Chapitre IV. Les juristes
p. 101-125
Texte intégral
1Max Weber, dans sa conférence sur Le Savant et le politique rapproche dans une même catégorie de hors d’ordre les clercs du Moyen Âge, les mandarins chinois ou le patriciat urbain anglais du XVIIIe siècle et dans la France de la fin du XIXe siècle, le journaliste, l’artiste et l’avocat1, parce qu’ils échappent à toute classification sociale précise. Les professeurs, on l’a dit, sont aussi dans ce cas. La particularité de ces groupes sociaux réside dans le fait que leur statut est défini non par une origine sociale mais par une technicité, un apprentissage scolaire et culturel ; ils rassemblent nécessairement des membres de classes sociales différentes, même si on ne doit pas oublier qu’une bonne partie du capital culturel qui détermine leur position dans la société est aussi un héritage. Le rôle très important joué par ces catégories dans la vie politique ne s’explique donc pas tant, comme on l’a longtemps dit, par une sorte de délégation de pouvoirs à une classe moyenne dont les contours restent très flous, mais plutôt par les avantages stratégiques que représente la combinaison entre cette identité sociale peu visible et une légitimation culturelle qui s’affiche comme objective. On comprend ainsi la prédominance des députés lettrés : le diplôme, la culture légitime qu’ils représentent et la neutralité sociale que cela semble signifier permettent au parlementaire de se poser en arbitre des conflits sociaux, seul moyen de garantir l’autorité de l’État. Reste à constater et à essayer d’expliquer la prépondérance de la culture juridique sur les autres formations de lettrés.
Une assemblée dominée par les juristes
2« Nos aînés nous enseignaient les moyens de parvenir plutôt que les moyens d’apprendre [...]. Il fallait être bachelier pour être licencié en droit, licencié en droit pour être avocat, avocat pour être député, député pour être notable dans les commissions, rapporteur de commission pour être ministre, ministre pour l’avoir été, rester important, avoir la publicité qui assure le retour intermittent au pouvoir » (Anatole de Monzie)2.
Les raisons d’une prépondérance
3Les parlementaires qui ont suivi des études juridiques représentent près du tiers de notre population : 585 cas (30 %), auxquels il faudrait ajouter 55 « propriétaires » qui, sans avoir exercé de profession juridique, ont poussé leurs études jusqu’à la licence en droit. Cette proportion est bien supérieure à celle que donnent les manuels classiques étudiant la composition socio-professionnelle des assemblées (par exemple Rossi-Landi : 20 % en 1936, 15 % en 1951)3. La différence vient du choix d’un critère culturel et non d’un critère professionnel : nos « juristes » de formation sont souvent fonctionnaires, universitaires, politiciens professionnels, journalistes ou hommes d’affaire. D’ailleurs cette proportion d’un tiers rejoint celle que donne Mattei Dogan quand il étudie les formations scolaires des députés de la IIIe République4.
4Les juristes ne sont pas seulement les plus nombreux, ils sont aussi, avec les littéraires, les plus actifs. Beaucoup plus rares dans leurs rangs que dans les autres catégories sont les députés silencieux (une soixantaine de cas, à peine 10 % du groupe). Et c’est parmi eux que l’on trouve les principales vedettes gouvernementales : pas moins de 180 ministres et secrétaires d’État. Cette prépondérance est si évidente que dès le début du siècle, la science politique a multiplié les analyses pour expliquer l’avènement de cette « République des avocats » (Halévy)5.
5Les contemporains insistent d’abord sur les causes économiques : l’indemnité parlementaire ne peut suffire aux dépenses exigées par l’exercice du mandat de député (double résidence, frais de représentation et de secrétariat, frais électoraux) et par le mode de vie implicitement induit (réceptions, salons, etc.). Outre qu’ils disposent en général d’un patrimoine et de rentes, les avocats peuvent, seuls parmi les professions libérales, maintenir leur cabinet et leur clientèle en faisant appel à des collaborateurs : secrétaires, stagiaires et adjoints préparent les dossiers, s’occupent du tout-venant et il suffit au député avocat de recevoir les clients importants et de ne plaider que les très grosses affaires. Mieux, l’exercice d’un mandat peut élargir la réputation d’un avocat et attirer une clientèle supplémentaire. D’un point de vue électoral, c’est d’ailleurs cette ouverture du cabinet au public qui permet aux avocats (et aux médecins, mais ces derniers, eux, n’ont guère la possibilité de cumuler des fonctions de député et un exercice professionnel quotidien) de concurrencer la notoriété et l’influence locale de l’élite traditionnelle des propriétaires fonciers. Comme le dit Louis Barthou,
« qui n’a pas vu, en province, un jour de marché, dans une petite ville, l’antichambre du cabinet d’un avocat encombrée de paysans venus pour un oui, pour un non, pour rien, ne peut savoir comment se forme une influence patiemment amassée, comment est faite une autorité d’arrondissement »6.
6Cela peut expliquer pourquoi médecins et avocats, républicains modérés ou radicaux, étaient les mieux à même de recueillir l’héritage électoral de propriétaires royalistes ou ralliés.
7Une autre piste d’explication relève la continuité entre le métier d’avocat et celui de parlementaire. Max Weber expose que « l’entreprise politique n’est précisément qu’une entreprise d’intérêt. [...] Or le métier de l’avocat spécialisé consiste justement dans la défense efficace des intérêts de ceux qui s’adressent à lui. En ce domaine, l’avocat surpasse tout fonctionnaire. Dans une mesure de plus en plus grande, la politique se fait aujourd’hui en public et, partant, elle se fait avec ces moyens que sont les mots parlés et écrits. Or peser l’effet des mots est une tâche qui fait partie au premier chef de l’activité des avocats et non de celle d’un fonctionnaire spécialisé qui n’est pas un démagogue et qui, par définition, ne peut l’être.7 »
8Dans le même ordre d’idées, Henry Lémery souligne la similitude des démarches pour la défense de la liberté individuelle qui seraient la fonction commune de l’avocat (dans l’exécution des lois) et du parlementaire (dans l’élaboration des lois)8. André Tardieu, lui, préfère dénoncer les conséquences néfastes du rôle des avocats en politique et explique comment les mêmes hommes ont parfois à traiter des mêmes affaires soit comme député, soit comme « avocat-conseil », multipliant les abus9. Et, à la suite de Barrès10 et de Jouvenel11, il développe le portrait du parlementaire professionnel, bénéficiant dans sa double profession de juriste et de député des relations et des informations que lui apporte chacun des deux métiers : formation au discours et aux textes de loi, connivence culturelle, camaraderie affichée (tutoiement entre collègues), solidarité dans le privilège. En créant cet esprit de corps et en privilégiant une rhétorique creuse et coupée de l’action, les juristes seraient responsables des maux de la IIIe République12.
9On peut reprendre ces éléments pour essayer de tracer, en cohérence avec notre démarche, une explication de la prédominance des avocats à l’Assemblée qui se fonde sur des variables culturelles (sélection scolaire et acquis d’une formation intellectuelle) dont la combinaison est spécifique aux juristes :
10- Le parcours scolaire et universitaire qu’a dû suivre le juriste a multiplié les barrières sociales et économiques : ségrégation scolaire à l’école élémentaire ; difficulté d’accès à un enseignement secondaire onéreux ; inquiétude enfin à s’engager dans des études juridiques et un métier d’avocat qui ne commence à être rémunérateur qu’après quelques années d’exercice et d’investissements. Cette sélection par l’argent, sans exclure complètement la possibilité d’intégrer quelques boursiers, définit une appartenance à la classe moyenne aisée dont les valeurs et les codes sociaux constituent le centre de gravité des groupes très divers qui sont représentés au Parlement. Paul Reynaud décrit ainsi ces fils de famille dont il était :
« Beaucoup d’avocats avaient un patrimoine familial leur permettant de considérer leurs gains au barreau comme un simple appoint. À ceux-là, volontiers frondeurs, dénigrant souvent la vie politique jusqu’au jour où ils trouvaient un siège, la vie du Palais était facile et douce. Ils faisaient leur la formule d’un conseiller du Roi du XVIe siècle : "Le fait d’avocasser est tenu pour chevalerie" »13.
11- Les humanités ont eu pour rôle, on l’a vu, d’assurer une homogénéité culturelle à l’élite politique. Facilitant la validation de l’héritage symbolique familial des privilégiés, elles permettent en outre l’intégration d’un petit nombre de boursiers. Elles apportent l’indispensable maîtrise du langage, par la rhétorique et l’imitation des classiques.
12- Les méthodes d’apprentissage, tant au lycée qu’à la Faculté de Droit, restent fondées sur la mémoire et la capacité à fournir une grande quantité de travail : deux qualités qui seront un élément précieux de la panoplie intellectuelle des hommes d’État.
13- La pratique professionnelle enfin combine l’expérience du discours public, la confrontation aux textes de loi et l’ouverture sur la réalité sociale, trois expériences qui manquent à leurs collègues issus d’autres filières.
La sélection sociale des juristes
14La composition sociale du groupe des députés juristes est le reflet d’une sélection par la fortune et par la culture : on y retrouve les conséquences d’une orientation professionnelle conditionnée par la tradition familiale, par le coût des études et par la sélection scolaire.
15La sélection universitaire est très faible : elle n’a pas de raison d’être puisque c’est l’enseignement secondaire qui effectuait l’essentiel du tri. Dès lors qu’il peut trouver de quoi se loger et se nourrir, le boursier obtiendra sans mal sa licence, au prix d’une mémorisation assez facile.
16Pourtant, on peut parler avec André Siegfried, d’une culture héritée14 : les dynasties de juristes sont monnaie courante, tant à cause de l’environnement culturel familial que pour des raisons matérielles : il est bien utile de bénéficier de la clientèle familiale pour une étude de notaire ou un cabinet d’avocat. De même, les généalogies politiques sont ici plus nombreuses qu’ailleurs (une centaine de cas, dont Ferry, Caillaux, Teitgen, Flandin, Deschanel pour ne citer que les plus célèbres) : signe que la formation juridique et le métier d’avocat sont perçus comme des écoles préparatoires à une carrière de politicien professionnel, lorsque l’on décide de reprendre le flambeau.
17La sélection par la fortune se voit dans le grand nombre de députés juristes issus de la haute bourgeoisie. Il y a d’abord ceux qui, de toute évidence, n’ont jamais exercé de profession juridique, les 55 parlementaires que nous avons extraits du groupe des propriétaires : ce sont en général des industriels qui, après leur droit, prennent la succession de leur père, comme François Peugeot15 ou Jules Dansette (le père de l’historien) dans le Nord16 ; ou bien de pittoresques grands propriétaires qui vivent dans leurs propriétés et en profitent pour mener des études érudites : ainsi Auguste Puis, docteur en droit, académicien, auteur d’une dizaine de livres de voyages et d’histoire (Les Lettres de cachet à Toulouse au XVIIIe siècle), sous-secrétaire d’État à l’agriculture dans le ministère Briand de 192217. Les souvenirs de Raymond Triboulet décrivent une jeunesse dorée : licence en droit, puis licence en lettres à Paris, puis gestion d’une grande ferme en Normandie ; il abandonne alors une thèse d’histoire sur saint Raymond Pennefort, donne un peu dans le journalisme (chroniques financière à Pour et Contre), commence une autre thèse qu’il n’achève pas sur les receveurs de seigneuries en Ile-de-France, avant de se tourner vers la politique (il est battu aux élections de 1936) ; à la suite de la guerre et de sa participation à la résistance, il entre dans la fonction publique comme sous-préfet de Bayeux18.
18À côté des rentiers qui n’utilisent qu’occasionnellement leur bagage universitaire, on trouve un groupe de notables, important en nombre mais que nous ne saurions chiffrer avec précision, les notices biographiques n’évoquant que rarement les richesses héritées. Ils sont tout aussi fortunés, mais ont choisi de planifier leur carrière d’avocats ou de fonctionnaires. Des figures célèbres illustrent cette catégorie de juristes, de Joseph Caillaux à Raymond Poincaré, Maurice Colrat, Joseph Paul-Boncour ou Robert Schuman. L’exemple de François Pietri est parmi les plus typiques. D’une famille patricienne de magistrats, préfets et parlementaires, il ne dédaigne pas les chemins de traverse au cours de ses années de formation : les plaisirs de l’histoire qu’il étudie en Sorbonne sous l’autorité de Seignobos (« l’impartiale Clio qui fut la Muse de mon lointain suffrage et dont il m’arrive encore d’implorer les faveurs »19), comme ceux du sport (golf, polo, escrime ; il est membre du comité international olympique) ou du journalisme à L’Illustration ; toutefois son parcours scolaire est sans faille : école Stanislas, goût pour les humanités et les classiques « sans le concours desquels il n’est, en toute matière, que demi-science et demi-culture »20, prix au concours général, diplôme de sciences politiques, doctorat en droit, concours de l’Inspection des Finances, qui représente pour lui « le principe des élites qui rend à une société nivelée par l’électoralisme le stimulant rajeuni d’une sorte de noblesse »21.
19À l’autre extrémité de l’échelle sociale, les boursiers sont bien plus rares que dans les autres groupes ; on trouve toutefois quelques enfants d’instituteurs qui finissent leur droit en travaillant dans l’administration, comme Félix Gouin22 ou Henri Pic23, des fils de petits commerçants comme Aristide Briand24 ou Maurice Bokanowski25 ou d’employés comme René Ruklin26, et même des fils de prolétaires comme Laurent Casanova, fils de cheminot27.
20Entre ces deux extrêmes, la majorité des députés juristes se situe dans la moyenne bourgeoisie, une aisance confortable permettant de financer de longues études parisiennes : les parents sont professeurs (Jean Cruppi)28, petits entrepreneurs (Jacques Chaban-Delmas)29, notaires (Louis Marin)30, négociants (Pierre Mendès-France31), et bien sûr, en grand nombre, hommes de loi. L’acquisition de titres et de diplômes correspond alors à une stratégie de promotion sociale et de légitimation des privilèges, héritée de la fin du XIXe siècle, que Christophe Charle décrit avec précision : « Les élites recrutées sur le mode nouveau ont une plus forte légitimité puisque l’idéologie méritocratique dont elles se réclament implique par hypothèse que ce sont les meilleurs et les plus méritants qui dirigent. [...] Il s’agit évidemment d’un idéal par rapport aux réalités sociales mais il repose quand même sur une série d’indicateurs objectifs (concurrence plus poussée, allongement des filières, caractère viager des positions, déclin de l’hérédité directe au profit de l’hérédité indirecte, passage entre champs et entre générations) qui accentuent l’ouverture relative à l’intérieur de la classe dominante et d’une faible fraction des dominés [...]. [Cela] exige de chaque individu une somme beaucoup plus considérable d’énergie qu’auparavant, ce qui détourne les moins nantis de remettre en cause les lois de fonctionnement du système, plus facile à dénoncer quand elles étaient ouvertement biaisées. »32
Types de carrières
21Les études juridiques débouchent sur quatre grands types de carrières. Il y a d’abord la masse des petits hommes de lois de province, qui se contentent d’études courtes ne dépassant pas la licence et deviennent notaires, avoués, avocats ou politiciens professionnels. C’est le groupe le plus nombreux et socialement le plus hétéroclite, où l’on trouve aussi bien l’héritier qui n’exerce que quelques années, l’industriel, le petit notable, avoué ou notaire, ou le parvenu de la petite bourgeoisie qui défend les grévistes poursuivis en justice.
22Mais la plupart de ceux qui deviendront des vedettes politiques ont préparé leur carrière en ajoutant une qualification supplémentaire à leur licence en droit. Il y a d’un côté ceux qui ont tenu à garder une teinture littéraire, pour le plaisir et pour la maîtrise de la culture et de la langue (François Pietri33, François Mitterrand34, Pierre Mendès-France35). Il y a les « vrais » juristes, qui se distinguent en ajoutant à leur droit un diplôme de science politique, ou de sciences économiques, ou en allant jusqu’à un doctorat ; dans ce groupe, les plus doués et les plus ambitieux sont ceux qui réussissent le concours de secrétaire de la conférence du stage des avocats : cela permet d’être remarqué par les avocats les plus célèbres, de devenir leur collaborateur. Pour y être admis, surtout à la place enviée de premier secrétaire, il faut avoir prononcé le meilleur discours sur un sujet imposé, mi-juridique, mi-littéraire. Véritable préparation aux fonctions d’homme d’État, on s’y exerce à l’art oratoire et on s’y forge des amitiés durables entre membres d’une même tranche d’âge que l’on retrouve ensuite sur les bancs du Palais-Bourbon. S’y sont distingués, par exemple, Raymond Poincaré, Joseph Paul-Boncour, Louis Barthou, Paul Reynaud, Pierre Cot ou Gaston Deferre. Bien plus élitiste, ce groupe est réservé à la bourgeoisie et aux notables, de même que celui des carrières de juges et de professeurs de Droit (André Philip, Pierre-Henri Teitgen36, Alexandre Ribot37.) Le dernier type de débouché des études juridiques est la haute fonction publique : préfectorale, corps diplomatique, inspection des finances, Conseil d’Etat. Si les difficiles concours de cette filière excluent, à une ou deux exceptions près, les boursiers d’origine populaire, on y trouve mêlés des membres de la petite bourgeoisie désireux de s’élever socialement (Louis Lépine38), des membres de la moyenne bourgeoisie qui y voient un moyen d’utiliser leur réussite scolaire (Léon Blum, Robert Buron, Michel Debré) et des enfants du sérail (Joseph Caillaux, Valéry Giscard d’Estaing).
Une catégorie de députés majoritairement de droite
23Les origines sociales du groupe des juristes se reflètent dans l’orientation politique des députés juristes. Sur les 585 députés étudiés, 338 se situent à droite et au centre droit (58 %), pour 174 radicaux et seulement 73 socialistes et communistes. Si on y inclut les rentiers qui, sans exercer de métier juridique, ont une licence en droit, on arrive à une proportion de 61 % de députés pour la droite et le centre droit.
24Chez les communistes, l’avocat est très rare et fait figure d’anomalie, à l’exemple de Guy de Boysson, cas extrême du notable type (famille mi-aristocratique, mi-bourgeoise, grand séminaire, lycée Jeanson de Sailly, École des Sciences Politiques, doctorat en droit avec une thèse dédiée au Maréchal Pétain en 1943), qui devient, dans la Résistance, compagnon de route du PCF, puis est élu en 1946 député de l’Aveyron et utilisé par le parti, à cause de ses compétences et de ses origines, comme président directeur général d’une banque liée aux pays de l’Est39.
25À la SFIO, les noms des dirigeants qui ont été avocats évoquent un parti de juristes : Aristide Briand, Joseph Paul-Boncour, René Viviani, Léon Blum, Vincent Auriol ou Paul Ramadier. Mais pour les premières générations, ces figures de proue sont des exceptions dans un groupe parlementaire aux origines en général bien plus modestes ; ce n’est que dans la dernière génération, née après 1900 et donc surtout sous la IVe République, que l’on assiste au ralliement, à cause du déclin d’un parti radical qui a perdu son aura de gauche, des héritiers de la tradition d’une gauche française plus républicaine que marxiste : Pierre-Olivier Lapie, André Philip ou Gaston Deferre ont précédé François Mitterrand dans ce type d’évolution politique.
26Les radicaux voient leur influence chez les juristes culminer dans la seconde génération des députés, nés entre 1871 et 1895 : ils détiennent les leviers du pouvoir et, notablement assagis, attirent dans leurs rangs les héritiers des élites traditionnelles. C’est particulièrement net dans les deux catégories représentatives de ces notables, les avocats de haut niveau (docteurs ou membres de la conférence du stage) et les hauts fonctionnaires. Dans la première génération, la droite accueille l’écrasante majorité de ces députés (75 et 80 %) ; dans la seconde, ils se partagent entre la droite et les radicaux ; dans la troisième génération, à la suite du déclin du parti radical, la plupart regagnent les rangs de la droite et du centre tandis qu’un petit nombre glisse vers la SFIO.
27Enfin, plus globalement, on note d’une génération à l’autre une baisse régulière de la population des députés de culture juridique. Ce phénomène peut s’expliquer par des facteurs politiques et sociaux : la société française, en s’urbanisant, est moins marquée par l’importance des réseaux de clientèles locales, de notabilité rurale qui expliquait en grande partie les succès des avocats de province. Mais là encore, l’explication par l’évolution de la culture et des mentalités a sa pertinence : les électeurs et la société politique en général (élus, médias, etc.) attachent de moins en moins d’importance à la valeur du discours, de la parole parlementaire et au rôle du droit, du texte de loi : à la recherche de résultats palpables, de mesures concrètes, ils se tournent plus volontiers vers un autre type de techniciens, les spécialistes de l’action gouvernementale.
Une culture de gouvernement
28Une boutade de Clemenceau qui affirmait que « Poincaré savait tout mais ne comprenait rien, alors que Briand ne savait rien, mais comprenait tout »40 souligne l’embarrassante ambiguïté de la culture des juristes. La culture de Poincaré, avocat d’affaires, apparaît avant tout comme une culture de littéraire, faite, comme chez les normaliens, de connaissance des classiques, de mémoire et de rhétorique41 ; et si celle de Briand n’était pas aussi déficiente que ses ennemis aimaient à le rapporter42 et que lui-même, avec un brin de mépris, aimait à l’afficher (il déclarait ne jamais lire, sauf des romans policiers, et ne jamais rédiger une ligne43,) son refus des références, des connaissances précises, des faits et des chiffres qui étayent une argumentation montre qu’un avocat d’assises et un Président du Conseil pouvaient très bien s’en passer.
29L’exemple de nos deux avocats députés les plus célèbres fait donc apparaître, au premier abord, l’inconsistance, l’absence de contenu de ce qui serait une culture spécifiquement juridique. Mais on verra que cette absence de références spécifiques à un ensemble de savoirs reconnus cache un contenu culturel d’une autre nature, une méthode, une technique, des savoir-faire plus qu’un corpus de connaissances.
Une non-culture ? Droit et lettres
30À lire les livres de souvenirs, on est surpris de constater à quel point les études juridiques paraissent des formalités sans importance, qui exigent peu d’efforts et marquent peu la culture et la mémoire. Ainsi Louis Lépine, futur préfet et député de la Loire, parle de son passage à la Faculté de droit, racontant qu’il « y a fait ce qui s’y faisait alors, peu de choses, consacrant [ses] loisirs à l’économie politique et à des essais littéraires. »44 Paul Reynaud en a surtout retenu « des lectures et d’interminables promenades dans Paris »45. Michel Debré note que « le meilleur de mes maîtres fut la lecture »46.
31La facilité des études permet à de nombreux étudiants de consacrer l’essentiel de leur temps à d’autres activités. Peu avant l’examen, la mémorisation rapide des notes d’un camarade se révèle un bagage suffisant. Pour les uns, cela offre la possibilité de travailler pour financer ces études (Gaston Monnerville, par exemple, travaille comme ouvrier à la cartoucherie de Toulouse pendant qu’il prépare sa licence47) ; pour les autres, c’est le moyen de mener de front d’autres études. Symptomatiquement, lorsque se pose le problème du choix de l’assiduité aux cours entre les deux formations, c’est toujours la Faculté qui est sacrifiée au bénéfice de l’autre lieu d’études : École de hautes études commerciales (Paul Reynaud48,) École du Louvre (Michel Geisdoerfer49,) la Sorbonne (Raymond Poincaré, Léon Bérard et tant d’autres) ou, pour les plus nombreux des futurs députés, l’École libre des Sciences Politiques (par exemple Jacques Chaban-Delmas qui en outre gagne sa vie en écrivant dans des journaux économiques)50. Certains collectionneurs cumulent même un nombre remarquable de diplômes, à l’exemple de l’insatiable Louis Marin : droit, lettres, sciences-politiques, philosophie, anthropologie, museum d’histoire naturelle, Ecole des hautes études, École du Louvre !51
32En somme, le droit n’est pas source de références culturelles ou historiques : on ne trouve nulle part dans leurs mémoires de ces lignes où l’ancien étudiant exprime sa fascination enthousiaste pour une matière ou pour un professeur. Pour ces juristes, la vraie culture reste la culture classique des belles lettres, de l’histoire et de l’antiquité, qu’ils ont acquise au lycée. C’est évident pour ceux qui choisissent la filière de la double licence (droit et lettres) : ce parcours universitaire, qui garde quelque chose d’un peu bohème dont se souviennent avec nostalgie ceux qui l’ont emprunté, correspond à deux catégories d’avocats. D’abord les enfants de notables marqués par la culture familiale, qui ont bien réussi au lycée et ne se résignent pas à abandonner l’étude des lettres. René Coty52 est dans ce cas, mais l’exemple le plus brillant est celui d’Anatole de Monzie ; les journalistes le désignent comme le meilleur humaniste du Parlement, avec, on le notera, cette conviction assez significative qu’il existe un lien entre l’étendue de la culture littéraire et la capacité à gouverner : ainsi dans la revue Les Hommes du jour de septembre 1938 on le compare aux plus savants :
« Il est donc des cerveaux capables d’absorber tout le savoir, toute la culture ? Bien sûr il y a eu Jaurès, Berthelot, bien sûr il y a Herriot, Léon Blum. Il est des êtres qui ne disposent, comme nous, que de journées de 24 heures et qui, pourtant, apprennent, analysent, relient tout ».
33Au quartier latin d’avant l’affaire Dreyfus, ce parfait représentant de notre seconde génération de députés a croisé une pléiade de futurs littérateurs et députés, Jouvenel, Tardieu, Alexandre Zevaès, Albert Métin, Léon Escoffier53.
34L’autre groupe de juristes fréquentant l’intelligentsia littéraire du quartier latin est celui des étudiants socialistes. Peu nombreux, souvent boursiers, ils prolongent eux aussi ce goût des lettres qui a assuré leurs succès scolaires. Alexandre Zevaès, qui est de la même génération qu’Anatole de Monzie, nous a laissé une longue description du quartier latin, côté bohème : si c’est bien pour étudier le droit qu’il quitte Moulins, sa « petite ville natale aux maisons tranquillement recroquevillées, peuplée de rentiers, de petits bourgeois, de fonctionnaires, de petits commerçants », ce n’est pas de ses études qu’il parlera dans ses souvenirs mais de la « vie intellectuelle intense » et de ses « préoccupations politiques et littéraires » : côté littéraire, il décrit une floraison de petites revues, des cafés où se réunissent poètes et étudiants (les étudiants socialistes se réunissaient à La Source, les littérateurs au François Ier ou au Voltaire), sous l’influence des aînés que sont Verlaine et Barrès, des banquets autour de Jean Moréas, Laurent Tailhade, Anatole France, Gauguin, Octave Mirbeau, Félix Fénéon ; côté politique, il fonde l’Association des étudiants socialistes, avec un petit groupe de futurs députés, Léon Thivrier, Jean Longuet et Jean-Louis Breton, plus tard ministre mais à l’époque blanquiste et emprisonné pour menaces à l’encontre du Chef de l’État ; ils veulent réagir contre le conformisme oisif de la majorité des étudiants :
« Les étudiants paraissaient préoccupés surtout de se montrer dignes des prébendes conquises par leurs pères et une telle ambition n’exigeait qu’un médiocre effort. Tous ces futurs avocats, futurs avoués, futurs docteurs, futurs professeurs, étaient profondément conservateurs, non au sens monarchique mais au sens social du mot. »54
35Après lui, les générations suivantes d’avocats socialistes, Léon Blum, puis Vincent Auriol, François Chasseigne, Eugène Frot, puis François Mitterrand et Pierre Mendès-France suivront ce même parcours initiatique, entre la Faculté des lettres, la fréquentation des écrivains, les débats et les luttes politiques ; dans toutes ces activités, les études de droit qui sont en principe leur activité principale, semblent ne tenir que très peu de place.
Une culture de l’ambition et de la volonté : droit et sciences politiques
36Le cumul de la licence en droit et du diplôme de sciences politiques caractérise les ambitieux qui ont choisi, pour se distinguer de la masse et se préparer à la vie politique, la voie des concours de la haute fonction publique et l’École des Sciences Politique qui y prépare. Parmi les filières de formation juridique, c’est sans doute la seule qui, sans vraiment concurrencer ou dévaluer le fonds littéraire dominant acquis au lycée, y ajoute un ensemble solide de références culturelles fortes. Université privée préparant à la vie publique, l’École est en effet une institution originale et paradoxale ; elle sélectionne ses élèves en bonne partie selon un critère social : des études plus sélectives et plus onéreuses que l’université, sans utilité directe pour trouver une profession, et donc réservées aux privilégiés qui ont le temps et les moyens de prendre des risques. Jacques Chaban-Delmas sent bien qu’il n’est pas du « bon » milieu dans cette école, qu’il détonne parmi des « snobs »55 ; Lucien Lamoureux explique que
« les élèves appartenaient pour la grande majorité à la vieille aristocratie ou à la grande bourgeoisie. L’enseignement, inspiré par les idées libérales et conservatrices, convenait parfaitement à ces milieux. [...] Dans ce milieu froid, réservé, distant, snob, on conçoit que je ne me sentais guère à l’aise alors que j’étais modestement vêtu et chaussé par les soins des artisans ruraux de mon village. »56
37Le contenu de cet enseignement à l’originalité, selon la volonté du fondateur Boutmy, d’apporter à une élite un complément technique, concret, ouvert sur la réalité politique, économique et internationale, destiné à combler les lacunes d’une formation universitaire qui paraissait à la fois facile, superficielle, n’en appelant qu’à la mémoire, répétitive et coupée de la vie. D’où une forme de culture plus sobre et plus précise, moins littéraire et moins classique, dont l’empreinte la plus voyante réside dans des discours caractérisés par un mélange de simplicité, de clarté et de technicité qui étonne les contemporains habitués au lyrisme un peu emphatique des avocats d’assises. Enfin, sans doute à cause de ces principes d’adaptation à la réalité, il y a une sensible évolution des contenus culturels d’une génération à l’autre, et l’on peut suivre à travers nos générations de députés la permanence d’un état d’esprit et les transformations des connaissances acquises.
38De la première génération, Alexandre Ribot est le symbole : encore pétri de l’académisme humaniste du XIXe siècle, il y ajoute l’érudition politique et juridique. E. Fournol le décrit57 : « De tous nos hommes d’État, Monsieur Ribot est le plus académique... [La politique académique] exige des connaissances, de la doctrine, de la gravité, de la modération. Elle a son siège à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, plus qu’à l’Académie Française. Par l’École des Sciences Politiques, elle reproduit son propre type avec une imperturbable fidélité [...] Monsieur Ribot est certainement éloquent, il est toutefois peu lyrique. Il présente les choses avec une simplicité si évidente qu’on est saisi de l’impossibilité d’être d’un autre sentiment ». Et Charles Benoist ajoute : « Ce n’est pas que Monsieur Ribot n’ait pas beaucoup lu, et lu de tout, [...] mais depuis ce temps-là, la Chambre l’avait saisi, et il allait de préférence aux documents parlementaires [...] : il jonglait de mémoire avec tous les chapitres du budget, des lois et des actes diplomatiques. »58
39La seconde génération a une culture plus technique, plus juridique. C’est celle de François Pietri, de Pierre-Etienne Flandin, « économe de gestes et d’effets oratoires, il dit crûment et en peu de mots des choses utiles »59 ; celle aussi de René Mayer qui sent lui-même que cette formation l’isole de ses collègues provinciaux : « La France est le pays des Sarrien, des Monis et des Queuille. J’aurai toujours du mal à leur ressembler »60 ; et Maurice Bourgès-Maunoury de commenter : « Son éloquence, pour n’être point parlementaire, était plutôt celle du haut fonctionnaire, imperturbable sur la technique. »61
40La troisième génération enfin y ajoute la technicité des sciences économiques et administratives : c’est celle qui va de Pierre Mendès-France et Michel Debré à Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing : in fine et pour ce dernier, le plus jeune d’entre eux, l’ouverture de l’ENA fixe ce profil culturel et le fige en un modèle peut-être plus stéréotypé.
Les docteurs en droit et l’évolution de la pensée juridique
41L’exemple de ceux qui sont passés par l’École des Sciences Politiques nous permet de mieux comprendre ce qui constitue l’univers culturel des députés juristes : pour la majorité d’entre eux, c’est une formation pratique, sur le tas, dans les cabinets d’avocats, qui leur a donné une certaine forme de pensée, une méthode. Mais il y a une minorité de « vrais » légistes qui, ayant prolongé leurs études jusqu’au doctorat, ont participé aux débats qui, entre 1880 et 1930, ont divisé le monde des professeurs de droit. Ces députés, assez peu nombreux, font le lien entre les théoriciens du droit, les praticiens et les créateurs du droit : ils conjuguent les points de vue de l’université, du tribunal et du parlement.
42André-Jean Arnaud62 a décrit l’évolution de la pensée juridique en confrontant trois moments des débats sur la doctrine63 et trois générations de magistrats dont la chronologie rappelle celle que nous avons adopté pour classer nos députés.
43Il représente la première période, étendue à presque tout le XIXe siècle, comme celle du culte du Code civil : la tâche du juriste se limite à une exégèse de ces Tables de la loi. Cette « École de l’Exégèse » voit son influence dominer jusqu’en 1880 et se prolonger au-delà, chez les magistrats les plus conservateurs, malgré le triomphe, à la fin du siècle, des tendances qui s’opposent à elle. Elle se caractérise par le refus absolu de toute interprétation personnelle ou de toute adaptation subjective de la loi : on doit rechercher « quelle fut l’intention du législateur en posant la loi qu’il leur fallait interpréter. Pour ce faire, les exégètes pouvaient se référer aux travaux préparatoires de la loi à interpréter. Dans l’exposé des motifs, les discours des rapporteurs, les débats devant les assemblées parlementaires, le juriste pouvait trouver des éclaircissements sur les points où surgissait le doute. »64 Arnaud décrit les professeurs de droit de la fin du XIXe siècle comme les « gardiens du droit inviolable et sacré de propriété et du respect de la liberté des conventions, les deux grande « colonnes » du droit civil, dans ce ghetto qu’ils acceptèrent au nom de l’autonomie du juridique, tant par rapport au politique qu’aux pressions sociales et économiques. À ces dernières, leur idéalisme leur interdisait de céder, si ce devait être au préjudice de leur bible : le Code civil. »65 Ces maîtres de la loi, ces « législateurs [il s’agit bien ici de nos députés juristes], magistrats, auteurs de la doctrine se conduisent alors en pontifes, véritables ministres d’un culte, le droit, hauts dignitaires, personnages prestigieux et gonflés de leur importance. »66
44Les plus anciens de nos députés docteurs en droit, formés à cette école, ont visiblement été marqués par cette vision d’un code immuable et par la révérence envers une loi qu’il convient d’appliquer sans l’interpréter. Le modéré Jean Cruppi, né en 1855 à Toulouse, ami de Poincaré et de Barthou, qui a été avocat général à la Cour de cassation avant de devenir Ministre de la Justice en 1911, en est un bon exemple. Ses livres restent de scrupuleux commentaires des intentions du législateur : ainsi ses ouvrages sur La Cour d’Assise (1898) ou son Commentaire de la loi de 1905 sur les Justices de Paix (1905)67. Quelques grands avocats de cette génération (Louis Barthou, Georges Berry), des conseillers d’État (Paul Chassaigne-Guyon), des professeurs de droit (Maurice Colin, chroniqueur du « Sirey »)68 partagent cette culture juridique ancienne : soit qu’ils aient fait leurs études avant les années 1880, quand les tenants de l’exégèse dominaient sans partage l’université, soit qu’ils se soient rangés, à la fin du XIXe siècle, dans les rangs des traditionalistes qui résistaient au renouvellement en cours de la doctrine.
45Cette formation induit une vision particulière du rôle du parlement et des parlementaires, assez caractéristique de la mentalité des politiciens du début de notre période : les députés doivent se contenter de voter le budget et de compléter, avec précaution, par quelques lois, rares et prudentes, les codes existants. Dans cette activité de législateur, la fonction du député consiste à dire la loi, qui est rédigée, à l’exemple du Code Napoléon, en termes brefs et généraux : par son discours à la tribune, il en précise oralement la portée. Ainsi le juge n’a plus qu’à se référer aux discours pour appliquer la loi, le plus littéralement possible. Cette façon de voir explique en partie l’importance de la parole pour les parlementaires du début du siècle : pour eux, c’est dans cette fonction d’énonciation que s’épuisent le rôle et le pouvoir des hommes politiques.
***
46A.-J. Arnaud appelle « le temps des trublions » la période (1880-1920) qui a vu la remise en cause de cette pensée juridique. C’est entre ces deux dates que la grande majorité de nos députés légistes ont fait leurs études, dont le contenu a changé : le programme des cours de licence a été remanié en 1889 et en 1905 et un arrêté du 23 juillet 1896 divise le concours d’agrégation en quatre sections (droit privé, droit public, histoire du droit, sciences économiques). Ce sont les signes de l’éclatement de la discipline juridique, qui traduit la victoire des conceptions nouvelles, moins attachées au primat du Code civil comme source unique du droit. A.-J. Arnaud montre que cette remise en question découle de l’évolution de l’économie et du rôle de l’État et il analyse quatre transformations majeures de la pensée juridique69 :
- l’acceptation du caractère relatif, provisoire, de la règle de droit (à travers en particulier la renaissance de l’étude du droit Romain, de l’histoire du droit, et le développement des études de droit comparé) ;
- la remise en cause des fondements du droit napoléonien, tant dans les règles du droit individuel privé (statut de la femme, protection des mineurs) que dans la détérioration du droit absolu de propriété et dans la prise en compte des aspirations collectives et des « coalitions » (personnalité morale, associations, droit syndical...) ;
- l’évolution de l’idée de responsabilité individuelle (circonstances atténuantes) donc d’un développement de la jurisprudence qui accroît la marge d’interprétation du juge ;
- l’autonomie croissante des diverses branches du Droit (droit public, droit administratif, droit commercial, droit international, etc.).
47Les docteurs en droit de notre seconde génération de députés (ou du moins la plus grande partie d’entre eux) sont à ranger, en dépit de leurs carrières de notables respectés, parmi ces « trublions ». C’est logique : parmi les juristes professionnels, ceux qui se dirigent vers une carrière politique sont a priori ceux qui croient aux vertus de la création juridique, à la nécessité d’adapter la loi et de faire évoluer le droit. Leurs thèses et leurs publications savantes sont significatives à cet égard : elles portent sur les spécialités nouvelles repérées par A.-J. Arnaud qui submergent les traditions doctrinales.
48L’orientation vers le droit public et le droit administratif est la plus fréquente : elle traduit une vocation politique précoce qui prépare l’entrée au parlement : Émile Boissel-Dombreval, député modéré de la Manche de 1910 à 1932 a soutenu une thèse sur la responsabilité civile des ministres et celle de Théodore Reinach, le frère du défenseur de Dreyfus porte sur L’État de siège ; Maxence Bibié, professeur de droit public à Bordeaux et député radical de 1924 à 1940 a été le secrétaire de Duguit, un des fondateurs de la discipline ; Joseph Barthélémy, député du Gers de 1919 à 1928, a fait une thèse de droit administratif sur L’insaisissabilité des rentes de l’État avant d’être professeur à Montpellier puis à Paris et d’écrire un traité de droit constitutionnel (1925)70.
49Mais on trouve aussi parmi nos députés les meilleurs spécialistes d’histoire du droit (Paul Bastid, député radical du Cantal de 1924 à 1940)71, de la question de la responsabilité individuelle (thèse de Maurice Bernard, professeur de droit à Paris et député du Doubs en 1914, qui porte sur Les facteurs sociaux de la criminalité). Paul Reynaud a soutenu une thèse de droit commercial sur Les concordats des sociétés anonymes ou en commandite après faillite ou liquidation judiciaire72 et un des grand fondateur du droit du travail, Adéodat Boissard (thèse en 1896 sur les syndicats mixtes, livres sur les retraites ouvrières, les contrats de travail, les risques professionnels) a été député conservateur de la Côte d’Or en 1919.
50Pierre Cot73 est sans doute le plus jeune représentant de cette génération, celui qui fait la transition avec les juristes de l’après-guerre. Il incarne ce groupe des professeurs de droit, à la fois conformistes dans le déroulement de la carrière et novateurs dans la remise en cause de la tradition. Premier secrétaire de la Conférence du stage des avocats en 1920, il fait partie du cabinet de Poincaré en 1922, passe l’agrégation puis le doctorat en 1925, devient professeur à Rennes (puis à l’EPHE). Radical, il est ministre de l’Air du Front populaire et député de 45 à 58. Au Palais, à l’Université puis au Parlement, il personnifie la rigueur du raisonnement juridique et la perfection oratoire, comme en témoigne Georges Vedel : « Tel qui brille dans un cours est moins à l’aise dans la plaidoirie ; un autre, avocat brillant, ne passe pas la rampe au parlement. L’un des miracles de la vie de Pierre Cot fut qu’il apporta un talent égal dans ces genres pourtant variés. »74 En même temps, à l’image de cette génération de rénovateurs de la pensée juridique, c’était un inclassable anticonformiste qui, radical, devint compagnon de route du PCF. Pierre Mendès-France a rendu un hommage appuyé à celui qu’il considérait comme le précurseur de son action : Cot est pour lui le symbole d’une « génération consciente des erreurs de celle qui l’avait précédée et qui aspirait à un véritable renouveau »75.
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51Les docteurs en droit de notre troisième génération de députés, qui sont nés avec le siècle et ont fait leurs études entre les deux guerres, n’ont pas vécu cette mutation de la pensée juridique. Leur formation les a dès le départ spécialisé dans tel ou tel secteur du droit. C’est en ce sens que A.-J. Arnaud parle du « règne des technocrates, qui ont souhaité le passage au premier plan de l’aspect technique du droit envisagé comme moyen de gouvernement de la société. Conséquence immédiate : la part critique et culturelle de l’enseignement s’estompe progressivement au profit de l’utilité économique immédiate. La culture déserte les facultés de Droit. »76. Dès lors, les députés docteurs en droit se font rares au parlement et n’y jouent plus le même rôle d’autorité morale. Devenus des spécialistes de tel ou tel secteur de la législation, ils peuvent être assimilés aux ingénieurs que nous étudions dans le prochain chapitre ou aux hauts fonctionnaires dont nous venons de parler. D’ailleurs, après leur doctorat, ils optent plutôt pour la haute fonction publique ou l’exercice à plein temps de la profession politique : du gaulliste Michel Debré aux communistes Laurent Casanova ou Guy de Boisson, en passant par le centriste Albert Blachein ou le socialiste Jean Castagnez, on a une génération de légistes qui se veulent avant tout hommes d’action : la vie parlementaire comme la doctrine juridique ont quitté le domaine de la spéculation théorique et de la rhétorique littéraire pour devenir technique de la loi et du règlement.
Une technique et une méthode
52Pour ceux de nos députés avocats qui n’ont pas poursuivi leurs études après la licence de droit, c’est l’apprentissage pratique qui a été formateur plus que les contenus de l’enseignement universitaire. Ce dont ils ont besoin pour exercer leur profession ne réside pas tant dans un corpus de connaissances et de références que dans une méthode et une forme d’esprit, et cette démarche intellectuelle s’acquiert bien plus en dehors du système éducatif qu’à l’université. Tous les livres de souvenirs insistent sur l’idée que c’est dans les études d’avoués, peinant sur les dossiers, ou auprès de tel ou tel patron du barreau que l’on se forme au droit, et non pas dans les amphithéâtres. Et ce qu’y apprennent nos futurs députés, c’est bien une technique, une habitude du discours, de sa rédaction et de son énonciation en public, une pratique du texte de loi et une expérience de la réalité sociale.
***
53La culture du discours issue de la plaidoirie de l’avocat d’assises est le lien le plus évident qu’établissent les contemporains entre l’avocat et le député. Pour le critiquer souvent : ainsi André Tardieu77 insiste-t-il sur la déviation, scandaleuse à ses yeux, des principes du parlementarisme introduite par les habitudes de l’avocat qui plaide son dossier quel qu’il soit, bon ou mauvais, éventuellement sans trop y croire ; le député, lui, se devrait à la recherche du bien public. C’est encore à la culture du prétoire qu’il attribue, à partir des années trente, l’impuissance parlementaire : comme l’avocat dont le rôle se borne à la parole, le parlementaire avocat n’aurait pas l’idée de prolonger son discours par une action constructive : il lui suffisait d’avoir énoncé la vérité.
54La rhétorique du barreau n’est pourtant pas la seule source de l’éloquence parlementaire. Bien des ténors du Palais n’ont à l’assemblée que des demi-succès, à l’exemple de Vincent Moro-Gaffieri, de César Campinchi ou d’Henri Torrès alors que nombre d’orateurs fameux sont des professeurs (Jaurès, Herriot) qui ont appris leur art dans l’étude des orateurs antiques et dans l’exercice de la chaire : plus décorés de citations et d’évocations historiques, leurs discours paraissent aujourd’hui plus académiques mais, avant 1930, ils enchantaient l’hémicycle et le public des tribunes par la force des images et la richesse des références. À partir des années trente au contraire, c’est la force logique des discours des professeurs de droit, hauts fonctionnaires et conseillers d’État que l’on se met à admirer, à l’instar de l’éloquence d’un Léon Blum ou d’un Pierre Cot (le « meilleur orateur de sa génération » selon Pierre Mendès-France78). En parlant de ce dernier, André Garnault décrit bien l’évolution des discours :
« Certes aux alentours de 1925, la gesticulation oratoire était morte mais La rénovation de l’éloquence était en mouvement. [...] L’éloquence de Pierre Cot était dans la simplicité du verbe, respectueuse d’un langage sûr et d’un vocabulaire exact ; elle entendait promouvoir la conviction au rythme d’une argumentation stricte. »79
55Les cas de Léon Blum et de Pierre Cot constituent toutefois des cas marginaux : ce sont surtout des individualités brillantes qui savent valoriser les atouts offerts par leur formation et leurs connaissances, et qui, de plus, correspondent à la sensibilité d’une époque (après la guerre, l’éloquence d’Herriot a paru ridicule à de nombreux jeunes députés). La majorité des juristes sont des avocats et eux sont de vrais professionnels du discours. Ils se forment dans les grandes « conférences » parisiennes, sortes de clubs sportifs où les futurs orateurs s’entraînent à la rhétorique. La conférence Molé-Tocqueville est une des plus célèbres qui propose une sorte de reproduction en miniature du Parlement, véritable piste d’essai où l’orateur est soumis aux interruptions, chahuts, débats, votes, comme s’il avait à défendre à la tribune un texte de loi. De même, la conférence du stage des avocats, déjà évoquée, est un véritable concours interne à la profession et sélectionne chaque armée les meilleurs orateurs de chaque promotion ; les lauréats de la promotion précédente font office d’examinateurs et fournissent les sujets des discours que devront prononcer les candidats, en général des thèmes de culture générale. Bien que sans conséquence professionnelle directe, ce type de sélection rappelle, d’une certaine façon, l’internat en médecine ou le concours de Normale Supérieure : il permet aux grands noms du barreau de repérer des élèves qu’ils achèveront de former et qui seront d’excellents collaborateurs. Ainsi Gaston Monnerville80 peut-il devenir le collaborateur du célèbre avocat d’assises (qui deviendra aussi député) César Campinchi. Il note d’ailleurs que « Campinchi était attentif à notre perfectionnement culturel : il s’informait de nos lectures, de nos goûts littéraires et artistiques ». La plupart des lauréats de ce concours s’essaient ensuite à une carrière politique et peuplent les ministères.
56Pour ceux qui n’ont pas suivi ce parcours prestigieux, « l’avocat a la barre, qui est déjà une tribune où il s’essaie et se développe » affirme Louis Barthou81. Cette formation sur le tas l’oblige à apprendre à capter l’attention, à la retenir, à sentir son public et à le passionner. Aristide Briand est présenté par tous ses contemporains comme le virtuose de cet art. Mille fois décrite par ses admirateurs et par ses adversaires, désireux de trouver la faille et de percer le secret de sa réussite, son éloquence est particulièrement significative car c’est celle qui emprunte le moins à celle des universitaires, professeurs de lettres ou éminents juristes. Briand lui-même le revendique : « Pour moi, un discours n’est pas une œuvre littéraire »82. Sa technique de la Tribune est donc celle qui isole le mieux ce qui fait la spécificité de la formation des avocats : il n’a pas la culture d’Herriot ou de Jaurès (qui aurait confié à Charles Benoist : « Il est d’une ignorance encyclopédique »83) ; fort du succès de ses discours, il peut affecter de dédaigner un peu leurs laborieuses études et de leur opposer son goût pour la pêche à la ligne, où il était, dit-on, de première force84. Il est tout aussi éloigné de la rigueur dialectique du raisonnement de Léon Blum, lui qui refuse de rédiger ses discours et même d’en simplement préciser le plan par écrit. Il n’a pas, bien sûr, l’extrême précision, un peu laborieuse, de Poincaré qui n’épargne pas à son auditoire le moindre détail, l’argument le plus infime. Il n’a ni la répartie de Clemenceau, ni la puissance sonore de Viviani, ni la pureté de langue de Barthou. Ses ennemis, comme Charles Benoist, énumèrent les multiples défauts de son art oratoire : « La langue était médiocre, le tissu du discours était mince et rompu, la composition nulle. Pas l’ombre d’une conviction, pas la queue d’une idée »85. Il convainc comme un avocat face à un jury, avec sa sensibilité, parce qu’il est à l’écoute des silencieux désirs de son public, parce qu’il capte, ses longues mains jetées en avant comme des antennes, les frémissements des uns, les réticences des autres, et qu’il modifie aussitôt le développement de son discours improvisé : il sait écouter ce qu’ont dit ses collègues et, s’en souvenant, formuler ce qu’ils veulent entendre, emporter leur adhésion.
***
57À l’opposé de cette rhétorique d’assises, la seconde spécificité de la culture juridique réside dans une méthode rigoureuse d’approche du texte de loi, elle aussi apprise par la pratique, en se confrontant à des dossiers. Le point de départ en est la croyance en la valeur et en la force du droit, qu’évoque Georges Vedel dans un hommage à Pierre Cot86 : « Un des traits de culture que, en 1978, l’on a le plus de mal à comprendre, c’est cette croyance au droit qui imprégnait toute une génération émergeant de la Grande Guerre, la génération des jeunes combattants, celle de René Cassin, d’André Hauriou, de Pierre Cot. Sans doute aujourd’hui encore un juriste digne de ce nom n’est-il pas un froid technicien de la jurisprudence ; il sait que la liberté, les droits de l’homme, les droits des peuples sont aussi son affaire. Mais sans doute ne croit-il plus, comme ses grands aînés, à la valeur instrumentale du droit comme moyen fondamental de réaliser ses idéaux. »
58Il y a très certainement un lien entre la croyance au droit et cette volonté de mettre en œuvre une méthode rigoureuse d’analyse des textes, de cohérence dans l’argumentaire qui faisait la force de Léon Blum. Jules Moch explique que Blum « ne prétendait ni enthousiasmer, ni indigner : il était la logique, et la logique seule ; voulait non séduire mais forcer à la réflexion, non émouvoir mais convaincre. » Et Pierre-Olivier Lapie relie bien ces qualités à sa formation de conseiller d’État :
« Cette concision, la recherche du terme juste, le scrupuleux dépouillement de tout effet étranger a la matière traitée, cela s’apprend au Conseil d’État [...], cela correspond aussi à la recherche littéraire du critique de la Revue Blanche. »
59Enfin la précision de l’argumentation, le sens maniaque du détail, de l’édifice parfait où rien ne manque est aussi un des apprentissages de l’avocat d’affaires, qui doit boucler des dossiers exhaustifs. La méthode de Poincaré en est l’illustration : il corrige de sa main le moindre texte, même, travail harassant, quand il est Président du Conseil ou Président de la République, et il apprend par cœur chacun de ses discours, mot à mot. On lui reproche d’ailleurs cette trop grande application : Charles Benoist, notant sa capacité de travail illimitée, explique que
« il est, il veut être le premier de classe et ne concède, n’abandonne à nul autre pas même un prix de gymnastique. Mais en vérité, “scolaire" est le mot. C’est l’élève imbattable »
60(et Clemenceau, plus lapidaire : « Poincaré sait tout, mais rien d’autre »).
***
61La troisième particularité de la culture qu’apporte aux députés l’exercice d’une profession juridique tient au contact avec les réalités sociales, avec toutes les classes de la population qui forment la clientèle de l’homme de loi, des fait divers aux procès commerciaux ; avec les réalités de la gestion, de l’administration ; avec la pratique de l’arbitrage et de la négociation. C’est bien la fonction de ces notaires et avocats de province que de savoir concilier les parties en présence, trouver le point d’équilibre, le compromis acceptable. C’est aussi le cas des chefs d’entreprises recrutés après une licence en droit (André Morice, René Pleven), des hauts fonctionnaires de la préfectorale (Robert Buron, Jean Chiappe, Louis Lépine, Paul Deschanel) ou de l’inspection des finances (Jacques Chaban-Delmas, François Pietri, Valéry Giscard d’Estaing), et des membres des cabinets ministériels (Léon Noel, Georges Bonnet, Maurice Petsche).
***
62Au total, si la culture juridique ne peut commodément se résumer en une liste de références ou en une somme de connaissances qui définirait le député de ce groupe, les méthodes acquises au cours de leur vie professionnelle apportent aux parlementaires juristes une véritable culture de gouvernement ; c’est cet avantage que confisqueront, sous la Ve République, les hauts fonctionnaires issus de l’ENA.
Notes de bas de page
1 Weber (Max), Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 141.
2 Monzie (Anatole de), L’Entrée au forum : vingt ans avant, Paris, Albin-Michel, [1920], p. 239.
3 Rossi-Landi (Guy), Les Hommes politiques, Paris, PUF, 1973, pp. 66-69.
4 Dogan (Mattei), Les filières de la carrière politique en France, Revue française de sociologie, 1967, no 8.
5 Halevy (Daniel), La Fin des notables, Paris, Grasset, 1929.
6 Barthou (Louis), Le Politique, Paris, Hachette, 1923, p. 18.
7 Weber (Max), Le Savant..., p. 141.
8 Lemery (Henry), D’une république à l’autre : souvenirs de la mêlée politique, 1894-1944, Paris, La Table Ronde, 1964, p. 28.
9 Tardieu (André), La Profession parlementaire, in : Tardieu (André), La Révolution à refaire, Paris, Flammarion, 1937, t. 2, p. 55.
10 Barrès (Maurice), Leurs figures, Paris, F. Juven, [s. d.].
11 Jouvenel (Robert de), La République des camarades, Paris, Grasset, 1914.
12 Tardieu (André), La Profession...., t. 2, pp. 55-60.
13 Reynaud (Paul), Venu de ma montagne, Paris, Flammarion, 1961, pp. 86-87.
14 Siegfried (André), Tableau des partis en France, Paris, Grasset, 1930, p. 60.
15 DPF, p. 2675.
16 DPF, p. 1229.
17 DPF, p. 2766.
18 Triboulet (Raymond), Un Gaulliste de la Quatrième, Paris, Plon, 1985.
19 Pietri (François), Hors du forum, Paris, Éd. de Paris, 1957, p. 29.
20 Piétri (François), ibid., p. 33.
21 Piétri (François), ibid., p. 55.
22 DBMOF, t. XXX, pp. 168-173.
23 DPF, p. 2686.
24 Suarez (Georges), Briand, 6 vol., Paris, Plon, 1938-1942.
25 Pierrard (Pierre), Dictionnaire de la IIIe République, Paris, Larousse, 1968, p. 37.
26 DPF, p. 2933.
27 DBMOF, t. XXI, pp. 251-252.
28 Allain (Jean-Claude), Joseph Caillaux : le défi victorieux, 1863-1914, Paris, Imprimerie nationale, 1978, p. 112.
29 Claisse (Guy), Jacques Chaban-Delmas, Paris, EDIPA, 1974.
30 Eck (Jean-François) Louis Marin et la Lorraine : le pouvoir local d’un parlementaire sous la IIIe République, Thèse de 3° cycle, Paris, IEP, 1981.
31 Lacouture (Jean), Pierre Mendès-France, Paris, Le Seuil, 1981, pp. 33-43.
32 Charles (Christophe), Les élites de la République : 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, p. 72.
33 Pietri (François), Hors du forum...
34 Giesberg (Franz-Olivier), François Mitterrand ou la tentation de l’histoire, Paris, Le Seuil, 1977.
35 Lacouture (Jean), Pierre Mendès-France..., pp. 44-49
36 Teitgen (Pierre-Henri), Faites entrer le témoin suivant : 1940-1958, de la résistance à la Ve République, Rennes, Ouest-France, 1988.
37 DPF, p. 2844.
38 Lépine (Louis), Mes souvenirs, Paris, Payot, 1929.
39 Robrieux (Philippe), Biographies..., vol. 4, p. 40.
40 Torrès (Henry), De Clemenceau à de Gaulle, Paris, Del Duca, 1958, p. 108.
41 Miquel (Pierre), Poincaré, Paris, Fayard, 1961.
42 Benoist (Charles), Souvenirs, Paris, Plon, 1932, 1933, 1934.
43 Torrès (Henry), De Clémenceau..., p. 173.
44 Lépine (Louis), Mes Souvenirs..., p. 23.
45 Reynaud (Paul), Venu de..., p. 53.
46 Debré (Michel), Trois républiques pour une France : mémoires, 3 vol., Paris, Albin-Michel, 1984.
47 Monnerville (Gaston), Témoignage, Paris, Plon, 1975.
48 Reynaud (Paul), Venu de..., pp. 52-53.
49 DPF, p. 1806.
50 Chaban-Delmas (Jacques), L’Ardeur, Paris, Stock, 1975, pp. 48-51.
51 Eck (Jean-François), Louis Marin...
52 DPF, p. 1152.
53 Monzie (Anatole de), L’entrée au forum... ; voir aussi : Anatole de Monzie, Les Hommes du jour, 4 septembre 1938.
54 Zevaës (Alexandre), Une Génération, Paris, Rivière, 1922, pp. 45-90 ; Ombres et silhouettes, Paris, Anquetil, 1928.
55 Chaban-Delmas (Jacques), L’Ardeur..., p. 50
56 Lamoureux (Lucien), Mes souvenirs, Moulins, Cahiers bourbonnais, 1969, p. 26.
57 Fournol, Étienne, Le Moderne Plutarque ou les hommes illustres de la IIIe République, Paris, Monde Nouveau, 1923.
58 Benoist (Charles), Souvenirs..., t. 3, p. 53.
59 Suarez (Georges), Nos seigneurs et maîtres, Paris, Édition de France, 1953.
60 Mayer (Denise), René Mayer : études, témoignages, documents, Paris, PUF, 1983, p. 170.
61 Mayer (Denise), ibid., p. 208.
62 Arnaud (André-Jean), Les Juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, Paris, PUF, 1975.
63 Par "doctrine", les juristes entendent les opinions émises sur une question de droit.
64 Arnaud (André-Jean), ibid., p. 59.
65 Arnaud (André-Jean), ibid., p. 44.
66 Arnaud (André-Jean), ibid., p. 70.
67 Allain (Jean-Claude), Joseph Caillaux : le défi victorieux, 1863-1914, Paris, Imprimerie nationale, 1978, p. 112. Voir aussi Pierrard (Pierre), Dictionnaire..., et DPF, p 1192
68 DPF, pp. 980 et 1098.
69 Arnaud (André-Jean), Les Juristes..., chapitre 3.
70 DPF, p. 477
71 Laloy (Jean), Notice sur la vie et les travaux de Paul Bastid : 1892-1974, Paris, Institut de France, 1977.
72 Reynaud (Paul), Venu de..., p. 55.
73 Hommage à Pierre Cot, Mayenne, Impr. Floch, 1979.
74 Ibid., p. 60.
75 Ibid., p. 133.
76 Arnaud (André-Jean), Les Juristes...., p. 198.
77 Tardieu (André), Le souverain..., pp. 314-317.
78 Mendès-France (Pierre), La Vérité guidait leurs pas, Paris, Gallimard, 1976.
79 Hommage à Pierre Cot, p. 52.
80 Monnerville (Gaston), Témoignage...
81 Barthou (Louis), Le Politique..., p. 18.
82 Aubert (Alfred), Briand, Paris, E. Chiron, 1928, p. 228.
83 Benoist (Charles), Souvenirs..., t. 3, pp. 45-46.
84 Aubert (Alfred), Briand..., p. 220.
85 Benoist (Charles), Souvenirs..., t. 3, pp. 45-46.
86 Hommage à Pierre Cot, p. 65.
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L’Espagne contemporaine et la question juive
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Danielle Rozenberg
2006
Une école sans Dieu ?
1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République
Pierre Ognier
2008