Introduction
p. 15-22
Texte intégral
1Il y a une dizaine d’années, lors des premières rencontres poétiques qui se déroulaient à Lodève – et qui s’y déroulent encore – nous avons été plusieurs à demander que l’on tienne davantage compte du fait occitan. Et nous avons exprimé notre regret que l’on ne fasse pas connaître à sa juste valeur la longue production poétique occitane qui a pris naissance dès le moyen âge et qui se déploie encore de nos jours. Nous avons rappelé les troubadours, bien sûr, et avec eux, la naissance de la lyrique européenne, nous avons évoqué la renaissance baroque, les félibres et le grand essor de la création poétique moderne et contemporaine. Et nous avons dit combien toute cette culture était mal connue, oubliée, voire méprisée, et que c’était l’occasion, lors de ces rencontres poétiques à Lodève, de la valoriser et de la faire connaître non seulement aux Lodévois eux-mêmes, mais aussi aux gens de passage qui, pour la plupart, l’ignorent ou n’ont souvent d’elle que des visions erronées… Et nous avons exprimé le souhait que l’on considère plus favorablement le fait que Lodève est la terre d’accueil de toutes ces manifestations.
2Nous reçûmes une réponse abrupte : « L’occitan n’est pas le centre du monde ! ». Le livre présenté ici est somme toute une réaction à cette gifle, même si, pour la personne qui s’exprimait, ce n’était qu’une simple boutade… Donc l’idée de créer ce livre naquit suite à cette réplique qui clouait d’avance toute discussion possible.
3Je me rappelle la réflexion d’une Lodévoise, d’une cinquantaine d’année, après une intervention de Max Rouquette : « Mais comment se fait-il que je vous comprenne ? Le patois que parlaient mes grands-parents c’est donc de l’occitan ? ». Et, à la réponse affirmative du poète, elle s’écria : « Alors, le patois est une vraie langue ! ».
4C’est ainsi qu’a germé et que peu à peu s’est élaborée l’idée de faire connaître le patrimoine lodévois lié à la langue1 – malgré le déclin de son usage dans la société –, d’en démontrer sa richesse et de dépasser le cadre restreint d’une simple monographie pour parler de la réalité culturelle occitane qui s’insère dans la culture européenne. En partant du local, on découvre de multiples autres intérêts. Ainsi l’étude du parler lodévois (cf. P. Bec, « L’occitan parlé à Lodève… ») permet de s’ouvrir au languedocien et aux autres parlers occitans ; d’autre part, l’intercompréhension dans tout l’espace occitan est la meilleure voie pour combattre l’esprit de clocher. J’allais dire : « Lodève n’est pas le centre de l’État français » ! L’histoire de cette langue depuis le Moyen Âge ferme la porte au statut de patois que nos grands-parents et ceux d’avant ont subi. L’intérêt pour la culture occitane au cours des siècles, ses productions, son patrimoine immatériel2 permet d’affirmer que l’occitan est une grande langue de culture, comme les autres langues romanes dont il est proche, le catalan, le castillan, l’italien… À la fin du livre, on pourra lire les contributions d’écrivains contemporains : ces courts écrits interpelleront, je l’espère, les lecteurs et les inciteront peut-être à prolonger leur lecture par d’autres œuvres. Car la littérature occitane d’aujourd’hui, en plein essor, et souvent innovante, peut s’inscrire dans une littérature universelle. « Sauvetage possible de la langue par la littérature », s’interroge Philippe Gardy ?
5Mais dans la genèse de ce livre, il y a peut-être aussi une histoire personnelle, une sorte de revanche à assumer, de témoignage familial et de souffrance vécue, et cette entreprise en chantier allait aussi représenter un prétexte, assumer une preuve, démontrer une suite logique. Je m’excuse donc pour les quelques anecdotes personnelles qui suivent.
6Cela commence par ma grand-mère arrivant à l’âge de sept ans dans une école à Lodève : on lui interdit de parler la langue avec laquelle elle communique normalement ; car si elle utilise le « patois » pour s’exprimer, elle reçoit le fameux senhal.3 Cependant, elle est déjà presque bilingue, car elle commence à s’exprimer aussi en français. Ce qui n’était pas le cas, m’a-t-elle raconté, du jeune Paul Dardé, le futur sculpteur, un peu plus jeune qu’elle. Elle se rappelait ses premiers jours d’école : farouche et complètement inhibé dans ce milieu où il ne comprenait rien ; il n’osait pas lever la tête et il refusait d’ouvrir la bouche.
7Plus tard, c’est l’histoire de mon père. Étudiant à Montpellier, il est reçu à l’écrit du concours de l’école normale de Paris ; il « monte » donc à la capitale pour passer l’oral. Réponse des examinateurs : « Monsieur, c’est bien. Mais perdez votre accent4 et l’année prochaine, vous serez reçu ! ». Cela me rappelle Jacques Boisgontier qui, nommé à la faculté de Poitiers, va se présenter au chef de section, Mme X…, qui venait de Paris pour assumer ses cours (en une seule journée par semaine !) : « Monsieur, lui-dit-elle, il faut perdre votre accent ! » – « Je le perdrai, Madame, quand vous, vous perdrez le vôtre ! ».
8Mon accent ! Dès mon arrivée, dans un petit village de la région lyonnaise, je fus baptisée « la Marseillaise » ! L’institutrice me demanda de chanter une chanson apprise dans mon ancienne école. Chanter en français ? Pas possible, je ferai rire tout le monde ! Alors j’ai entonné ce que mon grand-père m’avait appris : Totjorn me parla de mas cauças / Jamai me las petassan pas / E bufa-ie al cuòl… En classe de sixième au tout premier cours d’anglais : « Mais, d’où venez-vous, vous, avec cet accent-là ? ». Je ne voulais pas dire Montpellier, mais Lodève. Personne ne connaissait Lodève. Alors j’ai répondu : « Je viens des Causses (prononcé d’Écosse !) Hilarité générale ! « Avec cet accent-là, vous n’apprendrez jamais l’anglais ! ». J’ai eu ce professeur pendant quatre ans ; pendant quatre ans, elle ne m’a jamais interrogée ; pendant quatre ans, je n’ai pas ouvert la bouche ! Je pourrais multiplier les anecdotes. Par exemple, à une élève originaire de Millau et à moi-même, le professeur de français nous faisait lire Le Cid pour qu’il y ait d’avantage de couleur locale ! Millau… qu’un professeur de géographie prononçait - milo - (écrit autrefois Milhau) et qui m’a mis un zéro parce que je voulais, en lui indiquant la bonne prononciation, lui enseigner, soit disant, la géographie ! A Lyon, on s’est moqué de moi jusqu’à ce que j’attrape l’accent lyonnais !5
9Je pourrais dire que de nos jours encore subsiste ce mépris pour le Sud en général et l’ignorance totale de sa culture comme ce journaliste, dans Libération, qui n’en revient pas que le Marseillais Marius Petipa (et chaque fois qu’il cite son nom, il le fait précéder de « Le Marseillais ») soit devenu le grand chorégraphe du théâtre Marinsky de Saint-Pétesbourg6 ; et il s’émerveille que « ce Marseillais » fasse preuve d’un étonnant savoir du style slave : « Peuchère, ajoute-t-il, il n’y a pas que la farandole » ! Et à Poitiers, cette étudiante qui me raconte qu’elle n’arrive pas à écouter son professeur de psychologie – originaire du Tarn – parce que cela lui rappelle trop ses vacances !
10Toutes ces anecdotes que je viens de citer (et j’en ai encore beaucoup d’autres !) peuvent faire sourire ; mais ce ne sont pas de simples galéjades ; cela est bien plus profond. Nous, Occitans, nous sommes considérés comme des citoyens de second ordre, et même nous ne sommes pas considérés du tout, on nous ignore ! Tout ce qui nous entoure concourt à cette dégradation : l’enseignement scolaire, l’entourage social, les médias, les manifestations artistiques… Robert Lafont s’est souvent exprimé sur ces faits et voici ce qu’il dit à propos de la littérature occitane dans un de ses derniers livres, Le Sud ou l’Autre. La France et son Midi :
La « vraie France, la France du Nord », comme l’écrit Michelet, a toujours ressenti son Midi comme un Autre, Autre climatique, paysagiste, Autre humain surtout. Cela peut aller jusqu’à la répulsion chauvine, dont les exemples sont innombrables et banalisés, gasconnades et histoires marseillaises au terme du parcours historique et du mépris ethnique.
Du sottisier ainsi accumulé, où le sot est par fonction le méridional, préjugé qui peut devenir grave en temps de guerre et d’obligé patriotisme, nous n’entendons pas faire ici l’inventaire : il y faudrait une encyclopédie. Nous choisissons un lieu privilégié de détection du malaise souterrain ou du préjugé affiché en parlant littérature. C’est le lieu où le conflit s’intériorise, dans la double mesure où pour l’unité française, il faut escamoter ou dévier en représentation dérisoire d’elle-même la création où le Sud s’exprime. C’est la littérature française où la valeur humaine, si elle est méridionale, n’accouche que de héros oubliés et d’œuvres au secret, ou de héros burlesques et d’œuvres de cuisine. […]
Ainsi, dans ce Midi que la France s’est donné par les armes ou le commerce et dont elle ne sait trop humainement que faire, sinon l’effacer ou en rire, le sentiment collectif a fini par ne plus fonctionner qu’à l’aliénation, à la dérision du soi, pour le moins à sa mise en spectacle creux, à quoi Paris applaudit. Faute de pouvoir se vivre aux yeux de la France en complexité d’être et en force d’âme, le Midi traduit s’affiche en paraître et sur des tréteaux. À moins qu’il ne décide de parler et d’écrire pour lui-même, dans sa langue propre. Mais cela est une autre histoire, où il ne s’appelle plus Midi, mais Provence, Gascogne ou Occitanie.
On risque d’étonner. On aborde plus que des sujets ignorés, le Sujet même de l’ignorance nationale française, patinée du préjugé universitaire et couronnée de badauderie publique. […].
11Si « notre » livre, Lodeva ciutat occitana, est le résultat de toutes ces réflexions, s’il a pour but de valoriser le patrimoine lié à la langue, il a aussi l’intention de démontrer qu’il faut protéger cette langue, la soutenir, qu’il faut lui permettre de se propager, de se transmettre, de s’enseigner. Il faut lui donner les moyens d’assurer sa viabilité, de faciliter la recherche, ainsi que de revitaliser ses différents aspects. Je rappelle que lors de la clôture de l’année internationale des langues en décembre 2008, le vice-président de l’ONU, le portugais Maraes Cabral a déclaré :
La langue est un élément profond de l’humanité et est essentielle pour l’expression et pour la transmission de génération en génération de nos identités culturelles, de nos histoires et de nos valeurs.
12Ainsi j’ai voulu justifier par ce long préliminaire le pourquoi de ce livre. Mais nous n’allions pas dans l’inconnu : malgré tout, nous savions déjà les domaines que nous souhaitions aborder. À mes recherches personnelles s’ajoutèrent celles d’autres personnes passionnées par cette entreprise7. À la suite de discussions, de diverses rencontres, de la découverte de nouveaux documents, nous avons fixé les sujets à traiter et j’ai demandé la participation de spécialistes. On peut noter la diversité et la complémentarité de ces collaborateurs : chercheurs, universitaires, enseignants, érudits locaux, écrivains auxquels s’ajoutent de nombreux témoignages oraux.
13Je voudrais un peu insister sur ce dernier point qui fait l’objet de tout un chapitre que nous avons intitulé lo biais, mot difficile à traduire, qui veut dire la manière particulière d’être, de se comporter. On y trouvera ainsi des Istòrias localas, petites histoires racontées de-ci delà, sorte de faits divers locaux, qui tous ont été racontés. Si certains Occitans dédaignent ces petites chroniques du passé – en effet les mémoires en oc abondent – et privilégient une autre littérature, elles présentent cependant comme un tableau animé de la vie à Lodève, lorsqu’on y parlait couramment occitan. On y retrouve la perception qu’éprouvaient – et qu’éprouvent encore – les Lodévois dans la vie quotidienne. Hélène Gracia, en donnant son récit Lo budèl, a bien insisté pour qu’on le place dans les Istòrias localas, car, m’avait-elle dit, c’est un incident qui s’est vraiment passé à Lodève (elle a changé les noms des personnages pour ne pas avoir d’ennui, au cas où ils se reconnaîtraient !) ; or son récit est une vraie page de littérature…
14Il faut bien le dire : le patrimoine oral, jusqu’à ces dernières années, a été malgré tout l’enfant pauvre des recherches occitanes. Bien sûr, il fallait insister sur les recherches linguistiques, littéraires, historiques… Puis il y eut le « boum » de la « nouvelle chanson occitane » qui pour s’exprimer, pour exister a fait le rejet du « folklore ». « Pas de vieilles dentelles, pas de toiles d’araignées ! » m’avait dit un chanteur. C’est une erreur de comparer la « nouvelle chanson occitane », qui est une création – et qui au départ fut un mouvement de revendication – à la chanson de tradition orale, expression chantée qui se transmet et se recrée de génération en génération. Si on utilise cette dernière dans l’enseignement à l’école, dans des spectacles et des divertissements, on doit aussi la considérer scientifiquement comme un objet d’étude. Et il est d’autant plus nécessaire de prouver sa valeur que l’on a tendance à ne reconnaître son existence, à juger de son importance que par rapport à la chanson d’expression française !8
15Tous les textes écrits en occitan le sont, bien sûr, dans l’orthographe classique9, sauf pour les citations où la graphie de l’auteur est recopiée. Sont écrits en français tous les articles qui fournissent une étude particulière sur la langue (cf. P. Bec et Ph. Martel), sur un texte littéraire (cf. Ph. Gardy sur P. Gély), sur un évènement (cf. J.-P. Marc sur 1907), ou qui présentent une recherche sur des textes tirés de l’oralité (cf. E. Gauzit sur les chansons, les contes, les proverbes). Pour les textes de création en occitan, nous avons laissé la liberté aux auteurs de mettre ou non une traduction : ainsi H. Gracia a traduit le sien, Lo budèl, mais F. Vernet ne traduit pas sa nouvelle, Te laissi la clau. Quant aux textes en occitan transcrits d’après l’écoute de documents sonores, les plus difficiles sont suivis d’une traduction française (comme La cochilis, cf. le paragraphe sur la vigne), ainsi que les chants et les proverbes ; pour les autres, les mots pouvant embarrasser sont suivis de notes.
16Certes il est plus facile de valoriser les vieilles pierres, que de défendre la langue ; les vieilles pierres on les voit, on les aime, on peut les restaurer, et la langue ? « Patrimoine immatériel »…, le travail s’avère bien plus délicat et pourtant l’occitan était la langue véhiculaire du temps des vieilles pierres et même bien après… Des enquêtes réalisées en 1991 pour le Conseil régional du Languedoc-Roussillon10 donnent les chiffres suivants : 48 % de la population comprend l’occitan, 28 % sait le parler, 9 % le parle souvent ou quotidiennement, 45 % sait le lire, 6 % sait l’écrire. Si ces résultats indiquent dans quelles perspectives il faut progresser, c’est-à-dire parler la langue et l’enseigner, ils sont cependant très alarmants.
17Ce livre essaie de donner les premiers éléments d’une ouverture vers des sujets très variés et souhaite faire naître une impulsion nouvelle chez le lecteur. Ainsi on peut herboriser dans la nature, donner le nom des plantes en occitan et parler d’un usage éventuel (C. Dur). On peut expliquer comment – il n’y a pas longtemps de cela – on cultivait la vigne « en occitan » (Y. Creissac). On peut parcourir les rues de la cité de Lodève et fournir leurs anciens noms qui sont tous en occitan (M. Cauvy) : cela incitera peut-être la municipalité à mettre des panneaux bilingues avec le nom ancien et le nom moderne. On peut regarder une carte détaillée du Lodévois et constater que la plupart des noms de lieux appartiennent à notre langue (C. Dur). La plaque affichée, rue Fleury « Ici est né Prosper Gély / Félibre lodévois / Auteur de l’Oulada » pourra maintenant être commentée grâce à l’article si complet de Philippe Gardy. Mais il faudrait alors exiger des guides qu’ils sachent l’occitan (il y a des étudiants qui ont une licence d’occitan et ont étudié l’histoire de l’art). À « Lodève, ville d’art et d’histoire », on devrait pouvoir ajouter « Lodeva, ciutat occitana », car l’occitan ne peut être évacué de l’histoire lodévoise (cf. l’étude de Ph. Martel). La révolte des vignerons de 1907 y est encore présente (J.-P. Marc) et les élèves du Collège et du Lycée ont été fortement sensibilisés à cet événement (cf. les affiches faites à ce propos). On ne peut voir la cathédrale sans évoquer saint Fulcran. Or le culte à ce saint dépassait le cadre lodévois dès le moyen âge : en effet, au XIIIe siècle un troubadour de Béziers, Raimon Gaucelm écrit un poème funèbre – un planh – sur un certain Guiraut de Linhan et termine sa lamentation en demandant à la Vierge de bien vouloir intercéder pour qu’au paradis Guiraut soit près de saint Fulcran (cf. P. Bec « Lodève et les troubadours »). Sant Frocan, dont on trouvera une légende rapportée de bouche à oreilles (cf. La testa de sant Frocan). Sant Frocan, dont la vie a inspiré deux hommes de théâtre : Léon Cordes conçut une sorte de grande fresque, Lo mistèri Frocan (1966) qui n’a jamais été représentée (le projet de monter la pièce pourrait se faire) et on se rappelle avec plaisir le Miracle Frocan, pièce bilingue de Claude Alranc créée avec succès lors du millénaire de l’évêque (cf. les extraits de ces deux pièces). À l’entrée des villages du Lodévois, on pourrait également mettre des panneaux bilingues, en s’aidant, bien sûr, des travaux de toponymie et de la mémoire des occitanophones, mémoire qui sera confirmée par la liste de Jules Calvet (cf. « Sobriquets collectifs du diocèse de Lodève »). Les enseignants et les animateurs de séances récréatives recherchent souvent bien loin des contes à dire ou des chansons ; le répertoire présenté ici aura d’autant plus d’écho chez les auditeurs qu’il est collecté dans le Lodévois (cf. E. Gauzit).
18Il était absolument nécessaire qu’un document sonore illustre le livre. Je pense que pour le lecteur il est indispensable d’entendre ; il faut que sa lecture puisse être doublée par une écoute. La plupart des documents sonores présentés ici proviennent de la collecte personnelle de Pierre Bec et de moi-même, en particulier pour les contes et les chants de tradition orale. On a eu la chance de pourvoir enregistrer Étienne Barral récitant le fameux Petaire de Ribaudrac de Prosper Gély, poème que beaucoup de Lodévois connaissent encore : sa performance découle directement par tradition orale de celle de Prosper Gély. Quelques poèmes des élèves du Collège et du Lycée de Lodève sont lus par leur professeur. Nous avons voulu aussi donner une place importante à la création contemporaine : on pourra donc entendre Christian Dur dans une de ses émissions à Radio-Lodève – Chaupic – et Jean-Paul Creissac qui lit ses poèmes.
19À travers ce livre, on peut affirmer que, malgré un déclin progressif de son usage social, l’occitan continue d’exister. Ce contraste apparaît dans les différents articles abordés ici : témoignages oraux qui disparaissent peu à peu et cependant ténacité d’une création toujours renouvelée. Et on peut s’interroger, comme le fait Philippe Gardy dans son livre, L’écriture occitane contemporaine […], si l’un ne va pas sans l’autre : « Cette alliance entre une langue pour l’essentiel orale et dialectale d’un côté, et les plus hautes ambitions littéraires d’un autre, a eu pour conséquence la production d’œuvres originales qui paraissent puiser leur singularité et leur force dans la raréfaction des mots dont elles sont pourtant faites ».
Bibliographie
Bibliographie
BEC Pierre. L’accent du Midi dans ses rapports avec le substrat occitan. Annales de l’Institut d’études occitanes, no 11, 15 mai 1952, pp. 21-32.
BOYER Henri. Enquêtes quantitatives sur les images et les usages de l’occitan en Aquitaine et en Languedoc-Roussillon. pp. 333-334 in BOYER Henri & GARDY Philippe (dir.). Dix siècles d’usages et d’images de l’occitan. Paris, L’Harmattan, 2001.
BOYER Henri & GARDY Philippe (dir.). Dix siècles d’usages et d’images de l’occitan. Des Troubadours à Internet. Paris, L’Harmattan, 2001.
GARDY Philippe. L’écriture occitane contemporaine. Une quête des mots. Paris, L’Harmattan, 1996.
GAUZIT Éliane. Réception de la chanson occitane de tradition orale au XXe siècle. pp. 191-210 in Contes e cants. Les recueils de littérature orale en pays d’oc, XIXe et XXe siècles. Montpellier, Publications de l’Université Paul-Valéry Montpellier III, 2004, coll. Lo gat ros. (Article repris et modifié dans Pastel, Conservatoire cccitan, no 26, 2005, pp. 12-21).
HAMMEL Étienne & GARDY Philippe. L’occitan en Languedoc-Roussillon. Perpinyá, Ed. Trabucaire, 1994.
Internationale de l’imaginaire. Le Patrimoine culturel immatériel, premières expériences en France. Arles-Paris, Actes Sud - Maison des cultures du Monde, mars 2011.
KREMNITZ Georg. Le travail normatif en occitan. pp. 21-42 in BOYER Henri & GARDY Philippe (dir.). Dix siècles d’usages et d’images de l’occitan. Paris, L’Harmattan, 2001.
LAFONT Robert. Le Sud ou l’Autre. La France et son Midi. Aix-en-Provence, Édisud, 2004.
Notes de bas de page
1 Seule exception : le toponyme Lodeva, l’antique nom de Luteva, n’est pas directement d’origine occitane. J’ai demandé à Jacques Astor de spécifier l’origine du nom, car de nombreuses analyses fantaisistes ont eu cours et se retrouvent encore dans des écrits contemporains et dans des présentations touristiques.
2 Je rappelle la définition donnée par l’UNESCO dans son texte de la Convention de 2003 « On entend par "patrimoine culturel immatériel" les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets […] – que les communautés […] reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel […] : les traditions et expressions orales de la langue […], les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers, les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel… » La France a signé cette convention le 15 décembre 2006, convention qui est entrée en vigueur le 18 mars 2007.
3 Senhal : insigne, objet distribué par le maître à celui qui parle occitan à l’école, même à celui qui joue dans la cour de récréation. L’enfant qui l’a reçu en premier s’en « débarrasse » en le donnant à un autre élève qui, à son tour, vient de s’exprimer en oc. A la fin de la journée, le maître punit tous ceux à qui on a distribué le senhal. Voici le témoignage de Marie-Cécile Bouquié (née à Lodève en 1909, enregistrement d’Éliane Gauzit, le 18 juillet 1981) : « Du temps de papa, pour empêcher de parler patois, quand il était à l’école chez les frères, on leur donnait un « signet », ou un « signal », je ne sais pas comment, quelque chose à la main. Alors en sortant de la classe, il ne fallait pas qu’il ait ça à la main, car il serait puni et il cherchait celui qui allait dire un mot en patois pour le lui passer. C’était la méthode pour empêcher de parler patois… ».
4 Dans l’hexagone français, avoir un accent c’est avoir l’accent du Midi, sinon on dit : « il a l’accent alsacien, l’accent lyonnais, l’accent parisien, etc. ».
5 Voici ce que je relève dans des brochures empruntées récemment au Syndicat d’Initiative de Lodève : « Le parler de l’Hérault, c’est la saveur du soleil dans la bouche » et encore « L’accent du Sud, c’est une manière de vivre, être bien avec soi-même, dans la nature et en pleine lumière » ! ! ! Quand donc finira-t-on de dire de telles bêtises et de jouer le jeu du français du Nord ? Il y a même des réflexions qui frisent le dénigrement : lu dans Le Monde de la Musique « Jean-Claude Malgoire investit Montpellier pour diriger La clémence de Titus. Mozart avé l’assent » !
6 L’œuvre de Marius Petipa constitue encore aujourd’hui la base du répertoire des grandes compagnies classiques.
7 Je remercie plus particulièrement pour leur aide précieuse Marianne Bouyer et Christian Dur : ils m’ont permis, bien des fois, de voir plus clair dans le projet, de choisir des collaborateurs, d’élargir notre champ d’investigation.
8 Voir en particulier les travaux de Patrice Coirault et mon article « Réception de la chanson occitane au XXe siècle ». Cf. la bibliographie.
9 Pour suivre l’historique de la construction de ce système graphique, depuis la langue médiévale jusqu’à la réforme d’Alibert, voir l’article de Georg Kremnitz : « Le travail normatif en occitan ». Une remarque très importante doit être faite au sujet de ce travail normatif : en effet, en les transcrivant, nous avons, bien sûr, respecté les écrits originaux des auteurs et les textes issus de l’oralité. Cependant nous avons tenu à signaler les francismes et les localismes. Nous avons été souvent confrontés à un travail délicat et nous nous excusons pour les oublis éventuels.
10 Cf. Henri Boyer : « Enquêtes quantitatives sur les images et les usages de l’occitan en Aquitaine et en Languedoc-Roussillon ». Voir également : É. Hammel, Ph. Gardy, L’occitan en Languedoc-Roussillon.
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