Quand le poète devenait combattant : défendre la Chrétienté avec sa plume
La guerre en vers au XVIe siècle, une arme nouvelle pour la croisade ?
p. 103-141
Texte intégral
1Les croisades et a fortiori les « croisades tardives » se mènent sur différents fronts. Outre les champs de batailles et les préparations tactiques et stratégiques de divers spécialistes, les diplomates jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les Turcs au travers des relations qu’ils tissent entre puissants. À cela il faut encore ajouter l’influence des conseillers et plus généralement des lettrés. Car le monde des idées est riche d’enjeux divers, et nombreux sont ceux qui apportent leur contribution à la grande entreprise contre les « ennemis du Christ ». C’est ainsi que l’étude de compositions poétiques comme les « Guerre in ottava rima » a beaucoup à apporter dans ce domaine.
Guerre in ottava rima
2La littérature italienne épico-chevaleresque s’appuie à l’origine sur les chansons de geste françaises et se développe assez tôt. Les Cantari1 du Moyen Âge et de la Renaissance sont des poèmes épiques. Au XVe siècle, le genre épique semble se répartir en deux catégories : la poésie épique à proprement parler (avec Le Stanze2 de Politien par exemple) et la poésie épico-chevaleresque (avec des œuvres comme Il Morgante3 de Luigi Pulci ou l’Orlando innamorato4 de Matteo M. Boiardo). Au XVIe siècle, l’Orlando furioso5 de l’Arioste ou la Gerusalemme liberata6 du Tasse offrent de nouvelles illustrations du genre épique. Ces textes d’inspiration élevée, souvent d’ampleur considérable, côtoient de plus courts poèmes tirant leur sujet d’affrontements belliqueux véritables et composés en huitains : ce sont les Guerre in ottava rima7 c’est-à-dire les « Guerres en huitains ». Traitant le plus fréquemment d’une bataille précise, ces opuscules fonctionnent comme de petites monographies. Pour notre étude, nous privilégierons les récits de confrontations entre Chrétiens et Turcs entre 1453 et 1570.
3Ces textes relatent des conflits précis en appliquant certains des codes de l’épopée faits notamment d’envolées vibrantes. Cependant, la langue employée n’est pas toujours la plus recherchée, elle peut même être approximative et incertaine. Ces ouvrages manifestement conçus comme un genre mineur seraient représentés, selon Amedeo Quondam, surtout aux XVe et XVIe siècles. L’importance éditoriale de tels opuscules n’excédant souvent pas quelques feuillets est mineure voire même marginale, arrivant bien loin derrière les éditions latines et nombre de livres vernaculaires. Pourtant leurs arguments fondés sur des batailles réelles recèlent de grandes richesses auxquelles les historiens ne peuvent rester insensibles.
4Le but poursuivi par ces textes est peut-être exprimé dans le dernier huitain de l’un d’entre eux, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522 de Perosino della Rotonda :
Lecteur, de Rhodes j’ai tiré un florilège, ce n’est pas que je ne puisse parler de tout en quelques vers dans un petit livret, j’ai remarqué comme il m’a été avancé que si j’écrivais tout, cela te coûterait plus d’un marchetto8 et c’est pour cela que déjà je n’ose t’occasionner de grandes dépenses ; en raison de la pénurie [d’argent], j’en finis aux laudes de Marie9.
5Ainsi ce type d’opuscule peu onéreux se proposait de relater sous forme versifiée en à peine quelques feuillets l’essentiel de certains événements. P. della Rotonda écrit d’ailleurs in pochi versi e in un picol libretto (« en peu de vers dans un petit livret »). Il est vrai que ces ouvrages sont le plus souvent de dimensions très réduites et c’est pourquoi certains se sont retrouvés dans des miscellanea (« mélanges ») avec d’autres compositions s’assurant par ce moyen une plus grande longévité et une meilleure conservation, en étant moins vulnérables qu’en leur état premier. Mais la reliure avec d’autres ouvrages peut aussi occasionner diverses difficultés. Outre le fait d’être perdus dans un assemblage plus ou moins hétéroclite d’écrits de sujets ou d’époques différentes, ces libelles peuvent aussi subir des dommages irréversibles comme l’amputation d’une partie du texte par le massicot10 pour unifier sous une même couverture des livrets de formats disparates.
6Ces compositions poétiques sont donc constituées de huitains suivant la plupart du temps un schéma de rimes (six rimes croisées suivies de deux plates) selon la structure : A/B/A/B/A/B/C/C. Le choix de la forme versifiée permet en outre à l’auteur de produire divers effets que la prose ne saurait rendre. Le poète a donc volontiers recours aux ressources offertes par l’écriture poétique pour appuyer son propos. C’est ainsi que dans La presa e lamento di Roma11 relatant le sac de Rome de 1527, l’écrivain utilise la figure rhétorique de l’anaphore dans le huitain XLI pour exprimer l’impossibilité pour quiconque d’échapper à la sauvagerie des lansquenets :
Non gioua a esser sancto sacerdote
Non gioua a essere monica sacrata
Non gioua a far lor prece o gran uote
Non gioua el pianto o el crido alcuna fiata
Non gioua bel parlar o scientie dote
Non gioua fanciullo pregna latata
Non gioua a lor pietade dimandare
Che in lor e morta e non si puol trouare12.
7Ce genre présenté comme l’héritier des épopées anciennes en reprend différents éléments dont certains purement littéraires. Quelques auteurs adoptent un découpage en différents chants. Vincenzo Metelli compose ainsi Il Marte : outre une dédicace, la reproduction d’une lettre du Pape, chacun des six chants est précédé d’une présentation13. Metelli mêle figures mythologiques et personnages contemporains dans le cours de son récit comme par exemple au chant III : « Le général Venier était entre-temps, là où l’ardent Encelade trépassa »14. Les comparaisons à des épisodes mythogiques ou antiques ne sont pas rares dans les Guerre in ottava rima. Ainsi dans La istoria de Modone, Marsilio Lippo Cortesi parlant de l’affrontement des flottes vénitiennes et turques à Modon écrit : « Jules César ne posséda jamais une telle armée / quand il fit son amère querelle avec Pompée »15. Souvent les comparaisons avec l’Antiquité permettent de traduire le caractère exceptionnel d’une situation, rappelant le grandissement épique. La guerra del Turcho a prese de Modono signale dans l’un de ses derniers huitains :
On ne vit jamais du temps des Troyens, de César, de Pompée, ni d’Annibal, ni des Carthaginois et des Romains, de Charle[magne] et de Marsile à Roncevaux, la cruauté que commirent les chiens turcs contre les Chrétiens quand, où que l’on se tourne, le sang des morts coulait dans toutes les rues, neuf mille ayant été passés au fil de l’épée16.
8En se rattachant à tous ces glorieux épisodes, la pièce en recueille une part de gloire et se propose même en quelque sorte de la dépasser.
9Reprenant des éléments caractéristiques de l’épopée, certaines de ces compositions s’ouvrent sur des envolées rappelant celles des grands poèmes antiques. Bien souvent, le ton est donné dès les premiers vers. Un certain souffle épique semble transparaître dans les Stanze de Lodovico Dolce à propos de la victoire de Charles Quint à Tunis en 1535 : « Je chante les armes et les bannières pleines d’honneur qui furent brandies pour défendre le Christ et la foi, et l’immense défaite digne de mémoire que le nouveau Charles17 infligea aux Maures »18. Certains auteurs renouent même avec le grand style comme dans le deuxième huitain du El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi dans lequel le poète interpelle le roi des dieux antiques :
Ô Jupiter éternel séjournant dans le ciel, loué de tous les dieux, donne-moi la grâce de pouvoir raconter à tant de [personnages] fameux les faits horribles et malheureux qu’ont perpétrés ces chiens enragés pour abattre les grands trophées du Christ, à présent accorde-moi ton aide ô puissant Jupiter afin que je conte les hauts faits des Rhodiens19.
10D’autres auteurs préfèrent adapter les élans épiques à la culture chrétienne. Ils placent ainsi leurs écrits sous l’autorité de Dieu ou de la Vierge Marie comme dans La Summa gloria di Venetia con la summa de le sue uictorie au début de laquelle Francesco degli Allegri lance :
Gloire au Très-Haut, paix sur la terre, je vous implore de mes prières dévotes, prêtez l’oreille à ma voix si cela vous agrée, que je puisse chanter l’excellente et fameuse gloire digne d’une reine sublime […] en racontant sa gloire triomphale […] il me faut chanter la glorieuse renommée de ses beautés dans le monde en chantant […] et en glorifiant ses prouesses […] tu es le miroir du monde, belle Venise20.
11Dans son Lamento di Constantinopoli, Maffeo Pisano déclare ne pas s’en remettre aux Muses pour faire son récit, sans pour autant renoncer à l’emphase, au contraire il laisse éclater sa foi chrétienne :
Je ne veux pas invoquer les Muses du Parnasse, mais Marie la [sainte] Mère, avec sa gloire et Jésus Christ qui est le réceptacle du monde, qu’il m’aide à composer cette histoire, à réaliser la déploration de cette amère fortune pour en avoir toujours le souvenir, Vierge Sainte et toutes les saintes et les saints, priez Dieu pour moi dans ce chant21.
12Il n’est pas rare de voir commencer le récit par une prière.
13Cependant, certains poèmes débutent directement par le récit des faits, suivant en cela également une tradition antique héritée, croyait-on, de Tite Live22 : commencer abruptement la narration in media res (« au milieu des faits »). Marco Bandarini semble vouloir débuter ainsi son Impresa di Barbarossa contra la citta di Cattaro, il attaque de manière presque cavalière : « Ayant installé de fières pièces d’artillerie, le perfide barbare, félon et impie, qui déjà pensait faire de nous, de nos pères et de nos fils un massacre cruel et exemplaire... »23 ; mais il poursuit par une invocation : « je chanterai les angoisses et les dangers qu’ayant endurés et rendant les armes au temple, que les muses entourent mon chant ». En revanche, Luca Pavese se contente de rapporter de manière romanesque certains épisodes des guerres entre le sultan ottoman Soliman et le Shah séfévide de Perse Tahmasp Ier, sans se recommander pour son récit ni à Dieu ni aux divinités antiques :
C’était la mille cinq cent quarante-neuvième année de l’Incarnation, lorsque le roi des religions enjôleuses, le grand Sofi, seigneur de grande valeur montra un grand exemple de sa vertu contre Soliman qui s’était lancé contre lui avec deux-cent-mille Turcs armés, solachi et renégats chrétiens24.
14De cette manière, L. Pavese plonge son lecteur dans le feu de l’action dès les premières lignes. On pourrait retrouver dans l’entame narrative de ces deux exemples une figure rhétorique particulièrement appréciée dans les épopées : l’hypotypose. Cette figure rhétorique doit par la précision et la richesse de la description qu’elle contient rendre la scène rapportée véritablement présente au lecteur, comme si cela se passait sous ses propres yeux. Le récit de l’incendie de Troie dans l’Énéide de Virgile en est l’un des plus glorieux exemples.
15Certains récits présents dans les Guerre in ottava rima s’efforcent d’atteindre cet objectif par le biais de descriptions réalistes en faisant appel en quelque sorte aux sens du lecteur tout en utilisant un langage poétique. Cela vise à rendre plus réels les événements relatés tout en faisant partager dans une certaine mesure les émotions ressenties. C’est ainsi que P. della Rotonda décrit l’avancée irrésistible des assaillants turcs dans le huitain XLI de La guerra noua del Turcho :
À tel point que l’artillerie ne pouvait nuire en aucune façon aux Turcs, ils couraient à toute allure l’un derrière l’autre chacun avec des échelles et des cordes […], l’un montait tout en haut, l’autre tombait à terre en portant l’étendard [du croissant] de lune en criant brebrebre25.
16L’agitation de la multitude des adversaires déferlant contre Rhodes avec fureur est renforcée par la mention des cris qu’ils faisaient entendre. Dans La crudelissima rotta che ha dato Andrea Doria Principe de Melfi al gran Turcho, Alessandro Verini rapporte une bataille navale en employant divers artifices poétiques. Au huitain XLVI, il choisit l’anaphore pour débuter sa description :
Là commença l’âpre bataille / Là commença le grand grondement / Là commença le grand tourment / Là commença la grande fureur / Là s’enchevêtrèrent tant de canailles / Là se vit qui a force et cœur / Là puanteur extrême et fumée infernale / Là le purgatoire et là l’enfer26.
17Par le martellement de l’anaphore, la tension semble renforcée ; de plus l’ouïe et l’odorat sont sollicités pour évoquer les effets d’une bataille navale : on entend la rumeur, on sent la fumée, tout ce que peut produire un combat naval, le tout accompagné d’adjectifs renforçant encore l’émotion. Au huitain suivant la vue vient compléter l’évocation :
La puanteur était si grande et la fumée si dense que d’un vaisseau à l’autre on ne se voyait pas. Mais après que dans l’air une partie se soit dissoute et soit revenue la belle lumière, deux vaisseaux du prince [restant] de ce côté et ne pouvant avancer ni partir, n’ayant pas de vent, ils furent repérés par les Turcs et ces derniers vinrent les assaillir27.
18Ce deuxième huitain permettrait presque de dessiner la scène, ce qui est le propre de l’hypotypose. Cette édition propose justement sur sa page de titre28 une gravure qui pourrait bien être l’illustration de ce passage avec la représentation de bateaux semblant s’affronter sur une mer agitée avec peut-être de la fumée (la lecture de certains détails est difficile). Un des personnages du gros bateau à voile situé sur la droite porte une couronne, ce pourrait être Andrea Doria, prince de Melfi.
L’importance des illustrations
19Certaines de ces éditions contiennent des gravures, ce sont autant de possibilités pour l’auteur d’illustrer son propos, soit en ornant le texte pour en tirer plus d’agrément, soit en explicitant ses dires en donnant à voir plus clairement ce que le récit expose ou encore en suscitant une certaine émotion par ailleurs suggérée par le texte. On relève ainsi principalement deux types d’illustrations : la grande gravure sur la page de titre ou au début du texte tel un frontispice et la vignette insérée in texto, exprimant en image un moment du récit.
20La « grande gravure » peut prendre différentes formes et servir ainsi des usages différents. Celle du Carlo Cesare V Africano29 confère une certaine grandeur à la composition en dix chants consacrée à la victoire de l’empereur30 en Tunisie : il s’agit du récit de la prise de la Goulette (le port de Tunis) et de la ville de Tunis qui se déroula en 1535. Moins formelle que la page de titre du texte précédent, l’illustration de la Istoria noua de larmata dela illustrissima signoria di Vinetia & del turcho & dele crudelissime guerre che sono in mare e in terra31 représente le saint Patron de la Sérénissime sous la forme du lion ailé, portant une auréole et tenant la patte antérieure gauche sur un volume portant l’inscription : « Pax tibi Marce / Evangelista meus », la patte postérieure droite est dans l’eau (symbole des possessions maritimes de Venise). Cette illustration fait donc référence à Venise, coïncidant ainsi avec le récit relatant les événements survenus en 1499 et qui se concluent dans le texte par la victoire des Vénitiens sur les Turcs dans le golfe de Lépante ; le ton en est triomphal. Il est notable que l’on retrouve exactement la même illustration au début de l’Istoria come il stato di Milano a presente e stato conquistato […] con lo aiuto e favore dello inclito senato di Vinetia32, l’auteur vénitien ayant participé lui-même aux événements relatés. L’usage de la gravure commune aux deux opuscules révèle peut-être une même origine, un seul et même éditeur vénitien.
21Ailleurs, cette première image permet de mieux situer l’action tout en plantant le décor en quelque sorte. Une vue de la ville assiégée ou du champ de bataille peut donc permettre au lecteur de mieux se représenter les circonstances. Cela a été un choix assez souvent retenu par les éditeurs. C’est ainsi que la gravure faisant immédiatement suite au titre du Lamento di Negroponte33 représente Nègrepont (dans l’Eubée) enlevée aux Vénitiens par Mehmed II le 12 juillet 1470.
22Les vignettes incorporées dans le fil du texte participent de cette démarche. C’est ainsi que l’édition de Giovanni de’Conti34 comporte une vignette de la taille d’un huitain, représentant les soldats turcs occupés à redresser leurs canons le long de la muraille de Rhodes. Le texte qui suit la miniature correspond bien à l’image. Pourtant, il faut bien reconnaître que les illustrations présentes dans ces opuscules n’ont sans doute pas toujours été réalisées expressément pour ceux-ci, mais qu’elles ont été parfois réemployées en changeant de signification. C’est ainsi qu’une même illustration a pu être utilisée pour figurer des événements bien différents, comme dans le cas de deux opuscules : Il successo della guerra tra il Gran Turco e il Sofi35 et La vittoria di Andrea Doria e la presa d’Africa36. Le premier relate de manière romancée quelques épisodes de la guerre qui opposa Soliman au Shah de Perse Tahmaps Ier entre 1547 et 1549, et le second chante la conquête toute temporaire de Mahdia (place forte du pirate Dragut) en Tunisie en 1550 par la flotte impériale sous le commandement d’Andrea Doria. Les deux textes présentent deux illustrations chacun dont une leur est commune. On peut ainsi voir sur la gauche un personnage immense et brandissant une arme de grande dimension semblant frapper ses nombreux adversaires puissamment armés de piques, épées et boucliers et remplissant toute la droite de la composition. Au centre, gisent quelques personnages plus petits, terrassés. L’interprétation est ouverte, cela permet un usage multiple de l’illustration, on pourrait y voir la représentation d’un personnage mythique en raison de sa disproportion face aux autres. La signification à apporter semble dépendre de l’autre vignette. Dans le cas du Successo di tutta la guerra, l’autre gravure réunit manifestement plusieurs scènes qui ne sont pas toutes évidentes à identifier. De la confrontation des deux vignettes et d’après le sujet de l’opuscule, il semble que Soliman soit le personnage héroïque figurant dans la première reproduction. En ce qui concerne La felicissima vittoria dal S. Principe d’Oria, l’autre gravure est bien plus éclairante. Il s’agit d’un bateau à la voile gonflée choisi très certainement pour faire référence à la dimension maritime de la guerre relatée. Ici, il semble bien que le personnage défaisant ses ennemis soit Andrea Doria, car le poète écrit dès le deuxième huitain qu’il veut chanter « l’extrême valeur du grand Prince Doria, unique et saint »37.
23Outre l’ornement ou l’explicitation des événements relatés, les illustrations peuvent aussi servir à orienter l’interprétation du texte. C’est ainsi que la gravure représentant Barberousse jouant du psalterion dans El crudelissimo pianto, et lacrimoso lamento et disperatione quale fa Barbarossa con tutti li suoi Principi, et le eshortationi de tutti li suoi Capitan et Caualieri per la perdita del suo regno38 (reprenant peut-être l’iconographie du roi David de la Bible39 s’accompagnant de la lyre pour chanter ses Psaumes) donne à interpréter le texte qui suit comme le chant de déploration du personnage éponyme. À la manière des aèdes de l’Antiquité, Barberousse figuré par le personnage vêtu à l’orientale s’apprête à conter la campagne de Tunis en s’accompagnant d’un instrument qu’il tient sur ses genoux. Après une interpellation de l’auteur « al candido lettore », ce dernier introduit la déploration de Barberousse : « Barberousse commença avec des pleurs, souffrances, sanglots et de très profonds soupirs en se lamentant contre le ciel ainsi, il dit :... »40, la lamentation de Barberousse s’étend sur dix huitains. L’auteur signifie alors en incise la fin du discours du célèbre corsaire et introduit les propos de l’un de ses pachas se développant sur deux huitains. Puis c’est au tour de son grand capitaine de s’exprimer en un huitain, suivi de son élève dont la déploration prend aussi un huitain. Enfin, le grand chancelier de Barberousse se met à genoux et en cinq huitains conclut les complaintes turques. Suivent alors les Chapitres de l’accord entre l’empereur Charles Quint et le maître de Tunis, versifiés également ; ce sont encore quatre huitains. Ce choix iconographique coïncide bien avec le contenu du poème centré principalement sur la lamentation poétique.
24La figuration du héros dont il question par la suite peut être accordée au ton de l’ouvrage. Ainsi, la gravure de La gloriosa vittoria et presa d’Affrica41 figurant probablement Andrea Doria en cavalier empanaché semble reprendre certains attributs mythiques pour mieux renforcer sa gloire. On reconnaît la peau du lion de Némée tué par Hercule (un de ses attributs) sous le cavalier qui est lui-même vêtu comme un héros antique : on dirait Alexandre le Grand42. L’attitude du cheval cabré, la posture du cavalier contenant d’une seule main la fougue de sa monture tout en tenant son épée d’un bras vigoureux, la cape s’élevant dans un mouvement dynamique, tout dans cette composition révèle l’énergie, la maîtrise et enfin la puissance. Cela correspond bien à la suite du texte chantant la gloire de cette conquête et se concluant avec la lamentation faite par l’Afrique personnifiée, un petit morceau de virtuosité.
25Il existe encore une autre sorte d’illustration très caractéristique de ce genre d’ouvrages : le conseil du prince. Ce type de représentation peut être tout aussi bien associé à des moments joyeux de victoire qu’à des déplorations consécutives à des défaites. C’est ainsi que La guerra & elconquisto di Granata43 relate de manière élogieuse la guerre de Ferdinand le Catholique pour reprendre le royaume de Grenade. Le choix de cette gravure vient peut-être de ce qu’il est à diverses reprises question de consiglio (« conseil ») et de convito regale (« banquet royal »). Dans Il gran sussidio che domanda tutta Italia all’imperatore44, il ne s’agit pas de relater une guerre mais d’exhorter les Chrétiens à s’unir contre les Turcs en s’appuyant sur l’évocation de divers affrontements pour rendre le propos plus convaincant. Le conseil représente peut-être ici les interlocuteurs du poème (empereur, pape, seigneurs, comtes…) qui doivent s’unir sous l’égide de l’empereur Charles Quint. Enfin, dans La gran rotta che ha dato la Cesarea Maesta a Barbarossa45, la représentation montre probablement l’empereur Charles Quint trônant au milieu de ses capitaines. Le premier huitain semble le confirmer en annonçant le sujet :
Les grandes entreprises de valeur et d’honneur, les prouesses chevaleresques, le courage et la gloire de l’empereur sacré Charles Quint, je [les] chante, [ainsi que] la flotte digne de mémoire / du fameux seigneur prince / notre Capitaine Général, Andrea Doria / du Sophi roi de Perse, la grande entreprise / pour détruire le Turc et Barberousse46.
26Les illustrations semblent ajouter à l’appréciation du texte. Prises isolément, elles offrent souvent une certaine polysémie. La gravure figurant Barberousse jouant de la cithare d’un air songeur pourrait tout aussi bien être le roi biblique David. Les scènes de batailles se retrouvent parfois d’une édition à l’autre pour illustrer des épisodes pourtant différents. Tout semble se passer parfois comme si les éditeurs disposaient d’une certaine quantité de gravures précises mais offrant cependant diverses interprétations. Ainsi des planches illustrant quelque épisode biblique ou mythologique ont pu se retrouver dans ces petits opuscules ; il suffisait pour l’éditeur de les employer à bon escient suivant l’esprit du texte.
27La mise en images, qu’elle soit décidée dès l’élaboration du récit ou grâce à une utilisation de gravures correspondant au sujet, permet de donner une certaine couleur au propos. C’est ainsi que le texte El lamento de Rhodi el qual conuoca tutta la christianita adunirsi insieme contra pagani47 propose une illustration assez symbolique en réduisant l’évocation de la cité de Rhodes conquise par les Turcs après six longs mois de siège à un chevalier ployant sous un panonceau sur lequel est écrit le nom de Rhodes contre lequel s’acharnent quatre personnages portant turban. À terre gisent déjà son bouclier, son arc et son carquois, seule lui reste son épée, le malheureux ne pourra pas résister encore longtemps à ses assaillants brandissant cimeterres, piques ou haches pour le mettre en pièces. Ce poème est une « lamentation », une grande plainte poussée par la ville de Rhodes en personne, chantant son malheur et en appelant aux princes chrétiens qui l’ont abandonnée à son triste sort. Le choix de personnifier Rhodes pour lui donner la parole est un moyen formidable de toucher le lecteur. Ici, l’illustration sert particulièrement le propos en soulignant le caractère émotionnel et symbolique du récit. En fait, le poème fait plus de place aux sentiments qu’à une relation précise des faits, le but semble de communiquer l’émotion par cette lamentation poignante.
Une Varietas révélatrice
28Un grand nombre de ces poèmes épiques consiste en des « lamentations », véritables déplorations poétiques extrêmement émouvantes placées dans la bouche de personnages dont le choix peut être crucial. Si l’on observe plusieurs poèmes consacrés à un même événement, les variations du locuteur peuvent être très révélatrices. C’est ainsi qu’à côté de El lamento de Rhodi el qual conuoca tutta la christianita adunirsi insieme contra pagani mis dans la bouche de la cité de Rhodes récemment conquise par les Turcs, déclarant dans le deuxième huitain « Moi je suis Rhodes que chaque infidèle qui voulait me réduire avait déjà coutume de ronger »48, d’autres textes sont relatés diversement. Dans le poème El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi49, la déploration est prêtée au Grand Maître de Rhodes, Villiers de l’Isle-Adam. L’auteur introduit la lamentation dans le premier huitain en invitant le lecteur à écouter « la plainte larmoyante du Grand Maître »50. Le narrateur ne disparaît pas complètement du récit, il réapparaît pour commenter les actions et introduire les paroles du personnage choisi ; ainsi dans le onzième huitain : « le valeureux Grand Maître en personne allait réconforter ses hommes, en leur disant... »51. Prêter ce récit au chef des Chevaliers de Saint-Jean confère une certaine perspective au siège et à la reddition de Rhodes, donnant à voir les événements du point de vue d’un des commandants des malheureux assiégés. Par ailleurs, le récit peut être fait aussi bien par un témoin ayant choisi cette forme poétique pour s’exprimer que par l’auteur voulant laisser entendre qu’il a assisté aux événements relatés, pour donner plus de poids à ses dires. C’est ainsi que P. della Rotonda intervient à diverses reprises au cours de La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522 avec des remarques tendant à le faire penser. Au huitième huitain construit en anaphore, il répète sept fois Chi hauesse visto (« Qui aurait vu »)52 pour décrire l’appareil exceptionnel du siège des Turcs. Le même mode opératoire figure dans El sanguinolento et incendioso del gran Turcho contra el christianissimo Rodo quand l’auteur remarque : « Qui aurait vu les armes que tiennent certains archers... »53 pour renforcer l’émotion suscitée par la description des forces turques ; impression à laquelle répond la remarque plus bas de : « Qui aurait entendu les cris et les bruits... »54, mettant encore plus le lecteur dans l’ambiance effroyable du combat. Cette façon de décrire l’appareil obsidional exceptionnel mis en place par Soliman pour assiéger Rhodes se retrouve dans presque tous les ouvrages contemporains.
29L’introduction de réflexions visiblement personnelles dans le cours du texte permet d’animer le récit et d’intensifier l’émotion. C’est ainsi que dans La guerra del Turcho contra Rhodi relatant l’attaque infructueuse de Rhodes par les Turcs en 1480, le narrateur décrit un épisode horrible. Un chrétien, capturé par le pacha et refusant de lui révéler le moyen de prendre Rhodes, est empalé sur l’ordre de ce dernier : « je ne pourrais raconter son grand martyre / avec combien de peine et beaucoup de souffrances, ne faisant rien d’autre que de prier Dieu […] qu’il était heureux de mourir pour la foi »55. Cela ajoute à l’émotion de la scène. Les narrateurs introduisent par ce moyen des commentaires pouvant apporter des nuances à leur propos. Ces incises ne doivent surtout pas être repoussées comme éléments extérieurs au récit, car elles peuvent même constituer des repaires structurels soigneusement repris dans certaines réécritures de poèmes épiques, comme dans maintes versions de la lamentation de Nègrepont. La version intitulée Questo e il lamento di Negroponte56 reprend et enrichit sur quatre-vingt quinze huitains une version antérieure représentée notamment par La persa de Nigroponte facta per uno Fiorentino57 en quarante-sept huitains seulement.
30Dans les deux versions, le narrateur conduit son lecteur tout au long de son texte. Il introduit son propos par ces mots : « que je puisse bien raconter tous les grands faits de Nègrepont pas à pas […] d’abord je parlerai pour la louange du Seigneur et ensuite pour le plaisir de chacun des auditeurs »58. Il faut remarquer qu’il s’adresse à chaque auditeur (et non lecteur) rappelant ainsi le rôle des poèmes épiques chantés en public. Précisant : « Moi, je veux, Seigneurs, que vous sachiez quand le Grand Turc quitta ses terres »59, il présente les forces du Grand Turc et leur arrivée à Candie. La reprise développe ce passage et le rédacteur, redoutant la digression, éprouve le besoin de recentrer son sujet tout en utilisant une formulation proche de ce qui était déjà présent dans le modèle : « Revenons aux Turcs qui venaient par mer »60. Développant encore son propos, il ajoute également : « Maintenant revenons aux malheureux pauvres diables »61, pour détailler les malheurs des populations locales ; il reprend ensuite le huitain se concluant sur « disant entre eux qu’il n’était [pas temps de] dormir mais de mourir comme le doit un vaillant homme »62 ; avant de poursuivre par la remarque reprise de son modèle : « Maintenant revenons-en à cette canaille »63 pour introduire une bataille d’une violence inouïe. L’incise « Je vous laisse penser si les citadins de Nègrepont étaient affligés en voyant autour d’eux autant de Sarrasins qui se comportaient comme chiens enragés »64 est présente dans les deux versions. La deuxième version intercale divers huitains rendant la compréhension du texte moins évidente, et terminant le récit sur les mots : « le Grand Turc avec son armée s’en alla et à Gallipoli retourna »65. Les deux poèmes se terminent cependant par le même huitain : « Et mon discours serait prolixe, si je racontais chaque point, en substance ceci peut vous suffire »66. Ainsi l’auteur a soigneusement repris les articulations que constituaient les remarques du narrateur. De telles notations animent d’autant plus le récit. Un véritable dialogue fictif peut même s’instaurer avec le lecteur comme dans La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi dans laquelle l’auteur s’adresse à son lecteur à propos des dégâts causés par les mines, lui faisant partager l’émotion ressentie face aux pleurs et aux cris : « Crois-moi lecteur, je ne voudrais pas entendre une telle terreur »67.
31Un autre moyen de toucher le public est d’avoir recours au style direct. El crudelissimo pianto68 de Barberousse en est un exemple extrême. En effet, il s’agit de la reproduction versifiée de discours directs introduits chacun par l’auteur dans de petits textes typographiquement séparés. Le narrateur ne semble intervenir que pour présenter les différentes déplorations et glisser quelques commentaires, et dans les derniers huitains pour exposer les chapitres de la capitulation. Une telle pratique offre différents avantages : un texte plus vivant et une certaine autorité pour les informations transmises dans la mesure où ce sont les acteurs des épisodes guerriers qui sont censés s’exprimer. Dans El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi du siège de Rhodes mené par Soliman en 1522, le texte illustre un épisode mettant en scène trois des personnages les plus importants de la cité : le Grand Maître Villiers de L’Isle-Adam, le chevalier d’Amaral et l’ingénieur Martinengo69. Tous trois se retrouvent ainsi « à table dans une pièce »70 et pendant le repas le Grand Maître pose une question qui se révèlera fatale par la suite : il demande à ses compagnons s’ils croient qu’un jour le Grand Turc réussira à prendre la ville. Cette conversation est relatée comme un dialogue. D’abord Martinengo veut éviter le sujet : « Fais-moi une faveur, ne parlons pas d’une telle chose »71 ; mais le Grand Maître insiste : « De grâce dis-le moi et tu m’ôteras un grand doute »72. Il lui pose la question cruciale si l’on croit cette version : « Admettons que tu sois l’ingénieur du Turc »73 et le plaçant hypothétiquement dans cette situation, il l’interroge sur ce qu’il ferait. Martinengo, en brillant esprit, lui expose la solution de la montagne de terre pour « prendre facilement Rhodes »74 en donnant toute une foule de détails « de point en point, de parole en parole »75. Le Grand Maître est émerveillé et le troisième personnage, témoin muet jusque-là et invisible dans la narration, à tel point que le lecteur pourrait l’oublier, commence à calculer le moyen de perdre la cité en avisant le Grand Turc contre récompense. Ces pensées sont reconstituées par l’auteur :
… se disant à lui-même : « s’il prend Rhodes, je me retrouverai sauf et mes biens seront sauvés et de lui j’aurai de l’or et de l’argent, il me réservera un heureux destin » et faisant un tel raisonnement dans son cœur, ayant [fini de] manger il prit congé du Grand Maître et gagna sa chambre76.
32Ici plus qu’ailleurs encore se trouve la preuve de l’invention des dialogues. Comment le narrateur connaîtrait-il les pensées du traître ? Le recours au style direct fait ressentir plus vivement ce passage et mieux partager l’émotion au lecteur.
33Quand les discours rapportés sont des prières, des déplorations, les sentiments semblent aussi plus exacerbés. C’est ainsi qu’à la suite de la violence inouïe de l’attaque de Nègrepont, le poème relate la situation en quelques images d’horreur : « Ici, Turcs et Chrétiens étaient mêlés, morts les uns sur les autres, entassés sur la place à même la terre, et là, les deux partis s’approchant et se frappant, s’assénant des coups cruels et sans pitié, en envoyant épaules, bras et têtes à terre et le sang qui courait dans Nègrepont ressemblait proprement à la rive d’une source »77. Le huitain suivant ajoute à l’émotion en reproduisant les déplorations des habitants :
De grandes plaintes s’élevèrent à l’intérieur, cela semblait Sodome et Gomorrhe, les affligés s’embrassaient tous, l’un disait « mon fils » l’autre « ma mère », certains couraient tout épouvantés, l’un disait « Jésus, fils de Marie », il n’y avait pas un saint qui ne fut invoqué du malheureux peuple affligé78.
34Bien souvent, les poèmes se concluent par un appel lancé à la suite des événements relatés. C’est ainsi que le Lacrimoso lamento che fa il Gran Maestro se termine sur l’exhortation du Grand Maître de Rhodes aux puissants, en commençant par le pape : « Comment as-tu consenti, ô Saint-Père... »79 ; puis les interpellant un à un, et apostrophant les cités et invoquant le « Père Éternel », il s’adresse de nouveau à ses interlocuteurs : « Pape, empereurs, princes et rois et vous autres barons » pour demander leur compassion ; et d’excuser la force de ses propos en expliquant que c’est la douleur qui le poussait à se lamenter, il en demande pardon à tous et « à chaque auditeur » et conclut : « l’histoire est finie à votre honneur »80.
35Ces textes d’invectives permettent aux auteurs de donner un prolongement aux événements relatés, offrant une leçon à méditer et pouvant même inciter le lecteur à l’action contre les ennemis de la foi. Cette pratique peut parfois s’étendre à la composition poétique entière : le but est alors moins le récit d’un épisode guerrier particulier dont on pourrait pourtant tirer des enseignements et sur lequel l’auteur s’appuierait pour interpeller ses lecteurs, que de lancer l’exhortation dès le départ et d’en faire le cœur du texte. Dans Il gran sussidio elqual domanda tutta Italia al Imperatore cognoscendo che quello e inspirato da Dio e uenuto in Italia per liberarla81, soixante-quatorze huitains doivent inciter les puissances chrétiennes à s’unir sous l’autorité de Charles Quint pour endiguer l’avancée ottomane. Très rapidement, l’auteur déclare son objectif : « Donne-moi la grâce ô Seigneur glorieux que je mette en rimes les faits puissants de cette Italie, son passé victorieux et les âmes vaillantes, fais-moi la grâce de conserver leurs états si je chante cette harangue »82. Effectivement après avoir apostrophé l’Italie elle-même ainsi que divers personnages-clefs, attribuant à chacun une action à mener à bien, l’auteur revient sur son but principal : « Tu as la lourde tâche, ô toi pape saint, d’accorder toute l’Italie, que tous veuillent s’assembler, comme je le chante ici »83, c’est-à-dire obtenir l’union des Chrétiens pour libérer les terres de l’emprise ottomane. Un autre texte suit un peu les mêmes principes pour haranguer l’Italie. Malheureusement anépigraphe84, cette œuvre est articulée en deux temps. Une première partie est introduite par la remarque :
Maintenant qu’il plaise à la divine Sagesse de vouloir s’adoucir avec l’Italie, qu’elle soit délivrée de cruels châtiments, de tant de ruines sur terre et sur mer […] et qu’elle ne veuille pas voir tout se défaire et prendre un mauvais chemin par la guerre, la faim et cruelle disette. Envoyez votre sainte inspiration à la grande ligue et noble seigneurie pour consoler l’Italie pour tant et tant de peuples qui périrent85.
36L’auteur y rapporte les conquêtes de Mehmed II tout en faisant des références à la période présente : « Maintenant nous l’avons là à nos frontières, il garde toujours l’esprit attentif, à savoir si nous nous faisons la guerre, prêt à voir s’il peut en tirer piège ou trahison, car nos divisions sont pour lui un grand plaisir »86. Chaque exposé est suivi d’un commentaire faisant retomber la faute sur les Chrétiens. Évoquant d’abord les ambitions du Grand Turc : « Ce Grand Turc féroce et païen, cherche à agrandir son empire sur terre et sur mer, dans les montagnes et les plaines »87, l’auteur commente dans le huitain suivant et relativise l’impression du lecteur : « Par l’âme vile des Chrétiens, le Turc a pris courage, lui qui nous estime comme des chiens »88, et s’en prend à la foi des Chrétiens en écrivant :
Comme les Chrétiens ont peu de foi et qu’ils ont peu de peur de Dieu, ceux qui avec difficulté croient ce qu’ils voient, et que dans notre foi il n’est plus aucun amour, tout cela conduit à la ruine à la suite de l’arrogance et de tant d’erreurs et en raison de l’oubli des péchés, les Chrétiens sont aveuglés eux-mêmes89.
37On retrouve ici la teneur de nombre de textes de l’époque : la perte de la foi, la disparition de la crainte du Seigneur, l’absence d’amour qui est pourtant le fondement même de la religion chrétienne (« Dieu est Amour »). Le peuple chrétien semble oublier les principes régissant sa vie et les éléments essentiels propres à sa foi. Pour certains, tous les malheurs occasionnés par les Turcs sont à interpréter comme un châtiment divin des déportements des Chrétiens. Aussi, il faut les presser d’adopter une attitude meilleure pour apaiser la colère divine et retrouver la pureté de la vie chrétienne. C’est ainsi que l’auteur poursuit son exhortation en interpellant nommément les puissants de l’époque, en commençant par Charles Quint : « Ô Paladin, ô Charles Empereur, ô colonne et soutien des Chrétiens, pour l’amour de Jésus rédempteur défends-la des païens »90. Confiant à chacun d’eux une tâche, il conclut sa harangue sur une prière vibrante :
Donc prions le Roi éternel de gloire et sa mère la Vierge Marie, qu’ils nous donnent la victoire dans une telle entreprise, que nous puissions devenir les seigneurs de la Turquie, que chacun formule l’espoir et pense que [Dieu] lui concède et lui accorde une telle grâce afin que nous puissions conquérir et ramener à notre sainte foi le grand empire, qu’il nous donne une telle puissance pour qu’une heureuse fin se produise, de telle sorte que le grand empire de Turquie puisse revenir à notre sainte foi et que tant de grâce nous soit accordée pour que se réalise cette croisade, que nos Chrétiens aient la victoire, et qu’à votre honneur finisse cette histoire91.
38Il s’agit bel et bien d’un appel à la croisade, le mot est d’ailleurs écrit en toutes lettres, cruciata dont le but est de conquérir rien moins que l’empire des Turcs. Ce dernier exemple illustre de manière absolue l’objectif poursuivi par de nombreux textes des fameuses Guerre in ottava rima. Mais est-ce bien le seul lors de la composition de ces poèmes ?
Derrière le poème, la harangue transcendante
39Si dans certaines compositions, la portée universelle de l’exhortation est clairement revendiquée, ailleurs bien souvent, l’évocation d’un conflit particulier semble être devenue subséquemment l’occasion d’invectives lancées à divers puissants, telle une réaction spontanée de l’auteur. Que cela soit finalement un artifice littéraire ou procède véritablement d’émotions ressenties par l’auteur devant certains faits, l’exhortation finale n’en reste pas moins généralement constitutive de ces textes. Ne pourrait-on pas y voir une volonté des auteurs d’amener leurs lecteurs à certaines conclusions visant notamment à les inciter à la croisade ? Ces textes jouent fréquemment de toutes les ressources rhétoriques pour émouvoir le lecteur, en provoquant sa sympathie à l’égard des victimes, et pour encourager son ressentiment à l’encontre des méchants. On rappelle souvent les bienfaits de la concorde entre Chrétiens, véritable but à atteindre. Les évocations de guerres sont autant d’illustrations édifiantes de divers préceptes circulant à loisir à l’époque. Ainsi, le portrait des ravages causés par la dissension entre frères de religion fonctionne comme la catharsis (« purger les passions par l’action ») ; en revanche, quelque belle action est-elle relatée, elle fonctionnera comme la mimesis, un « exemple à imiter ».
40Les auteurs de Guerre in ottava rima peuvent avoir une grande réactivité. Si les grands historiens peaufinent souvent leurs récits pendant de longues années avant de livrer le fruit de leur travail, il est indéniable que certains de ces poèmes ont été édités dans un laps de temps extrêmement bref. C’est ainsi que deux textes au moins ont probablement été écrits et peut-être même édités durant le siège de Rhodes ! Quelle surprise en effet de ne pas trouver dans leurs pages le récit de la reddition de la cité, alors qu’il s’agit d’un des passages majeurs de la narration, et de voir dans des ouvrages comme le précieux Turcica de Göllner92, La guerra noua del Turcho contra la potente cita di Rhodi, datés de l’année 1522, alors que la capitulation de Rhodes n’a été signée que le 20 décembre, que les chevaliers quittèrent l’île le 1er janvier 1523 et que ce n’est qu’encore plus tard93 que le Grand Maître communiqua officiellement la nouvelle au pape et aux princes d’Europe. Ainsi, Perosino della Rotonda qui publie son texte à Naples chez Giovanni de’Conti en 1522 aurait composé son poème entre octobre et décembre94, ce que tendraient à montrer différentes dates notées dans le texte. On trouve ainsi : « Le 4 septembre au belvédère poste de garde de l’Angleterre95, l’heure des Vêpres passée, ils escaladèrent les murailles »96 ; ainsi que la mention du 9 septembre : « Au jour neuf du mois susdit, ils mirent le feu à trois mines, une en Espagne, l’autre le feu prit en Auvergne, pour la troisième ils exploitèrent un défaut du belvédère d’Angleterre à ce que je sais »97 ; du 17 avec : « le 17 ils revinrent à l’assaut et mirent le feu à deux autres mines »98 ; et du 24 avec : « Le 24, ils commencèrent une demi-heure avant le jour à donner l’assaut général »99. Suit un huitain construit en anaphore sur le motif Or qui (« c’est maintenant que ») destiné à camper la rude bataille de part et d’autre avec la précision : « Qui crie ‘ Christ aide le Chrétien’et qui crie ‘ Mahomet aide le païen’ »100. Une vignette101 représentant des troupes massées prêtes à en découdre, avec au premier plan les tentes du campement turc et au fond la ville fortifiée, achève la présentation des forces prêtes à s’affronter. Tout cela permet d’introduire le récit de la formidable résistance de tous les Rhodiens :
Qui aurait vu les Rhodiens se porter contre les païens, tous allègrement, on voyait bondir femmes et enfants avec des lances et des épées, le cœur fervent, se porter sur les murailles contre les Turcs, rivalisant l’un l’autre de vaillance102.
41C’est la population entière qui fait reculer les Turcs au prix de plusieurs exploits. Enfin le récit se conclut : « Et la bataille dura bien cinq heures, [les ennemis] furent repoussés à leur grand dommage et chassés au bas de la muraille, beaucoup se repentant d’être venus ici »103. Le texte rend compte d’une autre série d’attaques également avortées : « le 6 octobre ils attaquèrent une autre fois le belvédère d’Espagne »104. Ici encore le texte se conclut sur une exhortation prononcée par Rhodes personnifiée demandant du secours et sur une remarque de l’auteur soulignant la nécessité de concision de ce genre d’ouvrage.
42L’autre texte probablement composé durant le siège de 1522 est El sanguinolento et incendioso del gran Turcho contra el christianissimo Rodo car dans le dernier huitain le narrateur écrit : « Je pourrai narrer en vers la haute victoire ou la cruelle perte »105, donnant à penser que l’issue était encore incertaine. Cette édition est enrichie par la publication de deux lettres rédigées en latin. La première serait de Soliman pour inviter les Chrétiens à se rendre et la seconde semble être la réponse de ces derniers. Si l’on en croit Setton, une lettre de Soliman aurait bien été remise au Grand Maître par deux Turcs le 10 décembre 1522 et le Grand Maître aurait envoyé d’abord deux émissaires puis encore deux autres pour « demander plus de temps afin de s’entretenir avec les chevaliers et l’ensemble des habitants grecs et latins de la ville »106, ce qui semble rejoindre pour partie le sujet de la deuxième lettre. S’il s’agit bien de ces lettres, cela accréditerait l’hypothèse d’une rédaction du poème vers décembre, mais à ce compte la reddition n’étant pas loin, il est curieux que l’auteur n’en fasse pas mention et soit tellement dans le doute sur l’issue des événements. Il se peut aussi, comme le note C. Ivaldi, que cette imprécision vienne de l’éloignement de l’auteur des lieux de l’action, distance d’ailleurs alléguée dans le texte. Le récit aurait donc été composé d’après les informations recueillies dans des œuvres précédentes elles-mêmes incomplètes. Cela expliquerait mieux qu’un texte imprimé à Venise et daté d’environ 1526 puisse ne pas noter des faits probablement connus là-bas avant le 4 février 1523107.
43Si les auteurs semblent se mettre à l’ouvrage très rapidement pour diffuser l’information par le biais de leurs compositions poétiques, il est également curieux de constater que certains épisodes un peu anciens continuent d’être repris dans de nouveaux ouvrages ou dans de nouvelles rééditions. Toujours à propos des malheurs de Rhodes de 1522, il est étonnant de constater que des Lacrimoso lamento di Rodi vont fleurir jusqu’au XVIIe siècle au moins. Une telle pratique renvoie nécessairement à d’autres dimensions de ces poèmes. La courageuse résistance des chevaliers de Saint-Jean est un glorieux exemple particulièrement apprécié du public. On y trouve narré un événement crucial pour le monde chrétien, la chute d’un rempart de la Chrétienté, épisode visiblement érigé en sujet de méditation. La réédition d’un même texte ne va pas nécessairement sans l’introduction de variantes108. Cela va de la simple nuance comme entre les titres La lamentation pathétique que le Grand Maître de Rhodes avec ses chevaliers [fit] à tous les princes de la Chrétienté lors de son départ. Avec la prise de Rhodes de l’édition de Bernardo de’Viani de 1541 et La lamentation pathétique que fait le Grand Maître de Rhodes de datation inconnue, si ce n’est au verso du dernier feuillet un acte de vente de l’opuscule daté de 1583. La variation est mineure, il ne s’agit que du choix de tourner différemment le texte. En revanche, les différences peuvent être plus importantes comme dans les deux derniers vers de la première strophe de chacun des deux mêmes poèmes : Le premier écrit che per discordia de tutti Christiani / el Turcho Rodi tien ne le sue mani (« Grâce à la discorde entre tous les Chrétiens, / le Turc tint Rhodes dans ses mains ») alors que le second note discordia che è fra li christiani / Rodi conuenne dar in man de cani (« [la] discorde entre les Chrétiens / qui livra Rhodes aux mains des chiens »). C’est bien une modification de l’énoncé qui fait passer Rhodes des mains du « Turc » à celles des « chiens ». La charge contre les Turcs est ainsi rendue plus manifeste dans la deuxième version. Le but du texte ne varie cependant pas : désigner la faute des Chrétiens qui par leur désunion ont conduit à cette perte tragique. La conclusion dresse la liste des coupables et constitue encore une exhortation à l’union des Chrétiens contre leurs ennemis.
44Les auteurs choisissent donc cette forme poétique leur permettant divers effets suscitant l’émotion afin de mieux toucher leur public. Les princes de l’époque, à l’image de Charles Quint, grand amateur de chevalerie et d’exploits épiques, se délectent de récits de ce genre. Connaissant leurs goûts, les auteurs bien décidés à avancer leurs idées, usent de ce moyen pour atteindre leurs puissants protecteurs. Ils choisissent de leur représenter des exploits à égaler et même surpasser, ou encore des blessures ou des outrages à venger. Tout doit concourir à susciter leur appétit de guerroyer pour la défense de la Chrétienté. En se basant sur des batailles précises, bien souvent connues de leurs lecteurs, ils glissent des éléments de réflexion à destination de ces derniers. Maniant le pathétique, avec les représentations de malheurs poignants, et le sublime, dans les envolées de leurs prières notamment, ils jouent sur divers registres avec un certain succès et dépassent bien souvent le simple récit d’une bataille mettant aux prises Turcs et Chrétiens. Les personnifications de pays ou de villes doivent aussi ajouter à l’émotion. La plainte de Rhodes est un modèle du genre de déploration sur ses malheurs causés par la désunion des Chrétiens. Désormais le rempart de la Chrétienté est rompu, elle en appelle aux puissants dans une harangue prenante attirant la pitié, étendant sa prière à l’univers entier et conclut son propos par un vibrant appel à la croisade : « Dépliant le gonfalon de la Sainte Croix, criant toujours Jésus à haute voix, porter l’étendard du Christ […] détruire l’ennemi jusqu’à la mort et de toutes les terres s’ouvrir les portes »109.
45Ce genre poétique est donc bien plus élaboré qu’il ne pourrait y paraître dans un premier temps. Aucun doute n’est possible : nombre d’auteurs ont eu recours à cette forme d’écriture recherchée et fort commode pour tâcher de rencontrer un public fait de personnages puissants, parfois acteurs de ces narrations, qu’il importait avant tout de convaincre de la nécessité de la croisade. Il fallait aussi réussir à lui communiquer l’élan nécessaire à de telles entreprises. La conservation de tels opuscules, pourtant si fragiles, semble bien confirmer l’importance que surent conquérir ces ouvrages apparemment mineurs. Déterminer leur réception et leur impact réel demeure cependant conjectural. La précision des informations contenues parfois dans leurs pages et la justesse de l’analyse de certaines remarques tendraient à faire de ces poèmes les œuvres de conseillers ou d’experts, ou tout du moins le résultat de leur influence. Tout cela fait donc de ces textes des sources intéressantes dans lesquelles puiser, même s’il faut bien se garder de croire aveuglément toutes les informations rapportées dans leurs feuillets. Que déduire des divergences d’explication pour la construction des deux montagnes de terre destinés à assiéger Rhodes en 1522 ? Selon les textes, l’origine en serait bien différente. Ainsi, dans El sanguinolento et incendioso del gran Turcho, c’est un « juif du Turc » dont le texte reproduit les propos : « Parce que j’ai imaginé un grand stratagème en édifiant une montagne »110. Dans La guerra noua del Turcho, l’idée des montagnes de terre viendrait des pachas de Soliman et Mustapha Pacha aurait avancé un délai de huit jours pour prendre la ville, faisant installer cent bombardes sur deux hautes montagnes et pilonnant les défenses des Rhodiens111. Enfin, dans El lachrimoso lamento che fa el gran Mastro, l’explication est encore différente112 ; elle vient de la trahison de d’Amaral : « Il écrivit une lettre l’avertissant de toutes choses et comment il avait appris de l’ingénieur qu’il fallait élever une montagne, et puis il l’attacha à une flèche et la lança dans le champ en écrivant dessus que si quelqu’un la trouvait, qu’il la présente au Grand Turc. La lettre fut découverte et présentée au Grand Turc »113. La vérité n’est pas facile à établir à propos de cette version114. En dépit des incertitudes ou confusions se glissant dans certains récits, parfois en accord avec des objectifs particuliers à l’auteur qui préfère une version plus conforme à son raisonnement, l’impression générale des récits ne perd pas de sa force et le texte conserve ainsi toute son énergie pour bien convaincre le lecteur.
46Les poèmes épiques en huitains constituent donc un moyen nouveau et efficace mis au service de la croisade, en alliant poésie, informations historiques et stratégie. À l’époque, ces textes soutinrent probablement le moral des Chrétiens et encouragèrent peut-être les puissants à entreprendre quelque belle action. Depuis, ils constituent des témoignages précieux tant des faits survenus que de la façon dont ils furent perçus et de comment ils purent être utilisés pour toucher le public et servir à leur manière la croisade.
ANNEXES
Notes de bas de page
1 On pourra penser aux Cantari sulla guerra aquilana di Braccio, édition de Carlo de Matteis, L’Aquila, Textus, 1996, à propos d’un Cantare anonyme du XVe siècle.
2 Angelo Poliziano, Stanze di Messer A. Poliziano comintiate per la giostra del magnifico Giuliano di Piero de’Medici, Florence, 1518.
3 Luigi Pulci, Il Morgante, Venise, 1481-1482 ou la version française L’histoire de Morgant le géant et de plusieurs autres chevaliers pairs de France, lequel avec ses frères persécutoient souvent les chrestiens et serviteurs de Dieu, mais finalement furent ses deux frères occis par le comte Roland et le tiers fut chrestien qui depuis ayda grandement à augmenter la saincte foy catholique comme entendrey cy après le tout reveu… Troyes, 1625.
4 Matteo Maria Boiardo, Orlando innamorato, Venise, 1548-1549.
5 Ludovico Ariosto, Orlando furioso, avec les notes de Girolamo Ruscelli, Venise, 1556.
6 Torquato Tasso, Gerusalemme liberata, Casalmaggiore, 1581.
7 On notera le travail de recherche, collation et analyse bibliographique d’une équipe de chercheurs qui a donné lieu à une édition très précieuse : Guerre in ottava rima, édition de Marina Beer et Cristina Ivaldi, Modène, 1988, 4 tomes. Cette édition a inspiré le présent travail. A. Quondam présente l’organisation et la conduite de ce travail, t. I, pp. 7-16. Le tome IV est entièrement consacré aux conflits avec les Turcs de 1453 à 1570. Je tiens à remercier Silvia Panini pour son aimable autorisation de reproduire les magnifiques gravures de ces facsimile.
8 Le marchetto ou marcheto est le nom d’une petite monnaie de cuivre (presque comme un sou) qui a eu cours au temps de la république Vénitienne, Giuseppe Boerio, Dizionario del dialetto veneziano, Venise, 1856, p. 397.
9 Perosino della Rotonda, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522, Naples, Giovanni de’Conti, v. 1522, fol. 4 verso, § LXVIII.
10 C’est ainsi que j’ai trouvé le Lacrimoso lamento che el gran Maestro de Rodi con gli suoi Caualieri a tutti gli Principi della Christianita nella sua partita. Con la presa de Rodi, Bernardino de Viano, 1541, dont une partie a été malheureusement coupée, ce qui pose des problèmes de lecture sur les colonnes de gauche du recto et de droite du verso. Certains manques sont assez faciles à combler, mais d’autres beaucoup moins.
11 La presa et lamento di Roma et le grande crudeltade facte drento, con el Credo che ha fatto li Romani. Con un sonetto di Pasquin, Bologne, v. 1527, fol. 3 verso, § XLI.
12 « Il ne sert à rien d’être saint prêtre / il ne sert à rien d’être moniale sacrée / il ne sert à rien de prononcer des prières ou les grands vœux / il ne sert à rien de pleurer, de crier à en perdre le souffle / ne servent à rien le beau parler et les dons de la science / il ne sert à rien [d’être] un enfant au sein / il ne sert à rien de demander leur pitié / qui est morte en eux et ne se peut trouver ».
13 Vincenzo Metelli, Il Marte, Venise, 1582, fol. 3 verso. Ce résumé installé dans une page ornée propose un argomento suivi d’une allegoria le tout encadrant une gravure illustrant le chant. Illustration no 1.
14 V. Metelli, Il Marte, fol. 15, § XLVI.
15 Marsilio Lippo Cortesi, Storia di Modone, lieu et éditeur inconnus, déb. XVI, fol. 3 verso, § LXIV v. 1-2.
16 La guerra del Turco a prese de Modono de la tornata del Signor Ludovico, Venise, v. 1510, fol. 4 verso, § XLVII.
17 Allusion à Charles le Grand, Charlemagne.
18 Lodovico Dolce, Stanze composte nella vittoria Africana nuovamente havuta dal Sacratiss. Imperatore Carlo Quinto, Rome, 1535, fol. 4, § I.
19 El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi con gli suoi cauallieri a tutti gli principi della Christianita nella sua partita. Con la presa di Rodi, Rome, v. 1523, fol. 1, § II.
20 Francesco degli Allegri, La summa gloria di Venetia con la summa de le sue uictorie nobilita pacsi dignita et officii et altre nobilissime illustre cose di sue laude e glorie come ne la presente operetta se contiene, Venise, 1501, fol. 2, § I à III.
21 Maffeo Pisano, Lamento di Constantinopoli, Florence, v. 1490, fol. 1 verso, § II.
22 Le début de l’œuvre de l’historien latin faisant défaut, certains crurent que cela était volontaire.
23 Marco Bandarini, La impresa di Barba rossa contra la citta di Cattaro con la presa di Castelnuouo, Ferrare, 1543, fol. 2, § I.
24 Luca Pavese, Il successo di tutta la guerra seguita fra il gran Turcho el Sophi…, Bologne, ap. 1549, fol. 1 verso, § I.
25 Perosino della Rotonda, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522, Naples, v. 1522, fol. 3, § XLI.
26 Alessandro Verini, La crudelissima rotta che ha dato Andrea Doria Principe de Melfe al gran Turcho, Milan, 1533, fol. 4, § XLVI.
27 Ibid., § XLVII.
28 Ibid., fol. 1. Illustration no 2.
29 Pompeo Bilintano, Carlo Cesare V Africano, Naples, 1536. Illustration no 3.
30 J’ai particulièrement étudié cette campagne et son évocation à l’époque, dans le cadre de ma thèse : Emmanuelle Pujeau, Paolo Giovio et la question turque, thèse de doctorat, Toulouse, 2006, pp. 48-63.
31 Istoria noua de larmata dela illustrissima signoria di Vinetia & del turcho & dele crudelissime guerre che sono in mare e in terra, Venise, déb. XVIe siècle. Illustration no 4.
32 Ercole Cinzio Rinuccini, l’Istoria come il stato di Milano a presente e stato conquistato […] con lo aiuto e favore dello inclito senato di Vinetia, Venise, vers 1510.
33 Lamento di Negroponte, Milan, 1512. Illustration no 5.
34 Daniel Perosino, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vinti sei zugno 1522, Naples, v. 1522, fol. 2. Illustration no 6.
35 Luca Pavese, Il successo della guerra tra il Gran Turco e il Sofi, Bologne, après 1549. Illustration no 7.
36 Paris Montovano Fortunato, La vittoria di Andrea Doria e la presa d’Africa, lieu édition inconnu, v. 1551. Illustration no 8.
37 Ibid., fol. 1, § II, v. 7-8.
38 El crudelissimo pianto, et lacrimoso lamento et disperatione quale fa Barbarossa con tutti li suoi Principi, et le eshortationi de tutti li suoi Capitan et Caualieri per la perdita del suo regno, vers 1535. Illustration no 9.
39 C’est une des représentations principales de David (quand il ne s’agit pas de l’épisode du géant Goliath). Illustration no 9b.
40 El crudelissimo pianto…, op. cit., fol. 1 verso.
41 Archangelo da Lonigo, La gloriosa vittoria et presa d’Affrica, fatta dal illustrissimo et eccellentissimo principe Doria et dal signor Don Garsia. Con il lamento d’Affrica, Bologne, v. 1550. Illustration no 10.
42 La gravure semble reprendre les codes iconographiques associés à Alexandre le Grand. Illustration no 10 bis.
43 Comiucia la guerra & elconquisto di Granata, Florence, v. 1500. Illustration no 11.
44 Il gran sussidio che domanda tutta Italia all’imperatore, Venise, v. 1529. Illustration no 11 bis.
45 Alessandro Verini, La gran rotta che ha dato la Cesarea Maesta a Barbarossa et la presa de Tunisi, et della Goletta, v. 1535. Illustration no 11 ter.
46 Ibid., fol. I verso, § I.
47 El lamento de Rhodi el qual conuoca tutta la christianita adunirsi insieme contra pagani, v. 1530. Illustration no 12.
48 El lamento de Rhodi, op. cit., fol. 1, § II, v. 7-8.
49 El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi con gli suoi cauallieri a tutti gli principi della Christianita nella sua partita. Con la presa di Rodi, Rome, v. 1523.
50 Ibid., fol. 1, § I, v. 6.
51 Ibid., fol. 1 verso, § XI, v. 6.
52 P. della Rotonda, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522, Naples, v. 1522, fol. 1 verso, § VIII. Illustration no 13.
53 El sanguinolento et incendioso del gran Turcho contra el christianissimo Rodo. Con epistola del gran Turcho a Rhodi et de epsi al gran Turcho responsiua, Venise, v. 1526, fol. 2, § VIII, v. 1.
54 Ibid., fol. 2 verso, § XI, v. 1.
55 La guerra del Turcho contra Rhodi, déb. XVIe siècle, fol. 3 verso, § XLIX, v. 1-8.
56 Questo e il lamento di Negroponte, Florence, v. 1477.
57 La persa de Nigroponte facta per uno Fiorentino, Milan, 1471. Pour les justifications de filiations entre les deux textes, voir Guerre in ottava rima, op. cit., t. I, pp. 152-153.
58 La persa de Nigroponte, fol. 1, § II, v. 2-3 et 7-8 et Questo e il lamento, fol. 1, § II, v. 2-3 et 7-8.
59 La persa de Nigroponte, fol. 1, § III, v. 1-2 et Questo e il lamento, fol. 1, § III, v. 1-2.
60 Questo e il lamento, fol. 2, § X, v. 1.
61 Ibid., fol. 3, § XVII, v. 1.
62 La persa de Nigroponte, fol. 2, § VI, v. 7-8 et Questo e il lamento, fol. 3, § XIX, v. 7-8.
63 La persa de Nigroponte, fol. 2, verso § VII, v. 1 et Questo e il lamento, fol. 3, verso § XX, v. 1.
64 La persa de Nigroponte, fol. 5, § XXI v. 1-4 et Questo e il lamento, fol. 5, § XL, v. 1-4.
65 Questo e il lamento, fol. 11, verso § XCIV, v. 7-8.
66 La persa de Nigroponte, fol. 12, verso et Questo e il lamento, fol. 11, verso § XCV, v. 1-3.
67 P. della Rotonda, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522, op. cit., fol. 3, § XXXVIII, v. 7-8.
68 El crudelissimo pianto, et lacrimoso lamento et disperatione quale fa Barbarossa con tutti li suoi Principi, et le eshortationi de tutti li suoi Capitan et Caualieri per la perdita del suo regno, op. cit.
69 El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi con gli suoi cauallieri a tutti gli principi della Christianita nella sua partita. Con la presa di Rodi, op. cit., fol. 2 verso-43, § XLIb-XLIVa.
70 Ibid., fol. 2, verso § XLI, v. 7-8.
71 Ibid., fol. 2, verso § XLII, v. 5-6.
72 Ibid., fol. 2, verso § XLII, v. 7-8.
73 Ibid., fol. 2, verso § XLIII, v. 1 sqq.
74 Ibid., fol. 3, § XLIII, v. 8.
75 Ibid., fol. 3, § XLIV, v. 3.
76 Ibid., fol. 3, § XLV, v. 1-8.
77 Lamento di Negroponte, Milan, 1512, fol. 5, § LXXIII.
78 Lamento di Negroponte, op. cit., fol. 5, § LXXIV.
79 El lachrimoso Lamento che fa il gran Maestro de Rodi, op. cit., fol. 4 verso, § LXXXIII, v. 1.
80 Ibid., fol. 4 verso, § XCII, v. 8.
81 Il gran sussidio elqual domanda tutta Italia al Imperatore cognoscendo che quello e inspirato da Dio e uenuto in Italia per liberarla, Venise, vers 1529.
82 Il gran sussidio che domanda tutta Italia all’imperatore, op. cit., fol. 1, § II, v. 3-8.
83 Ibid., fol. 4, verso § LXXI, v. 1-3.
84 L’édition des G.O.R., op. cit., t. I, p. 166 le qualifie effectivement d’anepigrafo du grec ανεπίγραφος « sans inscription ou titre » et le nomme Exhortation à l’Italie en raison de son sujet.
85 Sempre sia laude a te signor…, Milan, vers 1490, fol. 1, § II, v. 1-4 et 6-8 ainsi que § III, v. 1-4.
86 Ibid., fol. 2 verso, § XXXIII, v. 1-5.
87 Ibid., fol. 3, § XLIX, v. 1-3.
88 Ibid., fol. 3, § L, v. 1-3.
89 Ibid., fol. 3, verso, § LI, v. 1-8.
90 Ibid., fol. 3, verso, § LII, v. 1-4.
91 Ibid., fol. 4, verso, § LXXVIII et LXXIX.
92 Carl Göllner, Turcica, Bucarest, 1961, p. 119.
93 Kenneth M. Setton, The Papacy and the Levant (1204-1571), vol. III, Philadelphie, 1984, pp. 212-214.
94 C. Ivaldi donne cette fourchette de datation dans sa fiche bibliographique du G.O.R., op. cit., t. I, pp. 179-180 : « Quand l’issue du conflit était encore incertaine et que les Chrétiens avaient réussi à repousser temporairement l’attaque des Turcs ».
95 Le territoire de Rhodes est découpé en secteurs. C’est au XIVe siècle que « les frères furent répartis entre langues, subdivisions territoriales respectant plus ou moins des critères linguistiques […] On compta d’abord sept langues : Provence, Auvergne, France, Espagne, Angleterre et Allemagne », Nicolas Vatin, Rhodes et l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, Paris, 2000, p. 42.
96 P. della Rotonda, La guerra noua del Turcho contra la potente Cita di Rhodi principiada adi vintisei zugno 1522, op. cit., fol. 3 verso, § XLVIII, v. 1-3.
97 Ibid., fol. 3 verso, § XLIX, v. 1-5.
98 Ibid., fol. 3 verso, § L, v. 1-2.
99 Ibid., fol. 3 verso, § LI, v. 1-2.
100 Ibid., fol. 3 verso, § LI, v. 7-8.
101 Ibid., fol. 2. Illustration no 13.
102 Ibid., fol. 4, § LIII, v. 1-6.
103 Ibid., fol. 4, § LXII, v. 1-4. Setton confirme ces dates en s’appuyant sur d’autres sources : K. M. Setton, The Papacy and the Levant..., p. 209.
104 P. della Rotonda, La guerra noua, fol. 4 verso, § LXIV, v. 1-2.
105 El sanguinolento et incendioso assedio, op. cit., fol. 4 verso, § LX, v. 4-5.
106 K. M. Setton, The Papacy and the Levant..., pp. 211-212.
107 Pour la date d’arrivée de cette information à Venise, voir ibid., p. 213.
108 La multiplicité des rééditions prouve un certain intérêt des lecteurs pour l’ouvrage. Dans le G.O.R. on ne relève pas moins de trente-quatre éditions différentes entre 1523 et 1652.
109 El lamento de Rhodi, op. cit., fol. 2, verso, § XXVIII, v. 7-8, § XXIX, v. 1-2 et § XXX, v. 7-8.
110 El sanguinolento et incendioso del gran Turcho, op. cit., fol. 2 verso, § XII, v. 6 et § XIII, v. 1-2.
111 La guerra noua del Turcho, op. cit., fol. 2, § XVI à XXI.
112 El lachrimoso lamento, op. cit., fol. 2 verso et fol. 3, § XLI à XLI.
113 Ibid., fol. 3, § XLVI sqq, v. 1 sqq.
114 Plusieurs sources concordent sur l’exécution de d’Amaral, en divergeant sur les dates. Même s’il n’y a pas de doute sur le châtiment, la date d’exécution varie entre le 4 et le 8 novembre. D’Amaral aurait été accusé de trahison et enfermé le 30 octobre, dépouillé de la croix des hospitaliers le 7 novembre, pour mourir écartelé après quarante ans auprès de l’Ordre et jusqu’au dernier moment il ne demanda jamais pardon pour ses actes. Setton signale les doutes sur sa culpabilité : K. M. Setton, The Papacy and the Levant..., p. 210.
Auteur
FRAMESPA, UMR 5136 (Toulouse)
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