L’ét(h)iquette, ou comment capter l’attention. Des fibres textiles au tissu social
p. 101-124
Texte intégral
« Ce qu’est le consommateur est toujours plus ou moins un devoir-être. »
Louis Pinto (1990).
1ALORS QUE L’ÉTIQUETAGE du prix et de la marque d’un vêtement participe à l’équipement cognitif du consommateur (Cochoy, 2002) au moment de l’achat, à quoi peuvent servir les diverses étiquettes tissées ou non tissées qui sont cousues, imprimées ou brodées de façon durable dans la face interne des vêtements ? La question de l’étiquetage de composition et d’entretien des produits textiles renvoie à des questions techniques, juridiques, économiques et politiques que ne soupçonne pas toujours le consommateur captivé par l’attrait du vêtement convoité. Tout à sa passion naissante et possessive pour sa nouvelle acquisition, le consommateur s’en remet aux instructions du fabricant pour connaître l’origine, la composition du textile et ses modalités d’entretien. Au-delà d’une stricte information ménagère qui relève d’une économie domestique, ne peut-on s’interroger sur l’information économique et politique incidemment délivrée qui renvoie « jusqu’aux actes qui ont réglé sa fabrication (le vêtement) » (Barthes, 1983) ?
2Après avoir affronté la logique du marché de l’offre et de la demande lors du choix d’un vêtement, le consommateur se trouve confronté dans la sphère domestique à la gestion de son entretien car le textile autonettoyant1 n’a pas été inventé et le produit jetable2 reste une solution trop onéreuse. L’utilisation d’un lave-linge personnel installé à domicile est en France la manière la plus répandue de laver son linge, les professionnels du nettoyage étant essentiellement sollicités pour régler les cas les plus délicats, voire les plus désespérés. Les programmes des lave-linge domestiques proposent des critères techniques standardisés qui varient selon quelques grandes catégories de textile (blanc, couleur et synthétique, délicat et laine) auxquelles correspondent degré de température et force de brassage. Pour prendre la bonne décision l’usager dispose d’informations techniques formelles écrites sur la machine, sur le mode d’emploi, (Lalanne, 2002) et inscrites dans le programmateur (Latour, 1993). Les emballages de produits lessiviels comportent tous des recommandations essentielles pour le lavage (dosage du produit selon la dureté de l’eau, la quantité d’eau dans la cuve, la saleté du vêtement, la température et le type de textile). De plus des informations commerciales présentées comme des renseignements techniques conseillent par voie d’étiquetage sur différents supports (paquets de lessives, étiquettes de flacons de détergents, d’assouplissants, de détachants, publicités, étiquettes des produits textiles) l’utilisation d’une marque de lessive3. Des marques de vêtements et des marques de lave-linge recommandent des marques de lessives qui elles-mêmes s’appuient sur ces avis flatteurs pour se présenter au consommateur. L’information publicitaire qui vise à améliorer la notoriété et les résultats commerciaux vante une efficacité technique fondée sur une entente commerciale plutôt que sur des tests comparatifs. L’objectif est d’attraper le client sur tous les lieux et les espaces qu’il fréquente pour accomplir son activité de lavage. D’autres informations techniques imprimées sur les étiquettes attachées au vêtement complètent ces dispositifs techniques. Le travail d’information comparatif des associations de consommateurs est en partie relayé par des normes obligatoires affichées lors de la vente du lave-linge, qui utilisent une échelle graduée de A à G pour indiquer l’efficacité de lavage, l’efficacité énergétique et l’efficacité d’essorage. Pour laver son linge l’usager dispose d’informations multiples organisées par des prescripteurs qui pour mieux le capturer resserrent les mailles de leurs filets par des unions commerciales4 et par une prolifération de produits spécifiques5 qui constituent autant d’offres entrecroisées pour le convaincre de se laisser enlacer. La sollicitation commerciale du consommateur se poursuit au-delà de l’achat du vêtement et participe à la densification ménagère (Kaufmann, 1992) et à la complexification des activités domestiques. Le choix du consommateur ne s’arrête pas à l’achat du lave-linge, des produits d’entretien ou de ses vêtements et articles textiles, il se poursuit par une incessante sollicitation lors des usages qui engagent sa responsabilité tout en détachant celle des prescripteurs.
3Pourtant un décalage est constaté entre les quelques critères techniques standardisés des machines à laver6 et la variété des combinaisons de critères culturels et sexués (blanc/couleur, type de textile, type de linge) mis en œuvre par les usagers pour laver leur linge (Denèfle, 1992). Les usagers réaménagent les consignes et les conseils des fabricants de lave-linge et de textiles en fonction d’impératifs et d’habitudes tissés par des socialisations familiales et conjugales empreintes de normes sociales et culturelles (Kaufmann, 1992). C’est que les notions du propre et du sale, de l’ordre et du désordre (Douglas, 2001), activées lors d’un lavage sont mises en tension avec des exigences d’efficacité et de sécurité. Bien qu’étant une activité banale et fréquente la gestion domestique des nombreuses pièces de textiles différents occasionne des risques allant du nettoyage raté, à refaire, jusqu’aux déformations irréversibles (Riffault, 1980 et Delaunay, 1994). En effet chaque fibre textile a des propriétés spécifiques et réagit différemment à l’eau, à la chaleur, au brassage et au contact de certains produits. Passés certains seuils, les tissus peuvent se cloquer, se durcir, se rétrécir, perdre leur teinte ou prendre d’autres couleurs, ce qui les empêche de remplir leur fonction initiale et les relègue au statut de chiffon. L’étiquetage — visible et attaché — des produits textiles est là pour capter l’attention de l’usager qu’il faut informer et qu’il faut convaincre à la fois de la loyauté du fabricant et de sa responsabilité en tant que propriétaire du vêtement. Si l’information permet de réduire l’incertitude et favorise la liberté du consommateur (Pinto, 1990), elle n’est pas neutre ni purement descriptive car en visibilisant certains critères obligatoires elle en invisibilise d’autres facultatifs ou absents, voire interdits (Bourdieu, 1996). À travers ce que retient l’étiquetage des produits textiles et ce qu’il ne mentionne pas7, l’on peut retrouver trace de la logique d’un marché internationalisé où les normes, les règles, les accords et les conflits construisent des produits qui par leurs contraintes et leurs ressources interagissent dans les espaces domestiques et les activités familiales individuelles et collectives.
Étiquetage obligatoire et étiquetage volontaire : un contrat implicite cognitivement incomplet
4L’étiquetage des textiles est le résultat d’un travail de normalisation et de réglementation issu d’engagements contractuels entre les organisations professionnelles du textile et de l’habillement, des pouvoirs publics et des représentants des consommateurs (Cochoy, 2000). En France, un vêtement est accompagné à la fois d’un étiquetage obligatoire et d’un étiquetage volontaire. Le contexte concurrentiel d’un marché très internationalisé et très innovateur dans la création et l’utilisation de fibres synthétiques et naturelles rend nécessaire une homogénéisation des règles de normalisation et de législation pour garantir la qualité des produits aux consommateurs (Kessous, 2000). Une partie du résultat de ce travail d’organisation mettant en présence des représentants des fabricants, de l’État Français, de l’Union Européenne et des consommateurs se retrouve sur les étiquettes accompagnant les vêtements en textile naturel ou synthétique. La transcription des informations engage le fabricant sur sa loyauté et ce faisant contraint et encourage le consommateur à manifester à son tour sa confiance en ne mettant pas en doute la véracité des informations imprimées ou tissées sur les étiquettes (Quéré, 2001). Cette information du consommateur portée par le fabricant sur les étiquettes structure le comportement de l’usager lors de l’entretien du bien en indiquant ce qu’il faut plus ou moins faire ou ne pas faire. L’étiquetage fonctionne comme un contrat implicite cognitivement incomplet (Favereau & Picard, 1996)8 car l’étiquette ne porte pas toutes les informations permettant à l’usager de prendre la bonne décision et l’usager ne cesse d’interpréter les règles collectives à l’aune des règles individuelles et familiales. Car si la plupart des acheteurs ne vont pas réévaluer la nature exacte de la composition du textile ou s’interroger sur le pays de fabrication, chaque usager sera confronté à l’épineuse question de l’entretien du produit. Les recommandations d’entretien codifié édictées par les fabricants qui mettent en rapport la nature du textile et le type de nettoyage adéquat et interdit, qui sont des règles prescrites et théoriques, entrent en confrontation avec l’interprétation qu’en font les usagers. L’entretien des textiles représente une activité à risques que le travail d’étiquetage tente de limiter en rappelant à distance à l’usager qu’il doit faire confiance au fabricant dans son propre intérêt. Ce travail de captation consiste à faire converger les intérêts du fabricant loyal et du consommateur honnête9 en les réunissant autour d’objectifs généraux : conserver la qualité de vêtement neuf et limiter les risques liés à l’usure de l’entretien. Mais rien n’est dit sur les conditions d’usage et de port liées au libre arbitre de l’utilisateur.
L’étiquetage de composition : une traçabilité de l’hybridation des fibres artificielles et naturelles
5Une réglementation à la fois nationale et européenne rend obligatoire l’étiquetage de composition ou de contexture dans l’habillement. Les conditions d’identification et de mesure des différentes fibres qui entrent dans la composition des vêtements sont décrites dans des directives européennes et dans des décrets et arrêtés nationaux10. Cet étiquetage de composition s’est avéré nécessaire à partir du moment où des textiles chimiques ont été introduits sur le marché et n’ont plus permis au consommateur ni d’identifier la matière au simple toucher, ni de se fier au seul critère du prix (Cochoy, 1999). En France, c’est par un décret11 pris en 1963 que l’étiquette de composition doit préciser l’origine : naturelle (coton, soie, laine), artificielle (viscose, acétate) ou synthétique (Nylon, Tergal, Dacron). Les fibres artificielles issues des matières naturelles travaillées chimiquement et produites à un moindre coût s’imposent dans les années 40-50 sur un marché dominé jusqu’alors par les matériaux naturels (Beltran & Griset, 1990). Mais dans les années 60 les fibres synthétiques obtenues par une réaction chimique permettent à la fois la création de nombreuses fibres synthétiques aux propriétés innovantes et la réduction des coûts de fabrication. Les bas en soie coûteux furent peu à peu remplacés par les collants en maille artificielle peu onéreux et mieux adaptés au raccourcissement des jupes et des robes. La consommation de masse des vêtements et le phénomène de la mode (Barthes, 1983) coïncide avec l’hybridation des tissus qui sont composés de plusieurs types de fibres. Alors que ces nouveaux matériaux enthousiasment les créateurs et les publicitaires, ils multiplient les modalités d’entretien et complexifient le travail des particuliers qui dans certains cas n’ont d’autre choix que de recourir à un professionnel12. La dénomination et l’identification des textiles fait l’objet d’une normalisation selon la typologie des fibres utilisées : naturelles “animales, végétales, minérales”, chimiques “artificielles”, d’origine cellulosique et protéinique et “synthétiques”, obtenues par polyaddition et par polycondensation. Chaque famille de fibre est testée selon des normes standard par des organismes certifiés qui garantissent son identité d’après sa finesse, sa longueur et ses propriétés physico-chimiques (Flandrin-Bletty, 1996)13. Ensuite la transformation de la fibre en étoffe nécessite une série d’opérations techniques : la filature pour fabriquer des fils, la mise en forme de l’étoffe par le tissage ou le tricotage et l’ennoblissement qui donne au textile son aspect final par des traitements d’apprêts, d’impression, de teinture ou de blanchiment. À chaque étoffe correspond un ensemble de propriétés faisant l’objet de certifications et de brevetage de marques déposées. Les propriétés les plus courantes des fibres synthétiques comme la facilité d’entretien et la légèreté sont concurrencées par des tissus innovants intégrant de nouvelles fonctions : antibactériens et anti-acariens, anti-UV et actifs chauffants, parfumeurs, anti-infrarouge, anti-électromagnétique, électronique... et nécessitant un entretien spécifique interdisant quelquefois le contact avec l’eau qui dégrade les produits microencapsulés ou les faisceaux d’électrons greffés. Pour capter le consommateur, la recherche-développement des grandes firmes construit un marché de tissus « bioactifs » utilisant les techniques des biotechnologies14. Pour éviter les controverses apparues dans le secteur de l’agro-alimentaire et de la vie humaine ces découvertes sont présentées au consommateur comme un inestimable progrès accompli par des chercheurs performants pour améliorer la condition humaine. L’attention du consommateur est détournée des conditions de production et des éventuels effets secondaires des tissus qui ne font plus que vêtir. Il ne faut pas rappeler au consommateur qu’en tant qu’être vivant il abrite une flore bactérienne active, ni qu’il produit une sudation malodorante ou qu’il est environné d’un air vicié ou encore que tel vêtement en polyester est fabriqué à partir de bouteilles recyclées d’eau minérale (Fauque & Bramel, 1999). Grâce à une meilleure traçabilité, l’étiquetage de la composition des textiles pourrait devenir un enjeu majeur dans le travail d’information des ménages et de répression de fraudes car les performances définitives du produit ne sont pas déterminées exclusivement par la matière première (seul critère présenté au consommateur) mais par le tissage ou le tricotage, l’ennoblissement et la confection15. L’équipement cognitif du consommateur, imparfait malgré les divers étiquetages et affichages, doit se poursuivre dans des usages précautionneux où les désinvoltes font figure de risque-tout.
L’étiquetage d’entretien : un dispositif d’apprentissage ménager ?
6Dans l’Union européenne l’étiquetage d’entretien est facultatif sauf en Autriche. Cet étiquetage est conditionné par la nature et la composition des fibres indiquées sur l’étiquetage de composition (ex : 100 % polyester). Les fabricants très nombreux à choisir cet affichage volontaire peuvent soit écrire — de préférence dans la langue du pays de distribution du produit — un texte libre, soit utiliser un étiquetage par symboles. Les icônes standardisés précisent : les conditions de lavage (9 modalités possibles), la possibilité ou non de chlorage (2 modalités), la possibilité ou non du repassage ainsi que la température maximale et l’utilisation ou pas de vapeur (4 modalités), le nettoyage à sec et ses conditions restrictives (7 modalités) et enfin le séchage en tambour ménager (3 modalités). L’utilisation payante de ces icônes d’entretien est accordée aux fabricants par le Cofreet (Comité Français d’Étiquetage d’Entretien des Textiles), gestionnaire de ce système. Le système symbolique appartient au Ginetex (Propriétaire de Marques Internationales) qui a imposé ses symboles dans une norme européenne et dans une norme internationale.
7Une norme européenne (« EN ») a pour caractéristiques d’une part de devenir obligatoirement une norme nationale (« NF EN » pour la France) et d’autre part d’entraîner le retrait systématique de toute norme nationale (« NF » pour la France) qui serait contradictoire avec la norme européenne (Cochoy, 2000). Tous les pays membres de l’Union Européenne doivent obligatoirement utiliser le système du Ginetex s’ils décident de recourir à l’étiquetage symbolique d’entretien du textile. De plus, en tant que norme internationale (« ISO » suivi d’un code alpha-numérique) son application devient mondiale sans pour autant remplacer obligatoirement le système en vigueur dans les pays hors de l’Union Européenne (Mallard, 2000).
8Les entreprises qui étiquettent les vêtements en France optent soit pour l’étiquetage symbolique du Ginetex soit pour un étiquetage textuel rédigé en général en langue française. Les deux systèmes peuvent aussi coexister notamment lorsque le vêtement est composé de plusieurs fibres qui nécessitent un entretien différent. Dans ce cas c’est toujours la norme d’entretien de la fibre la plus fragile qui est retenue. Par exemple pour un pantalon composé de 71 % de coton et de 29 % de polyester, c’est la modalité d’entretien du polyester qui sera préconisée : lavage à 30°, pas de chlorage, repassage à 110° maximum, pour le nettoyage à sec utilisation de tous les solvants courants à l’exclusion du trichloréthylène et du perchloréthylène, séchage en tambour ménager interdit.
9Dans certains pays hors de l’Union européenne l’étiquetage d’entretien est obligatoire et plusieurs systèmes symboliques ont été mis au point16. On peut distinguer des codifications à usage national difficiles à interpréter et à diffuser hors des frontières culturelles du pays émetteur (ex : le Japon). On peut aussi repérer un système de normes obligatoires dans un pays, qui par la suite s’étend à d’autres pays situés dans la zone d’influence économique (ex : les États-Unis).
10Le système de symboles d’entretien des textiles selon les normes Ginetex semble s’étendre au fur et à mesure aux pays européens non-membres de l’Union européenne. Ainsi, les États-Unis laissent le choix à l’exportateur de réaliser soit l’étiquetage selon le système ASTM qu’ils ont développé, soit l’étiquetage du Ginetex en complétant les symboles par un texte rédigé en anglais.
11Un vêtement comporte plusieurs étiquettes accrochées au vêtement ou apposées sur l’emballage pour satisfaire à toutes les réglementations obligatoires ou recommandées dans les divers pays où il est commercialisé. Le consommateur peut disposer de critères comparatifs réputés compréhensibles par le milieu des professionnels du textile et de l’habillement qui s’avèrent incompris de lui. Il n’est pas rare de trouver des textes rédigés exclusivement en langue anglaise ou encore comportant des sigles et des informations méconnus des usagers, donc indéchiffrables. L’étiquetage d’origine des produits manufacturés (si l’on exclut la fraude) permet de saisir comment un vêtement qui représente un article fini est le fruit hybride (Latour, 1991) d’un processus de fabrication complexe enserré dans des réseaux économiques, financiers et politiques dont le « made in France » valorise le produit plus qu’il ne renseigne l’acheteur. Heureusement que l’usager ne dispose pas de ce seul dispositif incomplet de connaissance pour laver correctement son linge (Denèfle, 1992) !
L’étiquetage d’origine : une traçabilité aux enjeux politiques ou économiques ?
12L’étiquetage d’origine est un instrument commercial et social bien connu pour les produits alimentaires dont l’affichage est obligatoire pour les fruits et légumes non récoltés en France. Les problèmes sanitaires rencontrés autour de la viande bovine en particulier ont entraîné l’extension de l’obligation d’affichage d’informations sur la provenance de la viande ainsi que sur un certain nombre de conditions d’élevage et d’abattage (Luhmann, 2001). Le concept de traçabilité développé pour protéger la santé du consommateur et pour lui redonner confiance dans le domaine de l’alimentaire apparaît dans le secteur du textile autour d’enjeux économiques et éthiques (Salmon, 2000).
13Les états membres de l’Union européenne n’ont pas l’obligation d’indiquer l’origine du produit textile. En France, l’obligation d’étiquetage d’origine des textiles a été supprimée par un décret en 198617 et son utilisation volontaire doit respecter des règles non préférentielles résultant du droit communautaire18. L’extension des logiques territoriales pour renforcer la cohésion communautaire coïncide avec les intérêts expansionnistes des logiques commerciales.
14Cependant lorsqu’un fabricant souhaite mentionner l’origine d’un produit manufacturé il doit respecter plusieurs textes de référence19 attestant la loyauté de sa déclaration afin de ne pas tromper le consommateur (Costa et al, 2001). Le Centre technique des industries de l’habillement indique sur son site Internet20 que « La France, l’Irlande et la Grande-Bretagne appliquent avec rigueur ces dispositions tandis que l’Allemagne et l’Italie font preuve d’un grand libéralisme dans l’application des textes. Aux Pays-Bas et en Espagne, il n’existe pratiquement aucune protection juridique du consommateur contre les fausses indications d’origine ».
15Cependant les produits manufacturés doivent porter la mention d’origine lorsqu’ils sont exportés vers des pays rendant cette information obligatoire. C’est le cas des États-Unis dont une loi douanière précise les conditions d’étiquetage. « Toutes les marchandises importées aux États-Unis doivent porter en langue anglaise une étiquette mentionnant le nom du pays où la marchandise a été produite ou fabriquée, apposée de manière visible et suffisamment indélébile pour demeurer facilement lisible à l’acheteur final dans les conditions normales de vente au détail. Certains articles ont fait l’objet de décisions imposant un mode de marquage particulier : les articles d’habillement tels que chemises, blouses, manteaux, etc. doivent porter une étiquette cousue ou fixée de manière permanente à l’intérieur du col à égale distance des coutures des épaules ; cependant, pour les vestes et les manteaux, cette marque peut être apposée près de la poche intérieure à proximité de la marque du fabricant. Les pantalons doivent porter une étiquette en tissu, fixée de manière permanente, de préférence à l’intérieur de la ceinture. »21
16Il est à noter que lorsque l’étiquetage d’origine est obligatoire une réglementation stricte prescrit les conditions du marquage, les caractéristiques de l’étiquette et son emplacement. Les critères qui prévalent à ce marquage sont la lisibilité et la visibilité qui nécessitent la durabilité ainsi que le respect de la conformité et de la normalisation garants de la qualité du produit et du respect du consommateur. Au Canada, l’étiquette doit être « indélébile, facilement lisible et apposée de façon permanente sur l’article »22. Au Japon, facultatif pour les articles importés, mais omniprésent dans l’usage « Le “Made in” n’est exigé que si une mention (nom, drapeau, marque d’une langue d’un pays autre que celui dont l’article est originaire) peut faire naître un doute dans l’esprit de l’acheteur final. »23 Les articles fabriqués au Japon portent un marquage obligatoire et les fabrications sous licence doivent indiquer les références du pays étranger24. La protection du consommateur rejoint généralement des stratégies commerciales et des stratégies de marketing lorsque le « Made in France », par exemple au Japon synonyme de prestige et d’élégance, ajoute de la valeur symbolique au vêtement, qui se transforme en plus-value financière.
17La détermination de l’origine du produit manufacturé est complexe en raison de la multiplicité des opérations effectuées sur de nombreux composants dans divers pays. La filière textile-habillement est caractérisée par une forte division dans la chaîne de fabrication des vêtements allant du fil au produit fini. Il existe une importante internationalisation des fournisseurs et des lieux de conception, de production et de fabrication des fibres, des étoffes et des procédés. En France et en Europe, le Code des Douanes Communautaires a tranché en attribuant le caractère originaire du produit au pays où a eu lieu la « dernière ouvraison ou transformation substantielle »25. Bien qu’une liste des opérations de filature ou de procédés conséquents soit dressée, tous les problèmes d’attribution de l’origine ne sont pas résolus : « L’interprétation du critère de la dernière transformation substantielle fera l’objet d’une définition internationale appliquant soit le critère du changement de position tarifaire, ou de sous-position tarifaire, soit un critère de valeur ajoutée, soit un critère d’ouvraison spécifique ou une combinaison de ces différents critères. » (Huchette & Malaterre, 1998).
18La détermination de l’origine, qui établit si le produit est importé, est chargée d’enjeux économiques dans un secteur très concurrentiel. Un moyen répandu d’influencer les flux de produits importés, objets des politiques économiques des gouvernements, passe par la fixation de quotas26 et de tarifs douaniers tantôt incitatifs, tantôt dissuasifs. Ainsi en 1996, les États-Unis, pour contrer l’engouement des Américains pour les produits textiles manufacturés provenant de la CEE (France et Italie en particulier), ont modifié leurs règles du pays d’origine en ne retenant que le lieu de provenance de la matière première issue généralement d’Asie ou d’Afrique. L’argument réglementaire a été interprété par l’Union européenne comme une forme détournée de concurrence déloyale et sa plainte déposée devant l’Organisation Mondiale du Commerce s’est traduite par un assouplissement de la règle ainsi que par une négociation passant par l’intégration des Etats-Unis au processus d’harmonisation des règles et des normes dans le secteur du textile-habillement (Woods & Narlikar, 2001). Face à deux systèmes de règles nationales justifiées par des arguments concurrentiels issus de logiques économiques, le système juridique international, amené à comprendre les intérêts des parties adverses, « pourrait incorporer en son sein une logique d’action et un mode de pensée qui n’est pas le sien » (Duvillier, 2001).
19Les professionnels des secteurs du textile-habillement européens contraints par la politique communautaire à des processus d’ouverture du marché fondés sur la réciprocité et sur la loyauté sont encadrés par des procédures réglementaires et normatives. De ce fait, les accords politiques et économiques qui contreviennent aux principes d’ouverture et d’harmonisation des marchés sont perçus comme une atteinte à leur capacité de concurrence et donc à leur croissance. « Les pays en développement — si prompts à dénoncer le soi-disant protectionnisme de l’Union Européenne — ont exigé — et ont fini par obtenir — une clause particulière qui les exonère d’une totale réciprocité commerciale et tarifaire. Pour le textile/habillement européen — 2ème exportateur mondial après la Chine — cette clause protectionniste entravera le développement international de nos entreprises. »27
20L’accord sur les textiles et vêtements de l’Organisation Mondiale du Commerce signé en avril 1994 à Marrakech et valable jusqu’en 2005 prévoyait une ouverture des marchés membres de l’OMC grâce à une harmonisation des systèmes douaniers, des réglementations et des normalisations en cours dans le commerce européen et le commerce des États-Unis. Ce travail de convergence et d’unification pour lever toute forme d’obstacles au commerce consiste à imposer la réciprocité et la loyauté dans les échanges, c’est-à-dire à éliminer toute forme réputée protectionniste du point de vue de la théorie du libre échange commercial (Thompson, 1999). Sont considérés comme des obstacles commerciaux les quotas, les tarifs douaniers, la diversité des contraintes d’étiquetage, de normes et de réglementations. Devant la difficulté des négociations pour ouvrir des marchés supplémentaires dans le cadre de l’OMC, l’Union des Industries Textiles « a pris l’initiative de lancer le concept d’une zone préférentielle textile/habillement en Europe, sur le modèle de la zone ALENA. De son côté, la Commission européenne étudie la faisabilité politique et technique d’une zone de libre-échange pour un espace de prospérité euroméditérranéen qui serait opérationnelle vers 2010. La zone se constituerait autour de l’Union européenne et comprendrait 32 pays. »28
L’étiquetage social et les codes de conduite : vers une moralisation du marché
21« À l’origine les codes de conduite n’étaient pas des instruments issus du militantisme citoyen. Les premiers ont été créés par les entreprises à la fin des armées trente et visaient les activités publicitaires. Dans les années 60,70, ils ont connu un nouvel essor, ils portaient sur les pratiques de corruption, les trusts et la gestion interne du personnel. À la suite des actions de boycott, les codes se sont véritablement développés, dans les années 80, 90, sous la pression des Organisations Non Gouvernementales (ONG). C’est pour cette raison notamment qu’en 1998, Levis fut la première entreprise, dans la confection, à adopter un code de conduite » (Brugvin, 2002).
22Les codes de conduite ont pour objectif de décrire un ensemble d’engagements pour améliorer les conditions sociales de production. Mais ces codes, rédigés par les entreprises sous la pression des consommateurs engagés dans un idéal humanitaire de développement durable, constituent une déclaration volontaire de bonne intention et non une contrainte légale. Klein (2001) dénonce un « empilement de codes » sans effet juridique, rédigés par de multiples acteurs, dont les multinationales des marques qui soucieuses des résultats financiers réorganisent leur communication vers un « marketing vert » qui privilégie l’application des accords commerciaux de l’Organisation Mondiale du Travail plutôt que les traités internationaux du Bureau International du Travail. Par la multiplication de codes volontaires en marge des lois et des traités, les multinationales tentent de capter les pouvoirs des États ou des organismes internationaux. Klein (2001) accuse ces firmes, nombreuses dans l’habillement, de transformer en opportunité cette contrainte externe : « il leur fait acquérir un pouvoir sans précédent d’un autre genre : celui d’élaborer leurs propres systèmes juridiques privés, d’enquêter et de maintenir Tordre elles-mêmes, les transformant en quasi-États-nations ».
23Dans le secteur du textile-habillement-cuir c’est depuis 1998 que l’ONG « Clean Clothes Campain » (CCC) organise des campagnes pour des « vêtements propres ». Elle fédère des collectifs de consommateurs, de syndicats et d’ONG dont le « Collectif de l’éthique sur l’étiquette ». Le code de conduite s’intéresse prioritairement au respect des conditions de travail et des normes sociales minimales définies par l’Organisation Internationale du Travail. Dans le code de conduite l’entreprise s’engage à vendre uniquement des produits manufacturés satisfaisant aux droits sociaux fondamentaux. Pour cela tous les acteurs directs et indirects doivent être contrôlés aux différents stades de production et de commercialisation des produits. Le code de conduite proposé aux entreprises par le « Collectif de l’éthique sur l’étiquette » comprend huit clauses relatives aux droits du travail : interdiction du travail forcé sous toutes ses formes, liberté syndicale, droit d’organisation et de négociation collective, non-discrimination, âge minimum d’admission à l’emploi, rémunération, durée du travail, santé et sécurité du travail. Les engagements demandés à l’entreprise pour vendre des vêtements qualifiés de « décents » ou de « propres » sont : le respect des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, le respect du droit d’information des consommateurs, l’application et le contrôle du code de conduite, garantir le contrôle des procédures par un système indépendant et paritaire de contrôle, diffuser et promouvoir le code de conduite29.
24L’enjeu est de faire reconnaître ces codes sans valeur juridique et d’exiger un contrôle indépendant associé à un système de sanctions. Mais pour capter l’attention des responsables gouvernementaux et les convaincre de la nécessité de réguler les conditions sociales de production, notamment des sous-traitants situés hors de la communauté européenne, différentes organisations proposent la création d’un label social valorisé par un étiquetage. Aux États-Unis lorsque le militantisme anti-sweatshop (usines à sueur, synonyme d’exploitation) a été très médiatisé au milieu des années 90, les consommateurs américains qui ont découvert les conditions de travail misérables des enfants, des prisonniers et des adultes ont été troublés. Pour relancer la consommation et pour déculpabiliser les acheteurs de marques, il a été indispensable d’élaborer un dispositif de confiance (Karpik, 1996) qui s’est traduit par un étiquetage « hors sweatshop ». L’initiative de cet étiquetage revient au groupe de travail sur les sweatshops de la Maison Blanche qui sous l’égide de Bill Clinton a tenté de redonner confiance aux consommateurs émus par les révélations d’ouvrières auditionnées par le Congrès National et par le Comité national du travail30. Le fabricant de vêtements Gap31 accusé de répression syndicale et de mauvais traitement de ses salariés sous-payés a été menacé de boycott par des associations de consommateurs et des droits de l’homme et du citoyen. L’entreprise sous surveillance des mouvements anti-sweatshops soucieux de faire respecter les Droits Universels de l’Homme, s’est engagée dans un processus d’amélioration des conditions de travail de ses sous-traitants. Les fabricants de grandes marques de sport comme Nike et Adidas qui emploient presque 1 million de salariés dans des usines de sous-traitance, essentiellement en Asie et en Amérique du Sud, font réaliser à leurs frais des audits par des cabinets indépendants qui montrent que de nombreux problèmes demeurent malgré plusieurs avancées sociales. Les résultats des audits sociaux32 sont largement commentés dans les mass-médias, par les nombreuses associations « anti-sweatshops » organisées en groupes de pression, par les milieux financiers spécialisés dans l’investissement éthique et par les mouvements politiques prônant le développement durable.
25Cette tentative pour capter l’attention du consommateur et le passionner par un débat où il occuperait le rôle central en est à ses balbutiements en Europe dans la filière textile-habillement-cuir. La norme de certification SA 8000 « Éthique et Social » (Social Accountability ou responsabilité sociale) reprend en grande partie les critères de code de conduite inspirés par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et confirme l’élargissement de la responsabilité sociale et pas seulement légale de l’entreprise qui rend des comptes à ses actionnaires et à l’ensemble des acteurs intéressés par ses résultats éthiques. Ce label social développé aux États-Unis et approuvé par une résolution du Parlement européen fait l’objet de controverses autour des critères retenus, du déroulement des contrôles et de l’application des sanctions. Une loi instituant un label social reprenant les critères de TOIT a été adoptée en Belgique à l’initiative du Ministère des Affaires Économiques (Janvier 2002). Un logo sur une étiquette personnalise ce label social garanti par les pouvoirs publics. En France, cet étiquetage social n’existe pas mais un étiquetage volontaire très répandu attire l’attention de l’acheteur et de l’usager en le détournant de toute considération sociale notamment sur les conditions de fabrication en attestant : « Nous attachons le plus grand soin au choix des tissus qui composent nos vêtements ainsi qu’à leur réalisation ». La démarche marketing des fabricants de textile valorise l’étiquetage de la marque et de son logo qui transforme le vêtement tout à la fois en support publicitaire et en emballage ambulant dont la fonction est de déformer le rapport à la réalité et de trouver un alibi (Barthes, 2001) au trou de mémoire sur les conditions de production. Lorsqu’une marque veut être nommée et reconnue au travers de tous les groupes sociaux, de tous les groupes d’âges et de toutes les nations, il y a une volonté politique de représentation universelle et de domination économique et culturelle. Ces valeurs naturalisées, dans des marques, des logos et des slogans comme le « Just do it ! » de Nike, captivent les consommateurs en transformant des stratégies financières en stratégies culturelles et politiques. Le slogan-maxime philosophique « Sois juste toi ! » détourne magiquement l’attention du consommateur vers un idéal individualiste qui fait disparaître par un coup de baguette magique les dimensions « excessivement réelles » (Barthes, 2001) des stratégies financières et des conditions de fabrication.
26En France c’est dans le secteur agro-alimentaire que la responsabilisation politique des consommateurs est la plus avancée avec la commercialisation de plusieurs labels publics garantissant des conditions d’origine contrôlée33 ou des conditions écologiques34 et sanitaires satisfaisantes. La notion très répandue d’évaluation financière d’un bien par le critère « qualité-prix » est enrichie d’une dimension cognitive qui intègre dans le produit les processus environnementaux et sociaux d’élaboration. Le goût d’un aliment ne se mesure plus simplement par la saveur et l’odeur mais par son environnement global réel et imaginaire : « tout ce que l’on en sait et tout ce que l’on en redoute ». Ainsi la crise de la filière de la viande bovine en France et en Europe a conduit les Pouvoirs publics et la Communauté européenne à fournir un grand nombre d’informations au consommateur pour le rassurer. La captation du client détourné de la consommation de viande bovine et de veau passe par un travail de traçabilité valorisé par un étiquetage portant des informations obligatoires dans l’Union Européenne (pays de naissance, d’élevage et d’abattage de l’animal) et des informations volontaires des professionnels français (catégorie : jeune bovin, génisse, bœuf, taureau ou vache, type : race à viande ou à lait)35.
27L’association Max Havelaar36 commercialise dans le cadre du « commerce équitable » un café « Malongo » acheté directement aux petits producteurs à un prix minimum supérieur au cours mondial leur garantissant des marges de profit. L’étiquetage sur les boîtes de café exploite la fibre des consommateurs engagés dans une démarche politique : « Aujourd’hui beaucoup de petits paysans sont menacés dans leur existence par les fluctuations des prix du marché mondial, par la dépendance vis-à-vis des intermédiaires locaux ainsi que par de mauvaises conditions d’accès à des crédits et au marché. C’est grâce à des prix majorés, un préfinancement partiel des contrats et des relations à long terme avec les partenaires du commerce équitable que les coopératives de petits planteurs de café peuvent améliorer leurs conditions d’existence. En achetant ce produit vous contribuez à un avenir décent pour les familles de planteurs des pays du Sud. » Les partenariats qui s’installent avec la grande distribution stimulent la demande des acheteurs pour des « produits équitables »37. L’enseigne La Camif en partenariat avec des sociétés signataires de la charte de « Commerce Equitable » propose à ses adhérents une consommation solidaire autour de quelques produits artisanaux largement valorisés38. De nombreux autres exemples pourraient être cités (Latouche, 2000), mais l’étiquetage social ne concerne pas à ce jour les produits textiles qui sont les « oubliés » de ce marché international en expansion.
Vers un « éthiquetage » des textiles ?
28Au travers de l’étiquetage et de son système de classification d’objets-textiles rangés et ordonnés selon des règles de séparation et d’interdits, les consommateurs participent sans toujours le souhaiter à la validation d’un marché où la morale est canalisée par des intérêts économiques oubliant les consommateurs vertueux mûs par des objectifs plus équitables et plus solidaires. Le travail d’identification des produits textiles participe de l’équipement cognitif des consommateurs et facilite le « qualcul économique » (Cochoy, 2002). Ce faisant, l’étiquetage lacunaire met en évidence l’opacité du marché en matière d’« éthiquetage » et révèle la difficulté pour les consommateurs engagés de s’inscrire dans un travail de moralisation et de politisation du secteur textile-habillement. « L’éthiquetage » pourrait constituer la visualisation d’un processus de traçabilité de la fabrication d’un produit qui inclurait à la fois une dimension sociale et une dimension technique. Les opérations d’incitation au boycott (refuser d’acheter) ou de buycott (inviter à acheter) lancées lors des campagnes pour des « vêtements propres » constituent un moyen de pression contre les grandes marques mais sont quasi inconnues en France. Ces modes d’actions engagées des consommateurs auprès de marques à forte notoriété restent de toute façon inopérantes auprès des multiples acteurs de la filière textile-habillement invisibilisés par des marques de faible notoriété et qui légitiment leur qualité moindre par un faible prix. Qualcul et éthiquetage pourraient redonner au consommateur et à la consommatrice une dimension humaine dont ils ne se sont jamais départis mais dont ils se trouvent souvent dépouillés.
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Notes de bas de page
1 Des techniques d’apprêts de protection réputées anti-salissures comme le « Scotchgard » ou le « Téflon » permettent, grâce à une enduction du tissu par des cires et des résines, de limiter l’imprégnation de substances exogènes. Une gamme limitée de produits se prête à ce type de traitement.
2 Seuls les mouchoirs, les slips en papier et les gants en matière caoutchoutée ont réussi à se développer sur le marché bien que diverses tentatives de vêtements féminins aient été proposées. Le marché des tissus techniques non tissés jetables dans les milieux professionnels comme la santé ou l’électronique connaissent un succès grandissant pour des raisons de sécurité sanitaire.
3 « Ariel et Skip ont été testés dans nos machines et sont spécialement conçus pour les machines à laver modernes. Afin que vous obteniez un excellent rendement de nos machines et de très bons résultats de lavage, nous recommandons Ariel et Skip pour tous les programmes. » Notice d’utilisation lave-linge Vedette. Ou encore, « Cette machine doit vous être livrée avec un échantillon Skip. Réclamez-le à votre revendeur ». Notice d’utilisation Philips.
4 La marque de vêtements Jacadi recommande la marque de lessive Ariel qui est elle-même recommandée par plusieurs marques de lave-linge. Ces mêmes marques participent financièrement et par affichage publicitaire au sponsoring d’activités sportives, sociales etc.
5 Après les premières lessives en poudre pour machines apparues dans les années 50 en France le marché accueille successivement des lessives liquides (1982), des lessives en poudre concentrée (1989), des lessives liquides concentrées (1992), des poudres compactes sous forme de perles (1995), des lessives en gel (1997), des lessives en doses bi-phases (1998). Toutes ces formules de produits présentes en même temps sur le marché font l’objet d’innovations qui se poursuivent dans les formulations, les conditionnements et la communication. Source : Henkel France (marques : Le Chat, Super Croix, X.Tra, Mir). Un produit peut être qualifié de « nouveau » par adjonction d’un nouveau parfum ou par spécialisation autour d’un type de produit « lessive pour linge noir », « pour linge teinté », « pour linge blanc », « pour rideaux », « pour linge de bébé », « spécial cachemire » etc. Il y a une multiplication de produits spécialisés pour traiter le linge avant le lavage (les détachants), et pour les traiter pendant le lavage afin que les couleurs ne dégorgent pas, que le blanc ne grisaille pas, que le repassage soit plus facile, que l’eau soit moins calcaire, le linge plus souple, plus parfumé, plus doux, moins allergénique…. Des produits pour faciliter le repassage sont aussi disponibles sur le marché en même temps que toute une série de produits détachant la rouille, l’encre, etc.
6 Seuls les critères techniques discriminants sont repris par les produits lessiviels qui informent les consommateurs sur leur emballage.
7 Par comparaison avec d’autres pays et d’autres types de produits d’entretien domestique.
8 Nous retenons la définition de Favereau et Picard (1996) pour qui le contrat est « un accord qui détermine les actions à effectuer par les deux parties (des performances à réaliser, des quantités à échanger, des transferts à payer, etc.) pendant une certaine période de temps, en fonction de signaux vérifiables et de messages transmis. » Le contrat cognitivement incomplet part du principe qu’« il peut être rationnel de… ne pas l’être trop. » Les usagers peuvent acquérir par la pratique expérimentale et comparative du traitement du linge un savoir-faire qui contredit les informations indiquées sur les étiquettes. Un vêtement dont le fabricant préconise le nettoyage à sec ou le lavage à la main peut bien supporter le lavage en machine à une température peu élevée. La mère de famille se montre rationnelle en s’apercevant qu’elle peut réaliser elle-même cette tâche qui lui fera économiser de l’argent tout en améliorant la fréquence d’utilisation d’un vêtement classé « très fragile et d’entretien coûteux à faire par un professionnel ». Cependant le risque d’endommager le produit si l’on ne suit pas les préconisations du fabricant reste omniprésent d’autant plus que les réactions de nouvelles fibres et apprêts chimiques maintiennent le consommateur non conformiste dans son comportement d’expérimentateur.
9 Les fabricants et les acheteurs avertis d’articles de contrefaçon peuvent avoir des objectifs de qualité différents.
10 Directives européennes : 96/73/CE, 96/74/CE, 97/37/CE. Législation française : Décret no 88480, Arrêté du 2 mai 1988, Projet d’arrêté de la Commission du 19 juin 1997.
11 Décret no 63-1075 du 25 Octobre 1963. J.O.30 octobre 1963.
12 Les professionnels du nettoyage représentés par la Fédération Nationale des Pressings rencontrent actuellement un litige concernant le durcissement et le cloquage de certains vêtements contenant par exemple du polyuréthane. « Notre travail est rendu difficile par la grande variété des tissus enduits ; il faudra suivre scrupuleusement le code d’entretien qui protège le professionnel et permet une réclamation auprès du fabricant. » FNP : Fédération Nationale des Pressings — Infos techniques et pratiques. 2002. www.fnp-pressing.com
13 L’utilisation et l’entretien du textile sont conditionnés par les propriétés physiques (résistance, solidité, taux d’hygroscopicité, élasticité, résistance au blanchiment, affinité tinctoriale, aptitude à la filature, aptitude aux mélanges, pouvoir absorbant, isolant, aspect, résistance aux parasites, feutrabilité, électrostatique, résistance aux U.V., pouvoir gonflant, boulochage, plissage, etc.) et par les propriétés chimiques (action de la chaleur, action des agents chimiques (acides, bases, solvants), action des oxydants et action de la lumière). Le confort d’utilisation caractérisé par l’aspect, le pouvoir adiathermique, la perméabilité à l’air, le toucher, le drapé, la stabilité dimensionnelle, la défroissabilité, l’électrisation, la résistance à la traction et au frottement, la légèreté etc…, déterminent sa destination (habillement, ameublement, usage industriel) et son entretien (lavage, repassage, détachage).
14 Les chercheurs espèrent que le transfert des gènes d’araignée dans les cellules d’un papillon permettra de produire un fil plus résistant que l’acier et plus élastique que le Nylon. Un coton génétiquement modifié pour résister aux insectes vient d’être commercialisé en Inde (mars 2002) où sont situées 21 % des surfaces cotonnières mondiales selon Greenpeace.
15 L’étape d’ennoblissement obligatoire pour tous les textiles est décisive dans le coût de revient et dans la qualité de l’étoffe. Certains fabricants en profitent pour utiliser des matériaux imparfaits et pour raccourcir les procédés de fabrication. « Toute étoffe est susceptible de « rentrer » en longueur et en largeur lorsque certaines conditions de température et d’humidité sont réunies. Il est donc préférable de provoquer initialement ces retraits. Ex : Le traitement Sanfor pour les cellulosiques. Ce traitement, correctement conduit, absorbe environ 10 % du tissu, mais le rend irrétrécissable. Certains tisseurs acceptent difficilement de voir réduire ainsi leur production, ce qui les conduit à ne faire effectuer qu’une partie de ce traitement. Dans ce cas, le tissu réputé irrétrécissable, rétrécira quand même au lavage. (…) Conclusion : traités ou pas, ces articles auront la même étiquette de composition » (Flandrin-Bletty, 1996).
16 CETIH (2000) Centre Technique des Industries de l’Habillement, www.cetih.fr
17 Décret no 86-985 du 21 août 1986 portant suppression de l’obligation de marquage d’origine des produits textiles.
18 Règlement no 2913/92 (Conseil) du 12 octobre 1992 établissant le Code des Douanes Communautaire (art. 24) et no 2454/93 (Commission) du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92, Annexe 10, l’origine du produit dépend du lieu « de la dernière ouvraison ou transformation substantielle ».
19 Pour l’Union Européenne, Règlements (CEE) no 802/68 – 749/78-1364/81 et pour la France Article 1 de la loi du 26 mars 1930 – Article 39 du code des Douanes — Article 44-1 de la loi du 27 septembre 1973 – Bulletin Officiel des Douanes, texte no 88-254 — DA du 27 décembre 1988.
20 www.cetih.fr Le marquage de l’origine sur les principaux marchés de l’exportation. 04.2002.
21 www.cetih.fr 04.2002. Édition remise à jour en décembre 1997 par UFIH (Union Française des Industries de l’Habillement). Centre Technique des Industries de l’Habillement.
22 Textes de référence : Tarif des douanes : article 64 — Loi sur les Douanes : articles 37 et 142 — Décret du Conseil CP 1963-1775,5 décembre 1963 dans sa forme modifiée (Cetih, 2002).
23 Cetih, 2002.
24 Texte de référence : notification du 16 octobre 1973 de la Fair Trade Commission, arrangement de Madrid. (Cetih, 2002).
25 NO 2454/93 (Commission) du 2/07/93 fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (annexe 10).
26 Pour les membres de la CEE, l’article 30 du Traité de Rome interdit de contingenter les importations.
27 Communiqué de presse du 14 novembre 2001 sur la 4ème conférence ministérielle de l’OMC (9-13 novembre 2001). Union des Industries Textiles (UIT) et Union Française des Industries de l’Habillement (UFIH)
28 Site Internet de l’Union des Industries Textiles (2002). www.textile.fr/UIT
29 Code de conduite proposé par le collectif de l’éthique sur l’étiquette (2002).
30 Cité par Klein (2001), « Testimony of Wendy Diaz before the Committee on international relations », Congressional testimony, Federal document Clearing House, 11 juinl996.
31 Source novethic : L’entreprise Gap possède les marques Gap, Banana Republic et Old Navy. En l’an 2000 l’entreprise possède plus de 3000 magasins et travaille avec plus de 800 sous-traitants dans 50 pays. « En avril 2001, le Centre de recherche sur les entreprises multinationales (SOMO), une ONG néerlandaise liée à Clean Clothes, en collaboration avec des syndicats du Lesotho, publie un rapport sur les conditions de travail dans ce pays : neuf heures de travail quotidien, sept jours sur sept, heures supplémentaires non payées, bas salaires, déductions arbitraires de salaires pour absentéisme, harcèlement sexuel et répression syndicale sont dénoncés chez ce voisin de l’Afrique du Sud où Gap a de nombreux sous-traitants. » 2002, www.novethic.fr
32 Ces rapports d’activités sociale et environnementale complètent le bilan financier (triple bottom line) de l’entreprise qui peut ainsi figurer dans la liste des sociétés recommandées pour un investissement éthique. Les organismes financiers peuvent à la demande de leurs clients constituer des fonds de placement éthiques en investissant dans ces entreprises et en refusant celles qui n’ont pas de certification environnementale ou sociale.
33 AOC Appellation d’Origine Contrôlée pour le vin ou le Label Rouge pour les volailles.
34 Le label AB pour Agriculture Biologique est propriété du Ministère de l’Agriculture.
35 Centre d’information des viandes (CIV)
36 Monoprix commercialise 13 produits labellisés Max Havelaar avec AlterEco, importateur membre de la Plate-Forme pour le commerce équitable (Source : www.novethic.fr, 2002)
37 À l’occasion de Noël 2001 et 2002, le collectif « De l’éthique sur l’étiquette » a lancé une campagne nationale autour du slogan « Exploiter n’est pas jouer ! » pour sensibiliser les consommateurs et la grande distribution spécialisée (Toy’R’Us, La Grande Récré, Joué Club) et généraliste (Carrefour, Leclerc, Auchan…) aux conditions de fabrication des jouets importés en France, dont 63 % proviennent d’Asie, de Chine en particulier. Cette sensibilisation doit déboucher sur l’élaboration d’un label social en partenariat garantissant aux consommateurs de ne pas acheter, à leur insu, des jouets fabriqués dans des conditions de travail inacceptables. De plus en plus d’objets en peluche notamment font l’objet d’un étiquetage mentionnant qu’aucun enfant n’a participé à l’élaboration du produit.
38 Des objets d’artisanat locaux issus du monde entier sont proposés aux sociétaires qui contribuent par leur achat à équiper en France « des logements destinés aux plus démunis » et « à faire vivre les artisans qui ont réalisé cette statuette ». Le label « Camif Solidarité » signale depuis 1997 cette action humanitaire et sociale. Un autre label « Vitogaz. En avance par Nature » propose par l’achat de produits artisanaux malgaches de financer des ensembles de cuisson au gaz, énergie à substituer au charbon de bois, pour lutter contre la déforestation de Madagascar.
Auteur
Maître de conférences à l’Université Toulouse II, membre du CERTOP.
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