veni Creator Spiritus”, d’une voix très forte et d’un ton pénétré, pour implorer le secours divin ».
13 Migne, Patrologie Latine, t. CCXV, c. 1354-1358.
14 Sur ce massacre et sa portée, cf. Berlioz (Jacques), « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », Toulouse, 1994.
15 Pierre des Vaux-de-Cernay estime à sept mille ceux qui sont morts dans la seule Église de la Madeleine, où ils s’étaient réfugiés (il n’y a pas sacrilège en l’occurrence, occire les hérétiques fait plaisir à Dieu). Arnaud Amalric, annonçant au pape la victoire obtenu par la grâce de Dieu, estime à vingt mille le nombre des Biterrois tués. Guillaume le Breton, chapelain de Philippe Auguste, l’évalue à soixante mille. Enfin, pour l’édification des novices de son monastère, le moine Cistercien Césaire de Heisterbach l’élève à cent mille. Cf. Berlioz, op. cit.
16 Cf. Histoire de Béziers, Jean Sagnes (dir.), Toulouse, 1986, p. 106 et J. Roche, in C. Heusch et G. Gouiran, éd., Biterois. Béziers et son rayonnement culturel au Moyen Âge, Béziers-Perpignan, 2003, p. 79, 88, notamment.
17 Si l’on en croit Guillaume de Tudèle, auteur de la première partie de La chanson de la croisade, il s’agit d’une conduite délibérée :
« Les barons de France et ceux devers Paris
Et les clercs, et les laïcs, les princes et les marquis,
Ont l’un l’autre entre eux établi,
Que dans quelque castel que l’ost viendrait
Que rendre ne se voudrait, dès que l’ost le prendrait
Tous passés par l’épée seraient et qu’on les occirait »
[Livre 21, édit. E. Martin-Chabot, t. I, p. 57],
Cette politique de terreur doit inciter à se rendre. Les villes et les bourgs fortifiés (les castra) :
« Puis n’en trouveraient qui à eux résisterait
Par peur qu’on aurait et pour ce que vu on aurait…
Pour cela sont à Béziers détruits et à mal mis »
[Ibid., p. 58].
18 Chanson, t. III, p. 291.
19 Histoire albigeoise, p. 62.
20 Chronique, p. 70-71.
21 Chanson, t. I, p. 245.
22 Edit. Martin-Chabot, I, p. 277.
23 Histoire albigeoise, p. 62.
24 Cf. M. Roquebert, L’épopée cathare. 1216-1229 : le lys et la Croix, Toulouse, 19S6.
25 Cf. C. Higounet, « Un grand chapitre de l’histoire du xiie siècle : la rivalité des maisons de Toulouse et Barcelone pour la prépondérance méridionale », Mélanges Louis Halphen, Paris, 1951 et H. Débax, op. cit., p. 72 et sqq. : « La guerre de cent ans méridionale (fin xie-fin xiie siècle) ».
26 Sur l’Inquisition, sujet qui suscite de vives polémiques, il n’existe pas d’ouvrage réellement objectif. Sur la procédure, on peut encore lire C. Douais, L’Inquisition. Ses origines. Sa procédure, Paris, 1906. On y ajoutera E. Vacandard, L’Inquisition. Étude historique et critique sur le pouvoir coercitif de l’Église, Paris, 1907. Du même, la notice « Inquisition » dans le Dictionnaire de Théologie catholique, t. VII, 1923. Bon ouvrage de J.-B. Given, Inquisition and medieval society. Power, discipline and resistance in Languedoc, Ithaca-London, 1997. Essai de mise en perspective, J.-L. Biget, « L’Inquisition du Languedoc (1229-1329) », Atti del simposio internazionale sull’inquisizione (1998), Studi e testi, 417, Citt à del Vaticano, 2003. ID., « L’inquisition et les villes du Languedoc 1229-1329 », Actes du colloque « Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident européen à la fin du Moyen Âge » (2001), Collection de l’École française de Rome (à paraître).
27 Guillaume Pelhisson, Chronique (1229-1244), édit. J. Duvernoy, Paris, 1994.
28 Cf. Y. Dossat, Les crises de l’Inquisition toulousaine au xiiie siècle (1233-1273), Bordeaux, 1959.
29 Sur ces logiques, cf. L’aveu – Antiquité et Moyen Âge, Rome, 1986 et les articles suivants de J. Chiffoleau, « Sur la pratique et la conjoncture de l’aveu judiciaire en France du xiiie au xve siècle », dans le volume précité, puis « Dire l’indicible. Remarques sur la catégorie du nefandum du xiie au xive siècle », Annales, E.S.C., 1990, et « Sur le crime de majesté médiéval », Genèse de l’État moderne en Méditerranée, Rome, 1993.
30 Cf. Mgr J.-M. Vidal, Un inquisiteur jugé par ses « victimes » : Jean Galand et les Carcassonnais, Paris, 1903.
31 À Albi, au printemps de 1306, ces gardiens sont remplacés par d’autres, à l’initiative des commissaires de Clément V, BNF, collection Doat, vol. 34, fo 4. Édition C. Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Languedoc, Paris, 1900, t. II, p. 304.
32 Cf. J.-M. Vidal, op. cit. Traduction de M. Roquebert, Les cathares. De la chute de Montségur aux derniers bûchers 1244-1329, Paris, 1998, p. 386.
33 Cf. Le livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui 1308-1323, Annette Palès-Gobilliard édit., CNRS, Paris, 2002.
34 James B. Given, Inquisition and medieval society…, op. cit., p. 85.
35 Discussion de ces problèmes in Texts and the repression of medieval heresy, C. Bruschi et P. Biller édit., York, 2003. Voir en particulier l’Introduction des éditeurs et C. Bruschi, « Magna diligentia est habenda per inquisitorem : Precautions before Reading Doat 21-26 ».
36 Sur le passage de l’ordalie à la toute-puissance du juge, cf. Robert Moore, La première révolution européenne xe-xiiie siècle, Paris, 2001, p. 274-275 en particulier.
37 Citons ici Michel de Certeau et son petit livre sur La possession de Loudun (coll. « Archives », n° 37), qui vaut d’une manière générale pour les bûchers des sorcières, à propos desquelles Robert Muchembled a livré également des ouvrages utiles. Les analyses de René Girard concernant le bouc émissaire, dans La violence et le sacré (1972) ou dans Je vois Satan tomber comme l’éclair (1999), présentent également de l’intérêt. Enfin, concernant les sermons généraux, très incisif est l’article de Grado Giovanni Merlo, « Il sermo generalis dell inquisitori. Una sacra rappresentazione anomala », dans Vite di eretici e storie dei frati, Bibl. Francescana, Milan, 1998.
38 À Aix-en-Provence, en 1437, les Prêcheurs quêtent au pied d’un bûcher, signe que les assistants, dans leur ensemble, ne manifestent aucune hostilité à cette forme de justice. Cf. L. Stouff, « Le couvent des Prêcheurs d’Arles xiiie- xve siècle », Cahiers de Fanjeaux, 36, 2001, p. 72.
39 Cf. J.-L. Biget, « L’extinction du catharisme urbain : les points chauds de la répression », Cahiers de Fanjeaux 20, 1985. Id., « Hérésie, politique et société en Languedoc, vers 1120-vers 1320 », in Le Pays cathare. Les religions médiévales et leurs expressions méridionales, Paris, 2000 ; Id., « Réflexions sur “l’hérésie” dans le Midi de la France au Moyen Âge », Heresis 36-37, 2002, p. 60-62, notamment.
40 Histoire albigeoise, trad. Guébin-Maisonneuve, p. 56.
41 Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, XXIII, p. 892.
42 Édit. Martin-Chabot, laisse 69, t. I, p. 168.
43 Chanson, t. I, p. 168-169.
44 Histoire albigeoise, trad. Guébin-Maisonneuve, p. 231.
45 Histoire de Languedoc, édit. Privat, t. VIII, col. 1506-1509.
46 Ainsi que l’a souligné Jean-Claude Schmitt, s’inspirant de sociologues plus anciens. Cf. « Une histoire religieuse du Moyen Âge est-elle possible ? », in Le corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie médiévale, Bibl. des histoires, Gallimard, Paris, 2001, p. 36.
47 Cf. J.-L. Biget, « Réflexions sur “hérésie” », op. cit., et Pilar Jiménez Sanchez, L’évolution doctrinale du catharisme, xiie-xiiie siècle, thèse, Université de Toulouse-Le Mirait, 2000.
48 Cf. Zerner-Piéchon, « La croisade albigeoise, une revanche : des rapports entre la quatrième croisade et la croisade albigeoise », Revue historique, CCLXVII, p. 3-18. Voir aussi C. Woehl, Volo vincere cum meis vel occumbere cum eisdem. Studien zu Simon von Montfort und seiner nordfranzösischen Gefolgsleuten während des Albigenserkreuzzugs (1209 bis 1218), Frankfurt am Main, 2001.
49 Cf. Laurent Macé, Les comtes de Toulouse et leur entourage xiie-xiiie siècle, Toulouse, 2000 et Hélène Débax, La féodalité languedocienne, op. cit.
50 J.-L. Biget, « La croisade albigeoise et les villes », in La guerre et la ville à travers les âges, Centre d’études d’histoire de la Défense, 1999.
51 Cupientes. Cf. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXIII, col. 191 et sq.
52 Actes traduits in P. Bonnassie et G. Pradalié, La capitulation de Raymond VII et la fondation de l’Université de Toulouse 1229-1979, Toulouse, 1979, p. 43-51.
53 Le fait éclate lorsqu’au début du xive siècle Carcassonnais et Limouxins, acquis à la foi des bonshommes, portent leur allégeance au fils du roi de Majorque. Philippe le Bel les châtie sévèrement. Cf. Barthélemy Hauréau, Bernard Délicieux et l’inquisition albigeoise 1300-1320, 1877. À consulter dans l’édition préfacée par Jean Duvernoy, Toulouse, 1992. Voir également, Alan Friedlander, The Hammer of the Inquisitors. Brother Bernard Délicieux and the Struggle Against Inquisition in Fourteenth Century France, Leyde, 2000.
54 The formation of a perscuting society. Power and Deviance in Western Europe 950-1250, 1987, trad. française : La Persécution. Sa formation en Europe xe-xiiie siècle, Paris, 1991 – l’Essentiel repris et précisé dans La première révolution européenne xe-xiiie siècle, 2001.
55 Jusque vers 1165/1170, la dissidence du Languedoc est essentiellement un anticléricalisme radical, qui se fonde sur une lecture littérale de l’Évangile. Cf. sur ce point, J.-L. Biget, « L’anticléricalisme des hérétiques d’après les sources polémiques », Cahiers de Fanjeaux 38, 2003.
56 Cf. Robert Moore, « Synthèse », in La persécution du catharisme xiie-xive siècle, Carcassonne, 1996, et « Postface », dans Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Monique Zerner édit., 1998.
57 En même temps que celui de Saint-Pierre martyr et de Saint-Dominique. Cf. La réconciliation de Cordes, le 29 juin 1321, in Livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui 1308-1323, Annette Palès-Gobilliard éditeur, Paris 2002, p 1230-1231. Pour Albi, cf. Clément Compayré, Études historiques sur l’Albigeois, Albi, 1844, p. 509-510.
58 Cf. les ouvrages cités ci-dessus note 53.
59 Cf. Jean Duvernoy, Le registre d’inquisition de Jacques Fournier 1318-1325, 3 vol., Toulouse, 1965. Traduction par le même auteur, sous le même titre, 3 vol, Paris – La Haye, 1978.
60 Bernard Gui, Manuel de l’inquisiteur, édit. G. Mollat, titre VI « Des sorciers, devins et invocateurs des démons », t. II, p. 20 et sqq. Voir aussi Alain Boureau, Satan hérétique. Histoire de la démonologie (1280-1330), Paris, 2004.
Auteur
Professeur émérite d’histoire du Moyen Âge à l’École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, a publié notamment « Hérésie, politique et société en Languedoc », in Le pays cathare, J. Berlioz dir., Seuil, Paris, 2000 ; « Réflexions sur "l’hérésie" dans le Midi de la France au Moyen Âge », in Hérétiques ou dissidents ? Réflexions sur l’identité de l’hérésie au Moyen Âge, Heresis 36-37, 2002 ; Notices « Albigeois », « Cathares », « Inquisition », « Languedoc », « Septimanie », « Vaudois », dans Dictionnaire du Moyen Âge, C. Gauvard, A. de Libéra, M. Zink, dir., Paris, 2002 ; « Les bons hommes sont-ils les fils des Bogomiles ? Examen critique d’une idée reçue », Slavica Occitania 16, Toulouse, 2003 ; « L’Inquisition en Languedoc 1229-1329 », in L’Inquisizione, Studi e Testi 417, Città del Vaticano, 2003. Il travaille actuellement sur l’histoire urbaine et religieuse de la France méridionale durant la période médiévale. Il dirige, pour le Moyen Âge, la collection Regards sur l’histoire (Sedes-Armand Colin) et une Histoire de la France médiévale, en préparation aux Éditions Belin.
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