Avant-propos
p. 13-14
Texte intégral
L’art de l’imprimerie s’était répandu sur tant de points, il avait tellement multiplié les livres, on avait su les proportionner si bien à tous les degrés de connaissances, d’application et même de fortune ; on les avait pliés avec tant d’habileté à tous les goûts, à tous les genres d’esprit ; ils présentaient une instruction si facile souvent même si agréable ; ils avaient ouvert tant de portes à la vérité, qu’il était devenu presque impossible de les lui fermer toutes, qu’il n’y avait plus de classe, plus de profession à laquelle on pût l’empêcher de parvenir. Alors quoiqu’il restât toujours un grand nombre d’hommes condamnés à une ignorance volontaire ou forcée, la limite tracée entre la portion grossière et la portion éclairée du genre humain s’était presqu’entièrement effacée…
Condorcet
Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, 1793

Les dames de Saint Maur et leurs élèves en promenade au bord du Tarn, à Montauban.
Tableau anonyme du xviiie siècle. Collection privée, M. et Mme Dufor.
1Entreprendre des recherches en histoire est une belle aventure qui suppose bien des tâtonnements, bien des incertitudes. Étudier l’instruction et la culture, dans des provinces méridionales, au cours des deux derniers siècles de l’Ancien Régime a suscité, dès les premières approches bibliographiques, un grand nombre d’interrogations. Les Quercinois et les Rouergats étaient-ils aussi massivement analphabètes qu’on l’a si souvent écrit ? Pourquoi la volonté populaire de s’instruire aurait-elle été plus faible qu’ailleurs ? L’écart entre la culture du peuple et la culture des élites était-il aussi ample qu’on peut l’observer dans d’autres provinces ?
2Apporter des réponses, les appuyer sur des preuves exige un long travail d’investigation qui suppose d’amasser des indices, d’accumuler des données afin de dresser des tableaux ou de réaliser des statistiques qui permettent, au bout du compte, d’élaborer des synthèses, à partir desquelles un certain nombre de convictions se dégagent et s’affirment.
3Sans doute ai-je eu la chance de tomber, dès les premiers mois de mes recherches, sur une série d’archives complètement inexplorées qui m’ont entraîné dans une enquête approfondie sur l’école dans la communauté de Reyniès, près de Montauban. Allant à l’encontre des certitudes affirmées, les recherches dans les registres des délibérations consulaires de cette communauté rurale, font apparaître l’instruction des enfants comme une préoccupation constante pour les parents, au long du xviiie siècle. Pourtant c’est surtout l’évaluation de l’alphabétisation dans cette paroisse qui a permis de faire les découvertes les plus déterminantes. Alors que, conformément à une méthode classique d’appréciation, le niveau des signatures relevé d’après les registres paroissiaux s’avérait déplorable, les vérifications entreprises, en recherchant les signatures des mariés dans les registres des notaires, ont permis de montrer qu’il était impossible de faire confiance aux registres paroissiaux pour établir les niveaux d’alphabétisation.
4Pareille constatation vérifiée dans d’autres paroisses que celle de Reyniès, devait inévitablement conduire à remettre en cause la méthode classique de comptage de l’alphabétisation, et à suspecter les jugements que l’on porte dans l’historiographie traditionnelle sur l’analphabétisme des méridionaux, notamment en pays toulousain ou dans le Quercy. En effet, les longues recherches entreprises dans les minutiers des notaires ont permis de mettre en évidence les progrès de l’alphabétisation rurale, au cours du xviiie siècle, et elles ont, en outre, contribué à discerner les progrès du bilinguisme et la constitution d’un groupe de notables ruraux capables de prendre en mains les destinées des communautés. Chemin faisant, les Quercinois et les Rouergats ne sont plus apparus comme cette horde d’illettrés que caricaturait Emmanuel Le Roy Ladurie, mais comme un peuple, certes attaché à ses traditions, et aussi profondément marqué dans ses élites locales par de nouveaux rapports avec la culture écrite.
5Avant de poursuivre cette étude, je ne manquerai pas d’adresser des remerciements à tous ceux qui ont contribué à m’apporter aide et conseils. Je remercie les directeurs des Archives départementales de Montauban, de Cahors et de Rodez, pour les conseils qu’ils m’ont prodigués, avec affabilité et compétence et je n’oublie pas tous les personnels des Archives qui ont tout fait pour faciliter mes investigations. Que soient aussi remerciés les directeurs et le personnel des Bibliothèques municipales, notamment à Montauban où se trouve un fonds ancien d’une exceptionnelle richesse.
6Je remercie tout particulièrement madame Janine Garrisson, mon directeur de thèse, qui m’a proposé ce sujet de recherches, m’a guidé avec beaucoup d’attention et a tout fait pour m’encourager à mener ce travail à son terme avec une cordiale exigence. Merci à mes amis tarn-et-garonnais dont la connaissance de l’histoire locale a été d’une aide précieuse. Grand merci aux collègues historiens qui m’ont apporté leurs conseils, tels Michel Vovelle, Dominique Julia, Jean-Pierre Amalric, Dominique Blanc, Michel Taillefer, Patrick Ferté, Alain Ducellier. Que ceux qui m’ont aidé, que tous ceux qui m’ont de près ou de loin constamment encouragé trouvent ici l’expression de ma gratitude.
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