La violence antisémite dans les universités polonaises
Théorie ethnique de la nation et refus de la citoyenneté
p. 169-188
Texte intégral
1En termes comparatifs macro-historiques, deux trajectoires inverses caractérisent les destins des Juifs à l'Est et à l'Ouest de l'Europe avant la shoah. Alors qu'à partir du XIXe siècle, l'espace public s'ouvre aux Juifs à l'Ouest, la place qui leur est fait à l'Est se réduit comme une peau de chagrin. Alors qu'au lendemain de l'émancipation, les Juifs s'intègrent à l'Ouest, qu'ils vont de la périphérie vers le centre, leur trajectoire semble inverse en Pologne, où, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, on s'achemine vers une législation anti-juive. Au XVIe siècle, la Pologne avait été un « État sans bûchers1 » et sans guerres de religion. Son XXe siècle est profondément marqué par le projet nationaliste de déjudaïsation et d'expulsion des Juifs. Émancipatrice en France, la « modernité » semble largement défavorable aux Juifs à l'Est.
2Le contraste de ces deux destins apparaît clairement à travers la question de la violence. Alors que depuis les croisades les massacres de Juifs deviennent rares en Occident, la violence anti-juive physique culmine en Pologne au XXe siècle. Si l'on écarte la question des pogromes plus ou moins organisés par « en haut » par les autorités russes jusqu'en 19062, ainsi que ceux qui se sont produits dans la confusion de l'effondrement des empires et au moment de l'indépendance3, on constate que la violence anti-juive atteint son sommet dans les années trente. Loin de constituer la persistance archaïque d'une tradition ou d'une époque révolue, cette exacerbation est une innovation dont on se propose ici de dégager les significations.
3Commençons par en relever quelques manifestations. Les pogromes se multiplient depuis 1935 : Grodno, Suwalki (juin 1935), Odrzywol (novembre 1935), Czyzew (décembre 1935), Przytyk (mars 1936), Minsk Mazowiecki (juin 1936), Brzesc (mai 1937), Czestochowa (juin 1937), Bielsko Biala (septembre 1937)... À ces manifestations spectaculaires il faudrait ajouter dans la seconde moitié des années trente une violence anti-juive ponctuelle et peu organisée, parsemée sur l'ensemble du territoire, dont des contemporains notaient les ravages : à Chorzow, onze Juifs furent blessés avec de l'acide chlorhydrique ; à Wongrowiec, la maison du président de la communauté juive fut incendiée4 ; à Dzialoszyn, près de Czestochowa, un cimetière juif fut profané ; sans même parler des innombrables agressions individuelles de passants juifs, allant de l'humiliation jusqu'au meurtre. S'agissant de la période de l'entre-deux-guerres, une indication quantitative de cette violence nous est fournie par des rapports internes du ministère de l'Intérieur. Pour le troisième trimestre 1936, on note 92 agressions individuelles et 105 agressions collectives, 571 blessés et 26 tués, 1115 cas de vitres brisées5. Au quatrième trimestre, les mêmes sources indiquent 654 blessés, 13 tués, 1492 cas de vitres brisées6. Selon des chiffres établis par Jacob Lestchinsky, entre mai 1935 et août 1936, au moins 1289 Juifs furent blessés dans plus de 150 villes et villages7. Suivant une étude plus récente, deux mille personnes environ furent touchées ou blessées, entre 1935 et 1937. On a pu dénombrer une cinquantaine d'attaques à la bombe visant généralement des magasins juifs, parfois des synagogues8.
4Cette violence anti-juive fut longtemps passée sous silence dans l'historiographie polonaise. Lorsqu'elle est évoquée, c'est généralement en termes de violence stratégique qui servirait la mobilisation des partis nationalistes. Suivant une autre perspective, éventuellement complémentaire de la première, on l'analyse parfois suivant le classique schéma « frustration-agression » en tant qu'exacerbation d'un antisémitisme de concurrence dans un contexte de crise. Ou bien, plus récemment, on met en relation l'antisémitisme avec la visibilité des Juifs. La violence serait causée par la perception d'une altérité radicale, appréhendée à travers la catégorisation dichotomique, nous/eux. Mettant l'accent sur l'ethnicité, cette perspective induit souvent l'idée que des catégories culturelles pérennes, posées comme des données premières, auraient une pertinence explicative en elles-mêmes. La violence anti-juive serait ainsi corrélée et quasiment proportionnelle à la différence et à sa visibilité sociale. Nous avancerons ici une autre hypothèse.
La violence antisémite contre l'égalité
5Nous soutiendrons que le véritable enjeu de cette violence n'est ni la concurrence, ni la différence, mais au contraire l'égalité et l'universalité des droits. Certes, une grande partie des violences antijuives des années trente était initiée par des militants nationalistes. Il est vrai également que la crise économique dessinait le contexte de ces violences. Mais si l'on observe les lieux privilégiés de ses manifestations, il apparaît que la violence s'exprime de manière préférentielle dans des lieux particuliers tels que les marchés et surtout l'Université. Les jours de marché, des militants nationalistes démolissaient des vitrines de magasins juifs, entreprenaient des actions de boycottage des marchands juifs, ces actions s'accompagnant parfois d'intimidations à l'encontre de ceux qui achetaient « chez les Juifs ». Des groupes de militants s'installaient devant des magasins juifs, photographiant quelquefois les chrétiens qui venaient s'approvisionner chez les Juifs. Ces « piquets de boycott », dont la présence suscitait fréquemment des affrontements physiques, gagnaient deux zlotys par jour en 19379.
6Mais le phénomène le plus troublant, qui nous interpelle très particulièrement en tant qu'universitaires, c'est la violence antisémite surgie au cœur même d'une institution incarnant la Raison, l'universalisme des Lumières, l'Humanisme par excellence, bref située en principe au plus loin du préjugé racial. Les Universités et les écoles supérieures polonaises devinrent le théâtre de bagarres déclenchées dans les années trente par les corporations nationalistes qui dominaient alors la vie politique étudiante.
7Les premiers affrontements sanglants se produisirent en automne 1931 à l'université de Cracovie, où des étudiants nationalistes (nationaux-démocrates) chassèrent des salles de cours leurs condisciples juifs, auxquels ils reprochaient de ne pas fournir un nombre suffisant de cadavres à l'Institut d'Anatomie. Rapidement, les troubles se sont étendus à Wilno, à Lwow, à Varsovie où en novembre 1931 des groupes d'étudiants armés de matraques ont sérieusemerit blessé des étudiants juifs, avant de se précipiter sur les passants juifs du Jardin de Saxe10. Blessé d'une pierre, un étudiant catholique (Stanislaw Waclawski) est mort, à Wilno. Il devint (avec Grotkowski, mort en novembre 1932 à Lwow) le martyr du mouvement étudiant nationaliste, célébré par des manifestations annuelles. En 1932, à Lwow, les cérémonies commémoratives de sa mort ont dégénéré, mettant « le quartier juif à feu et à sang : on a compté 360 blessés parmi sa population11 ».
8Soulignons que cette violence éclatait principalement lorsque les étudiants juifs refusaient d'accepter les places séparées qu'on leur désignait, appelées les « bancs du ghetto ». Le mot d'ordre de places séparées pour les Juifs apparut dans certaines institutions d'enseignement supérieur (Polytechnique, École supérieure de commerce [WSH] à l'université de Varsovie) dès l'automne 193312. La ségrégation fut mise en place dès 1935 à l'université de Wilno et à l'École polytechnique de Lwow13.
9Les rapports du ministère de l'Intérieur décrivent les événements sobrement :
« L'action anti-juive fut initiée par des troubles dans les facultés de Lwow. En janvier [1936], des étudiants du Parti National [Stronnictwo Narodowe] tentèrent par la force de repousser les Juifs des bancs, exigeant que ceux-ci prennent des places séparées, du côté gauche de l’amphithéâtre. Une bagarre fut alors déclenchée et les étudiants juifs furent jetés hors des salles de cours de l'École polytechnique de Lwow. Afin d'éviter d'autres bagarres, les autorités de l'École polytechnique décidèrent alors de désigner des places séparées aux étudiants juifs. Ceux-ci n'ayant pas accepté la mesure, des bagarres s’ensuivirent pendant les cours de nombre de professeurs14. »
10Étudiant à l'université de Lwow entre 1932 et 1936, le critique littéraire Artur Sandauer se souvient qu'on s'y promenait « l'œil aux aguets et l'oreille tendue : l'agression pouvait surgir de chaque recoin, à tout moment. Durant les séminaires, on relevait parfois la tête au-dessus de son livre : du couloir parvenaient les bruits de piétinements d'une poursuite et des cris. Alors on se replongeait dans l'histoire de la guerre du Péloponnèse, feignant qu'il ne s'était rien passé. Car, fait caractéristique, autour de ces altercations, dont l'université constituait la scène, régnait une conspiration du silence spécifique. Les professeurs l'ignoraient, s'employant à ne pas remarquer les tâches de sang sur les parquets des salles de cours ; le recteur, ordonnant la suspension des cours, évitait soigneusement d'en préciser les raisons ; les pouvoirs publics les ignoraient également lorsque, se déplaçant du terrain autonome de l'Université vers la ville, les émeutes vidaient les rues pendant quelques jours, tout en peuplant les dispensaires et les hôpitaux15 ». On utilisait des matraques, des casse-têtes, des lames de rasoirs fixées sur des bâtons de bois et parfois même des armes à feu. Après une perquisition dans trois cités universitaires de Lwow, la police confisqua 16 revolvers, 13 grenades à main, 34 ampoules remplies de gaz et d'acides, et du matériel pouvant servir à fabriquer des engins explosifs16.
11Les actions consistant à organiser d'abord des « journées » puis des « semaines sans Juifs » se multipliaient dans les universités de Lwow, de Wilno et de Varsovie à partir de l'automne 1937. Lors de la « journée sans Juifs » de janvier 1937 à l'université de Varsovie, les tracts distribués n'usaient pas d'euphémismes :
« Partout où tu rencontreras un Juif, brise lui les dents à coups de barre de fer. N'hésite pas, même s'il s'agit d'une femme. Ne crains rien et ne regrette qu'une seule chose, c'est de n'avoir pas frappé assez fort17 !... »
12Selon un tract datant du 26 janvier 1937, « le progrès, la science, la démocratie, cela sonne bien. Mais qu'est ce qui se cache derrière ? La répugnante âme juive. Ce répugnant matraquage qui te fait frémir, c'est en réalité le beau combat pour libérer la nation des liens juifs. Imagine seulement : tu rencontres un Juif ou un communiste, quelque part, dans un endroit obscur. Tu cognes ! Tu cognes, avec une barre de fer dans les dents18 ! ». Depuis 1932, ces pogromes universitaires amenaient les autorités à suspendre les cours, quelques jours, durant parfois même quelques semaines.
13Depuis les premières années de l'indépendance de la Pologne, l'accès à l'université pour les Juifs a toujours été particulièrement difficile sans bonnes « relations » ou protections particulières19. Insatisfaites du principe du « numerus clausus » avancé dès le début des années vingt, les organisations nationalistes universitaires exigèrent désormais celui du numerus nullus pour les étudiants juifs20, ce que certains établissements mirent en pratique en n'acceptant aucune inscription d'étudiants juifs. Ce fut le cas de l'université de Poznan pour l'année 1936/1937, de l'École supérieure de commerce [WSH] de Poznan en 1937-1938, de l'Académie de médecine vétérinaire de Lwow et du département de médecine à l'université Jagellone de Cracovie en 1938/193921. Fondée sur le modèle nazi, l'organisation nationaliste d'extrême droite ONR-ABC « recommend[ait] à tous ses membres qui rencontraient un Juif à l'Université de le frapper et de le jeter hors de l'enceinte universitaire afin de réaliser le principe du numerus nullus22 ».
14La violence n'épargnait pas les professeurs ou étudiants polonais prenant la défense des Juifs. Par exemple, le philosophe Tadeusz Kotarbinski, qui tenta de mettre fin au tapage organisé pendant son cours, fut descendu de son estrade, et malmené par les étudiants qui « le lançaient tel un ballon23 ». Tous les tracts nationalistes s'en prenaient tant aux Juifs qu'aux « valets des Juifs », « enjuivés » et autres « crypto-juifs » qui refusaient les principes de la ségrégation antisémite. Il arrivait que des étudiants chrétiens présentant une vague conformité au phénotype juif issu de l'imaginaire antisémite (la couleur des cheveux suffisait), soient passés à tabac24. On allait parfois jusqu'à boycotter des étudiants chrétiens qui maintenaient des relations amicales avec les Juifs25.
« Au cours de mes études – écrit A. Sandauer déjà cité – je n'ai pas réussi à nouer de relation suffisamment amicale avec un étudiant polonais ne serait-ce que pour sortir ensemble dans la rue. Une seule fois, un étudiant issu d'une famille paysanne eut ce courage, il devait se sentir aussi mal à l’aise parmi ces jeunes seigneurs que moi26. »
15Face à l'agitation nationaliste, le postulat des places séparées pour les Juifs fut accepté, parfois imposé par certains enseignants. En novembre 1937, c'est le recteur de l'École polytechnique de Varsovie lui-même qui interdit aux Juifs ayant protesté contre les bancs du ghetto de suivre les cours de l'École.
« Le ghetto académique moderne est une invention de l'École polytechnique de Lwow – écrivait en 1936 Zygmunt Szymanowski, professeur à l'université de Varsovie – mais il est adopté par d'autres établissements. On peut constater avec étonnement et avec amertume que son instauration n'a pas rencontrée d'opposition solidaire des professeurs et des recteurs. Bien au contraire, certains sanctionnèrent cette extravagance, en désignant une place séparée pour les étudiants juifs [...]. C'est un secret de polichinelle qu'une partie des professeurs s’est solidarisée avec les étudiants nationalistes et considère les juifs comme des étudiants de seconde zone. Par un étonnant concours de circonstances, les altercations éclatent surtout dans les cours de ce type de professeurs. Lorsqu'une étudiante, renvoyée de l'amphithéâtre, s’est adressée en aide au professeur assis sur l’estrade, celui-ci fit un geste hypocrite d'impuissance, en lui conseillant de sortir elle-même27. »
16Les témoignages soulignent dans l'ensemble l'extraordinaire passivité des autorités publiques face aux violences, et l'impunité des agresseurs. Comme le constatait le professeur T. Kotarbinski, « l'État n'est pas capable d'assumer les obligations les plus fondamentales de tout État, dont la garantie aux citoyens de la sécurité physique28 ». Légitimation inespérée de l'action menée par les étudiants nationalistes, le ministre de l'éducation autorisa le recteur à prendre des mesures pour rétablir l'ordre : ainsi le recteur de l'université de Varsovie prit un arrêté (octobre 1937) prescrivant dans les amphithéâtres les places paires aux Polonais, les places impaires aux Juifs et les places non numérotées aux autres29. En décembre 1937, c'est le recteur de l'École polytechnique de Lwow qui annonça l'institution de bancs spéciaux30. Les « bancs du ghetto » furent même introduits à l'École d'ingénieurs fondée par Wawelberg et Rotwand (deux représentants de la bourgeoisie juive polonaise du XIXe siècle), léguée en 1919 à l'État polonais sous réserve expresse qu'aucune discrimination raciale, nationale ou religieuse n'y soit jamais pratiquée31.
17Nous considérons que la violence anti-juive qui se produit à l'université ou sur les marchés est idéal-typique non seulement en raison de son ampleur32, mais surtout parce que les lieux dans lesquels elle se déploie constituent des espaces universalistes par excellence, des espaces où la coexistence entre Juifs et non-Juifs est établie de manière individualiste et égalitaire, suivant des règles communes. Qu'il s'agisse de l'espace économique des marchés ou de l'espace universitaire, les individus, en relation ou en concurrence, n'y existent en principe qu'abstraitement, donc de manière interchangeable, indépendamment de leur identité et de leurs origines culturelles. Il ne s'agit pas de nier l'exacerbation des tensions dérivant de la crise économique avec les classiques phénomènes de déplacement de l'agressivité qu'ils supposent. Mais l'argument de la place excessive des Juifs dans l'économie ou à l'Université s'inscrit tout d'abord dans un discours identitaire qui subordonne la catégorie économique (universaliste) à la catégorie culturelle (particulariste) de la polonité. Il ne prend tout son sens qu'au sein d'une idéologie identitaire, et son enjeu est une recomposition symbolique des murs du ghetto dans une société en voie de modernisation. Comme l'observait l'un des sociologues polonais d'avant-guerre, Stefan Czarnowski, la violence à l'université répercute « l'écho d'une tradition séculaire ne tolérant le Juif qu'à la condition qu'il ne sorte pas du ghetto et qu'il ne s'efforce pas d'égaler en droits et en devoirs le reste de la société33 ». Dans cette perspective, la concurrence rendue plus âpre par la crise économique suscite d'autant plus de réactions violentes que la légitimité des Juifs en Pologne, et sur elle, c'est-à-dire profondément leur citoyenneté, n'est pas acceptée. La théorie du ressentiment de Norbert Elias nous aide à comprendre ce moment crucial où l'ordre des choses qui apparaît aux « groupes établis » comme naturel commence à vaciller, « quand un groupe marginal socialement inférieur, méprisé et stigmatisé, est sur le point d'exiger l'égalité non seulement légale, mais aussi sociale, quand ses membres commencent à occuper dans la société majoritaire des positions qui leur étaient autrefois inaccessibles, c'est-à-dire quand ils commencent à entrer directement en concurrence avec les membres de la majorité en tant qu'individus socialement égaux ». Les groupes établis « acceptent comme allant de soi de se trouver en concurrence avec des membres de leur propre groupe quand il s'agit d'obtenir des promotions sociales. Mais ils ressentent comme une humiliation insupportable de devoir entrer en concurrence avec des membres d'un groupe marginal méprisé34 ».
18En ce sens, la violence de l'antisémitisme dit « de concurrence » apparaît surtout comme une violence réactive à une situation d’égalité perçue comme fondamentalement illégitime. La chasse aux Juifs à l'université manifeste de manière profonde le refus de l'égalité entre individus en fonction de leur mérites, c'est-à-dire de ce qu'ils font et non pas ce qu ils sont. Les acteurs antisémites ne réagissent pas tant à l'inégalité socioéconomique accentuée par une situation de rareté, mais bien au contraire à l'égalité entre individus que présuppose la concurrence. Par-delà son caractère instrumental, ou sa fonction d'exutoire, la violence antisémite met par conséquent en jeu des subjectivités et des significations particulières que l'on peut analyser comme des orientations culturelles. Sans doute la rareté ou la frustration relative contribuent à rendre compte de la violence, mais la signification de la violence antisémite réside ici dans le refus culturel d'une citoyenneté universaliste, égalitaire, entre Juifs polonais et Polonais non juifs.
19On peut expliquer dès lors pourquoi la violence de l'antisémitisme polonais augmente lorsque les structures hiérarchisées de la société seigneuriale s'effondrent. On retrouve la dialectique paradoxale de la différence et de l'égalité observée de manière saisissante par Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique :
« Le préjugé de race – écrit-il – me paraît plus fort dans les États qui ont aboli l'esclavage que dans ceux où l'esclavage existe encore [...] Au Sud, où l'esclavage existe encore, on tient moins soigneusement les nègres à l'écart ; [...] la législation est plus dure à leur égard ; les habitudes sont plus tolérantes et plus douces. Au Sud, le maître ne craint pas d'élever jusqu'à lui son esclave, parce qu'il sait qu'il pourra toujours, s'il le veut, le rejeter dans la poussière. Au Nord, le blanc n'aperçoit plus distinctement la barrière qui doit le séparer d'une race avilie, et il s'éloigne du nègre avec d'autant plus de soin qu'il craint d'arriver un jour à se confondre avec lui35. »
20Si la violence s'exacerbe dans des espaces égalitaires et universalistes par excellence, c'est que le principe d'égalité de droit entre Polonais non juifs et Juifs polonais apparaît comme fondamentalement intolérable. Le processus de l'entrée égalitaire des Juifs dans l'espace commun suscite de l'indignation. Celle-ci se manifeste par une violence qui n'est ni « anomique », ni « stratégique », ni « colérique36 » mais qui s'estime profondément légitime car participant de l'autodéfense identitaire. Il n'est donc pas étonnant que la violence s'exacerbe précisément là où le conflit entre droits de citoyen et appartenance ethnique se pose de manière cruciale. Le principe de la légitimité démocratique garantissant aux Juifs en tant que citoyens l'égalité des droits se trouve contesté au nom d'une autre légitimité, une légitimité ethnique qui les exclut du droit et de cet espace commun.
21Cette violence qui se déploie au XXe siècle n'est donc pas un atavisme. Ses acteurs ne sont pas des paysans analphabètes de quelque village reculé de Galicie, mais des étudiants ambitieux constituant la future intelligentsia, les futures élites de la société polonaise. Surgie au sein du conflit opposant légitimité démocratique et légitimité ethnique, la violence ne met pas seulement en jeu une certaine manière de se représenter l'Autre, en l'occurrence le Juif, mais également une manière de se penser soi, et plus précisément une manière de penser la nation.
« La jeunesse est parfaitement convaincue qu'elle constitue la Pologne à elle seule, et que le Juif en Pologne n'est qu’une sorte de supplément toléré, écrivait le sociologue S. Czarnowski à propos de la violence universitaire37. »
22Par conséquent, on ne saurait expliquer cette violence sans expliciter les soubassements culturels qui la rendaient profondément légitime pour ceux qui l'exerçaient.
Une logique d'épuration ethnique
23La violence antisémite est directement liée au conflit majeur né de la confrontation de deux orientations en matière de culture du politique : ceux qui considèrent qu'il n'y a de droits en Pologne que pour les nationaux au sens ethno-culturel du terme, et ceux qui estiment que le bénéfice des droits découle de l'appartenance citoyenne, hormis toute considération d'appartenance ethnique. Ce conflit crucial dessinait l'une des contradictions majeures du jeune État polonais renaissant. Cet État se disait État-nation, mais se pensait comme une Nation-État. En ce sens, les significations de la violence antisémite sont à chercher aussi dans la manière de concevoir le fondement de la communauté nationale, et plus largement les relations entre culture et politique, entre société et État. Il est donc nécessaire d'explorer les relations entre l'antisémitisme et la construction nationale, elle-même liée en Pologne à la faiblesse puis à la disparition de l'État.
24Sur le plan de la sociologie historique comparative, la spécificité majeure de la trajectoire polonaise réside dans la mise en échec par les élites nobiliaires de la construction étatique au XVIIe siècle, puis dans la disparition pure et simple de l'État au XIXe. Il en résulte des conséquences majeures, tant sur la construction identitaire polonaise que sur celle du jeu politique et du même coup sur le destin des Juifs. Comparée au cas français d'un lien national construit à partir du pôle étatique, la Pologne a connu en effet un processus inversé. Le passage de la nation nobiliaire à la nation peuple s'effectua en l'absence d'État. La nation ne se constitua pas en principe de souveraineté politique contre le Roi et l'Ancien Régime, mais comme principe culturel contre les dominations impériales du XIXe siècle. Rayée de la carte de l'Europe au XIXe siècle, devenue périphérie d'Empires, la Pologne était alors tout sauf un État. Selon les termes de Jean Leca, la citoyenneté réfère aux droits qu'un État confère aux individus, alors que la nationalité réfère à l'appartenance à une communauté culturelle. Or, être polonais au XIXe siècle ne signifiait pas relever d'un État mais d'une nationalité [narodowosc]. Au cours d'une longue période, allant de la fin du XVIIIe siècle jusqu'à la renaissance de l'État en 1918, l'appartenance ne dérivait pas d'un concept juridico-politique universaliste et potentiellement inclusionnaire mais d'un concept culturel potentiellement exclusionnaire38. Loin de donner naissance à une forme d'universalisme jouant le même rôle que le politique à l'Ouest39, loin de constituer un bien inclusif et dépolitisé, la culture devint un concept de clôture et d'exclusion identitaire. En l'absence de l'État et contre les dominations impériales, c'est l'affirmation culturelle ou religieuse qui fut centrale dans la définition du national, aboutissant à la construction d'une théorie ethnique de la nation, fondamentalement antipolitique et négatrice du pluralisme culturel. En d'autres termes, parler de nation à l'Est, en particulier en Pologne, ne renvoyait pas à l'idée moderne de nation définie par son « ambition de transcender par la citoyenneté des appartenances particulières40 » mais à l'appartenance culturelle ; en disant nation, on ne parlait pas citoyenneté mais nationalité.
25Il est clair que la citoyenneté ne s'institue pas en quelques années, sauf à imaginer un État autoritaire qui parvienne à l'imposer au prix d'une forte limitation des libertés. Dans cette perspective, l'autoritarisme pilsudskien de l'entre-deux-guerres se laisse interpréter comme une tentative de modernisation bonapartiste portée par une volonté sans précédent en Pologne de construire un État fort. Le projet impliquait la construction d'une citoyenneté universaliste et égalitaire pour l'ensemble de la population vivant sur le territoire de l'État. Contre cette orientation étatique insistant sur le modus vivendi des différentes minorités religieuses ou culturelles, une puissante mobilisation nationaliste aspirait dans les années trente à jeter l'État de Pilsudski par-dessus bord. Face au difficile problème de la construction nationale dans une société composée de 35 % de minorités « nationales » et soumise depuis la fin du XVIIIe siècle à trois administrations différentes, l'orientation dmowskiste proposait une communalisation41 par la nation ; l'orientation pilsudskiste, par l'État. C'est dans ce contexte que le nationalisme polonais, laïque au départ, catholicisa son identité : la première énonciation théorique d'un lien consubstantiel entre identité nationale et catholicisme dans le « nationalisme des nationalistes » date de 192742, en réaction directe au coup d'État de Pilsudski.
26Contre l'État des citoyens, le projet nationaliste ambitionnait d'ériger « l'État catholique de la nation polonaise43 », en d'autres termes une « Pologne aux Polonais catholiques ». L'affirmation d'un lien nécessaire entre « polonité » et catholicisme dans un État pensé par les nationalistes comme l'État d'une seule nationalité (et dans une société au sein de laquelle les catholiques romains ne dépassaient pas 64 %) réfutait radicalement la conception d'une citoyenneté universaliste. Au fond, cette délégitimation symbolique de l'idée même d'espace public est très semblable à celle qui rassemble les mobilisations identitaires antirépublicaines, beaucoup plus tôt, en France44.
27En Pologne, comme ailleurs, les nationalistes rêvaient de réaliser une unité politique territoriale ethniquement homogène45. Dans leur perspective, la question juive se posait de manière simple. Comment éradiquer une présence juive massive de plus de trois millions d’individus, jugée menaçante pour le maintien de l'identité collective polonaise ? Alors que les populations chrétiennes de l'Est étaient supposées assimilables et donc passibles de polonisation (éventuellement forcée), les Juifs, eux, étaient définis à la fois comme étrangers, inassimilables et menaçants. De plus en plus hanté par l'idée de souillure et d'une contamination interne de l'identité polonaise, le nationalisme opéra un tournant mixophobe, amorcé à l'égard des Juifs dès la veille de la Première Guerre mondiale46 ! Il ne s'agissait plus, comme au début du siècle, d'assimiler, d'ingérer, mais au contraire d'expulser, car la présence des juifs dans la société ne signifiait pas la disparition du problème, mais risquait tout au contraire de faire perdre à cette société son âme polonaise. L'assimilation ne poloniserait pas les Juifs mais menacerait la nation polonaise d'« enjuivement ». Il est particulièrement frappant de repérer ici l'équivalent du mythe d'une « judaïsation » intérieure de l'Allemagne47 qui se structure beaucoup plus tôt au XIXe siècle, en relation avec les modalités d'entrée des Juifs dans une société qui reste tout autant marquée par le refus du pluralisme culturel que la société polonaise.
28La réalisation du principe nationaliste, selon Pierre-André Taguieff, « peut s’opérer selon trois voies : l'assimilation des non-nationaux, leur expulsion ou leur extermination48 ». L'assimilation n'étant plus à l'ordre du jour, la solution envisagée était la même que dans le mouvement nazi à la même époque, à savoir l'émigration-expulsion49. Elle était d'ailleurs largement consensuelle, puisque la majorité de la classe politique avant la guerre (mais aussi pendant50) estimait que le règlement de la « question juive » passait par la nécessité de l'émigration des Juifs à Madagascar ou ailleurs.
29« Convertir ; isoler ; chasser », tels avaient été en Occident les trois axes, selon Jean Delumeau, de la culture chrétienne médiévale à l'égard des Juifs. « Assimiler ; isoler ; expulser », furent successivement les trois axes de la culture nationaliste depuis le dernier tiers du XIXe siècle jusqu'en 193951. À défaut de pouvoir chasser, on devait isoler les Juifs. En l'absence d'État solidement institué, ayant véritablement acquis sa propre légitimité, la mobilisation nationaliste débouchait de manière logique sur des projets de suppression (partielle ou totale) des droits pour les citoyens non catholiques. Le projet d’un État catholique de la Nation polonaise ouvrait par conséquent les voies conceptuelles d'une législation de type Nuremberg, vers laquelle la Pologne s'acheminait à partir de 193552.
30Logique passionnelle d'une judéophobie obsessionnelle ? Sans doute, mais notre choix méthodologique consiste, ici, à restituer la dimension significative de ces revendications, parfaitement logiques et intelligibles dès lors que l'on se place dans l'univers culturel de la nation ethnique. Dans cette perspective, en effet, c'est l'égalité des droits pour tous, indépendamment de l'appartenance ethnique, qui apparaissait comme fondamentalement injuste et illégitime. L'indignation nationaliste des années trente explosait dans les lieux ou Juifs polonais et Polonais non juifs se côtoyaient sur un pied d'égalité. Elle reposait sur une certaine conception de l'État et du droit : « Dans la hiérarchie des concepts, au-dessus du droit il y a le bien de la nation53 », écrivait un auteur nationaliste. Si l'on pense la citoyenneté en termes ethno-religieux, le droit découle de la particularité, de la différence, dirait-on. Or, comme l'écrit Raymond Aron, précisément par référence à la problématique du racisme, « l'individu devient sujet de droit dans la mesure même où le juriste fait abstraction des particularités54 ». En faisant de la polonité ethno-religieuse une condition d'accès aux droits, les nationalistes restaient fidèles à une théorie ethnique de la nation qui récusait radicalement l'autonomie du droit et plus largement celle de l'espace public. L'absolu ethnique primait sur l'universalisme du droit.
31Bien que ce fait soit rarement relevé par les historiens, il est frappant de constater que dans la plupart des nombreux textes écrits sur la « question juive » depuis le début du siècle (jusqu'à nos jours), y compris les programmes officiels datant des années 1935-1939, les Juifs étaient appréhendés à travers l'étrange catégorie de « peuple invité », par opposition au « peuple hôte ». L'usage de ces catégories surprend d'autant plus que la société polonaise était l'une des rares en Europe au sein de laquelle, en l'absence d'expulsions médiévales, la présence juive était dotée d'une formidable permanence historique. Tout comme la violence anti-juive, le mythe de l'autochtonie surgit au cours de la modernisation et en réaction à celle-ci. Il acquit sa véritable pertinence dans l'ordre du politique, principalement à partir de la fin du XIXe siècle, avec la possibilité théorique ouverte aux Juifs (ou une partie d'entre eux) de revendiquer la plénitude des droits. C'est un mythe politique en tant qu'il exprime et légitime par le récit une relation inégalitaire au politique et à l'espace public. Il implique une vision inégalitaire dans laquelle certains citoyens, pensés comme « naturellement » autochtones (ou encore définis « par les racines », comme une population de « souche55 »), auraient plus de droits que les citoyens non ethniquement purs. Le mythe peut être considéré comme spécifiquement raciste au sens où, comme le racisme, selon Colette Guillaumin, il met en scène « une relation sociale de domination qui se proclame "naturelle56 " ». Il est enfin lié au caractère particulièrement tardif à l'Est de la sortie du système seigneurial : l'idée en effet d'un droit spécifique découlant de l'enracinement et de la propriété est en affinité avec un imaginaire politique seigneurial57, et une culture nobiliaire dont certains auteurs soulignent la persistance en Pologne jusqu'au XXe siècle58. Au cours de l'entre-deux-guerres, la logique de l'épuration ethnique en Pologne a pris la forme d'une « déjudaïsation », d'une volonté d'isoler et d'expulser les Juifs, peuple « invité ».
32Il n'est pas indifférent de noter que les premiers projets de suppression des droits civiques et de numerus nullus pour les Juifs à l'Université naquirent dans la section académique du Camp du mouvement nationaliste de la Grande Pologne59 et dans la Jeunesse Pan-Polonaise60. En 1932, lors d'une réunion de la direction de la jeunesse Pan-Polonaise, Jan Mosdorf n'y allait pas par quatre chemins :
« La population qui relève de l’État polonais devrait être partagée en citoyens et en dépendants [przynalezni] ne possédant aucun droit politique. Les Juifs relèvent de cette dernière catégorie, indépendamment du fait qu'ils soient ou non de confession juive61. »
33Les nationalistes des années trente retrouvaient à l'égard des Juifs la logique catholique traditionnelle de ségrégation. Il s'agissait d'établir un principe de séparation étanche. Isoler, pour ne pas se laisser « enjuiver », fut le principal mot d'ordre de l'antisémitisme national-catholique depuis la fin du XIXe siècle en Pologne, et les possibilités théoriquement ouvertes par l'existence de l'État en faveur d'une citoyenneté égalitaire n'ont fait qu'exacerber cette passion différencialiste. L'espace scolaire et universitaire comme lieu de coexistence et de formation de la jeunesse constituait précisément l'un des points névralgiques de ce nationalisme d'autodéfense identitaire. Suivant une brochure du Parti démocrate-chrétien (1926), « l'une des principales conditions de la défense de notre culture c'est la séparation des Juifs dans l'espace scolaire. Un juif ne devrait pas enseigner aux chrétiens, tandis que la jeunesse chrétienne ne devrait pas être en contact avec la jeunesse juive sur les bancs d'école62 ». Comme l'écrivait en 1938 Piotr Ponisz, « d'un point de vue national et catholique », « il faut avant tout tendre à isoler la population juive de la population polonaise pour couper l'influence destructrice et continue des Juifs sur le psychisme polonais ». Selon ce théoricien jeune-endécien63, « le premier postulat de la santé morale de la nation réside dans la rupture des relations amicales, mondaines, sociales, commerciales avec les Juifs, dans le boycott de la presse juive, le ghetto dans les universités, sur les marchés, dans les appartements. [...] Si l'on ne veut pas qu'il repousse, le cancer doit être extrait avec ses racines, jusqu'au moindre tissu contaminé. La juiverie repousserait à partir de la dernière famille juive en Pologne si cette famille y conservait ses droits civiques64 ».
34Justifiant les prémisses tout en condamnant les résultats, la hiérarchie catholique critiquait la violence dans les Universités tout en soutenant les efforts de ségrégation des Juifs65. D'une manière générale, dès le début des années vingt, des voix ecclésiastiques indignées s'élevaient contre l'existence d'écoles (confessionnellement) mixtes66. En 1935, le primat Hlond et l'archevêque A. Kakowski envoyaient aux autorités publiques des adresses au nom de l'épiscopat :
« Il ne s'agit pour nous que d'une chose : que la jeune génération polonaise ne se laisse enjuiver [nie zydzialo], or ce danger nous le voyons dans le mélange massif des enfants juifs avec les enfants polonais à l'école publique, et dans la nomination des personnes de confession juive comme enseignants dans les écoles catholiques67. »
35Rappelons enfin que c'est à l'abbé Aleksander Woycicki, recteur de l'université Stefan Batory (Wilno), et député chrétien-démocrate, que revient le privilège d'avoir instauré le premier les « bancs du ghetto », séparant les Juifs des autres, à l'Université68.
36Au cœur de l'exclusion anti-juive en Pologne, il n'y a donc pas tant une négation de l'identité juive qu'une négation de l'égalité des droits entre Polonais non juifs et Juifs polonais69, comme si le pluralisme culturel n'était pensable que dans la hiérarchie. Ce qu'on refusait au cours de l'entre-deux-guerres, c'était moins l'identité traditionnelle des Juifs que leur entrée égalitaire dans l'espace public qui suppose « la similitude70 » ; ce n'était pas tant le principe de la différence – puisqu'au contraire, en exigeant l'instauration des « bancs de ghetto », on cherchait à la réintroduire – que le principe de modernité politique « qui instaure l'égalité politique entre chaque homme considéré dans sa nature universaliste à travers sa qualité de citoyen71 ». Bien qu'on dispose d'exemples d'agressions commises dans les années trente contre des synagogues, il est intéressant de noter que la presse nationaliste publiait parfois des articles critiquant ce type d'actions, expliquant que le combat antisémite doit être mené en vue d'une déjudaïsation de la polonité et non pas contre la religion ou la culture juive en tant que telles72.
37On comprend dès lors pourquoi la violence antisémite augmente au fur et à mesure que s'affirment les principes de la citoyenneté moderne et contre celle-ci. Le passage à la violence antisémite exprimait une révolte dirigée contre le principe, jugé intolérable, d'égalité de droit, qui se manifestait précisément dans les lieux où les différences de statuts s'amenuisaient. L'égalité de droit, conférée par la citoyenneté de l'État polonais renaissant au lendemain de la Première Guerre mondiale, se trouvait ainsi fortement délégitimée au moment même où elle tentait de s'instaurer.
38La violence antisémite à l'Université surgit par conséquent du choc de deux visions de la société incompatibles, dont le conflit exprime le difficile passage à la modernité. La mobilisation nationale-catholique, visant à recomposer – éventuellement par la violence – les murs du ghetto au sein de cet espace de coexistence égalitaire par excellence qu'était l'Université, s'inscrivait dans un vaste projet de réunification communautaire de la société, qui n'est qu'une variante polonaise des mouvements totalitaires du XXe siècle. Cette recomposition n'est pas traditionnelle mais réactive ; elle fut l'œuvre d'une génération nouvelle, qui réagissait à sa manière au processus de modernisation, dans un État déjà constitué. Tout comme en Allemagne à la même période, l'objectif des nationalistes polonais était d'opérer un mouvement de « re-totalisation », afin de réunifier politique, culture et religion au sein d'une même entité nationale homogène et substantielle. Le nationalisme selon E. Gellner se traduit par « l'effort pour que la culture soit dotée d'un et d'un seul toit politique73 ». Cette formule s'applique pourtant mieux aux aspirations indépendantistes du XIXe siècle qu'au nationalisme des années trente. Loin de se contenter d'un toit étatique au-dessus de la culture, ce dernier se caractérisait davantage par la volonté de réincorporer le politique au sein du tout ethno-religieux. L'expansion de la violence antisémite des années 1935-1937 fait basculer le rapport de forces au profit du nationalisme endécien qui, tout comme le mouvement völkisch en Allemagne, fait de l'antisémitisme un instrument de mobilisation privilégié. Elle se déploie en parallèle avec l'affirmation de l'idée qu'il n'y a de droits que pour les nationaux (au sens ethnique de Volk). C'est en ce sens que l'on peut dire que la violence anti-juive des années trente est également une violence qui se déploie dans la modernité contre la citoyenneté.
Notes de bas de page
1 Janusz Tazbir, Panstwo bez stosow. Szkice z dziejow tolerancji w Polsce xvi i xvii w. (L'État sans bûchers. Essais sur l'histoire de la tolérance en Pologne aux xvie et xviie siècles], Warszawa, PIW, 1967.
2 Désormais, les historiens nuancent considérablement la responsabilité gouvernementale exclusive dans l'organisation des pogromes russes du xixe siècle, cf. Hans Rogger, « Conclusion and overview », in John D. Klier and Shlomo Lambrosa (ed.), Pogroms : Anti-Jewish Violence in Modem Russian History, Cambridge, Cambridge U.P., 1992, p. 315.
3 Israel Cohen, A Report on the Pogroms in Poland, Central Office of the Zionist Organisation, april 1919, [repris in Seeds of Conflict Series 2, Palestine, Zionism and the Levant 1912-1946, Tome 1, The Roots, Nendeln, Klaus Reprint, 1974] qui énumère près de 130 localités touchées par des violences antijuives entre décembre 1918 et janvier 1919 (p. 11-20) ; Les Pogromes Anti-Juifs en Pologne et en Galicie en novembre et décembre 1918. Faits et documents. Réunis et rédigés par L. Chasanowitch, Stockholm, 1919 ; Jerzy Tomaszewski, « Lwow, 22 listopada 1918 » [Lwow, 22 novembre 1918], Przeglad Historyczny, no 2/1984, p. 279-285.
4 Voir par exemple un début de liste dressée dès 1936, par Israel Cohen, « The Jews in Poland », Contemporary Review, no 150/December 1936, repris in Jay M. Pilzer (ed.), Anti-Semitism and Jewish Nationalism, Norfolk, The Donning Company, 1981, p. 175-177.
5 Sprawozdanie z zycia mniejszosci narodowych za III kumrtal 1936, [Rapport concernant la vie des minorités nationales pour le IIIe trimestre 1936], AAN 962, Ministerstwo Spraw Wewnetrznych, wydzial narodosciowy, Warszawa, 1936, p. 10.
6 Sprawozdanie z zycia nmiejszosci narodowych za IV kwartal 1936 [Rapport concernant la vie des minorités nationales pour le IVe trimestre 1936), ibid., p. 17.
7 Jacob Lestchinsky, Erev Hurban (en yiddish), Buenos Aires, 1951, cité par Ezra Mendelsohn, The lews of East Central Europe Between the World Wars, Bloomington, Indiana University Press, 1983, p. 74.
8 Jolanta Zyndul, Zajscia antyzydowskie w Polsce w latach 1935-1937 [Les événements anti-juifs en Pologne dans les années 1935-1937], Warszawa, Fund. im. Kazimierza Kelles-Krauza, 1994, p. 39.
9 Jerzy Tomaszewski, « Dziesiec procent, czyli o Zydach » [Dix pour cent, à propos des Juifs], Polityka, no 8/1983, p. 14.
10 Léo Motzkin, La campagne antisémite en Pologne. Troubles universitaires, question du « numerus clausus », boycott économique, attitude des tribunaux, Cahiers du Comité des délégations juives, no 1-4/Paris, Rousseau et Cie, 1932, p. 11 et 14.
11 Pawel Korzec, Juifs en Pologne. La question juive pendant l'entre-deux-guerres, Paris, Presses de la FNSP, 1980, p. 218-219.
12 Andrzej Garlicki (éd.), Dzieje Uniwersytetu warszawskiego 1915-1939 [L'histoire de l'université de Varsovie 1915-1939], Warszawa, PWN, 1982, p. 278.
13 Ezra Mendelsohn, The Jews of East Central Europe Between the World Wars, Bloomington, Indiana University Press, 1983, p. 73.
14 Sprawozdanie z zycia mniejszosci narodowych za I kwartal 1936 [Rapport concernant la vie des minorités nationales pour le Ier trimestre 1936], AAN 962, Ministerstwo Spraw Wewnetrznych, wydzial narodowosciowy, Warszawa, 1936, p. 104.
15 Artur Sandauer, Zapiski z martwego miasta [Notes de la ville morte], Warszawa, 1963, p. 19-20.
16 Andrzej Pilch, Studencki ruch polityczny w Polsce w Intach 1932-1939 [Le mouvement politique étudiant en Pologne dans les années 1932-1939], Krakow, Uniwersytet Jagiellonski, 1972, p. 156.
17 Les « bancs de ghetto » dans les universités de Pologne, Races et racisme. Groupement d'étude et d'information, no 7/1938, p. 5.
18 Cité par Szymon Rudnicki, Oboz Narodowo-Radykalny, geneza i dzialalnosc [Camp national-radical, genèse et activité], Warszawa, Czytelnik, 1985, p. 303.
19 Dr. Ryszard Ganszyniec, Sprawa Numerus Clausus i zasadnicze jej znaczenie. Antysemityzm akademicki jako objaw antysemityzmu spolecznego [La question du Numerus Clausus et ses principales significations. L'antisémitisme académique comme révélateur de l'antisémitisme social], Warszawa, Nakl. Zwiazku Akademickiej Mlodziezy Zjednoczeniowej, 1925, p. 53
20 Szymon Rudnicki, « From "Numerus Clausus" to "Numerus Nullus" », Polin, A Journal of Polish-Jewish Studies, vol. 2/1987, p. 246-268.
21 Andrzej Pilch, Studencki ruch polityczny w Polsce w latach 1932-1939, op. cit., p. 157. D'après les statistiques scolaires officielles, le pourcentage global d'étudiants juifs chute régulièrement d'année en année, passant de 24,6 % en 1921/1922 à 8,2 % en 1938/1939, cf. Raphael Mahler, « Jews in Public Service and the Liberal Professions in Poland, 1918-1939 », Jewish Social Studies, no 4 (vol. VI)/1944, p. 341.
22 Cité par Szymon Rudnicki, Oboz Narodowo-Radykalny..., op. cit., p. 306.
23 Ludwik Krzywicki, « Burdy studenckie » [Bagarres étudiantes], in Wspomnienia [Mémoires], Warszawa, Czytelnik, 1959, tome Ill, p. 309.
24 Ibid., p. 297
25 Andrzej Pilch, Studencki ruch polityczny..., op. cit., p. 157.
26 Artur Sandauer, Bylem... [J'étais... ], Warszawa, PIW, 1991, p. 28.
27 Prof. Zygmunt Szymanowski, « Antysemityzm mlodziezy akademickiej » [L'antisémitisme de la jeunesse universitaire], Epoka, du 5 octobre 1936, repris in Polacy o Zydach. Zbior artykolow z przedruku [Des Polonais à propos des Juifs. Recueil d'articles de presse], Warszawa, Wyd. Polskiej Unii Zgody Narodow, 1937, p. 63-64.
28 Tadeusz Kotarbinski, « Koniecznosc samoobrony » [La nécessité de l'autodéfense], in Polacy o Zydach. Zbior artykolow z przedruku, op. cit., p. 53.
29 Andrzej Garlicki (ed.), Dzeje unizversytetu warszawskiego 1915-1939, op. cit., p. 279-280.
30 Les « bancs de ghetto » dans les universités de Pologne, Races et racisme. Groupement d'étude et d'information, no 7/1938, p. 9-13.
31 Jerzy Tomaszewski (ed.), Najnowsze dzieje Zydow w Polsce [Histoire contemporaine des Juifs de Pologne], Warszawa, PWN, 1993, p. 196.
32 D'ailleurs la notion wéberienne d'idéal-type ne renvoie pas à une représentativité statistique mais significative.
33 « Wywiad z prof. Stefanem Czarnowskim » [Entretien avec le prof. S. Czarnowski] (1936), Dziela, [Oeuvres], PWN, 1956, tome V, p. 61. À propos de la violence à l'université et du « ghetto académique », Simon Doubnov évoque « le retour du Moyen Age », in Simon Doubnov, Histoire moderne du peuple juif 1789-1938 (1933 et 1938 pour le passage cité), trad. du russe, Paris, Cerf, 1994, p. 1680.
34 « Notes sur les Juifs en tant que participant à une relation établis-marginaux », in Norbert Elias par lui même (trad.), Paris, Fayard, 1991, p. 152-153.
35 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome 1, Paris, Garnier-Flammarion, 1981, p. 457-458.
36 Sur ces notions, cf. Philippe Braud, « La violence politique : repères et problèmes », in Ph. Braud (dir.), La Violence politique dans les démocraties européennes occidentales, Paris, L'Harmattan, 1993, p. 13-44.
37 Stefan Czarnowski, « Zajscia antysemickie w szkolach wyzszych » [Incidents antisémites dans les écoles supérieures], Glos Wspolczesny, no 2/1936, repris in Dziela [Oeuvres], PWN, 1956, t. V, p. 56.
38 Nous empruntons beaucoup ici aux formulations de Jean Leca, « Nationalité et citoyenneté dans l'Europe des immigrations », in Jacqueline Costa-Lascoux, Patrick Weil, Logiques d’États et immigrations, Paris, Kimé, 1992, p. 14-15 ; et du même auteur « Perspectives démocratiques », in Jean Leca, Roberto Papini, Les démocraties sont-elles gouvernables ?, Paris, Économica, 1985, p. 176.
39 Comme le soutiennent dans le sillage du nationalisme romantique certains auteurs, tels que par exemple Michel Maslowski, « Les temps de l'identité », in M. Maslowski (éd.), Identité(s) de l'Europe centrale, Paris, Institut d'études slaves, 1995, p. 14.
40 Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens. Sur l'idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994, p. 49.
41 « Disposition à agir conformément au sentiment subjectif... des participants d’appartenir à une même communauté. », Max Weber, Économie et société (trad.), Paris, Plon, 1971, tome 1, p. 41.
42 « Le catholicisme n'est pas un supplément à la polonité, une couleur locale en quelque sorte, mais il réside en son essence, dans une large mesure il en constitue l'essence. Chez nous, tout effort de séparer le catholicisme de la polonité, d'arracher la nation à la religion et à l'Église, est une destruction de 1 essence même de la nation. » Roman Dmowski, Kosciol, Narod i Panstwo [L'Église, la Nation et l'Etat] (1927), préf. par le cardinal Glemp, Primat de Pologne, Chicago, The Roman Dmowski Institute, 1985, p. 21.
43 Witold Nowosas, W walce o Katolickie Panstwo Polskiego Narodu (przemowienia i artykuly) [Dans la lutte pour un État catholique de la nation polonaise (discours et articles)], Lwow, Nakl. Zrzeszenia Akademickiej Mlodziezy Prowincjonalnej, 1938.
44 Comparable au projet nationaliste d'une « France aux Français » analysé par Pierre Birnbaum, « La France aux Français ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Le Seuil, 1993.
45 Pierre-André Taguieff, « L'identité nationaliste », Lignes, no 4/1988, p. 32.
46 Sur ces points, Paul Zawadzki, Invention d'une communauté imaginée : construction nationale et antisémitisme en Pologne avant 1939, Thèse de doctorat de science politique, université de Paris I, 1994.
47 Steven E. Aschheim, « "The Jew Within". The Myth of "Judaisation" in Germany », in Jehuda Reinharz and Walter Scfhatzberg (ed.), The Jewish Response to german Culture. From the Enlightenment to the Second World War, Hanover, University Press of New England, 1985, p. 212-241.
48 Pierre-André Taguieff, « Face à l'immigration : mixophobie, xénophobie ou sélection », xxe siècle. Revue d’histoire, no 47/1995, p. 105.
49 On oublie souvent que le passage de « l'émigration-expulsion » à l'extermination se produit très tardivement dans le régime nazi. Sans doute cherchait-il à rendre judenfrei les territoires sous sa domination, mais, jusqu'au début de l'automne 1941, la Solution finale ne désignait « que » la concentration des Juifs dans des réserves, ou leur expulsion hors de l'Europe. Parmi les différents types de projets, au printemps 1940 le régime nazi étudiait celui de leur déportation outre-mer dans la colonie française de Madagascar, projet que retenait également depuis plusieurs années le gouvernement polonais. Cf. Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, Paris Le Seuil, 1989, p. 14, 67 et suivantes.
50 Jean-Charles Szurek, « Les juifs dans la conscience polonaise », Les Temps Modernes no 516/juillet 1989, p. 59.
51 Jean Delumeau, La Peur en Occident, xive-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1978, repris en coll. « Pluriel », 1982, p. 380 et suiv.
52 Pawel Korzec, Juifs en Pologne, op. cit., p. 263 et suiv. ; Pawel Korzec et Jacques Burko, « Des lois antijuives polonaises de 1938 à la "Nuit de Cristal », Pardès, n 18/1993, p. 134-148 ; Jerzy Tomaszewski, « Wokol obywatelstwa Zydow polskich (1918-1939) » [Autour de la citoyenneté des Juifs polonais (1918-1939)] in Marcin Kula (red.), Narody. jak powstawaly i jak wybijalmy sie na niepodleglosc ? [Les Nations. Comment naissent-elles et comment accèdent-elles à l'indépendance ?], Mélanges en l'honneur de Tadeusz Lepkowski, Warszawa, PWN, 1989, p. 514 et suiv ; Jerzy Tomaszewski, « Ustawa o pozbawieniu obywatelstwa z 31 marca 1938 r. [La loi sur la privation de la citoyenneté du 31 mars 1938] », in Historia-Prawo-Polityka [Histoire-Droit-Politique], Mélanges en l'honneur de Franciszek Ryszka, Warszawa, PWN, 1990, p. 114-122.
53 J. Millert, « Mysli o prawie narodowym » [Pensées concernant le droit national], Ruch mlodych, no 7(8), 10(11), p. 29.
54 Raymond Aron, Les Désillusions du progrès. Essai sur la dialectique de la modernité, Paris, Calmann-Lévy, 1969, p. 313-314.
55 Sur l'identification d'un être humain « par les racines », telle qu'elle est actualisée aujourd'hui par la violence génocidaire du nationalisme serbe, cf. Véronique Nahoum-Grappe, « L'épuration ethnique : désastre et stupeur », dans V. Nahoum-Grappe (éd.), Vukovar, Sarajevo... La Guerre en ex-yougoslavie, Paris, Ed. Esprit, 1993, p. 70-75 ; voir aussi sa préface à Roy Gutman, Bosnie : témoin d'un génocide (trad.), Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 9-24.
56 Colette Guillaumin, « Le chou et le moteur à deux temps. De la catégorie à la hiérarchie », Le Genre humain, no 2/1981, p. 31.
57 Blandine Barret-Kriegel, L'État et les esclaves, Paris, Calmann-Lévy, 1979. Rappelions qu'en raison de la longue suprématie nobiliaire, le droit romain n'a été véritablement introduit en Pologne qu au xixe siècle, cf. Jan Kodrebski, Prawo rzymskie w Polsce w XIX w. [Le droit romain en Pologne au xixe siècle], Lodz, Uniwersytet Lodzki, 1990, chapitre 1 en particulier.
58 Janusz Tazbir, Kultura szlachecka w Polsce, rozkwit-upadek-relikty [La culture nobiliaire en Pologne, épanouissement-chute-vestiges], (3e éd.), Warszawa, Wiedza Powszechna, 1983, p. 214-245 ; Zofia Stefanowska (red.), Tmdycje szlacheckie w kulturze polskiej [Les traditions nobiliaires dans la culture polonaise], Warszawa, PIW, 1976.
59 Oddzial Akademicki OWP.
60 Mlodziez Wszechpotska.
61 Cité par Roman Wapinski, « Z dziejow tendencji nacjonalistycznych. O stanowisku Narodowej Demokracji wobec kwestii narodowej w latach 1893-1939 » [Histoire des tendances nationalistes. La position de la National-Démocratie à l'égard de la question nationale dans les années 1893-1939], Kwartalnik Historyczny, no 4/1973, p. 840. Voir aussi Wytyczne w sprawach : zydowskiej, mniejszosci slowianskich, niemieckiej, zasad polityki gospodarczej. Instrukcja wewnetrzna Oddzialu Akademickiego OWP [Instructions en matière des questions suivantes : juive, minorités slaves, allemande, principes de la politique économique. Instruction intérieure de la Section Académique du Camp de la Grande Pologne], Warszawa, 1932.
62 Stanislaw Sopicki, Sprawa Zydowska w Polsce ze stanowiska Polskiego Stronnictwa Chrzescijanskiej Demokracji [La question juive en Pologne au point de vue du Parti Démocrate-Chrétien Polonais], Krakow, Nakl. Polskiego Stronnictwa Chrescijanskiej Demokracji, 1926, p. 16.
63 Il s'agit des jeunesses du Parti national démocrate polonais (ND).
64 Piotr Ponisz [Michal Pawlikowski], Sprawa zydowska lu Polsce ze stanowiska narodozvego i kntolickiego [La question juive d'un point de vue national et catholique], Czestochowa, Antoni Gmachowski i S-ka, 1938, p. 53, 59, 72.
65 Ronald Modras, The Catholic Church and Antisemitism : Poland, 1933-1939, Harwood Acadademic Publishers, 1994, p. 308 et 316.
66 Krzysztof Krasowski, Episkopat katolicki w II Rzeczypospolitej. Mysl o ustroju panstwa [L'épiscopat catholique sous la IIe République. La pensée concernant l'État], Warszawa, « Lawica », 1992, p. 178.
67 Memorialy A. Hlonda i A. Kakowskiego do MWRiOP z 5/IX 1934 i 1 III 1935, cités par Krzysztof Krasowski, ibid., p. 178.
68 Jacek Majchrowski, Silni, Zioarci, Gotowi. Mysl Polityczna Obozu Zjednoczenia Narodowego [Forts, Unis, Prêts. La pensée politique du Camp d'unité nationale], Warszawa, PWN, 1985, p. 150, note 25.
69 Sur le paradoxe définitionnel du racisme (le racisme est-il un déni d'identité ou un déni d'humanité ?), cf. Pierre-André Taguieff, « Comment peut-on être antiraciste ? », Esprit, no 364/1993, p. 36-48.
70 Comme l'écrit Colette Guillaumin, « la catégorisation raciste est précisément celle qui distingue l'hétérogène du semblable. Elle supppose donc préalablement un postulat : celui de la similitude. Car on ne fixe pas de frontière entre le moteur à deux temps et le chou, et nul n'y songe un instant, le moteur ne se définit pas par ne pas être chou. » Cf. « Le chou et le moteur à deux temps. De la catégorie à la hiérarchie », op. cit., p. 31.
71 Pierre Birnbaum, « Identité catholique et suffrage universel : l'exemple français », Revue internationale des sciences sociales, no 129/août 1991, p. 610.
72 Cf. la réaction du Warsznwski Dziennik Narodowy du 11/janvier 1936, après l'incendie criminel de la synagogue de Grondno la nuit de la Saint Sylvestre, cité par Jolanta Zyndul, Zajscia antyzydowskie w Polsce w latach 1935-1937, op. cit., p. 39.
73 Ernest Gellner, Nations et nationalisme (trad.), Paris, Payot, 1989, p. 69.
Auteur
Université de Paris I
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