Chapitre III. Freins et retards de l’alphabétisation populaire
Quelques tentatives d’explications
p. 259-294
Texte intégral
1Dans la société traditionnelle du xviiie siècle, organisée de manière très hiérarchisée, l’aspiration populaire d’accéder à l’instruction change les règles du jeu social. Cette aspiration a manifestement conduit aux progrès de l’alphabétisation, même si, comme en témoigne la disparité des résultats, les contrées de Haute-Guyenne sont inégalement alphabétisées. L’essor de l’enseignement auquel l’Église a largement contribué est diversement interprété au siècle des Lumières, et les conceptions antagonistes qui surgissent dans le royaume, au sujet de l’instruction du peuple, s’expriment aussi dans cette généralité1. Les débats ont alors opposé les esprits éclairés favorables à l’essor de l’instruction des enfants et ceux qui y sont hostiles ; aussi arrive-t-il souvent que ces rivalités se manifestent, au cours des délibérations consulaires dans les communautés. Maintes fois déclenchées par les parents, ces controverses ont marqué la deuxième moitié du xviiie siècle, et, quoiqu’ici ou là soit affirmée l’idée d’une « école publique », c’est pourtant l’improvisation et l’hétérogénéité qui président au décollage de l’enseignement, car, de multiples entraves retardent l’instruction du peuple, instruction dont la majorité des hommes et surtout des femmes ne profite pas.
I. « Mais est-il utile à la société que le peuple soit instruit ? »
2Cette question d’un avocat auprès de la Cour des Aides de Montauban, Jean de Cathala-Coture, expose crûment la manière dont les élites cultivées s’interrogent sur l’utilité de l’instruction populaire. Une pareille interrogation conduit plus d’un lettré à répondre par la négative, et elle conduit plus d’un responsable de l’administration royale à exprimer, sans détours, une franche détermination à contrecarrer la multiplication des écoles. De fait, les trois freins majeurs de l’alphabétisation du peuple résultent de l’attitude affichée par l’administration royale, de la désapprobation résolue des lettrés et de l’opposition des notables.
A. L’opposition des autorités politiques ou administratives à l’instruction populaire
3En appliquant les ordonnances royales qui imposaient le développement de l’instruction des enfants dans les pays protestants, les intendants ont, d’une certaine façon, contribué à encourager les petites écoles, jusqu’au milieu du xviiie siècle. Dès les années 1750, un nouvel état d’esprit s’exprime dans les directives qu’ils donnent. Alors que le contrôle de l’administration royale sur les dépenses des communautés devient de plus en plus rigoureux, les témoignages de franche hostilité, à l’égard des petites écoles sont fréquents losqu’on parcourt la correspondance des intendants, tout particulièrement en Gascogne ou en Languedoc2. Dans la généralité d’Auch, d’Etigny considère, en 1759, que « l’imposition pour le régent est réelle et fort inutile », en répondant à une requête sur les charges excessives de la communauté d’Aucamville, située près de Verdun-sur-Garonne. Une autre fois, il estime que les pères de famille peuvent « chacun en leur particulier, payer le maître d’ecole dont ils se serviront pour instruire » leurs enfants3. En Haut-Languedoc, le subdélégué de Toulouse annule les honoraires du régent de Gardouch, dans l’état des charges locales, attendu « l’inutilité de l’instruction pour les paysans »4.
4Dans la généralité de Montauban, l’intendant de Gourgues qui exerce ses fonctions entre 1761 et 1773, se montre lui aussi plutôt hostile à l’essor des petites écoles, si Ton en croit la correspondance de l’un de ses plus proches collaborateurs, Baudinot5. Par deux fois, les lettres de ce dernier expriment ses convictions, à l’égard de l’augmentation des gages du régent de Montpezat-de-Quercy. Les consuls de cette bourgade ont adressé, en décembre 1768, une lettre au Contrôleur général des Finances pour demander l’autorisation d’attribuer dans l’état des charges locales, une somme de 200 livres pour la rémunération du régent, au lieu des 150 livres antérieurs. L’avis de l’intendant est alors sollicité et Baudinot écrit, dès le 28 janvier, au subdélégué de Caussade, Liauzu :
« Je vous prie de me marquer ce que vous pensez de cette demande, si ce lieu est assez considérable, et le régent assez précieux pour mériter une pareille augmentation. »
5Le subdélégué répond le 16 mars que :
« Il y a quantité de jeunesse dont les parents ne sont point en état de faire apprendre à lire et à écrire et les premiers principes de la latinitté. Le régent est bon et ils en sont contents ».
6En dépit de cette réponse favorable, au nom de l’intendant, Baudinot refuse de répondre favorablement à la requête. Le 27 mars, il adresse une longue lettre au Contrôleur général pour lui expliquer les raisons de son refus. Il développe trois arguments : le premier est qu’il se base sur la déclaration royale de 1724 qui fixait alors les gages des régents à 150 livres. Le deuxième est qu’il pressent un risque de contagion dans la mesure où beaucoup de communautés, s’appuyant sur l’exemple de Montpezat risquent de demander des augmentations pour leurs régents « attendu que depuis la fixation de leurs gages, le prix des vivres a presque doublé ». Son troisième argument va beaucoup plus loin, il donne alors son sentiment sur les écoles :
« Je regarde les dépenses que font les communautés pour leurs régents comme étant d’une utilité très modique ces régents ne sont presque nécessaires que pour les enfants des principaux habitants qui par ce moien ne paient que très peu de chose aux régents pour la première éducation de leurs enfants, mais cette dépense ne procure aucun avantage au plus grand nombre de ceux qui y contribuent. »6
7Baudinot utilise pratiquement les mêmes arguments que l’intendant d’Etigny en considérant, comme lui, que la charge de régent doit incomber seulement aux parents désireux de faire assurer l’instruction à leurs enfants.
8Un autre exemple témoigne du mépris que le sieur Baudinot peut avoir à l’égard des écoles du peuple, qu’elles soient pour les garçons et, à plus forte raison, pour les filles. Lorsque le curé et les consuls de La Panouse, dans l’élection de Millau, demandent l’établissement d’une école de charité destinée aux jeunes filles, Baudinot donne son avis sur ce genre d’écoles, et il écrit dans une lettre au Contrôleur général des Finances : « J’ai toujours regardé ces sortes d’établissements comme pernicieux surtout dans les campagnes »7. Plus tard, s’adressant au subdélégué de Millau, il lui demande de répondre à quelques unes de ses interrogations :
« 1° quelle est l’étendue de cette paroisse, le nombre et autant qu’il sera possible la fortune des habitants. 2° Si l’établissement que l’on veut faire est nécessaire, ou au moins s’il est d’une utilité évidente. »
9Autant de questions qui témoignent de ses doutes, et, en tout état de cause, de son attitude dédaigneuse, à l’égard de l’instruction des gens du peuple.
10Quelle que soit la généralité, dès qu’il s’agit d’accroître les gages des régents, dans les années 1760 et 1770, les réponses des intendants semblent unanimes. Asphyxier les petites écoles jugées inutiles est une résolution clairement manifestée de la part de l’administration royale. Pourtant, cet étouffement n’apparaît pas aussi nettement en Quercy et en Rouergue, si l’on considère la nouvelle administration mise en place, à partir de 1779, celle de la Commission intermédiaire qui dépend de l’Assemblée de Haute-Guyenne. Nous avons déjà mentionné le rôle joué par cette autorité dans le contrôle des dépenses communautaires et, en particulier, pour la fixation des gages des régents, à la veille de la Révolution8. Les états des charges locales visés par les « vérificateurs » de la dite Commission portent dans la marge l’appréciation portée sur le montant prévu pour les différentes dépenses. Le plus souvent apparaît la mention : « Bon suivant l’usage ». Toutefois, lorsque des augmentations des gages sont proposées pour le régent, il se produit fréquemment qu’elle soit rejetée ; mais ce rejet n’est peut-être pas aussi catégorique que l’avis généralement exprimé par l’administration des intendants, excepté pour les petites communautés. Ainsi, à Plaisance, dans l’élection de Millau, les 150 livres prévues pour le maître d’école, en 1788, paraissent rayées de manière péremptoire, avec la mention « Néant, sauf à se pourvoir par délibération expresse ». Ce rejet a incité les autorités consulaires a s’adresser à l’intendant de Trimond pour lui demander d’approuver cette somme puisqu’ils ont embauché un régent, Pierre Fabas, pour apprendre aux enfants « les éléments de la religion et les principes de l’écriture et lecture »9. Cette requête dut être sans effet, puisque l’année d’après, rien n’est prévu dans la « mande » de Plaisance pour les gages d’un maître d’école. Le même rejet est exprimé, à l’égard d’une petite communauté de l’élection de Figeac, celle de Biars, où les 36 livres prévues « pour les gages du régent servant à l’instruction de la jeunesse de la ditte communauté » apparaissent aussi rayées par les vérificateurs10. Observons toutefois qu’une telle rigueur ne s’applique pas pour des communautés plus grandes, bien au contraire ! Incités à prévoir des gages pour un régent, les consuls de Bozouls semblent l’accepter de mauvais gré comme l’indique le cinquième article de leur « mande » où ils écrivent :
« […] et finallement la paroisse de Bozouls étant une des plus vastes du diocèze, est obligée d’imposer une somme de deux cents livres pour fournir à l’entretien d’un maître d’école. »11
11De nombreuses villes et bourgades ont opéré, au cours des années 1780, un rattrapage des salaires attribués aux maîtres d’écoles comme s’il s’agissait alors d’une nécessité reconnue.
12Les autorités administratives, qu’il s’agisse des services de l’intendant ou de ceux de la Commission intermédiaire, se sont montrées particulièrement hostiles à l’essor de l’enseignement pour les enfants du peuple dans les petites communautés. Leur conception d’une école réservée à une minorité, celle des « principaux habitants », est, en réalité, conforme à la philosophie des Lumières.
B. L’opposition des élites urbaines gagnées aux idées des Lumières
13À Saint-Antonin, à Lauzerte, à Caussade, à Souillac, à Figeac, les discours de notables locaux, lorsqu’ils s’adressent au roi ou à l’intendant, afin de les supplier d’accroître les ressources des collèges pour leurs villes, apparaissent nettement marqués par les idées des Lumières. Ces requêtes, comme la plupart de celles qui visent à créer des régences demeurent insatisfaites, par la volonté de l’administration royale d’empêcher la multiplication des collèges. Ainsi, les discours sur l’éducation sont-ils, en ce temps-là, souvent contradictoires et équivoques12. Face à une forte demande sociale inspirée par des esprits qui se veulent éclairés, de nombreuses voix s’élèvent, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, pour demander la réduction du nombre de collèges et de petites écoles13. Illustre partisan de la réorganisation du système d’enseignement, La Chalotais s’est fait le porte-parole des Lumières, en se montrant favorable à une remise en ordre dans la répartition des collèges, en souhaitant limiter l’instruction des humbles, une instruction qu’il entend réserver aux élites sociales. Dans son Essai d’éducation nationale14, il se lance dans une diatribe qui remet en cause l’ordre ancien :
« Est-il besoin pour l’instruction des peuples et pour le bien de la religion qu’il y ait au moins 250 000 prêtres ou religieux dans le royaume ?… L’instruction des procès exige-t-elle ce nombre incroyable d’officiers et de suppots de judicature qui désolent les habitans des viles et des campagnes ? N’y a-t-il pas trop d’écrivains, trop d’académies, trop de collèges ? »
14Ces idées de La Chalotais comme celles de Rolland d’Erceville15 ont probablement influencé l’abbé Teulières, professeur d’éloquence au collège de Montauban, lorsqu’il a écrit son libelle s’intitulant : Des vices de l’éducation publique et des moyens d’y remédier sans aucune surcharge pour l’État16, où il offre un bilan particulièrement sévère, sur ce sujet. Déplorant que la France soit inondée par un grand nombre de collèges, il observe que :
« Chaque ville veut avoir le sien… Aussi, la plupart de ces collèges pour ainsi dire sans écoliers, hors d’état de réunir un cours complet d’instructions et presque toujours livrés aux plus mauvais maîtres… n’offrent que des études languissantes et sans vie. »17
15De son point de vue, la remise en cause des collèges s’inscrit dans une volonté de réorganisation institutionnelle, mais aussi, de rénovation pédagogique.
16Évoquant l’œuvre de l’abbé de Latour, doyen du chapitre de Montauban et éminente figure de la vie littéraire et cultivée de cette ville qui finança la création de l’école des Frères chrétiennes, Jean de Cathala-Coture, dans son Histoire de Querci mentionne les « bienfaits » de ce clerc, ce qui lui donne l’occasion d’analyser les jugements portés par ses amis sur l’instruction des enfants.
« Il fonda à perpétuité un prix d’éloquence et il dota les Frères des écoles chrétiennes, congrégation édifiante et utile, chargée par l’État de donner au peuple les principes de la religion et ces premières connaissances nécessaires qui remplit un emploi même subalterne dans une société policée. Ce dernier bienfait de l’abbé de La Tour a assuré l’instruction au peuple. Mais est-il utile à la société que le peuple soit instruit ? Quelques observateurs ont envisagé les écoles destinées à cette classe de citoyens comme funestes à l’État. Selon eux c’est nuire aux arts nécessaires et utiles, arracher les bras aux ateliers et dépeupler les campagnes. On se plaint surtout que dans les villes maritimes on trouve à peine de sujets pour les premières manœuvres d’un vaisseau, depuis l’établissement de ces écoles… »18
17Ce texte illustre les sentiments d’un lettré soucieux d’encourager l’instruction populaire comme l’a fait l’abbé de Latour. Il critique l’opinion partagée par beaucoup de notables qui, s’appuyant sur la notion de l’intérêt général, entendent maintenir le peuple dans l’ignorance. Il plaide en faveur d’un enseignement généralisé des enfants qui leur permette, à tous, d’acquérir un minimum de connaissances.
18Une autre personnalité, un noble seigneur du Carladès, M. Verdier de Mandaillac, se distingue par ses largesses à l’égard du menu peuple et par son souci de l’instruire. Il se comporte comme un généreux bienfaiteur dont J.F. Henry de Richeprey vante les mérites dans son Journal des voyages, lorsqu’il écrit à son sujet : « Il a établi des maîtres d’école dans toutes ses terres et il a souvent délivré annuellement 200 setiers de bled »19 pour leur entretien. Il s’agit-là d’une exception et dans leur grande majorité, les nobles et notables de Haute-Guyenne gagnés aux idées nouvelles se montrent hostiles à l’instruction du peuple, à l’instar de l’abbé Teulières.
19J.F. Henry de Richeprey se montre lui-même plutôt hostile à une instruction généralisée des enfants. Comme la plupart des esprits éclairés, il n’est pas du tout convaincu de l’utilité de l’alphabétisation du peuple. Cela transparaît dans son Journal des voyages, lorsqu’il passe à Marcillac en Rouergue où une partie des revenus du chapitre abbatial supprimé doit être affecté à la fondation d’une école : Richeprey reprend les interrogations des notables qui n’en voient pas l’intérêt. Au lieu de ces écoles qui « ajouteront peut-être à l’oisiveté et à la misère publique », il se demande, alors, s’il ne vaudrait pas mieux un établissement utile au bien public :
« Tel seroit un auspice de charité et de travail où Ton élèveroit les enfans et les jeunes filles à travailler et on ouvreroit les laines et les chanvres »20.
20Richeprey qui épouse habituellement les préoccupations économiques des physiocrates21 n’admet pas leurs idées favorables au développement de l’instruction des enfants qu’ils considèrent comme un moyen de garantir la stabilité sociale. Son premier souci est de combattre l’oisiveté, et, de ce point de vue, la solution qui lui paraît la meilleure, est de créer des maisons de charité destinées à faire travailler les désœuvrés. Partisan du renfermement des pauvres, il approuve la création de ces hospices du travail lorsqu’il passe à Rodez, Espalion, Gramat ou Saint-Céré22 et il lui arrive d’en préconiser la fondation dans d’autres bourgades comme Salles-Curan ou Sauveterre ; en revanche, il se préoccupe beaucoup moins de mentionner les écoles auxquelles, visiblement, il ne s’intéresse pas.
21La fin du xviiie siècle traduit, ainsi, une progression des idées élitistes qui tendent à réserver l’instruction des enfants à une minorité. Ces idées encouragent un contrôle de plus en plus rigoureux et tatillon de l’administration royale, et donc, de l’État, sur les écoles et les collèges, en exigeant que la qualité de l’enseignement s’y trouve améliorée23. Les lettrés ne furent pas les seuls à juger que l’école était inutile pour les travailleurs de la terre et les premiers intéressés dans les campagnes, les notables ruraux, eurent quelquefois, eux aussi, une attitude circonspecte à l’égard de l’instruction des enfants.
C. L’opposition des notables ruraux
22Lorsqu’il est question de l’instruction des enfants, dans les communautés, les délibérations consulaires constituent une source essentielle pour comprendre les réactions des notables. Il arrive, d’ailleurs, que des consuls se montrent favorables à encourager cette instruction, mais les discours traditionnels qui associaient, au début du siècle, l’éducation religieuse et celle de la morale, aux apprentissages de la lecture et de l’écriture, se font de plus en plus rares, et l’hostilité à l’égard d’une école ouverte à tous les enfants semble gagner les notables qui gèrent les affaires communautaires.
23Ici ou là, les débats, au sein des assemblées politiques, ont donné lieu à des affrontements entre partisans et adversaires de la prise en charge d’un régent. Les problèmes se posent avec plus d’acuité, quand la volonté d’instituer un maître d’école est exprimée par des gens du peuple. À Castelmayran, une délibération consulaire24, en 1785, illustre le refus des notables de vouloir inclure dans les charges de la communauté 150 livres, pour les gages d’un régent. Ils rejettent avec mépris « la requette que quelques tisserants, tailleurs, maçons… » adressent à l’intendant, « puisque tous ensemble ne font pas le dixième de la capitation de la commté qu’il y en a même qui n’en payent point du tout ». Parmi les raisons invoquées, celle qui apparaît décisive dans leur esprit, c’est que la revendication de rémunérer un régent puisse être formulée par des artisans de médiocre condition. Cela correspond à un état d’esprit communément partagé où il est entendu, dans l’esprit des notables, que l’instruction des enfants doit être réservée aux familles dont le rang social est considéré comme honorable et mérite de se distinguer par l’instruction.
24Cet état d’esprit se retrouve dans une donation faite pour la fondation d’une régence, dans la paroisse de La Croix, par le prieur et seigneur de Mur-de-Barrez, le chanoine Toussaint de Belmon. Entre autre condition prévue, le prêtre désigné pour prendre en charge cette régence « sera obligé d’apprendre matin et soir à lire et à écrire gratuitement à tous les enfans males », mais, il est en outre prévu, selon l’intention du donateur, « qu’il ne puisse enseigner les premiers élémens de la langue latine qu’à trois ou quatre élèves qui lui seront indiqués par le sieur curé, consul et quatre propriétaires habitants les plus forts taillés de la communauté ». Il s’agit évidemment de réserver cet enseignement à une minorité d’enfants qu’ils ne manqueront pas de choisir dans leurs familles ou dans celles qui leur sont proches socialement.
25Des désaccords peuvent se traduire par une opposition virulente au sein de l’assemblée communautaire. C’est le cas à Castelmus où, le 10 juin 1781, une partie des notables protestent parce qu’il est prévu d’imposer 100 livres pour un régent, huit d’entre eux signent l’état des charges locales en précisant, à côté de leur signature : « Opposant au maître d’école »25. À Albas, les débats se sont traduits par des dissensions entre les notables, à l’occasion de la délibération du 14 septembre 1788, qui a prévu 150 livres destinées à rémunérer un vicaire-régent dans l’état des charges locales pour l’année 1789. Grâce à une lettre adressée à la Commission intermédiaire, il est possible de savoir quels étaient les protagonistes. Opposés à cette dépense se comptent sept ou huit gros propriétaires dont le premier consul en personne, alors que « les habitans qui demandent l’imposition sont en plus grand nombre dont plusieurs notables et autres gros laboureurs qui ont leurs habitations dispersées dans des mazages assez éloignés »26. Dans cette communauté, l’avantage est revenu à la majorité, mais, l’opposition entre les niveaux de revenus n’est pas aussi nette qu’à Castelmayran ou à Castelmus ; d’autres divergences de points de vues permettent de distinguer partisans et adversaires de la rémunération d’un régent, dans une paroisse.
26Les critères économiques ne sont évidemment pas absents de ces débats et, à partir des années 1770, l’on peut constater des difficultés à recruter des maîtres d’école du seul fait de la modicité de leurs gages. Les mauvaises récoltes des années 1774, 1779, 1782 à 1784 puis celles de 1788 et 178927 ont, peu ou prou, marqué toue la Haute-Guyenne. Il est possible d’établir la correspondance entre ces crises et le nombre d’étudiants rouergats inscrits à la Faculté de droit de Toulouse, au cours de ces années-là, et l’on peut, alors, constater une forte diminution des inscriptions, lors des années de mauvaises récoltes où moins de la moitié des étudiants s’inscrivent par rapport aux années courantes28. Les crises économiques qui touchent, périodiquement, le Bassin aquitain, au cours des années 1770 et 1780, aggravent les difficultés financières des communautés qui se traduisent par des déséquilibres croissants entre les recettes et les dépenses consulaires29. Cet alourdissement des dépenses ne plaît évidemment pas aux « bien-tenants », comme ils le font savoir, à la veille de la Révolution, dans les cahiers de doléances. À caractères économiques, ces dissensions qui se manifestent, dès la deuxième moitié du xviiie siècle, au cours des débats au sein des communautés, prennent de plus en plus souvent un caractère culturel et idéologique. Un groupe social relativement homogène préfère combattre la hausse des dépenses communautaires et cela se traduit, notamment, par leur obstruction à l’embauche d’un régent.
27Longtemps après la Révolution, les notables ont continué à faire obstacle à la création des écoles, dans l’Est Aquitain. André Armengaud attribue à l’hostilité des gros propriétaires fonciers qui craignent l’émancipation des travailleurs de la terre, le médiocre niveau de l’instruction populaire qu’il constate au xixe siècle30. Analysant, dans un mémoire, les entraves qui empêchent la construction des écoles, en 1860, un instituteur de Saint-Michel-Banière dans le département du Lot, constate que :
« dans une commune lorsqu’il est question de construire ou d’acquérir une maison d’école, les personnes les moins aisées le voient généralement avec plaisir tandis que celles qui sont les plus favorisées de la fortune s’y opposent très souvent »31.
28Ce clivage constaté de nombreuses fois, au xixe siècle, a probablement commencé à se manifester, bien avant la Révolution, et il constitue déjà l’un des clivages essentiels qui opposent tous ceux qui sont ouverts aux progrès et aux changements, aux tenants des conservatismes.
29Refus des autorités, refus des élites et refus des notables se conjuguent, sans cesse, pour contrecarrer les progrès de l’instruction des enfants, dans les villes, et surtout dans les communautés rurales. Ces refus constituent, certainement, les freins les plus puissants de l’alphabétisation populaire, en Haute-Guyenne. Ils permettent d’entrevoir aussi, il est vrai, les réticences des esprits éclairés, face à l’essor de l’enseignement, tant l’esprit élitiste qui prévaut dans les milieux socialement les plus distingués, illustre les équivoques des idées des philosophes, au Siècle des lumières. Au demeurant, les retards de l’instruction, dans le Midi, ne sont pas dus seulement à l’hostilité des élites et d’autres raisons, plus traditionnelles, ont contribué, par le passé, à freiner le développement des écoles.
II. Le poids des traditions et le problème du bilinguisme
A. La francisation progresse en même temps que la propagation de l’écrit
30Faut-il lier les progrès de la francisation à ceux de l’alphabétisation ? Il ne peut y avoir aucun doute sur ce point tant l’usage du français s’est généralisé en tant que langue écrite, depuis le xvie siècle, alors que l’ordonnance de Villers-Cotterêts édictée par François Ier, en 1539, a interdit l’usage du latin et souhaité généraliser, dans tout le royaume, l’usage de « la langue maternelle françoise » comme la seule langue en matière de justice.
« Nous voulons derefnavant que tous arretz, ensemble toutes procédures soient de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, soient des registres, enquestes, contratz, commissions, sentences, testamens et autres quelconques actes et exploictz de justice ou qui en dépendent, soient prononcez, enregistrez et délivrez aux parties en language maternelle françoyse, et non autrement. »32
31Cette formulation laisse place aux idiomes particuliers et c’est seulement, sous le règne de Louis XIV, que le français est imposé par divers édits aux nouvelles provinces annexées33. En réalité, les élites locales et, en particulier, les tabellions dont les études se faisaient de plus en plus en latin et en français, utilisent progressivement cette langue dans la rédaction de leurs actes et abandonnent la langue occitane, sans que rien ne les y oblige. C’est bien par un choix délibéré des élites que s’est opérée la francisation dans le Midi, beaucoup plus que par la contrainte, et de nombreux témoignages permettent de confirmer la rédaction des actes en français chez les notaires, bien avant l’édit de Villers-Cotterêts34, C’est dire que, dès cette époque, la maîtrise du français progresse.
1. La connaissance du français se propage dans toute la Haute-Guyenne
32Le français est introduit, en Quercy, dès le milieu du xvie siècle, et, en Rouergue, quelques décennies plus tard, chez les notaires comme dans les délibérations consulaires. Cette pénétration de la langue d’oil35 se traduit rapidement par la francisation de l’enseignement. Au cours de la deuxième moitié du xvie siècle, les méthodes pédagogiques pratiquées dans le Midi deviennent progressivement identiques à celles de la France du Nord. L’apprentissage de la lecture se fait, à partir de livres écrits en latin ou en langue française, et celui de l’écriture doit suivre la même voie, en reproduisant les mots du vocabulaire dans ces deux langues. Ce n’est donc pas par hasard que les communautés du Midi font appel pendant longtemps à des maître d’écoles venus du Nord de la France, et, plus particulièrement, les protestants. À Saint-Antonin, une délibération consulaire du 25 avril 1563 mentionne que le régent Pierre de la Balme est originaire de Provins ; une autre du 7 juin 1577, indique que le syndic a fait « venir en ceste ville Me Pierre de la Roche, régent natif d’Estampes »36. Grâce à la progression de la langue française dans l’enseignement, il est indéniable que l’usage de l’occitan en tant que langue écrite a, très tôt, disparu des actes officiels. Un peu plus tôt en pays toulousain et en Quercy, un peu plus tard en Rouergue.
33Tout au long du xviie siècle, le français a progressivement remplacé le latin comme langue d’enseignement dans les collèges. L’œuvre des protestants a certainement contribué à cette mutation. Celle des Jésuites a accéléré le processus, dans l’enseignement catholique. Il est clair que les progrès de la francisation, dans le Midi, touchent, d’abord, les élites des villes et une minorité de notables dans les campagnes. Pendant longtemps, l’occitan est resté la langue du peuple et par conséquent celle de l’ignorance. De façon à rester proche de lui, l’Église a encouragé son clergé à conserver cette langue, dans ses prêches et dans ses missions de conversion. Nous avons déjà évoqué les consignes données, en ce sens, par Alain de Solminihac, l’évêque de Cahors qui publie, en 1644, un catéchisme en langue vulgaire, afin qu’il soit mieux compris des enfants. L’enseignement du catéchisme est probablement resté, pendant longtemps, assuré en occitan, mais il est de plus en plus donné en français, au fur et à mesure où progresse l’instruction des enfants, d’autant plus que de nombreux vicaires se montrent soucieux, à travers leur enseignement, de contribuer à la francisation de ceux qu’ils éduquent. Le Catéchisme nouveau imprimé par l’ordre de monseigneur Henri de Briqueville de La Luzerne, évêque, baron et comte de Caors, est un petit manuel bilingue, publié en 1721, avec le texte occitan, d’un côté, et le texte français, de l’autre. Il est probable qu’il est destiné, de notre point de vue, à stimuler une meilleure connaissance de la langue française et témoigne du changement d’état d’esprit de l’épiscopat qui entend combattre le patois « quercinol » dans son diocèse37. Du reste, les deux publications faites, ensuite, par cet évêque, en 1738 et 1747, sont des catéchismes en français. Cette entreprise ne signifie nullement que ces livres soient lus par les enfants, car le peuple quercinois, peut-être davantage que les Rouergats, a résisté à la francisation, comme peuvent en témoigner les rapports des inspecteurs primaires, au xixe siècle.
34Il ne faut pas exagérer cependant la méconnaissance du français, de la part de la majorité des habitants de Haute-Guyenne. À trop prendre au pied de la lettre les considérations des notables, on a souvent généralisé de manière abusive, comme pour l’alphabétisation, des appréciations subjectives sur la méconnaissance du français. Jean-François Marmiesse cite le seigneur de Lauture, lorsqu’il dit à sa mère :
« Combien voulez-vous me donner toutes les fois que je vous reprendrai pour avoir mal parlé le français ? Donnez-moi seulement cinq sous pour chaque faute que vous ferez, et j’aurai ma bourse assez bien garnie quand j’irai rejoindre mon régiment ».
35De toute évidence le grief que ce seigneur fait à sa mère, ce n’est pas qu’elle ne connaisse pas le français, c’est qu’elle le parle mal38. Il reproche déjà, comme on le fait au siècle suivant, une connaissance du français jugée trop imparfaite, sur le plan de la grammaire, de la prononciation ou de la construction des phrases. La difficulté est bien là, même pour une femme d’un milieu instruit. Passer d’un idiome maternel à une autre langue demande un effort qui peut être plus ou moins bien accepté et se heurte à une réticence difficile à surmonter. Bon nombre de Quercinois et de Rouergats ont rechigné à se plier aux apprentissages du français académique, en se contentant d’un amalgame qui utilise les mots courants de la langue française et les structures de la phrase occitane, ce qui évidemment ne peut satisfaire ceux qui souhaitent entendre parler la même langue de Paris à Perpignan. Du reste, le principal obstacle auquel se heurtent les maîtres d’écoles n’est pas l’apprentissage du français en lui-même, il tient au fait que bon nombre d’enfants passent trop peu de temps à l’école39.
2. Les problèmes du bilinguisme occitan-français
36Probablement, dès le xviiie siècle, habitude a été prise d’exagérer la méconnaissance du français dans le Midi. À trop prendre en compte les rapports administratifs du xixe siècle, comme on l’a fait pendant longtemps, les historiens ont fini par oublier que les Français et, notamment les Méridionaux, sont progressivement devenus bilingues, dès l’Ancien Régime, et que la survivance de l’occitan dans la vie quotidienne n’empêchait pas la pénétration du français en tant que langue du droit et de la vie collective40. Le bilinguisme est ancien, pour les notables ruraux et citadins. Il progresse dans les campagnes grâce à la multiplication d’écoles, mais aussi du fait de l’utilisation du français, dans les comptes rendus des délibérations consulaires ou, encore, en tant que langue des notaires et le plus souvent de l’Église. De toute évidence, les affiches de l’administration royale qui effrayaient tant les ruraux, au début du xviie siècle, et qui ont contribué à provoquer maintes révoltes, n’ont plus eu le même effet, dès la fin du siècle, alors que l’instruction a déjà beaucoup progressé.
37Les réactions de la population face à la francisation ont été variées et fluctuantes. Vers 1650, à Montpezat, les consuls protestent auprès du vicaire général parce que leur curé prêchait en occitan alors que « même le simple peuple a plus de peyne à entendre le gascon que le françoys »41. Le maire et premier consul de cette ville s’éleve de nouveau, en 1784 qu’« au lieu de prêcher suivant l’usage pendant la station de ce carême, c’est-à-dire trois sermons par semaine en langue françoise, le prédicateur chargé du mandement de monseigneur l’évêque ne fait qu’une instruction familière tous les dimanches en langue vulgaire et quelques prières »42. À Gourdon, les notables citadins ont protesté auprès d’Alain de Solminihac, leur évêque, contre la prédication du carême en langue occitane43. En revanche, dans une « supplique du menu peuple » de Saint-Antonin, adressée à l’évêque de Rodez, à la fin du xviie siècle, « on se plaint des vicaires qui n’entendent pas la langue du pays et ne peuvent faire entendre la moitié des paroles qu’ils disent aux paysans »44. Le 5 juin 1791, une délibération de la communauté de Vazerac constate que « la lecture a été faite en patois affin qu’elle feust connue de tous »45. Il est probable que ces 4 citations sont révélatrices de deux attitudes contradictoires en fonction du niveau d’alphabétisation selon qu’il s’agit de notables à Montpezat et à Gourdon et de gens du peuple à Saint-Antonin et à Vazerac. Ils dénotent l’inégale maîtrise du français qui existe, surtout au xviie siècle, entre les gens du peuple et les élites.
38Est-il possible de déterminer des différences linguistiques nettes, dans tous les domaines de l’expression, en occitan et en français ? Il est permis d’en douter, dans la mesure où la langue administrative, la langue d’oil, s’impose dans tous les actes écrits, qu’il s’agisse des actes des notaires, des délibérations consulaires ou des instructions officielles de l’Église ou de la monarchie. De fait, que pouvaient exprimer ceux qui se chargeaient de communiquer au bon peuple, les éventuelles traductions comme à Vazerac ? Sûrement pas du vocabulaire, puisque tous les mots de la langue française se sont imposés, dans la terminologie juridique, même si leurs terminaisons peuvent être occitanisées. S’agissait-il, alors, par des structures de phrases occitanes, de faire comprendre les décisions prises ? Si c’était le cas, cela ressemble ni plus ni moins aux explications, en patois, que peuvent donner dans d’autres régions françaises, des notables cultivés. De ce point de vue, l’obstacle de la langue n’est plus, alors, une difficulté insurmontable, pour tous ceux qui ont appris le français à l’école ou au catéchisme. Cela viendrait davantage d’un repliement culturel qui caractérise certaines contrées où la pénétration du français et de l’école est demeurée trop marginale, pour permettre une réelle acculturation, alors que celle-ci s’est faite, progressivement, dans d’autres contrées, plus ouvertes à l’instruction et à la francisation.
39Pour la communauté de Vazerac, le retard de la francisation est évidemment lié à celui de la scolarisation, déjà constaté dans les coteaux du Bas-Quercy. Une étude récente s’est intéressée à la survivance de l’occitan, dans un petit village du Quercy blanc46. L’auteur a constaté combien cette langue est vécue aujourd’hui comme celle de l’infériorité et de la dérision ; mais, il est probable que ce sentiment n’est pas nouveau et que peu ou prou, il est partagé, au xviiie siècle, par les gens du peuple, conscients d’être inférieurs, puisqu’ils s’expriment mal dans la langue du pouvoir et du savoir. De ce fait, il est difficile d’apprécier les résistances à cette francisation. Pour autant qu’on puisse en juger, il semble qu’elles soient rares chez les notables, même s’ils continuent à s’exprimer dans les conversations courantes en occitan, et même si certains d’entre eux ont parfois écrit dans cette langue, dans l’espoir d’être mieux compris par le peuple47.
40Le problème du bilinguisme a suscité débats et controverses au cours de la Révolution. L’enquête sur « les patois et les mœurs des gens de la campagne » commandée par Grégoire, en 179048, a donné lieu à un rapport d’un ex-capucin rouergat en révolte contre l’Église : François Chabot49. L’analyse qu’en donne l’étude de Jacques Frayssenge, dans la Revue Lengas, semble considérer que ses appréciations étaient justifiées. Sans doute, faut-il nuancer les jugements de Chabot, et corriger les chiffres fantaisistes qu’il donne. Chabot est partisan de développer l’instruction du peuple en français, même s’il faut le faire de façon progressive. Son point de vue s’inscrit dans une stratégie propre aux révolutionnaires, pour lesquels la langue est, non seulement, un moyen de communication qu’il s’agit d’unifier, mais elle est, aussi, un outil symbolique qui doit permettre de façonner l’homme nouveau et de transformer ses représentations mentales50. Le point de vue de Gautier-Sauzin, un Montalbanais féru de pédagogie, semble, de son côté, vouloir encourager un enseignement en occitan, en considérant qu’il est la seule langue accessible au peuple51. S’adressant au Comité de l’instruction publique de l’Assemblée nationale, il dénonce « la vanité radicale des entreprises d’unification linguistique », considère que les paysans doivent être instruits « exclusivement dans leur langue maternelle » et préconise « une pédagogie du patois, promu langue régionale à part entière ». Bien qu’appartenant à la Société populaire de Montauban, Gautier-Sauzin fait partie des notables éclairés et il peut être soupçonné, comme en témoignent, par ailleurs, ses engagements politiques plutôt conservateurs après la Révolution, de vouloir maintenir une certaine distance entre les gens du peuple qui demeurent occitanisés et les élites « bourgeoises » qui sont francisées et cultivées52. Du reste, on peut observer combien cette cassure, entre la culture populaire traditionnelle et la culture des notables citadins, est de plus en plus manifeste, dès la fin de l’Ancien Régime.
41Les débats de la période révolutionnaire expriment deux logiques diamétralement opposées. Les objectifs de Grégoire se voulaient généreux et recherchaient le bonheur du peuple, par l’uniformité de la langue. Ils partaient du préjugé que les idiomes locaux étaient un frein à l’instruction et, par conséquent, un frein à l’unification du pays. En ce sens, la lettre de Chabot n’est qu’un long réquisitoire sur les méfaits de l’occitan en Rouergue. À l’opposé de ce point de vue, se trouve celui des notables qui souhaitent, au contraire, maintenir le peuple dans l’ignorance du français afin de mieux le contrôler ; d’où ces discours en faveur des bienfaits de la langue occitane qui, en réalité, reflètent une volonté délibérée de soumettre le peuple à son hégémonie. Par là, les notables ont voulu à tout prix maintenir le peuple dans l’ignorance du français et empêcher la création des petites écoles. De ce point de vue, le discours maintes fois repris, au xixe siècle, selon lequel le peuple serait ignorant, correspond en réalité à la vision des notables. Et les rapports de l’administration royale des années 1820 ou 1830 sur lesquels l’on s’appuie pour constater l’ignorance du peuple, se situent dans cette logique purement élitiste du savoir. Une étude faite sur le patois dans la région de Laguiole par J.A. Brouzès, en 1838, illustre, à sa façon, cette volonté de maintenir le monde paysan dans l’ignorance du français. Deux citations de cette étude l’indiquent clairement :
« Je pourrais citer un chef-lieu de canton important où le curé a toujours défendu aux enfants des familles pauvres d’apprendre leur catéchisme et leurs prières en français »… « J’ai vu, en effet, des paroisses où les enfants sont obligés de réciter en patois leur catéchisme qu’ils ont appris en français. »53
42Ne peut-on emprunter au sociologue une tentative d’explication ? En évoquant les « oppositions les plus formelles » de la « mythologie sociale », Pierre Bourdieu considère qu’« elles renvoient plus ou moins discrètement aux oppositions fondamentales de l’ordre social »54. Or, la langue est certainement l’un des critères essentiels de la distinction sociale dans le Midi de la France, au xviiie siècle. Parler le français et l’écrire, c’est être distingué comme peut l’être de signer à l’église, le jour de son mariage. Comprendre cette volonté des notables de se distinguer du peuple, comme elle s’est longtemps perpétuée en Haute-Guyenne55, n’est-ce pas comprendre l’une des raisons majeures qui ont poussé les notables à retarder l’acculturation populaire dans les provinces méridionales ? De fait, le peuple ne parle que l’occitan, mais sa connaissance de la langue française n’est-elle pas suffisante pour lui permettre de la comprendre même s’il la parle mal ? et lui permettre de la lire et aussi de l’écrire ? Le bilinguisme implique un apprentissage du français à l’école, grâce à la lecture et à l’écriture. Cela demande un effort exigeant dont il faut tenir compte, comme un article de Mireille Laget l’a observé dans une paroisse du Bas-Languedoc56. Mais cette gêne ne doit pas être exagérée. Des études récentes témoignent d’une utilisation accrue du français dans les débats qui ont lieu dans le Midi pendant la Révolution. Ainsi, Georges Fournier souligne, en Languedoc, la multiplication des débats qui ont encouragé la diffusion de la langue française, lors des assemblées politiques, pendant la Révolution. Il remarque, notamment, que les délibérations se font dans les villes « à peu près exclusivement en français » et que la volonté de s’exprimer dans cette langue est de plus en plus manifestée, parce que, écrit-il : « Le français devient la langue de l’ordre… l’occitan celle du désordre »57. Disant cela, il montre clairement la coupure qui s’instaure, alors, entre les propriétaires grands et petits dont la participation aux assemblées est une tradition bien établie, dans le Midi, et les gens du peuple, souvent relativement peu nombreux à rester à l’écart de la vie communale, dont l’occitan demeure le seul idiome. Ces constats qui prévalent dans le Midi toulousain comme en Bas-Languedoc, se retrouvent dans la majeure partie de la Haute-Guyenne où les notables instruits semblent témoigner d’une volonté de s’exprimer, eux aussi, en français, comme le signifient, à la veille de la Révolution, les registres consultés. Cela est si vrai, que la littérature écrite en occitan se raréfie, dès le xviie siècle. Le plus célèbre des auteurs est Godolin, un poète toulousain, admirateur de Ronsard, dont la célébrité a perduré dans les pays occitans. Un Moissagais, Arnaud Daubasse et un Millavois Jean-Claude Peyrot ont, eux aussi, réalisé des œuvres poétiques qui leur ont valu un certain succès. Les poésies diverses patoises et françaises de Peyrot ont été éditées en 1774 et rééditées plusieurs fois par la suite58. Toutefois le titre même de l’œuvre de ce poète démontre que le bilinguisme est une réalité incontestable, même pour un occitan qui veut préserver sa langue maternelle.
43La compréhension de la langue française ne fait aucun doute si l’on compulse, ne serait-ce que quelques heures les registres notariés dans une grande partie de la Haute-Guyenne, il apparaît bien que les actes signés par les contractants et les témoins étaient entendus et compris dans la langue française. Les mentions qui accompagnent leur signature, telles que « approuvant le renvoi » ou « approuvant la rature » n’étaient pas de pure forme. Elles suffisent à démontrer une maîtrise même très imparfaite du français le plus courant. Ajoutons toutefois que ce constat s’avère recevable, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, pour les villes et leur environnement immédiat ou encore pour les vallées les plus passagères. Peut alors s’appliquer le schéma classique d’une francisation d’un bon niveau dans les centres urbains, tandis que leurs périphéries auraient une connaissance de moins en moins bonne de la langue française, au fur et à mesure où l’on s’éloigne de ce centre59.
B. Une société patriarcale où domine la préoccupation de « continuer l’ostal »60
44Dans les pays de droit écrit, deux traditions cœxistent. Parfois, le père de famille peut s’il le veut, choisir un de ces enfants comme héritier, mais le plus souvent, l’aîné reçoit automatiquement tous les biens familiaux avec le devoir de les transmettre intacts à ses descendants. Un ouvrage récent L’héritier de la maison61, analyse les conditions juridiques des coutumes matrimoniales et de transmission du patrimoine dans le Sud-Ouest et surtout dans l’Ouest pyrénéen62. Elle observe que le plus souvent, le père de famille n’est pas le propriétaire de la maison, il n’en est que l’héritier. Dans son analyse du droit successoral qui est d’une très grande complexité, elle fait aussi allusion aux droits appliqués dans le ressort du Parlement de Toulouse qui évidemment concernent la généralité de Haute-Guyenne dans sa quasi-totalité63.
45En vertu de l’héritage antique du droit romain dont nous avons déjà indiqué les pesanteurs dans les mentalités méridionales, il est fréquent de constater une tutelle paternelle très forte. Voici la description qu’en donne un notable de Saint-Matré près de Montcuq dans une « adresse d’un citoyen du département du Lot à l’Assemblée nationale », le 19 décembre 1790, où le dénommé Carla se fait Tardent défenseur de « l’autorité paternelle ».
« On exposera succinctement, écrit-il, quel est l’usage d’un père de famille dans cette province régie par la loi romaine, considéré surtout dans les classes du peuple cultivateur qui forment au moins les dix-neuf vingtièmes de sa population. Il élève ses enfants aux travaux de l’agriculture sans aucune marque de prédilection ; à mesure qu’ils avancent en âge, il distingue celui qui lui paroit le plus propre au soutien de sa maison ; l’aîné est à mérite égal communément désigné pour lui succéder, il reste auprès de son père, pour soutenir les pénibles travaux de l’agriculture : les puînés mâles se destinent, ou à prendre un métier ; ou à se former un capital des salaires qu’ils gagnent en portant leur travail dans une maison étrangère… Ce père honnête après avoir pourvu à l’établissement de la majeure partie de sa famille, se décide à marier dans sa maison celui de ses enfans qu’il destine pour son héritier : la dot de sa bru lui facilite les moyens de se libérer des engagements qu’il a déjà contractés pour l’établissement de tous ses enfans, par ce moyen sa maison se soutient ; et il transmet à son fils la même fortune qui lui avait été transmise par ses ancêtres. »64
46Parfaite description de la transmission de « Postal » qui explique une tutelle paternelle telle, que, de temps à autre, les pères signent seuls les actes passés devant notaire, y compris les contrats de mariage auxquels les futurs époux n’assistent pas ! Cette tradition patriarcale permet d’expliquer l’absence de signatures mais doit aussi justifier que, dans beaucoup de familles, seuls le père et le fils aîné aient appris à écrire et soient capables de signer. De nombreux exemples de contrats de mariages sans la présence des futurs conjoints ont été rencontrés chez les notaires. Le 20 janvier 1775, chez Saint Laurens à Bourret65, Jean-Pierre Garat et Jean Labia, ménagers de Saint Sardos « ont convenu… que le dit sieur Garat promet de faire prendre pour femme et loyale épouse au sieur Jean Garat son fils… Antoinette Labia, fille du sieur Jean Labia… et le dit sieur Jean Labia promet de son côté… » Les enfants sont absents et les pères ont tous deux signé. D’autres contrats du même genre ont été passés chez ce notaire. Le 7 septembre 1781, un hôte et un marchand, le 20 janvier 1784, un cordonnier et un forgeron, tous de Saint Sardos, ont « convenu du mariage » de leurs enfants qui n’ont évidemment pas signé. À Bruniquel, chez J.F. Martin, le 13 janvier 1780, deux laboureurs François Binel et Bernard Blanc, habitants tous deux dans la paroisse de Revel et probablement voisins, décident du contrat de mariage de leurs enfants, Pierre et Jeanne, sans qu’ils soient là66. Ces exemples de parenté autoritaire sont conformes aux traditions des familles-souches, caractéristiques chez les paysans de Languedoc67. « L’oppression » du père évoquée par Emmanuel Le Roy Ladurie, au xvie siècle, demeure inchangée, au xviiie. Des exemples de tutelle paternelle envahissante ont été trouvés en maints endroits, y compris dans les villes. À Castelsarrasin, en 1772, l’acte de mariage du fils d’un marchand apothicaire avec la fille d’un médecin est d’abord signé par les deux pères. L’époux a signé au dessous ; quant à l’épouse elle se trouve reléguée au dernier rang des nombreux signataires !
47En revanche, ce patriarcat fut sans doute un stimulant pour encourager l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, symboles du savoir et du pouvoir dans une société où règne le texte écrit. Que les chefs de famille, notamment les laboureurs ou les ménagers aient fait cet effort d’instruction, cela n’a rien d’étonnant. Il n’est pas davantage surprenant que les femmes soient maintenues à l’écart de ces apprentissages, dans une société où leur rôle est forcément considéré comme subalterne.
C. L’analphabétisme féminin
48Les minutiers des notaires sont d’une extraordinaire richesse pour discerner le poids du patriarcat mais ils constituent aussi un excellent instrument pour comprendre la condition de la femme sous l’Ancien Régime et l’originalité de ses rapports avec l’écriture. Ce rapport change un peu à partir du xviie siècle, et de jeunes épouses se montrent capables de signer le jour de leur mariage, parfois de manière assez précoce pour les protestantes. La multiplication des écoles de filles, à la fin du siècle, aurait dû permettre de favoriser les progrès de leur instruction. Comment admettre alors que ces écoles relativement nombreuses, au xviiie siècle, n’aient pas davantage contribué à leur alphabétisation ? Il y a là un paradoxe qu’il s’agit d’élucider en évoquant en particulier la place de la femme dans la société de Haute-Guyenne.
49Alors que les signatures des femmes restent rares au xviie siècle, les progrès de l’alphabétisation féminine peuvent être constatés au siècle suivant, mais ils demeurent surtout localisés dans les villes et les bourgades. Un premier décollage se produit alors et permet à des femmes autres que des filles de notables de signer les registres. C’est ainsi que les pourcentages de signatures relevées dans les registres paroissiaux lors des mariages, entre 1776 et 1785, atteignent plus de 26 % à Martel et à Millau, 22,6 % à Séverac-le-Château, près de 22 % à Rodez, plus de 15 % à Montauban ou à Caussade, 13 % à Villefranche-de-Rouergue ou à Caylus, mais seulement 10 % à Saint-Geniez, moins de 5 % à Nègrepelisse et 2,6 % à Najac. Encore faut-il observer les écarts parfois très élevés entre les paroisses urbaines. À Montauban, les protestantes sont capables de signer à 24,3 %, les paroissiennes de Saint-Jacques à 23,6 %, celles de Villenouvelle, à 10,6 %, celles de Villebourbon à 2 % et celles de Sapiac, à moins de 1 % ! L’alphabétisation reflète parfaitement la hiérarchie sociale en fonction des quartiers urbains et il va de soi que les femmes des paroisses les plus populaires sont, de loin, les moins instruites.
50Le nombre des signatures des femmes dans les communautés rurales demeure insignifiant, à un niveau très bas, tel qu’il peut apparaître pour la bourgade de Najac. Cette alphabétisation dérisoire doit ici être replacée dans le cadre de la vie sociale, sous l’Ancien Régime, comme elle apparaît dans les registres paroissiaux et dans les minutiers où les contrats de mariages révèlent, de manière explicite, le rôle dévolu à la femme, dans la société patriarcale qui prévaut en Haute-Guyenne.
51Une première constatation s’impose : l’absence des femmes, lors de leur contrat chez le notaire, est très fréquente en Quercy comme en Rouergue. Ces absences sont plus nombreuses à la campagne que dans les villes et les pourcentages varient selon les contrées. Ainsi, de 1776 à 1785, à Lavaurette, chez Jérôme Sol, 22 futures épouses sur les 110 mariages n’assistent pas à leur contrat, soit un pourcentage de près de 20 %. Un chiffre encore supérieur a été retrouvé chez Delcros, le notaire de Tréjouls, où près de 23 % des femmes n’ont pas jugé utile d’y assister. Chez les notaires de Caylus, 13,5 % des femmes ne sont pas présentes ; à Puylaroque, 13 % ; à Caussade la moyenne des absences chez les 4 notaires est de 5 %, soit un pourcentage beaucoup plus faible. Si l’on écarte les absences qui sont motivées par les longues distances que la future épouse a voulu éviter pour se rendre chez le notaire, la plupart d’entre elles procèdent d’une conception archaïque de la place de la femme dans la société.
52La raison profonde est encore due au patriarcat. Cela est manifeste, lorsqu’on se rend compte que près de la moitié des contrats où les futures ne sont pas là, sont signés par leur père ou par leur frère aîné. Le plus étonnant, c’est que ces absences peuvent aussi bien être constatées dans des familles socialement distinguées. C’est ainsi qu’Ignace Robert, la fille d’un chirurgien de Puylaroque est absente lors de son contrat, ce qui ne lui permet pas de montrer qu’elle est capable de signer.
53Son cas mérite d’être évoqué, car c’est au hasard des recherches que nous avons pu découvrir qu’elle sait écrire. Le contrat de son futur mariage avec Pierre Valdiguié, travailleur habitant de Joantous, paroisse de Sainte-Alauzie, a lieu le 9 février 1749, chez le notaire Pierre Miquel de Cayriech. Ce contrat est passé dans « la caminade » de St-Hugues, paroisse située dans la juridiction de Puylaroque, et dont l’oncle de la future épouse est le curé. Ignace Robert est absente et son père, ainsi que sa mère, s’engagent à « faire ratifier » le contrat par leur fille68. Deux mois après, le 27 avril 1749, un contrat de mariage est passé, au lieu de Joantous, paroisse de Sainte-Alauzie, entre Jean Bro tailleur d’habit de Cayriech et Marguerite Valdiguié, habitante du lieu de Boutiq, près de Puylaroque. Elle est assistée de son frère aîné et de son oncle Guillaume « habitant de ce lieu », c’est-à-dire Joantous, ce qui justifie que le contrat se passe dans ce masage. Parmi les signatures se retrouve, sans qu’elle soit citée comme il est d’usage pour les femmes, celle d’« Ignace Robert »69. Il est clair que cette jeune femme aurait évidemment signé son contrat de mariage, si elle avait assisté à son élaboration.
54Que son père et sa mère aient signé le contrat à sa place, est tout à fait conforme au statut de la femme sous l’Ancien Régime, et aux traditions patriarcales telles que le citoyen Caria les a décrites pour les jeunes filles, comme pour les garçons, dans son « Adresse à l’Assemblée nationale », en 1790.
« Les filles restent le plus souvent dans la maison paternelle jusques à leur mariage, si la substance de leur père est suffisante pour leur entretien ; mais du moment qu’elles ont atteint l’âge nubile, il s’occupe de les placer successivement dans une des maisons voisines ; et il leur constitue une dot qu’il paye ou qu’il s’oblige de payer aux termes convenus dans le contrat de mariage… »70
55Ce texte reflète, précisément, le poids de la tutelle paternelle, à l’égard des filles. Il explique, en quelques mots, pourquoi la plupart des paysannes ne signent pas leur contrat de mariage. Rares sont celles qui vont à l’école. Rares sont aussi celles qui remettent en cause le choix de leur père quand il décide de les marier comme il l’entend. Celles qui le font doivent se soumettre à une demande réitérée trois fois et signifiée devant notaire par des « actes de respect » comme de nombreux exemples en témoignent dans les minutiers.
56Le cas d’Ignace Robert rend plus que douteuse toute évaluation de l’alphabétisation féminine. Il semble bien, en effet, que même si elles savent écrire, les femmes dont les notaires sollicitent rarement les signatures, si ce n’est à l’occasion de leur mariage ou de leur testament, ne se font aucune obligation de signer les registres. Seules exceptions, les veuves, qui peuvent à l’occasion exercer les fonctions patriarcales, au même titre que leurs défunts maris. C’est le cas de demoiselle Jeanne Puel, veuve du sieur Jean Labanhie, marchand de la paroisse de Carayac « faisant pour et au nom de Marie Labanhie », sa fille, lors de son contrat de mariage avec Joseph Pégourier, le notaire de Gréalou, près de Cajarc en Quercy, le 28 octobre 178271. La signature de demoiselle Rivallette Delmas, en tant qu’« assistante » de la future épouse d’un domestique de la paroisse de Saint-Rémy, près de Lauzerte, surprend plus encore72.
57Si l’on tient compte des nombreuses créations de régences, dans les bourgades et dans les villages, l’évolution de l’alphabétisation féminine devrait apparaître, plus nettement, dans les registres. Les Mirepoises ouvrent des écoles, en Quercy73, les filles de l’Union chrétienne en ouvrent de nombreuses, en Rouergue. Lors de ses visites pastorales, entre 1737 et 1743, l’évêque Jean d’Yse de Saléon mentionne la présence des Filles du travail dans plusieurs bourgades, notamment à Conques. Si l’on en croit le legs que fait un maitre de musique du chapitre de cette ville, la présence d’une communauté des Filles du travail ne permet pas d’assurer un enseignement suffisant, et la donation de 600 livres doit les obliger à engager pour leurs élèves, « une régente qui leur apprenne à lire, à écrire et à travailler suivant leur état »74. Ainsi, cette congrégation fait-elle sans doute une œuvre d’enseignement moins efficace que d’autres congrégations enseignantes, en réduisant probablement les apprentissages scolaires à la lecture. Les Mirepoises dont la réputation est d’apporter une instruction plus approfondie, ont, peut-être, selon une tradition bien établie, inspiré Fénelon lorsqu’il écrivit son Traité de l’Éducation des filles. Elles enseignent non seulement à lire, à écrire et à calculer, mais aussi, l’histoire ou les arts ménagers et, en outre, elles donnent à leurs élèves les rudiments du latin, afin de leur permettre de suivre la liturgie75.
58Les créations d’écoles de filles semblent beaucoup moins nombreuses, à partir du milieu du xviiie siècle, et elles ont, par la suite, beaucoup de mal à subvenir à leurs besoins, d’autant plus que leur étouffement par l’administration des intendants est allé de pair avec celui des petites écoles de garçons, comme le souligne l’attitude de Baudinot, à l’égard de l’école de La Panouse. Pourtant, si l’on considère les fondations de régences, depuis la fin du xviie siècle, l’alphabétisation des filles aurait sans doute dû s’améliorer dans des proportions plus significatives que cela apparaît dans les statistiques, tout au long du xviiie siècle. Tout semble s’être conjugué pour retarder la scolarisation des femmes et les maintenir dans leur analphabétisme. Le poids des traditions particulièrement vivaces dans les campagnes a évidemment contribué à les tenir à l’écart des mutations culturelles, et, peut-être, ont-elles refusé ces changements comme l’ont fait tous ceux qui ont volontairement rejeté l’instruction.
III. Réticences ou résistances populaires ?
59Il serait trop facile de considérer que les autorités, qu’il s’agisse des tutelles administratives ou des notables locaux, puissent être seules responsables de l’analphabétisme de nos ancêtres76. D’autres réticences en sont la cause. Elles résultent, certes, du poids des traditions ; elles dépendent, plus encore, des contraintes qu’imposent, aux populations dispersées dans les campagnes du Quercy et du Rouergue, la sociabilité rurale, les rapports de voisinage et les rapports de solidarité. Lorsque s’exaspèrent les tensions dans les communautés rurales, elles peuvent conduire à un indiscutable rejet de l’instruction.
A. L’acculturation populaire s’inscrit dans un réseau de sociabilité où les notables locaux jouent un rôle prédominant
60Nous avons montré comment dans le passé, à l’exemple de Seilhac, en Bas-Limousin, la tradition veut qu’en pays de droit écrit, la plupart des contractants se fassent assister d’un praticien dès qu’il s’agit de faire rédiger un contrat par un tabellion. Avec les progrès de l’alphabétisation, de toute évidence, la délégation de la signature est reconnue à des notables de la communauté qui accompagnent leurs parents, leurs voisins ou leurs amis chez le notaire. Cette habitude ancestrale s’inscrit, alors, dans un faisceau de traditions où, selon une expression empruntée à Norbert Elias, le « réseau de relations » constitue « le monde social »77. Ces traditions de sociabilité rurale se retrouvent en Haute-Guyenne, comme nous avons pu le vérifier, à Cayriech, en considérant tous les contrats de mariages des habitants du hameau de Labat, entre 1733 et 1779. 8 contrats ont lieu et les signatures des trois plus gros propriétaires apparaissent plusieurs fois, celles de Jacques Valette et de Jacques Laporte, 4 fois, celle de Roland Penche, 3 fois. Ces laboureurs assistent bien évidemment leurs valets et leurs servantes, au moment du contrat, ce qui constitue une sorte de prolongement de la tutelle patriarcale qui s’étend, ainsi, à l’ensemble de la « parentèle » et du voisinage. L’on comprend mieux pourquoi ces notables ruraux ont tant rechigné à voir l’alphabétisation gagner les travailleurs de leur propriété, tant la maîtrise de l’écriture semble un élément important de leur autorité.
61Un autre exemple de cette tutelle des « bien-tenants » nous est fourni à l’occasion d’une assemblée des habitants de la communauté de La Bastide-Nantel, en Rouergue, le 16 avril 1781. Dans cette annexe de Castanet, au village de la Borie, « au lieu accoutumé, par devant nous notaire royal et secrétaire d’office de la d. communauté », les présents « faisant la meilleure et plus saine partie des habitants », exigent du prieur qu’il fasse « rebâtir une église sur le patus commun du d. village de La Borie ainsy que le cimetière avec un presbitère ». Assistent à l’assemblée un consul de la communauté, vivant avec 11 autres habitants, dont une veuve, au village de La Borie. Participent encore 6 habitants du village de La Noalhie, 4 de celui de La Grimaudie, 4 autres des Teillols, 3 du village del Puech des Besses. Pierre Noailles, avocat en Parlement, juge de La Bastide, habite en son domaine de Noailles et il est désigné comme syndic de la communauté. Sa signature est suivie de celles de Pierre Noailles du village de La Grimaudie ; de François Masbon du village de La Noalhie, de Jean-Pierre Marre de La Borie, de Jean Court des Teillols, d’Antoine Noailles del Puech des Besses et de Pierre Laubiés du moulin de Court. Le fait le plus remarquable, c’est que tous les « villages », c’est-à-dire les hameaux, soient représentés parmi les signataires. Il s’agit ici d’une illustration de la délégation de signature qui est accordée aux notables les plus instruits de la communauté, et, en même temps, cela témoigne de l’importance du réseau de sociabilité dans lequel s’inscrit l’existence des individus, sous l’Ancien Régime, et la manière dont s’établissent leurs rapports avec les textes écrits régissant la vie collective.
B. Le rejet de l’instruction dans les campagnes
62Nous avons longuement évoqué le refus de l’école catholique par les enfants protestants, après la révocation de l’édit de Nantes, tel qu’il s’est manifesté dans les campagnes les plus marquées par la présence huguenote. Ce rejet explique probablement la très faible alphabétisation des paysans constatée dans les plaines du Tarn et de l’Aveyron, autour de Montauban, dans des communautés comme Bioule, Albias, Vintilhac ou Corbarieu.
63D’autres réticences populaires se trouvent quelquefois invoquées. Si Ton en croit l’avocat de la communauté de Moulis, les habitants qu’il représente refusent de contribuer à la rémunération du régent de Reyniès78 parce que, écrit-il :
« La juridiction de Moulis est habitée par des gens d’une condition qui n’a pas besoin de régent tous les pères occupent leurs enfans à cultiver la terre sans vouloir leur faire apprendre à lire ny a escrire. »79
64Cet argument que Ton retrouve maintes fois invoqués dans les délibérations consulaires, dès que des consuls souhaitent se débarrasser d’un régent, apparaît tout de même moins souvent à la fin du xviiie siècle ; mais il témoigne, assurément, de la volonté d’un certain nombre de paysans de rester à l’écart d’une instruction quelle qu’elle soit.
65Dans une monographie sur les écoles de Saint-Geniez, ce rejet se trouve clairement associé au refus de la charge de collecteur d’impôts dans les communautés rurales. « Cette collecte est si odieuse qu’on voit des chefs de famille négliger de faire apprendre à lire et à écrire à leurs enfants » écrit, en effet, Louis Mercadier. Le « fardeau » que constitue cette charge est aussi soulevé par Jacques Jarricot dans une étude sur les communautés villageoises du Rouergue80. Considérant toutes les difficultés qui s’accumulent pour désigner des collecteurs, à la veille de la Révolution, il n’est pas impossible que cette tâche constitue une charge de plus en plus insupportable pour les notables locaux. Qu’elle ait découragé un certain nombre d’entre eux à montrer qu’ils savent lire et écrire apparaît comme un argument parfaitement justifié, si l’on tient compte des tracas que procure cette responsabilité. Jean Méja, un laboureur de Montaïn, près de Cordes-Tolosannes, a de nombreuses fois exercé les charges de consul dans la communauté et il a été collecteur en 1765 et en 1774. Faisant partie des notables ruraux cultivés, il a lui-même rédigé le registre de la taille par feu, lors du premier exercice de sa charge ; mais, en 1774, il a confié cette tâche au notaire de Lafitte, Marrou, sans doute en raison de la lourdeur de ce travail. Cette année-là et l’année suivante, Jean Méja a dû effectuer douze voyages au bureau de recette de Lisle-en-Jourdain. Il est bien placé pour se plaindre, dans le Cahier de doléances qu’il a probablement contribué à rédiger, de la distance de « huit lieues » qu’il doit parcourir afin de se rendre au bureau de recette de Lisle-en-Jourdain pour remettre au trésorier « les deniers royaux dudit lieu »81.
66La difficulté à trouver des collecteurs s’aggrave à la fin de l’Ancien Régime, du fait de l’alourdissement des impositions, mais, aussi, parce qu’ils ont de plus en plus de mal à recouvrer les sommes qui leurs sont dues, alors qu’ils sont responsables du recouvrement de ces impôts sur leurs propres deniers. On le constate à Meauzac comme à Cardaillac où, le 9 septembre 1787, « personne ne s’est présenté » pour assurer la collecte « occazion de quoy, consentons qu’un des consuls fasse la levée des impositions à faire dans la dite communauté et qu’il profite du droit de la collecte »82.
67La crise économique des années 1780, décourage, encore davantage, les notables de prendre en charge les affaires des communautés. C’est probablement la raison essentielle à l’analphabétisme des consuls que mentionne Richeprey dans des paroisses où des notables sont pourtant alphabétisés, comme en témoignent les minutiers des notaires. À Saint-Michel, près de Souillac, Richeprey constate que :
« Les places de consuls et de collecteurs sont si onéreuses qu’elles ne sont ordinairement remplies que par les plus faibles et les moins adroits ».
68À La Salvetat-Belmontet, près de Montauban « les consuls sont une troupe de paysans illettrés », selon le jugement que porte le subdélégué de Montauban83. Ces charges longtemps considérées comme honorifiques sont progressivement devenues beaucoup moins prestigieuses, si bien que les notables cultivés les délaissent à des analphabètes. À Sanvensa, près de Villefranche-de-Rouergue, la nomination des consuls semble poser problème, puisque, le 23 septembre 1780, les deux consuls désignés pour l’année suivante sont absents lors de la délibération. Cela se reproduit le 3 octobre 1784, où Jean-Baptiste Mourgues, absent, « il a été conclu et arrêté que le d. Mourgues a exercé les fonctions de sa charge avec la plus grande exactitude la présente année et que la communauté n’a pas été dévorée en fraix comme elle avoit coutume de l’être, la d. assemblée nomme de nouveau le d. Jean-Baptiste Mourgues pour faire la fonction de consul pour le premier rang »84. Il est manifeste que personne ne veut exercer cette charge et que le dit Mourgues ne le veut pas davantage. Sa nomination forcée illustre le renoncement des notables à exercer de pareilles fonctions.
69Le rejet de l’école s’inscrirait alors dans un changement profond des mentalités où le système social traditionnel qui reposait sur la solidarité communautaire aurait progressivement éclaté, au profit d’une société beaucoup plus individualiste où la place dans la société n’est plus due aux responsabilités dans les instances locales, mais par les fonctions qui assurent une ascension sociale, moins ostensible, mais plus lucrative.
70Ces changements dans les mentalités ont probablement encouragé d’autres formes de rejet d’une école placée sous la tutelle de l’Église catholique. Les résistances des huguenots faussement convertis ne sont certainement pas les seules réactions de rejet de la part des populations rurales à l’égard de l’instruction des enfants assurée ou contrôlée par l’Église. Malgré tous les efforts réalisés, beaucoup de paysans continuent, dans certaines paroisses, à avoir une pratique religieuse irrégulière ou négligée et, de surcroît, ils se montrent peu préoccupés de faire apprendre le catéchisme aux enfants. Les visites pastorales fournissent sur ce sujet de multiples exemples. Même si, dans le Rouergue, les enfants sont généralement assez bien instruits comme le mentionnent pour chaque paroisse les comptes rendus, il n’est pas rare que l’évêque, Jean d’Yse de Saléon, se plaigne. Ainsi, à Bez-Bedène, comme à La Magdeleine ou à Gailhac, « les paroissiens ne sont pas exacts à envoyer leurs enfans au catéchisme »85. Selon l’accusation portée par l’avocat qui défend la communauté de Reyniès, à l’occasion d’un différend, les habitants de Moulis refusent un régent à cause de « leur aversion pour les choses spirituelles »86. À Cordes-Tolosannes, le curé Martin se plaint que « les cabarets… sont remplis de monde jour et nuit… les jours des dimanches et testes solennelles et autres jours et que par leurs excès et débauches font qu’ils manquent… d’assister aux offices divins »87. Peut-on parler de déchristianisation88 précoce, en particulier, dans les communautés de Moyenne-Garonne ? Faut-il en déduire comme le suppose le titre d’un ouvrage récent qu’il s’agit de l’Échec d’un dressage culturel ? Cette question posée par Benoît Garnot89 peut s’appliquer à bon nombre de communautés, en particulier, dans les vallées très passagères où se produit un brassage de population propice à la remise en cause des traditions. Cette vision des choses semble correspondre, effectivement, à la conviction que « l’irréligion progresse dans le royaume », comme l’affirme l’assemblée du clergé, en 177590. Il ne nous semble pas, néanmoins, que cela puisse être généralisé à la majeure partie du Quercy et du Rouergue où la mainmise du clergé sur les paroissiens reste très forte, même pendant la Révolution, et où la coutume patriarcale permet de conserver une mainmise indéfectible sur la jeunesse. La lecture des testaments nous a permis de constater que les traces de clauses religieuses ou charitables apparaissent beaucoup moins nombreuses, à la fin du xviiie siècle, qu’elles ne le sont au siècle précédent, comme l’a constaté Michel Vovelle en Provence91. Ces clauses disparaissent dans le pays montalbanais, ce qui permettrait d’en déduire un probable étiolement de la pratique religieuse et de la piété, mais, ce phénomène n’est pas général et la lecture des testaments à Caylus, à Lavaurette ou à Najac témoigne de la persistance des engagements des testateurs, à l’égard des pauvres de la paroisse, ou bien de leurs volontés que des messes soient dites, à leur mémoire, par le curé du village. Ainsi, le recul de la pratique religieuse ne peut être généralisé et se trouve circonscrit aux régions les plus ouvertes et les plus passagères.
71Plus grave que les défauts de pratique religieuse, apparaît la coupure qui survient entre le clergé rural et le monde paysan. Contestant les exigences des décimateurs qui alourdissent les dîmes, les paysans constituent des coalitions de « bien-tenants », afin de défendre efficacement leurs intérêts, en créant des « syndicats ». La création se concrétise par la désignation de syndics, soit dans le cadre de la communauté92, soit en regroupant un petit nombre de propriétaires, si bien que les exemples de « sindiquats de particuliers » foisonnent dans les minutiers des notaires aquitains. Comme cela sera analysé plus longuement dans le chapitre suivant, de nombreux exemples de contestations, à l’égard de dîmes jugées excessives, ont été rencontrés, et s’il arrive que les contestations soient dirigées contre les seigneurs, la majeure partie des plaintes remettent en cause les exigences des décimateurs. Comme en Gascogne où s’est produite une « grève décimale »93, pendant les années 1770 et 1780, le Quercy, l’Agenais, le pays toulousain, et même le Rouergue ont été touchés, à la même époque, par une vague de protestations contre l’alourdissement des dîmes dont on découvre de nombreuses mentions dans les minutiers.
72À Saint-Julien-de-Valgineste, près de Montpezat-de-Quercy, en 1785, les habitants contestent, de manière virulente, les exigences du curé en matière de dîme du millet et du vin. Sans doute l’animosité à l’égard de ce curé-prieur, le décimateur de la paroisse, atteint-elle un degré de violence exceptionnelle, car, outre le fait de vouloir alourdir le prélèvement de la dîme, ses paroissiens lui reprochent de mal assurer ses fonctions curiales ; pis encore « lorsqu’ils le voyoient monter à l’autel, il leur sembloit qu’ils voyoient le diable ». Dès le 22 août 1784, alors que le nouveau curé Mercier n’est en fonction que depuis quelques mois, 14 paroissiens décident de former un syndicat94 pour refuser de payer la dîme du vin et du millet à raison de 12-1 comme il l’exige et ils désignent Jean-Baptiste Izac, un négociant de Cahors, propriétaire dans la paroisse, comme syndic. Le sénéchal de Montauban donne raison au curé-prieur, ce qui semble porter à son comble l’hostilité des habitants qui déclenchent des opérations punitives contre le presbytère95.
73Cet exemple témoigne d’une escalade de l’exaspération paysanne, face à des exigences jugées insupportables. À n’en pas douter, elles traduisent une attitude nouvelle des paroissiens, à l’égard du curé qu’ils n’hésitent pas à affronter, en cas de désaccord. Cette méfiance a probablement contribué à éloigner les populations rurales de l’instruction religieuse et de toutes les autres formes d’initiation, notamment à la lecture, qui pouvaient accompagner les séances du catéchisme.
74Les progrès ou les retards de l’alphabétisation s’inscrivent, sans aucun doute, dans le champ de l’histoire des mentalités. C’est bien, ainsi, que l’avait compris le baron Dupin, même si ses conclusions partaient d’un parti pris, selon lequel les retards du Midi étaient dus à l’absence d’industries nouvelles. De notre point de vue, le poids des traditions patriarcales, ainsi que les coups de frein donnés par l’administration royale, ont probablement été déterminants dans la lenteur des progrès de l’alphabétisation, en Haute-Guyenne.
75Assez paradoxalement, les pays les plus traditionnels où la pratique religieuse est la plus constante, ont des niveaux supérieurs aux pays de passage vraisemblablement touchés par le déclin de la piété religieuse, comme cela se constate dans les vallées du Tarn et de la Garonne. Ce paradoxe n’est qu’apparent, et la maîtrise de l’écriture est nettement meilleure dans les pays de Moyenne-Garonne où, seules les signatures de ceux qui savent écrire apparaissent, à la suite des contrats, dans les minutiers des notaires96. Cette excellente maîtrise se trouve confirmée du fait des mentions écrites nombreuses qui suivent les signatures, comme si les signataires entendent démontrer leur capacité à écrire, mais aussi à comprendre le texte que le notaire leur a lu. Ainsi, la signature démontre alors bien plus qu’une capacité à lire et à écrire, elle témoigne aussi d’une réelle compréhension de la langue française, comme la plupart des notables en font la démonstration lorsqu’ils ont l’occasion de parapher les registres, à la manière des élites cultivées.
Notes de bas de page
1 Les enjeux n’apparaissent pas toujours avec clarté et les débats qui ont opposé les gens du peuple aux notables ou bien les gens de lettres entre eux apparaissent souvent confus voire contradictoires. Cette complexité s’est souvent traduite par des conceptions totalement erronées sur les points de vue qui se sont affrontés et en particulier ont longtemps laissé croire que les penseurs des Lumières ont encouragé l’instruction des enfants alors que pour la plupart d’entre eux ils ont, au contraire, considéré qu’elle était superflue.
2 Ces choix politiques faits par les intendants, après 1745, sont longuement abordés dans les thèses de Maurice Bordes, D’Etigny et l’administration de l’intendance d’Auch (1751-1767), Auch, 1957 ou de Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières vers 1670-1789, Mayenne, Cujas, 1974.
3 Maurice Bordes, D’Etigny… op. cit., citations pp. 896 et 897, en note.
4 A.D.Haute-Garonne, C 2047, mentionné par Georges Frêche, dans Toulouse et la région Midi-Pyrénées, op. cit., p. 414.
5 L’intendant de Gourgues était très fréquemment absent de Montauban surtout pendant l’hiver. Le premier secrétaire de l’intendance qui resta longtemps à ce poste, lui écrivait très souvent pour le tenir au courant de la situation. Cela donne lieu à des récits très détaillés de la vie de la généralité et surtout de la vie montalbanaise. Cette Correspondance de Baudinot, Guillemette, Dumas et Marty avec Alexis de Gourgues, intendant de la Généralité de Montauban se trouve à la Bibliothèque nationale, sous la côte des Nouvelles Acqusisitions Françaises, naf 4053 à 4057. Elle a été complètement ignorée des historiens montalbanais jusqu’à ce jour et pourtant elle constitue une excellente rubrique de la vie quotidienne dans une ville importante de l’Ancien Régime. En outre, un grand nombre de lettres adressées par Baudinot, à de Gourgues comme à d’autres autorités, se trouvent conservées dans la correspondance de la généralité sous l’Ancien Régime, aux Archives départementales du Lot, dans la série C. Elles témoignent toutes du souci constant de cette nouvelle génération d’administrateurs (nous dirions aujourd’hui des technocrates !) de vouloir rationaliser la gestion des affaires publiques.
6 adl, C 240, correspondance de l’intendant.
7 Ibidem, voir reproduction de la lettre à Dumouriez, le 30 avril 1766.
8 La correspondance de la Commission intermédiaire se trouve évoquée dans un chapitre précédent. Elle se trouve répartie entre les deux fonds d’Archives de Rodez et de Cahors.
9 adl, C 1196, Supplication de la communauté de Plaisance en Rouergue à « Monseigneur de Trimont Intendant de la Généralité de Montauban ».
10 adl, état des charges locales, C 1173.
11 ada, état des charges locales, C 1751, prévisions pour l’année 1785, le 25 juillet 1784.
12 H. Chisick, The Limits of Reform in the Enlightment. Attitude towward the education of the lower classes in eighteenth century France, Princeton, 1985. Sur cet ouvrage, voir Histoire de l’Education, no 45, janvier 1989. Les Lumières considèrent que l’éducation populaire doit être limitée à une instruction de base et que le peuple n’est pas fait pour accéder au collège.
13 La remise en cause des petits collèges n’est pas nouvelle et elle apparaît déjà dans L’intendance de Languedoc à la fin du xviie siècle, édition critique des « Mémoires pour l’instruction du duc de Bourgogne », par Françoise Moreil, Paris, 1985, p. 128, où l’intendant écrit : « Je croy pouvoir dire qu’il seroit à souhaiter que les plus petits de ces collèges fussent supprimés, qu’il n’y en eut que dans les grandes villes. Partout ailleurs, ils sont très mauvais : les compagnies qui les ont ne peuvent avoir assés de sujets pour y mettre de bons maîtres ».
14 L. R. Caradeuc de La Chalotais, Essai d’éducation nationale ou plan d’études pour la jeunesse, 1763, p. 23.
15 Rolland d’Erceville, Compte rendu aux Chambres assemblées par M Rolland des différents mémoires envoyés par les universités dans le ressort de la cour, en « exécution de l’arrêt des Chambres assemblées, du 3 septembre 1762, relativement au plan d’étude à suivre dans les collèges non dépendants des universités et à la correspondance à établir entre les collèges et les universités (13 mai 1768), Recueil de plusieurs des ouvrages de M. le président Rolland, Paris, 1783. Il écrit à la page 23 : « L’uniformité dans l’enseignement et surtout de celui que l’on reçoit dans la plus tendre jeunesse peut seule opérer l’uniformité dans les mœurs, dans les coutumes et dans les usages dont la diversité est quelquefois si nuisible aux projets les mieux combinés. »
16 Abbé Teulieres, Des vices de l’éducation publique et des moyens d’y remédier, Montauban, Vincent Teulières, 1786, aux adtg, Brochure no 881. Voir Annexe no 5 où il se soucie principalement de l’instruction réservée à une élite.
17 Ibidem, pp. 16-17.
18 Jean de Cathala-Coture, « Histoire de Querci », tome III, pp. 135-136. Voir Annexe no 4.
19 J. F. Henri de Richeprey, journal des voyages, op. cit., t. II, dans les pièces annexes, p. 516.
20 J. F. de Richeprey, Journal des voyages, op. cit., t. II, p. 118.
21 Manueia Albertone, « Instruction et ordre naturel, le point de vue physiocratique », dans rhmc, t. 33,1986. Cet article rappelle l’insistance mise par la plupart des physiocrates sur la nécessité de développer « l’instruction primaire parmi les paysans » comme l’écrit P. S. Du Pont de Nemours, dans Vues sur l’éducation nationale par un cultivateur, cité p. 599.
22 J.F. de Richeprey, Journal de noyages, op. cit., passim dans les tomes I et II.
23 Quelle influence ont exercé les idées de La Chalotais et de Rolland d Erceville (ouvrages cités dans les sources) sur les notables et sur les professeurs de collège ? Il n’a pas été trouvé d’indices qui permette de répondre à cette question, mais leur effet apparaît indéniable.
24 adtg, registres des délibérations consulaires de Castelmayran, 3 E 1809, fol. 97v°, 98 et 98v°.
25 ada, état des charges locales de la communauté de Castelmus pour l’année 1782 C 1754.
26 adl, Correspondance de la Commission intermédiaire, C 1198, lettre du 9 décembre 1788.
27 Ces années de mauvaise conjoncture économique se traduisent souvent par une forte réduction du nombre de mariages comme les historiens de la démographie peuvent en faire le constat dans l’Est aquitain.
28 Sur ce point voir l’étude de Patrick Ferté : « La géographie statistique du recrutement des anciennes universités : un révélateur des efforts de la conjoncture économique sur la conjoncture étudiante », article cité. Il observe tout au long du xviiie siècle, que « le profil des conjonctures étudiantes épouse à l’évidence le profil de la rente foncière. » (p. 317).
29 La politique des intendants encourage, afin de combattre la misère, la création des Ateliers de charité qui grèvent lourdement les charges des villes et des bourgades.
30 André Armengaud, Les populations de l’Est-Aquitain au début de l’époque contemporaine ; recherches sur une région sous-développée vers 1845-vers 1871, Paris, 1961, pp. 327-332. Dan son étude du sous-développement économique d’une région, la sous-scolarisation n’a évidemment pas échappée à cet historien. Son analyse s’en tient certainement un peu trop aux rapports officiels, en particulier à ceux des inspecteurs de l’Instruction publique, pour satisfaire pleinement notre curiosité.
31 A.N., F17 10798, Mémoire sur les besoins de l’instruction par Etienne Barbier né à Vayrac, instituteur à Saint-Michel-Banière, le 12 décembre 1860.
32 « Ordonnance du roy Françoys sur le faict de justice et abbrevation des procès, Villers-Cotterêts, août 1739 ». De larges extraits de cette ordonnance se trouvent cités par Marie Bardet, dans « La maîtrise de l’écrit ou l’histoire d’une affirmation sociale : le notaire rural en Haute-Auvergne, (xvie-xixe siècle) » dans Illetrismes, op. cit., pp. 38-39.
33 Cela est rappelé par Michel de Certeau, Dominique Julia et François Furet, dans Une politique de la langue. La Révolution française et les patois, Paris, 1976.
34 Sur ce point voir Auguste Brun, Essai historique sur l’introduction du français dans les provinces du Midi de la France, Paris, 1924, et la contribution de’Arnaud Ramière de Fortanier, « Dialectologie du Lauragais et introduction du français (xiie-xvie siècle) », Actes du 96e Congrès national des Sociétés savantes, Toulouse, 1971, t. I, pp. 77-92.
35 Auguste Brun, Recherches historiques sur l’introduction du français dans les provinces du Midi, Paris, édition Champion, 1923.
36 Arch. mun. Saint-Antonin, rdc, BB 1, fol. 97 v° et BB 2 fol. 60.
37 Patrick Ferté, « Un catéchisme bilingue du xviiie siècle (diocèse de Cahors). Le carcinol en Quercy du xviie au xixe siècle », dans Lengas, 4-1978, pp. 49-56.
38 Jean-François Marmiesse, Histoire abrégée de ma vie, op. cit.
39 A.N., F17 10797 et 10798, Mémoires sur les besoins d’instruction déposés auprès des inspecteurs d’académie du Lot et du Tarn-et-Garonne, en janvier 1861. Ces mémoires destinés à recruter des instituteurs sous le Second Empire illustrent le conservatisme que l’on encourageait chez eux. La lecture de Mémoires présentés par ces instituteurs, certes une date un peu tardive par rapport à nos recherches, permet de se faire une idée de leur expérience d’enseignement dans les deux départements du Lot et de Tarn-et-Garonne. Evidemment la méconnaissance du français est une de leur préoccupation, mais le principal problème à leurs yeux c’est celui de la compréhension du vocabulaire que les enfants emploient. Ainsi Jean-Louis Bessac, instituteur à Concots, près de Lalbenque, propose un enseignement « par analogie » en expliquant en occitan ce que Ton veut faire comprendre aux enfants comme on le fait en traduisant le latin. Pour Marcellin Cazes, instituteur à Saint-Cirq, près de Caussade, « dans le Midi, l’habitude qu’ont les enfants de parler le patois vicie étrangement leur prononciation. Le patois leur fait adopter certaines locutions anti-grammaticales. Pour remédier un peu à ces inconvénients, il est nécessaire que l’instituteur exige que ses élèves conversent toujours en français ». Cet instituteur ne fait pas un constat totalement négatif et considère surtout des défauts courants pour les Occitans, encore au xxe siècle, tels ceux de la prononciation et de la structure des phrases.
40 Eugen Weber, La Fin des terroirs. La modernisation de la France rurale (1870-1944), Paris, Fayard, 1983. Ses jugements qui s’appuient sur des rapports administratifs sont probablement excessifs et ils exagèrent la méconnaissance du français dans un long chapitre qui s’intitule « Des langues à foison », pp. 108-145.
41 Cité par Firmin Galabert dans Histoire de Montpezat-de-Quercy, p. 128.
42 adtg, 3 E 695, registres des délibérations consulaires de Montpezat-de-Quercy, le 20 mars 1784.
43 D’après Eugène Sol, La vie économique et sociale en Quercy aux xvie et xviie siècles, Paris, 1950, p. 407, cité par Patrick Ferté dans l’article de Lengas : « Un catéchisme bilingue du xviiie siècle… », mentionné ci-dessus, p. 51.
44 ada, G 319.
45 Citation de Jean-Claude Sangoï, dans Démographie paysanne en Bas-Quercy, Paris, 1980, p. 82.
46 Colette Salgues, Approche d’une situation diglossique, français et occitan : le cas d’une vallée du Quercy blanc (Montcuq, Saint-Laurens-de-Lolmie), thèse de troisième cycle, Toulouse Le Mirail, 1979. Elle conclut en constatant que l’occitan est « la langue de l’identité collective », mais « c’est un “patois” avec toute sa connotation péjorative ». Cette impression n’est pas nouvelle et il est probable que nos ancêtre méridionaux des campagnes l’ont ainsi perçue, dès le xviiie siècle.
47 Jean-Paul Damaggio, « La question linguistique à Montauban (1790-1793) », dans Lengas, 17-1985, pp. 147-155. Cite les efforts de l’abbé Calmels, au début de la Révolution, pour traduire en occitan les textes de la Constituante.
48 Michel de Certeau, Dominique Julia et François Furet, Une politique de la langue, op. cit. ; « Une éthique de la langue : L’enquête de Grégoire sur les patois », dans Annales esc , 1975.
49 Augustin Gazier, Lettres à Grégoire. Voir Annexe 11.
50 Sur ce point Pierre Bourdieu, dans Ce que parler veut dire, op. cit., écrit : « Le conflit entre le français et l’intelligentsia révolutionnaire et les idiomes ou les patois est un conflit pour le pouvoir symbolique qui a pour enjeu la formation et la re-formation des structures mentales. Bref, il ne s’agit pas seulement de communiquer mais de faire reconnaître un nouveau discours d’autorité, avec son nouveau vocabulaire politique, ses termes d’adresse et de référence, ses métaphores, ses euphémismes et la représentation du monde social qu’il véhicule et qui parce qu’elle est liée aux intérêts nouveaux de groupes nouveaux, est indicible dans les parlers locaux façonnés par des usages liés aux intérêts spécifiques des groupes de paysans. » p. 31.
51 Lettre de Gautier-Sauzin au Comité de l’instruction publique de l’Assemblée nationale, présidé par Grégoire, le 18 décembre 1791, citée in-extenso par Michel de Certeau, Dominique Julia et François Furet, Une politique de la langue, op. cit., p. 259 sq. Voir aussi l’article de l’article de J.P. Damaggio cité ci-dessus.
52 L’avant-propos de la dernière édition de Coup d’œil sur l’éducation, op. cit., ne laisse aucun doute sur son conservatisme politique et ses sentiments monarchistes dont il fait preuve après la Restauration. En réalité son adresse de 1791 est une manifestation de son esprit anti-jacobin.
53 J.A.Brouzes, « Quelques considérations sur le patois », dans la Revue de l’Aveyron et du Lot, 26 novembre 1838 ; article cité par P.M. Jones dans Politics and rural society, op. cit., p. 121. Dans cet ouvrage l’auteur s’est longuement intéressé aux problèmes posés par le bilinguisme, en Rouergue, au xixe siècle, dans une partie qu’il a intitulée « Community and language », pp. 118-128. Il analyse d’après les rapports de l’administration les problèmes posés par le bilinguisme et ceux de l’alphabétisation, mais il ne semble pas avoir mesuré la volonté des notables de freiner l’acculturation populaire. Lorsqu’il cite P. Roqueplo, il convient d’observer qu’il s’agit de toute une nostalgie conservatrice qu’exprime son attachement au patois : « Que d’idées, que de choses qui ne peuvent être comprises que par lui et qui, en son absence et en l’absence aussi du français trop mal appris, risquent de demeurer étrangères aux petits paysans diminués dans leur intelligence et leur sensibilité », p. 123.
54 Pierre Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, édit, de Minuit, 1979, p. 546.
55 André Armengaud, Les populations de l’Est-Aquitain, op. cit.
56 Mireille Laget, « Les petites écoles à Gignac aux xvie et xviie siècles », Béziers et le Bitterois, Féd. hist. Languedoc et Roussillon, Béziers, mai 1970, pp. 271-276. Citée par Janine Garrisson dans Protestants du Midi, op. cit.
57 Georges Fournier, « La langue des assemblées locales en Languedoc pendant la Révolution », dans Lengas, 17, 1985, pp. 157-177. Il constate évidemment la mauvaise maîtrise du français écrit par quelques secrétaires-greffiers de modestes origines, mais il relève surtout le rôle d’intermédiaire joué par la plupart d’entre eux. Il reprend cette idée dans sa thèse : Démocratie et vie municipale du milieu du xviiie siècle au début du xixe siècle, thèse de doctorat, Université de Toulouse-Le Mirail, 1991.
58 Michel de Certeau, Dominique Julia et François Furet, Une politique de la langue. La Révolution française et les patois, op. cit., p. 74.
59 Sans doute peut-on appliquer aux villes de Haute-Guyenne le constat que fait la Société des Amis de la Constitution de Carcassonne : « Dans la ville et les villages circumvoisins, le peuple entend le français ; mais le plus grand nombre parle le patois. Dans les lieux plus éloignés on ne parle que patois et le français est moins entendu. Par une suite, le patois se francise à la ville, il est plus pur à la campagne… On prêche le français dans la ville, dans les villages voisins et dans les bourgs, mais l’usage de prêcher en patois est usité et pratiqué presque partout ailleurs… ». Cité par Dominique Blanc dans sa contribution à l’Histoire de Carcassonne, Toulouse, pp. 158-159.
60 Cette expression est empruntée au livre de Jean-Claude Sangoï, Démographie paysanne en Bas-Quercy, op. cit., dont un chapitre s’intitule : « Continuer l’ostal », pp. 90-96.
61 Anne Zink, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France sous l’Ancien Régime, Editions de l’ehess, Paris, 1993.
62 Sur ces problèmes, voir André Burguière, Christiane Klapisch-Zuber, Martine Segalen, Françoise Zonabend, Histoire de la famille A.Colin, Paris, 1986, tome II. Notamment la contribution d’André Burguière et François Lebrun : « Les cent et une familles de l’Europe », pp. 17-91.
63 L’ouvrage de référence demeure celui de Jean-Antoine Soulatges, Coutumes de la ville, gardiage et viguerie de Toulouse, Toulouse, 1770. Une étude d’ethnologie historique s’intéresse à l’Aubrac : L’Aubrac. Etude ethnologique, linguistique, agronomique et économique d’un établissement humain, t. II, Paris, CNRS, 1971.
64 A.N., D IV, 38-1028, no 19. Document de trois pages d’une grande qualité d’écriture avec des citations latines et une analyse très détaillée du système patriarcal quercinois.
65 adtg, reg. not. 5 E 9045.
66 adtg, notaire J.F. Martin, 5 E 5604.
67 Sur ce point les études de références traditionnelles sont : Agnès Fine-Souriac, « La famille-souche pyrénéenne au xixe siècle : quelques réflexions de méthode », Annales esc , mai-juin 1977, pp. 478-487 ; et Emmanuel Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, op. cit.
68 adtg, 5 E 6969, reg. du notaire Miquel, fol. 37v° à 38v°.
69 Ibidem, fol. 125v° à 127v°.
70 Document des Archives nationales cité ci-dessus.
71 adl, notaire Vernhet, 3 E 172/4.
72 adtg, 5 E 5835, notaire Brousse de Lauzerte, le 7 septembre 1783.
73 Voir ci-dessus Chapitre I.
74 ada, vis. past., G 121, le 12 juillet 1743.
75 Jean Calvet, « L’Education des filles à Castelnau », article cité, p. 239.
76 Claude Grignon, Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Gallimard-Le Seuil, « Hautes études », 1989, 264 p. Ils proposent un bilan critique des deux principaux modèles d’analyse des cultures populaires et remettent en cause les analyses trop misérabilistes.
77 Norbert Elias, La Société des individus, Paris, 1991, p. 16.
78 adtg reg. délib. de la communauté de Moulis, 3 E 749. Les consuls de cette communauté située dans la paroisse de Reyniès sont en désaccord avec les consuls de cette paroisse au sujet de la réparation du clocher de l’église de ce village et au sujet du salaire du régent. Le conseil politique de Moulis a décidé, le 23 juillet 1719, de ne plus contribuer à rémunérer le régent de Reyniès. Cette décision a donné lieu, en novembre 1719, à une procédure devant le subdélégué de Montauban, le représentant de l’intendant en Haut Languedoc.
79 adtg, 3 E 912, compte rendu très complet de ce procès comprenant 55 pages.
80 Jacques Jarricot, « Pour une histoire de la communauté villageoise en Rouergue à la fin de l’Ancien Régime », dans rdr., no 105, janvier-mars 1973, pp. 19-26.
81 Le cahier de doléances de la communauté de Montaïn a été retrouvé dans les archives familiales des descendants d’un notable du village au moment de la Révolution, avec un certain nombre d’autres documents. Ce cahier est intégralement reproduit dans bsatg tome CXVI, 1991, pp. 155-159.
82 adl, état des charges locales, C 1173.
83 J. F. de Richeprey, Journal des voyages, op. cit., t. I, note pp. 83-84.
84 ada, registre du notaire Debals, 3 E 5624, il reproduit les délibérations consulaires de la communauté de Sanvensa dans ses minutiers.
85 ada, vis. past., G 112 et G 114.
86 adtg, 3 E 912, plaidoirie de l’avocat de Reyniès.
87 adtg, reg. Délib., 3 E 335 (1), fol. 2, délibération du 22 mars 1750. « Il a été unanimement délibéré que la comté donne pouvoir aux dits sieurs consuls de veiller que les cabarets soint fermés après neuf heures du soir et que pour cest effet, mrs les curés seront priés de faire sonner la cloche à la dite heure… »
88 La notion de déchristianisation est discutée et les débats sont loin d’être clos sur ce sujet. L’analyse de Fernand Boulard et de Jacques Gadille dans une introduction générale à l’ouvrage de Fernand Boulard, Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français ( xixe siècle -xxe siècles), Paris, 1982, pp. 11 à 38, où ils abordent les divers points de vue sur la christianisation et la déchristianisation. Plus récemment, Dominique Julia a fait une mise au point très utile sur ce sujet dans Croyances, pouvoirs et sociétés : Des Limousins aux Français. Etudes offertes à Louis Pérouas, réunies par Michel Cassan, Jean Boutier et Nicole Lemaître, édit. Les Monedières, 1988. Elle s’intitule : « Déchristianisation ou mutation culturelle ? L’exemple du Bassin parisien au xviiie siècle » où il se demande s’il ne s’agit pas d’une « impasse historiographique ».
89 Benoît Garnot, Le peuple au siècle des Lumières. Echec d’un dressage culturel, Paris, 1990.
90 Cité par Edgar Faure dans La Disgrâce de Turgot, Paris, 1961, p. 382.
91 Michel Vovelle, Piété baroque et déchristianisation. Attitudes provençales devant la mort au siècle des Lumières d’après les clauses des testaments, Paris, 1973.
92 Comme le constate Pierre de Saint-Jacob, en Bourgogne, dans Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de l’Ancien Régime, Bernigaud et Privat, 1960.
93 Jean Rives, Dîme et société dans l’Archevêché d’Auch au xviiie siècle, Paris, 1976. Les dîmes abusives se sont multipliées dans cet archevêché, au moment où le prélèvement à la côte de 31-4, permettait au décimateur de recouvrer plus du huitième de la récolte. Les paroissiens en colère ont contesté la lourdeur de taux aussi démesurés, notamment à la suite d’une sentence du parlement de Toulouse, le 14 mars 1781, qui, une fois n’est pas coutume, les jugeait anormalement élevées. L’archevêque observe alors, avec amertume, que « les habitants des paroisses dont le taux était plus que le dixième se sont tous syndiqués », p. 147.
94 Arch. dép. Tarn-et-Garonne, deux actes enregistrés par Bonnassies, notaire de Montpezat-de-Quercy, témoignent de ce syndicat L’un, le 22 août 1784 ; l’autre le 22 octobre 1785 dans 5 E 11882.
95 Arch. dép. Tarn-et-Garonne, dans la série B non classée, un long dossier de procédure devant le Sénéchal de Montauban permet d’avoir de nombreux détails sur cette affaire. Par trois fois, en octobre, le presbytère a été assailli par les paysans en colère qui ont jeté de gros cailloux contre ses portes et ses fenêtres. Le sénéchal de Montauban est saisi de ce dossier et procède à trois jours d’interrogatoires sans obtenir d’éclaircissements. Le dimanche 30 octobre, le curé du village lit un monitoire de l’évêque de Cahors par lequel est lancé un appel à témoins. Les témoignages concordent pour désigner Jean-Baptiste Izac comme meneur de la sédition, mais la solidarité communautaire a joué à plein et aucune dénonciation ne s’est semble-t-il exprimée à l’encontre des auteurs des violences nocturnes.
96 Chez certains notaires comme ceux d’Escatalens ou de Saint-Porquier, tout se passe comme s’il s’agissait de garantir l’authenticité des actes et d’éviter ensuite les contestations.
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