Les statues mariales catalanes et la progressive assimilation de la Vierge à l’Enfant au prêtre officiant
p. 19-45
Texte intégral
1Les plus fortes concentrations de statues romanes de la Vierge à l’Enfant, qu’elles soient conservées ou seulement mentionnées par un texte, se trouvent en Auvergne et, dans une moindre mesure, sur les deux versants des Pyrénées1. Depuis la fin du Xe siècle au moins, des statues de ce type ont été disposées sur l’autel ou sur une colonne ou un pilier érigé derrière l’autel où elles devaient généralement être associées aux deux autres images canoniques de l’iconographie chrétienne mentionnées dans l’interpolation de la lettre à Secundinus. Ce texte fait dire à Grégoire le Grand que le Christ doit être représenté trônant, suspendu à la croix et sur les genoux de Marie, et l’idée a été reprise par Guillaume Durand au XIIIe siècle2. La prééminence théorique de ces trois représentations complémentaires du Christ rejoint une pratique très largement répandue, en particulier dans les églises romanes où le Christ trônant apparaissait presque systématiquement sur les peintures de l’abside et régulièrement sur le décor de l’autel, que ce soit sur un antependium, un retable ou une châsse. Quant à la Crucifixion, elle était évoquée à travers la croix d’autel ou représentée sur cette même croix, l’antependium, le retable, les peintures murales ou la croix peinte ou sculptée disposée à l’entrée de l’espace liturgique.
2En inscrivant ces représentations tridimensionnelles de la Vierge à l’Enfant dans un tel contexte topographique et iconographique, que ce soit de manière permanente ou occasionnelle, on cherchait probablement à mettre en évidence un ou plusieurs aspects de son vaste champ sémantique3. Avec les deux autres images canoniques, elles évoquaient certainement la double nature du Christ tout en exaltant le rôle de Marie dans le cadre de l’Incarnation et, plus globalement, dans le plan du salut, comme le font les prières mariales avant de lui demander d’intercéder auprès de son Fils. Ces mêmes prières attribuent également à Marie une impressionnante série de noms ou de qualificatifs que les statues traduisent quelquefois en image4. L’attribut le plus courant est la couronne qui en fait une regina coeli : elle apparaît progressivement sur la tête de Marie au XIIe siècle et se systématise au XIIIe siècle. La Vierge est parfois désignée comme étant le trône de la Sagesse – la sedes Sapientiae – par une inscription ou par les lions ornant son trône à l’instar de celui du roi Salomon, comme sur les portails de Saint-Bertrand-de-Comminges et de Corneilla-de-Conflent, mais les exemples sont extrêmement rares dans le vaste corpus des statues mariales romanes5.
3Les statues de la Vierge à l’Enfant faisaient l’objet d’un culte aux formes diverses6. Quantité de récits rapportent que les chrétiens se pressaient autour de l’autel pour s’agenouiller à leurs pieds, les toucher, déposer des offrandes sur l’autel et implorer la Vierge d’obtenir un bienfait par son pouvoir d’intercession. Au XIIe siècle, le clergé n’a pas toujours encouragé ces pratiques et s’est au contraire souvent montré réticent, mais cette piété qui touchait toutes les catégories sociales et culturelles a rapidement progressé pour s’imposer durant les derniers siècles du Moyen Âge7. Enfin, ces statues devaient remplir une fonction très originale dans le cadre de la paraliturgie, comme l’a suggéré Ilène Forsyth. Plusieurs textes stipulent en effet que dans le cadre du drame de l’Épiphanie, des clercs jouant le rôle des Mages venaient déposer leurs offrandes sur l’autel, devant une statue de la Vierge à l’Enfant qui venait ainsi compléter le tableau8.
4Si ces niveaux de sens et ces fonctions ont été maintes fois étudiés, on n’a pratiquement jamais envisagé l’interprétation sacerdotale de la Vierge suggérée dans plusieurs textes médiévaux. Dans une étude antérieure, je pense avoir montré que ce sens a été très largement appliqué dans la peinture romane de la Catalogne médiévale, du Couserans et du Comminges où les indices sont nombreux et souvent très explicites9. Dans le cadre de cet article, je voudrais évaluer la pertinence de cette lecture pour les statues mariales de cette région pour lesquelles les indices visuels sont moins nombreux et moins éloquents. Pour fonder cette réflexion, il faudra donc rappeler brièvement les textes évoquant le rôle sacerdotal de la Vierge et les indices iconographiques fournis par les peintures murales.
Les textes
5Les sources écrites comparant la Vierge au prêtre sont, à ma connaissance, extrêmement rares avant le grand essor de la piété mariale au XIIe siècle, mais un texte de Jean Chrysostome (mort en 407) atteste que l’idée est née très tôt dans l’esprit des théologiens. Dans son commentaire sur la Première épître aux Corinthiens, il rapproche l’Enfant, que les Mages ont vu dans la crèche, du corps du Christ que le chrétien voit dans les mains du prêtre : « Toi, ce n’est pas dans une crèche que tu l’aperçois, mais sur l’autel ; ce n’est pas une femme qui le tient, mais le prêtre qui se tient debout »10. Il établit donc un parallèle exceptionnellement clair entre la Vierge portant l’Enfant et le prêtre saisissant l’hostie.
6En Occident, cette comparaison a été faite principalement dans des récits de vision et pratiquement jamais dans l’exégèse ou les sermons traitant de l’Adoration des Mages11. Symptomatiquement, le premier exemple émane de Paschase Radbert qui fut le premier à défendre une conception foncièrement réaliste de l’eucharistie12. Pour étayer ses idées, il s’est appuyé à la fois sur des arguments théologiques et sur des visions. L’une d’elles évoque un prêtre souhaitant ardemment voir la nature du corps et du sang du Christ et tenir dans ses mains l’Enfant qui pleurait sur les genoux de sa mère, jusqu’au jour où, célébrant la messe, il voit à la place de l’hostie l’Enfant que Siméon a mérité de porter dans ses bras et un ange proclamant qu’il lui a été accordé de voir avec ses yeux et de saisir de ses mains celui qu’il avait coutume de consacrer avec des paroles mystiques13. Paschase Radbert semble donc exhorter les prêtres à concevoir l’hostie qu’ils consacrent à l’autel sous l’apparence de l’Enfant et à comparer leurs gestes à ceux de la Vierge et de Siméon. C’est en tout cas ce que montre à la fin du XIIe siècle une miniature du Bréviaire d’Aldersbach : au moment où le prêtre accomplit le geste de l’élévation, l’Enfant surgit de l’hostie et plonge dans les bras d’un ange, probablement l’ange du Supplices auquel on demande de présenter les offrandes à l’autel céleste dressé devant le trône de Dieu14.
7Pierre le Vénérable a repris le thème de l’Enfant apparaissant à la place de l’hostie dans deux récits de son De Miraculis. Dans le deuxième, il ajoute qu’après avoir reçu cette vision, le moine Gérard aperçut à côté de l’autel la Vierge « veillant sur lui maternellement avec grande révérence » ainsi qu’un « ange envoyé par Dieu qui assistait comme elle aux célestes sacrements »15. Ici, le prêtre n’est pas comparé à la Vierge mais elle fait partie de la vision et elle assiste au sacrement au même titre que l’ange, le verbe adstare suggérant même que cette assistance est active, comme celle du clergé entourant l’officiant16. Lorsque les théologiens ne rapportent pas de vision eucharistique, ils rappellent en permanence que le corps sacrifié est celui qui est né de la Vierge, ajoutant régulièrement que c’est ce même corps qui a été suspendu sur la croix. C’est le cas chez Paschase lui-même, Ambroise, qui l’a beaucoup inspiré, Hériger de Lobbes, Rupert de Deutz et les détracteurs de Bérenger de Tours comme Lanfranc du Bec et Geoffroy de Vendôme17.
8Selon René Laurentin, l’assimilation de la Vierge au prêtre a commencé à s’affirmer sous l’impulsion de Bernard de Clairvaux, comme l’atteste l’œuvre de Guerric d’Igny, un de ses plus grands émules (avant 1157). Dans son commentaire sur la Présentation au Temple, il attribue à Siméon un discours foncièrement nouveau : « J’irai à l’autel de Dieu, où Marie offre Jésus au Père. J’irai au Dieu qui réjouit ma vieillesse, ou plutôt qui renouvellera ma vieillesse »18. En utilisant l’expression Introibo ad altare – une paraphrase du psaume 42, 4 prononcée par le prêtre au début de la messe – et en destinant l’oblation de Marie au Père, Guerric d’Igny attribue clairement aux deux principaux protagonistes de cet épisode une fonction sacerdotale19.
9Au début du XIIIe siècle, Gautier de Coinci franchit un pas supplémentaire dans cette progressive assimilation de la Vierge à l’officiant20. Dans son recueil de miracles mariaux qui a rapidement connu un très grand succès, il évoque à plusieurs reprises la Vierge administrant personnellement l’eucharistie. Cette tendance est particulièrement significative dans l’histoire de l’enfant juif plongé dans la fournaise par son père pour avoir communié dans une église et protégé par la Vierge car chez Grégoire de Tours, qui est le premier à rapporter ce miracle, la communion ne présente aucune particularité21. Gautier de Coinci a donc intentionnellement et sans la moindre ambiguïté attribué à la Vierge le rôle du prêtre officiant. Dans le manuscrit de Besançon, l’illustration de ce miracle va encore plus loin en montrant la statue de la Vierge à l’Enfant posée sur l’autel tendant l’hostie vers l’enfant juif dans une attitude calquée sur celle du prêtre faisant communier les enfants chrétiens22.
10Avant d’aborder les images, il faut relever que plusieurs textes évoquant la fonction sacerdotale de la Vierge font référence à deux épisodes de l’Enfance durant lesquels Jésus est porté dans les bras de sa mère ou de Siméon : l’Adoration des Mages et la Présentation au Temple. Dans la peinture catalane, c’est en effet très souvent dans le cadre de l’Adoration des Mages que la Vierge a été assimilée au prêtre et l’on verra que les représentations de la Présentation au Temple offrent une importante clé d’interprétation des statues mariales.
La peinture catalane
11Dans les textes, l’assimilation de la Vierge au prêtre officiant a donc été très progressive et elle n’a commencé à s’affirmer que vers le milieu du XIIe siècle. Le manuscrit des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci conservé à Besançon apporte un fondement extrêmement solide à l’interprétation sacerdotale des statues mariales, mais les trois autres manuscrits enluminés du XIIIe siècle témoignent du maintien de cette réticence puisqu’ils montrent un prêtre administrant l’eucharistie à l’enfant juif, comme dans la version de Grégoire de Tours. Et dans le manuscrit de Soissons, attribué à Jean Pucelle, la Vierge défendant la ville de Constantinople apporte un agneau au lieu de l’hostie mentionnée dans le texte23. Il faut attendre le XVe siècle pour voir la Vierge portant des vêtements sacerdotaux à l’intérieur d’une église comme le montre le tableau du Maître des heures Collins conservé au Louvre intitulé Le Sacerdoce de la Vierge (1438)24. La peinture romane de la Catalogne médiévale contraste donc nettement avec cette tendance puisqu’elle assimile très clairement la Vierge au prêtre en lui attribuant un calice et une chasuble, et en l’associant à d’autres thèmes eucharistiques.
La Vierge au calice
12En Catalogne, huit églises romanes comportent une représentation de la Vierge exposant un calice dans l’arrondi de l’abside ou sur la paroi orientale d’un sanctuaire rectangulaire : Santa Coloma d’Andorre, San Christòfol d’Anyós, Sant Romà de les Bons, Santa Eulàlia d’Estaon, Santa Maria de Ginestarre de Cardós (fig. 1), Santa Eugènia d’Argolell25. À Sant Andreu de Baltarga, le thème a été traité à une échelle plus monumentale sur la voûte du sanctuaire où la Vierge a été inscrite dans une gloire portée par quatre anges. On le rencontre également sur l’antependium d’Encamp et il a peut-être été évoqué dans les absides de San Pere de Burgal et de Sant Climent de Taüll, même si le vase de Marie ne ressemble que très approximativement aux calices contemporains26. Dans la première série en tout cas, Marie ne porte pas l’Enfant mais un calice dont le contenu correspond au sang répandu sur la croix. Cette idée est exprimée encore plus clairement à Sant Romà de les Bons où l’on a disposé de manière tout à fait exceptionnelle un Agneau inscrit dans un médaillon à la droite du Christ en gloire, exactement à la verticale du calice. Comme cet attribut a été affecté à l’allégorie de l’Église depuis la période carolingienne, on a généralement interprété ce thème original dans un sens ecclésiologique. Cette lecture est d’autant mieux fondée que Marie est généralement accompagnée du collège apostolique qui renvoie également à la notion d’ecclesia et ce probablement depuis les premiers siècles de l’art chrétien27.
13L’image de la Vierge élevant un calice renvoie cependant également et peut-être plus directement à la dimension sacerdotale du personnage car elle porte généralement une chasuble, il faudra y revenir. À Santa Eulàlia d’Estaon, où la Vierge et deux saintes portent un calice, un autre panneau montre une sainte non identifiée à côté d’un autel sur lequel repose un calice. On peut donc être assuré que dans ce programme, les autres calices se rattachent à l’eucharistie.
14L’interprétation sacerdotale de la Vierge au calice est également suggérée par sa présence dans l’axe du sanctuaire, derrière l’autel, où le clergé et peut-être les fidèles pouvaient voir simultanément le prêtre et la Vierge tous deux vêtus d’une chasuble manipulant un calice. Dans son Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis, Agnellus rapporte une vision suggérant que les fidèles devaient naturellement établir ce type de rapprochement. Lorsque l’archevêque Damien célébrait la messe à Saint-Apollinaire-in-Classe, un fidèle voyait le saint titulaire debout à côté du prélat28. Comme la mosaïque absidale comporte une grande figure axiale de saint Apollinaire dans l’attitude de l’orant, on peut conjecturer que c’est elle qui a inspiré au visionnaire cette sorte de concélébration associant l’archevêque officiant réellement et son modèle spirituel descendu dans l’église pour l’assister. Ce texte conforte en tout cas l’hypothèse d’un rapprochement analogue entre la représentation de la Vierge au calice et le prêtre célébrant la messe.
15Je pense dès lors que la Vierge et les apôtres représentent l’Église terrestre rassemblée dans son lieu de culte pour y célébrer son premier sacrement, celui qui symbolise à lui seul l’institution et la communauté des croyants, et que cette Église s’est temporairement unie à l’Église céleste, incarnée par la théophanie du cul-defour, à l’occasion de ce sacrifice. Il est possible qu’ils aient revêtu une dimension plus politique et par conséquent plus locale ou circonstancielle, comme à Burgal où ils sont accompagnés de la comtesse Llúcia qui semble offrir un cierge pour le luminaire de l’église et qui était probablement accompagnée de son époux, le comte Artau Ier29. Dans cet exemple, l’éventuelle dimension politique ne s’oppose toutefois pas aux dimensions eucharistique et ecclésiologique, et s’y greffe au contraire harmonieusement en mettant en exergue les bienfaiteurs de l’Église locale, même si ceux-ci nourrissaient probablement des ambitions familiales étrangères aux intérêts de cette institution.
16On a également prêté au thème de la Vierge au calice une dimension grégorienne, relevant à juste titre que les saints Sylvestre et Grégoire accompagnent ce thème dans le programme peint du sanctuaire de Santa Coloma d’Andorre30. Pour les autres ensembles peints, cette hypothèse reste cependant très fragile car la Vierge entourée d’apôtres apparaît dès les Ve-VIe siècles dans les absides coptes. Et si elle n’y expose pas un calice, cette tâche a été dévolue à l’ecclesia dans la salle 6 de Baouit et, dans la chapelle XLV, saint Pierre et saint Paul présentent un calice et un pain marqué d’une croix31. Il me semble par conséquent que la dimension liturgique constitue le premier fondement de cette représentation de la Vierge au calice et que, si des enjeux de politique locale ou de la réforme grégorienne ont effectivement pu s’y greffer, il est plus difficile de le confirmer et il est en tout cas peu probable que ces strates sémantiques additionnelles aient fait disparaître ce niveau de sens plus générique.
La Vierge portant une chasuble
17Dans la peinture romane des Pyrénées, la Vierge porte presque systématiquement un manteau interprétable comme étant une chasuble. Ce vêtement qu’endosse l’officiant au moment de la messe est formé d’une pièce de tissu circulaire percée en son centre pour pouvoir y passer la tête. Il est généralement orné de galons brodés ou d’orfrois, mais certains peuvent être dépourvus d’ornements. En l’absence de manche, l’officiant doit relever les mains en faisant glisser le pan antérieur de la chasuble sur les bras, de sorte qu’il retombe plus ou moins bas au niveau des jambes en formant un grand « V » voire un « U »32. C’est ce que montrent quantité de représentations romanes d’ecclésiastiques, à commencer par celles des peintures catalanes. L’une des plus remarquables est celle de Santa Maria d’Àneu où un prêtre, sans doute un donateur, vêtu d’une chasuble bleue se tourne vers la Vierge à l’Enfant du cul-de-four dont les maigres vestiges montrent qu’elle portait un vêtement possédant les mêmes formes et surtout la même couleur (fig. 2)33. La volonté de rapprocher ce prêtre de la Vierge est donc patente et peut dès lors être étendue aux autres représentations.
18La Vierge portant une chasuble apparaît dans plusieurs contextes. Outre la plupart des Vierges au calice déjà mentionnées, il faut relever une remarquable série de Vierges à l’Enfant peintes au centre du cul-de-four dans le cadre d’une Adoration des Mages : Santa Maria d’Àneu, Santa Maria de Taüll (fig. 6), Santa Maria de Cap d’Aran et València d’Àneu. Ailleurs, l’Adoration des Mages s’inscrit souvent dans l’arrondi de l’abside, sous une théophanie. À Saint-Lizier, on peut être certain que la Vierge porte une chasuble et il en va de même sur les peintures castillanes d’ascendance catalane de Maderuelo. Dans les autres occurrences, on ne peut en revanche pas le déterminer, soit parce que les formes ne sont pas assez précises, soit parce qu’elles sont trop lacunaires : Saint-Plancard, Saint-Martin de Fenollar, Les Cluses, Casenoves et Barberà del Vallès. On peut enfin citer les exemples de Vierges portant une chasuble en dehors de l'Adoration des Mages : Sorpe, Estamariu, San Pere de la Seu d’Urgell et Cardona. Dans les peintures romanes des Pyrénées, la chasuble constitue par conséquent une caractéristique originale des représentations de la Vierge et lorsque le motif est associé à celui du calice ou du donateur ecclésiastique, on peut être assuré que la Vierge a été conçue comme une figure du prêtre.
19On estime généralement qu’au même titre que le calice, cet attribut sacerdotal affecté à la Vierge renvoie à la notion d’ecclesia et à tout ce qu’elle implique dans le contexte historique de la réforme grégorienne34. Dans le cadre du sanctuaire où la figure de la Mère de Dieu forme une sorte de toile de fond à la liturgie, je pense toutefois que sa fonction première est de faire écho à la célébration eucharistique en lui conférant une dimension élargie : à travers elle, les apôtres et les éventuels donateurs, c’est l’Église universelle qui se réunit dans son lieu de culte pour accomplir le sacrifice de l’autel. Dans cette perspective, la Vierge sacrifierait les Saintes Espèces à la manière du prêtre sous la forme réaliste du vin contenu dans son calice et, symboliquement, sous l’apparence de l’Enfant. Cette assimilation des Saintes Espèces à l’Enfant rencontrerait ainsi le réalisme eucharistique qui s’est affirmé au XIe siècle dans le contexte de la controverse contre Bérenger de Tours. Il convient cependant de rester extrêmement prudent à ce sujet car les peintures pyrénéennes ne sont jamais aussi explicites que la miniature du Bréviaire d’Aldersbach.
Les thèmes associés
20Qu’on lui ait attribué un calice ou la figure de l’Enfant, la Vierge a généralement été très étroitement associée à une théophanie composite. Celle-ci figure sur le cul-de-four, au-dessus du collège apostolique entourant Marie, ou sur la voûte de la travée droite du sanctuaire quand celui-ci est rectangulaire ou lorsque la Vierge occupe le cul-de-four comme à Santa Maria de Taüll. Dans la première configuration, le Christ en gloire et les apôtres s’inscrivent exactement dans le schème des Ascensions orientales, si ce n’est que les apôtres ne regardent pas vers le haut et ne suggèrent par conséquent aucune narrativité et, partant, aucune allusion directe à l’épisode néotestamentaire. Au même titre que leur modèle, ces théophanies dérivées de l’Ascension superposent deux registres figuratifs correspondant à la terre et au ciel et sans doute, plus précisément, aux Églises terrestre et céleste. On a vu que dans une église de Baouit, on a représenté l’Église terrestre réunie en vue de célébrer l’eucharistie sous la forme des princes des apôtres placés à la tête de leur collège et offrant un pain et un calice. Sur le registre céleste, on a systématiquement inscrit un Christ en gloire transporté dans le ciel par un char tiré par les quatre Vivants et, dans la salle 6 de Baouit, il participe activement à la liturgie terrestre en prononçant ou en chantant le trisagion écrit sur son livre.
21Dans les sanctuaires pyrénéens, des indices comparables indiquent que les figures célestes accompagnant le Christ en gloire participent également à cette liturgie. Flanquant la Maiestas Domini centrale, un chérubin et un séraphin chantent manifestement le Sanctus à l’unisson avec la communauté locale réunie à leurs pieds, comme le suggèrent les inscriptions de Santa Eulàlia d’Estaon. À Sant Pau d’Esterri de Cardós et à Vals, ces anges agitent un encensoir et, dans le premier exemple, ils se tiennent au dessus de calices, d’encensoirs et de cornes35. Ils semblent donc reproduire dans le ciel le geste du diacre encensant les oblats déposés sur l’autel après l’offertoire. Le chérubin et le séraphin sont flanqués à leur tour des archanges Michel et Gabriel tenant un rouleau sur lequel on peut lire ou restituer, à Estaon, Esterri de Cardós et Vals, les mots peticius et postulacius. Sur les peintures de Galliano, en Lombardie, les mêmes anges exposent de manière identique les mots petitio et postulatio qui renvoient aux sept demandes du Pater noster, comme l’indique une longue tradition de commentaires de la messe commençant avec Tertullien et Cyprien. Avec le séraphin et le chérubin, ils représentent donc la foule des anges réunis dans l’église pour assister au sacrifice en se chargeant plus précisément de transmettre à Dieu les requêtes du Pater36.
22À Santa Maria d’Àneu et Santa Maria de Cap d’Aran, la Vierge de l’Adoration des Mages est également flanquée par les archanges-avocats, ce qui corrobore son interprétation sacerdotale. À Santa Maria d’Àneu, cette thématique est renforcée par la présence du prêtre donateur déjà mentionné et par la composition du registre inférieur de l’abside : deux séraphins chantant le triple sanctus et purifiant les lèvres d’Isaïe et d’un autre prophète, sans doute Élie. Le thème de la purification des lèvres issu du Livre d’Isaïe a été interprété dans un sens liturgique, le séraphin recueillant le charbon à l’autel étant comparé au prêtre prenant le pain à l’autel37. Ailleurs, la Vierge de l’Adoration est associée au Sacrifice d’Abel, un des trois paradigmes bibliques du sacrifice eucharistique mentionnés dans le Supra quae, une oraison du canon de la messe : San Clemente et Santa Maria de Taüll et Baltarga, auxquels on peut à nouveau ajouter l’exemple de Maderuelo. Le contexte iconographique confirme donc amplement l’interprétation liturgique de la Vierge à l’Enfant et, partant, sa dimension sacerdotale.
Les statues de la Vierge à l’Enfant
23En Catalogne, les plus anciennes statues en bois de la Vierge à l’Enfant ont été datées très approximativement du milieu ou de la deuxième moitié du XIIe siècle et la majorité des sculptures considérées comme romanes date de la fin de ce siècle ou de la première moitié du siècle suivant. L’unique exception émane de la Vierge de Dorres – Nostra Senyora de Belloch – dont les formes extrêmement frustes suggèrent une exécution remontant au début du XIIe siècle38. Cette chronologie traditionnelle a été confortée par trois publications récentes à la fois riches et complémentaires : un ouvrage collectif dirigé par Jean-Bernard Mathon gravitant autour des analyses scientifiques effectuées sur une série de vingt-deux statues romanes et gothiques des Pyrénées-Orientales, les actes d’un colloque portant sur les statues mariales médiévales de Catalogne doublés d’un corpus exhaustif des statues médiévales des Pyrénées-Orientales édités par Jean-Bernard Mathon et Marie-Pasquine Subes, et une excellente étude de Tim Heilbronner sur l’iconographie et les fonctions des statues catalanes39. Il faut également signaler la thèse de doctorat de Corinne Van Hauwermeiren consacrée à la technique et aux matériaux, dont elle a livré des extraits dans le livre de Jean-Bernard Mathon et dans la présente publication.
24Bien que de nombreuses œuvres aient disparu et que la datation de certaines statues conservées puisse être discutée, l’essentiel est que la plupart sont postérieures aux peintures murales envisagées dont les plus anciennes peuvent être situées dans les années 108040. On peut donc supposer qu’elles ont été conçues dans un rapport de complémentarité avec le décor peint des églises. On peut également conjecturer que dans certains édifices, ce type de rapport reliait dès l’origine la Vierge peinte et celle qui décorait l’antependium. Un document rapporte en effet qu’un devant d’autel d’argent offert en 1038 à la cathédrale de Gérone par la comtesse de Barcelone Ermessende était décoré par une figure de la Vierge au pied de laquelle se tenait la comtesse Guisla, la veuve de Béranger Raymond Ier41. La plupart des antependia orfévrés ont disparu en raison de la valeur marchande de leurs matériaux mais plusieurs antependia en bois des XIIe-XIIIe siècles principalement consacrés à la Vierge témoignent de ce que devaient être ces œuvres. Il faut également citer à cet égard le somptueux antependium émaillé d’Aralar dominé par une Vierge à l’Enfant recevant les Mages, même s’il n’est pas catalan42. Ces antependia sont d’autant plus instructifs qu’ils comportent des indices liturgiques très explicites sur lesquels il faudra revenir.
La Vierge portant une chasuble
25Dans sa remarquable étude consacrée au corpus catalan, Tim Heilbronner a regroupé les statues en fonction des vêtements portés par la Vierge, considérant que le port de la chasuble caractérise un ensemble de vingt-trois statues qu’il qualifie de Kasel-Madonnen43. Avec l’évolution de la sculpture vers des formes plus proches de la réalité, ce vêtement sacerdotal se développe entre les jambes en suivant non plus un tracé schématique en forme de « V » comme dans la peinture murale, mais en adoptant des courbes relativement souples. L’exemple le plus ancien est manifestement celui de la Vierge de Ger conservée au Museu Nacional d’Art de Catalunya (vers 1150, fig. 3), à laquelle succèdent ceux d’Hix (deuxième moitié XIIe), Targassone et Tallò (début XIIIe). Il faut également relever que le vêtement de la Vierge de Thuir, dont l’âme en bois est recouverte de métal, est orné de galons brodés, même s’il ne correspond manifestement pas à une chasuble44.
26Tim Heilbronner a suggéré que les Kasel-Madonnen se rattachaient à la réforme grégorienne tout en offrant aux prêtres un modèle de chasteté, comme le suggère une lettre de Pierre Damien45. Pour ces statues, l’interprétation grégorienne est cependant encore plus difficile à étayer que pour les peintures murales car leur contexte iconographique devait être beaucoup plus simple, comme le montrent les rarissimes exemples conservés dont il sera question ultérieurement, et ne devait donc pas comporter d’indices aussi explicites que les saints Sylvestre et Grégoire de Santa Coloma d’Andorre.
27L’interprétation sacerdotale de la Vierge est au contraire corroborée par le lien extrêmement fort qui reliait ces statues à l’autel. À la fin du XIIe siècle, et surtout au XIIIe siècle, les représentations de statues de ce type se sont multipliées de manière exponentielle, attestant la généralisation du phénomène : illustration du livre des miracles de Gautier de Coinci, vitraux consacrés aux miracles de la Vierge à commencer par ceux de Chartres et du Mans, illustration des Cantigas de santa María, etc.46 Et les très nombreuses statues conservées en Catalogne laissent penser que la plupart des églises en possédaient une. Certaines en regroupaient même plusieurs, comme celle de Corneilla-de-Conflent. À une époque où le dogme de la présence réelle s’était largement imposé, on devait faire encore plus facilement le rapprochement entre le prêtre tenant l’hostie ou le calice et la Vierge portant l’Enfant juste derrière lui.
La Vierge tenant un vase
28À Santa Coloma d’Andorre, la Vierge porte un vase dans lequel Tim Heilbronner a vu calice, ce qui corroborerait fortement sa dimension sacerdotale (fig. 5)47. Ce récipient ne possède toutefois pas exactement les formes d’un calice et pourrait donc faire allusion au titre de vas que l’on a pu attribuer à la Vierge ou, plus probablement, aux lampes des vierges sages48. Dans l’exégèse, les sermons et la liturgie, la Vierge et les saintes ont en effet été régulièrement comparées aux vierges sages de la parabole de Matthieu. Pour la Vierge, on peut citer le deuxième sermon sur l’Assomption de Bernard de Clairvaux :
Elle n’est point du nombre des vierges folles, c’est une vierge prudente, qui a sa lampe et de l’huile dans son vase. […] La glorieuse Vierge Marie s’est donc avancée avec sa lampe allumée, et fut, pour les anges eux-mêmes, un tel sujet d’étonnement, qu’ils s’écriaient : « Quelle est celle qui s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, et éclatante comme le soleil ? » (Cant. 6, 9). En effet, ils voyaient briller plus que les autres celle que Jésus-Christ, son fils et Notre Seigneur, avait remplie de l’huile de sa grâce, bien plus que toutes ses compagnes49.
29Cette idée a été fréquemment appliquée à la représentation des saintes et de la Vierge. Sur un autel portatif provenant d’Hildesheim, le portail sculpté de Sainte-Pudentienne à Rome, les peintures de la crypte de Civate et dans plusieurs ensembles catalans, des saintes portent une longue corne, une lampe globuleuse ou un calice duquel émergent des flammes50. Pour la Vierge, le récipient enflammé a parfois pris la forme d’un calice comme à Santa Eulàlia d’Estaon. À Santa Coloma d’Andorre, à gauche de la fenêtre axiale, la Mère de Dieu expose un calice dépourvu de flammes dans sa senestre voilée et sainte Colombe porte les deux types de lampes traditionnellement attribuées aux vierges sages : une longue corne et un vase globuleux51. Dans ce programme, on peut donc être certain que la patronne de l’église a été assimilée à une vierge sage et il est possible que les mêmes qualités aient été affectées à Marie.
30Dans les absides de San Pere de Burgal et de Sant Climent de Taüll, les récipients attribués à la Vierge sont respectivement un vase et une coupe enflammés. Il se pourrait donc que l’on ait souhaité supprimer ou du moins gommer le motif du calice pour mettre l’accent sur la lampe des vierges sages et qu’un phénomène analogue se soit produit beaucoup plus tard, lorsque l’on a conçu la statue de Santa Coloma. On aurait alors attribué à la Vierge un vase comparable à celui de sainte Colombe pour l’assimiler à une vierge sage.
31D’un autre côté, cette statue devait être dressée sur l’autel, devant une représentation de la Vierge exposant un calice. Il se pourrait donc que son vase évoque à la fois la lampe des vierges sages et le calice, ce qui confirmerait la lecture sacerdotale et eucharistique de la Vierge. Le doute induit par la forme de ce récipient empêche néanmoins d’exploiter cet indice. On peut en revanche être certain que le concepteur de la statue a souhaité la rattacher à l’iconographie des peintures plus anciennes qui allaient lui servir de toile de fond car elle constitue l’unique exemple catalan de Vierge exposant un vase et ces peintures sont les seules à combiner les trois formes de récipients servant de lampe.
32Bien qu’elle se situe en dehors du cadre géographique et chronologique envisagé ici, il convient d’évoquer la statue féminine de Poubeau, en Haute-Garonne, que Marcel Durliat situait au début du XIVe siècle, car elle porte un vase globuleux muni d’un couvercle (fig. 4). Dans la mesure où elle ne porte pas d’enfant et que les formes de ce vase se retrouvent dans certaines représentations de la Visitatio Sepulchri, elle pourrait incarner l’une des Saintes Femmes, mais la typologie de la statue correspond pour l’essentiel aux représentations de la Vierge à l’Enfant : trônant et exposant de la dextre une petite sphère, sans doute une pomme.
33Je pense donc, à la suite de Marcel Durliat et de Tim Heilbronner, mais avec quelques réserves, qu’il s’agit de la Vierge tenant dans la main gauche un ciboire52. Dans cette hypothèse, on aurait remplacé l’Enfant par les hosties contenues dans ce vase liturgique pour affirmer de manière foncièrement originale la parfaite identité entre le pain consacré et la chair du Christ, ainsi que la fonction sacerdotale de Marie qui offrirait cette nourriture spirituelle aux fidèles de la même manière qu’elle a donné naissance au Sauveur. Cette statue présenterait alors un argument de poids en faveur de l’interprétation sacerdotale des statues catalanes, mais sa date est relativement tardive et surtout un léger doute subsiste au sujet de son interprétation, de sorte qu’il est préférable de conserver la même prudence que pour le vase de Santa Coloma.
Les gestes de la Vierge
34Qu’elles soient peintes ou sculptées, les Vierges catalanes se distinguent non seulement par leurs vêtements mais aussi par la façon dont elles tiennent l’Enfant. L’attitude la plus instructive pour l’interprétation sacerdotale est celle des mains parallèles tenant le Christ au niveau des jambes. Ce geste n’apparaît pas toujours très clairement dans la sculpture, d’autant que lorsque les bras étaient rapportés ils ont souvent disparu ou ont été remplacés mais, dans la peinture murale, il se lit plus aisément. Dans les Pyrénées, il constitue même une caractéristique de l’iconographie mariale presque aussi importante que le port de la chasuble puisqu’on la rencontre dans l’évangéliaire de Cuxa et sur les peintures de Sant Quirze de Pedret, Santa Maria de Cap d’Aran, Santa Maria de Taüll, San Pere de Sorpe, Polinyà del Vallès et Saint-Plancard53.
35Il est d’autant plus remarquable que le type iconographique qui s’est imposé depuis les premiers siècles attribue à Marie une attitude asymétrique, une des deux mains étant posée sur l’épaule correspondante de l’Enfant54. Le geste des deux mains parallèles posées sur les jambes de l’Enfant se démarque donc clairement de ce type iconographique dominant et pourrait dès lors véhiculer un contenu sémantique spécifique. On pourrait y voir une volonté de montrer que l’Enfant peut se passer d’un soutien physique extérieur mais, dans la perspective eucharistique envisagée ici, cette attitude pourrait également signifier que Marie fait l’offrande de son Fils, à l’instar du prêtre consacrant les Saintes Espèces55.
36Au moment de la consécration, le prêtre élève le pain, puis le calice, et ce geste s’est progressivement amplifié pour permettre aux fidèles de voir le corps et le sang du Christ56. C’est ainsi qu’à partir de la fin du XIIe siècle, l’iconographie a commencé à montrer le prêtre élevant le pain ou le calice au-dessus de sa tête et, parfois, des anges descendant du ciel pour transférer ces offrandes sur l’autel céleste57. Dans les représentations antérieures, le prêtre adopte généralement l’attitude de l’orant et non pas celle de l’élévation, de sorte que l’ampleur de cet acte liturgique peut difficilement être déterminée58. On peut en revanche s’appuyer sur les représentations du Sacrifice d’Abel et de la Présentation au Temple, un épisode impliquant la présence de la Vierge et sur lequel se sont fondés certains textes pour la comparer au prêtre. Ainsi, lorsqu’Abel offre un agneau à Dieu, il élève souvent parallèlement ses mains voilées et, dans la Présentation au Temple, un geste analogue est accompli, avec ou sans voile, par la Vierge ou par Siméon comme dans le Sacramentaire de Limoges pour la première ou les antependia catalans d’Avià et de Coll pour le second59.
37Un des deux portails conservés de La Charité-sur-Loire apporte un éclairage supplémentaire sur ce geste en établissant une corrélation extrêmement forte entre l’attitude des statues et les actes accomplis au moment de la Présentation. Sur le linteau de ce portail se succèdent de gauche à droite l’Adoration des Mages et la Présentation au Temple60. Dans la première scène, Marie trône frontalement sur un siège en bois tourné en posant sa main gauche sur la cuisse de l’Enfant, et l’on peut supposer que l’autre main est disposée symétriquement puisqu’elle n’est pas visible (fig. 7). Le Christ adopte la même frontalité que Marie, de sorte que ce groupe correspond très exactement à une statue vue de trois-quarts. Dans la scène suivante, la Vierge élève le Christ au niveau de son visage et au-dessus de l’autel en plaçant ses deux mains sur ses cuisses et son séant, tandis que Siméon se prépare à le recevoir dans une grande pièce de tissu (fig. 8). Cette séquence narrative suggère donc avec force que le geste des mains parallèles correspond à celui de l’offrande.
38Un grand nombre de Vierges sculptées adoptent un geste comparable, si ce n’est que les mains ne touchent qu’assez rarement le Christ, peut-être parce que les deux personnages étaient généralement sculptés séparément. En dehors des Pyrénées, on peut citer les statues disparues mais éminemment célèbres du Puy et de Chartres, pour autant que l’on puisse se fier aux témoignages visuels conservés61. Le geste se retrouve également en Auvergne, comme à Saint-Nectaire, et, en Catalogne, à Ger (fig. 3), Targassonne, Ullà, Ogassa, Osor et Castellvell62. On peut également le supposer pour la plus ancienne des trois statues de Corneilla-de-Conflent, même si le Christ est décalé vers la droite et que la dextre mariale a peut-être tenu un objet (fig. 9)63.
39Cette œuvre est d’autant plus significative qu’elle semble avoir été le prototype d’une série numériquement importante et que l’église a conservé un portail consacré à la Vierge exceptionnellement riche en connotations liturgiques (fig. 10)64. Sur le tympan, plusieurs indices rapprochent la représentation de la Vierge à l’Enfant d’une statue de culte : tous deux observent une frontalité sans faille, ils sont encensés par des anges et une inscription exhorte le fidèle à chanter les louanges de Marie65. Le portail semble donc renvoyer à la statue que le fidèle se préparait à rencontrer à l’intérieur de l’édifice, même si les deux images mariales diffèrent en plusieurs points. Or, la Vierge adopte le geste des deux mains posées symétriquement sur les cuisses de l’Enfant et elle s’inscrit dans un contexte doté d’une forte charge liturgique émanant des anges thuriféraires, qui semblent évoquer des actes de dévotion accomplis autour de la statue, et surtout des chasubles que portent la Vierge et, de manière tout à fait exceptionnelle, le Christ. La seconde est de surcroît ornée de galons sur les bords et devant la poitrine, comme sur de nombreuses représentations romanes de chasubles sacerdotales, de sorte que le Christ apparaît à la fois comme la victime du sacrifice et celui qui sacrifie, le grand-prêtre de la liturgie céleste, comme l’affirme notamment Paschase Radbert66. Ce contexte extrêmement éloquent semble donc confirmer qu’en posant les deux mains sur les jambes de son Fils, la Vierge en fait l’offrande et proclame la réalité de la transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ.
40Lorsque la Vierge tient l’Enfant de manière asymétrique, son attitude ne peut plus être rapprochée de celle du prêtre. C’est le cas par exemple pour la Vierge d’Hix, d’Err, de Planès, d’Odeillo et la deuxième Vierge de Corneilla-de-Conflent qui ont posé la main gauche sur l’épaule du Christ67. Ce geste conserve en revanche quelques affinités avec les représentations de la Présentation au Temple où Marie élève régulièrement l’Enfant d’une main posée sur son séant tout en saisissant son épaule pour le stabiliser. Il faut citer à cet égard l’antependium éminemment instructif de Mossol où la scène s’inscrit en dessous d’une Adoration des Mages dans laquelle la Vierge en majesté tient l’Enfant au niveau de l’épaule gauche. Dans la Présentation au Temple, elle adopte une attitude analogue pour déposer son Fils sur un autel, à côté d’une hostie frappée du monogramme du Christ68. La valeur liturgique de la scène est patente et peut dès lors être étendue à la Vierge à l’Enfant du registre supérieur. Cet antependium montre que le geste asymétrique des statues peut se prêter à une interprétation liturgique, mais il ne peut pas pour autant être considéré comme un argument de poids car il a été adopté depuis les premiers siècles de l’art chrétien et s’inscrit souvent dans des contextes manifestement dépourvus de rapport direct avec la liturgie.
Les Vierges-tabernacles
41Dans le corpus catalan, plusieurs statues sont percées d’une cavité dans leur partie postérieure. Souvent, cette cavité répond à des impératifs techniques destinés à éviter la fissuration du bois mais, dans certains cas, cet espace était fermé par une porte et devait alors servir de réceptacle pour des reliques ou pour la réserve eucharistique, comme à Sant Cugat del Vallès69. L’assimilation de la Vierge au Tabernacle de l’Ancien Testament est fréquente dans les textes et elle a connu quelques transcriptions iconographiques, comme à Notre-Dame-du-Port ou Notre-Dame de Paris, et à partir du XIIIe siècle, les statues dont la fonction de tabernacle peut être attestée ont commencé à se multiplier70. Il faut citer à ce sujet la statue émaillée de facture limousine ou espagnole d’Artajona en Navarre qui comporte un réceptacle aménagé dans le siège de la Vierge dont la porte est décorée d’une représentation du Sacrifice de Caïn et Abel (fig. 9)71. La double fonction des statues-tabernacles de ce type établit fermement l’assimilation entre l’Enfant et le pain consacré. Pour les statues catalanes, on ne peut toutefois pas démontrer qu’on y déposait une pyxide plutôt que des reliques, de sorte que l’argument ne peut pas être exploité72.
Le rôle des statues mariales dans la procession de l’offertoire
42Depuis les travaux d’Ilène Forsyth, on admet généralement et sans doute à juste titre que les statues mariales étaient utilisées lors du drame de l’Épiphanie pour incarner la Vierge et le Christ recevant les présents offerts par les Mages73. Il est probable cependant qu’elles jouaient ce rôle durant toute l’année liturgique à l’occasion de la procession de l’offertoire. Le jour de l’Épiphanie, lorsque les fidèles venaient apporter leur offrande en procession, juste avant la préface et la consécration, on chantait une antienne issue du psaume 71 dont le contenu a été très tôt et très fréquemment rattaché à l’histoire des Mages : « Les rois de Tarsis et des Îles lui apporteront leurs tributs, les rois d’Arabie et de Saba lui offriront des présents » (Ps 71, 10)74. Dans un manuscrit liturgique limousin postérieur à 1100, l’assimilation entre les deux processions a été poussée encore plus loin puisqu’il décrit, après le texte de cette antienne, un petit drame au cours duquel trois clercs portant des costumes royaux et couronnés viennent apporter leurs présents à l’autel75.
43Au XIIe siècle, le pain et le vin destinés à la consécration étaient apportés par le clergé tandis que les fidèles venaient déposer des oblations matérielles sous forme d’or, d’argent, d’huile pour les lampes, de cierges, d’encens et, exceptionnellement, d’objets liturgiques76. C’est ce que montre une peinture de Saint-Clément de Rome où un couple de laïcs se présente devant l’autel en apportant des couronnes de cire et un cierge77. Dans un de ses commentaires sur la liturgie, Honorius Augustodunensis a donné une signification typologique à cette nouvelle pratique en affirmant que le fidèle apportant de l’or agissait comme les Mages78. L’idée a été reprise par Sicard de Crémone et Guillaume Durand qui a développé cette analogie en comparant la diversité des offrandes faites à l’offertoire à celles des Mages79.
44Ces idées ont trouvé un écho précis et prestigieux sur le pignon antérieur de la châsse des Rois Mages de la cathédrale de Cologne. Lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle en 1198, l’empereur Otton IV fit don de l’or destiné à la réalisation de ce pignon et deux ans plus tard, le jour de l’Épiphanie, il offrit trois couronnes d’or qu’il déposa personnellement sur les crânes des Rois Mages. Pour rappeler cette double donation, il s’est fait représenter derrière les Mages, portant une cassette dorée probablement destinée à matérialiser ses dons en or. En imposant sa présence dans le prolongement de cette procession royale, il a établi un parallèle extrêmement éloquent entre sa munificence et celle de ses illustres prédécesseurs et, comme l’a très justement supposé Lisa Victoria Ciresi, cette scène pourrait rappeler la cérémonie du couronnement durant laquelle le futur empereur fit une offrande au moment de l’offertoire80. Le programme possède également une importante dimension eucharistique matérialisée par les ciboires portés par les deux derniers rois auxquels s’ajoutent le calice et la patène qu’un ange expose à côté du Christ trônant au sommet du pignon81.
45À la fin du Moyen Âge, on a souvent placé dans les mains des Mages des calices ou des ciboires, probablement pour accuser le sens liturgique de leur offrande82. L’autel en marbre de la cathédrale de Cologne érigé au début du XIVe siècle montre de manière encore plus explicite le premier Mage portant un ciboire débordant d’hosties marquées d’une croix83. Ailleurs, on a représenté des pièces de monnaie dans le vase liturgique du premier Mage, peut-être pour évoquer les dons en or sans pour autant écarter la dimension eucharistique du contenant puisque, comme le précisent le mystérieux Eldefonse d’Espagne et Honorius Augustodunensis, on donnait aux hosties des formes semblables à celles des pièces de monnaie84. C’est ce que semble montrer, dès la deuxième moitié du XIIe siècle, une plaque émaillée provenant de l’autel de Grandmont : le Mage le plus âgé offre des objets circulaires dorés assimilables à des pièces, mais leur récipient en forme de calice les assimile également à des hosties, la monnaie du souverain céleste85. Il est possible que cette même ambivalence ait été induite dans l’Adoration des Mages de l’autel de la cathédrale de Cologne et celle de l’autel d’Aralar, mais dans ce dernier exemple, les formes des dons en or renvoient moins explicitement à des pièces de monnaie86.
46Dans la peinture de la Catalogne médiévale, du Couserans et du Comminges, l’Adoration des Mages a été associée presque systématiquement à une Vierge à l’Enfant hiératique, que ce soit dans le cul-de-four, dans l’abside ou sur l’antependium. Si leurs offrandes ne peuvent à ma connaissance jamais être assimilées à des hosties ou à des pièces de monnaie, leur interprétation liturgique peut être établie pour l’antependium d’Espinelves (1187) où les Mages progressent vers la grande figure de la Vierge dominant le centre du panneau, comme sur de nombreux antependia ou retables mariaux87. Les trois Mages portent un vase en forme de calice et le premier l’a posé sur ses deux mains tendues parallèlement et recouvertes d’un voile blanc évoquant le corporal. Pour exprimer son profond respect, il a également abandonné sa couronne et incline profondément la tête. Dans la mesure où ces offrandes évoquent l’eucharistie, on peut interpréter le geste d’allocution que leur adresse l’Enfant comme une bénédiction rituelle et la procession comme une allusion à l’offertoire.
47L’unique composition équivalente intégrant une statue mariale est le retable démembré de Sant Martí Sarroca daté du début du XIIIe siècle (fig. 12). Ce meuble était composé au centre d’un baldaquin qui abritait une statue de la Vierge à l’Enfant disparue en 1936 et de quatre ou six panneaux sculptés dont on ne conserve qu’un roi et la Vierge de l’Annonciation88. Cette statue recevait donc symboliquement l’offrande perpétuelle des Mages et devait dès lors faire écho aux offrandes apportées chaque semaine à l’occasion de l’offertoire.
48Avec la liturgie, ses commentaires et l’iconographie de l’Adoration des Mages, ce retable suggère avec force que les statues mariales ont joué un rôle important durant chaque messe, lors de la procession de l’offertoire, tandis que les fidèles et le clergé apportaient leurs présents à l’autel devant une image tridimensionnelle de la Vierge à l’Enfant. Lorsque la peinture monumentale ou mobilière montrait l’Adoration des Mages, elle devait concourir à visualiser cette comparaison entre cette offrande paradigmatique et celle des fidèles. L’animation progressive des statues a également dû contribuer à visualiser cette interaction entre la statue en bois et les êtres de chair, que ce soit dans le cadre de la liturgie ou dans celui de la dévotion privée. Comme le laissent entendre les récits de miracles mariaux et leurs représentations, ces statues pouvaient donner l’impression d’agir sous l’impulsion de leur prototype et intervenir en faveur de ses protégés.
49Le rôle que les statues de la Vierge à l’Enfant semblent avoir joué dans le rituel de l’offertoire n’implique pas que Marie ait été assimilée au prêtre, mais il confirme le lien qui la rattache aux rites de l’autel. Je pense dès lors que ces rites constituent, avec les pratiques dévotionnelles, la principale raison de la présence quasi-systématique de ces groupes sculptés sur l’autel89. D’une part la Vierge et l’Enfant accueillent les fidèles et le clergé durant la procession de l’offertoire, renforçant les analogies entre ce rituel et l’Adoration des Mages affirmées par l’antienne chantée à l’Épiphanie et les commentaires de la messe. D’autre part, Marie, parfois vêtue d’une chasuble, joue le rôle du prêtre en faisant l’offrande de l’Enfant sur l’autel, affirmant peut-être par son geste que le pain et le vin consacrés se transforment réellement dans la chair et le sang du Fils de Dieu qu’elle a porté en son sein.
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Notes de bas de page
1 Je remercie vivement Clara Fernández-Ladreda et Marc Sureda i Jubany pour leurs précieux conseils et les photos qu’ils ont très gentiment mises à ma disposition.
2 « Illum adoramus quem per imaginem aut natum aut passum vel in throno sedentem recordamur ». Grégoire le Grand, 1982, p. 1110-1111, lignes 181-182. Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum, I, 3, 6, 1995-2000 (CCCM 140), p. 37, lignes 78-81 ; et Schmitt, 2002, p. 69.
3 On trouvera une excellente mise au point sur les fonctions et les sens multiples de ces statues chez Sureda i Jubany, 2013, p. 39-69. Il s’interroge notamment très justement sur le caractère permanent de la présence de ces statues sur l’autel ou à l’arrière de l’autel, et se demande si elles n’en étaient pas quelquefois retirées pour la célébration de la messe.
4 Voir notamment Barré, 1963 ; Fulton, 2002, p. 195-243 ; et Oakes, 2008.
5 Voir à ce sujet les deux exemples cités par Gaborit, 2013, en particulier, p. 152 : ces statues proviennent d’Urnes en Norvège (Bergen, Historik Museum) et de La Marche (Vosges). Favreau, 1992, p. 99-108 (repris en 1995, p. 505-514) n’a recensé qu’une inscription de ce type associée à une statue mariale.
6 Warner, 1989 ; Rubin, 2009ª et 2009b.
7 Sansterre, 1996, p. 185-191 ; Sansterre, 2006, p. 257-294 ; Sansterre, 2011, p. 1-17 ; Sansterre, 2011, p. 53-77 ; Allen Smith, 2006, p. 167-187 ; Sansterre et Henriet, 2009, p. 37-92.
8 Young, 1951, p. 29-63. Voir aussi Forsyth, 1968, p. 215-222 ; et 1972, p. 49-59.
9 Angheben, 2012, p. 29-74. Pour alléger le résumé qui va suivre, je ne citerai que quelques références bibliographiques et pour les autres, je me permets de renvoyer aux notes infrapaginales de cet article.
10 Jean Chrysostome, Homiliae XLIV in Epistolam primam ad Corinthos. Homilia XXIV, 5, Patrologia Graeca, 61, 204.
11 Hilaire de Poitiers, In Matthaeum, I, 5, 1978, p. 98-99 ; Jérôme, Commentariorum in Matheum libri IV, 2, 1977, p. 82-83 ; Ambroise, Expositio Evangelii secundum Lucam, 1956, p. 92-97 ; Grégoire le Grand, Homiliae in Evangelia, Homilia 10, 2005, p. 244-251 ; Bède le Vénérable, In Matthaei Evangelium expositio, I, 2, Patrologia latina 92, 13 B-C ; Anonyme du IXe siècle, In Mattheum, 2, 9-12, 2003, p. 11-13 ; Héric d’Auxerre, Homilia I, 17, 1992, p. 140-148 ; Paschase Radbert, In Matheum, II, 2, 9-12, 1984, p. 162-168 ; Aelred de Rievaulx, Sermo L. In Epiphania Domini, 2001, p. 26-39.
12 Cristiani, 1968, p. 167-233. Pour la querelle de la présence réelle, voir également Capitani ; et Rubin, 1991, p. 14-35.
13 Paschase Radbert, De corpore et sanguine Domini, XIV, 1969, p. 90, lignes 138-142 et 146-148.
14 Munich, Bayerische Staatsbibliothek ; vers 1175-1200, cf. Garhammer, 2000, p. 25-34. Pour la question de l’ange du Supplices, voir Botte, 1929, p. 285-308 ; et Rauwel, 2002, p. 183-189.
15 Pierre le Vénérable, De miraculis, I, 8, 1988, p. 27-29. Pour la traduction, voir Torrell et Bouthillier, 1992, p. 98-99.
16 Voir par exemple Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum, VI, 74, 8, 1995-2000 (CCCM 140A), p. 355, lignes 190 et 195-196.
17 Hériger de Lobbes, De corpore et sanguine Domini, Patrologia latina 139, 179-188 ; Rupert de Deutz, De divinis officiis, II, 2, 1967, p. 34-35, lignes 110-114 ; Lanfranc du Bec, Liber de corpore et sanguine Domini, 4, 7 et 9, 2001, p. 116, 133 et 149 (Patrologia latina 150, 419 A, 430 B-C et 440 D-441 A) ; et Geoffroy de Vendôme, Tractatus domini Goffridi abbatis de corpore et sanguine Domini nostri Jhesu Christi, 1996, p. 258-261.
18 Guerric d’Igny, De Purificatione beatae Mariae. Sermo V, 3, 1970, p. 330-331.
19 Laurentin, 1952, p. 154-155. Les deux autres passages évoqués par cet auteur n’ont pas été considérés comme authentiques par Morson et Costello, 1970, p. 79-80 et 370, note 1. Pour les prières dites « au bas de l’autel », voir Jungmann, 1956-1958, II, p. 39-47. Pour les liens entre la Vierge et l’eucharistie, voir également Rubin, 1991, p. 142-147.
20 Son recueil de miracles mariaux, Les miracles de Nostre Dame, a été écrit entre 1214 et 1233, cf. Sansterre, 2010, p. 147-178.
21 Grégoire de Tours, Liber in Gloria martyrum, I, 9, 1969, p. 44. Pour la traduction de ce texte, voir Bordier et Desgrugillers, 2003, p. 22 24. Gautier de Coinci, 1961, p. 95-96. Voir aussi Beretta, 1999, p. 124-125.
22 Besançon, BM, ms 551, fo 31v. (troisième quart XIIIe), cf. Russakoff, 2003-2004, p. 135-144 et Murcia Nicolás, 2012, p. 169-184. Voir la reproduction dans la base Enluminures : http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_3=AUTR&VALUE_3=-GAUTIER%20DE%20COINCI&NUMBER=79&GRP=1&REQ=%28%28GAUTIER%20DE%20COINCI%29%20%3aAUTR%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC-=9&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=All
23 BnF, n. a. fr. 24541, fo 154v, cf. Black, 2006, p. 261.
24 Louvre, R. F. 1938-63, cf. Cardile, 1984, p. 199-208 et Purtle, 1996, p. 5-6.
25 Les peintures conservées au Museu Nacional d’Art de Catalunya ont été remarquablement reproduites sur le site du musée : http://www.museunacional.cat/es/coleccion/románico
26 Ces vases ont été interprétés comme étant des calices par Heilbronner, 2013, p. 135-136. À Taüll, on peut supposer qu’on n’a représenté que la partie supérieure d’un calice dont le pied serait caché par la main voilée de la Vierge.
27 Pour ces questions, voir notamment Thérel, 1984.
28 Agnellus, Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis, 130, 2006, p. 305-306. Voir au sujet de ce récit Jeffery, 2010, p. 139.
29 Pagès i Paretas, 2009, p. 146-149.
30 Pénot, 2003, p. 48-51 ; Wunderwald, 2010, p. 132-133 et Heilbronner, 2013, p. 136-137.
31 Clédat, 1999 (1ère éd. 1916), p. 79-83 et 1904, p. 76 ; Iacobini, 2000, p. 52-57 et Cantone, 2008, p. 79-88.
32 Poschmann, 2010, p. 135-168.
33 Pagès i Paretas, 1999, p. 65-77 et 2008, p. 55-57.
34 Wunderwald, 2010, p. 145-152.
35 Pour une analyse approfondie de cette question, voir Angheben, 2008, p. 57-95.
36 Angheben, 2014.
37 Pétridès, 1905, p. 362 et Jolivet-Lévy, 1993, p. 338-339.
38 Mathon et Subes (éd.), 2013, p. 268-269.
39 Mathon (dir.), 2011 ; Mathon et Subes (éd.), 2013, et Heilbronner, 2013. Une partie de cette étude a été publiée dans un article accessible en ligne : Heilbronner, 2007-2008, p. 31-50. Voir également Camps i Sòria, 2011, p. 98-102, qui relève le consensus qui s’est établi au sujet de la datation des statues mariales dans un XIIe siècle bien avancé.
40 Cette datation repose sur la présence de la comtesse Llúcia sur les peintures de San Pere de Burgal que l’on a situées tantôt dans les années 1080 tantôt dans les années 1090, cf. Camps i Sòria et Lorés i Otzet, 2005, p. 209-223, en particulier p. 220 ; M. Guardia et C. Mancho, 2008, p. 117-159, en particulier p. 129 ; Pagès i Paretas, 1999, p. 94-95 ; Castiñeiras, 2009, p. 63 et 2010, p. 138-140.
41 Español, 2005, p. 218-221 et Camps i Sòria, 2008, p. 126-127.
42 Gauthier, 1972, p. 331 et 1987, p. 126-138 (cat. 135).
43 Heilbronner, 2013, p. 74-86. Une grande partie de ces Vierges portant une chasuble avait déjà été signalée par Delcor, 1970.
44 Mathon et Subes (éd.), 2013, p. 452-453.
45 Heilbronner, 2013, p. 134-137 et 151-152.
46 Pour les vitraux de la cathédrale du Mans, je me permets de renvoyer à Angheben, 2016. Pour les Cantigas, voir Jackson, 2002.
47 Heilbronner, 2013, p. 108-110 (IV/36).
48 Pour l’application du terme « vas » à la Vierge, voir l’unique mention relevée dans les oraisons mariales par Barré, 1963, p. 303 ; et les deux hymnes retranscrites par Casenave, p. 126-127 (attr. à Adam de Saint-Victor, Salve, Mater Salvatoris) et p. 152-153 (Anonyme du début du XIIIe siècle, Salve, Mater Salvatoris). Voir à ce sujet Brume, 1915, 54, p. 383 (no 245) ; ainsi que la base Cantus.
49 Bernard de Clairvaux, In Assumptione. Sermo 2, 9, 1968, p. 237-238. Traduction de l’abbé Charpentier, 1867, p. 428-429.
50 Angheben, 2006, p. 155-171.
51 Pour les peintures de Santa Coloma, voir Pénot, 2003, et Magister Sancta Columba. La pintura romànica del Mestre de Santa Coloma, 2003.
52 Durliat, 1961 et 1973, p. 161-162 et Heilbronner, 2013, p. 110. Ces auteurs datent cette statue autour de 1300 mais dans la base Mémoire, elle est datée du XVe siècle.
53 Pour l’évangéliaire de Cuxa (Perpignan, BM, ms. 1, fo 14v.), voir Orriols i Alsina, 1996, p. 31-46 et 2002-2003, p. 148-149, qui situe le manuscrit sous l’abbatiat de Grégoire (1120-1146).
54 Il convient de signaler l’existence d’une exception sur un ivoire du VIe siècle conservé au British Museum sur lequel la Vierge tient l’Enfant en posant les deux mains sur les jambes de Jésus, cf. Heilbronner, 2013, fig. 215.
55 On relèvera tout de même que les Vierges au calice n’élèvent cet objet que d’une main et ne semblent dès lors pas adopter un geste liturgique.
56 Suntrup, 1978, p. 390-397 et M. Rubin, 1991, p. 53-58.
57 Voir par exemple le Bréviaire d’Aldersbach déjà mentionné, ainsi qu’une miniature allemande (Berlin Dahlem Museum, Kupferstichkabinett, Catalogue Praum Wescher, no 63) dans laquelle le Christ apparaît dans le ciel pour bénir le pain en même temps que le prêtre, cf. Schmitt, 1990, p. 348-350.
58 Angheben, 2012, p. 22-34.
59 Pour les antependia de Coll et d’Avià, voir Sureda, 1989, p. 299-300 (deuxième moitié XIIe) et p. 364 (première moitié XIIIe). Pour les antependia catalans voir également Castiñeiras, 2008, p. 17-41 et 2011, p. 69-70 ; Alcoy, 2012, p. 141-152.
60 Thérel, 1969, p. 86-103 et 1969, p. 191-193 ; Beaud, 2012, p. 267-268.
61 Forsyth, 1972, p. 103-111 ; Barral i Altet (dir.), 2000, p. 141-175.
62 Heilbronner, 2013, fig. 48 (Targassonne ; II/14), fig. 66 (Ullà ; III/46), p. 81-83, fig. 80 (Ogassa ; II/10), fig. 196 (Osor ; III/102), fig. 7 (Castellvell ; III/29) et fig. 38 (Err ; IV/25) ; Mathon, 2011, p. 156-165 (Err) et Mathon et Subes (éd.), 2013, p. 450-451 (Targassonne) et p. 280-281 (Err).
63 Mathon, 2011, p. 140-147 et Mathon et Subes (éd.), 2013, p. 258-259. Delcor, 1970, p. 32 considère que cette Vierge adopte une attitude d’offrande.
64 Forsyth, 1972, p. 142-143.
65 Mora, Michaud et Favreau (éd.), 1999, p. 48-49. Pour le portail, voir Durliat, 1955, p. 266-279.
66 Paschase Radbert, Expositio in Lamentationes Jeremiae, II, Patrologia latina 120, 1118 C. Voir à ce sujet Rauwel, 2005, p. 178 et 2008, p. 4.
67 Mathon, 2011, p. 148-179.
68 Pour l’antependium de Mossol, voir Sureda, 1989, p. 385-386 ; Castiñeiras, 2007, p. 143-145 et Heilbronner, 2013, p. 137-140.
69 Heilbronner, 2013, p. 162-165 et, pour la Vierge de Sant Cugat del Vallès, fig. 15-16 (III/5).
70 Sureda i Jubany, 2012, p. 81-86.
71 Fernández-Ladreda, Martínez de Aguirre et Martínez Álava (éd.), 2004, p. 409-410.
72 La Vierge de Vinça (vers 1300) possède une cavité fermée par un volet, mais on n’en connaît pas la fonction et on ne peut pas déterminer si ce dispositif est original, cf. Mathon, 2011, p. 131.
73 Heilbronner, 2011, p. 166-169.
74 Voir à ce sujet Jungmann, 1956-1958, II, p. 271-304, en particulier p. 303. Pour le rattachement du psaume 71 aux Mages, voir Hilaire de Poitiers, De Trinitate, IV, 38, 1979, p. 143 ; Paschase Radbert, In Matheum, II, 2, 1-2, 1984, p. 151 ; Pierre Lombard, Commentarium in Psalmos, 71, 10, Patrologia latina 191, 663 B ; et Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum, VI, 16, 2, 1995-2000 (CCCM 140A), p. 200. Pour le rituel de l’offertoire, voir aussi Ellard, 1943, p. 319-346.
75 Young, 1951, II, p. 34-37. Voir également Forsyth, 1972, p. 54.
76 Jungmann, 1956-1958, II, p. 271-298.
77 Romano, 2006, p. 138-140.
78 Honorius Augustodunensis, Gemma animae, I, 27, Patrologia latina, 172, 553 A-B.
79 Sicard de Crémone, Mitrale, III, 5, 2008, p. 168, lignes 57-61 ; et Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum, IV, 30, 34, 1995-2000 (CCCM 140), p. 393, lignes 421-422.
80 Ciresi, 2003, p. 202-230 et 2005, p. 165-185.
81 Lauer, 2006, p. 18-19.
82 Nilgen, 1967, p. 311-316.
83 Hilger, 1995, p. 103-116, en particulier p. 112-113.
84 Le texte d’Eldefonse a fait l’objet d’une édition temporaire accessible en ligne par Reynolds, 2013c, p. 155. Honorius Augustodunensis, Gemma animae, I, 35, Patrologia latina 172, 555 B. Pour cette question des analogies entre hostie et pièces de monnaie, voir Ellard, 1943, p. 319-346 ; Kumler, 2011, p. 179-191 ; Reynolds, 2013a, p. 1-69 ; et Kessler, 2015.
85 François-Souchal, 1962-1964 ; Gaborit, 1976 ; Gauthier, 1972, p. 331 ; 1987, p. 204-207 et 1995, p. 215-217.
86 Gauthier, 1972, p. 331 ; 1987, p. 126-138 (cat. 135).
87 Sureda, 1989, p. 333-334 (fin XIIe-début XIIIe) ; Gros i Pujol, 1991, p. 50-51 (vers 1187) ; Castiñeiras, 2007, p. 142-147 (vers 1186) ; Beltrán González, 2011-2012 et 2012 (1187).
88 Folch i Torres, 1925 ; Alcoy i Pedrós, 1992, p. 181-183 ; Camps i Sòria, 2008, p. 134-135 ; et Heilbronner, 2013, p. 159-161.
89 Durliat, 1973, p. 160-162, avait déjà soutenu cette lecture en la fondant notamment sur le thème de la Vierge au calice et la statue de Poubeau.
Auteur
Université de Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale
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