Regards croisés
p. 201-202
Texte intégral
1Il est temps de rappeler le modèle d’analyse que nous avons mis en place dans l’introduction générale de cet essai. Park et Dos Passos occupent, écrivions-nous, deux emplacements différents sur le même grand arc ou, encore, dans le même vaste champ d’interprétation de la société américaine entre 1900 et 1940. Ces deux créateurs s’intéressent aux possibles compris dans leur réalité historique. Le romancier tente de traduire ce qu’il pressent comme possible dans une œuvre qui se distinguera par sa vraisemblance. Le sociologue s’efforce, pour sa part, de faire surgir une construction susceptible de révéler le nécessaire dans le large éventail des possibles. L’un vise la vraisemblance, l’autre la nécessité, et tous les deux ambitionnent de déchiffrer le sens du réel qui leur est commun.
2Nous allons maintenant comparer les deux interprètes autour de notre hypothèse centrale que l’œuvre romanesque de Dos Passos constitue à la fois de la littérature et l’analogue d’une sociologie originale de l’Amérique urbaine rivalisant avec celle, canonique, de Robert Park. Deux volets complémentaires seront mis à contribution pour effectuer cette analyse comparative. Nous allons d’abord examiner les outils, les techniques et les matériaux avec quoi la création, d’un côté romanesque, de l’autre sociologique, devient une réalité. L’objectif consistera à dégager ce qui est commun aux deux interprètes et ce qui est propre à chacun. Voilà déjà la matière d’un premier chapitre. Le second volet de la comparaison portera sur les contenus du roman dos passien ainsi que de la sociologie parkienne. Les contenus renvoient à la question du sens ou, encore, de l’intelligibilité : ils mettent en cause l’essentiel. À la lumière de l’hypothèse évoquée plus haut sera d’abord discuté le problème épistémologique suivant : quel est le statut proprement cognitif du roman urbain tel qu’imaginé par Dos Passos ? Comment qualifier son discours qui place devant une articulation originale entre la vraisemblance littéraire et la nécessité historique ? Nous allons avancer une réponse par l’entremise d’un paradigme explicatif bipolaire. Ensuite sera abordée la question, elle aussi épistémologique, de la valeur de la fiction dos passienne en tant qu’analogue d’une science sociale : par quoi se trouve assurée ou validée la qualité interprétative du « savoir » romanesque de Dos Passos prenant comme objet la grande métropole américaine ? Plusieurs avenues seront empruntées pour montrer que l’univers imaginaire inventé par le romancier équivaut à une construction éminemment crédible sur le plan de la connaissance. Enfin, dans le prolongement direct de ces propos, nous nous demanderons ce qu’il advient aujourd’hui du roman dos passien ainsi que de la sociologie parkienne dans le prisme d’un certain nombre de courants majeurs de la pensée critique, tant littéraire que sociologique.
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Emmanuelle Santelli
2001