Y a-t-il eu des projets de croisade pontificaux au XVe siècle ?
p. 231-246
Texte intégral
1L’histoire de la croisade contre les Turcs au XVe siècle est l’histoire d’un échec. Non seulement les puissances chrétiennes furent incapables de s’opposer à l’avancée ottomane mais surtout, en dépit des efforts de la papauté et des appels des États de la frontière, les chrétiens ne réussirent jamais à s’unir contre les forces turques. L’échec de la croisade au XVe siècle dépasse la simple défaite militaire : il se manifeste dans l’impossibilité de concrétiser une expédition militaire commune, base de toutes les croisades depuis 1096. Pourtant, les deux derniers siècles du Moyen Âge virent la publication de nombreux « projets de croisade », véritables traités sur la guerre en Orient, détaillant les moyens militaires, économiques et spirituels à mettre en œuvre pour vaincre définitivement l’Islam1. Si certains de ces ouvrages sont de simples conseils moraux et promeuvent la guerre contre l’Infidèle sans chercher à la replacer dans le contexte de leur époque, la plupart furent capables de proposer des stratégies neuves, réfléchies, et adaptées à la situation de la Chrétienté comme des puissances musulmanes2.
2Le contraste entre la poursuite d’une réflexion de valeur sur la croisade et l’inaction des puissances chrétiennes a été souvent noté. La papauté en particulier, principale organisatrice de la croisade à la fin du Moyen Âge, aurait continué à promouvoir des guerres anachroniques, des stratégies dépassées et une forme de combat sans résultat, oubliant les évolutions politiques, militaires et économiques qui rendaient ces expéditions impossibles. Les papes furent-ils à ce point insensibles à l’immense littérature de projets produite en Occident ? Est-il possible qu’ils aient ignoré les nombreux traités écrits par leurs contemporains et n’aient jamais fait évoluer leur conception du combat ? Furent-ils incapables de prendre en compte les nouveaux contextes de leur temps et de mettre en place des stratégies innovantes ?
Défauts des sources et biais de l’historiographie
3Ces questions, volontairement provocatrices, sont moins anodines qu’il n’y paraît. L’art de la guerre au Moyen Âge a suscité un grand nombre d’études depuis une vingtaine d’années. Le constat dressé par Philippe Contamine en 1980 sur le désintérêt des historiens à ce sujet n’est plus de mise aujourd’hui et de nombreux travaux ont mis en valeur la richesse et la variété de la stratégie, comme de la tactique, au Moyen Âge3. Les croisades ont bénéficié de ces relectures : elles apparaissent aujourd’hui comme des expéditions réfléchies, suivant des tactiques et des stratégies précises et certains projets de la fin du Moyen Âge sont de véritables traités d’art militaire, qui ne déméritent en rien entre Végèce et Machiavel. La papauté semble être restée à l’écart de cette réhabilitation. Trompés par le discours de paix propagé par l’Église chrétienne, trop d’auteurs continuent à considérer, plus ou moins explicitement, la Curie pontificale comme une assemblée de prêtres, incapables de penser la guerre, à plus forte raison de la mener, avec des méthodes modernes et efficaces. Prise en main par les puissances laïques, la croisade avait pu affronter les Infidèles depuis le XIe siècle ; conduite par la papauté au XIVe et surtout au XVe siècle, elle était nécessairement anachronique et sans espoir.
4On sait pourtant que l’Église avait, depuis longtemps, progressivement abandonné le pacifisme rigoureux des premiers temps du christianisme : certaines guerres furent considérées comme tolérées par Dieu, voulues par Dieu, promues par Dieu et même menées par Dieu. La croisade ne fut que le point culminant de cette évolution4. En parallèle, la place des États de l’Église dans le jeu politique de la péninsule italienne incita les papes à se conduire en véritables princes territoriaux, à défendre leurs intérêts par la guerre et donc à s’entourer de personnes compétentes dans ce domaine. Les expéditions du cardinal Gil Albornoz au XIVe siècle, les conquêtes orchestrées par les cardinaux Giovanni Vitelleschi ou Lodovico Trevisan au siècle suivant, prouvent la présence, au plus haut niveau de la hiérarchie pontificale, de véritables experts de la guerre, capables de renseigner et de conseiller les papes dans leurs entreprises militaires, en Orient comme en Occident5. Pourquoi, dès lors, douter de la capacité des papes à imaginer une riposte efficace à l’avancée des armées ottomanes en terres chrétiennes ?
5Les sources, il faut bien le dire, se prêtent peu à de telles analyses. Les documents dont nous disposons pour étudier l’activité militaire des papes — lettres, livres de comptes, instructions aux envoyés… — étaient destinés à gérer et organiser une situation présente, pas à préparer l’avenir. Ils ne laissent voir les projets pontificaux que très exceptionnellement. Surtout, les papes eux-mêmes semblent avoir pris soin de donner de leur combat une image la plus traditionnelle et la plus immuable possible. Tout au long du XVe siècle, les rares allusions à la stratégie employée contre les Turcs répètent invariablement un discours similaire. En 1439, Eugène IV espérait « écraser les Turcs, par la terre mais aussi par la mer »6. Au lendemain de la prise de Constantinople, Nicolas V voulait financer une « expédition terrestre et maritime contre les Turcs »7. Trois ans plus tard, son successeur Calixte III décrivait les efforts faits « pour assembler et conduire des armées contre les Infidèles et pour préparer une flotte »8. Au moment de partir en personne à Ancône, Pie II s’occupa de préparer « une armée navale et terrestre »9. Après la prise de Nègrepont, Paul II affirma qu’il fallait « préparer et équiper l’armée et la flotte »10 et, pour parer à la menace de la conquête d’Otrante, Sixte IV déclara : « Nous avons préparé une forte flotte et une armée terrestre dans la région de cette mer »11.
6Depuis la Première croisade — qui ne fut pas uniquement une expédition terrestre12 — toutes les expéditions militaires en Orient furent menées à la fois sur terre et sur mer. Fidence de Padoue théorisa cette stratégie vers 129013 et tous les projets postérieurs répétèrent les mêmes conseils : les Infidèles, Mamelouks ou Ottomans, ne pourraient être vaincus sans l’alliance d’une vaste armée de terre, progressant de concert avec une flotte, pour l’appuyer, la ravitailler, et assurer ses arrières. Les papes — de leur propre aveu ! — se seraient donc contentés, pour repousser la puissante armée ottomane, de quelques considérations stratégiques très générales et vieilles de plusieurs siècles ? En réalité, la papauté, on l’a dit, se souciait peu d’exposer ses plans aux destinataires de ses lettres. Ces discours ne doivent pas être lus comme une description fidèle des expéditions contre les Turcs, mais comme une stratégie de communication, visant à placer l’action des papes dans la tradition de la croisade. Faut-il conclure à l’impossibilité d’étudier la stratégie pontificale ? Quelques rares allusions, dispersées dans les sources, permettent heureusement de dépasser ce discours conventionnel. Peu nombreux, parfois délicats d’interprétation, ces indices ne suffisent pas pour reconstituer avec précision les projets des papes. Ils laissent cependant apercevoir des stratégies complexes, réfléchies et surtout en évolution constante, face aux changements de la situation, en Orient comme en Occident.
Profiter des faiblesses ottomanes : la stratégie d’Eugène IV
7Durant les premières décennies du XVe siècle, l’attention de la papauté fut d’abord occupée en Occident à résoudre les dernières conséquences du Grand Schisme et à réaffirmer sa propre autorité, en Italie face aux autres États de la péninsule, et en Europe face aux tentations conciliaires. La documentation pontificale, lacunaire et dispersée, ne laisse apparaître aucun plan d’envergure contre les Turcs, sans que l’on puisse dire si les papes ne s’en soucièrent pas ou si les sources à ce propos ont été perdues. Dans une lettre de 1422 à l’empereur de Trébizonde Manuel Comnène, Martin V évoquait une alliance entre Rome, Gênes, Venise, Milan, Rhodes et Constantinople contre Murad Ier, qui assiégeait alors la capitale byzantine14. Mais, en terme d’actions concrètes, ce pape semble s’être contenté de répondre ponctuellement aux demandes de princes laïcs15.
8Cette attitude se modifia lorsqu’une conjoncture particulièrement favorable aux chrétiens apparut dans les années 1442-1443. Les Grecs, menés par Constantin Dragatzès, les Albanais, conduits par Skanderbeg, les Serbes, dirigés par Georges Branković, et surtout les Hongrois, sous la direction de Jean Hunyadi, puis de Ladislas, roi de Pologne et de Hongrie, remportèrent de nombreux succès contre l’armée ottomane. L’appui des forces navales vénitiennes, les promesses d’aide de la Bourgogne et surtout la révolte d’Ibrahim Bey, prince du Karaman (dans le sud de l’Anatolie) permirent d’espérer une victoire décisive, sinon définitive, sur l’Empire ottoman. Le pape Eugène IV ne pouvait manquer de participer à une telle offensive. Á la différence de son prédécesseur, il ne se limita pas à encourager les princes, ni même à les soutenir par des indulgences ou des envois d’argent. Il prit une part active dans les préparatifs et la direction des affaires militaires16. Deux légats furent dépêchés en Orient, selon la stratégie si souvent invoquée : l’un commandait la flotte, l’autre dirigeait l’armée de terre. Cette dernière fut confiée à Giuliano Cesarini, envoyé en Hongrie, Dalmatie et Pologne depuis mars 1442, qui vit ses compétences étendues à l’Orient en février 144417. Son action, souvent limitée à sa dimension diplomatique, avait des aspects militaires concrets : il commandait certaines troupes, même si on comprend mal le statut des hommes placés sous ses ordres. Au niveau stratégique, par contre, il devait se contenter de suivre l’armée du roi de Pologne. L’année précédente 1443, les forces polonaises et hongroises avaient largement pénétré dans l’Empire ottoman, en passant par Niş et Sofia, et s’étaient arrêtées à quelques kilomètres d’Andrinople, la capitale ottomane. La paix signée le 15 août 1444 entre la Serbie et les Turcs avait fermé cette voie : l’armée prit donc la seule autre route possible, traversa le Danube à Orşova, puis le longea en rive droite jusqu’à obliquer vers Varna et se diriger vers le cœur de l’Empire turc.
9Francesco Condulmer, neveu du pape, Vénitien comme son oncle, se vit confier la flotte pontificale, renforcée de bâtiments vénitiens et bourguignons18. Par une bulle l’autorisant à lever la décime, le pape détailla l’étendue de sa juridiction : il énuméra tous les diocèses de Dalmatie, d’Albanie, de Morée, des îles de la Mer Egée et ajouta Péra, Caffa, la Crète, et tous les lieux « où le rite romain est en vigueur »19. Sa zone d’action comprenait donc toutes les terres entre Venise et Constantinople, et s’étendait à la mer Noire, mais son objectif réel était bien plus précis. Il devait occuper le détroit des Dardanelles, comme l’expliquait le pape à un clerc de Pologne :
Il faut fermer la mer qui sépare l’Asie de l’Europe, pour que ce peuple infidèle, fort de peuples innombrables, ne soit pas aidé par ses anciennes provinces. Nous avons fait préparé à grand frais une flotte à Venise pour cela, qui partira sous peu pour fermer le détroit dit de Gallipoli20.
10Tant que Constantinople demeurait chrétienne, les Turcs ne possédaient aucun port d’importance sur le Bosphore ; si les Dardanelles étaient tenues par une flotte chrétienne, l’accès à Gallipoli leur était fermé, et ils ne pouvaient faire transiter de troupes d’un bord à l’autre de leur empire. Cette faiblesse de l’Empire ottoman était bien connue en Occident. En mars 1439, l’envoyé byzantin l’avait expliqué aux pères du concile de Florence, en précisant qu’elle ne serait pas nécessairement déterminante, mais ne pouvait nuire21. Profitant de la révolte du sultan du Karaman en Asie, Eugène IV espérait donc bloquer l’armée ottomane en Asie, et laisser ainsi les troupes croisées progresser sans opposition notable en Europe. La fin de cette campagne est connue. Ibrahim Bey résista moins longtemps que prévu à Murad Ier ; ce dernier, libéré de ses obligations anatoliennes, parvint à traverser en Europe malgré la présence de la flotte chrétienne et écrasa l’armée croisée à Varna, le 10 novembre 1444. La défaite fut due à l’impossibilité de coordonner une offensive en Europe avec une attaque en Asie et l’intervention d’une flotte entre les deux. Mais ces déboires prouvent, a contrario, le bien-fondé de la stratégie pontificale : le passage des détroits et la communication entre les parties asiatiques et européennes de l’Empire ottoman, étaient bel et bien la clef de la victoire contre les Turcs.
11Dès les premiers mois de l’année suivante, Condulmer programma une nouvelle offensive, selon un plan modifié. Les galères pontificales remonteraient le Danube et provoqueraient le soulèvement des Bulgares ; ils seraient rejoints par l’armée hongroise à Nicopolis et, de là, tout le monde progresserait vers le sud en longeant la mer. Ce projet, quoique partiellement réalisé, échoua : les deux armées ne se rencontrèrent que le 15 septembre et perdirent du temps à assiéger des forteresses danubiennes. Instruits par l’échec de la « longue campagne » de 1443, le légat du pape comme le voïvode de Transylvanie préférèrent se retirer plutôt que de s’aventurer dans les territoires ennemis en plein hiver. L’offensive pontificale s’arrêta là et, avec elle, les espoirs de vaincre l’Empire ottoman et de sauver Constantinople. Les nombreuses sources, narratives et diplomatiques, autour de ces années 1443-144622, permettent de reconstituer une stratégie réaliste, fondée sur une bonne connaissance des faiblesses ottomanes, et capable de se modifier en fonction des évolutions de la situation orientale. Cette abondance de documents ne se retrouve pas pour les expéditions postérieures. Mais cela ne signifie nullement qu’elles ne furent pas préparées avec autant de soin. Certains textes le montrent, même si les conclusions avancées demeurent des hypothèses, qui demanderaient à être confirmées et approfondies.
À la recherche de nouvelles stratégies : les projets de Calixte III et Pie II
12La prise de Constantinople, en mai 1453, mit fin à la faiblesse de l’Empire ottoman qu’avait voulu exploiter Eugène IV. Maîtres des deux détroits — le Bosphore et les Dardanelles —, les Turcs pouvaient traverser leur empire sans que les chrétiens aient la force nécessaire pour les en empêcher. À défaut de pouvoir couper l’empire en deux, le pape Calixte III choisit de couper en deux l’armée de ses ennemis, en lançant deux attaques simultanées. « Ta Sérénité peut aisément comprendre, écrivait-il au roi du Portugal, combien il est nécessaire d’attaquer par mer les terres des Turcs pour diviser la puissance des forces ennemies »23.
13Une fois de plus, la stratégie fut fondée sur l’alliance d’une armée de terre et d’une flotte24. Les projets de Calixte III pour l’armée de terre différaient peu de ceux d’Eugène IV, sauf que Ladislas de Pologne et Giuliano Cesarini, tous deux morts à Varna, étaient remplacés par Jean Hunyadi et Juan Carvajal. Il est impossible de savoir avec précision le rôle que devait jouer cette armée qui ne vit jamais le jour : Hunyadi, puis son fils et successeur Matthias Corvin, furent sans cesse aux prises avec des querelles internes et des guerres contre l’Empire germanique et repoussèrent sans cesse l’organisation d’une expédition générale contre les Turcs. Même la victoire remportée à Belgrade, le 22 juillet 1456, ne fut suivie d’aucune offensive d’envergure. Les renseignements sont par contre plus nombreux pour la flotte. Venise était en paix avec les Ottomans depuis 1453 ; les Bourguignons n’étaient pas prêts à retenter la coûteuse expérience d’une croisade ; le roi d’Aragon Alphonse V repoussait sans cesse la réalisation de ses promesses d’aide. Calixte III décida donc d’arme une flotte seul, à Rome, et la confia à Lodovico Trevisan. Celui-ci reçut ses instructions en 1455 : il était nommé légat en Sicile, Dalmatie, Épire, Grèce, Thessalie, Thrace, Macédoine, Achaïe, Crète, Rhodes, Chypre, Bithynie, Strygie, Galatie, Lydie, Carie, Lycie, Pamphylie, Isaurie, Cilicie, Chios, Mytilène, et toutes les autres îles et provinces d’Asie Mineure et toutes les régions orientales et d’outre-mer25. Cette liste déterminait les champs d’action de la flotte. Elle dessinait le trajet de la flotte, de Rome jusqu’en Orient, mais l’insistance sur les régions asiatiques — et le détail de toutes les anciennes provinces romaines d’Asie Mineure — semble indiquer que le pape désirait voir ses navires agir prioritairement dans ces régions. Celui-ci espérait obliger le sultan à détourner une partie de ses troupes vers l’Anatolie, diminuant d’autant la résistance offerte à l’armée hongroise. Cet objectif ne fut que très partiellement rempli. De sa base à Rhodes, le légat mena bien quelques raids contre les îles de la mer Égée et les côtes de l’Asie Mineure, mais il passa le plus clair de son temps à attendre des renforts d’Occident et l’annonce d’une offensive terrestre qui ne vinrent jamais. Ce nouvel échec ne doit pas occulter la précision de la stratégie mise en œuvre, basée sur la prise en compte des faiblesses de l’ennemi — l’immensité de son empire — et des erreurs commises par Eugène IV — se reposer sur Ibrahim Bey, dont l’action était incontrôlable.
14La mort de Calixte III en 1458 mit un terme définitif à cette tentative. Son successeur Pie II sut, à son tour, innover en s’appuyant sur les leçons du passé. Après avoir réuni tous les princes chrétiens lors du congrès de Mantoue, le pape élabora un projet d’expédition dont on ne sait rien puisqu’il ne se réalisa jamais. En 1463, par contre, il décida de prendre lui-même la tête d’une expédition, en espérant que ses premières victoires inciteraient les puissants d’Occident à le suivre26. La guerre navale menée par Calixte III s’était avérée inutile et dispendieuse. Pie II réduisit ses objectifs, privilégia les attaques terrestres et les fronts plus proches, plus faciles à contrôler. Matthias Corvin avait déclaré la guerre à Mehmed II et devait attaquer l’Empire ottoman par le nord, par la vallée du Danube ou par Niş. Skanderbeg, chef de la résistance albanaise, devait occuper l’ennemi à l’ouest, même si rien n’indique que Pie II lui ait attribué un rôle offensif. Le pape devait retrouver un contingent bourguignon et des croisés venus de toute l’Europe à Ancône. De là, ses projets sont obscurs. Il avait armé une forte flotte — plus de vingt bâtiments — et demandé l’aide d’autres navires vénitiens pour passer « en Grèce » (ad partes Grecie), affirmait-il dans une lettre envoyée à un collecteur en Sardaigne27. Ce terme, assez vague, pouvait désigner toute terre comprise entre le sud du Péloponnèse et la Serbie actuelle. Le pape désirait-il se diriger vers la Morée, où les Vénitiens menaient une vaste offensive terrestre et sur laquelle il avait fait porté son attention depuis le début de son pontificat28 ? Ou bien comptait-il débarquer à Durazzo, s’adjoindre les forces de Skanderbeg et suivre l’antique Via Egnatia, jusqu’à Constantinople ? Le rôle de la flotte, une fois le passage assuré, est inconnu : peut-être, suivant la stratégie des escadres vénitiennes, devait-elle se rendre en mer Égée pour ouvrir un nouveau front à l’est mais les sources sont complètement muettes sur ce point.
15Dans tous les cas, la stratégie de Pie II différait de celles de ses prédécesseurs. Elle comprenait, bien sûr, une attaque conjointe par terre et par mer, mais le rôle de la flotte paraît secondaire. L’offensive principale était menée par deux ou trois armées qui devaient progresser de concert, converger vers le centre de l’empire, se rejoindre — sans doute quelque part dans la vallée de la Maritsa — avant d’attaquer, ensemble, Constantinople29. La mort du pape à Ancône fit échouer ce plan ambitieux, peu réaliste peut-être, mais original et réfléchi. Elle semble avoir également marqué la fin des projets pontificaux.
16Paul II, puis Sixte IV et Innocent VIII adoptèrent en effet une stratégie entièrement nouvelle, même si leurs actions contre les Turcs demeurèrent guidées par des principes similaires.
1464-1490 : la fin des projets pontificaux ?
17Paul II employa la majeure partie de son pontificat à combattre les Hussites en Bohême. La croisade contre les Turcs passa au second plan de ses préoccupations, mais il est faux de dire qu’il s’en désintéressa. Convaincu que le combat devait être mené sur terre, le pape n’arma aucune flotte et laissa aux Vénitiens la charge entière de la guerre en mer Égée. Mais il ne chercha pas non plus à organiser une alliance de souverains européens, comme l’avaient fait tous les papes avant lui. Á plus forte raison, il n’équipa aucune armée, ou, en tous cas, il n’assigna aucun but autonome aux troupes qu’il entretint en Orient30. Il préféra promouvoir le combat de princes déjà en guerre contre les Ottomans : il soutint ainsi, financièrement et militairement, les combats de Matthias Corvin en Hongrie, de Skanderbeg en Albanie et du despote d’Arta à Céphalonie et Zante31. On retrouve, dans la stratégie de Paul II, certaines idées qui avaient guidé ses prédécesseurs, Pie II en particulier : la nécessité de diviser les forces ennemies et la volonté de multiplier les fronts relativement proches. Mais le pape concevait la guerre comme une juxtaposition d’offensives, menées par les princes qui, par intérêt politique ou par nécessité militaire, y étaient obligés. Cela impliquait l’abandon des vastes expéditions menées sous l’égide directe du pape, projets qui avaient prouvés leurs limites tout au long du siècle.
18En dépit des apparences, Sixte IV poursuivit cette politique. Il remit la lutte contre les Turcs au premier plan des préoccupations pontificales — par obligation autant que par conviction —, mais n’organisa aucune offensive générale. Dès son élection en 1471, il fit équiper une escadre, forte sans doute près de vingt-cinq navires. Renforcée par des bâtiments vénitiens et aragonais, cette flotte fit voile vers le sud de l’Anatolie pour appuyer la guerre menée par le sultan des Ak Koyunlu, Uzun Hasan, contre Mehmed II. Cette expédition se fondait sur des éléments de la stratégie mise en place sous Eugène IV — l’alliance avec des émirs anatoliens — et sous Calixte III — l’importance d’une attaque navale dans la partie asiatique de l’empire. Mais elle n’était en rien un projet pontifical : le pape s’était contenté d’appuyer un plan préparé et organisé par les Vénitiens depuis de longues années32. De même, le pape tenta par la suite d’inciter le grand prince de Moscovie, puis — avec plus de succès — Étienne le Grand, prince de Moldavie, et Vlad Ťsepeş, voïvode de Valachie, à la guerre contre les Turcs33. Il continua par ailleurs à soutenir Matthias Corvin, mais, là encore, aucun document ne laisse supposer qu’il avait en tête un projet d’offensive générale : il se contentait d’inciter et de supporter les princes de la frontière au combat. Même en 1480, alors que Mehmed II lançait une double attaque sur Otrante et Rhodes, le pape se contenta de supporter d’un côté les Hospitaliers, de l’autre le roi de Naples. La victoire à Otrante aurait pu permettre des espoirs d’offensive plus vaste. Mais les lettres pontificales, en particulier les instructions au légat de sa flotte, Paolo de Campofregoso, ne mentionnent que la reconquête de Valona (Vlorë) et de la côte albanaise. La volonté d’ouvrir de nouveaux fronts est manifeste mais la papauté ne semble pas avoir promu ou conçu de projet global de croisade34.
19Durant l’été 1490, Innocent VIII réunit les ambassadeurs des principales puissances européennes à Rome pour mettre au point une offensive commune contre les Turcs35. Les princes rédigèrent un projet de croisade pour le pape, véritable synthèse des stratégies imaginées au XVe siècle. Sur terre, l’Empire ottoman devait être attaqué simultanément par une armée de Hongrois et d’Allemands à travers la Valachie et par une armée d’Italiens par l’Albanie. Une flotte les soutiendrait en Morée et en mer Égée. Les offensives seraient facilitées par la victoire des Mamelouks, avec qui les Ottomans étaient en guerre en Syrie du nord. Le 25 juillet, le pape approuva cette stratégie en précisant, point par point, les détails techniques. Mais ce retour vers une tradition d’alliances générales guidées par le pape n’était qu’apparent. En réalité, Innocent VIII se contentait de reprendre un projet proposé par les princes. Lui-même, quoique invité à prendre part personnellement à l’expédition, recevait dans ce cadre une place très traditionnelle : veiller à la paix entre les nations, autoriser la levée de subsides et donner des conseils pour un commandant en chef. Il n’était plus question d’un rôle de la papauté dans l’élaboration de la stratégie, ni dans la conduite militaire des opérations.
20Innocent VIII puis Alexandre VI ne firent d’ailleurs jamais mine de réaliser ce projet ou un autre semblable36. Les circonstances politiques — la défaite des Mamelouks, la mort de Matthias Corvin, les différends entre nations européennes — n’y étaient certes pas favorables mais le pape n’essaya jamais de lancer l’offensive en espérant que les puissances laïques le suivent, comme l’avaient fait Calixte III ou Pie II. Il se contenta d’appuyer les initiatives des princes, sans chercher à promouvoir un projet indépendant de croisade. Il incita les Hongrois, les Napolitains et les chevaliers de Rhodes au combat mais ne fit rien lui-même. Même la présence à Rome du prince Djem, prétendant au trône ottoman, ne fut pas accompagnée de tentatives pour organiser une armée destinée à l’accompagner à Constantinople. Á partir de 1494, l’invasion de la péninsule par Charles VIII — sous prétexte de guerre contre les Turcs — ne fit qu’amplifier cette attitude. Incapable de mener une politique autonome dans la péninsule, la papauté était, à plus forte raison, dans l’impossibilité de proposer un projet global contre les Turcs.
21Au-delà des textes les plus officiels, qui répètent inlassablement le même discours, et d’une historiographie qui juge trop souvent les papes du XVe siècle comme les éternels promoteurs d’une croisade dépassée, certains documents mettent donc en évidence une réelle capacité de la papauté à élaborer des stratégies et à les faire évoluer. Certains éléments, bien sûr, se retrouvent tout au long du siècle et ne sont pas propres à la politique pontificale. La défaite de Nicopolis en 1396 avait prouvé à l’Europe entière la difficulté de vaincre l’armée ottomane en combat frontal et donc la nécessité de diviser les forces ennemies. Pour ce faire, tous les projets proposaient des attaques convergentes vers le centre de l’empire à partir de quelques points principaux : le passage de la Hongrie vers la plaine du Danube ou celle de la Maritsa, la Morée, le sud-est de l’Anatolie, les rives de la mer Noire, soit les quatre coins de l’empire, se retrouvent dans la majeure partie des offensives prévues au XVe siècle. La situation étant — grossièrement — la même, les solutions stratégiques pour s’opposer aux Ottomans ne pouvaient fondamentalement varier. Les différences entre les propositions de chaque souverain pontife ne doivent pas être négligées pour autant. Certains centrèrent leur attention sur les Balkans, d’autres sur la mer Égée ; les uns comptèrent plus sur leur marine, les autres sur les armées de terre ; quelques uns promurent des projets généraux, quand d’autres se limitèrent à des offensives plus ponctuelles.
22L’origine de chaque pape permet d’expliquer, en partie, ces spécificités. Eugène IV, Vénitien, organisa une expédition commune avec la flotte de la Sérénissime. Calixte III était Valencien et avait séjourné longtemps à la cour d’Alphonse V d’Aragon. Comme son ancien protecteur, il privilégiait les attaques navales. Pie II, bien que Siennois, avait passé la majeure partie de sa vie dans l’Empire, où il acquit sans doute sa prédilection pour les offensives terrestres. Mais les choix stratégiques des papes ne s’expliquent pas uniquement par leur origine. Ceux-ci semblent surtout avoir été guidés par une volonté de prendre en compte la situation orientale et les erreurs passées. Calixte III comprit qu’il était trop hasardeux de compter sur une révolte du Karaman et de vouloir couper les détroits avec quelques navires : il tenta d’envoyer une véritable armée chrétienne en Anatolie. Pie II s’aperçut que la coordination entre deux armées si lointaines était impossible et que la flotte en Orient était bien trop coûteuse : il privilégia des fronts plus proches, moins coûteux et plus faciles à contrôler. Paul II, puis ses successeurs, prirent acte du fait que ces plans pontificaux n’étaient jamais suivis par les puissances laïques et centrèrent leur stratégie sur l’incitation et le soutien à quelques princes déjà en guerre contre les Ottomans.
23L’importance de la mort de Pie II, si souvent soulignée, ne doit donc pas être surestimée. L’échec éclatant de la seule tentative d’un pape de conduire personnellement une croisade en Orient n’a pas marqué pas la fin des expéditions pontificales. Mais il incita sans doute les papes suivants à adopter une stratégie plus mesurée, faite de la juxtaposition d’attaques ponctuelles, sans espérer un hypothétique soulèvement de l’Europe entière contre les Ottomans. Les formes se modifiaient mais l’idée générale restait la même : il appartenait au souverain pontife de définir une stratégie, de décider qui devait se battre, où et comment, en un mot de conduire la guerre contre les ennemis de la foi. Faute de sources, cette étude s’est contentée de révéler une partie de ces plans, et bien des points demeurent sujets à discussions. Il reste que, pendant près d’un demi-siècle, la papauté mit au point des projets de lutte contre les Turcs, réfléchis et adaptés, et fit tout pour les réaliser. Née d’une double nécessité — s’opposer aux Ottomans et s’affirmer en Europe —, cette attitude ne prit fin que lorsque le début des guerres d’Italie vint modifier en profondeur la situation de la péninsule et la capacité d’action des papes dans la politique internationale.
Notes de bas de page
1 Jacques Paviot (éd.), Projets de croisade (v. 1290-v. 1330), Paris, 2008, publie neuf de ces textes du début du XIVe siècle ; ceux du XVe siècle sont, par contre, pour la plupart encore inédits.
2 Sylvia Schein, Fideles Crucis. The Papacy, the West and the Recovery of the Holy Land, 1274-1314, Oxford, 1991, et Anthony Leopold, How to Recover the Holy Land ? The Crusade Proposals of the Late Thirteenth and Early Fourteenth Centuries, Aldershot, 1998, s’intéressent aux projets du XIVe siècle ; Géraud Poumarède, Pour en finir avec la croisade. Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, 2004, pp. 149-196, est plus critique envers les projets du début de l’époque moderne mais montre cependant la nouveauté des stratégies proposées.
3 Parmi une bibliographie abondante, on se contentera de renvoyer aux synthèses de Philippe Contamine, La Guerre au Moyen Âge, Paris, 1980 ; Helen Nicholson, Medieval Warfare. Theory and Practice of War in Europe, 300-1500, Basingstoke, 2004 ; Aldo A. Settia, Rapine, assedi, bataglie. La guerra nel Medio Evo, Rome, 2002 ; ou Id ., Techniche e spazi della guerra medievale, Rome, 2006 ; sur la croisade, cf. par exemple John France, Victory in the East. A Military History of the First Crusade, Cambridge, 1994.
4 Jean Flori, La Guerre sainte. Les origines de l’idée de croisade, Paris, 2001.
5 Malgré certaines positions excessives, David S. Chambers, Popes, Cardinals and War. The Military Church in Renaissance and Early Modern Europe, Londres, 2006, met bien en valeur ce phénomène.
6 Vatican, Archivio Segreto [par la suite ASV], Reg. Vat. 366, fol. 358-359 : « non solum mari sed etiam terra Turchi opprimi possint ».
7 Ibid., Reg. Vat. 428, fol. 116v°-117v° : « expeditionis maritime et terrestris adversus Teucros ».
8 Ibid., Reg. Vat. 445, fol. 99v°-100 : « in congregandis ducendisque exercitibus contra infideles predictos necnon paranda classe ».
9 Ibid., Reg. Vat. 519, fol. 14v°-15v° : « navalis et terrestris exercitus ».
10 Ibid., Reg. Vat. 540, fol. 104r°-v° : « exercitum et classe preparandis ac muniendis ».
11 Mario Viora, « Angelo Carletto da Chivasso e la crociata contra i Turchi del 1480-81 », Studi francescani, XI (1925), p. 338 : « Paramus autem validissimam classem et in partibus illis maris terrestrem exercitum ».
12 Sur le rôle de la flotte dans la première croisade, cf. John Pryor, « A view from masthead : the First Crusade from the sea », Crusades, VII (2008), pp. 87-152.
13 Liber recuperationis Terre Sancte, dans J. Paviot (éd.), Projets de croisade…, pp. 53-169 ; cf. S. Schein, Fideles Crucis…, pp. 93-102 ; A. Leopold, How to Recover…, pp. 138-156.
14 ASV, Arm. XXXIX, vol. 5, fol. 168v°-169v°.
15 Il offrit ainsi des indulgences pour la défense de la Morée ou pour la participation à l’expédition organisée par l’empereur Sigismond contre les Turcs ; cf. Kenneth M. Setton, The Papacy and the Levant, t. II, Philadelphie, 1978, p. 41.
16 Sur ces événements, cf. K. M. Setton, The Papacy…, pp. 66-92, ou Norman Housley, The Later Crusades. From Lyons to Alcazar. 1274-1580, Oxford, 1992, pp. 85-93 ; sur l’action pontificale, voir Domenico Caccamo, « Eugenio IV e la crociata di Varna », Archivio della Società Romana di Storia Patria, CXXIX (1956), pp. 35-87.
17 ASV, Reg. Vat. 382, fol. 206v°-208.
18 Ibid., fol. 188(2)-189. J. Paviot, La Politique navale des ducs de Bourgogne, 1384-1482, Lille, 1995, pp. 113-123, donne un récit très détaillé de l’activité des flottes bourguignonnes et pontificales.
19 ASV, Reg. Vat. 376, fol. 51v°-53 : « in quibus Romane Ecclesie ritus viguit ».
20 Ibid., fol. 151 : « Mare quod Asiam ab Europa dividit, claudi oporteat ne illa natio infidelium populis innumeris abundans a suis antiquis provinciis adiuvetur. Eaque ratione, classem ingentem magna cum impensa pridem apud Venetias parari fecimus que ad dictum mari, ubi strictum Gallipolis dicitur, claudendum de proximo navigabit ». Des considérations identiques sont exposées ibid., fol. 77v°(2)-78, 160 et 259v°-261v°.
21 L’avis de Iohannes Torcello tel qu’il fut transmis au duc de Bourgogne a été publié par Charles Scheffer (éd.), Le Voyage d’Outremer de Bertrandon de la Broquière premier écuyer tranchant et conseiller de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1432-1433), Paris, 1892, pp. 263-266.
22 Colin Imber, The Crusade of Varna, Aldershot, 2006 rassemble les principales sources narratives et donne un récit clair de la campagne. Emmanuel Antoche, « Les expéditions de Nicopolis (1396) et de Varna (1444) : une comparaison », Mediævalia Transilvanica, IV (2000), pp. 28-74 fournit une recension presque exhaustive des sources éditées et de la bibliographie et apporte quelques analyses supplémentaires d’histoire militaire.
23 ASV, Arm. XXXIX, vol. 7, fol. 99 : « Serenitas tua intelligere potest quantum necessarium est maritimo bello aggredi Turcorum terras ad distrahendam potentiam hostilium copiarum ». On retrouve un exposé similaire au roi d’Aragon, fol. 5r°-v°.
24 Sur l’action de Calixte III, cf. N. Housley, The Later Crusades..., pp. 102-105, ou Miguel Navarro Sorní, Calixto III Borja y Alfonso el Magnánimo frente a la cruzada, Valence, 2003, pp. 156-180 ; sur la flotte et son action, Pio Paschini, « La flotta di Calisto III (1455-1458) », Archivio della Società Romana di Storia Patria, CIII-CV (1930-1932), pp. 177-254.
25 Deux bulles dans ASV, Reg. Vat. 440, fol. 242-245v°, ne sont malheureusement pas datées avec précision.
26 La littérature sur cette expédition est abondante. On se contentera de renvoyer à K. M. Setton, The Papacy…, pp. 248-270 ; Franco Cardini, « La repubblica di Firenze e la crociata di Pio II », Rivista di storia della Chiesa in Italia, XXXIII (1979), pp. 455-482 ; N. Housley, The Later Crusades…, pp. 107-109 ; ou Johannes Helmrath, « Pius II und die Türken », dans Bodo Guthmüller et Wilhelm Kühlmann (éd.), Europa und die Türken in der Renaissance, Tübingen, 2000, pp. 79-138.
27 ASV, Reg. Vat. 519, fol. 80-81.
28 Sur cette guerre et l’attitude de Venise, cf. Giuseppe Gullino, « Le frontiere navali », dans Alberto Tenenti et Ugo Tucci (éd.), Storia di Venezia, t. IV, Rome, 1996, pp. 62-69.
29 Iulian Damian, « La Depositeria della Crociata (1463-1490) e i sussidi dei pontefici romani a Mattia Corvino », Annuario dell’Istituto Romeno di Cultura e Ricerca Umanistica di Venezia, VIII (2006), pp. 135-152, suppose que le pape, les Hongrois et les Vénitiens devaient se réunir à Raguse, mais cela semble peu probable : une telle stratégie aurait imposé un large détour vers l’ouest aux deux armées à travers les Alpes dinariques.
30 J’ai détaillé ailleurs l’importance et les questions que soulèvent cet engagement militaire : Benjamin Weber, « La papauté en Hongrie (1453-1481) : engagement financier ou militaire ? », Transylvanian Review, XVII-3 (2009), pp. 21-32.
31 Ces paiements sont détaillés dans les livres de comptes pontificaux : ASV, Cam. I, vol. 1234 et 1235 ; cf. aussi K. M. Setton, The Papacy…, p. 276, ou Giuseppe Valentini, « La sospenzione della crociata nei primi anni di Paulo II (1464-1468) (dai documenti d’archivio di Venezia) », Archivum Historiae Pontificae, XIV (1976), pp. 71-101, qui donne des éléments intéressants, malgré une vision d’ensemble contestable.
32 Sur cette flotte et son action, cf. Franz Babinger, Mehmed the Conqueror and his Time, Princeton, 1992 [Munich, 1953 ; Princeton, 1978 pour la traduction anglaise], pp. 307-308, ou K. M. Setton, The Papacy…, pp. 315-318.
33 Oskar Halecki, « Sixte IV et la Chrétienté orientale », dans Mélanges Eugène Tisserant, t. II, Città di Castello, 1964, pp. 241-264 ; Dan I. Mureşan, « Girolamo Lando, titulaire du Patriarcat de Constantinople (1474-1497), et son rôle dans la politique orientale du Saint-Siège », Annuario dell’Istituto Romeno di Cultura e Ricerca Umanistica di Venezia, VIII (2006), pp. 153-258, en particulier, pp. 204-213.
34 Cf. à ce propos les considérations, très générales, tenues aux Génois, dans Giacomo Grasso (éd.), Documenti riguardanti la costituzione di una lega contra il Turco nel 1481, Gênes, 1880, doc. 69.
35 K. M. Setton, The Papacy…, pp. 413-416.
36 Sur l’attitude d’Alexandre VI, cf. F. Cardini, « Alessandro VI e la crociata », dans Maria Chiabò et al. (éd), Roma di fronte all’Europa al tempo di Alessandro VI, Rome, 2001, pp. 971-976 ; Édouard Bouyé, « Alexandre VI, la croisade et les Turcs », dans Maria Chiabò et al. (éd), Alessandro sesto, dal Mediterraneo al Atlantico, Atti del convegno di Roma, 17-19. V. 2001, Rome, 2004, pp. 169-186. Les conclusions de ces deux études, très critiques, gagneraient sans doute à être précisées.
Auteur
UMR 5136 (FRAMESPA, Toulouse)
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