Les étudiants marranes aux Pays-Bas (xvie et xviie siècles)
p. 21-35
Texte intégral
1Depuis toujours, hommes, femmes et enfants ont quitté leur pays à la recherche d’une vie plus sûre. Les xvie et xviie siècles constituent, dans l’histoire européenne, une période au cours de laquelle des centaines de milliers de personnes ont migré pour des motifs idéologiques ou matériels. Les « allochtones » – pour employer un terme anachronique – ont essayé, par des moyens divers et des biais variés, de s’intégrer dans leur société adoptive et d’y construire un avenir pour eux et leurs enfants. Un de ces biais est sans contredit une bonne éducation scolaire.
2Dans mon exposé, je me concentrerai sur le rôle que la formation universitaire a joué chez les étrangers originaires de la péninsule ibérique et, plus spécialement, chez les marranes, ou émigrés juifs séfarades ou ibériques, qui se sont établis aux anciens Pays-Bas de la fin du xve au xviie siècle1. Bien que la plupart d’entre eux soient actifs dans le secteur commercial, nous rencontrons bon nombre de médecins portugais et espagnols aux Pays-Bas2. J’essaierai de dévoiler dans quelle mesure une formation universitaire a aidé les immigrants ibériques à s’intégrer dans la société néerlandaise et à y gravir les échelons de la réussite sociale. Quant aux marchands et industriels étrangers, il faut tenir compte de la thèse de la « trahison de la bourgeoisie » que Fernand Braudel a lancée et qui, bien que nuancée et affinée depuis, peut encore expliquer les grands changements économiques et sociaux qui se produisent à l’époque moderne. Dans la seconde moitié du xvie et au xviie siècle, pour diverses raisons, marchands et bourgeois n’investissent plus leur argent dans des activités commerciales et industrielles. Ils achètent des domaines à la campagne et des rentes, et ils font des prêts. Ils deviennent ainsi des rentiers, ce qui leur permet de remplir des fonctions au service de l’État3.
ATTITUDES RELIGIEUSES
3Les marranes étaient des juifs de la Péninsule ibérique, et plus rarement des maures ou des musulmans, qui furent forcés de se convertir au christianisme (Judaei conversi ou Cristãos novos), ou qui se convertirent de leur propre gré lors de la Reconquista.
4À l’aube de la Renaissance, il n’y avait plus de place dans la Péninsule ibérique pour les judaei, marranos et moriscos, ni d’ailleurs pour les vrais chrétiens d’origine juive ou musulmane. Ils ont été régulièrement expulsés d’Espagne et du Portugal, notamment en 1480-1492, 1497 et 1609. Ils ont cherché refuge dans tout pays qui voulait bien les accepter. Dans les pays qui ne toléraient pas de dissidence, comme tous les pays catholiques et quelques pays protestants, et ceci jusqu’au xviiie siècle, les crypto-juifs ou convertis forcés qui ne voulaient pas abjurer leur foi ou renoncer à leurs traditions ancestrales ont dû opter pour la clandestinité. Aux xve et xvie siècles, nous trouvons des émigrés séfarades en grand nombre dans les cités commerciales de France méridionale, d’Angleterre et des Pays-Bas, notamment à Bruges (xive-xve siècles) et à Anvers (xvie siècle), où ils avaient une position privilégiée et influente4.
5Dans les pays d’outre-Pyrénées, leur position devint difficile lors des guerres de religion et de l’introduction de la Contre-Réforme. Dans les anciens Pays-Bas par exemple, Charles Quint avait décrété à plusieurs reprises que les nouveaux chrétiens pouvaient voyager librement dans le pays où ils désiraient s’établir (notamment en 1526 et 15295). Sous la pression des troubles religieux cependant et de la conduite de Diego [ou Diogo] Mendes et les commerçants marranes en général, l’Empereur revint en 1532 sur ces décisions et défendit aux nouveaux chrétiens portugais d’entrer aux Pays-Bas6. Cette mesure fut réitérée en 1544, en 1549 et en 1550 : toutes les prérogatives des marranes furent abolies et les nouveaux chrétiens établis dans le pays au cours des six dernières années durent, dans le mois, quitter le pays avec leur famille et leurs possessions, sous peine de mort et de confiscation des biens7. En réalité, les gouvernements urbains étaient plus souples que le gouvernement central, et ils continuèrent à tolérer et même à protéger les marranes. Ces derniers purent continuer à vivre dans leurs colonies « nationales » parmi les « vrais chrétiens », et tant qu’ils ne se manifestaient pas ouvertement, ils ne furent pas incommodés. Après la « furie espagnole » lors du sac d’Anvers en 1576, lorsque la garnison espagnole, privée de solde, se mit à piller, à violer, à incendier et à tuer plus de 7 000 personnes, les Ibères ne se sentirent plus en sécurité et quittèrent la ville en masse. Le coup fatal fut donné en 1585, avec la capitulation de la ville d’Anvers, qui revint sous obédience espagnole après avoir été, pendant sept ans, une « république calviniste ». Tous les dissidents religieux ou politiques durent quitter la cité scaldienne. Parmi les 40 000 à 50 000 d’entre eux qui émigrèrent vers le nord, les marchands et financiers marranes constituaient un groupe important. Ils partirent pour des raisons aussi bien idéologiques qu’économiques. Seuls ceux qui s’étaient déjà bien intégrés, ou qui voulaient s’adapter à une société catholique orthodoxe et uniforme, restèrent aux Pays-Bas catholiques8. Nous en donnerons plusieurs exemples dans ce qui suit.
6Dans les pays qui tolérèrent les juifs pratiquants, comme les Pays-Bas septentrionaux (République néerlandaise) au xviie siècle, les crypto-juifs purent se manifester ouvertement et beaucoup d’entre eux retournèrent à leur religion et se firent circoncire9. De ce fait, tous les offices publics leur étaient fermés. Mais là ne se trouvaient pas leurs aspirations. La plupart des juifs de la République des Provinces Unies (Verenigde Republiek), qui affluèrent dans le courant des xviie et xviiie siècles, s’y adonnèrent au commerce, aux finances, à la médecine et aux sciences. Ils vinrent de partout en Europe, et notamment des Pays-Bas méridionaux, qui étaient restés sous obédience espagnole10. Nous en donnerons quelques exemples.
ÉTUDES UNIVERSITAIRES
7On peut se demander dans quelle mesure les réfugiés ibériques étaient intéressés par les études universitaires et, dans l’affirmative, quelles possibilités ils avaient d’y accéder. En principe, les conversi, les juifs convertis, étaient admis dans toutes les universités. Pour les juifs non convertis, la situation était différente. Au Moyen Âge, l’accès aux universités était interdit aux juifs pratiquants. Seule l’université de Montpellier accepta, aux périodes où ce fut permis, des étudiants juifs. Ce n’est qu’au xve siècle que les papes les autorisèrent à se faire immatriculer dans les facultés de médecine italiennes. L’universitas artistarum et medicinorum de Padoue devint, dès lors, le principal centre de formation pour les médecins juifs11.
8Grâce au travail d’un de mes anciens étudiants, Thomas Cole, nous connaissons le nombre et les noms des Portugais et Espagnols qui ont fréquenté l’ancienne université de Louvain, érigée en 142512. Malheureusement, la matricule louvaniste fait défaut pour les années 1569-1616. Les données statistiques s’arrêtent donc en 1569. Le nombre d’étudiants ibériques diminua drastiquement après la promulgation, en novembre 1559, de l’ordonnance royale interdisant aux habitants de la Péninsule d’étudier dans les universités étrangères autres que les portugaises et espagnoles, ou au collège espagnol à Bologne, à Rome et à Naples13. Pour les sujets néerlandais, une interdiction analogue fut décrétée en 157014.
9L’introduction de l’humanisme à Louvain vers 1500, la fondation du Collegium Trilingue en 1517 et les visites régulières d’Érasme de Rotterdam, avaient fait de Louvain, dans la première moitié du xvie siècle, un grand centre d’humanisme et un pôle d’attraction pour les étudiants étrangers et notamment les immigrants de la Péninsule ibérique. Comme tous les conversos aux Pays-Bas, les intellectuels marranes se gardèrent de manifester tout signe de judaïsme en s’intégrant complètement au monde académique et au monde médical, afin de ne donner aucun soupçon d’hétérodoxie aux inquisiteurs. En général d’ailleurs, les nouveaux chrétiens étaient acceptés sans trop de problèmes par les autorités et la société néerlandaises, ce qui ne fut pas le cas des crypto-juifs ou faux convertis. Le procès contre Diogo Mendes et d’autres marranes, en 1531-1532 à Anvers, pour comportement judaïsant et relations avec les juifs de l’Empire ottoman, incita les marranes à être très prudents15. Au milieu du xvie siècle, les problèmes économiques, religieux et politiques des Pays-Bas mettent fin au rayonnement de Louvain. L’alma mater continue d’attirer des étrangers, mais d’un tout autre genre. Ce sont principalement des exilés catholiques16.
10Ce que le travail de Cole a révélé une fois de plus, c’est le caractère incomplet de la matricule louvaniste. Entre 1425 et 1569, 228 Portugais et Espagnols se sont inscrits à Louvain. En réalité, au moins 331 Ibères y ont étudié, ce qui veut dire qu’au moins un tiers d’entre eux (103 personnes) ont échappé à l’enregistrement. Il s’agit aussi bien de Portugais et d’Espagnols habitant la Péninsule ibérique que de jeunes vivant aux Pays-Bas, mais portant l’appellation Lusitanus ou Hispanus.
11Lors de l’immatriculation d’un Portugais à Louvain, le scribe mentionne presque toujours uniquement la « nationalité », Portugalensis, ou l’appartenance à la communauté juive, Lusitanus. Chez 16 personnes seulement, un lieu d’origine est ajouté. Et que penser d’Emanuel Gomes, qui fut inscrit le 27 juin 1566 comme Olisiponensis ou de Lisbonne, Hispanus17 ? Se pourrait-il qu’Hispanus soit considéré comme pars pro toto pour la péninsule ibérique ou, tout comme Lusitanus, avoir trait aux marranes ibériques ? La majorité des étudiants étaient originaires de la région de Lisbonne et de Coïmbre. Apparemment, l’île de Madère n’est représentée que par deux personnes, le docteur en médecine Francisco Geraltes et Joachim Baptista, tous deux immatriculés le même jour en 153118.
12Les Espagnols venaient en majorité du nord du pays, de la région de Burgos, dite Castilla Vieja. Il est à noter que les Asturies, la Cantabrie et la Galice ne sont pas représentées à Louvain. Le León, l’Aragón, le Pays basque et l’Andalousie, par contre, envoyèrent bon nombre de jeunes aux Pays-Bas19.
13Il va de soi que tous ces étudiants ne sont pas des réfugiés, mais également ou surtout des fils d’officiers ou de fonctionnaires espagnols qui avaient suivi Charles Quint aux Pays-Bas20. En outre, le collège Trilingue attirait bon nombre d’Espagnols et de Portugais venus spécialement de la Péninsule, notamment pour les cours de Juan Vives (1492-1540), lui-même issu d’une famille marrane espagnole21. Vives ne reçut jamais de chaire à l’université de Louvain. Il enseigna pendant quelques années au collège Trilingue et dans sa maison privée, où il tint tutelle et hébergea beaucoup de ses compatriotes, souvent issus de grandes familles22. L’université de Louvain peut s’enorgueillir d’avoir recueilli les grands humanistes portugais Damien de Goes (1502-1574), Andreas de Resende (Resendius) (1498 ?-1573), Aquiles Estaço (Achilles Status) (1524-1581), ainsi que plusieurs théologiens d’envergure internationale comme Frei Luís de Sotomaior (1526-161023).
14On peut se demander si les possibilités d’étudier l’hébreu n’ont pas attiré des étudiants marranes. Nous connaissons bien les professeurs qui ont enseigné cette langue au collège Trilingue, mais pas les étudiants qui ont suivi les cours.
15Lors de la fondation du collège Trilingue vivait à Middelburg, en Zélande, un des meilleurs hébraïstes de l’époque : Mateo Adriani, né à Ségovie dans une famille juive séfarade. Après des études de médecine en Italie et quelques pérégrinations, Mateo Adriani s’était appliqué à l’étude de la langue hébraïque, à laquelle il consacra des publications. Il s’établit comme médecin à Middelburg, où existait une colonie importante de réfugiés marranes24. Grâce à l’intervention d’Érasme, Adriani fut nommé professeur d’hébreu au collège récemment fondé. Il s’inscrivit à la matricule comme « Dns. Matheus Adriani, medicine doctor Hebreus, christi miles » le 13 mars 151825. Un an plus tard, il sollicita et reçut la chaire d’hébreu – mieux rémunérée – à Wittenberg, où il se convertit au luthéranisme. Un Anglais, Robert Wakefeld, lui succéda temporairement (1519) et fut, peu après, remplacé par un autre compatriote, Robert Shirwood (1519). Ce n’est qu’avec l’avènement de Jean van Campen d’Overijsel (1491) que la chaire d’hébreu connut une certaine stabilité (enseignement de 1519 à 152826).
16Il n’est pas toujours facile de connaître les raisons qui ont incité les fils des marchands ibériques à passer quelques années à l’université, sinon des raisons professionnelles comme dans le cas de la médecine. Par ailleurs, l’entreprise commerciale avait avantage à compter dans la famille un juriste capable de défendre ses intérêts en période de difficultés. Et pour les jeunes gens qui aspiraient à une carrière en dehors des affaires, un passage par l’université offrait des perspectives. Comme nous le verrons plus loin, les études universitaires furent à la mode dans les familles marranes qui se sont mêlées aux élites locales (Ayala, Lopez, Bernuy, Del Rio). Hormis tous ces motifs rationnels et utilitaires, passer quelques mois à quelques années dans une atmosphère de culture humaniste était également une bonne raison. En effet, tous les auteurs marranes que nous avons étudiés sont passés par l’université.
17Mais, il faut l’avouer, il ne s’agit que d’un nombre restreint de familles. Après le transfert des activités des nations ibériques de Bruges à Anvers en 1516, la majorité des Séfarades résidaient à Anvers. Quant à leur nombre, nous disposons de quelques chiffres fiables. En 1560 sont recensés 61 familles et 38 célibataires de nationalité espagnole et, en 1572, 94 Portugais ont leur résidence dans la métropole27. Parmi ces Portugais, il y avait cinq médecins : les doutores Derao, Lopez, Lorenzo, Olivieira et Nunez Alvaro.
18J’ai comparé les listes des marranes anversois avec celle des étudiants louvanistes d’origine ibérique. Il y a très peu de concordances, ce qui veut dire que très peu de marranes anversois au xvie siècle se sont adonnés aux études universitaires, à l’exception naturellement des médecins. Si l’on tient compte également des familles marranes qui résidaient à Bruges et à Middelburg, on peut parler d’environ dix pour cent de tous les immatriculés espagnols et portugais28. Une comparaison avec l’université de Paris révèle que les grandes familles commerçantes espagnoles ayant des filiales à Paris et aux Pays-Bas envoyèrent leurs fils en plus grand nombre à Paris qu’à Louvain29.
MÉDECINS
19Partout en Europe, les médecins juifs étaient très demandés. Papes, rois, princes et tous ceux qui pouvaient se le permettre, y compris les villes, avaient recours à des médecins d’origine juive. Les anciens Pays-Bas en comptaient également un bon nombre, aussi bien des praticiens privés que des médecins jurés de municipalités. Il est à noter que plusieurs d’entre eux ont publié des traités médicaux. Quelques-uns se sont également consacrés à des ouvrages plus littéraires30.
20Une des familles de médecins les plus notoires des anciens Pays-Bas fut certainement celle des Nuñez, Nunes, nom aussi latinisé en Nonnius, qui s’est pleinement intégrée dans la société néerlandaise des xvie et xviie siècles. Les archives urbaines anversoises contiennent les noms de quatre générations de médecins de cette famille portugaise31. Vers 1550, un médecin marrane portugais de ce nom s’établit à Anvers. Son fils Alvares (†1603) étudia à Louvain dans les années soixante32 et enseigna ensuite pendant quelques années la médecine à l’université de Louvain. Entre-temps, il avait ouvert un cabinet à Anvers et il édita chez Plantin l’œuvre chirurgicale de son compatriote Francesco Arceo (1498-1574). Plus connu est son fils Ludovicus Nonnius (1553-1645/633) qui, après des études médicales à Louvain, où il se lia d’amitié avec Juste Lipse, eut une pratique privée florissante à Anvers. Ce fut un vrai humaniste, savant, historien, poète et numismate. Son livre sur la diététique a été utilisé jusqu’au xixe siècle, mais il est probablement encore mieux connu par son portrait, peint par Rubens, dont il était le médecin privé. Nonnius fut un des fondateurs du collegium medicum d’Anvers en 1620, avec Lazare Marcquis ou Marques (Anvers 1574-Anvers 1647), un autre immigré, mais de souche lombarde34.
21Le père de Lazare Marcquis, Barthélémy (†1613), était un banquier lombard du Piémont et un négociant en diamants qui, après un séjour en Wallonie, s’était installé à Anvers. Il avait épousé Catherine Noppen (†1617), issue d’une famille patricienne catholique de Bois-le-Duc dans laquelle régnait une tradition d’études. Pendant quelques années, Barthélemy et sa famille ont vécu à Leyde (cité de 1583 à 1592). En 1597, nous le retrouvons à Anvers. Lazare et son frère Jean firent des études ès arts à Leyde (inscrits respectivement en 1589 et 159035). Lazare poursuivit des études de médecine et défendit des thèses en 1595. Puis il partit pour Padoue, où il obtint son doctorat en médecine le 12 juin 1596. Entre-temps, il semble avoir adhéré au calvinisme. Une fois de retour à Anvers, il revint au catholicisme. Parmi les 13 enfants que Lazare eut de Maria van den Broeck, fille du docteur Willem van den Broeck, on compte un médecin, un apothicaire et deux religieux. Lazare Marcquis fut très actif comme médecin juré de la ville d’Anvers. Il publia beaucoup sur la peste et fut le fondateur du premier collège de médecine des Pays-Bas en 1620. Son fils Guillaume lui succéda dans toutes ses charges. Tout comme Luis Nunes, Lazare Marcquis fut un grand ami de Rubens, dont il avait été le condisciple au collège des jésuites anversois. Il fit partie du salon littéraire et artistique entourant le peintre et s’adonna lui-même aux belles-lettres36. Antoine van Dyck a peint les portraits de Lazare et Guillaume Marcquis37.
22Mais les médecins marranes ne se sont pas tous établis définitivement aux Pays-Bas catholiques. Les crypto-chrétiens ou ceux qui ne pouvaient tout simplement pas supporter la pression religieuse cherchèrent des lieux plus sûrs. Jean Rodrigues de Castello Branco (1511-1568), issu d’une famille portugaise de crypto-juifs, retourna dans son pays natal après avoir terminé ses études médicales à Salamanque. Vers 1533, il fuit son pays et s’établit à Anvers comme botaniste et médecin. Là, il commença à publier sur différents thèmes médicaux. Bien qu’il ait eu une pratique médicale florissante, il quitta les Pays-Bas pour accepter une chaire d’anatomie à l’université de Ferrare.
23À partir de 1492, les ducs d’Este accueillirent des juifs ibériques. Hercule II d’Este (1508-1559) alla plus loin et invita des marchands juifs à venir résider dans le duché en leur accordant plusieurs privilèges. Son épouse, Renée de France (1510-1575), fit quant à elle du duché de Ferrare une terre accueillante pour les hommes de sciences et de lettres et pour les dissidents religieux38. Là, Rodrigues changea son nom en Amatus Lusitanus, traduction latine de son nom juif « Chaviv », ou « l’affable ». Avec l’avènement du Pontife Paul IV (1476-1559), un prosélyte de l’orthodoxie catholique et un adversaire des marranes, Amatus, quitta l’Italie pour Raguse en Dalmatie et puis Salonique dans l’Empire ottoman, où il pratiqua ouvertement le judaïsme39. Son parent et ami Didacus Pyrrhus ou Diogo Pires, issu d’une famille commerçante d’Evora au Portugal qui s’était établie à Anvers au début du xvie siècle, suivit à peu près le même trajet, sauf que ses œuvres eurent un caractère littéraire et non médical40. Il s’inscrivit à l’alma mater louvaniste comme Jacobus Pyrrus Lusitanus, le 28 janvier 153641. Il y fit partie du cercle d’étudiants et savants ibériques mentionné plus haut. Pour des raisons économiques et de sécurité, la famille de Pyrrhus émigra vers 1540 à Ferrare, où il continua ses études et où il retrouva bientôt son parent Amatus Lusitanus. Didacus Pyrrhus reprit l’identité juive et termina ses jours à Raguse comme médecin dans le ghetto juif, sous le nom d’Isaia Cohen. Comme à Ferrare, le duc de Raguse a, depuis 1538, attiré des Séfarades pour des raisons économiques, mais en contraste avec la cité italienne, un ghetto y a aussi été créé en 1546. Voulant être lu et accepté par le monde chrétien, le poète et écrivain Pyrrhus n’employa pas, comme le fit Amatus, son nom juif mais publia sous son nom chrétien, Diogo Pires ou Didacus Pyrrhus, ou sous un autre nom latin : « Jacobus Flavius Eborensis ». Amatus, de son côté, une fois en terre libre, s’est complètement judaïsé42.
24Deux autres médecins quittèrent, après des années d’activité, Anvers pour Amsterdam, où ils devinrent membres de la communauté juive portugaise. Il s’agit de Manuel Gomez, qui, après des études à Evora et à Salamanque, arriva à Anvers en 1597. En 1636, il devint médecin juré de la ville, ce qui veut dire qu’il était considéré comme un bon catholique. Treize ans plus tard, il ouvrit un cabinet à Amsterdam et devint membre de la communauté juive portugaise. Il fut suivi par Abraham Gomez de Sossa, médecin personnel de Ferdinand, cardinal-infant et régent des Pays-Bas catholiques de 1633 à 1641. Après la mort du régent, il partit pour Amsterdam, où il mourut en 1667 et fut enterré au cimetière juif d’Oudekerk, près d’Amsterdam43. Le docteur Garcia Lopez connut une tout autre fin : après des études à Evora et Salamanque, celui-ci mena une vie errante avant de s’établir aux Pays-Bas. Il fut promu docteur en médecine à Louvain et ouvrit un cabinet à Anvers. En 1572, il retourna à Evora, où il fut poursuivi par l’Inquisition et condamné au bûcher44.
MARCHANDS, NÉGOCIANTS, BANQUIERS
25Les mêmes phénomènes se produisirent chez les hommes d’affaires. Quelques familles, ou plutôt des branches de famille, se sont complètement intégrées dans la société néerlandaise, d’autres y ont seulement été de passage. Fuyant les poursuites et les persécutions depuis les années quarante du xvie siècle, ces hommes d’affaires ont suivi la diaspora. Les soins de l’entreprise commerciale, aux Pays-Bas méridionaux, étaient souvent laissés à des parents non suspects. La force des marranes résidait dans leur réseau international, qui s’étendait à des pays de convictions religieuses et politiques différentes. Bien connues à cet égard sont les péripéties des frères Bernard et Jean Micas ou Miques (alias Samuel et Joseph Nasi ou Naxi). Membres de l’empire commercial des marranes lusitains Mendes, ayant siège à Anvers, ils étaient nés au Portugal, mais avaient fait des études à l’université de Louvain en 1540 et 1542 respectivement45. L’aîné, Bernard, quitta les Pays-Bas pour se rendre à Ferrare, où il épousa Beatrice de Luna, fille de Brianda de Luna et de Diego Mendes. Avec l’accession de Paul VI au Saint-Siège, le couple chercha refuge en pays ottoman. Entre-temps, le cadet Jean régla les affaires de famille et surmonta de graves difficultés dans l’entreprise commerciale. Dix ans après son frère, Jean partit le rejoindre en pays ottoman avec son épouse Reyna Mendes, fille de Francisco Mendes (frère de Diego) et Beatrice de Luna alias Gracia Nasi (sœur de Brianda). Jean devint conseiller du sultan ottoman, tout en restant en contact avec les révoltés aux Pays-Bas, qu’il avait soutenus. Jean Micas, aussi connu sous son nom juif Joseph Nasi ou Joseph de Naxos (le sultan l’avait fait duc de Naxos), a échappé à l’oubli notamment grâce à la pièce de théâtre de Christophe Marlowe, The Jews of Malta, publiée en 1592, et inspirée par la vie tumultueuse de Jean Micas46.
26Mais considérons maintenant les immigrés ibériques qui se sont bel et bien intégrés dans la société néerlandaise. J’utilise comme indicateurs d’intégration l’achat du droit de bourgeoisie, l’exercice de fonctions publiques, le mariage avec des femmes néerlandaises, l’achat de vastes propriétés immobilières, l’anoblissement, les carrières des enfants. Ce qui m’intéresse en particulier, ce sont les études universitaires.
27Pour des raisons de place, je ne donnerai que deux exemples. Ils s’appliquent aussi bien à d’autres familles. Les Espagnols Gregorio et Diego de Ayala sont arrivés aux Pays-Bas au début du xvie siècle. En quelques années, ils ont déployé une vaste activité dans le commerce et l’industrie drapière, aussi bien aux Pays-Bas qu’en Espagne. Ils faisaient partie d’un grand réseau international dont les liens familiaux formaient le ciment. Bien qu’appartenant probablement par leur mère à la petite noblesse castillane, « Grégoire Rodríguez de Ayala » fut fait chevalier par l’empereur Ferdinand en 1535 pour services rendus comme banquier impérial. Au fil des ans, Grégoire acheta des maisons urbaines, des domaines et un château près d’Anvers. Les huit enfants de ses deux mariages avec des femmes néerlandaises connurent un bel avenir. Les deux filles (Elvire et Mathilde) épousèrent de puissants marchands espagnols : Elvire vécut avec son mari Arnao del Plano à Bilbao, et Mathilde à Bruges avec Juan del Rio. Quatre des six fils de ce couple firent carrière dans les services publics et dans l’Église, après avoir obtenu des licences en droit. Deux fils seulement sont restés dans le commerce. Diego de Ayala, de son côté, a épousé une patricienne anversoise, Agnes de Renialme, après avoir acheté le droit de bourgeoisie d’Anvers. Cinq de leurs huit fils et deux filles sont entrés dans l’Église ; les trois autres fils, tous juristes et chevaliers, ont rempli des fonctions publiques. Un seul fils a continué dans les affaires47. Il est clair que ces deux branches des Ayala se sont complètement intégrées dans la société néerlandaise et qu’elles répondent à toutes les caractéristiques d’une famille en pleine ascension sociale et peuvent être considérées comme des représentantes de la « trahison de la bourgeoisie ».
28La lignée Lopez de Villanueva ou Louppes de Villeneuve avait, vers 1520, des branches à Saragosse, Bordeaux, Toulouse, Anvers et Middelburg en Zélande, toutes gérées par des frères. Elles remontent toutes au négociant Martin Pablo Lopez de Villanueva, qui vivait à Saragosse vers 1500. Montaigne est issu de la branche bordelaise. Celle-ci s’est très vite fondue dans la société locale. « En deux générations, le négoce avait pris racine dans la terre gasconne et porté à la noblesse les marranes vagabonds48 ». La branche anversoise, qui commence avec Martin Lopez ou Loupes († 1555) vers 1520, s’est également très vite intégrée. Martin épouse deux fois de suite des filles de riches familles anversoises qui sont actives dans la magistrature urbaine et dans le commerce. Les affaires de Martin vont tellement bien, notamment grâce aux relations commerciales et aux associations avec ses frères, qu’il réussit à acheter des domaines autour d’Anvers. La régente Marie de Hongrie et Philippe II sollicitèrent de sa part des services bancaires et commerciaux. Martin Lopez a dû jouir d’une bonne éducation à Saragosse. Il fut un bon latiniste et un bon écrivain. Il connaissait ses classiques et transmit son savoir à ses nombreux enfants.
29Beaux-fils et belles-filles furent soigneusement choisis. Les Lopez s’allièrent avec des familles commerçantes (marranes) comme les Del Rio de Bruges et les Perez d’Anvers, et avec des familles néerlandaises, nobles et patriciennes (De Mol, Hinkaert et Van Dilbeek de Bruxelles, Bouton de Bourgogne). Deux des trois fils de Martin ont fait des études universitaires : Pedro à Louvain, Martin jr à l’étranger. L’aîné, Pedro, a continué les affaires, Hernandez a fait une carrière militaire et le juriste, Martin jr, déjà calviniste à un jeune âge, s’est engagé dans la Révolte des Pays-Bas49. Il avait comme coréligionnaire Marcus Perez, issu d’une branche sincèrement catholique et originaire de Saragosse. Dans leurs activités, ils furent assistés par Fernand Bernuy. Les marranes espagnols Bernuy s’étaient fixés à Anvers au début du xvie siècle. La plupart des membres de cette famille sont restés fidèles aux rois espagnols. Fernand et son frère Jacques, fils de Fernand Bernuy et d’Élizabeth van Bombergen, durent cependant quitter le pays au début de la Révolte, et ils en profitèrent pour aller étudier le droit à Orléans en 1566 et à Bâle en 156850. Par la suite, le prince Maurice de Nassau nomma Fernand Bernuy drossart de Breda51. Il s’est complètement intégré dans la société néerlandaise septentrionale par sa carrière et par ses mariages52.
30Les Del Rio, apparentés par mariage aux familles Ayala et Lopez, se sont également fondus dans la société néerlandaise grâce à leur fortune acquise dans le commerce, à des mariages avisés, à des études universitaires menant à des charges publiques et ecclésiastiques, ainsi qu’à l’achat de seigneuries anoblissantes. Il en va de même pour la famille lusitaine De Lucenna et les familles espagnoles Bernuy et Perez. Nous retrouvons des membres de plusieurs branches néerlandaises de ces familles comme étudiants à Louvain, à Orléans, Bâle et Poitiers, en Italie et dans le Saint-Empire.
MARRANES, RÉFORME ET RÉVOLTE
31L’exemple des familles Lopez, Perez et Bernuy montre que les marranes ne furent pas uniquement tenus à l’œil par l’Inquisition néerlandaise pour leurs antécédents juifs, mais également pour leurs marques de sympathie ou tout simplement leur adhésion à la cause des réformés et des révoltés53. Pour certains d’entre eux, le séjour à Louvain ou dans une université étrangère, et notamment Orléans, Bâle, Heidelberg ou Padoue, peut avoir stimulé ces sympathies. Tout comme les universités furent, dans les années soixante du siècle précédent, un lieu où toutes sortes d’idées gauchistes et/ou alternatives virent le jour, les studia generalia, dans la première moitié du xvie siècle, générèrent maintes idées nouvelles et controversables. L’université de Louvain n’y échappa pas, au contraire ! Les difficultés que les fondateurs du Collegium Trilingue rencontrèrent avec les collègues des facultés des arts et théologie, sont révélatrices de la confrontation entre ceux qui tiennent aux valeurs traditionnelles et ceux qui veulent « le grand changement ». Dans les années vingt et trente du xvie siècle, les professeurs et étudiants du Collegium Trilingue furent des érasmiens intéressés par les idées luthériennes. Les étudiants séfarades partagèrent ces idées, bien qu’Érasme fût connu pour son aversion du judaïsme et du marranisme54. Pendant les années vécues ensemble, des liens étroits se sont formés, également parmi les intellectuels séfarades. L’influence d’Érasme a été très grande en Espagne, et pas uniquement auprès des conversos. Il eut beaucoup d’influence sur la propagation de courants hétérodoxes comme ceux des illuministes55. L’ecclésiastique Juan de Castillo, très probablement d’origine juive et étudiant à Louvain dans les années vingt du xvie siècle, avait suivi les cours de Vivès et fréquenté le Collegium Trilingue. Après une vie turbulente dans le milieu des illuministes espagnols et des luthériens dans plusieurs pays européens, il termina sa vie en 1535 sur le bûcher à Tolède56.
32Les nouveaux chrétiens ne se sont pas seulement engagés dans la Réforme, ils ont également participé à la révolte contre l’intolérance religieuse et politique de Philippe II. Pensons à plusieurs membres des familles Mendes et Micas, aux Lopez et Bernuy déjà cités. Grâce à leur fortune, ils en avaient les possibilités57. C’est une autre forme d’intégration dans leur société adoptive.
Notes de bas de page
1 Voir notamment Méchoulan (Henry) éd., Les Juifs d’Espagne. Histoire d’une diaspora 1492-1992, Paris, Levi, 1992 ; Révah (Israël S.), « Les Marranes », Revue des Études Juives, 118 (1959), p. 29-77 ; Roth (Cecil & Irene), A history of the Marranos, New-York, Sepher-Hermon Press, 1974 ; Lea (Henry Charles), The Moriscos of Spain : Their Conversion and Expulsion, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1901 (rééd., New York, Burt Franklin, 1968 ; New Delhi, Goodword Books, 2001).
2 Pines (J.), « Les médecins marranes espagnols et portugais à Anvers aux xvie et xviie siècles », Yperman (Louvain), 9, 1962, p. 1-8.
3 Braudel (Fernand), La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, 3 vol., Paris, A. Colin, 1966, p. 67-74 (1re éd. 1949) ; pour les Pays-Bas, Soly (Hugo), « The « betrayal » of the sixteenth-century bourgeoisie : a myth ? Some considerations of the behaviour pattern of the merchants of Antwerp in the XVIth century », dans Acta Historiae Neerlandicae VIII (Den Haag, s. d.), p. 31-50, y trad. de : Soly (Hugo), « Het verraad der 16de-eeuwse burgerij : een mythe ? », Tijdschrift voor Geschiedenis, 86 (1973), p. 262-280 ; voir aussi Tracy (James D.), A Financial Revolution in the Habsburg Netherlands. Renten and Renteniers in the County of Holland, 1515-1565, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1985, p. 139-140.
4 Everaert (John), « Les comptoirs portugais en Flandre », dans Feitoras, catalogue d’Europalia International, Bruxelles, 1991, p. 42-52 ; Goris (Jan-Albert), Étude sur les colonies marchandes méridionales (Portugais, Espagnols, Italiens) à Anvers de 1488 à 1567. Contribution à l’histoire des débuts du capitalisme moderne, Louvain, Librairie universitaire, 1925.
5 Laurent (Charles), Lameere (Jules), Recueil des Ordonnances des Pays-Bas. 2e série : Règne de Charles-Quint (1506-1555), vol. II (1520-1529), Bruxelles, 1898, p. 552-553 : Lettres de l’Empereur du 27 février 1529, prescrivant l’observation de l’ordonnance du 31 mars 1526, qui autorise les nouveaux chrétiens du Portugal à séjourner temporairement aux Pays-Bas.
6 Lameere (Jules), Recueil, vol. III (1530-1536), Bruxelles, 1902 : Lettres de l’Empereur du 14 août 1532 défendant aux nouveaux chrétiens du Portugal d’entrer dans les Pays-Bas ; Goris (Jan-Albert), op. cit., p. 560-568.
7 Laurent (Charles), Lameere (Jules), Simon (H.), Recueil, vol. III (1530-1536), p. 74-75 ; vol. V (1543-1549, Bruxelles, 1910) p. 556-557 ; vol. VI (1550-1555, Bruxelles, 1922) p. 83-85.
8 Brulez (Wilfrid), De firma Della Faille en de internationale handel van Vlaamse firma’s in de XVIe eeuw, Bruxelles, Koninklijke Vlaamse Academie Voor Wetenschappen, 1959, p. 542-543 donne une liste des commerçants anversois et de leurs correspondants à Séville.
9 Sur la connaissance du judaïsme et le retour au judaïsme au xviie siècle, voir Yerushalmi (Yosef Hayim), Sefardica : essais sur l’histoire des Juifs, des marranes et des nouveaux-chrétiens d’origine hispano-portugaise, Paris, Chandeigne, 1998, p. 235-256.
10 Van Adelberg (Simon), De Marranen. De geschiedenis van Portugezen uit Spanje, Baarn, Ten Have, 1977 ; Frijhoff (Willem), La société néerlandaise et ses gradués, 1575-1814. Une recherche sérielle sur le statut des intellectuels à partir des registres universitaires, Amsterdam/Maarssen, 1981, p. 55-56, 237, 240 ; Kaplan (Benjamin J.), Muslims in the Dutch Golden Age. Representations and realities of religious toleration, Amsterdam, Centrum voor de Studie van de Gouden Eeuw, 2006 (Fourth Golden Age Lecture 23 May 2006).
11 De Ridder-Symoens (Hilde), « Mobility », dans De Ridder-Symoens (Hilde) éd., A History of the University in Europe. Volume 2 : Universities in the Middle Ages, Cambridge U.P., 1996, p. 294-296 ; Shatzky (Jacob), « On Jewish Medical Students in Padua », Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, 5, 950, p. 444-447.
12 Cole (Thomas), Studentenmobiliteit tussen de Nederlanden en het Iberisch Schiereiland in de vijftiende en zestiende eeuw. Onderzoek naar de Spaanse en Portugese studenten aan de universiteit van Leuven in de periode 1425-1569 en studenten uit de Nederlanden aan de Spaanse en Portugese universiteiten in dezelfde periode, Mémoire inédit en histoire, Université de Gand, 1996-1997. Pendant quelques années encore, Thomas Cole a continué sa recherche et a trouvé beaucoup d’autres Ibériens qui, certainement, ont étudié à Louvain mais qui ne figurent pas dans les matricules universitaires. Cette liste n’est pas encore publiée.
13 Beltran de Heredia, Cartulario Salemanca, IV (Sal. 1972), 70-72 ; Kagan (Richard), Students and Society in Early Modern Spain, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1974, p. 72 ; Lamberts (Emiel) et Roegiers (Jan) éd., L’université de Louvain 1425-1975, Louvain, Leuven U.P., 1976, p. 153.
14 Placcaeten van Vlaenderen, II, Gent 1629, p. 1-3 ; Arch. Gén. du Royaume à Bruxelles, Audience, no 1144 ; Arch. Com. Anvers, Privilegekamer, no 2766, 72v-74v (en néerlandais) ; Arch. com. Douai, AA 98, 155-156 (en français).
15 La firme de Mendes fut une cheville ouvrière dans un réseau d’émigration de crypto-juifs ibériques et de leurs biens via Londres et Anvers vers la Turquie où ils pouvaient vivre à leur aise. Voir e. a. Roth (Cecil), A History of the Marranos, Varda Books [en ligne], 2001, p. 200, 237 ; 253-254.
16 De Ridder-Symoens (Hilde), « Internationalismus versus Nationalismus der Universitäten um 1500 mit spezieller Berücksichtigung der Situation in den Südlichen Niederlanden », Seibt (Ferdinand) et Eberhardt (Winfried) éd., Europa 1500. Integrationsprozesse im Widerstreit. Staaten, Regionen, Personenverbände, Christenheit, Seibt (Ferdinand) et Eberhardt (Winfried) éd., Stuttgart, 1986, p. 397-414.
17 Schillings (Arnold) éd., Matricule de l’université de Louvain, 10 vol., 17 tomes, Bruxelles, 1903-1967, vol. IV, p. 711.
18 Ibid., vol. IV, p. 49.
19 Cole (Thomas), Studentenmobiliteit, op. cit. p. 162.
20 Ibid., p. 161-163.
21 Voir à ce sujet : González González (Enrique), « Vives : un humanista judeoconverso en el exilio de Flandes », dans Dequeker (Luc) et Verbeke (Werner), The expulsion of the Jews and their emigration to the southern Low Countries (XVth - XVIth C.), Medievalia Lovaniensia Series 1, Studia XXVI, Louvain, 1998, p. 35-81.
22 De Vocht (Henry), « History of the Foundation and the Rise of the Collegium Trilingue Lovaniense 1517-1550 », Humanistica Lovaniensia, 10-13, 4 vols., Louvain, 1951-1955, III, p. 23-28 ; Janssens (Gustaaf), « Españoles y Portugueses en los Medios Universitarios de Lovaina (siglos XV y XVI) », dans Lechner (Jan) éd., Contactos entre Los Países Bajos y El Mundo Ibérico, spec. nr. van Foro Hispánico, Amsterdam, 1992, p. 13-29.
23 Rodrigues (Manuel Augusto), « Humanistes portugais aux Pays-Bas méridionaux », dans Everaert (John), Stols (Eddy) éd., Flandre et Portugal. Au confluent de deux cultures, Anvers, Mercatorfonds, 1991, p. 249-261.
24 Prins (Izak), De Vestiging der Marranen in Noord-Nederland in de zestiende eeuw, Amsterdam, Menno Hertzberger, 1927, p. 28-36 et passim.
25 Schillings (Arnold), Matricule, III, p. 582, no 8.
26 De Vocht (Henry), op. cit., vol. I, p. 241-255 ; 334-339, 369-379 ; De Jongh (Henri), La faculté de théologie de Louvain, au premier siècle de son existence (1432-1540), ses débuts, son organisation, son enseignement, sa lutte contre Érasme et Luther. Avec des documents inédits, Louvain, Bureau de la RHE, 1911, p. 145, 160.
27 Goris (Jan-Albert), op. cit., p. 611-615.
28 Fagel (Raymond), De Hispano-Vlaamse wereld. De contacten tussen Spanjaarden en Nederlanders 1496-1555, Bruxelles/Nimègue, Bibliothèque royale Albert I, 1996, p. 355.
29 Villoslada (Ricardo García), La universidad de París durante los estudios de Francisco de Vitoria O. P. 1507-1522, Analecta Gregoriana XIV, Rome, 1938 (cf. Fagel, op. cit., p. 355).
30 Pines (J.), « Les médecins marranes espagnols et portugais à Anvers aux xvie et xviie siècles », Le Scalpel, 116, 1963, p. 545-552.
31 Sur la famille et ses membres : Boeynaems (Piet), « Les Núñez, famille d’éminents médecins d’origine espagnole à Anvers aux xvie et xviie siècles », dans Actas del XV congreso internacional de historia de la medicina, 1956, Madrid, Instituto Arnaldo de Vilanovae de Historia de la Medicina, 1958, p. 229-233.
32 Immatriculé dans la faculté des arts, le 28 août 1560 et promu maître ès arts le 18 février 1563, Schillings (Arnold), Matricule, IV, 606, no 220 ; Reusens (Edmond), « Promotions de la faculté des arts de l’université de Louvain (1428-1797) », Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Belgique, 4, 1867, p. 439).
33 Bien que ce soit généralement admis dans la littérature, il est impossible, pour des raisons d’âge, que ce Ludovicus Nonnius Alvari medici Lusitani fût le fils de l’étudiant et professeur louvaniste Alvares Nonius (immatriculé en 1560), sauf si le père a fait ses études lorsqu’il avait déjà un fils. Seulement une recherche poussée dans les archives pourrait résoudre ce problème, voir : Valerius (Andreas), Bibliotheca Belgica, Lovanii, Jacobi Zegers, 1643, p. 636-637.
34 Broeckx (Corneille), Histoire du Collegium medicum Antverpiense, Anvers, Impr. J.-E. Buschmann, 1858.
35 Hamilton (Alastair), « Lazarus Marquius Leyden Years », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 33, 1981, p. 567-571.
36 Broeckx (Corneille), Notice sur le docteur Lazare Marquis, médecin et ami de P.P. Rubens, Anvers, 1851 ; Broeckx (Corneille), Levensschets van Doctor Willem Marquis gezworen geneesheer de Stad Antwerpen, geneesheer van St-Elisabeth’s gasthuis, Voorzitter van het Geneeskundig Kollege, enz, Anvers, 1855 ; De Ridder-Symoens (Hilde), « Marcquis, Lazarus », Nationaal Biografisch Woordenboek, XI, Bruxelles, 1986, p. 480-484.
37 Voir Mauquoy-Hendrickx (Marie), L’iconographie d’Antoine Van Dyck : catalogue raisonné, 2 vol. (Académie royale de Belgique. Classe des beaux-arts. Mémoires. Collection in-8 9), Bruxelles, Palais des académies, 1956, p. 336 (Guillaume Marcquis), p. 357 (Lazare Marcquis).
38 Tucker (George Hugo), « To Louvain and Antwerp and beyond : The contrasting itineraries of Diogo Pires (Didacus Pyrrhus Lusitanus, 1577-99) and João Rodrigues de Castelo Branco (Amatus Lusitanus, 1511-68) », dans Dequeker (Luc), Verbeke (Werner), éd., The expulsion of the Jews and their emigration to the southern Low Countries (XVth - XVIth C.), Medievalia Lovaniensia Series 1, Studia XXVI, Louvain, 1998, p. 83-113 ; Blaisdell (Charmarie Jenkins), « Politics and Heresy in Ferrara, 1534-1559 », Sixteenth-Century Journal, 6, 1975, p. 67-93.
39 Tucker (George Hugo), « To Louvain », art. cité, p. 108 ; Hashavit (David), « Amatus Lusitanus discovered valves in veins and arteries », HaLapid (publication of the Society for Crypto-Judaic Studies), Winter 2006 ; texte sur internet : http://www.cryptojews.com/Amatus/20Lusitanus.htm.
40 Tucker (George Hugo), « To Louvain », art. cité.
41 Schillings (Arnold), Matricule, IV, p. 132, no 69
42 Tucker (George Hugo), « To Louvain », art. cité, p. 201, 109-113.
43 Pines (J.), « Les médecins marranes », art. cité, p. 550 ; Lindeboom (Gerrit A.), éd., Dutch medical biography : a biographical dictionnary of Dutch physicians and surgeons 1475 1975, Amsterdam, Rodopi, 1984, p. 690 ; http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=349&letter=G
44 Tricot (Jean-Pierre), « Ludovicus Nonnius (1553-1645), Marrano physician in Antwerp, author of the Diaeteticon », Verhandelingen van de Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België, 58 (3), 1996, p. 255.
45 Bernardinus Michas, Lusitanus, immatriculé le 7 avril 1540, d’après Schillings (Arnold), Matricule, IV, 206, no 16 ; Dominus Johannes Micas, Lusitanus, intitulatus, in specie nobilis le 1er sept. 1542 (ibid. 253, no 3).
46 Salomon (Herman), Di Leone Leoni (Aron), « Mendes, Benveniste, de Luna, Micas, Nasci : The State of the Art (1532-1558) », The Jewish Quarterly Review, n. ser., vol. 88, no 3-4, 1998, p. 135-211 ; Grunebaum-Ballin (Paul), Joseph Naci, duc de Naxos, Paris/La Haye, Mouton & Co, 1968.
47 Fagel (Raymond), De Hispano-Vlaamse wereld. ; Fagel (Raymond), « Gregorio de Ayala, un mercader español y su familia en los Países Bajos de Carlos V : un caso extraordinario », dans Lechner (Jan) et Harm den Boer éd., España y Holanda. Ponencias leídas durante el quinto coloquio Hispanoholandés de historiadores : Diálogos Hispánicos 16, Amsterdam/Atlanta, 1995, p. 157-167 ; De la Valgona y Díaz-Varela (D.), « Los Ayala : una genealogía de archiveros », Revista de archivos, bibliotecas y museos, 67 (1959), p. 105-118.
48 Boutruche (Robert), Bordeaux de 1453 à 1715, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1966, p. 181.
49 Vermaseren (Bernard Antoon), « De Antwerpse koopman Martin Lopez en zijn familie », Bijdragen tot de Geschiedenis, 56, 1973, p. 3-79 (avec un résumé anglais) ; Hauben (Paul J.), « Marcus Pérez and Marrano Calvinism in the Dutch Revolt and the Reformation », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 26 (1967), p. 121-132 ; Vermaseren (Bernard Antoon), « Onderzoek aangaande de religieus-ethische opvattingen der Antwerpse marranen : J. Cordero’s Spaanse vertaling van Erasmus’ “Flores Senecae”, opgedragen aan Martin Lopez Sr », De Gulden Passer, 49 (1971), p. 63-129 ; Goris (Jan-Albert), op. cit.
50 Ridderikhoff (Cornelia M.) avec la coll. de Chris Heesakkers, Deuxième Livre des Procurateurs de la Nation Germanique de l’ancienne université d’Orléans 1547-1567. Première partie : Texte des rapports des procurateurs, 2 vol., Leyde, Brill, 1989, p. 534 ; Wackernagel (Hans Georg), Die Matrikel der Universität Basel, 1460 1800, 5 vol. (Bâle, 1951 1975), vol. 2, p. 179, nos 43 et 44.
51 De Wal (Johan), « Nederlanders en personen die later met Nederland in betrekking stonden, studenten te Heidelberg en te Genève in het begin der Kerkhervorming », Handelingen van de Maatschappij der Nederlandsche Letterkunde te Leiden, 1865, p. 130).
52 Arch. com. Anvers, Privilegekamer 3254 (biographie).
53 Goris (Jan-Albert), op. cit., p. 546-598.
54 Tucker (George Hugo), « To Louvain », art. cité, p. 101-102.
55 Bataillon (Marcel), Érasme et l’Espagne. Recherches sur l’histoire spirituelle du xvie siècle, Paris, Droz, 1937.
56 Schillings (Arnold), Matricule, III, p. 676, 123 : « Dns. Johannes de Castillo, Hyspanus, Burgensis diocesis, sacerdos (maior) ». Voir Cole (Thomas), op. cit., p. 68, note 2.
57 Marnef (Guido), Antwerp in the age of reformation : underground protestantism in a commercial metropolis, 1550-1577, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1996, p. 93-97.
Auteur
Professeur d’histoire à l’université de Gand, présidente de la Commission internationale d’histoire des universités
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