5. La sculpture monumentale à la fin du xiiie et au début du xive siècle
p. 177-205
Texte intégral
1Alors que la ville de Toulouse joue un rôle majeur au xiiie siècle en Languedoc dans le domaine de l’architecture et invente des formules parfaitement neuves avec la nef de la cathédrale Saint-Étienne ou les grandes églises charpentées des Dominicains et des Franciscains, ce rôle de « capitale du gothique méridional » n’apparaît pas dans le domaine de la sculpture. À part le groupe de l’Annonciation des Cordeliers, la statuaire gothique n’est pas représentée dans la ville au xiiie siècle, et la sculpture monumentale des années 1250-1280 est le fait d’équipes de sculpteurs étrangers à la ville, qui introduisent le style parisien par le biais d’édifices purement rayonnants, le baldaquin de Saint-Sernin et le chœur de Saint-Étienne. La sculpture monumentale du Toulousain et de l’Albigeois, du Haut-Languedoc d’une manière générale, reste tributaire de formules archaïsantes, par exemple le portail sans statuaire, qui favorise le maintien sur les chapiteaux d’une sculpture historiée, mêlée plus ou moins étroitement au bestiaire et aux rinceaux de tradition romane. La reprise des grands chantiers religieux, à Albi, Rabastens, Toulouse surtout, qui vit dans le dernier quart du siècle s’achever Saint-Sernin, construire le couvent des Carmes, agrandir et voûter les nefs des Dominicains et des Franciscains, construire ou reconstruire les cloîtres qui les accompagnent, favorisa la mise en forme d’une sculpture monumentale qui échappe partiellement aux modèles français et s’inscrit dans un contexte architectural très particulier, celui de la deuxième génération du gothique méridional languedocien.
Traditions et nouveautés en Haut-Languedoc
L’évolution du portail gothique à la fin du xiiie siècle
2L’histoire du portail gothique à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle, démontre de manière exemplaire le poids de la tradition prégothique et les limites de la pénétration du style gothique rayonnant. Pendant tout le xiiie siècle, on continua en effet à sculpter de modestes portails, dépourvus de tympans, logés dans des avant-corps maçonnés, couronnés de lisses voussures toriques et enveloppés d’une archivolte en saillie ornée des dragons-lézards propres au Haut-Languedoc.
3Le portail sud de la cathédrale de Lavaur (fig. 138) est sans doute le plus ancien d’un ensemble de portails qu’il faut qualifier de gothiques. Fort restauré1, ouvert sur la première travée de la nef de l’ancienne abbatiale reconstruite à partir de 1255, le portail est formé de quatre voussures en tores reposant sur quatre chapiteaux de chaque côté de l’entrée. Les deux chapiteaux extérieurs ont été refaits à la fin du xixe siècle, et nombre de têtes remodelées au plâtre2, mais, débarrassés actuellement de leurs badigeons, les six chapiteaux authentiques donnent une bonne image d’un portail gothique de la seconde moitié du xiiie siècle. De forme cubique, sans tailloirs intégrés, ils sont surmontés d’une ligne continue de tailloirs formant impostes, ornés de roses à six pétales. Ils représentent, de gauche à droite3 : la Nativité, la Fuite en Égypte, l’Adoration des Mages, l’Annonce aux Bergers, la Présentation au Temple et le Massacre des Innocents. Les personnages se détachent sur un fond lisse, débarrassé des couches superposées et tapissantes de feuilles de fougères qui font la spécificité des portails prégothiques des années 12004 ; cependant, lorsque le fond lisse est trop important, par exemple dans la Fuite en Égypte et dans l’Adoration des Mages, le sculpteur intercale à l’angle de la corbeille une petite feuille de lierre aux contours souples et onduleux. Les personnages sont longilignes, élégants dans leurs attitudes, et enveloppés de minces draperies collantes parcourues de plis vallonnés souples et fluides. On ne peut qu’être frappé par la qualité de l’ensemble et le raffinement de certains détails, tels la Vierge à l’Enfant sous son mur à pierres apparentes décoré d’un arc trilobé, le drap mollement plissé de la Vierge de la Nativité, ou les vêtements très détaillés des bergers.
4Deux portails, très proches géographiquement et stylistiquement, ceux des églises de Gaillac-Toulza et de Caujac, en Haute-Garonne, montrent eux aussi, l’adoption, combien timide, du style gothique à la fin du xiiie siècle, dans de petites paroissiales rurales. Le portail de Gaillac-Toulza a été très restauré, sans doute entre 1840 et 1869, époque à laquelle voûte, chœur et clocher furent refaits, mais le portail de l’église paroissiale de Caujac, village distant de trois kilomètres de Gaillac-Toulza et qui dépendait aux xiiie etxive siècles de la puissante maison de Montaut, est beaucoup plus authentique. La construction actuelle, dédiée à la Vierge Marie, a été remaniée à une date récente, sauf le clocher datant de la fin du xvie siècle. Le portail qui nous intéresse est situé sur le côté sud, précédé par un porche moderne qui a permis une bonne conservation de l’ensemble. Quatre voussures en arc brisé, faites de briques taillées en tores, retombent sur des chapiteaux surmontés de tailloirs ornés d’un rinceau à palmettes simples, sculptées en biseau, qui constituent le lien avec la période romane, comme pour le portail précédent. L’archivolte extérieure est beaucoup plus variée que celle des portails du xiiie siècle, de type prégothique, puisque, à la place de l’habituelle salamandre, cantonnée ici dans les trois premiers claveaux de l’archivolte, sur le côté gauche, le sculpteur a introduit des motifs historiés, à l’image des portails à voussures de la France septentrionale. On peut noter sur les claveaux de gauche quatre quadrupèdes, sans doute des moutons, poussés par un berger qui porte un épieu et souffle dans un cor, sur ceux de droite des béliers et un berger soufflant dans un pipeau. Ces scènes bucoliques sont à mettre en rapport avec le chapiteau du portail qui représente l’Annonce aux bergers. À la partie supérieure de l’archivolte, sont représentées des figures de saints, isolées sous des arcs trilobés qui évoquent, sur un mode plat, le système des niches architecturées abritant des statues dans les portails français ou aquitains5. Il s’agit de saint Christophe (fig. 139), portant l’Enfant auréolé d’un nimbe crucifère6, et de saint Pierre avec ses clefs. Saint Paul et saint Jean l’Évangéliste entourent une figure du Christ portant un globe et représenté en buste à la clef de la voussure. Il faut signaler que le portail à voussures ornées s’est très largement diffusé dans les Pyrénées à la fin du xiiie siècle, que ce soit dans le Val d’Aran, avec les exemples de portails à voussures multiples et historiées de Viella et de Betrén, ou en Navarre, à la collégiale de Tudela.
5À Caujac, comme à Gaillac-Toulza, trois chapiteaux reçoivent les voussures, ainsi qu’une plaque historiée placée à l’intérieur du portail, sur le piédroit, de chaque côté.
6Les chapiteaux, qui représentent à gauche (fig. 140) les scènes de l’Enfance du Christ7, à droite des épisodes miraculeux de la vie d’un saint évêque, non identifié8, ont un format cubique très accusé, la corbeille se prolongeant par un tailloir intégré, formé d’un bandeau plat sur lequel court un rinceau gravé en biseau. Les feuillages sont limités aux angles des corbeilles, et, sur les fonds lisses, des personnages longilignes et élégants s’agenouillent avec naturel, ou se meuvent avec une aisance de gestes tout à fait nouvelle. Les longues draperies sont recreusées de plis arrondis et tuyautés. Le détail de l’ange de l’Annonciation témoigne bien de la nouvelle manière gothique déployée par le sculpteur de Caujac. La main gauche ramasse le manteau sur la poitrine et le tire transversalement, faisant naître une onde de plis en becs souples imbriqués sous le bras droit. La tenue des tissus, le procédé précieux du manteau qui est prétexte à plis transversaux et bordures onduleuses, tout invite à voir dans cette œuvre mineure un ensemble gothique, certainement contemporain des recherches des sculpteurs carcassonnais dans le domaine de la statuaire.
7Le portail de Caujac est l’œuvre la mieux conservée parmi un ensemble de portails historiés qu’il faut attribuer aux vingt dernières années du xiiie siècle, et qui se situent tous dans l’obédience toulousaine. Le portail de l’église paroissiale de Grisolles (Tam-et-Garonne), ancien prieuré de Saint-Semin9 située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Toulouse, peut être considéré comme le dernier de la série. Avec lui apparaissent des modifications lourdes de signification.
8Il s’agit d’un portail en briques (fig. 141), monté dans un avant-corps construit dans le même matériau, seul élément médiéval d’un édifice reconstruit. Six voussures, en tores ou en cavets, retombent sur trois colonnettes de pierre, surmontées de chapiteaux que complètent des plaques historiées habilement jointoyées pour lier les récits des chapiteaux et les prolonger sur les piédroits, intérieurs et extérieurs. On a donc généralisé à Grisolles ce qui était en germe depuis le début du xiiie siècle en Haut-Languedoc, l’idée de la frise continue qui ceinture les supports et rejoint à l’extérieur l’archivolte de pierre, aux claveaux surchargés. Dans l’archivolte, on retrouve comme à Caujac le mélange du bestiaire fantastique typiquement languedocien, sous la forme du dragon-lézard au corps squameux, et des petits personnages sous arcatures qui se réfèrent à des modèles non méridionaux. Les figurines nimbées, traitées en haut-relief, sont surmontées de motifs architecturés constitués par des arcs trilobés placés sous des gables fleuronnés flanqués de pinacles posés sur des culots à godrons (fig. 142). La grammaire décorative nous amène ici à l’extrême fin du xiiie siècle. On peut reconnaître à gauche une figuration de saint Michel, portant un bouclier de la main gauche, et terrassant le dragon d’une longue lance présentée dans la main droite. Sous saint Michel, l’Église est représentée couronnée, tenant de la main droite une croix, tandis que la Synagogue sur le côté droit, porte une couronne inclinée, un voile sur les yeux et la hampe brisée d’un étendard. Ce sont là, transposées en petites images plates, enserrées dans le champ étroit du claveau, des reflets lointains du couple antithétique qui accompagne nombre de portails à statues d’ébrasement de la France gothique. Les proportions courtes, les corps trapus surmontés de larges visages ornés de chevelures lisses, les vêtements agités par des plis vallonnés, sont également les caractéristiques des personnages qui occupent les chapiteaux, sous un tailloir continu orné d’un rinceau. L’usure de ces formes en haut-relief rend la lecture du portail difficile, mais on devine à gauche un cycle de l’Enfance, avec Présentation au Temple, Fuite en Égypte et Adoration des Mages, et à droite (fig. 141) des vies de saints, saint Martin, saint Pierre et saint Paul, sans doute10. Le programme iconographique et sa répartition sont donc relativement conformes à ceux des autres portails du xiiie siècle déjà rencontrés, mais les rapports entre ces personnages et la végétation qui sépare les scènes et scande le récit sont tout à fait nouveaux. On remarque en effet la présence, de place en place, de végétaux, qui n’ont rien à voir avec les sujets, mais qui occupent, sculptés en alternance avec les épisodes de l’Enfance, ou les scènes de martyres, un espace bien déterminé. Le sculpteur a donné à la végétation, traitée pour elle-même, la même valeur qu’aux petits personnages du récit évangélique, cette répartition étant surtout évidente sur la partie droite du portail. Les végétaux représentés sont de larges feuilles plates et onduleuses, dont les tiges partent de l’astragale des chapiteaux, ou des rebords des plaques. Ces feuilles très échancrées, à lobes partiellement découpés, ne font pas référence à des essences précises, comme c’est en général le cas pour les feuillages au naturel importés dans le milieu languedocien par les sculpteurs français autour de 1250, mais s’apparentent aux feuillages de la deuxième génération de sculpteurs gothiques, ceux qui ont œuvré dans le chœur de Saint-Nazaire de Carcassonne11, ou dans le massif occidental de la cathédrale de Cahors vers 130012. Nous sommes en présence, à Grisolles, d’un type de « feuilles molles » très caractérisées dans la typologie des feuillages gothiques languedociens, et qui incite à dater le portail des dix premières années du xive siècle.
9Remarquons enfin que l’organisation du portail de Grisolles laisse apparaître chez le sculpteur qui en fut responsable une hésitation entre deux partis : soit le portail à chapiteaux historiés, dans la tradition des portails prégothiques du xiiie siècle en Languedoc occidental, soit le portail strictement feuillagé, qui apparaît après 1250 comme un élément de modernité gothique.
10Le portail de l’église paroissiale Saint-Jean-l’Évangéliste de Teilhet (Ariège), qui dépendait de l’abbaye de Camon, apparaît comme un archétype d’une série de portails gothiques feuillagés mis en place dans le Toulousain à l’extrême fin du xiiie siècle. Le portail (fig. 143), ouvert dans un avant-corps, précède une nef unique rectangulaire. Il s’agit encore d’un portail en plein cintre, avec quatre voussures en tores, retombant sur des chapiteaux. L’archivolte est ornée d’une frise de palmettes ondulées, et une imposte continue fait office de tailloir, ornée d’un rinceau à palmettes où se mêlent animaux ailés et salamandres. Une moitié des chapiteaux possède un épannelage cubique et un format trapu, que souligne l’abaque constitué par un mince bandeau plat dénué de tout décor (fig. 144, no 2 et 3) ; les quatre autres chapiteaux, ont un épannelage à échine circulaire, surmonté d’un second abaque en bandeau lisse, beaucoup plus étroit que celui des chapiteaux cubiques. Les chapiteaux à disques (fig. 144, no 1 et 4) ont un format plus élancé que les chapiteaux cubiques ; leurs corbeilles lisses, visibles à travers le décor, ont un volume tubulaire qui s’élargit sous l’échine, et semblent sculptées sur toutes leurs faces.
11Par leur épannelage et le choix des motifs sculptés, les chapiteaux du portail de Teilhet apparaissent comme le résumé de la sculpture gothique de la seconde moitié du xiiie siècle. Si les hauteurs identiques des chapiteaux, la présence d’astragales à mouluration homogène – ce sont des astragales biseautés, à bec – ne venaient infirmer l’hypothèse de remplois, on pourrait croire à l’existence de deux séries de chapiteaux issus de deux ateliers différents. En effet, les chapiteaux cubiques apparaissent comme les chapiteaux les plus archaïques par le choix des thèmes. Dans l’ébrasement nord (fig 144), le sculpteur utilise des hybrides entrelacés, griffons ailés à corps squameux surmontés de têtes humaines encapuchonnées (no 2), ou des feuilles de vigne au milieu desquels rampe un petit animal monstrueux (no 3). On retrouve au sud une mêlée confuse de monstres affrontés. À cette premières série s’oppose celle des chapiteaux à disques ornés de manière uniforme de motifs végétaux, avec des combinaisons variables. Ce sont soit de grandes feuilles molles échancrées, à surface onduleuse, qui se recourbent aux angles des corbeilles (fig. 144. no 1), soit des crochets-bouquets disposés sur deux registres. Enfin le no 4 est orné de deux niveaux de feuillages sortant de la bouche de masques animaliers placés aux angles de la corbeille, selon une formule fréquente dans le Languedoc royal au milieu du xiiie siècle. On peut rappeler le chapiteau orné du même thème (fig. 49) du chevet de Saint-Paul de Narbonne, et le chapiteau semblable (fig. 58) de Villelongue. À Teilhet cependant, les feuillages issus du masque sont des feuilles trilobées à contours lisses, et certains lobes, soulevés par des boules, annoncent les feuillages bulbeux des années 1310-1320. On voit donc se côtoyer sur le portail de Teilhet des survivances romanes, comme le rinceau de l’archivolte, et des formules de chapiteaux beaucoup plus modernes, les chapiteaux à disques et à double étage de crochets feuillagés. Le portail de Teilhet témoigne bien de la permanence de décors prégothiques dans la partie occidentale du Languedoc, et en même temps de la progressive pénétration dans ce même milieu des formules gothiques à la fin du xiiie siècle.
12C’est la formule du chapiteau feuillagé que les sculpteurs languedociens adoptèrent d’une manière quasi générale après 1300 dans tout le Haut-Languedoc. Les portails prégothiques disparaissent complètement, remplacés par le système beaucoup plus monotone et répétitif du portail à voussures toriques légèrement brisées, cantonnées de tores plus petits, le tout retombant sur des faisceaux de colonnettes séparées par des gorges. L’archivolte est lisse dans les portails du début du xive siècle, et les chapiteaux uniformément recouverts de feuillages. C’est le cas du portail de l’église détruite des Cordeliers de Mirepoix (fig. 145), conservé dans un champ au nord de la ville, et que l’on peut comparer au portail de la salle capitulaire des Jacobins de Toulouse, bien daté de 1300. Les chapiteaux, étroitement juxtaposés, ont des corbeilles de même format que le fût des colonnettes qu’ils prolongent strictement ; les tailloirs polygonaux, simplement moulurés, les abaques biseautés participent pleinement à la fusion du chapiteau et de son support architectural, selon l’esprit du gothique rayonnant. On est tenté de dater du début du xive siècle ce type de portail, dont on retrouve de multiples exemplaires à la même époque dans tout le Languedoc13, le Quercy14 et le Rouergue. Notons qu’avec la gothicisation des portails, l’entrée de l’église perd dans les terres méridionales sa fonction spirituelle, et se réduit à un facteur décoratif.
Un imagier chez les Cordeliers de Toulouse : le maître du Christ
13Installés dans le Bourg de Toulouse dès 1222, les franciscains élevèrent à partir de 1235 une modeste construction dont les dimensions n’excédaient pas celles d’une chapelle de collège, et qui fut par la suite englobée dans les agrandissements de la fin du siècle. Vraisemblablement charpentée, la première église était, comme Saint-Étienne et les Jacobins, le reflet d’une aventure spirituelle, celle de la pauvreté volontaire et du dépouillement affiché. En 1290, la construction de l’église reprend après un temps d’arrêt assez long15. Le 7 mars 1290, Nicolas IV accorde une indulgence à ceux qui visiteront l’église des Frères Mineurs de Toulouse les jours de la Bienheureuse Vierge Marie, saint François et saint Antoine, et l’octave suivant. Le 21 mars 1291, l’indulgence est renouvelée et cette politique que le pape, franciscain, généralisa dans l’ordre, dut coïncider avec la reprise des travaux sur l’abside, seul vestige, avec le clocher, la salle capitulaire et le portail, de l’église conventuelle détruite par un incendie en 1871. Les parties hautes du chevet et de la nef furent alors terminées, assez rapidement pour qu’en 1307 un chapitre général de l’Ordre se soit tenu à Toulouse. D’autre part, en 1313, les règlements de l’Université prévoient qu’à l’Annonciation et à la Nativité de la Vierge, une messe solennelle et des vêpres seront dites dans l’église des Cordeliers, en présence de tous les corps de l’Université16. À cette date, on peut considérer l’église comme terminée. Entre 1290 et 1320, fut également construite la salle capitulaire du couvent, qui reçut des dons de la famille de la Tour qui y avait son tombeau.
14À part le portail de l’église, remonté le long de la rue du Collège de Foix, et qui possède encore ses chapiteaux à crochets-feuillagés très abîmés, de type septentrional, et quelques culots encore en place, les rares éléments sculptés conservés de l’église conventuelle sont une série de clefs de voûte déposées en 1873 au Musée des Augustins à la suite de la démolition des édifices incendiés du couvent17. Parmi ces clefs, cinq datent du début du xive siècle, et, étant donné leur taille exceptionnelle18, faisaient sans doute partie de la voûte principale de l’église. Les départs de nervures correspondent tous à des nervures prismatiques, ce qui n’a rien de surprenant dans le Midi, où nervures prismatiques et nervures en tores ont été employées de manière concomitante, souvent dans le même édifice.
15Deux clefs de voûte à quatre départs de nervures, destinés à des travées barlongues quadripartites, mêlent les personnages en pied et le décor végétal, qui tapisse le fond des disques taillés en cuvettes. L’une19 porte sur son plateau circulaire et légèrement recreusé une figuration de saint François (fig. 146), debout, les pieds nus, nimbé, imberbe, comme le représentèrent les peintres italiens à partir de Giotto, vêtu de la longue bure franciscaine ceinturée à la taille par une cordelière à trois nœuds. Le saint montre les stigmates de ses mains et de son flanc droit. Il a les pieds nus, agrippés au rebord de la clef. Le fond de la clef est recouvert de quatre belles feuilles de chêne, bien découpées et de facture onduleuse, soulevées de place en place par de légères boursouflures (fig. 147). Les nervures fines sont traitées en creux, et complétées par des glands adossés deux à deux. Le traitement de ces feuilles, très naturalistes, rappelle les tapis de feuilles des clefs des premières chapelles du côté nord de la cathédrale Saint-Étienne, auxquelles le sculpteur des Cordeliers a également emprunte le parti du personnage en pied, présente au milieu des feuillages.
16Quant au vêtement du saint, il est creusé de grosses cannelures très raides, coupées par une ligne horizontale sur les pieds, à la manière des vêtements du saint Louis représenté sur la clef de voûte provenant du couvent des Dominicains de Carcassonne. Ces parentés stylistiques n’ont rien d’étonnant, les clefs de voûtes carcassonnaises ont été sculptées à la même époque, dans les premières années du xive siècle. Il faut cependant remarquer la nouveauté du drapé au-dessus de la taille, où se forme un épaississement des tissus destiné à faire blouser la bure du saint, et l’extrême souplesse des manches où s’interpénètrent des plis obliques donnant au tissu un aspect chiffonné.
17L’autre clef de voûte20 à fond végétal, formé de grandes feuilles souples et peu découpées, porte un évêque placé de face (fig. 148), la tête de profil, tenant une énorme crosse à volutes dans la main gauche, et bénissant de la main droite. Une mitre triangulaire peu ornée recouvre une chevelure torsadée et un visage large, tandis qu’une chasuble à grands plis obliques dissimule les vêtements du personnage. Les mains, immenses, paraissent disproportionnées, et la tête trop petite. Ne faut-il pas voir dans cette figure d’évêque, l’évêque franciscain le plus célèbre en ce début de siècle, Louis d’Anjou, évêque de Toulouse en 1296-1297 ?
18La clef de voûte la plus importante par ses dimensions est une clef à huit départs de nervures (fig. 149) prismatiques21, qui terminait certainement la voûte d’ogives rayonnantes à huit branches recouvrant l’abside à sept pans de l’église conventuelle des Cordeliers22. Le plateau circulaire de la clef est creusé en cuvette lisse, et porte une étonnante figure de Christ, assis de face, bénissant de la main droite et portant une sphère plate divisée en trois parties par une fine rainure, dans la main gauche levée23.
19Le Christ est doté d’un nimbe crucifère, et vêtu d’une bure de Franciscain, serrée à la taille par une cordelière dont on aperçoit un nœud ; sur ses épaules est drapé un manteau, fermé sur la poitrine par un fermail en losange orné d’un motif d’orfèvrerie simulée. Cette clef, très importante par son thème et par sa place dans l’abside, est sculptée avec beaucoup de soin. La tête, ronde, est entourée d’une chevelure à torsades serrées, qui bouffe au-dessus des oreilles, à la « française », et s’étale en ondulations serrées jusqu’aux épaules. Si l’arrangement des cheveux, la moustache en S, la douceur des traits, font référence à des modèles anciens, il en va tout autrement du style du vêtement, d’une fluidité et d’ une souplesse exceptionnelles. Le manteau sombre est attaché sur la poitrine de manière à faire fuser, de chaque côté du fermail, un éventail de petits plis minces et pincés à la surface de la pierre, donnant l’illusion d’ un tissu fin et léger, dont la doublure retournée apparaît sur les épaules, un peu comme elle le fait, avec des couleurs contrastées, sur les bords de vêtements des personnages enluminés par Maître Honoré à la fin du xiiiie siècle. Le manteau sombre passe sur le bas du corps, en diagonale, s’étale sur le siège soigneusement mouluré sur lequel trône le Christ. À peine creusé par un croissant d’ombre entre les genoux, il les drape souplement dans un pli qui n’est plus un pli à bec tant il est fluide. Enfin il s’enroule à gauche dans une volute, premier pli en cornet de la sculpture toulousaine, qui devait en être friande jusqu’à l’excès, tout au long du xive siècle. Notons encore la mollesse de la bure, qui blouse de chaque côté de la ceinture, trois ou quatre plis creux de chaque côté de la cordelière donnant l’illusion de l’épaisseur et de la fluidité. Le sculpteur de l’admirable Christ franciscain tranche sur la sculpture monumentale toulousaine des années 130024, faite de conservatisme et de timide adaptation des modèles végétaux rayon nants, passés d’une manière générale par le creuset du chantier de Saint-Nazaire de Carcassonne. On serait tenté de voir chez le maître du Christ un sculpteur étranger au milieu languedocien, et en particulier au « style dur » de la statuaire carcassonnaise. Nous avons, avec le Christ, les prémices de l’art du maître de Rieux et de la grande mutation toulousaine du deuxième quart du xive siècle.
20On peut attribuer au même sculpteur, responsable également du saint François, une Vierge à !’Enfant assise (fig. 150), qui orne une clef de voûte taillée en cuvette, dotée de quatre départs d’arcs prismatiques25. Sur la tête de la Vierge repose une large couronne à fleurons concaves, sur un voile court. Marie est vêtue d’une tunique et d’un manteau drapé autour du bras droit replié qui tient une pomme, ou un globe. L’Enfant est assis sur son genou gauche, il bénit de la main droite et tient un livre de l’autre. La Vierge possède le même visage rond que le Christ, avec des mèches de cheveux torsadées visibles sous les pans du voile, et des yeux très larges cernés de paupières bien ourlées ; les mêmes drapés très souples, plongeant en courbes profondes, animent les vêtements de la Vierge et du Christ, témoignant de la grande qualité de l’artiste qui les a sculptés.
21La dernière clef26 qui puisse provenir de la nef, puisqu’il s’agit d’une clef à quatre départs de nervures prismatiques destinées à une travée barlongue, porte un religieux, crosse en main, coiffé d’un large chapeau plat de cardinal, vêtu d’une tunique longue et d’un manteau tenu par un fermail. De chaque côté de cette figure centrale, deux blasons lisses, sans décor, et qui devaient être peints, sont surmontés de chapeaux plats. Ils se détachent sur un fond nu taillé en cuvette, comme les trois clefs précédentes. C’est la formule qui prévaudra à Toulouse tout au long de la première moitié du xive siècle, de préférence aux clefs mixtes, feuillages et personnages, qui tendent à disparaître. On retrouve sur cette clef le style fluide et élégant du maître du Christ, avec la ligne légèrement sinueuse, première amorce de hanchement, du personnage en pied.
22La sculpture gothique en Haut-Languedoc à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle est essentiellement une sculpture d’accompagnement, représentée par des chapiteaux de cloîtres (cloître des Jacobins), des clefs de voûte et des portails dans les églises de la deuxième génération gothique. On constate un décalage entre l’architecture, qui donne ses plus beaux édifices au Midi gothique, les Jacobins de Toulouse et la cathédrale d’Albi, et la sculpture d’accompagnement, discrète, voire médiocre, excepté la série de clefs des Cordeliers. Les sculpteurs reproduisent les modèles feuillagés importés par les sculpteurs « français » du chœur de Saint-Étienne et du baldaquin de Saint-Sernin, mais il n’y a pas de nouveautés dans ce domaine. La disparition des portails historiés, l’absence de statuaire et de sculpture funéraire de qualité donnent à penser qu’il n’y eut pas d’ateliers de sculpture fonctionnant à demeure auprès des cathédrales du Toulousain et de l’Albigeois, capables de produire de la grande statuaire. En cela cette partie du Languedoc se différencie fortement de l’aire dans laquelle a rayonné le chantier de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne.
Les décors de la demeure urbaine
23L’architecture domestique n’a jamais fait l’objet dans le Midi de la France d’une étude globale, mais une série de publications27 et les recherches menées par les commissions d’inventaire des régions de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, permettent actuellement d’étudier les maisons gothiques reparues au gré des rénovations et de l’établissement de secteurs sauvegardés.
24On connaissait depuis le début du siècle, grâce aux travaux de Charles Portal28 le précieux ensemble médiéval de la bastide de Cordes, fondée en Albigeois en 1222 par le comte de Toulouse, Raymond VI, et le tourisme a fait la renommée de nombreux villages anciens du Quercy, Saint-Cirq-Lapopie et Martel dans le Lot, capitale de l’ancienne vicomté de Turenne, Caylus, Puylaroque29, Bruniquel, Lautrec et Saint-Antonin-Noble-Val dans le Tam-et-Garonne. Aux notices des Congrès Archéologiques de l’Albigeois en 1982, et du Lot en 1989 s’ajoutent la thèse et les publications de M. Scelles sur l’architecture civile à Cahors30 et celle d’A.-L. Napoléone sur l’architecture civile à Figeac31, qui a accompagné la mise en œuvre du secteur sauvegardé de Figeac et le dégagement progressif par l’architecte G. Séraphin, d’un patrimoine urbain d’une prodigieuse richesse. La campagne menée sur le canton de Saint-Antonin-Noble-Val par la commission d’inventaire de Midi-Pyrénées32 a montré au public l’existence de l’habitat médiéval de Caylus, et surtout celui de Saint-Antonin, qui était en 1328 la seconde ville du Rouergue après Rodez. Les publications faites sur la maison montpelliéraine par les chercheurs de l’inventaire Languedoc-Roussillon33 et par A.-L. Napoléone sur les maisons médiévales à Toulouse34 permettent de comprendre la spécificité de l’habitat des grandes villes du xiiie siècle et du xive siècle et de faire d’utiles comparaisons. Dès 1990, l’exposition tenue au Musée des Augustins de Toulouse, Archéologie et vie quotidienne aux xiiie- xive siècles en Midi-Pyrénées, facilitait la confrontation de documents provenant des maisons médiévales de Cahors, de Figeac et de Saint-Antonin, et la constatation de l’importance des décors sculptés, qui, au même titre que les peintures murales35 permettent l’établissement de chronologies relatives.
La maison médiévale en Rouergue
25Une des maisons médiévales de Saint-Antonin-Noble-Val les mieux datées par l’enquête de la commission régionale de l’inventaire, est la « maison Muratet »36, du nom de son actuel propriétaire, située près de la maison romane. La présence d’un décor mural peint où l’héraldique tient une place importante37 permet de dater la demeure du deuxième quart du xiiie siècle, ce qui constitue un jalon notoire dans la chronologie des maisons médiévales languedociennes.
26La maison (fig. 151) se compose de plusieurs corps de bâtiments imbriqués les uns aux autres, et la façade principale à caractère médiéval s’étend sur une quinzaine de mètres. À l’extrémité gauche, le logis devait être situé à l’intersection de deux rues, comme le suggère la présence d’un large chanfrein taillé sur deux mètres de hauteur, procédé couramment utilisé à l’extrémité des façades gothiques – par exemple à Saint-Cirq-Lapopie – pour réduire les chocs en un lieu de passage. Il est ici couronné d’une tête de monstre, qui s’accorde à un ensemble sculpté relativement important. La façade en pierres de taille disposées par assises de hauteur variable, conserve le souvenir de l’ordonnance ancienne. Au premier niveau, vers la rue, subsiste une large arcade en arc brisé, et on peut penser que trois autres arcades donnaient à l’origine à la maison Muratet son caractère typiquement méridional.
27Deux niveaux de fenêtres occupaient le premier et le second étage, et les piédroits chanfreinés subsistent, noyés dans des maçonneries postérieures. B. Loncan a pu restituer, à partir de ces témoins, les fenêtres géminées, à colonnette médiane, couvertes en arc brisé, régulièrement séparées par un espace de mur assez large, qui rythment de leur quadruple ouverture, alignées les unes au-dessus des autres, l’espace de la façade. Les fenêtres étaient reliées entre elles par des appuis régnant qui s’étendaient sur toute la longueur de la façade. On trouve ici un parti qui est également celui des maisons quercynoises ou tarnaises.
28La sculpture accompagne l’ordonnance régulière de la façade, sous la forme de petits feuillages stylisés aux extrémités des chanfreins des piédroits des fenêtres, et d’un ensemble de modillons, dix-sept à l’origine, qui formaient une frise continue sous l’appui des fenêtres. Ce type de décor est unique à Saint-Antonin, mais annonce les grandes compositions plus tardives de la maison des Loups à Caylus, et de la maison du Grand Veneur à Cordes. Des têtes masculines et féminines, assez grossièrement taillées, alternent avec des représentations animalières. La présence d’un cerf debout, de profil, sur un modillon et d’un chien mordant au cou un sanglier, sur un autre, semblent évoquer des scènes de chasse, et introduisent un élément profane dans l’imagerie de la maison rouergate.
29L’analyse d’une seconde maison de Saint-Antonin, permet de constater l’évolution des maisons gothiques rouergates au cours de la seconde moitié du xiiie siècle. Il s’agit de la maison située 1, rue Droite, qui a gardé les arcades moulurées en tores, et deux étages de fenêtres, dont beaucoup ont été refaites au xve siècle38. Il subsiste cependant des fenêtres géminées au second étage, avec des chapiteaux (fig. 152) couverts de feuillages « au naturel », feuilles souples et naturalistes qui permettent de dater l’ensemble de la façade de la seconde moitié du xiiie siècle.
30Il y a encore à Saint-Antonin la maison dite du Roi, rue des Grandes Boucheries, qui a fait l’objet de relevés photogrammétriques et de restitutions de l’état médiéval par les chercheurs de l’Inventaire de Midi-Pyrénées39. La restitution montre l’existence de trois niveaux, le premier correspond à de grandes arcades à l’arête moulurée en tore, surmontées d’un étage de fenêtres géminées qui s’ouvrent de manière continue dans le mur. Le troisième niveau était constitué de pans de bois dont subsistent plusieurs croisillons, sous un crépi postérieur.
31L’étage le plus intéressant est celui des fenêtres géminées dont les arcades brisées sont moulurées avec des tores et des gorges (fig. 153). Les sommiers de ces arcs clavés ne comportent pas de gorges, mais un décor de palmettes stylisées qui soulignent la base des arcs, ainsi que la base et le haut des moulures des piédroits. Des oculi sont ouverts dans l’écoinçon des arcs, taillés dans les premiers claveaux des fenêtres, et ornés d’une frise de feuillages stylisés. Les chapiteaux qui reçoivent la retombée des arcs sont bien conservés à la maison du Roi, ce qui est rare à Saint-Antonin. Ce sont des chapiteaux de format allongé, à la corbeille terminée par un abaque en disque et un astragale biseauté. Les deux niveaux de feuillages trilobés et légèrement boursouflés invitent à dater l’ensemble du décor du début du xive siècle.
32On constate à Saint-Antonin une évolution sensible entre la maison Muratet et la maison du Roi. La tendance à diffuser l’ornement sur les différentes articulations de la façade s’affirme sur la seconde façade, où les motifs feuillagés faits d’un mélange de motifs stylisés faisant référence à la dernière sculpture romane et de feuillages boursouflés plus conformes au goût gothique du xive siècle, sont plaqués sur les points forts des fenêtres. Le maintien de la double corniche en saillie, qui souligne les appuis de fenêtres et la ligne des impostes de la retombée des arcs, est utilisée sur toutes les façades de Saint-Antonin. Il faut enfin remarquer la tendance à l’évidement du mur au-dessus des fenêtres géminées40, qui passe par la mise en place d’un oculus taillé dans les claveaux des arcs de couvrement.
33La maison des Loups, à Caylus, s’inscrit dans la même tradition que les maisons gothiques de Saint-Antonin, et apparaît comme une façade de maison rouergate particulièrement ornée et allégée41. La façade sur la rue compte trois niveaux (fig. 154). Le rez-de-chaussée est doté de deux grandes arcades de boutiques moulurées de tores et de gorges. Le premier étage a perdu ses fenêtres, mais il subsiste suffisamment d’éléments pour tenter une restitution. La présence de deux niveaux de moulures en forte saillie rappelle l’emplacement des appuis de fenêtres, ainsi que les piédroits verticaux avec tores, gorges et motif feuillagé logé à la base et au sommet des piédroits. On peut imaginer le dessin de ces fenêtres disparues grâce à l’unique ouverture géminée du troisième niveau. Les arcatures en tiers-point moulurées enveloppent ici des arcs trilobés, surmontés d’un oculus en losange, et il est probable que cette forme de fenêtre dont la complexité est signe de raffinement, occupait également l’étage intermédiaire. Enfin il reste à l’étage des fenêtres des archivoltes à la forte saillie, qui délimitaient un grand tympan évidé au-dessus des fenêtres géminées, et prenaient naissance sur des corbeaux ornés de masques humains. Selon un parti fréquemment utilisé également dans les façades de Cordes du xive siècle, les cordons régnants sont dissimulés aux angles de la demeure par de fausses gargouilles traitées en haut relief et représentant ici des loups, qui ont donné leur nom à la demeure. Les animaux sont traités avec un modelé sommaire, mais quelques têtes taillées dans un grès fin ont conservé leurs traits aigus et un peu durs, conformes au style en vogue à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle. Des têtes isolées, utilisées en remploi dans des maisons de Caylus (fig. 155), prouvent l’importance des décors profanes plaqués sur les façades, qui furent beaucoup moins exceptionnels que ne le laisse à penser l’unique témoignage de la maison des Loups.
34L’organisation générale de la façade rouergate, comprenant le niveau des grandes arcades, celui des fenêtres géminées soulignées par la double horizontale des corniches en saillie, et parfois un niveau de pans de bois est une constante de la demeure urbaine. Il en va de même pour le décor monumental, qui dès la fin du xiie siècle, dans des formulations encore romanes, grimpe le long des piédroits des fenêtres et se loge dans la moindre moulure en creux. L’évolution se situe dans le progressif évidement des tympans qui surmontent les baies, et dans la complexité croissante de la mouluration, qu’accompagnent, à partir de la fin du xiiie siècle semble-t-il, de grandes compositions sculptées faisant appel à une iconographie très quotidienne.
La maison gothique tarnaise : l’exemple de Cordes
35Le grand intérêt de Cordes, bastide fondée en 1222 par Raymond VII au nord de ses terres, réside dans l’ensemble de ses maisons gothiques et dans le fait que ces maisons soient abondamment ornées de décors peints et sculptés, beaucoup plus que n’importe quel ville médiévale du Midi. Mutilées au cours des siècles, ces maisons avaient perdu, à l’époque où Mérimée42 et Viollet-le-Duc43 les découvrirent, leurs grandes arcades du rez-de-chaussée, souvent murées, et une partie de leurs baies gothiques, remplacées depuis le xviie siècle par de grandes ouvertures rectangulaires. Mérimée contribua44 à diffuser une vieille tradition locale45 qui faisait des officiers de la cour de Raymond VII les fondateurs et les premiers utilisateurs des plus fastueuses de ces maisons que le xixe siècle néo-gothique baptisa maisons du Grand Veneur, du Grand Écuyer et du Grand Lauconnier. Si l’existence d’un château est attestée jusqu’au xvie siècle46, encore que son emplacement reste indéterminé, l’analyse archéologique des maisons et surtout de leur décor, sculpté et peint, prouve qu’elles sont largement postérieures à la fondation comtale, et que les plus anciennes ne peuvent dater que de la seconde moitié du xiiie siècle47. En fait il s’agit de maisons polyvalentes, à la fois habitations et boutiques, demeures du patriciat enrichi par le négoce, qui étalait sur les façades de la Grand-Rue son éclatante réussite. Les maisons les plus importantes que l’on peut examiner sont, en suivant d’est en ouest la Grand-Rue, la maison Carrié-Boyer, la maison Prunet, la Mairie (ou maison du Grand Lauconnier), la maison Fonpeyrouse, la maison du Grand Veneur, la maison Ladevèze, la maison Gaugiran et la maison du Grand Écuyer48.
La maison coniaise
36La plupart des maisons cordaises offrent du côté de la rue un corps de bâtiment de plan rectangulaire, haut de deux étages généralement, et s’ouvrent vers l’arrière sur une cour au plan irrégulier. C’est le cas pour la maison du Grand Fauconnier (mairie actuelle), pour la maison Fonpeyrouse, et pour la maison Gaugiran, qui ont conservé des cours à peu près intactes. Autour d’elles s’organisent, sur deux ou trois côtés, des bâtiments secondaires dont les étages, ainsi que celui des corps de logis en façade, étaient accessibles grâce à des escaliers, qui desservaient des galeries de bois couvertes. L’organisation actuelle de la cour de la maison Gaugiran peut donner une idée de la circulation autour des cours intérieures, encore que les escaliers droits et les galeries aient été plusieurs fois refaits depuis le Moyen Âge49. Deux maisons ont conservé des escaliers en vis de pierre, la maison Fonpeyrouse, ou l’escalier logé dans l’angle nord-ouest desservait les bâtiments construits sur trois côtés de la cour, et qui peut dater de l’époque de la construction du corps de logis, c’est-à-dire la fin du xiiie siècle, et la maison du Grand Fauconnier, qui possède dans l’angle sud-ouest de sa cour un escalier en vis reconstruit au xve siècle. Dans les maisons dépourvues de cour, un escalier en vis intérieur donnait accès aux étages, comme c’est le cas d’une manière systématique dans les villages au parcellaire réduit, comme Saint-Cirq-Lapopie ou Saint-Antonin.
37Plus originales que le regroupement des bâtiments autour d’une cour centrale, les particularités propres aux façades sur la rue permettent de caractériser la maison cordaise. D’une manière générale, ces façades sont construites avec un grand appareil soigneusement taillé, en grès rouge ou gris de Salles, matériau également utilisé pour les chapiteaux et les frises sculptées. Derrière les façades somptueusement ornées, les murs latéraux, murs pignons ou murs de refend, sont au contraire très pauvrement bâtis en pierres schisteuses de Corrompis, un petit appareil cassé, jamais taillé, qui exclut la sculpture, comme c’est le cas également pour les façades arrières où les ouvertures se raréfient.
38Tout est donc façades dans l’architecture civile cordaise, et on peut définir à partir de celles-ci un type général de maisons gothiques à Cordes, avec des variations portant sur le nombre et la forme des fenêtres, leur regroupement, le dessin des remplages, la présence ou l’absence d’une sculpture d’accompagnement, éléments de datation relative à l’intérieur d’une fourchette chronologique étroite.
39Le rez-de-chaussée est composé, pour toutes les maisons étudiées, d’une série de grandes arcades brisées, aux claveaux soigneusement appareillés, surmontées par de petites ouvertures aux formes variées, carrées pour la maison du Grand Veneur et celle du Grand Fauconnier, rectangulaires ailleurs. L’une des arcades servait d’entrée, vers le corps du logis, ou vers la cour, comme c’est le cas à la mairie, tandis que les autres ouvraient vers des boutiques, entrepôts ou écuries, qui occupaient tout le rez-de-chaussée, et n’avaient aucun accès vers la cour50. Les grandes arcades, partout présentes dans les façades cordaises, ont, au gré des restaurations entreprises depuis un siècle, retrouvé pour la plupart leur forme et leur signification premières. Au-dessus de ce premier niveau destiné au négoce, les corps de logis comprennent deux salles superposées, qui occupent toute la profondeur du bâtiment mais qui ont été souvent divisées par un cloisonnement transversal, ainsi qu’en témoigne la disposition du décor peint51. Plus rarement, comme c’est le cas pour la maison du Grand Veneur, apparaît un troisième niveau. Les deux « étages nobles » sont marqués, sans discrimination de niveau, par des fenêtres regroupées deux par deux, ou trois par trois, et distribuées sans souci aucun de symétrie. Par contre le troisième étage, lorsqu’il existe encore, se distingue des deux autres par ses ouvertures simplifiées.
40Le caractère le plus remarquable des façades est l’alignement, sur un plan parfaitement vertical, de ces trois ou quatre niveaux d’ouvertures. On ne constate aucune recherche d’encorbellement, mais simplement le souci de souligner les différents niveaux de fenêtres par un double système de fines corniches, comme c’est le cas également sur les façades gothiques quercynoises et rouergates. Une première moulure continue porte l’appui des fenêtres et se poursuit jusqu’à l’extrémité des façades, la seconde prolonge les tailloirs et les impostes et relie, à mi-hauteur, les fenêtres. Seules ces minces baguettes, utilisées sur toutes les façades de Cordes, et accompagnées, pour les demeures les plus fastueuses, par des éléments sculptés, introduisent des éléments de rupture dans un type de façade qui reste très plat.
41Les sources de la façade cordaise sont languedociennes. Le rez-de-chaussée à arcades est une constante de l’architecture civile méridionale, dès le xiie siècle dans la maison romane de Saint-Antonin52, au xiiie siècle pour nombre de demeures privées à Caussade, à Cahors, à Saint-Antonin. La maison de la Monnaie, à Figeac, datée du milieu du xiiie siècle, a pu offrir un modèle facilement adaptable : les grandes arcades brisées du rez-de-chaussée, ouvertes sur un entrepôt, et l’étage des fenêtres géminées soulignées par un arc de décharge et réunies par une double corniche en saillie, ont été transposées sans grandes variations dans les plus anciennes maisons de Cordes.
42Par contre, l’originalité de la façade cordaise réside dans l’existence des deux aula superposées, le regroupement des fenêtres, leur répartition sur ces deux niveaux et surtout l’importance du décor sculpté, unique dans l’architecture domestique languedocienne.
Les premiers décors : un vocabulaire venu de l’architecture religieuse
43La maison Carrié-Boyer, construite en grès rose, et non restaurée, donne une bonne idée du résultat des transformations subies par les façades médiévales, essentiellement au xixe siècle, époque à laquelle seuls les premiers étages étaient habités. Le rez-de-chaussée comptait quatre arcades en berceau brisé, seule la seconde à partir de la droite est encore visible, murée, et aménagée en entrée de format réduit. Le premier niveau des fenêtres a presque entièrement disparu, muré, martelé en ce qui concerne le décor sculpté. Les fenêtres ont été remplacées par de grandes ouvertures rectangulaires. Le tracé des anciens baies gothiques perceptible dans la partie droite de la façade, laisse entrevoir une disposition symétrique de celle du deuxième niveau.
44Au deuxième étage, quatre fenêtres jumelles, séparées par un pilastre cantonné de colonnes engagées, dessinent un système d’ouvertures continues. Seule l’avant-dernière, à droite a été murée et a perdu sa colonnette médiane et la moitié du chapiteau qui la surmontait. Les doubles baies dessinent un arc à peine brisé, souligné par un tore bordé d’une gorge et surmonté par un oculus losangique, comme c’est le cas pour la maison de la Monnaie, à Figeac. Les chapiteaux (fig. 156) à la corbeille courte et pyramidale sont ornés de feuillages plats, aux découpes épaisses, pour les montants latéraux des fenêtres, tandis que les chapiteaux médians portent un rang de feuillages en crochets. La feuille plate, de tradition cistercienne, et les crochets constituent les éléments sculptés les plus anciens de la sculpture feuillagée cordaise et permettent de situer cette façade dans la seconde moitié du xiiie siècle.
45La Maison Fonpeyrouse est située à l’angle est de la place de l’église, et sa longue façade concave épouse le tracé de la Grand-Rue. Le rez-de-chaussée repose sur six arcades murées aux angles vifs, non moulurés, l’une d’elle donnant accès à la cour intérieure. La maison aujourd’hui restaurée53, présente, comme la maison Carrié-Boyer, le premier étage de fenêtres murées et martelées habituel à Cordes. L’intérêt de cette façade réside dans l’association de deux types de fenêtres, encore bien visibles au deuxième étage. L’architecte a fait alterner (fig. 157) une étroite lancette, terminée par un arc trilobé, type de fenêtre en général associé à l’architecture religieuse, et une double baie, moulurée en tore, plus brisée que celles de la maison Carrié-Boyer. Les chapiteaux des colonnettes engagées dans les montants latéraux des baies et ceux des colonnettes médianes sont simplement épannelés. L’absence de sculpture, l’hésitation dans le choix des ouvertures, pourraient faire penser que cette façade expérimentale est la plus ancienne de Cordes, mais la forte brisure des arcs, la saillie prononcée de la double corniche, affirmée comme un élément essentiel de l’organisation de la façade, poussent à la placer après la façade Carrié-Boyer, mais toujours en cette seconde moitié du xiiie siècle où se situe une premier grande campagne de construction de maisons de pierre à Cordes. L’abandon de la formule des ouvertures continues adoptée dans la façade Carrié-Boyer, pour une dissociation des ouvertures, placées ici sans rapport de symétrie entre les deux « étages nobles », a été imitée dans plusieurs autres façades de la Grand-Rue.
46La Maison Gaugiran (fig. 158), par la dissociation de ses baies et leur regroupement en deux séries de fenêtres jumelles par étage, s’inscrit dans la suite immédiate de la maison Carrié-Boyer et de la maison Fonpeyrouse. Les grandes arcades du rez-de-chaussée à arêtes vives, la double corniche vigoureusement soulignée, le type de fenêtres utilisé, en arc brisé peu prononcé, mouluré d’un tore épais et d’une gorge cannelée, n’apportent rien de nouveau au modèle adopté par les plus anciennes façades.
47L’analyse de la sculpture est compliquée par la restauration, entreprise après 1958 et actuellement terminée, qui a rendu à la façade Gaugiran un peu de sa splendeur passée. Les photographies antérieures (fig. 159) et les relevés de 1937 rappellent l’état de délabrement de la maison Gaugiran et la disparition, sauf un, des chapiteaux sculptés du premier niveau. Au deuxième étage, la double baie de gauche a été en partie conservée, avec remplacement de trois chapiteaux dans la première baie à gauche, et réfection des deux chapiteaux des colonnettes médianes des baies de droite54.
48Les chapiteaux anciens étaient tous des chapiteaux feuillagés, alors que les restaurations ont inventé, au premier niveau, des chapiteaux à masques humains. Leurs feuillages plats, collés sur la corbeille et terminés par une couronne simple ou double de crochets s’apparentent, ainsi que les petites feuilles creusées à la base des gorges qui soulignent les voussures des fenêtres, aux séries feuillagées de la fin du xiiie siècle, moment où les sculpteurs languedociens systématisent le feuillage « au naturel ». On peut considérer comme proches par l’inspiration, mais légèrement postérieure pour le style des chapiteaux feuillagés utilisés, la façade du Presbytère, dans la Grand-Rue, et la façade de la maison Cavalié55.
49La Maison Ladevèze reprend, en l’enrichissant, le schéma des doubles fenêtres en arc brisé regroupées deux par deux, séparées par un pilier central cantonné de colonnettes et placées symétriquement d’étage en étage. Les arcades du rez-de-chaussée, au nombre de quatre, présentent le même profil aigu, privé de toute mouluration, que les deux façades précédentes. Le premier étage, non encore restauré, est muré, et la totalité des anciennes ouvertures avec leur décor a disparu, sauf un chapiteau56, tandis que le second niveau est totalement intact, et ne demande aucune restitution (fig. 160).
50La modénature de cet étage de fenêtres offre la particularité de tores à filet nettement dessinés, premier exemple à Cordes d’une ouverture vers une mode généralisée dans l’architecture religieuse du Languedoc dès la seconde moitié du xiiie siècle. L’architecte a utilisé la sculpture plus abondamment que dans les façades précédentes, en faisant alterner des feuillages, très stylisés, sur la retombée médiane des voussures, et des masques humains, fortement saillants. Les chapiteaux font également place, à côté de feuillages envahissants enlevés avec naturalisme et précision sur un fond refouillé, à de petits personnages en buste, ou à de simples masques qui donnent à l’ensemble du décor un caractère inventif et plus élaboré.
La sculpture courtoise
51La maison du Grand Écuyer (fig. 161) compte en rez-de-chaussée cinq arcades. Le premier étage n’a été transformé que dans sa partie gauche, et conserve à droite une double baie géminée, surmontée d’un oculus triangulaire, intérieurement tréflé. Le deuxième niveau possède deux ensembles de doubles baies, disposées symétriquement mais séparées par une étroite lancette trilobée, à l’imitation du système de la façade Fonpeyrouse. Malgré l’absence de l’arc aveugle qui surmonte deux par deux les fenêtres des façades contemporaines, par exemple dans la maison Prunet, la façade du Grand Écuyer apparaît comme la synthèse d’un certain nombre d’innovations antérieures. L’alternance des fenêtres, de même hauteur et bien liées par le cordon régnant, l’utilisation du tore à filet pour la baie trilobée et pour la voussure extérieure des fenêtres géminées, la brisure accentuée des arcs en tiers point signalent un édifice du xive siècle. Les chapiteaux (fig. 162), à la corbeille étirée, comportent tous un double étage de feuillages, vigoureux, enlevés dans la masse avec virtuosité. On retrouve ici la grande qualité de certains ateliers de sculpture languedociens du début du xive siècle, comme celui du cloître de Villelongue, en particulier pour le choix des beaux végétaux refouillés, roses trémières ou feuilles de vigne. La façade se distingue encore par la qualité de l’appareil et par les sculptures en ronde-bosse, rangées de fausses gargouilles au-dessus des fenêtres hautes ou motifs appliqués symétriquement à l’extrémité des cordons et dans sa zone médiane57. Sculptés à même la pierre du parement, ces figures animales (fig. 163), lion, oiseau de proie dévorant un lapin, animaux chimériques, ou humaines, femme croquant une pomme, musiciens (fig. 163), sont projetées en encorbellement au-dessus des moulures et des baies avec une étonnante habileté. La fantaisie décorative des sujets s’allie à une facture exceptionnelle, qui permet de comparer cet ensemble aux séries de culots à chimères ou à personnages qui ont été sculptés en grandes séries dans tout le Midi languedocien et avignonnais pendant la première moitié du xive siècle, et plus particulièrement dans les années 1330-135058. Pour la première fois à Cordes, le maître d’œuvre de la maison ne se contente plus de l’habituel décor de chapiteaux feuillagés, venus de l’architecture religieuse, mais organise son propre décor, puisé dans le monde profane, animaux fantastiques qui font partie de l’imaginaire médiéval, mais surtout musiciens, qui incarnent tous les plaisirs de la vie.
52La façade de la Maison du Grand Veneur (fig. 164), est sans conteste la plus célèbre de Cordes, popularisée au xixe siècle par une série de lithographies et d’aquarelles59. Ce succès est dû à ses dimensions exceptionnelles, à l’harmonieuse disposition de ses fenêtres et à l’existence d’une frise de sculptures narratives que les artistes romantiques se sont plus à reproduire. Au-dessus de quatre grandes arcades brisées au profil adouci par un simple chanfrein, les deux salles, également éclairées grâce à l’exacte symétrie des percements, sont surmontés par un troisième niveau réduit en hauteur sous l’avancée du toit doté de deux fenêtres rectangulaires au centre, cantonnées aux extrémités de deux baies géminées avec linteau trilobé. Malgré l’amenuisement des ouvertures, l’architecte a maintenu le cordon régnant et amorcé à mi-hauteur le départ de la seconde corniche qui vient buter à droite et à gauche sur des sculptures en saillie dans le mur.
53Avec les fenêtres de la maison du Grand Fauconnier (mairie), celles du Grand Veneur illustrent le point d’apogée atteint par le développement des fenêtres gothiques dans la maison cordaise. Tout concourt à dématérialiser le mur au profit des remplages : deux étroites lancettes reliées par un meneau portant une mince colonnette engagée ont remplacé la double arcature peu brisée des façades plus anciennes. Les deux lancettes, encadrées par un arc fortement brisé sont surmontées par une rose quadrilobée, moulurée, et les écoinçons partiellement évidés entre les remplages tendent à faire disparaître le souvenir du tympan, sous un arc aveugle devenu archivolte par la multiplication des voussures. L’architecte domine parfaitement un répertoire de formes rayonnantes et a multiplié sur les montants des baies les colonnettes, prétexte à développer de longs chapiteaux feuillagés qui ne sont pas un des moindres attraits de ces élégantes fenêtres. L’analyse de la sculpture doit tenir compte d’une restauration, entreprise à partir de 1943, et qui a constitué le premier grand chantier de restauration de façade à Cordes60, après la précoce restauration du Grand Fauconnier (1878-1911). Des lithographies du xixe siècle et une photographie de 1890 concordent pour témoigner d’un premier étage de fenêtres totalement muré et martelé, hormis trois des motifs sculptés en applique sur la voussure extérieure, curieusement conservés. De même le culot, portant sur deux têtes, et placé dans l’axe du premier étage avait été préservé61. Au deuxième étage, les remplages trilobés et deux roses sur quatre avaient été arrachés, mais les fenêtres avaient gardé les colonnettes et chapiteaux des ébrasements et toute la sculpture en haut relief, fausses gargouilles à la retombée des archivoltes et frise narrative (fig. 165) dont l’organisation n’a jamais été bouleversée, du moins depuis le xixe siècle. C’est donc le deuxième étage qu’il faut utiliser pour qualifier un ensemble sculpté complexe. Les chapiteaux, aux corbeilles allongées, portent pour la plupart deux rangées de feuillages naturalistes, foisonnants et nerveux, traités dans le même esprit que ceux du Grand Écuyer. Des frises d’animaux, et une tête féminine rompent une série un peu monotone. Les fausses gargouilles portent des grotesques, mais l’élément le plus original reste la frise, appliquée en haut relief dans les écoinçons des fenêtres, d’un bout à l’autre de la façade. Cet ensemble de sculptures (fig. 164) qui est à l’origine du nom donné à la demeure au siècle dernier, décrit une scène de chasse. La scène débute à gauche avec un cavalier armé d’un épieu, puis un sanglier poursuivi par un chien, plus loin un chasseur à pied tirant de son arc un lièvre, enfin un chasseur sonne du cor, tandis que deux sangliers fuient vers l’extrémité droite de la frise. Ces hauts-reliefs, vigoureux mais d’une qualité assez médiocre, révèlent un atelier de sculpture très différent de celui qui a travaillé à la façade du Grand Ecuyer. Le raffinement décoratif qui apparentait les sculptures du Grand Ecuyer aux meilleurs ateliers languedociens, est remplacé dans cette scène de chasse par un art beaucoup plus populaire. Les animaux ont un modelé lisse et plein et les personnages se caractérisent par de grosses têtes rondes, aux prunelles évidées, avec des chevelures en casque, que l’on retrouve souvent à Cordes, sur des culots sculptés (fig. 166) disséminés et remployés dans des façades postérieures62.
54Par son ampleur, la façade de la mairie (fig. 167). ou maison du Grand Fauconnier s’apparente à celle du Grand Veneur, hormis l’absence d’un dernier étage, qui a peut-être existé à l’origine63. Au-dessus des six arcades moulurées en tore, comme celles des deux maisons voisines (maison Carrié-Boyer et maison Prunet), les deux « étages nobles » se distinguent par l’asymétrie introduite dans la répartition des fenêtres gothiques. Deux groupes de trois fenêtres au premier niveau, trois groupes de deux fenêtres au second. L’unité reparaît dans le type de fenêtre utilisé : une double lancette trilobée surmontée d’une rose à cinq lobes, inscrites sous une archivolte. Comme pour la façade du Grand Veneur, l’architecte a placé un meneau à fine colonnette à la retombée des baies et deux colonnettes latérales. La disparition des valeurs murales est cependant plus poussée qu’au Grand Veneur, par l’évidement total du tympan autour des roses, et par la suppression du pan de mur séparant deux baies, remplacé ici par un faisceau de colonnettes. L’amincissement des colonnes, l’étirement des chapiteaux, le raffinement des remplages qui laissent une place privilégiée à la rosace, donnent à penser que cette façade est la plus récente des façades cordaises construites dans la première moitié du xive siècle. La restauration du début du siècle a rendu aux fenêtres du premier étage les meneaux, les arcs trilobés et la base des roses. Les culots sculptés, appliqués au-dessus de l’archivolte des fenêtres sont antérieurs aux restaurations, et il en est de même pour les corbeaux portant la retombée des voussures64. Pour le deuxième étage de fenêtres, la restauration a également porté sur les remplages, mais n’a rien ajouté à la sculpture préexistante. Par contre, au cours des restaurations, un certain nombre de corbeaux sculptés ont été déposés, et le musée Portai a récupéré trois de ces faucons qui sont à l’origine du vocable de l’actuelle mairie. Ils ont l’intérêt de montrer comment les sculpteurs du xive siècle ont travaillé à même le parement des murs et combien les motifs sculptés de la maison du Grand Fauconnier sont proches de la sculpture animalière de la maison du Grand Veneur.
Le château de Puivert et son décor sculpté
55Les premiers éléments de décor sculpté apparaissent dans les forteresses royales reconstruites au xiiie siècle, et accompagnent les retombées de voûtes d’ogives rayonnant sur des tours rondes. L’exemple précoce de la Tour de Constance à Aigues-Mortes, dans les années 1240, a été suivi par celui de Najac, dont le donjon circulaire est doté à la fin des années 1250 de modillons à masques et à feuillages d’un pur style rayonnant. C’est encore un décor rayonnant qui orne les culots recevant les ogives des différentes salles superposées de la tour carrée de l’archevêque Gilles Aycelin, bâtie à partir de 129065, à l’extrémité sud-Ouest de son palais épiscopal, en plein cœur du quartier épiscopal de Narbonne. Le décor de la salle octogonale, dite aujourd’hui « salle du trésor » est particulièrement bien conservé, avec ses têtes et ses animaux fantastiques. Il faut cependant attendre la construction du château de Puivert, dans l’Aude, pour constater l’apparition d’un décor profane bien caractérisé et adapté à la fonction des salles qu’il accompagne et souligne, c’est-à-dire un décor courtois.
56Le château de Puivert, ou Puy-verd, domine au sud le pays de Kercorb, petit bassin déprimé au cœur des pré-Pyrénées, drainé par l’Hers. Objet de convoitises et de querelles au xiie siècle entre le comte de Toulouse, le comte de Foix et le vicomte de Carcassonne, le château appartenait à la famille de Congost, et fut le rendez-vous des troubadours roussillonnais et provençaux. Par une simple mention de l’Hystoria albigensis de Pierre des Vaux-de-Cemay, on sait qu’en 1210, Simon de Montfort aurait mis le siège au château, qui capitula après trois jours. Il devint alors possession de Lambert de Thury, un croisé du Nord, qui fut quelques années plus tard seigneur de Limoux, puis sénéchal de Beaucaire66. Par la suite, le château fut remis à Thomas-Pons de Bruyères, sans doute au moment des négociations de Meaux. Pons de Bruyères transmit la seigneurie de Puivert à son fils Jean, pour qui Philippe le Hardi institua le Kerkorb en « terre privilégiée », dispensée d’impôts. Ce n’était pas un geste gratuit de la part du roi, Puivert et sa région étaient, comme les Corbières proches, une marche frontière face aux royaumes d’Espagne, en particulier l’Aragon, et la contrepartie des privilèges accordés était de compléter la défense assurée par les forteresses royales de Puylaurens, Peyrepertuse, Quéribus, et Aguilar.
57En 1314 Thomas Ier de Bruyères, qui avait épousé en 1310 Isabelle de Melun, devint propriétaire du château, et c’est sans doute à partir de cette date que le donjon fut reconstruit67. Les deux blasons représentés au-dessus de la porte du donjon sont ceux de la famille de Bruyères et de la famille de Melun.
58Il semble qu’il y ait eu plusieurs campagnes de construction pour édifier l’enceinte, à partir de la fin du xiiie siècle68. La courtine sud, dépourvue d’archères, est très différente de la courtine nord. À la mort de Thomas Ier, en 1360, le château de Puivert échut au fils aîné, Thomas II, puis à l’une de ses filles, Marguerite, qui épousant Guillaume des Bordes en 1374, lui apporta en dot Nébias, et « six tours du château de Puivert »69. On peut donc penser que la totalité de la nouvelle enceinte était achevée à cette date.
59Le château de Puivert70 semble construit davantage pour l’apparat que pour la défense. La basse-cour ressemble à une cour d’honneur, et aucune archère n’assure la protection du donjon de ce côté-là. La courtine sud ne comporte pas non plus d’archères, alors qu’elle domine le chemin d’accès. Enfin le donjon n’a aucune cheminée, ce qui laisse à penser qu’il était inoccupé l’hiver.
60La partie la mieux conservée de Puivert est le donjon de plan carré, de quinze mètres de côté et trente-deux mètres de hauteur. Le caractère exceptionnel de ce donjon, dans la série des forteresses royales édifiées sur la frontière à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle, tient à l’abondance du décor sculpté dont il a été doté, à partir de 1314. La chapelle, qui occupe le troisième niveau du donjon, est de plan carré, comme toutes les salles du donjon. Elle est voûtée de six branches d’ogives, qui partent d’une clef circulaire (fig. 168) portant un couronnement de la Vierge, avec un motif latéral représentant saint Michel foulant le dragon. Les culots sont ornés d’anges en buste et de personnages très abîmés tenant des phylactères, une iconographie religieuse en rapport avec la chapelle, d’une ampleur exceptionnelle.
61Au-dessus de la chapelle, la salle d’apparat, placée au quatrième niveau, contient un ensemble décoré d’une extraordinaire qualité. Bien éclairée par trois fenêtres trilobées, la salle est couverte d’une voûte d’ogives à huit branches, qui retombent, avec les formerets, sur huit consoles en saillie dans le mur sur lesquelles sont sculptés des musiciens. Le sculpteur a représenté, avec un souci de vérité étonnant, aussi bien les poses variées des musiciens que les différents instruments, parmi lesquels on reconnaît : le rebec (fig. 169), la vièle ou viole, ancêtre du violon, la luthée, qui accompagnait les chanteurs, le tambourin, peu différent de l’actuel tambourin provençal, le luth, l’orgue portatif, le psaltérion triangulaire et la cornemuse, en usage parmi les ménestrels et les jongleurs71. C’est la première fois en Languedoc que l’on voit mettre en place, avec un souci exhaustif évident, un programme parfaitement adapté aux fonctions profanes d’une salle qui devait être une « salle des musiciens ». Jusqu’à l’organisation du décor courtois de Puivert, les sculpteurs languedociens n’avaient produit que des représentations isolées de musiciens, par exemple un joueur de cornemuse, à la porte de la Reine à Aigues-Mortes, un joueur de viole et un joueur de rebec sur une gargouille de la maison du Grand Ecuyer à Cordes, un musicien à Saint-Paul de Clermont-l’Hérault72, dans une chapelle du xive siècle. L’atelier de Puivert a également travaillé à Arques, dans l’Aude. À côté du haut donjon carré qui fait la renommée du château d’Arques73, il existe un bâtiment orienté sud-ouest, formé d’une salle voûtée d’ogives chanfreinées. On peut y voir deux culots bien conservés, surmontés par des tablettes polygonales moulurées. L’un représente un visage masculin couronné d’un diadème à minuscules fleurons, l’autre un visage féminin. Les cheveux lisses se retournent en rouleau sur les épaules selon une mode bien implantée dans le monde méridional, depuis le milieu du xiiie siècle. Seul le cou et le départ des épaules ont été sculptés.
62Le visage féminin est également couronné d’un cercle orné de gemmes, porté sur une guimpe à mentonnière qui enveloppe le visage et se gonfle autour des rouleaux de cheveux. Le modelé lisse du visage est rompu par la ligne aiguë des sourcils, sous le front bas, et par les yeux un peu exorbités à la pupille percée au trépan. Le sculpteur a ébauché un geste pour la jeune femme : une main rapprochée de la bouche, l’autre serrée sur la poitrine. Les poignets serrés du vêtement s’ornent d’une ligne de petits boutons. On peut rapprocher le style courtois et raffiné des sculptures d’Arques, de celui des consoles aux musiciens du château de Puivert, sans doute issues du même atelier74. Certaines coiffures de musiciens, les costumes, les attitudes et les visages ronds aux yeux percés sont identiques à Puivert.
63L’étude du décor de quelques édifices civils dans le sud de la France montre un certain nombre de constantes. Les premiers décors gothiques, par exemple ceux des plus anciennes maisons cordaises, que l’on peut mettre en relation avec les maisons du xiiie siècle de Figeac, sont ornées à la manière des églises, avec des chapiteaux à feuillages ou motifs prégothiques, mêlant animaux fantastiques et feuillages. Dès la fin de la première moitié du xiiie siècle, on voit la maison Muratet, à Saint-Antonin, se doter d’un décor spécifiquement civil, où le thème de la chasse apparaît comme dominant. Il convient de remarquer que ce choix d’un décor profane accompagne des peintures murales intérieures qui représentent un groupe de cavaliers.
64Le développement des décors profanes est particulièrement spectaculaire à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle, où les façades sont ornées soit de masques autour des fenêtres, à la maison Ladevèze de Cordes, soit de gargouilles représentant les animaux habituels de la vie médiévale (Maison des Loups à Caylus, maison du Grand Écuyer à Cordes). Le thème de la chasse75 est complété par celui de la musique et du jeu. Au xive siècle, les sujets profanes sont traités par grands ensembles, par exemple la grande frise de vénerie de la maison du Grand Veneur à Cordes, ou la série des musiciens de Puivert, et témoignent de l’importance croissante des commandes de la société civile.
Notes de bas de page
1 Ahlsell de Toulza (G.), La cathédrale Saint-Alain de Lavaur, dans Congrès Archéologique de France. Albigeois, 140e session, 1982, p. 325-353.
2 Cf. Ahlsell de Toulza (G.), op. cit., p. 330-331, qui rappelle que Guilhermy, en 1857, n’a vu que six chapiteaux fort mutilés.
3 Le chapiteau de gauche en plâtre, porte une Annonciation et une Visitation.
4 Cf. chap. I, les portails de Montsaunès, Rabastens, Pamiers et Belpech.
5 On voit apparaître ici une formulation des niches architecturées très proche de celle des peintres-verriers (celles du Maître de saint Chéron à Chartres, pour ses personnages en pied, ou celle des prophètes des fenêtres hautes de la cathédrale de Bourges).
6 La représentation de saint Christophe portant l’Enfant se multiplie dans le monde méridional à la fin du xiiie siècle. Cf. le devant d’autel de provenance inconnue, de Barcelone, Musée d’Art Catalan, étudié par N. de Dalmases & A. José i Pitarch, L’Época del Cîster, Histròia de l’Art Català, Barcelone, 1985, p. 216-217. Sur le devant d’autel du Musée d’Art Catalan, la représentation de saint Christophe est très proche, sur le plan iconographique aussi bien que stylistique, de celle de Caujac. Notons enfin la similitude du cadre, un arc trilobé découpé à plat, retombant sur de minces colonnettes. On peut citer également la statue de saint Christophe de Ribouisse, dans l’Aude.
7 Annonciation et Visitation sur le premier chapiteau, Annonce aux Bergers et Nativité sur le second. Sur la plaque un personnage nimbé trône, tenant un livre et un sceptre.
8 Saint Nicolas ? Sur deux chapiteaux, on aperçoit des fidèles en prière devant l’évêque nimbé.
9 Douais (Abbé C.), Inventaire des biens meubles et immeubles de Saint-Sernin de Toulouse, dans MSAMF, t. XIV, 1886-1889, p. 1-28.
10 Nous proposons de gauche à droite, saint Martin (un cavalier), saint Martin évêque, Pierre et Paul, puis les scènes des martyres de ces derniers.
11 Cf. ci-dessus chap. IV.
12 Bénéjeam-Lère (M.), Cahors et sa Cathédrale : architecture et urbanisme à la recherche d’une unité. L’exemple de l’époque gothique, thèse de IIIe cycle dactyl., Toulouse, 1989.
13 Portails des églises des Pujols (Ariège), de Fanjeaux, Villeneuve-la-Comtal (Aude), Sérignan (Hérault).
14 Portails de Saint-Sauveur de Figeac, d’Espagnac, de Rocamadour (Lot)
15 Carbonell-Lamothe (Y.), op. cit. p. 96. ; L. de Lavergne, Notice sur le couvent des Cordeliers, dans MSAMF, t. I, 1831, p. 129-157. ; Esquié (J.-J.), L’église et le monastère des Cordeliers, dans MASIBLT, t. VIII, 1876, p. 371-399.
16 Carbonell-Lamothe (Y.), op. cit.
17 Rachou (H.), Catalogue des Collections de Sculpture et d’Épi graphie, Toulouse, 1912, p. 231 et 232, no 550, clefs de voûte : « Les sept clefs décrites ci-dessus proviennent de l’église des Cordeliers. Elles ont été portées au Musée en 1873, à la suite de la démolition de ce bâtiment motivée par l’incendie de 1871 » ; Cazes (D.), Sculptures gothiques, dans Journal des Collections, no 2, Toulouse, mai 1980, donne « origine incertaine » pour les no 57, 58, 60, 62, 63.
18 Leur diamètre varie entre 70 cm (le Christ en Majesté) et 57 cm (l’évêque).
19 Rachou (H.), op. cit., no 550 e. D. Cazes, no 58, diam. 63 cm.
20 Rachou (H.), op. cit., no 550 b. D. Cazes, no 57, diam. 56 cm.
21 Rachou (H.), op. cit., no 550 d. D. Cazes, no 60, diam. 70 cm.
22 Cf. plan de l’église par Massol (A.), L’église des Cordeliers après l’incendie, dans MSAMF, t. XI, 1876, p. 121-135, et Esquié (J.-J.), op. cit.
23 Peut-être s’agit-il d’une hostie, étant donné le développement de la pratique de l’élévation de l’hostie au cours de la messe, pratique introduite depuis le début du xiiie siècle dans le diocèse de Paris ; par ailleurs, il ne serait pas surprenant de retrouver une telle iconographie dans un édifice franciscain, lorsqu’on sait la dévotion particulière que saint François vouait à l’Eucharistie. Lorsqu’il fut décidé, au chapitre général de 1217, d’envoyer en mission des Frères à travers les pays chrétiens, saint François choisit la France parce que les Français lui étaient particulièrement chers, du fait qu’ils avaient « plus de respect qu’aucun autre peuple pour la sainte Eucharistie », Legenda antiqua, p. 69, II Celano, p. 201.
24 Cf. chapiteaux des premières travées de la nef de Saint-Sernin, achevée autour de 1300 ; chapiteaux et clefs de voûte de l’église des Jacobins, cloître et salle capitulaire des Jacobins, des années 1310 ; couvent des Carmes, cf. Pradalier-Schlumberger (M.), La sculpture gothique en Languedoc aux xiii e et xive siècles, thèse pour le doctorat d’état, dactyl., 1990, p. 342-365.
25 Elle mesure 62 cm de diamètre, Rachou (H.) no 550 f, Cazes (D.), no 62.
26 Rachou (H.), op. cit., no 550 c, D. Cazes, no 63, diam. 60 cm.
27 Pour la bibliographie méridionale, cf. Esquieu (Y.), La maison médiévale urbaine en France, état de la recherche, dans Bull. Mon., 1995, t. 153, II, p. 109-142.
28 Portal (Ch), Histoire de la ville de Cordes, Tarn (1222-1799), 2e éd., 1965, 716 p. et id. Cordes, dans Congrès Archéologique de France, Toulouse, XCIIe session, 1929, p. 454-493. - Cf. en dernier Pradalier-Schlumberger (M.), Cordes, dans Congrès Archéologique de France. Albigeois, 140e session, 1982, p. 235-253.
29 Garrigou Grandchamp (P.), Grubert (M.), Scelles (M.), Les maisons médiévales ( xiiie- xive siècles) de Puylaroque (Tarn-et-Garonne), dans MSAMF., 50 (1990), p. 101-134.
30 Scelles (M.), Structure urbaine et architecture civile de Cahors aux xiie, xiiie et xive siècles, Thèse dactyl., Toulouse, 1994, 411 p. et 4 vol. (monog. et pl.).
31 Napoléone (A.-L.), Figeac au Moyen Âge : les maisons du xiie au xive siècle, Thèse dactyl, Toulouse, 1993, 392 p. (1 vol. pl).
32 Caylus et Saint-Antonin Noble-Val, (Tarn-et-Garonne), Cahiers du Patrimoine, 29, 1993, 400 p.
33 Sournia (B.) et Vayssettes (J.-L.), Restitution de la demeure médiévale montpelliéraine, dans Archéologie du Midi médiéval, t. V, 1987, p. 143-152, et Montpellier, la demeure médiévale, coll. Études du patrimoine, no 1, Paris, 1991,
34 Napoléone (A.-L.), Les maisons romanes de Toulouse (Haute-Garonne), dans Archéologie du Midi médiéval, 1988, p. 123-138, et Les maisons gothiques de Toulouse (Haute-Garonne), dans Archéologie du Midi médiéval, 1990, p. 121-141.
35 Loncan (B.), La maison Muratet à Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne). Notes sur une demeure urbaine médiévale, dans Bulletin de la Société Archéologique de Tarn-et-Garonne, t. CXII, 1987, p. 107-136.
36 Loncan (B.), Maison Muratet, notice no 36, dans Archéologie et vie quotidienne…, p. 64-66.
37 La représentation des armoiries de Raymond VII permet de situer ce décor dans la fourchette chronologique qui va de son arrivée au pouvoir à sa mort, soit de 1222 à 1249. Loncan (B.), La maison Muratet à Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne). Notes sur une demeure urbaine médiévale, dans Bulletin de la Société Archéologique de Tarn-et-Garonne, t. CXII, 1987, p. 107-136, op. cit., voir p. 66.
38 Caylus et Saint-Antonin…, p. 220-221.
39 Archéologie et vie quotidienne…, p. 71, Photogrammétrie, fig. 1 et 2, et Caylus et Saint-Antonin… fig. 262.
40 Une version un peu plus ancienne, et moins ornée, de la façade avec fenêtres à oculi est encore visible sur la maison gothique de la rue Guilhem-Peyre. Cf. Archéologie et vie quotidienne…, notice 38, p. 67-70.
41 Caylus et Saint-Antonin…, p. 230.
42 Mérimée (P.), Notes de voyages, 1971, p. 240-241, dans Notes d’un voyage dans le Midi de la France, Bruxelles, 1835.
43 Viollet-le-Duc (E.), Dictionnaire raisonné de l’architecture, t. VI, « Maison », p. 214-300.
44 P. Mérimée, op. cit., p. 240 : « Je décrirai brièvement la Maison du Grand Veneur du dernier comte de Toulouse, qui était sans doute autrefois la principale de la ville. »
45 ADT, II, 12, registre manuscrit du père jésuite Daubry, datant de la fin du xviiie siècle ou du début du xixe siècle, où l’auteur, rappelant l’origine de Cordes, écrivait : « C’était autrefois un château fort appartenant aux comtes de Toulouse, dans lequel ils se rendaient pour jouir du plaisir de la chasse. Les principaux seigneurs de leur cour avaient leurs hôtels autour de ce château, il subsiste encore bon nombre, parmi lesquels on distingue ceux du Grand Veneur, du Grand Écuyer, du Grand Fauconnier. ». Ces attributions fantaisistes, reprennent les thèmes sculptés dans les façades les plus décorées, têtes de cheval pour la Maison du Grand Écuyer, faucon pour celle du Grand Fauconnier, scènes de chasse sur la façade du Grand Veneur.
46 Anonyme, Félix et Thomas Platter (1552-1557 et 1595-1599). Notes d’un voyage de deux étudiants bâlois, publiées d’après les manuscrits originaux appartenant à la bibliothèque de Bâle, Montpellier, t. I, 1921-1927, p. 702-703 : « les remparts sont très épais, et chaque faubourg a son enceinte particulière ; Monsieur de Cardonnac, qui y commande pour le roi, loge dans le château ». ; Rossignol (É.), Rapport sur l’excursion du Congrès à Cordes et à Monestiès, le 13 juin 1863, dans Congrès Archéologique de France. Rodez-Albi-Le Mans, XXXe session, 1863, p. 430-444 : « On préféra abattre les restes du château des comtes de Toulouse ».
47 Cf. ci-dessous, l’analyse des façades.
48 Nous utilisons ici, comme le font les monographies les plus récentes de Cordes, le nom des propriétaires du début du siècle, et les trois appellations « néo-gothiques » du xixe siècle.
49 A.M.H., 1476 ; dossier Gaugiran, deuxième devis K. Kaehrling, 6 septembre 1938. Dans son projet de restauration de la cour, l’architecte Kaehrling signale que « les restes de l’escalier et galeries dont nous prévoyons la reconstruction et la restauration ne sont pas de l’époque de la construction. Ils apparaissent avoir été exécutés au xviiie siècle, en remplacement de l’escalier ancien ».
50 A.M.H., dossier 1477, Hôtel de ville, 1904-1911, travaux de Potdevin (mise en état des arcades de la façade sur rue et de l’entrée, et réparations de la façade au-dessus des arcades).
51 Ce cloisonnement des salles, souligné par la disposition des décors peints, est particulièrement visible dans la salle du premier étage de la Maison Gaugiran.
52 Pour la maison romane de Saint-Antonin, cf. Scelles (M.), La maison romane de Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), dans MSAMF, t. XLIX, 1989, p. 45-119.
53 Dès 1943, arcs des fenêtres doubles, au deuxième étage (A.M.H., 1476, 1943, rapport H. Julien), et en 1958, consolidation du mur en retour de la maison (A.M.H., 1476) vers la place de l’Église.
54 A.M.H., 1476, Maison Gaugiran (1936-1940), achat de la maison Gaugiran par l’État en 1939. Premier devis descriptif et estimatif de l’architecte J. Kaehrling, 12 juin 1939, qui prévoyait quatorze chapiteaux à refaire, sauf un. Tous les chapiteaux du premier étage ont été refaits, et trois chapiteaux de la double baie gauche du deuxième niveau. Pour la baie de droite, les chapiteaux des colonnes médianes ont été remplacés. SDA du Tarn, dossier MHCL, Cordes, Maison Gaugiran, 1958-1962, restauration du premier étage de fenêtres, Hermite, architecte en chef. Cf. en particulier plan de restauration de murs de façade, premier étage, 1958, plan Hermite/Salvagnac ; 1975-1976, restauration de la façade sur rue ; 1976, restauration de la cour ; 1978, restauration du décor peint du premier étage.
55 Située rue Saint-Michel, sa façade est construite en moellons cassés, et non en pierre de taille.
56 Chapiteau pris dans la maçonnerie, à double rangée de feuillages, surmontant le montant droit de la double fenêtre gauche, premier niveau.
57 A.M.H., Cl. 886, 1890, réfection de deux colonnettes à chapiteaux.
58 Cf. façade de la cathédrale de Narbonne, consoles du cloître de Béziers et au Palais Neuf (1340-1350), du Palais des Papes d’Avignon, dans M. L. Fabrié, Recherches…
59 Façade du Grand Veneur : dessin d’A. du Mège, 1820, Paris, Bibliothèque de l’Institut, M.S. 4 178 (5), pl. II, no 42 du catalogue, Toulouse et l’art médiéval, 1982 ; Du Mège l’appelle « Palais du Comte Raymond VII à Cordes ». Façade du Grand Veneur : lithographie de Dauzats dans Taylor et Nodier, Voyages pittoresques et romantiques. Languedoc, sous le nom de « Maison du Comte Raymond à Cordes ».
60 A.M.H. 1476, Comité consultatif des Monuments Historiques, 15 novembre 1943, rapport de l’inspecteur général M. Julien.
61 Restauration de 1945 à 1975. A.M.H., 1476, Maison du Grand Veneur (par exemple : 1er décembre 1947, Fonquernie, « soumission pour chapiteaux du xvie siècle, chapiteaux doubles et triples à feuillages, petits personnages et animaux très saillants sous clefs, culots. ». Il s’agit de la restitution des deux fenêtres de gauche du premier étage).
62 Tête de femme entre animal et feuillage, en remploi dans la maison Carrié-Boyer. Cf. également une tête de femme couronnée de fleurs, en remploi dans la façade de la maison « Mourlhiou », dans le haut de la Grand-Rue.
63 Portal (Ch), Cordes… p. 480, estimait que ce troisième étage existait, et que, d’une manière générale, toutes les façades de Cordes ont perdu leurs dernières assises de pierre en façade. On peut remarquer, sur les relevés de la maison Gaugiran faits par Kaehrling en 1937 que l’architecte rend à la façade un troisième niveau, « disposition primitive probable ».
64 Sauf le premier, à gauche, du groupe de trois baies, situées à droite du premier étage.
65 Carbonell-Lamothe (Y.). Recherches sur la construction du palais neuf des archevêques de Narbonne, dans Narbonne, Archéologie et Histoire, Actes de la Fédération Historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon, 1973, p. 216-235.
66 Tisseyre (J.), Le château de Puivert, Carcassonne, 1982. ; Dusan (B.), Notice sur les deux baronnies du Kercorbez, Puivert et Chalabre, Toulouse, 1858.
67 Fabrié (M. L.), op. cit., cf. pour Puivert, p. 53-56.
68 À l’ouest du donjon existent encore les restes du « château vieux », des pans de mur démantelés, des voûtes crevées, des pierres éboulées, vestiges de l’ancien castrum qu’assiégea Simon de Montfort en 1210. Cf. Tisseyre (J.), op. cit., p. 18.
69 Timbal (P.), Un conflit d’annexion au Moyen Âge : l’application de la coutume de Paris au pays d’Albigeois, Toulouse, 1948, p. 141.
70 Eydoux (H.-P.), Châteaux des pays de l’Aude, dans Congrès Archéologique de France. Pays de l’Aude, 131e session, 1973, p. 169-253. Pour Puivert voir plus particulièrement p. 202-208.
71 Cf. Tisseyre (J.), op. cit., p. 23. La vièle avait trois ou cinq cordes.
72 Fabrié (M.-L.), op. cit., p. 56.
73 Bayrou (L.), Le château d’Arques, Carcassonne, 1988.
74 Eydoux (H.-P), op. cit., p. 210.
75 À Cordes (comme à Saint-Antonin), une cavalcade est peinte sur les murs intérieurs de la maison du Grand Fauconnier (mairie).
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