Chapitre VI. Le langage des noms1
p. 207-225
Texte intégral
1L’on a depuis longtemps remarqué le rôle de premier plan joué par un Valerius en même temps que par un Horatius, à la fois dans la fondation de la République en 509, et en 449 av. J.-C, après la crise décemvirale, pour la « restauration » des institutions républicaines1 ; et cela, qui paraissait un redoublement de l’Histoire, a été jugé éminemment suspect par certains Modernes2 : l’on a donc proposé de lire les récits de la fondation de la République comme une anticipation des événements de 449 av. J.-C. – à moins, a-t-on suggéré encore, que les Anciens n’aient amplifié les événements de 449 à la lumière des souvenirs de 5093.
2L’on peut pourtant s’interroger sur la nécessité et d’une telle suspicion, et de pareilles conclusions4.
3Il ne s’agit pas ici de vérifier l’authenticité – au sens premier du terme – des noms qui sont attachés à la « restauration » de la République : mon propos n’est pas de démontrer que tel nom de magistrat doit être tenu pour vrai, et tel autre interpolé ; au demeurant, je ferai une fois de plus remarquer qu’il ne suffit pas qu’un événement paraisse le redoublement d’un épisode plus ancien, pour qu’on ait là la preuve de l’inauthenticité de l’un ou de l’autre : l’on pourrait tirer de l’histoire la plus récente – et la mieux assurée – de multiples exemples de tels « redoublements » d’événements, certains très consciemment mis en œuvre, et dont on ne peut mettre en doute l’authenticité. D’autre part, le fait que par exemple un Fabius Pictor, ou un Valerius Antias, aient rédigé des Histoires de Rome, n’implique pas pour autant que l’on doive tenir pour hautement suspect – voire rejeter systématiquement5 – tout ce que la tradition rapporte aux Fabii ou aux Valerii6.
4Pour ce qui touche à la restauration de la République en 449 av. J.-C., Tite-Live7 comme Denys d’Halicarnasse8 insistent sur le rôle majeur qu’un Valerius et un Horatius ont joué dès les débuts de la crise décemvirale, en se référant expressément aux fondateurs de la République qui portaient les mêmes gentilices qu’eux ; ainsi, selon Tite-Live, Marcus Horatius Barbatus, s’attaquant aux décemvirs en plein sénat, « les nomma les dix Tarquins et leur rappela que c’étaient les Valerii et les Horatii qui avaient fait chasser les rois [...] ». C’est de cette affirmation que je partirai, pour tenter de comprendre le sens que tous les épisodes qui suivent en acquièrent, ou, en tout cas, le sens sur lequel les Anciens insistaient ou qu’ils voulaient leur donner. Au demeurant, qu’un Horatius et un Valerius, à ce moment, aient joué un rôle de premier plan n’aurait rien en soi qui puisse éveiller la suspicion : ils sont patriciens, ils relèvent, à en juger par les Fastes, de gentes qui étaient prédominantes au premier siècle de la République, et dont l’importance était alors déjà fort ancienne, si l’on en croit une tradition qu’au moins pour les Valerii9, la découverte récente d’une inscription est venue confirmer. En tout cas, si des chefs de gentes ont été, plus que d’autres, à même de jouer un rôle dans l’abolition de la royauté et l’établissement des institutions de la République, d’accaparer des fonctions politiques et religieuses naguère détenues par le roi, et, soixante ans plus tard, de mener encore le jeu dans la crise décemvirale, les Valerii et les Horatii devaient être de ceux là.
5Il me paraît par conséquent qu’il n’y a aucune raison de rejeter a priori les informations que la tradition donne sur eux, ou sur les épisodes auxquels leurs noms sont attachés au premier siècle de la République10 : il convient de les examiner sans confiance excessive, comme sans préjugé, et si ces informations sont mensongères et relèvent de la falsification, il faut le démontrer. En d’autres termes, il y aura lieu de mettre au jour, si c’est le cas, quelles données de la documentation ces informations contredisent, et de justifier les choix que l’on fera.
6La tradition faisait intervenir les Horatii et les Valerii aux temps les plus anciens de la Rome royale, en des épisodes qui sont extrêmement connus. Il me paraît pourtant nécessaire de les rappeler avec quelque précision, pour mettre en lumière des éléments qui, par delà la légende, pourraient être là encore très riches d’informations sur la valeur que les Anciens – singulièrement à la fin de la République et à l’époque augustéenne – attachaient à ces familles et à ces noms.
Les Horatii : entre l’histoire et la légende
7Je rappellerai les guerres « fratricides »11 qui, selon la tradition12, avaient opposé Rome à Albe la Longue13, sous le règne de Tullus Hostilius ; elles devaient s’achever avec la destruction d’Albe, la transplantation à Rome de sa population, installée sur le Caelius et intégrée dans le corps civique, et l’admission de son élite parmi les Patres14. Et la tradition s’étendait complaisamment sur les derniers épisodes de l’état de guerre, donnant des précisions fort dignes d’intérêt15 : quels en sont les éléments essentiels ?
8On remarquera d’abord le nom des fossae Cluiliae, situées à cinq milles de Rome16, entre la via Latina et ce qui deviendra la via Appia17 : les Anciens expliquaient ce nom par référence au roi d’Albe Cluilius, qui avait ouvert les hostilités et y avait établi son camp. Là avait été passé le « plus ancien traité dont on ait souvenance », accompagné du rituel qui donnerait à tous les traités à venir la garantie religieuse la plus imprescriptible18. On retiendra encore le nom des champions que Rome et Albe allaient choisir, pour un combat ultime et sans appel : trois Horatii d’un côté, de l’autre trois Curiatii. On observera comment Marcus Horatius, vainqueur et seul survivant, était revenu dans Rome en passant par la porte Capène19 où il avait, disait la tradition, tué sa sœur qui pleurait son fiancé en l’un des trois Curiaces. Enfin, on portera son attention sur les rites de purification auxquels il s’était soumis, et dont Tite-Live dit20 :
« Aussi, pour effacer malgré tout ce crime flagrant par une expiation quelconque, on ordonna au père de faire pour son fils des purifications aux frais de l’État. Après ces sacrifices expiatoires qui, par la suite, sont restés traditionnels dans la famille des Horaces, le père plaça une poutre en travers de la rue et fit passer son fils la tête voilée sous cette sorte de joug. Cette poutre existe encore et est toujours entretenue par l’État. On l’appelle la Poutre de la Sœur (Tigillum Sororium) ».
9Denys d’Halicarnasse apporte deux précisions supplémentaires21 : craignant le ressentiment des dieux si l’expiation n’était pas suffisante, Tullus Hostilius aurait demandé aux pontifes de procéder aux lustrations nécessaires ; on aurait alors décidé de dresser deux autels, l’un en l’honneur de juno Sororia, pour expier le meurtre de sa sœur par Horace, l’autre de Janus, nommé Curiatius en mémoire des trois Curiaces ; et ces deux autels, ajoute Denys d’Halicarnasse, unis par le Tigillum Sororium, se trouvent de part et d’autre de la rue qui part des Carinae et mène au uicus Cuprius22.
10Il n’est guère douteux que ces récits et ces noms ne doivent beaucoup à la légende : à les prendre à la lettre, ils ne seraient pas beaucoup plus que des fictions commodes, pour rendre compte d’appellations dont on ne comprenait peut-être plus exactement le sens. Mais des études récentes ont montré que la légende renvoie à des significations profondes, qu’il importe ici de rappeler.
Trois espaces retiendront d’abord l’attention
Les fossae Cluiliae
11On reconnaîtra dans l’établissement des fossae Cluiliae un récit étiologique, renvoyant à la fixation rituelle des confins23 ; il reproduit au VIIe siècle, sur les frontières alors récemment acquises de l’ager Romanus avec les autres peuples latins, des rites qui étaient anciennement liés à la Sacra uia, frontière de la cité romuléenne du Palatin. Ainsi, à l’entrée de la Sacra uia, du côté du Capitole, se trouvait le sanctuaire de Cloacina24 : à ce nom répond sur la nouvelle frontière celui des fossae Cluiliae, les deux dénominations renvoyant au verbe cluere = « purifier », et à des rites de purification des confins25.
12On remarquera alors que l’unification des deux populations de Rome et d’Albe, en vertu d’un traité passé aux fossae Cluiliae, reproduit celle des Sabins de Titus Tatius avec les Romains de Romulus, mêlés en une même communauté civique ; et Ton se souviendra que le premier accord avait été conclu non loin du sanctuaire de Cloacina, en un lieu qui était alors devenu le Comitium, et qu’il avait placé la Sacra uia, naguère séparation entre les deux peuples, au cœur du nouvel espace civique26.
Le Tigillum Sororium
13L’on a reconnu d’autre part, dans le Tigillum Sororium, aujourd’hui bien localisé27, une porte qui remontait à la période pré-urbaine de Rome28 : selon toute probabilité, le Tigillum Sororium, construit au VIIIe siècle av. J.-C, était la plus ancienne porte triomphale romaine – et la tradition « l’expliquait » par un récit étiologique, qui renvoyait à la victoire de Rome sur Albe la Longue. Il y a en tout cas de fort bonnes raisons pour penser que depuis des temps fort anciens, c’est au Tigillum Sororium qu’avaient lieu les cérémonies de purification de l’armée, au retour des expéditions guerrières29 : cette porte avait toutes les fonctions, concrètes mais aussi symboliques, de « passage » – de l’extérieur à l’intérieur de la Ville, ou encore de la guerre en territoire étranger à la paix dans l’espace civique30. Mais de surcroît, là devaient s’accomplir d’autres « passages », comme l’indique la présence toute voisine des deux autels de Janus Curiatius et de Juno Sororia31 : chaque année, aux calendes d’octobre, s’y déroulaient les cérémonies liées aux rites d’initiation et de passage d’âges, par lesquels jeunes gens et jeunes filles quittaient l’enfance pour entrer dans l’âge adulte ; sous le patronage de Janus Curiatius, dont l’épithète se rapporte clairement à l’assemblée curiate, les jeunes gens entraient dans le corps civique ; sous la protection de Juno Sororia, dont le nom est lié à la puberté féminine, les jeunes filles entraient sans doute dans la sphère des nubiles, futures matronae prêtes à procréer32.
La Porte Capène
14Quel sens, dans un tel contexte, doit-on alors assigner à l’entrée d’Horace dans Rome, après sa victoire sur les Curiaces, par la Porte Capène ?
15Avec l’édification de la muraille servienne au VIe siècle, c’est à cette porte qu’ont dû passer des fonctions qui étaient assumées jusque là par le Tigillum Sororium33. Dès les premiers temps de la République sans doute, c’est dans l’espace immédiatement extérieur à cette porte qu’avaient lieu les cérémonies liées au départ et au retour des magistrats revêtus de l’imperium, et l’importance de cette porte et de l’espace qu’elle commandait à l’entrée de la ville ne put que grandir avec l’extension de la Cité et le développement de ses relations avec l’Italie du Sud-34. À la fin de la République, tout un complexe monumental témoignait de ce rôle et de cette importance, et Auguste devait l’enrichir encore : on se rappellera ici, tout particulièrement, que lorsque la Ville fut organisée en XIV régions – une organisation évidemment de caractère religieux35 – la première région reçut, de façon significative, le nom de la porte Capène ; je ferai encore observer qu’en 19 av. J.-C, lorsqu’Auguste revint d’un voyage de trois ans en Grèce et en Orient, c’est près de cette porte que le Sénat dédia en l’honneur du retour du Princeps un autel à Fortuna Redux36, et sans doute le choix de ce lieu ne fut-il pas laissé au hasard37.
16Tout cela ne permet pas de douter de la valeur attachée, à la fin de la République et au début du Principat, à un espace que la tradition avait fini par charger, symboliquement, de tous les triomphes du passé : lorsque Tite-Live décrivait le retour d’Horace après sa victoire sur les Curiaces, comment n’aurait-il pas fait passer le jeune vainqueur par la porte Capène – pour lui faire ensuite accomplir au lieu qui devait leur être consacré, au Tigillum Sororium, les cérémonies de purification nécessaires – ? C’est donc à un ensemble de rites et à des significations très anciennes que la tradition renvoyait, dans des récits dont on a reconnu la valeur hautement symbolique38. Reste à se demander pourquoi les noms des Horatii et des Curiatii – celui des Valerii aussi – y étaient mêlés39, et pour les premiers rôles.
Un patronage des passages d’âge
17On l’a vu : au Tigillum Sororium étaient attachés des sacrifices qui, dit Tite-Live, « sont restés traditionnels dans la famille des Horaces »40 : l’information me paraît indiquer la nature du charisme – lié aux rituels d’initiation et de « passage » – dont les Horatii devaient être porteurs à l’époque archaïque, quelle qu’en ait été l’origine. On est alors conduit, à mon sens, à inverser les termes du raisonnement habituellement tenu : on pensera que les récits de la tradition, s’ils sont mythiques par la forme, devaient traduire des étapes bien réelles du développement de Rome ; lorsqu’ils furent élaborés, la tradition dut spontanément y mêler les noms dont le charisme correspondait alors le mieux à la signification de l’événement. En d’autres termes, c’est parce que les Horatii – comme certainement les Curiatii – avaient exercé un très ancien patronage sur les rites de passage d’âge et l’entrée des jeunes gens dans la vie civique et l’assemblée curiate, que ces noms ont pu être ceux des héros de la légende étiologique du Tigillum Sororium. On comprendra mieux alors, me semble-t-il, que la tradition en ait fait des très proches parents, et qu’elle ait été incapable de dire lesquels, des Horaces ou des Curiaces, étaient romains, et lesquels étaient albains.
18Mais ce charisme même les appelait aussi à patronner d’autres passages, et l’on ne saurait s’étonner qu’un Horatius ait accédé à la charge consulaire dès 509, première année de la République, pour remplacer Junius Brutus mort au combat contre les Étrusques41, ni qu’en cette même année Marcus Horatius ait été choisi – par le sort, disait-on – pour dédier le temple de Jupiter Capitolin, en tant que pontifex. Je retiendrai pour l’instant que ce consulat et cet honneur, en cette première année de la République, sont peut-être inventés42 ; ils n’ont sans doute pas été attribués par hasard à un Marcus Horatius.
19Le rôle que la tradition faisait jouer en 508 à un Horatius Coclès, pour la défense de la République contre les armées de Porsenna43, s’inscrit très bien dans cette perspective : seul contre la foule des assaillants, Horatius Coclés n’interdit-il pas à l’ennemi le passage du pont Sublicius – unique pont sur le Tibre – et l’entrée de la Ville ? En reconnaissance, « il eut sa statue dans le Comitium » dit Tite-Live ; et Denys d’Halicarnasse44 précise qu’Horatius Coclès était neveu de Marcus Horatius, consul l’année précédente, et qu’il descendait de Marcus Horatius, le vainqueur des Curiaces ; après son exploit au pont Sublicius, il avait reçu du peuple romain des honneurs dignes des héros, et c’est à l’endroit le plus élevé du comitium qu’une statue lui avait été offerte : sans doute faut-il comprendre que la statue avait été placée au Volcanal, le sanctuaire du comitium45.
20On retrouvera sans peine, dans de telles notations, le très haut patronage que les Horatii devaient avoir sur des « passages » essentiels de la vie du citoyen romain – patronage guerrier dans l’affaire du pont Sublicius, mais aussi patronage politique de très grande importance, sur les assemblées, et que doit, pour une part au moins, rappeler la statue élevée au cœur du comitium, quand la royauté laisse la place à la République.
Les Valerii
21Le rôle de fondateurs de la République a été tout aussi contesté pour les Valerii que pour les Horatii, et les récits des Anciens à leur sujet ont donné lieu aux interprétations les plus contradictoires46. Cependant la tradition ne se bornait pas à énumérer leurs consulats et leurs actions d’éclat, et à exposer leurs mérites : à plusieurs reprises, la relation des Valerii avec des espaces de haute valeur symbolique revient comme un thème récurrent, qui a depuis longtemps attiré l’attention des chercheurs. Le dossier en a été récemment repris par F. Coarelli qui, confrontant en une analyse systématique l’ensemble des données de la tradition littéraire et les acquis de l’archéologie, est parvenu à des conclusions ici très éclairantes.
Un patronage des frontières
Les Valerii et les fossae Cluiliae
22On se rappellera d’abord que la tradition liait doublement ce nom aux fossae Cluiliae. D’abord, dès le VIIIe siècle, c’était Marcus Valerius qui disait-on, en tant que fétial47, avait dit les formules religieuses qui devaient assurer la plus haute autorité religieuse au traité passé entre Rome et Albe : rôle essentiel par conséquent, pour la fondation d’un rituel qui donnerait ensuite leur légitimité imprescriptible à tous les traités à venir. Ensuite, dans les premiers temps de la République, la première prêtresse instituée pour le culte de Fortuna Muliebris, au temple qui allait être dédié le 6 juillet 486 près des fossae Cluiliae48, était une Valeria ; or la fondation de ce culte, établi sur un site de frontière, et réservé aux matronae univirae, paraît avoir été liée à la question du conubium et de la légitimité des mariages romains49.
23On se souviendra alors que Valeria était, selon la tradition, la fille ou la sœur de Valerius Publicola, l’un des fondateurs les plus prestigieux de la République : consul en 509, en remplacement de Tarquin Collatin qui avait dû s’exiler50, et à nouveau en 508, Publicola aurait été l’auteur de toute une série de lois « populaires » qui lui avaient valu son surnom51.
24Mais il y a plus.
Les demeures des Valerii
25À la suite de F. Coarelli, il convient de rappeler ici les traditions relatives aux demeures des Valerii52. L’on racontait en effet que Publius Valerius Publicola avait d’abord eu sa demeure in summa Velia, à l’endroit même où avait habité le roi Tullus Hostilius et où se dresserait plus tard le temple des Pénates. L’on sait qu’à l’époque augustéenne, ce temple se trouvait dans une rue qui menait aux Carinae, dans le tout proche voisinage du Tigillum Sororium53 ; et de la sorte, comme pour les Horatii, la relation étroite que la tradition établissait entre Publius Valerius Publicola et l’espace lié aux rites de passage du Tigillum Sororium – la plus ancienne porte triomphale de Rome, que la tradition rattachait au règne de Tullus Hostilius et à la victoire de Rome sur Albe la longue, on l’a vu54 – apparaît des plus claires.
26Cependant, menacé d’une grave accusation d’adfectatio regni55, Publius Valerius Publicola avait fait détruire cette maison pour faire bâtir au pied de la Velia, « à l’endroit », précise encore Tite-Live, « où se trouve aujourd’hui le temple de Vica Pota »56 : c’est-à-dire, selon toutes probabilités, en terrain public57, et en un lieu très voisin du temple de Jupiter Stator et de la porte Mugonia, dans laquelle on reconnaîtra la très ancienne porte qui, de la Sacra uia, donnait accès à la Rome du Palatin58 : à nouveau, la relation de ce lieu avec un site de très haute valeur symbolique – lié à la fondation même de la Ville romuléenne – est patente.
27On connaît d’autre part, par Pline l’Ancien, une tradition59 qui attribuait à Marcus Valerius Maximus, frère de Publicola, une maison construite à frais publics sur l’emplacement de celle de Tarquin l’Ancien, et qui, comme la maison de Publicola au pied de la Velia, ouvrait sur la Sacra uia60 : toutes informations qui suffiraient à révéler la situation prééminente dont devaient jouir les Valerii à ce moment61. Surtout, l’on se souviendra que la maison de Tarquin l’Ancien – et par conséquent, en ces premières années de la République, celle de Marcus Valerius Maximus –, était située, comme celle de Valerius Publicola, près du temple de Jupiter Stator et de la porte Mugonia, qui donnait accès, on l’a vu, de la Sacra uia au Palatin.
28Pline l’Ancien ajoute qu’à l’entrée de la maison de Tarquin l’Ancien – qui était devenue celle de Marcus Valerius Maximus – se dressait une statue féminine équestre, pour laquelle il propose deux explications62 : selon certains, le peuple l’avait offerte à Cloelia pour sa conduite héroïque pendant le siège de Rome par Porsenna63 ; mais selon d’autres, il convenait d’y reconnaître la statue de Valeria, fille de Publicola.
29Cette confusion des noms n’est pas sans intérêt : certes, Ton a depuis longtemps reconnu dans cette statue, située à Tune des extrémités de la Sacra uia, près de la porte Mugonia et du temple de Juppiter Stator, une Venus Equestris ; mais on observera aussi que Vénus allait être par la suite assimilée à Cloacina, dont elle partagerait le sanctuaire à l’autre extrémité de la Sacra uia64 ; et le nom de Cloelia – historique au demeurant – a été rapproché de celui de Cloacina et du verbe cluere : une fois encore, ces noms évoquent des rites de purification liés à des sites de confins – ici, ceux de la Ville romuléenne – ; et la substitution du nom de Valeria à celui de Cloelia pourrait bien révéler, à nouveau, le très haut patronage que devait exercer la gens Valeria sur des sites prestigieux et des passages de grande valeur symbolique, liés à l’histoire de la fondation de Rome.
Les Valerii et les jeux séculaires
30Je retiendrai enfin une information d’importance : celle qui faisait de Publius Valerius Publicola le fondateur des jeux séculaires, lors de son consulat de 509 av. J.-C65 : c’est-à-dire en l’An I de la République. On peut douter que de tels jeux se soient tenus à une date aussi haute, et l’on s’accorde très généralement pour penser que les premiers jeux à signification « séculaire » qui aient été donnés à Rome le furent au plus tôt en 348 – en liaison avec les guerres contre la ligue latine-, et plus probablement en 249 av. J.-C. – à un moment critique de la première guerre punique. Or, pas plus en 348 qu’en 249, les Valerii ne semblent avoir eu le patronage de ces jeux, qui étaient certainement alors de caractère non pas « gentilice », mais public66. Une fois encore pourtant, la tradition doit contenir un fond de vérité, qu’il est peut-être possible de retrouver. On sait en effet que les ludi saeculares avaient pour centre le Terentum, aujourd’hui bien localisé à l’extrémité du Champ de Mars, près de la boucle occidentale du Tibre67 ; là se trouvait un autel de Dispater et Proserpine, siège d’une religion infernale héritée de temps très anciens, et très nettement perceptible encore dans les jeux donnés par Auguste en 17 av. J.-C.68.
31Or, la tradition, telle que l’a transmise Valère Maxime69, ne se bornait pas à faire de Publius Valerius Publicola le fondateur des ludi saeculares : elle attribuait de plus à un Valesius, riche Sabin d’Eretum, l’« invention », la découverte, de l’ara Ditis au Terentum, où Valesius avait été conduit dans sa quête d’un feu pour soulager ses trois enfants malades70. J. Gagé a reconnu, là encore, un récit étiologique, renvoyant selon toute vraisemblance, par delà la légende, au patronage des Valerii sur un culte infernal, rendu sur les rives du Tibre à Dispater et Proserpine ; culte prophylactique71, il devait protéger les jeunes gens et les jeunes filles, les femmes enceintes, et les nourrissons, contre des maladies qui semblaient frapper tout particulièrement ces catégories de la population : en d’autres termes, le culte devait assurer la sauvegarde des générations montantes. Et le sens premier du mot saeculum, qu’il a encore chez Lucrèce, était celui, précisément, de « génération »72. Tout cela n’indique-t-il pas qu’un très ancien patronage des passages d’âge, assurant la relève des générations, revenait aux Valerii ?
32Selon toute vraisemblance, le rituel du Terentum, attaché à ces très grands patriciens à l’époque archaïque, faisait partie de la préhistoire des ludi saeculares, et Ton peut penser que le souvenir ne s’en était jamais tout à fait perdu : il a pu conduire à attribuer à Publius Valerius Publicola l’organisation des premiers jeux, Tannée même où, avec la République, s’ouvrait un nouvel âge.
33De la sorte, les récits de la tradition et les données de l’archéologie livrent un certain nombre d’indices, tous de significations convergentes : ils révèlent le charisme certainement très ancien, lié aux « passages » et aux fondations, dont les Valerii aussi bien que les Horatii étaient porteurs, et qui devaient leur donner une place prééminente parmi les fondateurs de la République. On ne saurait alors s’étonner qu’un Marcus Horatius et un Lucius Valerius aient pu jouer un rôle de premier plan dans la crise décemvirale et dans sa résolution, et qu’ils aient été appelés à patronner la refondation des institutions républicaines.
34À la lumière de ces informations, on comprendra que la tradition ait attribué à Lucius Valerius et Marcus Horatius, les délégués du Sénat auprès de la plèbe en 449, un rôle aussi déterminant pour provoquer la crise que pour la résoudre73. Ni l’un ni l’autre pourtant n’avait encore, à ce moment, de passé politique. Ils n’en forcent pas moins l’action d’un Sénat hésitant, d’abord pour s’opposer aux décemvirs qui se perpétuent au pouvoir, ensuite pour apporter à la plèbe retirée sur le mont Sacré les apaisements nécessaires. Et Tite-Live comme Denys d’Halicarnasse, on Ta vu, insistent sur ce qui les lie aux fondateurs de la liberté républicaine : portant les mêmes noms que ces fondateurs, ils se trouvent comme investis d’une mission historique, et c’est bien ce qui fait d’eux, en première lecture, les interlocuteurs privilégiés que la plèbe reconnaît et réclame74, et que le Sénat choisit75. Dans les conflits politiques qui se sont alors développés, la caution de noms prestigieux, porteurs d’un charisme lié aux institutions les plus imprescriptibles de Rome, a certainement été indispensable à la réussite des manœuvres politiques qui étaient alors tentées : on ne s’étonnera pas qu’un tel rôle soit échu à un Valerius et à un Horatius. Mais il faut aussi évoquer ici le nom des Papirii.
Les Papirii et la garde du droit au ve siècle
35R. M. Ogilvie tient pour invraisemblable, qu’en 493 un pontifex maximus, qui était nécessairement un patricien, ait présidé à l’élection des tribuns de la plèbe qui venaient d’être créés76 : le caractère « révolutionnaire » (« revolutionary character ») des tribuns de la plèbe s’oppose, pense-t-il, à l’adoption d’une telle procédure. De là, il est conduit d’abord à rejeter les informations données aussi bien par Tite-Live que par Denys d’Halicarnasse sur les événements de 471 et sur la lex Publilia ; ensuite, il est amené à réduire la présidence du pontifex maximus, pour la restauration du tribunat de la plèbe en 449, à quelque cérémonie d’auspication77 – à supposer qu’il ne s’agisse pas d’une interpolation-. Reprenant les conclusions retenues par R. M. Ogilvie, G. J. Szemler78 en vient à admettre qu’au Ve siècle av. J.-C. et encore au IVe, les noms que la tradition livre pour le pontifex maximus sont pour la plupart suspects, puisque mêlés à des événements politiques falsifiés ou interpolés : pour cet auteur, seuls méritent créance les noms associés à des pestilences et des prodiges ; et de ce fait, dans les conflits politiques des deux premiers siècles de la République, le rôle du pontifex maximus apparaît négligeable : c’est seulement avec la lex Ogilnia de 300 – avec l’entrée des plébéiens dans le collège pontifical – que ce collège aurait pris de l’importance ; alors seulement, le pontifex maximus serait devenu le plus prestigieux personnage de l’État.
36Cependant, les textes anciens démentent formellement le caractère « révolutionnaire » que R. M. Ogilvie attribue au tribunat de la plèbe ; et la cohérence profonde qui lie entre eux les événements de 493, de 471, et de 449, invite à tenir le plus grand compte des informations données par Tite-Live et par Denys d’Halicamasse sur ces épisodes. Il convient d’y revenir, pour tenter de cerner plus précisément le rôle et le pouvoir du pontifex maximus. Pourquoi, d’autre part, une partie de la tradition a-t-elle fait d’un Papirius le premier grand pontife de la République ?
Numa et la création du grand pontife, juge et arbitre de toutes choses
37Ce n’est pas au nom des Papirii, mais à celui des Mardi, que la tradition rattachait la création du premier grand pontife : le roi Numa avait confié ce sacerdoce, qu’il venait d’établir, à Numa Marcius79, son ami le plus proche et le père du futur roi Ancus Marcius80. Pourquoi le choix des fondateurs de la République ne s’est-il donc pas porté sur un Marcius, pour revêtir le grand pontificat ? Des éléments d’explication pourraient être donnés par l’aventure de Coriolan : dès 488, on l’a vu, Cneus Marcius Coriolanus, qui était lié par son mariage avec une famille de l’élite plébéienne, avait été contraint à l’exil ; et sa défaite n’a peut-être pas été étrangère – quoiqu’en dise un Tite-Live81 – à l’affaiblissement de la plèbe, et à la condamnation à mort de Spurius Cassius, le grand consul plébéien, deux ans plus tard. Cela pourrait donner à penser que les Mardi, dans les premières années de la République, étaient trop étroitement liés à de grands plébéiens, pour obtenir de la faction patricienne alors dominante – une faction certainement contrôlée par les Horatii et les Valerii – que ce sacerdoce majeur leur fût confié82. En outre, l’ascendance royale des Mardi, fortement soulignée par la tradition – et hautement revendiquée par la suite par des Mardi incontestablement tenus, quant à eux, pour plébéiens-, a pu contribuer à les faire exclure, dans les premières années de la République, d’un sacerdoce héritier pour une large part des fonctions religieuses des rois83.
38Quelles raisons purent alors inviter le collège des pontifes à élire un Papirius – si du moins l’on accepte le bien-fondé de cette tradition ? Les Papirii ne paraissent pas avoir été désignés par leur passé, plus particulièrement que d’autres, pour le grand pontificat : c’est ailleurs qu’il convient de chercher l’explication.
Les Papirii et la publication des lois royales
39Il faut évoquer ici encore les premiers temps de la République. Les textes anciens assurent en effet unanimement que peu après l’expulsion des rois, un Papirius, premier pontifex maximus de la République, avait rassemblé les lois existantes en un recueil, le ius Papirianum84. Certes, tous les textes anciens ne s’accordent pas sur le prénom de ce personnage – désigné comme Caius Papirius par Denys d’Halicarnasse85, comme Sextus par Pomponius86, ou encore comme Publius Papirius87. Mais demeure cette unanimité à désigner comme un Papirius le premier pontifex maximus après l’expulsion des rois, et à donner comme ius Papirianum la première compilation des lois que Rome ait connue. On observera alors que nul n’était mieux placé que le pontifex maximus – gardien par excellence des archives pontificales, et conservateur du droit et du formulaire sans lequel aucun acte ne pouvait avoir valeur officielle88 – pour une telle compilation, et pour faire sortir du secret les éléments du droit qu’il jugerait utile de faire connaître : en d’autres termes, si le ius Papirianum date bien des premières années de la République, il donne un poids singulier à la tradition, lorsqu’elle attribue le grand pontificat, à ce moment, à un Papirius.
40Dans une telle perspective, et si l’on admet le bien-fondé des analyses qui précèdent, on sera conduit à penser que la présence du grand pontife a dû être aussi nécessaire, en 493, pour garantir la légitimité des « magistratures » plébéiennes qui venaient d’être créées, qu’en 449, pour les restaurations accomplies.
41On ne saurait donc amoindrir le rôle qui a dû être celui du grand pontife dès les premiers temps de la République ; c’était lui en particulier qui, pour la tradition unanime, présidait l’assemblée curiate – unique assemblée politique du peuple romain jusqu’en 471-, et sa présence était indispensable pour donner leur légitimité religieuse aux décisions que cette assemblée pouvait voter. Et l’on ne saurait s’étonner que les comices appelés en 449 av. J.-C. à restaurer les « magistratures plébéiennes » aient été tenues sous la présidence d’un pontifex maximus – une présidence certainement indispensable pour assurer à cette refondation son caractère religieux imprescriptible. Cette présidence pourrait encore avoir été assurée par un Papirius, apparenté au premier pontifex maximus de la République et au rédacteur du ius Papirianum.
42Les lois de « restauration » de la République avaient reçu, de surcroît, le haut patronage d’un Horatius et d’un Valerius, comme sans doute le voulaient de très vénérables coutumes. Qui aurait pu les contester ?
Notes de bas de page
1 Cf., pour une comparaison systématique des récits de la tradition, P. M. Martin, L’idée de royauté à Rome. I, De la Rome royale au consensus républicain, Clermont-Ferrand, 1982, I, p. 294 sq.
2 La bibliographie est énorme, et les conclusions des plus contradictoires ; je me bornerai à renvoyer ici d’une part à A. Alföldi, Early Rome..., pp. 78-84 (avec 1 exposé des débats et la bibliographie), selon qui les noms de Valerius et Horatius sont interpolés en 509, et à R. M. Ogilvy, A Commentary..., pp. 250-254, qui pense la tradition, en ce qui les concerne, solidement assurée ; cf. encore les observations de de G. Poma, Tra legislatori e tiranni..., pp. 300-301.
3 En ce sens, les observations de G. Poma, Tra legislatori e tiranni..., pp. 300-301.
4 Sur la valeur de la tradition annalistique romaine relative aux premiers siècles de Rome et aux débuts de la République, et sur les légendes de fondation, constituées certainement au IVe siècle av. J.-C., sinon déjà au Ve : E. Gabba, 1966, pp. 133-169 ; cf. supra, Introduction.
5 Comme l’a soutenu A. Alföldi, Early Rome...
6 Cf. en ce sens les observations et les mises en garde d’A. Momigliano, Le origini, pp. 5-43.
7 Tite-Live, III, 39, 3 : Nec minus ferociter M. Horatium Barbatum isse in certamen, « decem Tarquinios » appellantem admonentemque « Valeriis et Horatiis ducibus pulsos reges [...] ». (éd. et trad. CUF).
8 Denys d’Halicarnasse XI, 5, 1.
9 Inscription découverte à Satricum : cf. supra, Introduction.
10 Cela, quelle que soit d’autre part la date exacte que l’on voudra retenir pour la fondation de la République, et par conséquent la crédibilité que l’on accordera aux tout premiers consulats : cf. l’exposé des débats par J. Heurgon, Rome et la Méditerranée..., pp. 264-267, avec la bibliographie.
11 Tite-Live, I, 23, 1.
12 Tite-Live, I, 23-29 ; Denys d’Halicarnasse III, 4-31 ; cf. les observations de R. M. Ogilvy, A Commentary..., pp. 105-106 ; là encore, les récits de la tradition ont fait l’objet des interprétations les plus diverses : cf. en dernier lieu A. Grandazzi, La fondation..., pp. 47-90, qui fait l’exposé d’une part des sources littéraires (avec les discussions auxquelles elles ont donné lieu, et avec les références bibliographiques), d’autre part des informations de l’archéologie (très lacunaires, en l’absence de fouilles récentes et systématiques de la région du lac albain et des monts albains) ; l’auteur propose d’interpréter « Albe la Longue » comme une fédération de communautés villageoises, « qui vénèrent en commun un dieu qu’elles honorent à la cime principale du pays » ; sur le nomen Latinum et le mouvement fédératif qui a conduit à la formation progressive de la ligue latine : P. Catalano, Linee del sistema..., pp. 151-189 ; cf. aussi supra, chap. I.
13 Sur la disparition d’Albe la Longue et ses conséquences : cf. les observations de F. Coarelli, Dintorni di Roma..., pp 70-72.
14 Tite-Live, 1,29-30.
15 Cela, quel que soit le degré d’authenticité que l’on voudra accorder aux guerres de Rome contre Albe.
16 Autrement dit, aux frontières entre Rome et Albe.
17 En 312 av. J.-C.
18 Tite-Live, I, 24, 4-8.
19 Cf. infra.
20 Tite-Live, I, 26, 12-13 : Itaque, ut caedes manifesta aliquo tamen piaculo lueretur, imperatum patri ut filium expiaret, pecunia publica. Is, quibusdam piacularibus sacrifiais factis quae deinde genti Horatiae tradita sunt, transmisso per uiam tigillo, capite adoperto uelut sub iugum misit iuuenem. Id hodie quoque publice semper refectum manet : sororium tigillum uocant.
21 Denys d’Halicarnasse III, 22, 7, confirmé par Festus., 380, 5 L et Paulus ex Festo, 399, 2 L ; par Schol. Bob. ad Ciceronem, Pour Milon, 7 ; Ps. Aurelius Victor, Des Hommes illustres, 4.
22 Cf. carte III et carte IX.
23 F. Coarelli, Il Foro Romano, 1..., p. 88 et p. 109.
24 Ici associé à celui de Janus Geminus – divinité typique, s’il en fut, des confins et des passages – ; sur tout cela, et sur Cloacina et son sanctuaire de la Sacra uia : F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 84-89.
25 À l’autre extrémité de la Sacra uia, un autre sanctuaire, celui de Jupiter Stator, lui aussi lié par la légende à la guerre des Romains de Romulus contre les Sabins de Titus Tatius, protégeait l’accès au Palatin que commandait la porte Mugonia : il y aura lieu d’y revenir ; sur tout ceci, cf. encore F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., particulièrement pp. 26-33, et pp. 108-118 pour les fonctions de la Sacra uia.
26 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 84-88 et pp. 299-300 ; supra, chap. I.
27 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., p. 111-113 ; cf. carte III et carte IX.
28 Pour le Tigillum Sororium et ses relations avec le triomphe : H. S. Versnel, Triumphus. An Inquiry into the Origin, Development and meaning of the Roman triumph, Leiden 1970, en particulier pp. 138-163 (avec la bibliographie).
29 G. Dumezil, Horace et les Curiaces, Paris 1942, pp. 40-50 et pp. 105-110 ; 1969, pp. 11-50 ; J.-P. Brisson, Mythe et histoire dans le « procès » d’Horace (Tite-Live, I, 26), en particulier p. 65 et n. 48.
30 J.-P. Brisson, Mythe et histoire..., p. 96, à propos du sacellum de Janus Geminus à l’autre extrémité de la via Sacra ; sur les fonctions de Janus : G. Capdeville, Les épithètes cultutelles de Janus, Mélanges de l’École, pp. 395-436, et plus particulièrement pp. 412-414 et 418-424, pour Janus Geminus.
31 Sur tout cela : F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 112-118 (avec la bibliographie).
32 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., p. 116, à partir de Festus 380, 1 L (avec les références bibliographiques) ; contra, G. Capdeville, 1973, pp. 430-432, mais l’argumentation paraît contradictoire : l’auteur refuse qu’aient pu se tenir, au Tigillum Sororium, des rites d’initiation des jeunes gens et des jeunes filles ; cf. maintenant les analyses de M. Torelli, Storia degli Etruschi, en particulier pp. 105-116 et p. 150.
33 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., p. 112 ; sur la localisation du Tigillum Sororium, au débouché de la Sacra uia sur les Carinae : pp. 39-40 et pp. 112-117 ; pour une datation probable au VIIIe siècle av. J.-C. : p. 111 ; sur ses fonctions de porte triomphale et pour l’explication du nom : pp. 112-117 (avec les références bibliographiques) ; 1988, particulièrement p. 275.
34 Sur les fonctions de la porte Capène – qui n’a cependant jamais eu les fonctions de porte triomphale –, à partir de la construction de la via Appia dans les dernières années du IVe siècle av. J.-C. : F. Coarelli, Roma..., pp. 150-151.
35 F. Coarelli, Il Foro Boario..., p. 56 et n. 138.
36 Cf. Res Gestae, 11 : Aram Fortunae Reducis ante aedes Honoris et Virtutis ad portam Capenam pro reditu meo senatus consecrauit Gage, Res Gestae, pp. 91-92.
37 F. Coarelli, Il Foro Boario…, pp. 275-277.
38 G. Dumézil, Horace et les Curiaces...
39 Les Valerii et les Horatii sont de ces gentes dont les Fastes consulaires du Ve siècle attestent clairement l’existence : cf. supra, chap IV et tableau ; G. Capdeville, Les épithètes cultuelles..., p. 429 et n. 4, et p. 430 et n. 1, me paraît sous-estimer, sans raison bien décisive ni claire, cet aspect pourtant bien attesté par la tradition.
40 Cf. supra, n. 103.
41 Tite-Live, II, 8, 4-5.
42 En ce sens, A. Alföldi, Early Rome..., p. 79, qui voit dans la mention du consulat de Marcus Horatius en 509 une invention de la tradition, inspirée par le souci de faire coïncider les débuts de la République avec la dédicace – qui ne serait en réalité qu’une seconde dédicace, après celle déjà accomplie par Tarquin le Superbe – du temple de la triade capitoline ; contra : A. Momigliano, Le origini..., p. 13-15.
43 Tite-Live, II, 29, 2 et 12 :[...] pons Sublicius iter paene hostibus dédit, ni unus uir fuisset, Horatius Codes ; id munimentum illo die fortuna urbis Romanae habuit. [...] Grata erga tantum uirtutem ciuitas fuit : statua in comitio posita ; agri uno die circumarauit, datum. : « Le pont Sublicius faillit livrer passage à l’ennemi, s’il ne s’était pas rencontré un brave, Horatius Codes : c’est lui qui servit de rempart ce jour-là à la fortune de Rome [...] L’État récompensa son héroïsme : il eut sa statue dans le Comitium ; il reçut tout le terrain qu’il put entourer d’un sillon en un jour ». A. Alföldi, Early Rome..., p. 82, voit dans ce récit une pure invention, sans doute déjà présente dans les écrits d Ennius et de Fabius Pidor.
44 Denys d’Halicarnasse V, 23,1-3.
45 F. F. Coarelli, Il Foro Romano, I…, p. 166.
46 Contre l’historicité des Fastes consulaires des premières années de la République, cf. en particulier A. Alföldi, Early Rome..., pp. 73-84 (avec l’historique des débats et les références bibliographiques) ; pour cet auteur, les quatre consulats de Valerius Publicola en 509, 508, 507, et 504, celui de son frère Valerius Maximus en 505, ainsi que la conduite héroïque de Valeria – ou, selon une autre tradition, de Cloelia – comme otage de Porsenna, auraient été inventés par Valerius Antias : p. 82 ; pour de tout autres analyses des données de la tradition sur les débuts de la République : A. Momigliano, Le origini..., pp. 5-43, et particulièrement pp. 11-27, pour les Fastes.
47 Tite-Live, I, 24, 4-8.
48 Pour une étude de Fortuna Muliebris (avec les sources et la bibliographie), J. Champeaux, Fortuna..., pp. 335-374 ; plus particulièrement sur Valeria : p. 336 et p. 348.
49 Supra, chap. V.
50 T. R. S. Broughton, The Magistrates, I..., p. 1-2 : les références aux sources, et l’exposé des diverses versions de la tradition.
51 T. R. S. Broughton, The Magistrates, I..., p. 2 : l’exposé des sources relatives à Valerius Publicola.
52 Pour une analyse précise de l’ensemble des textes anciens, avec les confirmations qu’apportent les données récentes de l’archéologie, pour tout ce qui touche aux Valerii : F. F. Coarelli, Il Foro Romano, /..., p. 56 et pp. 79-82 ; à la suite de cet auteur, je rappellerai ici tout particulièrement les textes suivants :
– Cicéron., de la République, II, 31, 53 :...eo ipso, ubi rex Tullus habilauerat : (la maison de Publicola se trouvait) « à l’endroit même où avait habité le roi Tullus ».
– Solin. I, 21-26 : Ceteri reges quibus locis habitauerunt dicemus. Tatius in arce, ubi nunc aedis est Iunonis Monetae...Numa in colle primum Quirinali, deinde propter aedem Vestae in Regia quae adhuc ita appellatur...Tullus Hostilius in Velia, ubi postea deum Penatium aedes facta est...Ancus Marcius in summa Sacra uia, ubi aedes Larum est...Tarquinius Priscus ad Mugoniam portam supra summam Nouam uiam...Seruius Tullius Esquilinus supra cliuumUrbium...Tarquinius Superbus et ipse Esquilinus supra cliuum Pullium ad Fagutalem lacum : « Disons en quels lieux habitèrent les autres rois. Titus Tatius, sur 1’Arx, où se trouve maintenant le temple de juno Moneta... Numa, d’abord sur la colline du Quirinal, puis près du temple de Vesta, à la Regia, qui est encore appelée de ce nom... Tullus Hostilius, sur la Velia, là où fut construit par la suite le temple des Pénates...Ancus Marcius, en haut de la uia Sacra, là où se trouve le temple des Lares... Tarquin l’Ancien, près de la porte Mugonia, en haut de la Nova uia... Seruius Tullius, (sur) l’Esquilin, au dessus du cliuus Urbius... Tarquin le Superbe, (sur) l’Esquilin lui aussi, au dessus du cliuus Pullius et près du lac du Fagutal..."
– Varron, ap. Non. 531, 19 : Tullum Hostilium in Veliis, ubi nunc est aedis deum Penatium ; Ancurn in Palatio, ad portant Mugonis, secundum uiam sub sinistra : « Tullus Hostilius (habitait) sur la Velia, là où se trouve maintenant le temple des Pénates ; Ancus, sur le Palatin, près de la porte Mugonia, en suivant la rue sur la gauche ».
53 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 49, 57, 112-113.
54 Cf. supra, p. 276-278 et n. 71.
55 Tite-Live, II, 7, 6 : Regnum eum adfectare fama ferebat, quia nec collegam subrogauerat in locum Bruti et aedificabat in summa Velia : ’ibi alto atque munito loco arcem inexpugnabilem fieri’. Haec dicta uolgo creditaque cum indignitate angerent consulis animum, uocato ad consilium populo submissis fascibus in contionem escendit : « Le bruit courait qu’il aspirait au trône, parce qu’il ne s’était pas fait donner de collègue en remplacement de [Junius] Brutus et qu’il faisait bâtir au sommet de la colline de Velia : "Sur cette position élevée et très forte, il aurait une citadelle imprenable". Ces calomnies s’accréditant dans le public indignaient et tourmentaient le consul ; il convoqua l’assemblée du peuple, fit abaisser les faisceaux devant elle et monta à la tribune ». (éd. et trad. CUF).
56 Tite-Live II, 7, 12 : Delata confestim materia omnis infra Veliam et, ubi nunc Vicae Potae est, domus in infimo cliuo aedificata ; Vica Pota était une très ancienne divinité, assimilée à Victoria : Asconius, Cicéron, Contre Pison 52, p. 13 C.
57 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., p. 82 et n.
58 F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 26-27 (avec les références aux sources) et p. 228 ; carte I.
59 Pline, Histoire Naturelle, XXXIV, 29.
60 F. F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., p. 82.
61 Pour les indices archéologiques qui confortent la tradition relative aux Valerii et leur prééminence au VIe et au Ve siècles av. J.-C, cf. F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 79-82 et n. 9.
62 Pline, Histoire Naturelle, XXXIV, 28-29. Pour l’analyse de ce texte, et de l’ensemble des sources relatives à cette statue, cf. F. Coarelli, Il Foro Romano, I..., pp. 34-36 et n. 11-12.
63 C’est la version que rapporte Tite-Live, II, 13, 6-11.
64 F. Coarelli, Dintorni di Roma..., p. 46 ; Idem, Il Foro Romano, I..., p. 83-89 (avec les textes anciens et les références bibliographiques).
65 Valère Maxime, II, 4,5.
66 J. Gagé, Apollon romain..., pp. 228-231.
67 Cf. déjà J. Gagé, Recherches sur les jeux séculaires, Paris 1934, pp. 7-23 (avec la confrontation des sources littéraires et des données de l’archéologie) ; aujourd’hui, la mise au point de F. Coarelli, Il Campo Marzio occidentale. Storia e topografia, Mélanges de l’École Française de Rome 89, 1977, pp. 807-846, et plus particulièrement pp. 837-838 (avec la bibliographie) ; carte IX.
68 J. Gagé, Apollon romain..., pp. 228-231.
69 Valère maxime, II, IV, 5.
70 Pour l’analyse de cette tradition, cf. J. Gagé, Apollon romain..., pp. 78-79.
71 Cf. J. Gagé, Apollon romain..., p. 231 : « Étymologie sincère ou jeu de mots, ce nom [Valesius/Valerius] évoquait toujours la valetudo, et les symboles que les monétaires de la gens font représenter sur leurs pièces attestent [...] que c’était là une tradition bien établie ».
72 P. Wuilleumier, Tarente et le Tarentum, Revue des Études Latines, 1932, pp. 127-146.
73 Tite-Live, III, 39,3 : cf. supra n. 7 ; Denys d’Halicarnasse XI, 5, 1.
74 Tite-Live, III, 50, 16.
75 Tite-Live, III, 51, 11 ; 53, 1.
76 R. M. Ogilvy, A Commentary..., p. 381.
77 R. M. Ogilvy, A Commentary..., p. 494.
78 G. J. Szemler, The Priests..., p. 16, n. 3, et p. 46 n. 1 pour les références bibliographiques.
79 Tite-Live, I, 20, 5.
80 Plutarque, Numa, 21 ; sur l’ascendance des Mardi : J. Gagé, Apollon romain..., p. 309 et n. 2.
81 Tite-Live, II, 34, 7-11, faisait de Coriolan un des patriciens les plus violemment hostiles à la plèbe ; mais son destin est trop étroitement lié à celui de Spurius Cassius, pour qu’on ne soupçonne pas là quelque réélaboration de la tradition ; en ce sens, les analyses de G. Poma, Tra legislatori e tiranni..., en particulier à propos des Claudii, ou du second collège décemviral, etc.
82 On rapprochera à cet égard le cas des Iunii de celui des Mardi : cf. infra chap. IX.
83 Sur les précautions que prirent en ce sens les fondateurs de la République : Tite-Live, II, 2, 1-2, à propos du grand pontife ; 3-6 : à propos de Tarquin Collatin et de l’exil auquel ce dernier fut contraint, pour la seule raison qu’il portait le même nom que le roi déchu.
84 Macrobe, Saturnales III, 11, 5 : Paul, Digeste I, 16, 144.
85 Denys d’Halicarnasse, III, 36, 4.
86 Sur le ius Papirianum : Steinwenter, RE, s.v. Ius Papirianum, 1285.
87 Digeste, I, 2, 2, 36.
88 Berger, RE, s.v. ius pontificum, 1286-1289.
Notes de fin
1 Ces pages ont été publiées, sous une forme voisine, et sous le titre « L’enjeu des sécessions de la plèbe et le jeu des familles », dans les Mélanges de l’École Française de Rome 102,1990, 2, pp. 723-765.
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