6. Le Maître de Rieux (1330-1350)
p. 209-274
Texte intégral
1L’ampleur de l’œuvre de l’imagier à qui l’on a donné le nom de « Maître de Rieux », faute de pouvoir lui attribuer un patronyme, est sans commune mesure avec celle des sculpteurs étudiés jusqu’ici. Contrairement à B. Mundt1, qui s’est attachée à étudier l’ensemble des sculptures de la Chapelle de Rieux connu sous le nom de cycle de Rieux, statue par statue, c’est à l’analyse précise du style nouveau introduit par le génial sculpteur que nous nous attacherons, et à la recherche des bouleversements profonds qu’il a apportés dans la plastique autour de 1340, à Toulouse et dans le Languedoc en général.
Le cycle de la chapelle de Rieux
La chapelle et son fondateur
2Entre 1324 et 1343, fut construit l’édifice le plus célèbre du couvent des Franciscains de Toulouse, la chapelle fondée par l’évêque de Rieux, Jean Tissandier, dédiée à la Vierge, Notre-Dame de Rieux. Elle était située au nord-est, derrière l’abside de l’église conventuelle, et formait une petite église entièrement séparée du monastère par un espace de 9 mètres, comprenant un porche, avec une entrée donnant sur la rue du Collège de Foix, une nef, un clocher et huit chapelles (Pl. VIII, p. 339).
3Ses fonctions étaient multiples, puisqu’elle avait été bâtie pour servir de chapelle à un collège qui exista au moins jusqu’en 1398, et qu’elle devint la chapelle funéraire de l’évêque de Rieux et des frères du couvent. Peut-être y transféra-t-on, au moment de sa consécration, les reliques des martyrs d’Avignonet2. C’est l’évêque de Rieux qui consacra, à la même date, en 1343, la chapelle et la grande église3.
4Jean Tissandier, immortalisé par son mécénat, était né à Cahors où il avait fait ses études4. Entré au monastère des Frères Mineurs, il passa une partie de sa vie au couvent de la Grande Observance, près de Notre-Dame du Taur. Jean XXII, son compatriote, le plaça sur le siège épiscopal de Lodève, le 9 juillet 1322, puis sur celui de Rieux le 20 juillet 1324, où il remplaça Bertrand de Cardaillac transféré à Cahors. Il y resta jusqu’à sa mort en 1348, le seul intermède à ce long épiscopat étant son passage à la cour pontificale, où il fut bibliothécaire jusqu’en 1333. À Rieux-Volvestre même, il racheta de vieux hôtels pour construire un palais, détruit par un incendie en 1510, et il transforma la cathédrale5, qu’il agrandit et qu’il dota d’un portail sculpté.
5Il y eut enfin la construction de la chapelle funéraire des Cordeliers, qui fut sécularisée en même temps que le couvent en 1791. Le couvent fut alors divisé en plusieurs lots et vendu, et, tandis que l’administration de la guerre prenait l’église pour en faire un magasin à fourrages, la chapelle constitua un lot à part qui fut vendu. Le procès-verbal d’estimation du lot, dressé par l’ingénieur Lafererie, permet de reconstituer l’aspect de la chapelle détruite en 1804, lors de l’alignement de la rue du Collège de Foix :
« Le dit lot (no 8) est composé d’un patus et de l’église dite de Rieux, laquelle est voûtée ; dans laquelle sont placées huit chapelles et une tribune au-dessus de l’entrée ; à côté du sanctuaire est une petite sacristie et caveau au-dessous du clocher, et son grand vestibule à côté de l’église, donnant sur le patus, dans lequel est placé un grand escalier en bois de sapin qui conduit à une grande pièce au-dessus du dit vestibule… »6.
6La maquette de la chapelle, que présente dans ses mains l’évêque donateur, représenté agenouillé parmi le cycle des statues qui décoraient la chapelle (fig. 171) complète l’idée que l’on peut se faire de l’édifice. La chapelle comptait quatre travées et un sanctuaire, enveloppé d’une abside à cinq pans. Les travées étaient recouvertes de voûtes contrebutées par des contreforts extérieurs très saillants, au larmier débordant. Les contreforts étaient reliés par des arcs de décharge, surmontant des fenêtres à deux lancettes. À la base des contreforts étaient bâties des chapelles, éclairées par des roses à quatre lobes. La nef était couronnée d’une galerie en pierre découpée, et l’abside était flanquée au nord d’un clocher à quatre pans. Le type de construction de cette chapelle (fig. 172) est celui des églises toulousaines, celles des Jacobins et des Cordeliers ou des édifices catalans comme l’église du couvent des Clarisses de Pedralbes, commencée en 13267.
7Dans la vente du dernier lot du couvent des Cordeliers, n’étaient pas compris les éléments du décor de la chapelle : « toutes les figures en pierre qui se trouveront dans la dite église et chapelle dites de Rieux, sont réservées et ne font pas partie de la dite vente »8. Le 23 prairial an XI, le conservateur du nouveau Musée des Augustins, Lucas, obtenait pour le musée une série d’objets arrachés au décor de la chapelle : « seize grandes figures en pierre, qui étaient autour de l’église, une en marbre du fondateur, de même que plusieurs petites (figures) et autres objets »9.
8Les statues de Rieux, sauvées pour le Musée, n’y parvinrent pas intégralement, et furent plus ou moins dispersées au cours du xixe siècle. Deux d’entre elles, un apôtre indéterminé et saint François furent achetées en 1823 par la fabrique de Notre-Dame du Taur, pour être placées dans des niches de part et d’autre du portail de l’église. Deux autres apôtres furent emportés par Virebent, architecte de la ville, avant même que Lucas n’ait fait enlever les statues. La Vierge et le Christ, partirent dans l’atelier de Gesta, peintre-verrier, avant d’être achetées par Léon Bonnat, qui en fit don avec sa collection au Musée Bonnat de Bayonne10. Les statues du Taur revinrent au Musée en janvier 190611 et les deux apôtres détenus par Virebent revinrent également au début du xxe siècle.
9Depuis 1912, il y a au Musée des Augustins quinze statues debout, parmi lesquelles onze apôtres, trois saints franciscains, saint Jean-Baptiste, et la statue du donateur. Avec la tombe de Jean Tissandier, on arrive à dix-sept pour les statues conservées à Toulouse. Avec les deux statues de Bayonne, dix-neuf éléments venus de la chapelle de Rieux sont aujourd’hui connus. Le chiffre initial est indéterminé, seul Du Mège, dans le catalogue manuscrit du Musée datant de 1844 évoque le chiffre de vingt12, auquel on parvient en comptant un douzième apôtre manquant. Il est probable que Virebent avait déjà prélevé trois statues avant le passage de Lucas13, et que seules deux furent récupérées par le musée. La mise en place des statues dans la chapelle ne pose pas moins de problèmes que leur nombre. D’après Du Mège :
« On voyait Jean de la Teyssandière, à genoux et la mitre en tête, offrant à Dieu le plan, en relief, du temple qu’il avait bâti ; du même côté, Jésus-Christ tenant d’une main le globe, élevait la main droite pour bénir l’évêque de Rieux ; à droite et en face existait un mausolée en marbre, il remplissait une chapelle que décorait, dans sa partie la plus élevée, une ogive élégante et découpée en légers festons ; là, sur une dalle de marbre, paraissait couchée la statue sépulcrale de Jean de la Teyssandière »14, et « deux lignes de statues en pierre, chacune d’elles couronnée d’un dais pyramidal, régnaient des deux côtés… à la droite de l’autel principal, sous un monument richement formé par les colonnettes qui supportaient une voûte ogivale, était couchée la statue en marbre de Jean de la Teissanderie… »15.
10Avec le témoignage complémentaire, mais tout aussi tardif, d’Alphonse Brémond16signalant que les statues avaient été placées « dans l’espace compris entre les chapelles et entre deux colonnes », on peut tenter de replacer les statues dans la chapelle funéraire.
11D’après Du Mège, le gisant, la statue agenouillée du donateur (fig. 170), le Christ, se trouvaient dans le chœur de la chapelle, ainsi sans doute que la Vierge17, qui devait lui faire face. Il faut donc situer seize statues dans la chapelle, où elles étaient dressées sur des consoles, marquées des armes du donateur18, ornées de feuillages, et surmontées par des dais, dont trois subsistent au musée des Augustins. Les statues étaient soit adossées contre le mur19 soit appuyées contre des colonnes, selon le parti adopté pour les apôtres à la Sainte-Chapelle. Il y avait quatorze colonnes et faisceaux de colonnes autour de la chapelle, correspondant aux contreforts extérieurs et à la retombée des voûtes intérieures. Deux de ces retombées recevaient la Vierge et le Christ dans le chœur ; les douze apôtres étaient sans doute adossés contre les deux autres colonnes du chœur20, et contre les dix faisceaux de colonnettes qui recevaient, entre chaque chapelle, la retombée des formerets, des arcs doubleaux et des arcs diagonaux. Il reste quatre statues à placer, et on peut sans doute isoler les trois saints franciscains et saint Jean-Baptiste, peut-être appuyés contre les murs des chapelles21, ou contre le mur du chœur, ou encore placés dans la tribune qui surmontait le porche22 d’entrée. On peut imaginer également les trois saints franciscains et saint Jean-Baptiste, isolés de tout support et placés debout, autour du tombeau, en tant que saints patrons, objets des dévotions particulières de l’évêque. Ils pouvaient entourer le tombeau, comme le font les statues appuyées contre le mur de fond de l’enfeu de l’archevêque Jean d’Aragon, datant de 1330-1335, à la cathédrale de Tarragone.
12La présentation actuelle23 du Musée des Augustins, faisant référence aux observations de Roschach, successeur de Du Mège, privilégie une disposition de statues adossées au mur (fig. 170), et interrompant la montée des piles engagées au niveau d’un socle feuillagé servant de support aux statues. À partir des dais qui les couronnent, l’ascension des colonnes se poursuit jusqu’au départ des voûtes, qui se faisait probablement au niveau d’un second chapiteau.
13Les statues ne constituaient pas l’unique décor de la chapelle de Rieux, elles étaient accompagnées de chapiteaux à feuillages24. Six d’entre eux ont été remployés dans la crypte de Saint-Semin pour servir de supports à des tables d’autel, dans les chapelles de Saint-Honorat, Saint-Jacques et de la Sainte-Épine. Chaque chapiteau est triple, décoré de motifs végétaux et porte à un angle une tête de moine grossièrement sculptée. Ces chapiteaux, avec les clefs de voûte aux armes du donateur25 et des culs de lampe26, formaient un décor monumental certainement abondant. Il y avait en outre tout un décor de bas-reliefs et de retables, qui devaient surcharger une chapelle déjà lourdement ornée par la présence du cycle de vingt statues. Le souvenir de ce décor a été conservé aussi bien par Lucas que par A. Du Mège : « les petites chapelles placées des deux côtés étaient revêtues de bas-reliefs »27.
14Ces éléments décoratifs durent circuler dans Toulouse pendant tout le xixe siècle. Le baron de Guilhermy, de passage à Toulouse en 1847, aperçut dans un atelier de sculpture, aux environs de la rue des Sept Troubadours, « plusieurs chapiteaux feuillagés du xiiie siècle, un couronnement de dais gothique délicat, des écussons peints provenant des clefs de voûte gothique, mi-partie à dextre trois croissants en pal, à senestre trois coquilles ou trois feuilles aussi en pal [les armes de Jean Tissendier] un bas-relief représentant la Vierge entourée d’anges »28. Ces pièces avaient disparu, lors du second passage de Guilhermy à Toulouse, en 1853. En février 1866 Victor Gesta achetait à un tailleur de pierres « plusieurs beaux chapiteaux ornés de feuilles d’acanthes, et timbrés aux armes de Jean de la Teissandière… plusieurs clefs de voûte à nervures, portant le même blason sculpté et peint… des culs de lampe ayant supporté les nervures de la voûte, offrant des têtes de séraphins, de moines, etc »29. Gesta acheta en outre un de ces bas-reliefs qui devaient orner les chapelles latérales, et qui représentait le « Triomphe des Évangiles » :
« On y voit le Père Éternel, assis sur un trône, bénissant son fils placé à ses pieds ; il est également assis, sur sa tête plane le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe ; au-dessous de La Trinité est la Sainte Vierge, debout, dans l’attitude de la prière. Au-dessus de ce groupe, est le livre des Évangiles, ouvert, dont les feuillets semblent agités par l’air, aux quatre angles de la pierre sont l’ange, l’aigle, le bœuf et le lion de l’Apocalypse, le tout entouré d’une légion d’anges vêtus. C’est vraiment un admirable travail d’art, toutes les figures sont détachées de la pierre et ont un relief de quelques centimètres »30.
15À côté de ce « Triomphe des Évangiles », bas-relief dont la perte est irréparable pour la connaissance de la petite sculpture des années 1340-1344, un retable représentant l’Apothéose de la Vierge surmontait le maître-autel de la chapelle de Rieux : « La belle apothéose de la Sainte Vierge, qui décorait le maître autel, attribuée à un des plus habiles et des plus savants ciseaux de l’époque, a été brisée dans l’opération même de l’enlèvement »31. On peut penser que c’est ce retable du maître autel, ou un fragment, que le baron de Guilhermy aperçut chez un marchand, en 1847, mais on perd sa trace après cette date. La chapelle de Rieux possédait donc un décor mural sculpté dont l’iconographie était liée au programme général, et qui fut peut-être la source d’autres habillages de chapelles légèrement postérieurs, nous pensons aux fragments du « retable » de la cathédrale Saint-Volusien de Foix, et surtout au décor sculpté de la chapelle Notre-Dame de Bethléem, à Narbonne.
16Si l’on ajoute enfin les vitraux qui garnissaient les fenêtres de la chapelle « des vitraux éclatants », d’après Du Mège32, on peut penser que la chapelle de Rieux constituait un ensemble unique, pour la conception de son décor, dans l’art du xive siècle en Languedoc. Toutes les nouveautés, toutes les modes décoratives venues du nord de la France et essayées dans les cathédrales reconstruites en Languedoc sont réunies dans ce minuscule édifice de 29 mètres sur 16 : un cycle de statues accrochées aux colonnes, à la manière de la Sainte-Chapelle et de Saint-Nazaire de Carcassonne, des bas-reliefs plaqués contre les murs, comme autour du chœur de Notre-Dame de Paris, un retable de pierre au-dessus de l’autel, premier exemple de la série de retables que le Languedoc verra se multiplier au xive siècle, enfin une pro fusion de clefs de voûte, de chapiteaux et de consoles ornées. C’est le monde sculpté du gothique septentrional qui a été accolé à la grande nef unique des Cordeliers, si sobre, à part ses quelques clefs de voûte, si caractéristique de la tentative que fit au xiiie siècle l’Église méridionale pour vivre dans la pauvreté, et pour créer un gothique particulier. Il suffit de quelques prélats raffinés, épris des modes d’Ile-de-France, un Bernard de Capendu ou un Pierre de Rochefort à Carcassonne, un Gilles Aycelin à Narbonne, un Bertrand de l’Isle et un Jean Tissandier à Toulouse, un Hugues de Castillon à Saint-Bertrand-de-Comminges pour que la pauvreté fût oubliée et que, dans l’enceinte même des Franciscains, on fît appel aux meilleurs sculpteurs du temps pour accumuler un décor d’une richesse et d’une originalité prodigieuses, qui allait modifier pour plusieurs générations toutes les idées esthétiques du Midi.
17Il est difficile de dater avec précision les travaux menés à la chapelle des Cordeliers sur l’ordre de Jean Tissandier. Ces travaux ne durent pas débuter avant 1333, date du retour d’Avignon de l’évêque de Rieux, et, en utilisant une partie des sommes allouées par Philippe VI, roi de France, pour les constructions de l’évêché de Rieux-Volvestre33, Jean Tissandier termina sans doute sa chapelle en 1343, date à laquelle il la consacra, en même temps que la grande église34. On peut penser que le décor sculpté de la chapelle était terminé, au moment de sa consécration, en 1343.
Les statues
18Un certain nombre de caractères communs font des dix-neuf statues sauvées de la destruction de la chapelle de Rieux les éléments indissociables d’un cycle. Elles ont à peu près la même taille, 1,90 m, elles sont taillées à partir d’un calcaire pyrénéen, le calcaire de Belbèze35, sont placées sur des socles étroits aux formes onduleuses sur lesquels reposent leurs pieds chaussés systématiquement de sandales, des auréoles radiées et ornées de perles en creux s’appuient contre leurs têtes. Pourtant, des particularités stylistiques apparaissent à l’analyse, et permettent de distinguer plusieurs groupes, et sans doute plusieurs manières à l’intérieur d’un cycle dont le manque d’homogénéité a souvent frappé les historiens.
19Le Christ et la Vierge (fig. 173 et 174) du Musée Bonnat, à Bayonne, constituent les éléments les plus remarquables d’une première série de statues dans laquelle le sculpteur a multiplié recherches et expériences avant de parvenir à ce style si original qui s’affirme et s’épanouit dans la seconde série. La Vierge, est très légèrement hanchée du côté droit, sans doute du côté du Christ dont elle est solidaire, dans la mesure où la figure du Christ adulte remplace ici36 le Christ-Enfant du traditionnel groupe de la Vierge à l’Enfant. Elle ne porte pas de couronne, mais un nimbe finement strié, et un voile posé très en arrière sur la chevelure, voile long qui l’enveloppe entièrement. Il tombe verticalement sur l’épaule droite, et se drape transversalement sur l’épaule gauche pour rejoindre la main gauche qui tient un livre ouvert. Le voile, qui dégage une fine tunique légèrement plissée sur la poitrine, retombe à partir de la taille en une chute de plis verticaux sous la main droite, dessine quelques plis incurvés à la taille et forme par-dessus le bras droit, replié pour permettre à la main de pincer le manteau, deux abondantes cascades de plis tuyautés superposés. Enfin, au niveau des pieds, les gros bourrelets du vêtement partent en légère oblique pour se tasser légèrement sur le socle. La tête de la Vierge, légèrement penchée sur l’épaule droite est reliée à des épaules anormalement étroites et fuyantes par un cou large et court. Le visage, que soulignent des restes de peinture est très large et très plat, traité avec un modelé lisse que l’on retrouve sur le visage du Christ, mais qui disparaît ensuite sur les autres statues du cycle. Le plan des sourcils n’est pas indiqué, sinon par un trait de peinture, le nez est à peine saillant et la rondeur du menton est enfouie dans un bas de visage large et un peu gras. Les yeux étroits et très étirés sous des paupières fines bien indiquées, le nez mince aux narines très ourlées et la bouche petite et légèrement entrouverte complètent ce visage d’une molle douceur. Plus que dans le traitement du visage, conforme à un type de visage de Vierge à l’Enfant de la première moitié du xive siècle, le sculpteur fait preuve d’originalité dans le travail de la chevelure, séparée par une raie médiane et creusée de mèches très ondées qui dessinent de grosses coques par-dessus les oreilles. À l’intérieur des volutes, le sculpteur a placé, le long du front, de chaque côté des joues, de minuscules mèches roulées en vrille, et cette énorme chevelure, qui sera souvent imitée, enveloppe le visage d’une masse épaisse très décorative. La qualité du sculpteur s’affirme également dans le modelé des mains, aux doigts très longs et très minces, marqués par des jointures un peu osseuses. Mais la grande nouveauté de cette statue, que l’on retrouve tout au long du cycle et qui constitue l’apport stylistique principal du sculpteur de la chapelle, est la conception de la draperie, fluide, coulante, avec ses effets de transparence et de superposition de matières, ses enroulements en « cornets » ou en « tuyaux d’orgues », ses plis mollement incurvés où toute trace de brisure a disparu. À partir de cette technique de la draperie, parfaitement élaborée sur la statue de Marie, le sculpteur, ou les sculpteurs, pourront multiplier les variations, les associations de plis, des plus simples aux plus compliqués.
20La statue du Christ (fig. 174), placée à la gauche de la Vierge, est hanchée dans la direction inverse. La tête est également légèrement inclinée, sur un corps qui présente les mêmes canons que celui de Marie, c’est-à-dire une certaine massivité d’ensemble, des épaules étroites et un cou très large. Le Christ tient un globe dans sa main largement ouverte, et bénit de la main droite redressée. Son manteau, qui recouvre la tunique dont n’apparaissent que de larges emmanchures, est partagé en plusieurs pans transversaux ; un pan est drapé en écharpe autour des épaules, selon une mode systématiquement utilisée dans le cycle, et retombe sur les bras en grosses cascades de plis, comme chez Marie ; un pan se creuse en obliques sur la taille et s’étage en tuyaux d’orgues sous le bras gauche, enfin le bas de la tunique s’étale sur les pieds. Le visage du Christ, sous une chevelure courte enroulée en mèches torsadées, est beaucoup moins conventionnel que celui de Marie, avec ses joues creusées sous des pommettes en saillie.
21Un groupe d’œuvres s’apparente à ces deux figures majeures du cycle. Il est composé des statues de saint François (fig. 175), saint Antoine de Padoue, saint Jacques le Majeur (fig. 176), saint Pierre, saint Paul, saint Jean-Baptiste, et de la statue agenouillée de Jean Tissandier (fig. 171). Elles se caractérisent par un corps massif et lourdement taillé dans le bloc de calcaire, avec un amincissement marqué au niveau des épaules, la raideur de l’attitude, la petitesse relative des têtes37. Les draperies s’organisent en longs plis cannelés, tombant droit sur les pieds et accentuent l’impression de rigidité de la série. Le caractère le plus frappant de cet ensemble est le traitement des visages, extraordinairement variés dans leur type physique et leurs expressions, où le sculpteur a visiblement recherché les effets pittoresques. Le visage de saint Jacques le Majeur (fig. 177) est un des plus caractéristiques de la première série, avec ses pommettes saillantes sur lesquelles la peau est tendue à l’extrême, et ses yeux étirés profondément enfoncés dans leur orbite.
22Saint Antoine (fig. 178), revêtu d’une longue robe de franciscain creusée de plis cannelés assez raides qui soulignent sa simplicité, concentre ses longues mains bien modelées sur le livre qu’il tient de la main droite. Le visage, à peine penché, est large et massif, et comme tous ceux de cette série, a perdu le côté très idéalisé des visages de la Vierge et du Christ. Le sculpteur s’est complu à multiplier les éléments réalistes, en sillonnant le large front du saint de rides serrées, en creusant des pattes d’oie au bord des yeux, très étirés, resserrés entre des paupières en bourrelet, en relevant les commissures des lèvres, petites, pour donner à l’ensemble du visage une expression concentrée et interrogative.
23Comme saint François, chaque saint et chaque apôtre se distingue par le type de vêtement porté, manteau boutonné sur la poitrine et ouvert au-dessus de la taille pour découvrir une tunique ceinturée aux longs plis verticaux pour saint Jean-Baptiste, manteau drapé transversalement à la manière du manteau du Christ et retombant sur le bras en cascades de plis tuyautés pour saint Pierre, manteau aux pans croisés au-dessus de la taille laissant voir la tunique pour saint Jacques le Majeur ; l’arrangement des tissus se renouvelle de statue en statue, et c’est vrai pour la totalité du cycle. Quelle que soit la forme du vêtement porté, le sculpteur associe les différents types de plis apparus dans le groupe de la Vierge et du Christ : un drapé en écharpe autour des épaules, presque lisse à part quelques petits plis pincés, de gros plis arrondis et verticaux tombant sur les pieds, et l’inévitable cascade de plis en cornets, étagés en masse plus ou moins importante à partir des mains. Les fronts ridés, marqués par des sourcils proéminents, les joues durement modelées, les yeux étirés et cernés, l’expression vieillissante et réfléchie des visages, reflètent la volonté de réalisme du sculpteur qui a cherché à individualiser chacun des membres de ce groupe. Le goût pour les éléments décoratifs, qui ira en s’accentuant dans la deuxième série de statues, se manifeste ici par le soin apporté à la représentation des attributs, l’énorme clef de saint Pierre terminée par une pièce d’orfèvrerie polylobée, la cordelière de saint François, le chapeau et le bourdon de saint Jacques le Majeur (fig. 177). Ce goût pour l’objet orné, qui annonce le gothique international, se traduit également par un traitement très décoratif des barbes et des chevelures, où le sculpteur enroule de grosses coques très symétriques enveloppant des petites mèches vrillées en boucles « estincelées »38.
24La statue de saint Paul (fig. 179), imposante figure tenant d’une main une épée au fourreau très orné, de l’autre un livre ouvert, incarne jusqu’à l’outrance les éléments spécifiques de la première manière du sculpteur de la chapelle de Rieux. Chaque caractéristique stylistique est ici poussée au paroxysme. Par exemple le réalisme des traits (fig. 180), où la vieillesse a déposé des rides profondes qui marquent le front, partent des ailes du nez, entourent les yeux. Les yeux fendus, très cernés, saillent dans une cavité profonde, marquée de creux d’ombre. Les pommettes en croissant dominent des joues creuses, et les tempes sont également très resserrées ; les traits les plus personnels de ce visage au front dégarni sont des sourcils épais, broussailleux, et une barbe énorme, ruisselant sur la poitrine, abondante jusqu’à l’extravagance. Les mèches en coques, ou en copeaux, apparues dans les cheveux de Marie s’enroulent de façon symétrique et dans chaque courbe apparaît la petite vrille en escargot. Les inventions ornementales du sculpteur sont multipliées jusqu’à devenir système, et l’exagération du motif, déjà présente chez saint Paul, apparaîtra comme l’élément le plus caractéristique de la deuxième série de statues. Le manteau entourant les épaules étroites de saint Paul résume la virtuosité du sculpteur en matière de draperie ; la fluidité du tissu, ses transparences, les cascades de plis tuyautés tombant de la main droite en volutes étagées sont de la même qualité que les vêtements de Marie.
25Avec une seconde série d’apôtres et de saints, le sculpteur de la chapelle de Rieux introduit une conception un peu différente de la statuaire. Saint Louis d’Anjou (fig. 181), saint Jean l’Évangéliste (fig. 182), saint Thomas, saint Philippe, saint Jude Thaddée, saint Barthélemy, saint André, saint Jacques le Mineur, saint Mathias, sont construits avec des proportions légèrement différentes de celles des apôtres du premier groupe. Les statues sont beaucoup moins massives et rigides, plus longilignes, la courbe des corps déhanchés est très nettement marquée, accentuée par une inclinaison extrêmement prononcée des têtes, qui se penchent sur de longs cous minces. Cette attitude, encore naturelle chez saint Barthélemy (fig. 183), saint André (fig. 190) - où elle est compensée par la cambrure, et l’avancée du ventre - atteint la préciosité et le maniérisme chez les très belles figures de saint Jean (fig. 182), de saint Louis d’Anjou (fig. 181) de saint Jude (fig. 184) et de saint Philippe (fig. 191). Les corps sont devenus graciles, avec un effacement encore plus remarquable des épaules que dans la première série, et la disproportion entre les mains très longues, très fines, les têtes rendues volumineuses par d’énormes chevelures qui dessinent derrière les têtes un deuxième nimbe, en particulier chez saint Jean (fig. 185), et les corps fragiles et contournés est très apparente. Les visages ont perdu le réalisme souvent outrancier du premier groupe, et sont exécutés selon un schéma stéréotypé caractérisé par des yeux extrêmement étirés sous des arcades sourcilières très bombées, des nez minces et longs, des bouches étroites et bien modelées. Un très léger sourire (fig. 185) idéalise ces visages fins, précieux, où le ciseau du sculpteur a laissé la trace de minces paupières en bourrelets saillants et de joues creusées sous de hautes pommettes.
26Le goût du décor traité pour lui-même est poussé à l’extrême dans cette seconde série. Les fermaux de saint Barthélemy (fig. 183) et de saint Louis d’Anjou (fig. 181), énormes, lourdement ciselés de motifs d’orfèvrerie, brodés de perles, les livres chargés de reliures précieuses, la mitre de saint Louis, haute, pesante sur le corps délicat, et ajourée en entier de motifs de roses entourant des quadrilobes par des flammes et des bordures d’orfèvrerie, tout est prétexte à ornement. Les chevelures et les barbes participent à ce décor, traitées avec une variété qui exclut toute monotonie. Les gros copeaux enroulés, apparus dans les barbes du premier groupe et dans la chevelure de saint Paul animent les vastes chevelures, celle de saint Jean, de saint Louis, de saint Philippe. Ces copeaux se terminent systématiquement par une petite boucle « estincelée », précieusement enroulée sur elle-même, et la chevelure de saint Barthélemy n’est faite que de boucles accumulées en un fragile et peu naturel échafaudage (fig. 183). Ce stéréotype des copeaux et des boucles gagne également les barbes, partagées en quelques longues mèches soigneusement enroulées en coques et terminées en pointe par une boucle estincelée.
27Les draperies ont gagné en fluidité et en transparence dans cette seconde série, où le sculpteur mélange avec une habileté extrême, les souples plis obliques et les lourdes cascades de plis en tuyaux d’orgue, par exemple dans le manteau de saint Thomas (fig. 193), qui enveloppe la tête, se drape en écharpe sur la poitrine, soulignant la taille de quelques plis incurvés, et pend sur chaque bras en superpositions de plis tuyautés. Les accents verticaux des plis cannelés se font rares, au profit des obliques et les tuniques de saint Jude (fig. 186), de saint Philippe, de saint Thomas et de saint Louis (fig. 181) sont toutes soulignées par un grand pli oblique partant de l’étoffe pincée sous une main pour traverser toute la partie inférieure du vêtement ; les étoffes ont tendance, sur toutes les statues, sauf celle de saint Barthélemy, à s’accumuler et à se casser sur les pieds nus, chaussés de sandales.
28On observe donc des différences importantes entre deux séries de statues bien caractérisées. Le premier groupe se singularise par une construction monumentale et dense des statues, par des recherches menées dans le rendu des chevelures et des barbes où se mêlent modelés traditionnels et nouveautés décoratives, copeaux et boucles estincelées et par la tendance au réalisme des visages et des mains. Le deuxième groupe se caractérise par la préciosité des attitudes très contournées, la gracilité des corps sous des têtes volumineuses, l’idéalisation des visages aux yeux étirés et aux traits fins, la systématisation des procédés ornementaux apparus dans la première série. Ces observations stylistiques pourraient amener à l’idée que deux sculpteurs au moins ont travaillé dans l’atelier de la chapelle de Rieux, deux maîtres d’une égale virtuosité39.
29En fait, l’analyse des statues montre que toutes les statues du cycle présentent des ressemblances profondes, venues d’un type physique commun. On y retrouve des épaules étroites, des mains longues et bien modelées, et des yeux étirés à l’italienne, étroits sous des paupières saillantes. Le travail de la draperie est également identique dans tout le groupe, avec un goût généralisé pour les drapés en écharpe, les effets de transparence, les énormes cascades en tuyaux d’orgue partant des mains. Derrière la variété des coiffures et des barbes, il y a dans le cycle entier l’utilisation systématique d’un certain type de mèches enroulées sur elles-mêmes, que l’on a pu comparer à un copeau de bois tombé du rabot d’un menuisier40, et que le sculpteur affectionne au point d’en faire une signature, ou un tic personnel. Tous ces éléments convergent pour former le style d’un maître unique, que les chercheurs se sont accordés à appeler le « Maître de Rieux », et ce style a évolué depuis le classicisme des figures de Marie et du Christ jusqu’au maniérisme précieux du saint Jean et du saint Louis d’Anjou. Mais la figure de saint Jean est en germe dans celle du Christ ; les yeux, les mains sont identiques, et révèlent le même sculpteur ; la draperie de saint Jean regroupe, avec excès, les tuyautés et les drapés du manteau du Christ, et les copeaux qui composent l’extraordinaire perruque de saint Jean sont déjà ébauchés dans la barbe du Christ. Le sculpteur principal, le maître, n’a pas travaillé seul, et cela pose le problème de l’atelier. La diversité des traces laissées par les outils, des gradines finement dentelées, destinées à accrocher la polychromie, donnent à penser que plusieurs compagnons se sont chargés des grands morceaux de draperie. Certaines faiblesses, dans l’exécution des mains, rudimentaires chez Jude Thaddée et Barthélemy, dans la silhouette, empruntée et malhabile de saint Pierre, contrastent avec la grande qualité du maître. Reste le fait, indéniable, qu’il a travaillé à toutes les statues, en particulier à toutes les têtes. Celles-ci, où un délicat polissage relevé par la polychromie à fait disparaître les traces des outils, sont remarquablement parentes, malgré la riche variété des coiffures et des barbes. Les différences apparues entre les deux groupes de statues peuvent être dues à des différences de dates dans la marche des travaux de la chapelle et on peut avancer l’hypothèse que le sculpteur a travaillé au cours de deux périodes nettement définies. Mais le maître qui distribue les tâches et donne le style est unique, et on ne peut lui refuser la capacité de se renouveler, et de changer sa manière, comme tant d’artistes médiévaux contemporains l’ont fait, de Jaume Cascalls à Simone Martini. Dénier à un artiste médiéval la possibilité d’évoluer, revient à nier la richesse créative des grands maîtres, et à les enfermer dans des schémas stylistiques sclérosants. Pas plus qu’on ne peut enlever à Giotto le cycle d’Assise, sous prétexte qu’il est autre à l’Arena de Padoue, on ne peut refuser au Maître de Rieux sa participation à l’ensemble des statues de la chapelle.
Le tombeau de Jean Tissandier
30La statue gisante de l’évêque donateur, sculptée dans un marbre gris pyrénéen et placée sur une dalle rectangulaire (fig. 194), était installée, selon Du Mège, « à la droite de l’autel principal, sous un monument richement formé par des colonnettes qui supportaient une voûte ogivale »41. Ce monument comprenait « dans sa partie la plus élevée, une ogive élégante et découpée en légers festons »42. Si la description de Du Mège est exacte, il s’agissait d’un tombeau à baldaquin, du type de celui de Jean XXII à Avignon, ou de celui, postérieur, de Pierre de la Jugie, à la cathédrale de Narbonne.
31L’effigie de l’évêque est étalée, très raide, la tête appuyée sur un coussin marqué de ses armes (fig. 195), les pieds redressés, pour être appuyés sans doute contre un lion, selon la mode du temps, encore que le lion qui l’accompagne actuellement au Musée des Augustins soit fait d’un marbre blanc tout à fait différent du gisant lui-même43. Les mains croisées sur la poitrine, la tête légèrement inclinée vers sa gauche, l’évêque est revêtu de ses habits liturgiques, la chasuble recouverte d’un pluvial terminé autour du cou par un grand col plat. Un manipule pend sur le bras gauche, l’étole frangée passe sous la dalmatique, et les mains sont enfoncées dans des gants liturgiques ornés d’un motif circulaire de rose polylobée. Une crosse à volutes traverse en biais le corps étendu. La tête est surmontée d’une grande mitre triangulaire, identique à celle de saint Louis et de Jean Tissandier agenouillé. Comme les vêtements. surabondamment ornés de franges ondulées, la mitre est richement décorée de motifs issus du répertoire ornemental de l’architecture gothique rayonnante (fig. 195), avec des trilobés inscrits dans des triangles curvilignes réunis trois par trois dans de grandes roses, des lancettes à meneaux partageant la mitre dans sa partie centrale et la bordant sur les côtés, et des gables à crochets feuillus qui soulignent les rampants de la mitre. Cette grammaire décorative était utilisée depuis la fin du xiiie siècle pour les remplages des fenêtres des cathédrales Saint-Étienne à Toulouse ou Saint-Just à Narbonne, et sa transposition dans la statuaire confirme l’hypothèse d’un sculpteur formé sur le chantier des cathédrales.
32Les vêtements de l’évêque sont traités en grandes obliques creusées en bec pour le pluvial, et en cannelures horizontales et raides pour l’aube, la dalmatique et la chasuble : le gisant est conçu comme une statue destinée à être dressée verticalement, et les draperies ne s’affaissent absolument pas vers le sol. Dans le modelé des plis, on reconnaît la virtuosité du Maître de Rieux, qui a gratifié le dessus de la chasuble de son inévitable cascade de plis tuyautés enroulés en cornets. C’est encore la main du maître que l’on reconnaît dans le traitement de la tête (fig. 196), large, massive, avec un haut front bosselé et ridé, des yeux mi-clos bien fendus, une bouche entrouverte et un menton large creusé d’une fossette centrale. Les cheveux s’enroulent en copeaux autour du front dégagé. Ce visage, par sa ressemblance avec le visage du donateur agenouillé (fig. 171), évoque un portrait fait sur un modèle vivant, et n’échappe pas au goût pour le réalisme qu’avait montré le sculpteur dans la première série des statues de la chapelle. Le lion placé aux pieds du gisant participe du style décoratif et exubérant du Maître de Rieux. Tandis que l’arrière-train de l’animal et ses longues pattes griffues sont lisses, à part quelques mèches isolées soigneusement ondulées, l’énorme tête, à l’expression bienveillante et quasi humaine, s’entoure d’une étonnante crinière, traitée avec la même luxuriance que les chevelures et les barbes d’apôtres, par grosses mèches striées enroulées en coques et terminées par une vrille.
33Les modèles immédiats du gisant de Jean Tissandier sont deux tombeaux méridionaux datés des années 1330 et attribués à un sculpteur narbonnais44. Il s’agit du gisant de Guillaume Durant, archevêque de Mende (1297-1328), que le hasard des collections de Du Mège a amené au Musée des Augustins, et celui du pape Clément V, à Uzeste, que J. Gardelles45a attribués au même sculpteur. Contrastant avec les statues funéraires sans ornements de la France septentrionale datant de la première moitié du xive siècle, ces deux gisants introduisent dans le Midi, au cours des années trente, le goût pour les vêtements liturgiques richement ornés, en particulier les mitres, les coussins brodés aux armes des prélats, le parti stylistique des vêtements raidis tendus horizontalement pour évoquer la statue redressée.
Formation et identité du Maître de Rieux
34« L’apparition soudaine et isolée d’un chef-d’œuvre est toujours énigmatique, mais elle l’est plus encore quand sa provenance semble étrangère au milieu ». L’affirmation de R. Rey46 en 1934, traduisait l’admiration générale à l’égard d’un talent, qui semblait météorique dans un Languedoc à la sculpture pauvre, et plus particulièrement dans le milieu toulousain qui ne paraît pas avoir au début du xive siècle d’atelier de sculpteurs installés à demeure dans la ville. En l’absence de toute source historique apte à révéler l’origine et le milieu de formation du Maître de Rieux, il était tentant de chercher du côté d’Avignon47 donc de l’Italie. Cette attitude devait évoluer avec les recherches de B. Mundt, qui amplifia considérablement l’œuvre du maître et son rayonnement, montra sa présence sur le chantier de la cathédrale SaintÉtienne, et proposa une origine bordelaise pour le sculpteur. La formation du sculpteur sur les chantiers toulousains à été explicitée par les recherches de M. Prin, qui a montré son passage aux Augustins et à Saint-Étienne. Enfin le déplacement, en 1981, d’une partie des statues de la chapelle de Rieux pour l’exposition « Le siècle de Charles V, les fastes du Gothique », permit pour la première fois une confrontation avec l’art gothique européen. Cette mise en regard enleva beaucoup au caractère extraordinaire des sculptures toulousaines. On put se rendre compte que l’art du Maître de Rieux s’inscrivait bien dans l’art de son époque, et qu’un certain nombre de caractéristiques du maître toulousain étaient dans l’air du temps et apparaissaient au même moment, c’est-à-dire entre 1320 et 1350, dans l’ensemble du gothique français, sinon européen. Il n’est que de citer l’exemple plus ancien des apôtres de la Sainte-Chapelle, avec leurs chevelures enroulées en boucles précieuses et irréalistes, ou la mode des plis en cornets accumulés en cascades sur les personnages de Jean Pucelle, qu’équilibre un hanchement aussi prononcé que sur les statues « deuxième manière » du Maître de Rieux.
35Le style du maître s’inscrit également fort bien dans le milieu méridional de la première moitié du xive siècle. En effet, un certain nombre d’éléments, si caractéristiques de sa manière, apparaissent dans la sculpture languedocienne autour des années 1320. Le réalisme des figures d’apôtres et de saints de la première manière n’est pas une invention du maître. Les deux statues d’apôtres de la chapelle de Pierre de Rochefort (fig. 136), à la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne, donnent, dès 1322, des exemples de réalisme dans le traitement des visages, aux fronts sillonnés de rides, aux yeux marqués de pattes-d’oie. Visages pittoresques et expressifs qui contrastent avec les beaux visages idéalisés des statues du chœur. Le modelé des mains, en particulier celles du saint Paul de Saint-Nazaire, fines, longues, avec les doigts un peu plats aux jointures saillantes, annonce également la très belle plastique des mains des statues de Rieux. Le traitement des chevelures, dont l’exubérance s’organise autour du motif ornemental de la mèche en copeau et de la boucle estincelée, est en germes dans la coiffure du Christ de la clef d’abside des Cordeliers à Toulouse (fig. 149). La torsade symétrique qui enroule les cheveux de chaque côté du visage annonce l’enroulement des chevelures et des barbes des statues de la chapelle, mais la coque est à peine ébauchée, et le Maître de Rieux la complète par la vrille de la boucle estincelée. Rappelons enfin la touche italienne du décor de la chapelle de Jean Tissandier, qui a égaré vers Avignon tant d’admirateurs du Maître de Rieux. C’est oublier qu’à la même époque, entre 1330 et 1350, des peintres italiens et italianisants étaient au travail dans nombre d’édifices languedociens, les cathédrales de Rodez48, Béziers et Narbonne49, la chapelle Saint-Antonin des Jacobins de Toulouse, le chevet des Augustins de Toulouse. C’est à leur contact que le Maître de Rieux a appris à inciser ses auréoles50 et à donner à ses statues juvéniles les yeux étirés et rêveurs des vierges et des saints siennois.
36Reste le problème irritant de l’identité et des origines du sculpteur favori de Jean Tissandier. Le seul nom d’« ymagier » livré par les archives de la première moitié du xive siècle à Toulouse est celui d’un certain Petrus de Sancto Melio51, qui est emphytéote du chapitre de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse en 1339 et habite rue Frenière. Sancto Melio est le nom latin de Saint-Émilion, dans le Bordelais, ce qui renvoie à la région de Bordeaux pour les origines géographiques du sculpteur. Or, s’il n’y a pas à Saint-Émilion, dans les années vingt du xive siècle de constructions capables d’occuper un « ymagier », il en va tout autrement de Bordeaux, où la cathédrale Saint-André52 est en chantier, et où la mise en place des portails nord et sud du transept constituent des ensembles de choix pour la formation d’un jeune sculpteur. C’est là que B. Mundt53 voyait l’origine du Maître de Rieux, plus exactement dans les voussures du portail sud. Il est vrai que dès 1315, un des sculpteurs du portail sud de Saint-André (fig. 197), enveloppait de souples draperies coulant en longs plissés obliques cassés sur les pieds, ou creusés de plis transversaux, les statuettes des Vierges Folles, des Vierges Sages et des Apôtres des voussures. Certaines statuettes d’apôtres présentent également ces drapés en écharpe pour le haut du corps, qui deviendront systématiques pour les statues de la chapelle de Jean Tissandier. En attendant confirmation par d’autres sources, il paraît donc raisonnable d’accepter comme hypothèse de travail l’origine bordelaise du Maître de Rieux, et de le confondre avec ce Petrus de Sancto Melio, seul sculpteur qui paraît bien installé dans la ville, au point de payer un cens au chapitre de Saint-Étienne. Rappelons enfin, et il y a peut-être là plus qu’une coïncidence troublante, l’origine bordelaise d’un des évêques commanditaires les plus importants du Maître de Rieux, Hugues de Castillon54.
Les grandes réalisations du Maître de Rieux
L’achèvement du chœur de Saint-Étienne de Toulouse
37L’achèvement du chœur de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse se fit progressivement après la mort de l’évêque Bertrand de l’Isle, en 1286. La construction des chapelles sud, et plus particulièrement leur voûtement, fut le résultat des interventions successives des évêques Gaillard de Pressac, évêque de Toulouse de 1305 à 1317, dont les armes sont représentées sur la clef de voûte de la troisième chapelle sud, et de Guillaume de Laudun, évêque de 1327 à 1345, dont les armes accompagnent le saint Dominique de la dernière chapelle sud. En même temps, s’achevaient les travées du déambulatoire et du bas-côté sud du chœur. Seules quatre travées du bas-côté nord avaient été voûtées à la mort de Bertrand de l’Isle55.
38Un groupe de trois clefs, situées dans la travée d’axe du déambulatoire et de part et d’autre, concrétisent les débuts d’un nouveau style, en rupture avec le style du xiiie siècle, celui des sculpteurs de Bertrand de l’Isle, et leurs successeurs. L’une représente un martyr portant une palme56, l’autre saint Simon et saint Jude, la troisième un évêque en pied, dans une large chape (fig. 198). Les personnages sont petits et trapus, sur des clefs à fond lisse, creusées en cuvette, où les motifs végétaux disparaissent complètement. Ce type de clef à personnages apparaît dans la grande église des Cordeliers au début du xive siècle (fig. 150). Les têtes sont volumineuses, entourées de chevelures et de barbes dont les mèches s’enroulent en copeaux décoratifs. Les visages ont gagné en expression et en pittoresque, les draperies en fluidité, avec l’apparition de gros plis tuyautés qui partent en obliques vers le bas des vêtements et se brisent sur les pieds. L’évêque est la figure la plus typique du style du nouveau sculpteur qui travaille aux clefs de voûte de la cathédrale après 132757. Il porte une mitre très ornée, garnie de motifs d’architecture, composée de fins meneaux et d’une rose trilobée, une crosse dont les volutes sont également surchargées, et une large chape fermée sur la poitrine par un gros fermail orfévré. La chute de plis étagés en cascade que dessine le sudarium autour de la crosse, les cheveux bouffants et torsadés autour du visage large autorisent à y voir la main du Maître de Rieux, qui est sans doute ici au début de sa carrière toulousaine. L’organisation de la clef se précise avec l’évêque qui sur le disque lisse, creusé en cuvette, tend à déborder, mitre et crosse taillées en ronde-bosse, tandis que ses pieds sur lesquels s’accumulent les plis de la tunique disparaissent au milieu des ondulations du sol.
39Dans la travée suivante, la clef s’orne d’une composition élégante avec une jeune femme portant une couronne et une guimpe, rejetée en arrière, enroulée dans la courbe du disque de la clef, présentant dans ses mains voilées une croix dont les bras sont ornés de fleurs de lys. Il s’agit certainement de sainte Hélène, présentant les instruments de la Passion. Au centre de la croix, est accrochée une couronne d’épines, et la main gauche de la sainte tient les clous. On trouve ensuite une tête d’évêque, peut-être saint Nicolas, avec une haute mitre à motifs architectures rayonnants, ponctuée de quatre feuilles trilobées, boursouflées. Les clefs les plus connues du bas-côté sud, et les plus caractéristiques sont cependant les deux dernières, la clef de sainte Catherine d’Alexandrie, en face de la chapelle sainte Catherine, et celle d’un évêque mitré. La sainte (fig. 199), qui tient un livre et une palme, est délicatement hanchée, la tête inclinée sur l’épaule comme les apôtres de la deuxième série du cycle de la chapelle de Rieux. Derrière une haute couronne fleuronnée, elle porte un nimbe incisé de rayons en creux et de perles, à la manière des apôtres de la chapelle. L’évêque (fig. 200), personnage longiligne et un peu raide, au large visage maussade envahi d’une masse touffue de boucles en copeaux, porte les vêtements liturgiques que le Maître de Rieux représente également sur ses gisants, une haute mitre surchargée d’ornements, une crosse finement ciselée, des franges bordant les fentes de l’aube et de la tunique, et un manipule brodé. On retrouve là le goût pour les décors précieux, et la fantaisie du sculpteur de la chapelle de Rieux. On peut penser avec M. Prin que les deux dernières clefs plus débordantes que les autres, posées sur des socles triangulaires à motifs de nuées, sont à mettre en rapport avec la seconde série d’apôtres, la plus maniérée et la plus ornée, et que nous sommes ici entre 1340 et 1350, moment qui correspond à la dernière phase de la décoration de la chapelle de Rieux58.
Les Augustins de Toulouse
40L’église du couvent des Augustins de Toulouse, fut construite dans la première moitié du xive siècle. Les frères, d’abord établis au faubourg Matabiau, demandèrent au Pape Clément V, en janvier 1309, et obtinrent l’année suivante, l’autorisation de se fixer à l’intérieur de la ville59. L’église fut commencée par le chevet peu après 1310. Son architecte, Jean de Lobres, dirigeait également le chantier de la cathédrale60. En 1316, seule l’abside était construite, mais un legs fait le 22 novembre par Jean de Mantes, maître des œuvres du roi dans la sénéchaussée de Toulouse et d’Albi, allait permettre de construire les autres chapelles du chevet61. Il n’est pas indifférent de savoir que le même architecte dirigeait les deux chantiers, ce qui pourrait expliquer l’appel au même sculpteur, pour les clefs de voûte. En effet, trois clefs de voûte des Augustins, placées dans la sixième et la huitième chapelle nord, et dans la septième chapelle sud, semblent sortir de l’atelier du Maître de Rieux. Comme les deux dernières clefs du bas-côté sud de la cathédrale, les clefs des Augustins sont issues de la nouvelle conception de la clef de voûte ornée mise au point par le Maître de Rieux. Les trois clefs portent de grands personnages, beaucoup trop longs pour leur support, donc débordants et taillés en partie en ronde-bosse, les pieds reposant sur un socle pyramidal, orné de deux registres de nuées, ou de feuillages stylisés. Un saint Pierre un peu raide, à la haute tiare conique et aux cheveux torsadés, brandit ses clefs, et semble être une œuvre d’atelier, ainsi que le saint Guillem très déhanché, portant un livre ouvert où s’inscrit son nom. Par contre la sainte Catherine d’Alexandrie (fig. 201) est une des plus belles productions du maître lui-même. Son corps s’inscrit dans une ligne sinueuse, qu’équilibrent la grande auréole radiée et le socle à nuées sur lequel s’accumulent les draperies. La sainte est vêtue avec beaucoup de recherche, d’une tunique bordée au cou avec un galon perlé, et d’une écharpe croisée sur la poitrine, striée de plis fins et transparents comme le sculpteur en a utilisés pour les statues de la chapelle de Rieux. Les extrémités du tissu passent par-dessus les bras pour retomber en chute molle de plis en cornets, qui élargissent à la taille la silhouette longiligne. La main gauche qui tient la roue relève un pan de la tunique, d’un geste précieux et un peu maniéré, tout à fait dans l’esprit de la dernière manière du Maître de Rieux. La tête aux traits fins, les yeux étirés sous le front lisse que souligne un trait de peinture, le nez étroit et la bouche très légèrement étirée par un sourire, se rattachent également aux doux visages idéalisés que le sculpteur a multipliés dans la seconde série de ses apôtres. On peut également rapprocher la sainte de la tête de Vierge du musée des Augustins (fig. 211).
Le portail de la cathédrale de Rieux-Volvestre
41Ouvert dans le mur sud de la cathédrale de brique que l’évêque Jean Tissandier fit agrandir pendant le temps de son épiscopat62 (1324-1348), le portail de calcaire blanc n’est plus aujourd’hui qu’un squelette vidé de sa substance (fig. 202). Pendant la Révolution, en 1794, les statues des niches latérales ont été enlevées, les bas-reliefs bûchés, les voussures vidées de leur décor, et les trois statues qui occupaient le tympan supprimées63. Malgré l’absence de toute statuaire, l’œuvre est un témoignage important sur le goût de l’évêque mécène et sur la modernité d’une œuvre, unique en Haut-Languedoc, qui fut certainement commandée au seul sculpteur de qualité disponible dans les deux diocèses de Toulouse et de Rieux, le Maître de Rieux.
42Surmonté par un grand gable qui montait jusqu’à la toiture et logeait dans son triangle de brique une statue dont subsiste le socle, mélange de nuées ondulées et de feuillages à découpe grasse, le portail est composé de trois voussures en tiers-point, inscrites sous une archivolte lisse, ornée vers l’intérieur d’une ligne de fleurs à quatre pétales installés dans une gorge. Chaque voussure, bordée d’un tore à filet important, retombant sur une mince colonnette à chapiteau, était creusée d’un large cavet, où le sculpteur avait installé tout un peuple de petites figures, placées sur des socles étoilés très simples, qui servaient également de dais aux figures inférieures. Les ébrasements latéraux du portail sont constitués de ressauts successifs, fermés au tiers de la hauteur par des socles cubiques destinés à porter trois statues de chaque côté du portail. Les restes de dais étoilés, avec arcs trilobés latéraux, rappellent également la présence de statues libres, en ronde-bosse, dont l’enlèvement n’a laissé aucune trace. Les parties les plus intéressantes des ébrasements sont les socles des statues, qui ont conservé une partie de leur décor. Chaque face des socles comprend un arc en accolade largement ouvert, surmonté d’un fleuron, et encadrant un arc trilobé. Le dessin très ferme du cadre architecture, accompagnait des petits personnages qui devaient être peints, si l’on en croit l’aspect non bûché des socles, et la présence de nimbes radiés gravés dans la pierre à hauteur des arcs trilobés. Ces nimbes radiés contiennent encore par endroit des restes de peinture dorée, ce qui confirme l’étroite association de la peinture et des sculptures à Rieux, comme cela avait été le cas quelques années plus tôt pour le portail occidental de la grande église des Cordeliers, à Toulouse. On peut penser que le portail de Rieux-Volvestre compta parmi les premières œuvres languedociennes du maître. En effet les petits chapiteaux qui couronnent les colonnettes des ébrasements, sont de purs produits de l’art rayonnant des années 1320-1330. Surmontés de tailloirs polygonaux, et bordés d’astragales en becs, ils sont recouverts de feuillages souples et mous, qui n’ont pas encore l’aspect si typiquement boursouflé qui accompagne les œuvres de la maturité du maître dans les chapelles de Jean Tissandier et d’Hugues de Castillon.
43Le portail de Rieux était complété par un soubassement rectiligne, comme le portail sud de la cathédrale de Bordeaux, mais les quadrilobes au dessin étiré, déjà flamboyant, ont été bûchés. Il y avait enfin, latéralement, deux hautes niches indépendantes, surmontées de gâbles et séparés du portail lui-même par des pinacles, qui logeaient des statues derrière une arcature trilobée en claire-voie. Ces deux statues étaient également posées sur des socles avec arcs en accolade, et des sculptures en partie bûchées.
44On a donc, à Rieux-Volvestre, deux éléments fondamentaux, et parfaitement originaux, de l’art du Maître de Rieux : la rencontre avec les peintres, qui lui font connaître un élément essentiel de l’italianisme, les nimbes dorés radiés, qu’il reproduira systématiquement à la chapelle des Cordeliers, et la mise en œuvre d’un répertoire ornemental neuf, comprenant des arcs en accolade qui apparaissent ici pour la première fois en Languedoc, et font figure de nouveauté stylistique, destinée à être diffusée par le relais de la sculpture funéraire.
La chapelle d’Hugues de Castillon, à Saint-Bertrand-de-Comminges
Un cadre précieux
45Hugues de Castillon, évêque de Saint-Bertrand-de-Comminges de 1336 à 1352, était issu d’une famille de Guyenne apparentée à la famille de Clément V64. On voit apparaître, avec le nouvel évêque, un milieu familial bordelais qui donna plusieurs grands prélats, mécènes fastueux étroitement liés à la papauté d’Avignon.
46Hugues de Castillon montra un intérêt constant pour sa cathédrale en cours de construction pendant son épiscopat de seize ans. La grande abside, entourée de chapelles rayonnantes, et la nef unique furent achevées, avec une clef de voûte à ses armes disposée à la dernière travée. Mais, comme l’ont prouvé les recherches récentes65, l’œuvre la plus importante de son épiscopat fut la construction et la décoration d’une chapelle funéraire ouverte sur le mur nord de la cathédrale et destinée à abriter son tombeau.
47Cette chapelle, qui comprend deux travées rectangulaires percées à travers le mur gouttereau nord de la quatrième travée de la nef, tranche, par son caractère très orné sur l’austérité générale de l’œuvre de la cathédrale, conforme à ce second gothique méridional qui s’est édifié à partir de 1300 en Languedoc, à l’image des grandes réalisations des Mendiants, et de la cathédrale d’Albi. Attribuée par une tradition, née au xviie siècle, à Jean de Mauléon, évêque de Saint-Bertrand de 1523 à 1551, qui fit nombre d’aménagements dans la cathédrale, en particulier les stalles, elle est aujourd’hui rendue à Hugues de Castillon, ce qui est conforme à l’inscription funéraire placée sur le mur nord de la chapelle :
+ : Anno : Domini : M : CCC : LII : die : IIII : mensis :
octobris : obiit : reverend[us] : pat[e]r : D[omi]nus : Hugo :
de : Castellione : Dei : gratia : ep[iscopu]s : co[n]v[enarum] :
q[ui] : hanc : capellam : construit : et : p[re]sen
tem : cathedralem : ecc[lesi]am : consum[av]
it : cujus : a[n]i[m]a : requiescat : in : pace : Am/en] :
(blason) : Pat[er] : N[oste]r : (blason)66
48Alors que les chapelles du chœur, qui datent du début du xive siècle, sont des chapelles simples, polygonales, prises entre les contreforts, la chapelle de Castillon comprend deux travées rectangulaires de 5 m sur 6 m environ chacune, avec une hauteur de 8 m sous voûte, ce qui lui donne l’ampleur d’une église mineure, l’effet étant accentué à l’intérieur par une surélévation de 1 m environ au-dessus du bas-côté nord de la cathédrale. L’édifice, véritable chapelle funéraire accolée à la grande église, a fait l’objet d’une campagne de travaux importante qui n’est pas le simple aménagement d’un espace existant. On remarque en effet qu’elle fait saillie à l’extérieur, placée en encorbellement sur des arcs de décharge, et qu’elle est largement éclairée par une vaste fenêtre à trois lancettes, ouvertes dans la travée orientale. Les remplages en courbes et contre-courbes, qui dessinent des arcs en accolade ont pu contribuer à rajeunir la chapelle. Deux hautes arcades dont le profil à moulures multiples contraste avec la modénature très simple du reste de la cathédrale, font communiquer la chapelle avec le déambulatoire. C’est assurément l’allure du voûtement qui poussa les historiens de la cathédrale à dater au plus tôt du xve siècle la chapelle, comme le tombeau lui-même. Chaque travée a un voûtement étoilé, avec clef centrale et clefs mineures, c’est à dire des voûtes à liernes et tiercerons qui pourraient paraître précoces dans le second quart du xive siècle, à moins de se replacer dans l’atmosphère de modernité qui accompagne toutes les entreprises du Maître de Rieux, auteur du tombeau, et sans doute architecte et sculpteur de la précieuse chapelle-écrin qu’Hugues de Castillon voulut donner à son tombeau.
49La chapelle de Castillon possède en effet une sculpture d’accompagnement abondante, et tout à fait conforme aux recherches stylistiques du deuxième quart du xive siècle. Tandis que l’ensemble de la cathédrale est doté d’un décor relativement sobre, sculptures héraldiques ou végétales médiocres, on trouve dans la chapelle une sculpture de grande qualité. Au sommet des piliers et des pilastres de la chapelle, à la retombée des nervures des voûtes, ont été juxtaposés une multitude d’étroits chapiteaux (fig. 203) dont les corbeilles fusionnent avec les fûts des colonnes. Ils sont surmontés de tailloirs polygonaux aux angles soigneusement abattus de manière à ce que la moindre saillie disparaisse optiquement, et reposent sur des abaques en poire qui se fondent eux aussi avec les fûts à larges listels des colonnettes. Le décor sculpté est répandu, sans solution de continuité, tout autour des piliers et des pilastres, masquant à la fois les corbeilles des chapiteaux et les gorges en courbes et contre-courbes qui les lient. Plus que de chapiteaux, il faut parler à la chapelle de Castillon de « chapiteaux-bandeaux ». Nous avons ici une étape essentielle dans l’évolution du chapiteau gothique, qui se situe peu après les expériences de la chapelle de Pierre de Rochefort à Carcassonne, et qui va dans le même sens : fondre le chapiteau dans le support. Le sculpteur utilise un type de feuillage mou dont la source est à chercher dans la sculpture des années 1300-1320. Il s’agit, pour les chapiteaux d’angle de la chapelle, et pour la pile centrale de feuillages « boursouflés » d’un type très caractérisé (fig. 203), avec des feuilles trilobées à découpe rectiligne qui se gonflent sous la poussée de bulbes importants. La tendance bulbeuse ou boursouflée de la couverture végétale, amorcée dans les deux premières décennies du siècle sur les grands chantiers de sculpture des cathédrales, à Carcassonne, à Cahors, est ici poussée à l’extrême, avec un feuillage de fantaisie sans référence botanique mais conforme à un parti décoratif propre au Maître de Rieux. Ce type de feuillage boursouflé accompagne également le tombeau de l’évêque, on l’aperçoit sur la crosse et le long des arcs en accolade qui divisent les faces de la cuve en compartiments (fig. 204).
50Les petites clefs de la voûte étoilée sont également couvertes de feuilles « boursouflées », mais l’élément de sculpture le plus raffiné, bien que très abîmé, est celui qui entoure la clef principale de la travée orientale, où le départ des quatre liernes est accompagné par des anges, représentés à mi-corps dans diverses attitudes de prière. L’iconographie est encore bien visible, malgré l’usure de la pierre. Chaque ange est différencié par son attitude ou ses attributs. L’un rejette la tête vers l’arrière, ses mains sont cassées mais on aperçoit un encensoir à sa droite, un autre a les mains jointes, un troisième tient un livre ouvert, la tête rejetée vers l’arrière et inclinée sur l’épaule, et le quatrième, bien dégagé de ses ailes repliées vers l’arrière, a les bras croisés sur la poitrine. Les visages sont larges, très ronds, entourés d’une masse de petites boucles en coques.
51Cette iconographie rappelle celle des anges accompagnant les gisants et a ici une fonction funéraire, liée au tombeau d’Hugues de Castillon. Bien que l’état de conservation rende l’étude stylistique malaisée, on peut cependant remarquer, pour le visage de l’ange au livre en particulier, une construction très large, proche de celle des anges du tombeau de l’évêque. Les chevelures à grosses boucles en copeaux, et à calotte aplatie, sont également celles du tombeau. Enfin, deux des anges au moins ont la tête inclinée sur l’épaule, avec ce maniérisme propre à plusieurs personnages du cortège funéraire. Le tombeau étant l’œuvre du Maître de Rieux, on peut conclure qu’il fut également l’auteur de la sculpture d’accompagnement, sinon l’architecte de la chapelle.
Le tombeau d’Hugues de Castillan
52L’élément le plus spectaculaire de la chapelle est bien le tombeau d’Hugues de Castillon, devenu évêque de Saint-Bertrand de Comminges en 1336, après y avoir été chanoine. Il mourut en 1352, et fut enseveli dans la chapelle qu’il avait faite construire. En l’absence de son testament, se pose le problème de la date d’achèvement de la sépulture67. Le tombeau, placé actuellement entre le pilier central et le mur est de la chapelle, de manière à être vu depuis le bas-côté nord, est formé d’un gisant reposant sur une dalle (fig. 204), elle-même posée sur une dalle de marbre noir mouluré qui surmonte une grande cuve de marbre divisée sur chaque face latérale en trois compartiments, abritant quelque soixante-dix personnages organisés en cortège funéraire.
53Le gisant d’Hugues de Castillon est proche parent de celui de Jean Tissandier, au musée des Augustins de Toulouse (fig. 194). Il s’agit d’un évêque richement vêtu de ses habits liturgiques ornés de bordures frangées, tenant une crosse sous ses mains croisées sur la poitrine. Les gants ornés d’un losange ouvragé, la haute mitre travaillée à l’image des fenestrages rayonnants, avec le même ensemble de lancettes à meneaux, de trilobés inscrits dans des rosaces, de gâbles fleuronnés, que la mitre de Jean Tissandier, permettent d’affirmer que les deux statues ont été sculptées par la même main. Le pluvial d’Hugues de Castillon dessine les mêmes plis incurvés et profonds que celui du gisant des Cordeliers, et l’aube, la dalmatique, la chasuble s’étalent avec la même raideur, animées par quelques plis ronds en bâtons, coupés net à hauteur des pieds. Le visage d’Hugues de Castillon (fig. 205), très réaliste dans sa laideur épaisse, procède du même type physique que celui de Jean Tissandier, et la chevelure roulée en copeaux prouve la main du maître. Aux pieds du gisant, un lion à la tête bienveillante écrase sous sa patte un chien. Avec sa crinière enroulée en gros copeaux et ses boucles accrochées aux pattes lisses et au ventre, il se rattache lui aussi à la manière du Maître de Rieux. Les seules nouveautés de ce gisant, par rapport au modèle toulousain, viennent de la présence d’un dais à voûte étoilée, étonnamment proche du couvrement de la chapelle. Deux angelots à phylactères, frères de ceux de la clef de voûte, sont placés de chaque côté de la tête de l’évêque.
54Le coffre du tombeau, avec son décor d’arcatures et de petits personnages regroupés en foules compactes avait été rajeuni par les chercheurs, d’un siècle par rapport au gisant68. Le décor architectural des six niches dans lesquelles s’organise le cortège funéraire, est constitué pour chaque scène d’une double arcature trilobée surmontée d’arcs en accolade aux moulures aiguës et aux feuillages boursouflés (fig. 204). Ces arcatures, séparées par un pilastre suspendu, s’appuient de chaque côté des niches sur d’épais pilastres à ressauts ponctués à mi-hauteur par un glacis à larmier débordant. Sur chaque pilastre est engagé par l’angle une mince pile dont les deux faces sont ornées de remplages trilobés, de roses à quatre lobes, de gâbles à crochets, et surmontées d’une console crénelée qui portait la face inférieure de la dalle funéraire. C’est la présence de l’arc en accolade dans les encadrements qui avait fait classer dans le style flamboyant du xve siècle69 la cuve du tombeau. En fait, Tare en accolade ne constitue pas une anomalie stylistique dans les œuvres du Maître de Rieux, puisqu’il apparaît au portail de la cathédrale de Rieux-Volvestre, peu après 1324, et est utilisé en 1344, sur le tombeau bien daté de Philippe III le Hardi70, à Narbonne, lui aussi issu du style de Rieux. Quant au décor de pilastres à arêtes vives, de glacis aigus et débordants du tombeau d’Hugues de Castillon, on pense au répertoire ornemental des cathédrales méridionales de type gothique rayonnant où le contrefort à larmier débordant constitue une constante des chevets. On ne peut, une fois de plus, que constater les liens qui unissent l’art du Maître de Rieux et les chantiers des cathédrales, et rappeler l’hypothèse que le génial sculpteur se soit formé sur les chantiers mêmes des cathédrales de Bordeaux et de Toulouse. En diffusant les premières formules du gothique flamboyant, la sculpture funéraire du Maître de Rieux participe au renouvellement étonnamment précoce de l’art gothique méridional à la fin de la première moitié du xive siècle.
55Dans les niches, se déroule la scène, bien connue des sculpteurs languedociens71, de l’absoute et des funérailles de l’évêque. Si le corps de l’évêque a disparu, puisque représenté sur le coffre, subsistent les témoins de la cérémonie, regroupés par catégories. Dans le premier compartiment de la face latérale droite (fig. 206), sont réunis les officiants et la famille du défunt, répartis sur trois plans, avec un effet de moutonnement des têtes sur le fond. La scène donne une impression de foule dense et animée, en marche vers la droite, vers les pieds du gisant, l’effet de marche étant obtenu par la position de profil donnée à certains personnages. En tête sont les acolytes, de taille inégale, l’un portant le flambeau, les autres les encensoirs. Un évêque bénissant, est placé au second plan, derrière des clercs qui tendent le drap liturgique ; la tête de l’évêque est remarquable pour sa ressemblance avec l’effigie d’Hugues de Castillon ; c’est une de ces têtes larges, épaisses, aux yeux mi-clos, entourées de gros copeaux de cheveux bouffants qu’affectionne Pierre de Saint-Émilion. De même, les têtes précieusement inclinées des diacres qui l’entourent ne sont pas sans rappeler, par leur format, les visages des apôtres « première manière » de la chapelle de Rieux. Derrière les officiants se lamente un groupe de laïcs, où les femmes revêtues de longs manteaux avec petites capes sur les épaules cachent leur visage sous des capuchons et dans des mains crispées, qui expriment leur douleur. Terminant le cortège, un homme barbu, revêtu d’une tunique courte et d’un manteau fendu à partir de l’épaule et orné de boutons ronds, dissimule également son visage, sous un profond capuchon aux bords plissés en godets, dont ne dépasse qu’une barbe fine (fig. 207). Le thème du « pleurant » apparaît ici pour la première fois, ce qui avait également contribué à faire rajeunir le tombeau d’un siècle. Rappelons qu’à une date très proche, Jaume Cascalls, contemporain du Maître de Rieux, et qui tient en Catalogne la même place de maître novateur d’un atelier de sculpture, esquisse l’iconographie des pleurants dans un tout autre contexte, celui de la Dormition de Marie du retable de Corneilla-de-Conflent, daté de 1345. On y voit les apôtres, la tête enfoncée sous des capuchons, entourant le lit funéraire de la Vierge, représenté gisante, avec un costume de cour. Le thème des pleurants sera repris et amplifié par Cascalls sur les tombeaux de Poblet72.
56Les témoins familiers du premier compartiment du tombeau de Saint-Bertrand de Comminges, ont des visages dont la plastique rappelle celle du cycle de la chapelle de Rieux, avec une tendance au réalisme qui correspond à la première manière de Pierre de Saint-Émilion. La qualité des mains des protagonistes, l’élégance et le raffinement des vêtements pincés à partir de la taille par des plis en cornets qui s’accumulent et se brisent sur les chausses, le goût pour l’objet, encensoir, flamberge, franges et boutons des costumes, révèlent la main du maître lui-même.
57Sur le second compartiment (fig. 204), marche dans la même direction un groupe de chanoines, la tête couverte d’aumusses dont les pans resserrés par un gland pendent par-dessus les épaules. Il s’agit de la représentation du chapitre, que Benoît XII venait de réformer en 134073. Certains portent des livres et chantent ; les visages, uniformément crispés, et fort ridés, donnent l’impression très répétitive d’un type physique unique, au nez épaté, aux yeux étroits et bordés de rides, au menton carré. Les vêtements renforcent l’impression de monotonie par les plis en cornets raides, d’une verticalité à peine rompue par les bordures coupées droit sur les pieds, comme pour le gisant. Il s’agit ici de l’œuvre d’un compagnon moins habile que le maître, quoi qu’imprégné de son style. Comme pour la première niche, le premier personnage du cortège funèbre lève sa tête nue vers le groupe qui le précède, et par son visage tendu vers l’avant crée un lien fictif par-dessus les pilastres à larmiers, d’où une impression de déambulation continue des clercs. L’effet de marche est repris dans la troisième niche (fig. 208) par un groupe compact mais disparate de Franciscains qui prennent part aux obsèques. La variété naît de la disposition sur trois plans de frères de taille variable, dont les uns ont les mains enfermées dans les manches, les autres crispent leurs doigts longs et nerveux sur des livres à la reliure apparente ; les visages sont larges et marqués par l’âge, ils ont des cheveux bouffants ou des fronts dégarnis. Le sculpteur, qui ici fut certainement le maître, a su rompre la monotonie des bures de Cordeliers par la délicate avancée d’un genou, de place en place, sous la transparence des tissus, et par le subtil chiffonnage des larges manches traversées de souples croissants d’ombre. Le marbre poli donne à cette foule en marche, précédée par un frère porteur d’une croix processionnelle, un incomparable frémissement.
58Sur le côté gauche du tombeau le cortège, qui garde, par le jeu des regards, l’objectif de la marche vers le pied du tombeau, semble immobile (fig. 209). La plupart des frères et des moines sont représentés de face, épaules contre épaules, portant livres ou phylactères et les pieds cachés par la ligne simplifiée des aubes. Tous les participants du cortège sont en effet des religieux, enveloppés dans de longs manteaux à capuches. Les visages, entourés de grosses chevelures en couronnes autour des crânes tonsurés, sont aussi réalistes que ceux du côté droit, avec des bouches crispées, des fronts ridés, des yeux souvent globuleux. Les mains sont particulièrement expressives, souvent redressées en gestes précieux pour souligner la récitation. Les monotones plis en cornets légèrement évasés sur les pieds, sont à peine interrompus par l’étagement d’un pli tuyauté ou l’avancée d’un genou, qui apparaît ici comme l’artifice d’un aide qui systématise les procédés du maître. L’ensemble des trois niches, répétitives, a sans doute été laissé à un compagnon de l’atelier.
59Tous les petits personnages un peu raides des obsèques de l’évêque de Saint-Bertrand, sont massés sur plusieurs plans, qui constituent un bloc compact contre le fond de marbre noir du tombeau. L’idée du personnage isolé sous son arcature, venue d’Ile-de-France, et qui prévaut sur les tombeaux carcassonnais, est ici abandonnée au profit d’une organisation nouvelle des obsèques des dignitaires de l’Église, par grandes foules compactes et douloureuses, dont la mode a sans doute été diffusée par le tombeau de Clément VI (1349-1352) à la Chaise-Dieu, contemporain de celui d’Hugues de Castillon, et dont on ne connaît plus que les fragments du musée Crozatier du Puy.
Une nouvelle iconographie de la Vierge à l’Enfant
60Le bouleversement artistique provoqué en Languedoc occidental par le passage du Maître de Rieux, c’est-à-dire Pierre de Saint-Émilion, a été particulièrement sensible dans le domaine de la statuaire isolée, absente jusque-là du Toulousain. Ce bouleversement est visible aussi bien dans la plastique que dans l’iconographie. La grande nouveauté apportée par le Maître de Rieux est la mise en forme d’un type nouveau de Vierge, qui tend à supplanter, vers 1340, le modèle septentrional diffusé par la Vierge à l’Enfant du chœur de Saint-Nazaire de Carcassonne74.
Le groupe toulousain
61Bien que la Vierge de la chapelle de Rieux ne soit pas une Vierge à l’Enfant, mais une Vierge d’intercession, en pendant à la statue de saint Jean Baptiste pour une iconographie de la Déisis75, c’est sous les traits d’une Vierge à l’Enfant qu’elle fut imitée le plus souvent, pour sa coiffure, son vêtement, ses attributs, et l’ajout de l’Enfant porté sur le bras gauche.
62Un certain nombre de statues ou de fragments de statues féminines offrent suffisamment de traits communs avec les statues de la chapelle de Jean Tissandier pour qu’on puisse les attribuer au Maître de Rieux. C’est le cas pour la Vierge à l’Enfant provenant de la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle (fig. 210), située jusqu’à la Révolution dans le cloître de l’abbaye de Saint-Sernin, et actuellement conservée au Musée des Augustins76. La statue présente un fort déhanchement du côté gauche, côté où elle porte, très haut vers l’épaule, l’Enfant à demi-nu, qui joue avec un oiseau. La Vierge, dont le bras droit est cassé, est construite comme les statues de la première série de la chapelle de Rieux, avec un corps massif et large, des épaules étroites, et une tête assez volumineuse, redressée et légèrement détournée vers l’Enfant. Son vêtement est identique à celui de la Vierge de Bayonne, un voile-manteau posé en arrière sur la chevelure, protégée ici par une résille portée sur le haut du crâne, et dont les pans retombant sur les épaules se croisent au niveau de la poitrine, dessinant un grand drapé transversal avant de retomber, en cascade de plis tuyautés, sur le bras gauche, et sous la main droite. La tunique dont l’encolure est visible, apparaît sous le voile à partir de la taille, avec des effets de transparence et de superpositions de tissus chers au Maître de Rieux, et se drape en longues obliques qui se brisent sur les pieds. La conception de la draperie est identique à celle de la Vierge du cycle, et tous les procédés du maître reparaissent ici ; la tête est également très proche de celle de la statue de Bayonne, très ronde, posée sur un cou un peu long, mais entourée du même type de chevelure aux ondulations serrées sur le haut du crâne, où une raie la partage, et qui s’organise de chaque côté de la figure en torsades symétriques entourant de petites vrilles ; le visage, moins fin que celui de la Vierge de Rieux, offre cependant une certaine ressemblance par l’étirement des yeux, le modelé délicat des narines et le petit menton rond creusé d’une fossette, fortement détaché d’un bas de visage large.
63La Vierge à l’Enfant de la collection Brimo de la Roussilhe77, est une copie fidèle, pour l’iconographie, mais médiocre pour le style, de la Vierge de Bonne-Nouvelle. Elle est beaucoup moins hanchée que la précédente, mais porte également l’Enfant, dont il ne reste qu’un fragment, sur le bras gauche haut levé, tandis que l’amorce du bras droit détaché du corps tenait un sceptre ou un livre. Les vêtements de la Vierge suivent les nouveautés iconographiques de l’atelier. Un voile partant de l’arrière du crâne se drape en châle sur la poitrine, une résille retient les cheveux, et une tunique à l’encolure large s’ouvre sur la poitrine. La résille et la chevelure coiffée en larges torsades, la combinaison de plis drapés transversaux, d’une cascade de plis tuyautés sur le bras droit et d’un pli oblique cassé sur les pieds prouvent l’imitation du modèle de Saint-Sernin, mais l’ensemble est réalisé avec une certaine sécheresse, un manque d’exubérance dans le traitement des plis qui montrent que cette statue n’est pas une œuvre de Pierre de Saint-Émilion, mais un travail d’atelier.
64En revanche, une tête féminine78 du Musée des Augustins est très proche par son style de l’œuvre du Maître de Rieux (fig. 211). Considérée parfois comme une tête d’adolescent79 car elle n’a pas de couronne, elle est aujourd’hui classée dans la série des Vierges dérivées de l’atelier de Rieux80. En effet, l’arrière de la tête, porte un léger voile, qui dissimule la chevelure et dessine une avancée au milieu du crâne ; il s’agit d’un de ces voiles rejetés loin en arrière que portent également les Vierges de Bayonne, de Saint-Sernin et de la collection Brimo. Par contre, la tête des Augustins ne porte pas de résille, mais ses cheveux sont sculptés de la même manière que sur les têtes féminines attribuées à Pierre de Saint-Émilion. Une raie médiane sépare des ondes très serrées, où sillons profonds et simples incisions de surface sont habilement mêlés pour animer la monotonie et le parallélisme des ondulations. Comme pour la Vierge de Bayonne, de petites boucles de cheveux soulignent le front et se logent sous les retroussis des mèches, tandis qu’à partir du front de grosses torsades jaillissent autour des oreilles et amorcent ce mouvement de copeaux que le sculpteur de la chapelle de Rieux termine dans les barbes et les cheveux de ses apôtres. Le visage, très restauré pour le nez et le menton, présente également des analogies avec les visages de la chapelle de Rieux, avec celui de la Vierge, mais également ceux de saint Jean et de saint Philippe. Les yeux en particulier sont très caractéristiques, étroits et étirés entre une paupière inférieure rectiligne, un peu remontée au centre, et le fin bourrelet en saillie de la paupière supérieure ; l’arcade sourcilière bombée, prolonge, sans rupture de plan au niveau des sourcils qu’indiquait seule la peinture, ici disparue, un front bas et très large. L’ensemble du visage possède ce modelé lisse, à l’ossature invisible, qui donne son caractère un peu mou et idéalisé au visage de la Vierge de Bayonne, et l’ovale élargi autour de la mâchoire inférieure est à peine rompu par un menton très petit et très saillant ; la bouche est fine, étroite, et bien ourlée, habituelle également chez le Maître de Rieux. Tous ces éléments stylistiques font de ce fragment une œuvre si proche des statues de la chapelle de Rieux qu’on est très tenté de lui donner la même origine. Il en est de même pour le fragment de tunique81de 1 m de hauteur, du musée des Augustins, que H. Rachou et M. Prin réunissent à la tête pour en faire une statue unique, et qui est tout à fait conforme au style des vêtements d’apôtre, avec la présence des plis tuyautés étagés en cascade, et de la ligne oblique du grand pli en cornet qui va se briser sur le pied droit du personnage. Ces fragments mutilés, dont on ignore la date d’entrée au musée, sont tellement caractéristiques de la manière du Maître de Rieux, que l’on peut se demander s’ils n’ont pas participé, de quelque manière que ce soit, au décor de la chapelle.
65Il faut rapprocher de la tête des Augustins une tête, de marbre ou d’albâtre (fig. 212), qui appartenait à un antiquaire d’Eauze (Gers), il y a une quinzaine d’années, et qui a, depuis, disparu dans une collection privée82. Elle était coupée à la naissance du buste. Le visage délicat est incliné sur l’épaule gauche, et possède ce format rectangulaire, à tout petit menton saillant propre au style de Rieux. Les cheveux sont partagés par une raie médiane, comme le sont habituellement les visages féminins du Maître de Rieux, et les mèches frisottent sur le front avant de se gonfler en ondes torsadées, incluant au milieu des copeaux de minuscules boucles estincelées. Le nez à l’arête étroite prolonge l’arcade sourcilière à peine indiquée. Les yeux étirés à l’extrême ont ce relèvement de la paupière inférieure qui laisse ici à la jeune femme une fente étroite pour le regard. La mélancolie habituelle aux visages du Maître de Rieux, soulignée par la ligne mince des lèvres, baigne ce visage charmant, tout à fait conforme à la second manière du sculpteur, douce et précieuse. Il paraît difficile de l’identifier, en l’absence de tout attribut ; la jeune femme n’a pas de voile, il ne s’agit donc pas d’une Vierge, ses cheveux vont d’ailleurs plus loin sur les épaules que chez les Vierges de Rieux, peut-être s’agit-il d’une jeune martyre.
Le groupe tarbais
66Deux œuvres majeures du Maître de Rieux sont conservées à Tarbes83, et posent le problème des déplacements du sculpteur, appelés par les commandes des évêques. On peut se demander si l’important chantier de Saint-Bertrand-de-Comminges, où le maître et son atelier se sont chargés, à la demande d’Hugues de Castillon, comme pour Jean Tissandier, de la décoration globale d’une chapelle funéraire, sinon de sa construction, n’a pas été suivi du même genre de travail pour l’évêque de Tarbes.
67La première œuvre, exposée dans le cloître de la cathédrale de la Sède, est une statue debout de Vierge à l’Enfant d’un grès jaunâtre, haute de 1,45 m, sans tête et sans bras (fig. 213)84. Elle est assez fortement déhanchée vers la gauche, du côté où elle présentait l’Enfant, qui a été enlevé au ciseau. Les pieds chaussés sont posée sur un socle à molles ondulations. Les vêtements de la Vierge sont parfaitement conservés, et révèlent la grande qualité de l’œuvre. Une tunique largement échancrée et bordée par un galon quadrillé couvre la poitrine ; un voile-manteau, lui aussi bordé par un galon étroit, croise sur la poitrine de manière à tirer sous le bras qui tenait l’Enfant un grand pan transversal de fin tissu au plissé multiple et raffiné. Selon l’habitude du Maître de Rieux, le voile dont les plis s’accumulent sous le bras gauche retombe en une cascade tuyautée de plis en cornets et dessine un grand pli oblique qui va recouvrir le pied droit légèrement avancé. Figure raffinée, précieuse dans son hanchement équilibré par le jeu des draperies, la Vierge de Tarbes s’apparente aux meilleures productions de Pierre de Saint-Émilion. De format longiligne, elle est plus proche du fragment de tunique du Musée des Augustins que de la Vierge de Saint-Sernin et relève de la période maniériste et précieuse du sculpteur, ce que confirme l’emploi des galons et des broderies, absents de la série d’œuvres toulousaines.
68La seconde œuvre importante conservée à Tarbes est une Vierge assise en grès jaunâtre du Musée Massey85, qui a longtemps été prise pour une sainte Anne assise (fig. 277). Il est vrai que par son iconographie, la pièce est unique dans l’œuvre du Maître de Rieux. La Vierge est assise sur un siège de format quadrangulaire, surmonté d’un coussin dont chaque angle est souligné par un pommeau ciselé. Elle tient un livre dans la main gauche, et s’incline vers le genou droit qui porte encore la moitié inférieure de l’Enfant, enroulé dans une tunique, et qui était présenté debout. Marie est vêtue d’un voile-manteau, tiré sur la chevelure qu’il dissimule sur le front, par une série de petits plis en godets, et drapé en écharpe sur la poitrine, pour retomber sous l’Enfant en cascades de plis en cornet ; malgré l’inhabituelle position de la Vierge, l’agencement des plis révèle la main du maître de l’atelier de Ricux. et une œuvre d’une qualité exceptionnelle. Bien que le visage soit entièrement bûché, il conserve la découpe large, presque rectangulaire, habituelle au sculpteur, et la masse de cheveux torsadés qui débordent sous le voile le long des joues, incluant des vrilles en escargot. On est là, c’est incontestable, en face d’une des plus belles pièces de la série du Maître de Rieux. L’iconographie, fréquente dans l’art du xive siècle, de la Vierge assise présentant l’Enfant debout sur un genou, et que nous associons à un contexte funéraire86, était peut-être destinée à une chapelle ayant ce type de fonction.
Les Vierges issues de l’atelier
69Le succès du Maître de Rieux, soutenu et amplifié par les commandes de nombreux évêques du Haut-Languedoc qui firent appel à lui pour orner, qui sa cathédrale, qui sa chapelle funéraire, fit de lui, pour une génération au moins, l’unique sculpteur à qui il convenait de faire faire les statues de Vierges à l’Enfant destinées aux paroisses. La Vierge à L’Enfant de l’église Saint-Jean-Baptiste de Villardonncl87 (fig. 214), est une réplique à l’identique de la Vierge de Saint-Sernin (fig. 210). Elle offre la même silhouette un peu large, dont la sinuosité est équilibrée par le geste en avant de la main gauche, et par la retombée par pans, détachés du corps, du voile-manteau plaqué en arrière de la tête. Elle a sur la tête la même résille plaquée sur des cheveux qui se gonflent en ondes torsadées. Comme la statue toulousaine, la Vierge porte un Enfant qui joue avec un oiseau, et dans sa main gauche tendue les doigts repliés gardent le souvenir d’un attribut, une fleur sans doute. Le visage dans lequel s’accuse la largeur de l’ovale, contrastant avec l’amenuisement des traits, n’est plus tout à fait celui du maître lui-même, mais l’œuvre sort incontestablement de l’atelier, comme la Vierge de Notre-Dame des Embergues, de Rodez, et celle de Montpezat de Quercy, petite statue d’albâtre, précieuse et maniérée (fig. 216). Toutes deux sont également vêtues du voile-manteau, de la résille, et les étagements de plis tuyautés rappellent le goût de l’atelier toulousain de Pierre de Saint-Émilion pour les draperies ornementales dont les cascades équilibrent le hanchement du corps et l’inclinaison pathétique de la tête sur l’épaule.
70On pense encore à l’atelier du Maître de Rieux pour la Vierge à l’Enfant de l’église du Plan (Haute-Garonne), qui possède les caractéristiques principales des Vierges du groupe (fig. 217), déhanchement, enroulement des plis en cascade réunis sous le bras qui tient l’Enfant, entassement des tissus sur les pieds, chevelure aux boucles serrées. Cependant, la présence d’une couronne fleuronnée au-dessus du voile montre que l’iconographie créée par le sculpteur n’est plus strictement suivie, et le déhanchement est plus prononcé qu’il ne l’est pour les œuvres sorties des mains du Maître.
71Enfin, une tête féminine, dont ne subsiste qu’une documentation indirecte, permet d’imaginer la densité d’une production qui donna à l’atelier toulousain, dans les années 1330-1350 une place incomparable dans l’histoire de la sculpture méridionale. La tête Huc, qui n’est connue que par le moulage du Musée des Monuments Français88, et qui devait être une tête d’ange (fig. 215), avec un bandeau autour de la tête, témoigne encore de l’influence du maître, pour une interprétation très personnelle. La chevelure, aux stries parallèles sur le sommet de la tête, s’enroule sous le bandeau en grosses coques, imitées des barbes et des chevelures des apôtres de la chapelle. Le raffinement des traits, l’étirement des yeux, évoquent une parenté lointaine avec les statues de Rieux, mais les sourcils bien marqués, l’expression ironique de la bouche, le modelé de l’arcade sourcilière et des joues distinguent cette tête des têtes de Vierges, d’apôtres et de saints sculptées par le Maître de Rieux lui-même.
Les statues masculines de l’atelier de Rieux
72Comme la Vierge du cycle de la chapelle, les statues de saints et d’apôtres ont été reproduites ce qui prouve leur aspect novateur et séduisant, dans l’histoire de la plastique toulousaine. Une statue de diacre semble issue de l’atelier même, comme Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, la Vierge de Tarbes et la tête de Vierge des Augustins. Elle a été achetée en 1925 par le Metropolitan Museum of Art de New-York. Le diacre avait d’abord appartenu au collectionneur Gray Barnard, qui assurait l’avoir achetée à Toulouse89. Elle mesure 1,87 m, approximativement la taille des statues du cycle, et porte l’auréole radiée des apôtres de la chapelle. Comme les apôtres, le diacre est posé sur un socle à nuées. Il est vêtu d’une dalmatique au col plat, orné au centre d’un jabot plissé, et aux manches largement pendantes. Il tient dans la main droite une palme, et dans la main gauche un livre ouvert ; la dalmatique est drapée en plis en cornets verticaux, à la manière du vêtement de saint François et de saint Antoine de la chapelle. Le traitement de la chevelure, enroulée en copeaux, et la main au beau modelé soigné qui tient le livre, en font une œuvre si proche du cycle de la chapelle de Jean Tissandier, que faute de pouvoir la replacer à l’intérieur de la chapelle, on ne peut que la destiner à une autre église toulousaine décorée par le même sculpteur. Le Musée des Augustins possède dans ses réserves une seconde statue de diacre, acéphale, aux longues manches frangées et au col plat, orné de passementerie et fermé par un linge attaché en jabot, comme le diacre de New-York. Les deux statues sont parentes, par la taille et par le style, et prévues assurément pour le même ensemble sculpté.
73Le musée Crozatier du Puy-en-Velay expose une fort belle tête de marbre blanc, haute de 27 cm, qui provient d’un tombeau de l’église de Brioude, détruit pendant la révolution (fig. 218). Il s’agissait du tombeau d’un chanoine, Pons de Polignac90, mort en 1335. Selon Dom Jacques Boyer, qui le vit au xviiie siècle, il y avait une inscription : Hic jacet D[omi]nus Pondus de Podempniaco, botte memorie condam decanus eccl[esiae] Brivatensis qui obiit in vigilia natalis do[mi]ni anno do[mi]ni MCCCXXXV91. La tête est bien conservée sauf le nez, et on retrouve la construction toute en largeur, aux fortes mâchoires carrées, propres aux visages du Maître de Rieux. Comme pour les têtes de Jean Tissandier et d’Hugues de Castillon, le sculpteur a donné à son marbre poli un subtil modelé, avec des bosses et des creux, le menton fortement marqué par deux rondeurs identiques, et creusé d’une fossette. Les yeux ouverts, très étirés vers les tempes, sont taillés selon le procédé habituel du sculpteur, avec une ligne de la paupière inférieure qui remonte légèrement vers le milieu de l’œil, ce qui accentue son étirement. La chevelure, rare, est traitée en mèches ondulées en frange sur un crâne à la calvitie avancée, tandis que quelques mèches éparses s’enroulent en copeaux et en vrilles tout autour de la tête. Le style de l’atelier de Rieux est ici fortement affirmé, sans le réalisme propre au maître cependant, mais la disparition de la quasi totalité du tombeau92 rend difficile toute autre conclusion.
74Était également sortie de l’atelier toulousain la belle statue en pierre de saint Biaise, de l’église de Bénac (Ariège), aujourd’hui disparue93. D’après l’unique photographie conservée (fig. 219), on se rend compte que le saint est représenté avec une mitre richement ornée de motifs orfévrés sur la partie basse, puis de remplages rayonnants, à la manière de l’atelier de Rieux. La mitre endommagée repose sur des cheveux bouclés et bouffants, qui encadrent un large visage rectangulaire, aux traits menus, dans l’esprit du style de Rieux. La tête a été mal replacée sur les épaules94, étroites, et recouvertes d’un manteau à col rond et lisse, fermé par un gros fermail losangique, orfévré. Le manteau dégage les bras mais les mains sont brisées. Sur le bras gauche repose un manipule. On devine encore, sur le cliché conservé du saint Blaise95, les bordures frangées de la tunique de l’évêque, et la chute régulière de gros plis cannelés. Le saint Biaise de Bénac est proche de ce que l’on peut considérer comme la première manière du maître et de son atelier, le tombeau d’Hugues de Castillon.
Le « style de Rieux » : diffusion en Haut-Languedoc
75Il se fit une véritable mutation stylistique dans les années 1340-1350 en Languedoc. Bien qu’il soit délicat de déterminer quelles sont les œuvres sorties de l’atelier toulousain, et quelle est la part d’imitation due à des artistes moins doués, impressionnés durablement par le talent d’un maître novateur et inventif, on peut affirmer que toute une génération d’œuvres sculptées diffusa le « style de Rieux » à travers le Languedoc96, les limites géographiques de la notoriété du Maître étant celles du rayonnement concurrentiel des sculpteurs d’Avignon97.
Sculpture monumentale
76L’ancienne cathédrale Saint-Maurice de Mirepoix (Ariège), tient une place exceptionnelle, non seulement dans le domaine de l’architecture gothique languedocienne98, mais également dans celui de la sculpture du xive siècle. Dédicacée le 6 mai 1298, elle demeura une église paroissiale jusqu’à la création, en 1317, du nouveau diocèse de Mirepoix par Jean XXII. Les premiers travaux d’agrandissement de la nouvelle cathédrale sont ceux que fit le troisième évêque de Mirepoix, Pierre de Laperarède (1317-1348), ami et conseiller du pape Benoît XII, puisqu’il fut maître du Palais Apostolique à Avignon. Tous les érudits qui ont étudié la cathédrale attribuent à Pierre Poisson, originaire de Mirepoix, architecte de Benoît XII pour le palais des Papes99, le plan exceptionnel, une vaste abside entourée de chapelles rayonnantes, adopté pour le nouveau chevet. Plusieurs campagnes de travaux successives, menées par les évêques Guillaume de Puy, à partir de 1405, et Philippe de Lévis100, de 1497 à 1506, et enfin par les restaurateurs de la deuxième moitié du xixe siècle101 donnèrent à la petite église paroissiale du xiiie siècle son aspect actuel : celui d’une immense nef unique de six travées bordées de chapelles droites, terminée par un chœur entouré de cinq chapelles rectangulaires rayonnantes.
77Les cinq chapelles rayonnantes du chevet et les deux chapelles de la dernière travée de nef sont ornées de clefs de voûte comportant un décor d’un grand intérêt dont l’analyse aide à la compréhension de la marche des travaux dans cette partie de l’édifice102.
78Deux sculpteurs différents ont travaillé à ces sept clefs de voûte, de qualité très variable. Trois clefs peuvent être attribuées au même sculpteur, celle de la chapelle nord de la première travée de nef103, celle de la chapelle d’axe104, et celle de la première chapelle rayonnante du côté sud105. La clef de voûte de la chapelle d’axe (fig. 220), qui, selon les textes, a été terminée en 1344, et construite en premier, représente la Vierge à l’Enfant, au bras droit cassé, débordant un plateau circulaire dont le fond est orné d’un quadrilobe en relief. La Vierge est posée sur un socle pyramidal, fait d’une série de renflements évoquant des feuillages stylisés ou des nuées. Elle est couronnée, sans voile, ce qui constitue une rareté iconographique au xive siècle dans le Midi, et porte un manteau drapé transversalement qui est ramené sur le bras gauche portant l’Enfant. Le pan du manteau retombe sur le bras et sur la jambe, dessinant une chute de plis tuyautés superposés les uns sur les autres. Le déhanchement de la Vierge est très accentué.
79Si l’iconographie est originale, en particulier le geste de l’Enfant qui caresse le menton de la Vierge, dans la tradition de la Vierge à l’Enfant du chœur de Saint-Nazaire de Carcassonne, le style de la clef Test beaucoup moins. Le rapprochement entre la clef de voûte de Mirepoix et la clef de la cathédrale de Saint-Étienne de Toulouse, portant la sainte Catherine d’Alexandrie nimbée d’une auréole radiée (fig. 199) est riche d’enseignement. L’ampleur du personnage, le socle pyramidal à nuées, le système de drapé combinant les plis transversaux réunis dans une main pour retomber en cascade tuyautée sur le côté gauche et les plis obliques cassés sur les pieds sont identiques sur les deux clefs, et montrent que le sculpteur du chevet de la cathédrale de Mirepoix pourrait être un élève du Maître de Rieux.
80La clef de voûte de la première chapelle du côté de l’épître représente un saint Dominique (fig. 221), reconnaissable à son vêtement, manteau sombre sur tunique claire, à la tige fleuronnée tenue dans la main droite et à son livre de prédicateur. La conception de la clef est semblable à celle de la chapelle d’axe, avec le personnage démesuré et débordant, le socle à nuées, le fond quadrilobé du support. Les proportions du saint, aux épaules effacées et à la tête légèrement inclinée, le drapé savant des vêtements, la couronne de boucles enroulées en grosses coques, font de cette effigie une œuvre très proche des statues du cycle de la chapelle de Rieux, en particulier du Christ du Musée Bonnat de Bayonne. La construction de la chapelle saint-Dominique est également attribuée à l’évêque Pierre de Laperarède, cet ancien Dominicain qui avait conservé des relations avec son couvent de Cahors106 et une dévotion spéciale à saint Dominique.
81La clef de la chapelle de la première travée de nef, du côté nord, fait partie du même ensemble stylistique (fig. 222) que les deux précédentes. Elle représente une figure de saint Michel, tuant d’une lance terminée par une croix un dragon qu’il foule aux pieds. La position du saint est très déhanchée et contournée, la tête inclinée sur l’épaule avec une grâce un peu maniérée. La tête est ronde, avec des traits fins, les yeux étirés, les sourcils minces, la bouche étroite et le menton rond saillant sur cette base de visage très large que Ton trouve si souvent dans les visages féminins attribués au Maître de Rieux107. La chevelure régulièrement striée sur le haut du crâne, s’enroule, à partir d’un bandeau sans doute, en volumineux copeaux entourant les petites boucles « estincelées ». La clef portant le saint Michel est la plus proche du style de Rieux, la plus toulousaine. En comparant le saint Michel au saint Louis d’Anjou du cycle de la chapelle de Rieux on se rend compte combien le sculpteur de Mirepoix a travaillé dans l’esprit des statues de la chapelle funéraire, dont il transpose la grâce alanguie, la pose très contournée venue du fort hanchement, l’inclinaison exagérée de la tête, les chevelures à « copeaux » et à boucles « estincelées », la savante draperie. On retrouve ici la seconde manière du sculpteur toulousain. Il faut insister sur l’exceptionnelle qualité de ces clefs de voûte, qui contrastent avec les clefs à personnages raides des quatre autres chapelles du chevet. C’est un très bon sculpteur qui a été appelé sur le chantier de Mirepoix par Pierre de Laperarède, et comme la chapelle de la Vierge et celle de saint Dominique ont été achevées en 1344, date à laquelle le Maître de Rieux travaillait également sur le chantier des Cordeliers à Toulouse il est tentant d’attribuer les clefs de Mirepoix au sculpteur toulousain, ou au moins à l’un de ses émules.
82L’existence, au chevet de la cathédrale de Mirepoix, de ces clefs de voûte à personnage débordant dont l’origine est toulousaine n’est pas un fait isolé. Dans l’Ariège, l’église de Saint-Ybars possède une clef de voûte, située dans la dernière chapelle sud, du côté du chevet, ornée d’un grand saint Pierre (fig. 223), dont le corps dissimule le support et qui est posé sur un socle très large aux formes onduleuses. Le personnage porte une tiare pointue, de forme conique, placée sur une abondante chevelure qui s’échappe de chaque côté du visage et forme une accumulation de boucles en « copeaux », rejoignant une barbe également foisonnante. Saint Pierre, qui tient dans des mains démesurées, à droite deux clefs et à gauche un livre, est vêtu d’un manteau au large col droit orné de médaillons et fermé par un gros fermail orfévré, ainsi que d’une robe de moine serrée à la taille par une cordelière. Le visage, expressif, le traitement de la chevelure, la richesse ornementale des vêtements et la qualité des draperies, la conception enfin de la clef montrent que nous sommes à Saint-Ybars dans la zone d’influence de l’atelier du Maître de Rieux. La présence de chapiteaux-bandeaux ornés de feuillages boursouflés (fig. 224) très comparables à ceux de la chapelle de Castillon, ajoute encore au caractère « Maître de Rieux » de l’église.
83De même, la clef de voûte située dans Taxe du déambulatoire de l’église paroissiale de Limoux (Aude)108, est conçue selon le modèle multiplié à Toulouse et à Mirepoix. Sur un support circulaire (fig. 225) se détache une grande figure de Christ, dont les pieds reposent sur un petit socle pyramidal fait de deux registres superposés de feuilles en boules ou de nuées, socle parfaitement identique à celui des clefs les plus récentes du Maître de Rieux à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse ou des clefs de Saint-Maurice de Mirepoix. Le réalisme du torse nu et du visage du Christ, le traitement de la chevelure et des draperies, la présence de l’auréole radiée, font de cette clef d’une grande qualité une œuvre très marquée par la manière du Maître de Rieux et sortie, sans doute, de l’atelier du sculpteur toulousain.
84Ainsi, ces séries de clefs de voûte associées à des chapiteaux d’un style très particulier, révèlent l’influence qu’eurent en Languedoc, dans la première moitié du xive siècle les chantiers toulousains et les sculpteurs qui participèrent à la mise en place du décor sculpté des grands édifices gothiques de la ville. Les nouveautés stylistiques apparues dans la sculpture monumentale se répandirent largement hors de Toulouse, et le décor sculpté de la cathédrale de Mirepoix jalonne la progression du « style de Rieux » en Languedoc.
Les Vierges à l’Enfant
85On retrouve la trace de l’activité du sculpteur de Jean Tissandier et d’Hugues de Castillon, dans le diocèse de Toulouse, où a travaillé l’atelier, et dans les diocèses de Rieux, de Saint-Bertrand-de-Comminges et de Tarbes. La Vierge au donateur du Musée des Augustins de Toulouse109, montre l’importance de la phase « Maître de Rieux » dans le Toulousain, et son progressif affaiblissement, dans la seconde moitié du xive siècle sans doute. Le haut-relief sur dalle est orné à sa partie basse d’une étoffe soutenue par des mains, d’où sort une petite figure nue qui symbolise l’âme du donateur (fig. 226). Une Vierge, assez fortement déhanchée, tient à hauteur de l’épaule, sur le bras gauche, un Enfant à demi-nu et dans la main droite un livre ouvert, comme la Vierge de Bayonne et Notre-Dame des Embergues. Un voile-manteau long enveloppe la tête, et se termine en chutes de plis tuyautés, à la manière du Maître de Rieux, mais on peut remarquer que les plis tendent à s’aplatir, et à diminuer en importance. Le côté exubérant du style de Rieux s’assagit comme le montre également la chevelure, ondée en mèches plates et déroulées, qui échappe à l’art de Rieux. Une couronne recouvre le voile-manteau, ce qui constitue un changement iconographique, peut-être dû à une influence carcassonnaise. L’imitation du Maître de Rieux réside essentiellement dans la posture affectée sur un socle à nuées, la grâce un peu menue des traits fins aux yeux étirés dans un visage large, et l’agencement des vêtements.
86Dans les Pyrénées, l’admiration suscitée par l’œuvre tarbaise du maître est immédiatement mesurable. Plusieurs Vierges à l’Enfant de sanctuaires villageois ont été sculptées en s’inspirant de la Vierge de la cathédrale de Tarbes. La Vierge à l’Enfant en bois, aujourd’hui dorée, autrefois polychromée sans doute110, conservée dans l’église paroissiale de Lourdes (fig. 227), possède le fort hanchement que le Maître de Rieux a introduit dans le Midi, l’écharpe transversale formée par le voile-manteau, et des cascades de plis en cornets également significatifs de l’imitation du prestigieux modèle. Contrairement aux Vierges toulousaines et languedociennes, celle-ci porte son voile tiré en avant sur le front, dissimulant la chevelure, à l’instar de la Vierge du musée Massey. Comme les Vierges de Rieux, les pieds de la Vierge de Lourdes sont posés sur un sol à « nuées », onduleux et bosselé. Il en est de même pour la petite Vierge en bois doré, de 0,40 m de hauteur, conservée dans le trésor de l’église paroissiale Saint-André de Luz-Saint-Sauveur111, dans le Lavedan. Déhanchée, enroulée dans des faisceaux de plis en cornets, elle porte une couronne sur le voile tiré jusqu’au front, ce qui montre l’oubli progressif des modèles iconographiques d’origine.
87L’iconographie de la Vierge du Musée Massey a elle aussi été imitée. La Vierge de Bazus-Aure (fig. 278), en bois polychrome, est une Vierge assise, présentant un Enfant qui bénit, debout sur son genou gauche, tourné vers les fidèles. Elle est légèrement hanchée sur la droite, et enveloppée d’une draperie mouvante, dont les superpositions de plis étagés rappellent le souvenir des prestigieux modèles tarbais. Il en va de même pour la Vierge à l’Enfant assise, présentant l’Enfant debout sur le genou gauche, conservée dans la cathédrale de Rieux-Volvestre, une œuvre relativement médiocre, dont la draperie aux plis enroulés témoigne de l’influence du Maître de Rieux. L’iconographie de la Vierge assise, avec l’Enfant debout, rappelle l’iconographie de la Vierge du Musée Massay, et le succès d’une formule que le Maître de Rieux contribua à développer.
La sculpture sur bois à Toulouse au xive siècle : les « images miraculeuses » de Saint-Sernin
88La basilique Saint-Sernin de Toulouse possède un groupe de six statues de bois polychrome qui sont un précieux témoignage sur le culte rendu aux apôtres dans l’abbatiale et sur la sculpture sur bois toulousaine au xive siècle112. Ces statues, aujourd’hui entreposées dans la crypte inférieure de l’église, faisaient partie d’un cycle représentant le Christ et les douze Apôtres, conçu, comme l’ont montré les recherches récentes113, pour accompagner la dévotion aux apôtres et entourer le soubassement du grand baldaquin gothique (fig. 80) qui, sous l’appellation de capella apostolorum, logeait au xive siècle la Confrérie des Saints Apôtres, chargée de la garde des reliques. Les statues, qui mesurent entre 1,27 m et 1,35 m, au dos plat et non travaillé, étaient destinées à être adossées, sans doute contre le mur de l’abside qui enveloppe la base du baldaquin.
89À partir du xvie siècle, le collège apostolique perdit sa fonction primitive et acquit sa réputation d’images miraculeuses. La confrérie, devenue confrérie des Corps Saints à partir de 1509, fit faire des travaux dans les cryptes et déposer les statues de bois dans la chapelle Sainte-Marguerite, une des chapelles rayonnantes du déambulatoire. Le 14 mars 1518 eut lieu le miracle qui fit leur célébrité : deux hommes ayant violemment blasphémé dans le déambulatoire, la statue du Christ se souleva de terre, celle de saint Jacques s’inclina par trois fois, et trois autres statues remuèrent fortement. Une enquête conclut à la réalité du miracle114, et les statues, conservées désormais dans la chapelle du déambulatoire, devinrent l’objet des dévotions des pèlerins. Intégrées à partir de 1618 dans les menuiseries baroques de la chapelle, devenue chapelle des Douze Apôtres, elles restèrent sur la corniche du retable construit par le menuisier Arnaud Fontan jusqu’à la Révolution, comme en témoignent plusieurs dessins et gravures du xviie115 et xviiie siècles116. Déposées, puis dispersées, les six statues subsistantes furent mises au rebut dans les tribunes de Saint-Semin et sauvées en 1832 par la Société Archéologique du Midi de la France, qui les acheta et les rendit à l’église. À partir de 1850, elles furent intégrées dans l’aménagement de la crypte inférieure décidé par Du Mège, et c’est là que Guilhermy les vit, lors de son passage à Toulouse en 1853117.
90Les apôtres sont vêtus de tuniques et de manteaux superposés, aux couleurs vives opposées. Leurs pieds nus reposent sur de minces socles plats, peu débordants, sur lesquels les tissus s’arrêtent d’un trait net et horizontal. On a proposé de reconnaître118 saint Jean l’Évangéliste, dans l’apôtre no 1, qui porte dans sa main gauche voilée un livre ouvert, tourné vers l’extérieur (fig. 228). Il est vêtu d’un manteau peint en rouge, fermé sur la poitrine par un étroit fermail fait de trois perles, qui découvre une tunique verte. Saint Jacques le Mineur (no 2), porte une tunique et un manteau-toge, tient d’une main une lanterne et de l’autre un bâton, et on peut reconnaître saint Simon (no 3), qui bénit de la main droite et tient une scie dans la main gauche, allusion à son supplice119. Saint Jude-Thaddée (no 4), enveloppé dans un manteau rouge à fermail lisse s’appuie sur une massue de la main droite, et présente trois pierres dans la gauche (fig. 229). Il y a un apôtre porteur d’une croix120, étroitement couvert d’un manteau bleu croisé sur la poitrine, bénissant de la main droite, qui est peut-être saint Philippe (no 5).
91La statue no 6, souvent interprétée comme étant celle du Christ, ne porte aucun signe distinctif qui permette de l’identifier. Il s’agit plutôt d’un apôtre, vêtu d’un manteau-toge vert, sur une tunique rouge, la main gauche disparue et la main droite inclinée, serrée sur un attribut dont ne subsiste qu’un fragment de tige121. Le visage, barbu comme celui des autres personnages, est entouré d’une chevelure ondulée.
92Le cycle de six statues forme un ensemble stylistiquement homogène, que l’on peut attribuer au même sculpteur. Ce sont des figures minces et allongées, bien proportionnées, au corps légèrement déhanché, surtout saint Jacques le Mineur et saint Jude-Thaddée, dont les têtes s’inclinent légèrement sur de longs cous, mais sans mièvrerie. Le sculpteur s’est efforcé de donner expression et réalisme aux visages, en dessinant des traits fortement marqués. Les nez sont exagérément proéminents, les fronts plissés, les sourcils crispés, par exemple sur le visage de l’apôtre no 6, et l’ossature des visages visible aux pommettes, avec dureté. Le sculpteur souligne les joues de longues rides parallèles, que prolongent de manière un peu conventionnelle et répétitive les moustaches tombantes. Les coiffures nues sont exécutées avec davantage de variété ; ce sont en général de longues chevelures aux larges ondulations tombant sur les épaules, chez saint Jean, saint Jacques le Mineur, saint Jude, avec une frange courte ramenée sur le front. La chevelure de Simon est courte et peu volumineuse, seule celle de saint Philippe (fig. 230) se distingue par ses mèches en copeaux soigneusement enroulées sur le front et sur les tempes. La barbe de Philippe, également enroulée en copeaux, imite les barbes des apôtres de la chapelle de Rieux, et le visage, plus jeune, plus lisse et plus délicat que celui des autres apôtres, fait directement référence à des modèles vus dans le cycle de Rieux, par exemple ceux de saint Pierre, de saint Antoine de Padoue, ou de saint Jude (fig. 184).
93Les manteaux et les tuniques offrent une très grande qualité de drapés, de grands plis creux en bec soulignent la taille des personnages sur les statues de saint Jean, de saint Philippe, de saint Jude et s’épanouissent en grosses poches latérales sur le manteau de saint Jacques le Mineur. Les bordures onduleuses des tissus et les cascades de plis tuyautés qui se détachent des corps pour équilibrer le hanchement des corps, chez saint Jean, l’apôtre anonyme (no 6), ou saint Simon, s’inspirent de l’atelier du Maître de Rieux. Cependant, les tuniques qui dépassent sous les manteaux retombent sur les pieds en cornets verticaux, ne dessinant jamais ces obliques et ces cassures à la base qui caractérisent les vêtements des apôtres de la chapelle de Rieux.
94L’utilisation de certains procédés plastiques venus de l’atelier des Cordeliers, pour l’interprétation des chevelures, des barbes ou des draperies, montrent que ces sculptures sur bois se situent après 1340-1350, c’est-à-dire la période d’activité du Maître de Rieux à Toulouse. Le caractère très réaliste et très pittoresque des visages incite à proposer une datation assez avancée dans la seconde moitié du xive siècle, période déjà marquée par l’influence de l’atelier toulousain des Maurin.
95À côté de cet ensemble d’une belle qualité, un certain nombre de statues isolées dans des paroisses rurales du Haut-Languedoc, témoignent de l’influence, plus ou moins sensible, du style de Rieux.
96Dans l’Albigeois, comme dans le Toulousain, le succès qu’ont connu les apôtres de Rieux a laissé des traces. La statue de bois d’un saint Symphorien, provenant de l’église de Ladin (Tarn), et actuellement conservée dans le musée de Rabastens, garde des souvenirs de l’art de Rieux (fig. 231). Le saint, debout, est revêtu d’une aube largement décolletée, ornée d’un haut col plat et de larges manches qui entourent les bras tendus, dont l’un tient un livre, et l’autre devait brandir une palme, aujourd’hui disparue. Le visage est jeune, avec des traits fortement accentués par le sculpteur et des yeux globuleux aux paupières saillantes, sous des sourcils très marqués. Plus que la draperie lisse et tendue sur le ventre avant de s’animer de quelques plis en cornets évasés sur les pieds, la chevelure, striée sur le crâne et enroulée autour du front en grosses coques régulièrement contournées imite la manière du Maître de Rieux, et cette statue doit également être postérieure de quelques années aux travaux du sculpteur à Toulouse.
La sculpture funéraire après 1350 en Languedoc occidental
97Le gisant de Jean Tissandier a été souvent imité en Languedoc autour de 1350, et l’œuvre du Maître de Rieux est à l’origine d’un type de tombeau avec gisant et coffre à arcatures et cortège funéraire, que Ton trouve aussi bien dans le Languedoc occidental que dans les pays de l’Aude. L’influence du maître est cependant plus manifeste à la cathédrale de Narbonne, où se forme à partir de 1340 un atelier de sculpteurs, que dans la région toulousaine où les œuvres de qualité disparaissent après le milieu du siècle.
98Déjà, le tombeau de l’évêque de Mirepoix, Jean de Cojordan, mort en 1364 et enseveli dans l’église de Belpech (Aude), témoigne du travail d’un sculpteur qui commence à oublier les inventions stylistiques du Maître de Rieux, et n’en retient que le côté richement ornemental. Le tombeau, formé d’une cuve à arcatures et d’un gisant (fig. 232) placé sous un dais, est installé dans l’enfeu d’une chapelle nord du chœur de l’église de Belpech.
99Le gisant, les mains croisées sur la poitrine, est revêtu, comme les évêques de l’atelier du Maître de Rieux de somptueux vêtements liturgiques. Il porte une mitre à bordure orfévrée et à remplages rayonnants simplifiés, un collet d’amict divisé en quadrilobes, des gants ornés d’un médaillon ajouré, et les traditionnels étoles, manipules et dalmatiques frangés. Ces vêtements sont drapés selon les mêmes procédés plastiques que sur les gisants de Jean Tissandier et d’Hugues de Castillon, mais ce sont là les seuls rapprochements que Ton puisse faire avec les œuvres du Maître de Rieux. Les autres éléments du gisant, la tête, le lion placé à ses pieds, relèvent d’une conception tout à fait différente. La tête, ronde sous un immense front lisse dénué de sourcils, a des traits écrasés, un nez plat, une toute petite bouche, et des yeux très ronds à demi-fermés sous des paupières larges. La chevelure, rare, disposée en deux mèches profondément striées au-dessus et au-dessous de l’oreille n’est absolument pas traitée comme les exubérantes chevelures du Maître de Rieux. Pour des raisons stylistiques, F. Espanol a attribué le gisant de Jean de Cojordan à Joan Avesta, auteur du tombeau bien documenté de l’évêque Bertran de Montrodon (1381), à la cathédrale de Gérone122. Joan Avesta est un sculpteur originaire de Carcassonne, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Catalogne.
100C’est un compagnon moins habile qui a exécuté le décor du coffre du tombeau de Jean de Cojordan. Sous un encadrement d’arcatures trilobées dénuées de tout élément ornemental, sont isolées sept figurines en haut-relief, placées de face sauf une. Elles représentent un évêque à la mitre lisse et aux vêtements épiscopaux non ornés, deux chanoines avec aumusse, un diacre enveloppé dans un manteau à fermail lisse, et trois clercs portant livres, bénitier et bourdon (fig. 233). Ces petits personnages, qui reprennent la tradition du tombeau de Pierre de Rochefort à Carcassonne, sont sculptés avec une grande maladresse, visible dans le défaut des proportions. Les mains sont démesurées, les têtes grosses et les corps trop courts, le modelé des visages rudimentaire et les plis enroulés en cornets de façon monotone. Les personnages du cortège funéraire, imitent, médiocrement, ceux du tombeau d’Hugues de Castillon, encore que le thème du pleurant ait disparu.
101Un devant de coffre de tombeau123, conservé à Saint-Lizier (Ariège), s’apparente au tombeau de Jean de Cojordan. Jusqu’en 1885, ce vestige de tombeau faisait partie d’un banc de la place publique de Saint-Lizier. Il s’agissait sans doute, étant donnée l’importance du décor, du tombeau d’un évêque de Saint-Lizier. Le fragment de tombeau, actuellement placé dans la galerie sud du cloître (fig. 234), est divisé en six compartiments, formés d’encadrements rectangulaires moulurés d’arêtes vives entourant des arcatures trilobées simples, comme à Belpech. Tous les personnages représentés portent des vêtements ecclésiastiques, et participent à la cérémonie de l’absoute, selon l’iconographie traditionnelle des tombeaux à arcatures languedociens. Le premier personnage à gauche, la robe recouverte d’un surplis à larges manches et la main droite appuyée contre une hampe brisée, devait être le porte-croix ; le second, tonsuré, tient un bénitier ; le troisième, tonsuré et portant une aumusse sur le bras, tient un livre, ainsi que le quatrième. Les deux derniers personnages ont la tête recouverte de l’aumusse à pendeloques, du type de celle que portent les chanoines du tombeau d’Hugues de Castillon et tiennent des livres dans leurs mains très larges. On retrouve donc à Saint-Lizier le mélange habituel de clercs et de chanoines, présents à toutes funérailles d’évêque. Le style des petits personnages, courts et larges, avec des mains démesurées et des draperies fluides mais simplifiées, où dominent les verticales des plis en cornets, est très proche de celui du tombeau de Jean de Cojordan, et peut être attribué au même atelier, travaillant vers les années 1360-1370.
Les retables de pierre
102Deux bas-reliefs aujourd’hui conservés au Musée des Augustins124, et acquis par le marquis de Castellane125, représentent les seuls éléments de bas-relief pouvant provenir d’un retable, conservés pour la première moitié du xive siècle. Or, nous le savons par l’exemple de la chapelle de Rieux, la pratique de couvrir les murs de plaques de pierre sculptée est devenue courante dans le Toulousain au cours de la première moitié du xive siècle. Le marquis de Castellane dit d’eux : « provenant des constructions qui entourent l’église de Saint-Sernin de Toulouse. »
103L’un représente le sacre d’un évêque (fig. 235) et l’autre la méditation d’un jeune clerc dans un paysage de forêt. Le premier bas-relief comporte un cadre architecturé très important, dont les éléments essentiels sont un escalier de six marches qui occupe le premier plan et introduit une diagonale dans la scène, menant le regard du spectateur vers le siège qui le surmonte et qui est occupé par un pape à la tiare lisse. L’évêque nouvellement sacré, est agenouillé, allongé plutôt tout le long des marches dont il épouse la grande oblique. Il porte une chape entr’ouverte, aux bordures frangées, et le pape pose sur sa tête un haute mitre dont seuls les rampants sont ornés de fleurons. Contribuant à remplir toute la partie gauche de la scène, trois cardinaux à chapeaux plats sont assis, occupant le second plan, tandis que deux visages mitrés occupent le fond. Enfin l’arrière-plan est clairement défini par un rideau, suspendu par des anneaux à une tringle, le rideau fait retour à droite au-dessus du trône pontifical. L’espace intérieur est encore indiqué par un arc surbaissé qui encadre le tableau dans le haut, par une porte, étroite et longue dont un des battants est ouvert, à droite, derrière le pape, enfin par un soldat en armes appuyé dans l’angle inférieur droit, et qui est, lui, placé devant une porte fermée, donc à l’extérieur de la scène. Très habilement composée, avec l’opposition créée entre le grand vide de l’escalier et le groupe entassé des cardinaux et des évêques, séparés par la longue oblique continue de l’évêque nouvellement consacré et du pape, la scène possède très peu d’éléments de perspective, à part les courtes lignes de fuite des marches d’escalier. Le premier plan de la plaque reste essentiel, souligné par une série de verticales, mitres, portes, direction des corps. La façon très fluide de draper les tissus, avec quelques plis en cornet aplatis, la laideur voulue de visages qui prolongent la tradition de réalisme du Maître de Rieux, poussent à situer le bas-relief après le milieu du xive siècle, et d’y voir une œuvre qui n’est pas sortie de l’atelier de Rieux, mais qui bénéficie de son rayonnement. L’identification du sujet est problématique, et le marquis de Castellane y avait vu l’intronisation du plus célèbre évêque de Toulouse, Louis d’Anjou, évêque en 1296, décédé en 1297, canonisé en 1317. Il est possible qu’il y ait eu dans le cloître de Saint-Sernin une chapelle au saint évêque, encore que rien ne le prouve, dans l’état actuel des recherches.
104La seconde plaque possède le même encadrement que la première, un arc surbaissé terminé aux angles supérieurs du panneau par un redent. La scène se passe en plein air, avec un religieux portant une bure à capuche, agenouillé, lisant, devant un prie-dieu orné d’un arc trilobé. Sur le même plan, une source jaillit d’un rocher. Les mêmes principes de composition régissent les deux plaques. L’arrière est rempli par une ondulation de terrain qui tend a occuper l’espace médian, mais sans effets de perspective. Tout l’espace du religieux et celui de la colline, est piqueté d’arbres qui envahissent la moitié supérieure de la plaque, et dont les frondaisons sont indiquées avec un net souci de distinction des essences, les feuilles rondes d’un peuplier tranchent sur les longues feuilles souples et onduleuses des frênes. Le marquis de Castellane pensait que cette scène de plein air évoquait des exercices de piété pratiqués par le jeune prince, devenu franciscain, et réfugié dans la solitude avant son ordination.
105On peut rapprocher de la scène du sacre, un bas-relief aujourd’hui disparu, mais qui a été reproduit (fig. 236) plusieurs fois au siècle dernier126, et qui passait pour provenir de l’abbaye cistercienne de Boulbonne. Haut de 30 cm, il représentait l’intronisation d’un abbé. Assis de face sur un trône, au haut de quelques marches d’escalier, l’abbé reçoit la crosse de la main d’un autre abbé, ou d’un évêque, tandis qu’un second lui pose une mitre sur la tête. Deux autres clercs occupent l’arrière-plan, l’un tenant une croix, l’autre un bourdon. Le style de la plaque, autant que Ton puisse en juger par les reproductions, est proche de celui des plaques de Saint-Sernin, même fluidité des tissus, à bordures onduleuses, mêmes visages un peu larges et réalistes, même conception de l’espace ramené sur un plan vertical, avec l’importance de l’escalier.
106En conclusion, il convient de rappeler le rôle majeur joué par le Maître de Rieux, que nous proposons d’identifier avec Pierre de Saint-Émilion, dans les transformations de la sculpture toulousaine et languedocienne au cours du second quart du xive siècle. Lorsque le sculpteur, venu vraisemblablement du Bordelais, arrive dans le Haut-Languedoc, peut-être appelé par l’architecte Jean de Lobres127, qui est alors l’architecte de Saint-Étienne et des Augustins, les rares sculpteurs qui ont travaillé à Toulouse depuis 1270, par exemple ceux de Saint-Étienne, sont étrangers au milieu méridional et ont importé une sculpture d’esprit rayonnant mise en forme en Ile-de-France. L’histoire de la sculpture monumentale autour de 1300 à Toulouse, avec l’exemple significatif des clefs de voûte des Cordeliers et des Jacobins, témoigne de l’existence de sculpteurs liés aux chantiers des Mendiants et formés aux traditions septentrionales, dont ils concrétisent les beaux modèles naturalistes. L’arrivée du Maître de Rieux et la formation d’un atelier installé à demeure dans la ville, de manière à répondre aussi bien aux demandes des chantiers monumentaux qu’aux commandes de statues et de tombeaux, bouleversent complètement les conditions du développement de la sculpture. Le Maître de Rieux est une forte personnalité, qui apporte un style affirmé, visible déjà sur les clefs de voûte des Augustins et de la cathédrale. L’atelier est un atelier rassemblé autour de cette personnalité d’artiste, qui impose sa manière aux compagnons, ce qui donne, malgré les différences de mains, une grande homogénéité aux commandes importantes, telles le cycle de la chapelle de Jean Tissandier ou le tombeau de Saint-Bertrand-de-Comminges. L’originalité du sculpteur réside également dans sa capacité, non seulement à innover dans le domaine de la statuaire où il n’y avait guère de précédents, mais à renouveler la sculpture monumentale, en rompant avec la tradition de la sculpture de sensibilité rayonnante. Les clefs à grands personnages débordants, posés sur des nuées, les chapiteaux à feuillages boursouflés, empreints de fantaisie ornementale, signent puissamment le passage du maître et de l’atelier. Bien qu’il paraisse difficile d’affirmer que tout soit neuf chez le Maître de Rieux, qui s’inspire de formules en germe chez les sculpteurs qui le précèdent, il faut cependant reconnaître qu’il amplifie, exagère et multiplie ces formules, et apparaît comme une personnalité vigoureuse. Cet atelier travaille dans tout le Languedoc, grâce au rôle majeur joué par les évêques mécènes, liés à la papauté, et qui ont en commun leur passage à Avignon. Il est en effet remarquable que Jean Tissandier et Hugues de Castillon se soient tous deux adressés au Maître de Rieux pour leur chapelle funéraire, et qu’ils lui aient demandé un travail global, comprenant à la fois sculpture ornementale, statuaire, et sculpture funéraire. Les clefs de voûte de Mirepoix ont également comme origine un prélat « avignonnais », Pierre de Lapérarède. Il est possible aussi que ce soit l’évêque de Tarbes, Hunaud de Lanta, qui soit à l’origine d’une commande, qui aurait compris au moins la Vierge de la cathédrale, et celle du Musée Massey. Le sculpteur et ses compagnons se déplacèrent, au gré des commandes, et on peut penser qu’ils se rendirent aussi bien à Rieux-Volvestre, Mirepoix, Saint-Bertrand-de-Comminges, ou Tarbes. L’emprise de l’atelier fut telle, que durant une génération, de 1330 à 1360, les sculpteurs du Haut-Languedoc ne firent plus que du « style de Rieux », plus ou moins bien assimilé, et ce phénomène de mode ne disparut qu’à la fin du xive siècle, avec, à Toulouse, la formation de l’atelier des Maurin. À Narbonne, l’influence du style de Rieux devait également contribuer à la mise en place d’ateliers locaux.
Notes de bas de page
1 Mundt (B.), Der Statuenzyklus der Chapelle de Rieux und seine Künstlerische Nachfolge, in Jahrbuch Berliner Museum, t. 9, 1967, p. 26-80.
2 Carbonell-Lamothe (Y.), Recherches sur la construction du couvent des Cordeliers de Toulouse, dans Pierre de Fermat, Toulouse et sa région, Actes du XXIe Congrès de la Fédération des Sociétés Académiques et Savantes de Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Toulouse, 1966, p. 93-109. Voir p. 98, l’épitaphe de l’évêque : « Il y ensevelit de ses propres mains les corps de ses frères », et Galiia Christiana, t. XIII, p. 188.
3 Gallia Christiana, t. XIII, p. 188 : Ecclesiam totam simul et hanc capellam sacravit.
4 Contrasty (J.), Jean Tissandier, évêque de Rieux, 1324-1348, dans B.S.A.M.F. 1934-1937, 3e série, t. II, p. 209-211. ; J. Contrasty, Rieux-Volvestre et ses évêques, Toulouse, 1936.
5 Id., Rieux-Volvestre et ses évêques, p. 77-84.
6 Procès-Verbal d’estimation dressé le 16 Frimaire an XII par l’ingénieur Lafererie. Cité par J.-J. Esquié, L’église et le monastère des Cordeliers, dans Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres, 1876, p. 394.
7 Carbonell-Lamothe (Y.), op. cit., p. 98.
8 Procès-verbal Lafererie.
9 ADHG, L. 2565, 23 prairial an XI. Lettre de Lucas, conservateur, au Préfet : « J’ai l’honneur de vous prévenir que le domaine ayant loué la chapelle dite de Rieux qui est au local des ci-devant Cordeliers, il m’a accordé, par l’entremise du citoyen Lafererie, seize grandes figures en pierre qui étaient autour de l’église et une en marbre du fondateur, de même que plusieurs petites et autres objets, et comme le propriétaire y fait porter immensément de barriques, il était urgent d’en faire le transfert de suite au musée. J’ai convenu avec le citoyen Bourguignon tailleur de pierre que pour la somme de 100 francs, il s’oblige de les arracher des murs et de les rendre de suite au musée… ».
10 Cartailhac (É), Deux statues de la chapelle de Rieux, Toulouse, retrouvées, dans B.S.A.M.F. 1903, p. 19-21.
11 Rachou (H.), Les statues de la chapelle de Rieux et de la basilique Saint-Sernin au Musée de Toulouse. Toulouse, 1910.
12 Du Mège (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, Ms, 1844, Musée des Augustins, f° 833-835 : « Vingt statues de saints ou d’apôtres décoraient les piliers de l’élégant édifice » ; Du Mège, Musée archéologique de Toulouse, Notice, 1858, énumère 9 statues, récupérées « du milieu des pierres entassées… Leur série était considérable, mais je n’ai pu sauver que celles-ci ; toutes avaient été condamnées à être jetées dans un four à chaux, et déjà on commençait à les briser, lorsque l’administration de la ville prit des mesures pour leur conservation ».
13 Qui ne parle que de seize statues, plus le tombeau du donateur.
14 Du Mège (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, 1835, Toulouse, no 478, p. 205. ; Du Mège (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, 1844, manuscrit, f° 833-835.
15 Du Mège (A.), Histoire des Institutions de la ville de Toulouse, Toulouse, 1835, t. 4, p. 614.
16 Brémond (A.), Les Cordeliers de Toulouse, dans La Semaine Catholique, 1871, p. 271-293.
17 Disposition identique pour le cycle des statues de la cathédrale de Cologne.
18 Deux consoles sont conservées à la réserve du Musée.
19 Carbonell-Lamothe (Y.), op. cit., p. 98, émet cette hypothèse à cause du dos nu et peu élaboré des statues et de la partie rectiligne en saillie derrière les dais qui permettait de les encastrer dans le mur.
20 Saint Pierre et saint Paul sans doute dans le chœur, place privilégiée comme à Saint-Nazaire de Carcassonne où saint Pierre et saint Paul encadrent la fenêtre d’axe de l’abside.
21 Hypothèse de B. Mundt, op. cit., p. 34, et qui confirmerait la thèse de Y. Carbonell-Lamothe.
22 Cf. le procès-verbal de Lafererie.
23 Il s’agit de la disposition imaginée, en 1982, par D. Cazes, conservateur au musée des Augustins.
24 D’Aldéguier (A.), Des cryptes de Saint-Sernin, dans MSAMFt. VII, 1853-1860, p. 58-92.
25 Cf. ci-dessous les objets de la collection Gesta.
26 Cf. le procès-verbal de Lafererie.
27 Du Mège (A.), Description du Musée des Augustins, 1835, no 478, p. 205.
28 Guilhermy, Papiers archéologiques, Ms. B.N., Fr. nouv. acq. 6106, P 381 v°.
29 Journal de Toulouse, 8 septembre 1866, no 248, chronique locale.
30 Id., 8 septembre 1866, no 248, chronique locale. ; A. Brémond, op. cit., p. 271-293.
31 Brémond (A.), op. cit., p. 293.
32 Du Mège (A.), Description…, 1835, no 478.
33 Carbonell-Lamothe (Y.), op. cit.. p. 98.
34 Mundt (B.), op. cit., p. 28.
35 Sauf le gisant et la statue du donateur qui sont en marbre.
36 Il s’agit d’une Vierge d’intercession, ce qui explique l’absence de couronne, dans une chapelle funéraire où elle intercède avec saint Jean-Baptiste, auprès du Christ. Elle porte un livre dans la main droite, et une branche fleurie dans la main gauche.
37 Toutes ces statues ont été restaurées au cours des quinze dernières années, et la restauration, qui a consisté en fait en un progressif et prudent lavage, a fait reparaître une précieuse polychromie, qui est mieux conservée pour les visages que pour les vêtements.
38 Terme qui apparaît dans les contrats de sculpteurs au xve siècle, pour désigner ce type de boucle, plus ornementale que naturelle.
39 Mundt (B.), op. cit., distingue le « maître de Paul », à qui elle attribue saint Jacques le Majeur, saint Jean et saint Barthélemy, le « maître du Christ », auteur de Marie, de la figure tombale, de la statue du donateur et des trois saints franciscains, et un travail d’atelier pour les autre apôtres.
40 Cazes (D.), Sculptures gothiques, dans Journal des Collections, 1980, p. 3.
41 Du Mège (A.), Histoire des Institutions de la Ville de Toulouse, Toulouse, 1846, p. 614-615.
42 Du Mège (A.), Description du Musée des Antiques de Toulouse, Toulouse, 1835, no 478, p. 205.
43 Le lion de marbre blanc n’est entré au musée des Augustins qu’au début du siècle. Il a été acheté en 1910. Il était placé dans le parc du domaine de Montfort, près de Blagnac, et proviendrait de la chapelle de Rieux. Il faut reconnaître, malgré la différence de matériau, que les dimensions du lion vont bien avec la largeur de la dalle de l’évêque, et que son style répond parfaitement aux habitudes de l’atelier de Rieux.
44 Cazes (D.), Le gisant de Guillaume Durant-le-Jeune, évêque de Mende, au Musée des Augustins, dans Menestral, no 17, 1978, p. 4-10, et infra, chap. VIL
45 Gardelles (J.), Le tombeau de Clément V, dans Actes du 82e Congrès national des Sociétés Savantes, section archéologie, 1957, Bordeaux, 1959, p. 81-86.
46 Rey (R.), L’art gothique du Midi de la France, Paris, 1934, p. 250.
47 Rachou (H.), Les statues de la Chapelle de Rieux et de la basilique Saint-Sernin au musée de Toulouse, Toulouse, 1905, p. 27, attribue les statues à des sculpteurs avignonnais. Hypothèse reprise par Rey (R.), op. cit, p. 258 et par Mesplé (P.), Sculpture et peinture toulousaine au Musée des Augustins, dans La Revue Française, 1957. p. 31-42.
48 Fayel (N.), Les peintures murales du diocèse de Rodez au xive siècle, maît. dacty., Toulouse, 1988, 154 p. & id., Le décor peint du xive siècle dans le chœur de la cathédrale de Rodez, dans Histoire de l’Art, no 4, 1988, p. 17-30.
49 Monteil (Ch.), Peintures italiennes à la cathédrale de Narbonne, dans Midi, no 1, 1986, p. 19-40.
50 Nimbes radiés dans la peinture italienne depuis Cavallini (fin xiiie siècle), utilisés par tous les peintres italianisants en Languedoc.
51 ADHG, fond de Saint-Étienne, 4 G 39. Livre de la déclaration générale des droits du chapitre, 1339, f° 73. Le texte donne le nom de cinq parcheminiers et d’un seul ymagier, cf. Moure (M.), Étude des biens du chapitre Saint-Étienne d’après deux enquêtes de 1339 et 1341, D.E.S. dacty., Toulouse, 1953. p.75. Nous remercions vivement Madame Y. Carbonell d’avoir attiré notre attention sur ce texte.
52 Gardelles (J.), La cathédrale Saint-André de Bordeaux, sa place dans l’évolution de l’architecture et de ta sculpture, Bordeaux, 1963.
53 Mundt (B.), op. cit., p. 42.
54 Cf. ci-dessous, p. 236.
55 Cf. ci-dessus, chap. III.
56 Première travée nord du déambulatoire, à partir de Taxe.
57 Prin (M.), op. cit., les dernières chapelles construites avant l’arrivée du nouveau sculpteur, celles du collatéral sud, sont postérieures à 1327 (chapelle de saint Dominique, portant les armes de l’évêque Guillaume de Laudun).
58 Mundt (B.), op. cit., p. 17, propose 1350-1360, après la mise en place du décor de la chapelle de Rieux.
59 Salies (P.), Aux origines des Augustins de Toulouse, dans Actes du XXL Congrès de la Fédération des Sociétés Savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Toulouse, 1965, p. 81-91.
60 Durliat (M.), Les attributions de l’architecte à Toulouse au début du xive siècle, dans Pallas, XI, 1962, p. 205-212, repris dans L’architecte à Toulouse au début du xivesiècle, dans Monuments Historiques de la France, XIV, 1968, p. 21-29.
61 Durliat (M.), op. cit., p. 22.
62 Contrasty (J.), op. cit., p. 79. ; C. Jimenez, La cathédrale de Rieux-Volvestre (Haute-Garonne), maîtrise, Toulouse, 1992, 98 p.
63 Contrasty (J.), op. cit., p. 429 : sur l’ordre de Pierre Barrau, agent national, qui écrivait à la municipalité, le 23 mars 1794 : « les autorités constituées et les patriotes de cette commune ont eu sans doute jusqu’à présent un bandeau devant les yeux pour ne pas s’apercevoir que tous ces prétendus saints portent chacun une couronne et que dans le fait il en existe sur leurs têtes le nombre de quarante-deux ». Ces couronnes vilipendées par l’agent national accompagnaient peut-être un programme d’arbre de Jessé pour les voussures.
64 Contrasty (J.), Les évêques de Comminges, Toulouse, 1940, p. 197-303. L’utilisation du nom Châtillon est erronée. L’analyse des armes, représentées sur plusieurs clefs de voûte et sur le tombeau, de gueules, au château donjonné de trois tours d’argent, renvoie à la famille de Castillon. L’évêque était fils d’un sénéchal de Saintonge et d’une dame de la Mothe, sœur de Guillaume de la Mothe, évêque de Bazas, et tante du cardinal de la Mothe, qui mourra en 1356 et sera enterré dans la cathédrale de Narbonne.
65 Carbonell-Lamothe (Y.) et Pradalier-Schlumberger (M.), La chapelle de Castillon à la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges, dans Revue du Comminges, t. XCIII, 1980, p. 671-690.
66 L’an du seigneur 1352, le troisième jour du mois d’octobre, mourut le révérend père seigneur Hugues de Castillon, par la grâce de Dieu évêque de Comminges, qui fit construire cette chapelle et acheva cette cathédrale. Que son âme repose en paix. Amen. Notre Père.
67 Pas plus que le chanoine Contrasty, nous n’avons retrouvé le testament d’Hugues de Castillon.
68 Enlart (C.), Origine anglaise du style flamboyant, dans Bull. Mon. 1910, p. 125-147, et Drouot (H.), Le tombeau de Saint-Bertrand de Comminges et le thème des pleurants, dans Gazette des Beaux-Arts, 1925, t. 12, p. 253-271, mettaient le soubassement en rapport avec les tombeaux dijonnais à pleurants du xve siècle, et le tombeau de Charles le Noble à Pampelune (1416).
69 Enlart (C.), op. cit., p. 139.
70 Cf. ci-dessous, chap. VII.
71 Les nombreuses dalles funéraires du Roussillon avec représentation de l’absoute, en particulier celles remontées dans le cloître de Saint-Martin du Canigou, rendent bien compte de la diffusion de cette iconographie funéraire.
72 Pour Jaume Cascalls, cf. de Dalmases (N.), et José i Pitarch (A.), op. cit., p. 138-139.
73 Contrasty (J.), op. cit., p. 199-202. Sur les aspects particuliers des réformes des chapitres en Languedoc, cf. Felten (F.), Benoît XII, Arnaud de Verdale et la réforme des chanoines, dans Cahiers de Fanjeaux, t. 24, 1989, p. 309-339.
74 Heng (M.), Autour de l’atelier de Rieux, un groupe de Vierges à l’Enfant au xive siècle, dans 90e Congrès des Sociétés savantes, Toulouse, 1971, Archéologie, t. II, p. 103-114.
75 Heng (M.), op. cit., p. 108.
76 Du Mège (A.), Description…. 1835, no 464. ; Lahondès (J. DE), Les statues de la Vierge au musée de Toulouse, dans MSAMF 1890-1900, p. 278 ; Rachou (H.), Le Musée de Toulouse : Peinture, sculpture. Sculptures II, description des Vierges et Piéta, Toulouse. 1910, p. 20. ; Rachou (H.), op. cit, 1912, no 511, Bousquet (J.), Réflexion sur l’iconographie de ta Vierge dans la sculpture méridionale au xive siècle, dans Procès-verbaux de la Société des Lettres de l’Aveyron, t. XXXVII (1954-1958), p. 230 ; Cazes (D.), Sculptures gothiques…no 20 ; H. 1,420 m ; L. 0,540 m ; P. 0,350 m.
77 Rey (P), Pierres romanes toulousaines et autres œuvres méridionales d’une collection parisienne, dans Bsamf, 1939-1940, p. 16-17.
78 Rachou (H.), op. cit.. 1912, no 772 bis ; Mesplé (P.), La Vierge dans l’art méridional, catalogue, Toulouse, 1949-1950, no 5, p. 15 ; La Vierge dans l’art français, catalogue, Paris, 1950, no 176, p. 74. - Lefrançois-Pillion (L.) et Lafond (J.), op. cit., p. 73 ; Méras (M.), La Vierge aux colombes de Montpezat et la sculpture toulousaine, dans Revue des Arts, 1959, no 2, p. 57-60 ; Méras (M.) et Ternois (D.), Trésors d’art gothique en Languedoc, catalogue. Montauban, 1961, no 25.
79 Lefrançois-Pillion (L.), op. cit.. p. 73.
80 Cf., dans les catalogues cités ci-dessus et les articles de M. Méras, J. Bousquet et M. Heng déjà cités.
81 Rachou (H.), op. cit., 1912, no 772, « Partie inférieure d’une Vierge ».
82 Ce renseignement et la photographie m’ont été aimablement fournis par M. Heng.
83 Cf. en dernier, Aiello (P.), Les statues de la Vierge à l’Enfant dans les Hautes-Pyrénées au Moyen Âge, maît. dact., Toulouse, 1989.
84 Elle fut découverte en 1961, brisée en huit fragments, lors de fouilles menées sous la direction de Pierre Prunet, architecte en chef des Monuments Historiques, dans l’aire du cloître. Cf. Prunet (P.), La cathédrale Sainte-Marie de la Sède à Tarbes, dans Les Monuments Historiques de la France, 1968, 1, p. 22-48.
85 Aiello (P), op. cit., catalogue, no 45. H. 1,42 m.
86 Cf. infra., Conclusion.
87 Aude.
88 Note d’inventaire : D. 177. Don de M. Huc, en 1910. Roqué (E.), Arthur Huc, collectionneur, D.E.A., Toulouse, 1995 ; l’étude en cours de la collection, réunie à la fin du xixe siècle par un des anciens codirecteurs de La Dépêche, n’a pas encore permis de retrouver l’original.
89 Renseignement fourni par Regula Suter, Department of Medieval Art et recueilli par Vidal Saint André La sculpture toulousaine dans la première moitié du xive siècle, D.E.S. dact., Toulouse, 1962, p. 77.
90 Gounot (R.). Collections lapidaires. Catalogue du Musée Crozatier, Le Puy, 1957, p. 319, M8.
91 Boyer (F.) et Vernière (A.), Journal de voyage de Dom Charles Boyer (1710-1714), dans Mémoires de l’Académie des Sciences de ClermontFerrand. 1884, p. 65-603.
92 Seule la tête est conservée au musée Crozatier.
93 Boulhaut (J. et J.), Statues anciennes des églises d’Ariège, dans B.S.A.S.L.A., t. XXI, 1965, 76 p.
94 Cf. Boulhaut (J. et J), op. cit., n. 8 : Un rapport d’inventaire, conservé aux Archives de l’Ariège, porte les notes : « Quand j’ai été chargé du Service de Bénac, j’ai trouvé la statue de saint Biaise à la sacristie. La tête était séparée du tronc. Tant bien que mal, je l’ai remise en place avec du ciment ». Abbé Canal, curé de Serres, 1927.
95 Je remercie J. et J. Boulhaut de m’avoir signalé le saint Biaise, et de m’avoir confié un cliché de l’œuvre disparue.
96 On a tendance à étendre cette influence jusqu’en Catalogne, et cela jusqu’à la fin du xive siècle, cf. en particulier Espanol (F.), Joan Avesta, sculpteur de Carcassonne. L’influence de l’atelier de Rieux sur la Catalogne, dans Bull. Mon., 1993, t. 151, p. 383-403.
97 Fabrié (M.-L.), op. cit. et Girard (A.), Les réalisations de l’œuvre hospitalière de Pont-Saint-Esprit, xive - xve siècles, thèse de IIIe cycle, dact., Montpellier, 1977, 4 vol.
98 Builles (R.), La cathédrale de Mirepoix, études historique et archéologique, Foix, 1943, 72 p. ; Pradalier-Schlumberger (M.), La cathédrale de Mirepoix, dans Congrès Archéologique de France. Pays de l’Aude, 131e session, 1973, p. 367-380.
99 Leblanc (G.), Excursion dans l’Ariège et dans l’Aude, dans l’Auta, août 1953, p. 106. ; Robert (Abbé), Histoire des évêques de Mirepoix, dans Bulletin Historique du diocèse de Pamiers, t. I, 1912, p. 73. ; Builles (R.), op. cit., p. 19.
100 Archives de Léran, A 16, no 21, ancien Bb 1007 ; Gabaldo (Abbé), Notes sur l’ancienne église cathédrale de Mirepoix, épiscopat de Philippe de Lévis, 1493-1537, dans Congrès archéologique de Pamiers, Foix, Saint-Girons, LI e session, 1884, t. 51, p. 225-251. La campagne de travaux de Philippe de Lévis, qui aboutit à une nouvelle consécration le 1 1 octobre 1506, consista à lancer quatre grands arcs diaphragmes sur la nef, sous lesquels il fit bâtir des chapelles ; les deux premiers, du côté du chevet, avaient été construits par Guillaume du Puy (cf. Pradalier-Schlumberger (M.), op. cit.). Philippe de Lévis fit également mettre en place le portail, très orné, surmonté d’une chapelle destinée au service des évêques.
101 Les travaux de restauration, menés de 1858 à 1865, aboutirent à l’élargissement de l’ancienne nef de Philippe de Lévis, et au voûtement de l’église (cf. ADAr 2.0.998, et Pradalier-Schlumberger (M.), op. cit.).
102 On peut situer la construction des sept chapelles entre 1344 (l’épiscopat de Pierre de Laperarède) et 1405 (l’épiscopat de Guillaume du Puy dont les armes sont représentées à la clef de voûte de la chapelle nord de la deuxième travée de nef).
103 L’actuelle chapelle Saint-Eloi.
104 Chapelle Saint-Joseph.
105 Chapelle Sainte-Catherine.
106 Robert (Abbé), op. cit., p. 67 et 76.
107 La Vierge du Musée Bonnat, à Bayonne, la tête de Vierge du Musée des Augustins à Toulouse, la Vierge à l’Enfant de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, du Musée des Augustins.
108 Sabarthès (Abbé A.), Notice dans Cahiers d’Histoire et d’Archéologie, 8e Cahier, Nîmes, 1931. L’église Saint-Martin de Limoux fut commencée en 1261 par maître Pierre de Terme, tailleur de pierre de la cité de Carcassonne. À sa présence sur le chantier on doit la nef à trois vaisseaux (restaurée par Saulnier au xixe siècle), dotée de colonnes avec chapiteaux feuillagés très « premier gothique ». Au xive siècle fut reconstruit le chevet, à déambulatoire et chapelles rayonnantes dotées d’une sculpture abondante.
109 Rachou (H.), op. cit., 1912. H. : 0,94 m, larg. 0,34 m. Origine inconnue, donnée en 1833 à la Société Archéologique du Midi de la France par le Marquis de Castellane.
110 Aiello (P), op. cit., catalogue, no 30, H. 1,10 m, classée le 30.7.1907.
111 id., ibid., catalogue, no 33, H. 0,40 m.
112 Daydé (R.), L’Histoire de Saint-Sernin ou l’incomparable trésor de son église abbatiale de Tolose, 1661, p. 195 ; Auriol (A.) et REY (R.), La Basilique Saint-Sernin de Toulouse, 1930, p. 211-212 ; Aubert (M.), Saint-Sernin, dans Congrès Archéologique de France. Toulouse, XCIIe session, 1929, p. 53 ; Lahondès (J. de), Les Monuments de Toulouse, 1920, p. 97 ; Méras (M.) et Ternois (D.), Trésors d’art gothique en Languedoc, Montauban, 1961, p. 16 à 18, no 26, 26 bis, 27, 28,29,30.
113 Julien (P.) et Pradalier-Schlumberger (M.), Les images miraculeuses de Saint-Sernin, dans Saint-Sernin de Toulouse, IX’ Centenaire, Toulouse, 1996, p. 231-243.
114 APSS, B32, f°. 15 : Inquisitions faites par le vicaire général de l’abbé de sainct Sernin sur le miracle qui fust fait au tour des corps sainctz à cause des blasfèmes illec conférés par deux hommes incogneus… Le procès-verbal d’enquête, avec interrogatoire de tous les témoins, est intégralement reproduit dans ce registre, f°. 148-158.
115 Gravure de J.-E. Lasne, de 1623, publiée dès 1627 dans les Oraisons dévotes pour visiter et saluer les corps saints de l’église de Saint-Sernin, B.M. de Toulouse, Fa D 166.
116 Antiennes et Oraisons à l’usage de ceux qui auront ta dévotion de visiter les sacrées reliques qui reposent dans l’insigne église abbatiale Saint-Sernin de Toulouse.
117 Guilhermy (Baron de), Papiers Archéologiques, B.N. Ms, Fr. Nouv. Acq. 6 110,1853, f°. 167.
118 Identification proposée par M. Méras et D. Ternois, op. cit. p. 16. no 26. Les six statues furent montrées à Montauban en 1961, dans l’exposition Trésors d’art gothique en Languedoc, après avoir été remises en état par M. Maimponte.
119 Identifications proposées par Méras (M.) et Ternois (D.), op. cit.
120 Cassée il y a quelques années, mais encore visible sur les photographies anciennes.
121 On sait, d’après les récits du miracle de 1518, que le Christ portait un calice, ce qui ne correspond pas à la position de la main de cet apôtre anonyme.
122 Espanol (F.), op. cit. p. 393-398.
123 Bernard (B.), Saint-Lizier, peintures, coffret et sarcophage, dans Bull. Mon., 1885, p. 591-596. Les dimensions de la plaque sculptée, 3 m sur 0,66 m, permettent de la rapprocher d’un enfeu placé dans le mur extérieur de l’église de la cité.
124 No 61. 3. 12 (H. 0,66 m ; 1. 0,43 m ; R 0,10 m), et 61.3.13, (H. 0,61 m ; 1. 0,44 m ; P. 0,70 m). Cf. Saint-Sernin, Trésors et métamorphoses, catalogue. 1989, no 22 et 23.
125 Castellane (Marquis J.-L. de), Notice sur deux bas-reliefs du Moyen-Âge, dans MSAMF , t. I, 1834, p. 1-4. Le marquis de Castellane les date du début du xive siècle, à cause de l’absence de couronne sur la tiare du pape.
126 Duclos (H.), Histoire des Ariégeois, t. III, p. 291, pensait que le bas-relief était passé au musée de Toulouse.
127 Durliat (M.), Les attributions de l’architecte…, p. 205-212, et id., L’architecture à Toulouse…, p. 21-29.
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