Chapitre 4. Des serments féodo-vassaliques
p. 185-231
Texte intégral
1Le Languedoc des xie et xiie siècles a vu se développer des réseaux plus ou moins coalescents de fidélité. Le fief était une institution connue, pratiquée couramment, au point que son modèle a informé d’autres types de contrats personnels. Mais a-t-il existé un lien conscient et affirmé entre ce que les juristes appelleraient l’élément personnel et l’élément réel ? Nous avons certes déjà apporté quelques données en réponse à cette question ; il faut cependant l’aborder maintenant de front, et analyser les engagements réciproques ancrés dans la réalité du fief.
2C’est en effet certainement le point qui fut le plus contesté par les tenants d’un Midi non féodalisé, qui reconnaissaient l’existence de la fidélité et du fief mais niaient toute corrélation. Fief et fidélité : « ces éléments restent juxtaposés », affirmait E. Magnou-Nortier en 19801. Qu’en est-il donc de la vassalité en Languedoc aux xie et xiie siècles ? Peut-on y déceler une interdépendance entre un mode de tenure du sol et un type de relations d’homme à homme ?
3Le plus convaincant est peut-être que le terme même de « vassal » n’apparaît pas dans les sources, ou si peu. Nous verrons tout d’abord ce qu’il faut penser de cette absence, avant de décrire les engagements réciproques du seigneur et de son « fidèle » enracinés dans le fief. Nous analyserons ensuite les diverses modalités de ce qu’il faudra bien appeler la vassalité, l’existence de l’hommage, le règlement du problème des fidélités multiples et le rôle du seigneur en justice. Nous reviendrons en dernier lieu sur le non-dit qu’est la vassalité et sur les raisons qui peuvent l’expliquer.
I - LE NOM DES HOMMES
1 - Vassal
4« Vassal » n’est pas un vocable communément employé pour désigner le fidèle, il faut se rendre à l’évidence. On en trouve néanmoins une occurrence, en 1181, dans un serment. Il ne s’agit cependant pas d’un simple serment féodal : dans ce type de texte, les protagonistes ne sont jamais qualifiés, ni le lien formé entre eux. Nous avons affaire là à un serment juré pour garantir une impignoration de Raimond V, comte de Toulouse, à Roger II. Pour en comprendre le contexte, il faut revenir une trentaine d’années en arrière. En 1153, Raimond Trencavel, le père de Roger, fut battu et capturé par Raimond V, et ne fut libéré que contre une énorme rançon. En 1163 survient un apaisement dans le conflit entre le comte et le vicomte, et Raimond V rend les 3 000 marcs d’argent de la rançon, ou plutôt met en gage le château vieux d’Albi et ses droits sur le château de Lunas pour cette même somme2. En 1181, lors d’une reprise des hostilités contre Toulouse, Roger II a sans doute voulu réactualiser l’impignoration de 1163, en faisant prêter serment par les quatre domini et les dix-neuf vassalli du château vieux d’Albi : ils reconnaissent que Roger a toujours le château vieux en gage du comte de Toulouse3. Le serment n’est donc pas exactement un serment féodal, mais il est suivi des mêmes clauses (promesse d’aide, de restitution du château, de non alliance avec quiconque l’aurait enlevé), tant que le comte n’aura pas remboursé son gage4. Une reconnaissance en fief sert donc de gage à une impignoration5. C’est dans ce contexte qu’apparaît la seule mention de « vassal » appliquée ici à un groupe de milites du château vieux d’Albi6. Dans cette situation floue et théoriquement transitoire, on a d’ailleurs soin de ne pas préciser de qui ils sont les vassaux. Tout se passe comme si cette inféodation/reconnaissance de gage manquait à ce point de réalité féodale, relevait si peu des contextes habituellement connus, qu’il était brutalement nécessaire de signifier ce dont relevaient les obligations de ces hommes.
5Voilà donc sans doute la seule occurrence de « vassal » comme nom commun. Car, par ailleurs, le terme apparaît souvent dans le cartulaire des Trencavel comme anthroponyme7. À partir de la première mention en 11248 d’un Isarn Vassal à Senegats9, nous rencontrons Ademar Vassal à Penne10, Petrus Vassallus à Verdalle11, Petrus Vassallus, Bertrandus Vasal et Bertrandus Vassallus à Saint-Juéry12, Petrus Vassallus des années 1160 aux années 119013, Willelmus Vassallus à Lombers14, Guillelmus Vassallus et son nepos Amblardus Vassallus15.
6On peut d’ailleurs se demander si l’on a véritablement affaire ici à des anthroponymes. En cette période de formation des noms de famille, le sobriquet peut en effet avoir encore un sens réel. Qui peut dire si au xiie siècle un Petrus Faber est « Pierre Fabre » ou « Pierre, artisan » ? Le Petrus Vassallus qui semble faire partie de l’entourage très proche de Roger II dans les années 1170-1190 est sans doute le même que Petrus Vassal de Albia, témoin d’une impignoration de Roger vers Couffoulens et Capendu en 117716 : loin de chez lui, on a semble-t-il éprouvé le besoin de préciser d’où il était ; la question se pose encore plus ici de la légitimité de la majuscule : nom commun ou anthroponyme ? Seuls Guillelmus et son nepos Amblardus – neveu ou petit fils ? – pourraient faire penser à une transmission familiale du sobriquet.
7À partir des années 1120, et plus encore du milieu du siècle, le terme de vassal est assez intériorisé pour être accolé à des noms, sous une forme floue, à la limite entre la véritable détermination et le surnom anthroponymique. On voit même apparaître des formes hypocoristiques ou très occitanisées, tels ce Raimundus Vassarot17 ou ce Raimundus Vassadellus de Podio Sorigario18. L’anthroponyme Bonusvassallus existe d’ailleurs comme nomen proprium dans la France méridionale ; il exprime un vœu au même titre que Bonfils (Bonfilius) ou Bonfilleul (Bonfiliolus)19. En Languedoc, vassallus n’envahit les textes pour désigner la relation féodale qu’à partir des années 1220, en même temps qu’apparaît la forma fidelitatis : il s’agit alors d’une codification et d’une normalisation de la féodalité languedocienne sous l’influence des Libri Feudorum italiens20.
2 - Homo
8Le vocable revendiqué dans les relations à la première personne aux xie- xiie siècle, c’est homo. Significatives à ce titre sont les déclarations du seigneur de Muret, en 1139 : « moi Godafredus de Muret, je reconnaîs… que mon père Petrus Raimundi et moi avions et tenions la tour et le château de Muret de ton père Bernard Aton et que nous étions pour cela ses hommes »21. De même, quand il se voit concéder plusieurs châteaux et d’autres biens en fief par Roger Ier en 1149, Pierre de Minerve récapitule : « moi Pierre de Minerve j’accorde et reconnaîs à vous Roger que pour ce don je suis votre homme, et de la même façon celui qui aura cet honor après moi sera votre homme »22. Comment mieux exprimer le rapport entre la détention médiate d’un château et le lien personnel ?
9Dès la fin du xie siècle apparaissent quelques occurrences du terme homo pour désigner une relation d’homme à homme. Lorsqu’il inféode le comté de Carcassonne à Raimond Bernard Trencavel en 1067, le comte de Barcelone lui promet que l’évêque et le vicomte de Carcassonne « seront faits ses hommes et lui jureront fidélité »23. À peu près à la même date surgit, dans les serments à Ermengarde, la fameuse formule « je te serai fidèle comme doit l’être un homme au seigneur à qui il s’est recommandé par les mains »24. La relation de fidélité dans ces serments féodaux est bien incarnée par le duo homo / senior. C’est ce même terme qui est employé à chaque soumission du Trencavel au comte de Barcelone, en 1112, en 1150, en 117925. Fiat homo, efficitur homo : on se fait homme de quelqu’un, la relation ne va pas de soi, elle est volontaire et active, instituée.
10De façon significative, homo est dans ce contexte synonyme de fidelis. L’accord entre le comte de Barcelone, roi d’Aragon, et le vicomte qui est conclu en 1158, et qui est tout à fait semblable au texte de 1179 entre leurs fils, porte non pas homo mais fidelis26. Quand Roger II effectue la reprise en fief de Murviel en 1183, il « reçoit les trois frères comme ses hommes et ses fidèles »27 ; et la même année, Bertrand de Saissac lui promet « d’être son bon fidèle homme »28. Dans tous ces textes, quand on se dit l’homme de quelqu’un, on tient de lui un bien en fief.
11Mais homo est aussi employé de façon plus vague, sans que soit mentionné explicitement un lien féodal, pour désigner la suite des barons du Languedoc. Ces derniers demandent le consentement de leurs « hommes » pour conclure les accords les plus importants. Les pactes entre le Trencavel et le vicomte de Lautrec en 1141, renouvelés en 1152, sont faits « avec l’accord de leurs hommes »29, de même les traités de 1163 avec le comte de Toulouse30. Ces hommes sont violents, ou peuvent l’être, et on ne manque pas de les citer lorsqu’on institue une paix31. Ces hommes suivent leur seigneur dans ses alliances et ses revirements32. Ces hommes, c’est manifestement la troupe des vassaux33.
12Le terme, cependant, n’est pas sans entretenir une certaine ambiguïté. Hors contexte, il est impossible de décider si le seigneur qui parle de son « homme » désigne par là son vassal ou son serf. Le problème des analogies34 entre le servage et le vasselage nous entraînerait beaucoup trop loin ; nous n’avons d’ailleurs pas les sources qui permettraient de le traiter correctement. Cependant le fait est troublant. Quand des « hommes » apparaissent dans des listes stéréotypées de droits cédés avec un château, le doute peut être levé35 ; de même quand la détention d’hommes est en jeu entre deux châteaux, deux seigneuries36. Mais lorsqu’on a affaire à un homme seul face au vicomte, s’il n’y a pas de mention explicite d’une taxe réputée servile37, on ne peut bien souvent trancher. Certains cas sont d’ailleurs déconcertants, ainsi cette donation du vicomte de Sault-Razès à Douzens en 1134 : il donne, contre une rémunération de 70 sous, un homme appelé Peire Vassal de Casal Revira avec ses enfants, ses tenencias et son servicium. Ce serf a pour surnom Vassal38. La condition servile reste en l’état actuel des connaissances bien difficile à cerner ; elle ne paraît cependant pas si distincte de celle des milites – au moins dans un premier temps –, ni si miséreuse qu’on l’a souvent dit39.
13Si l’on met à part le problème du servage, homo caractérise donc précisément la relation personnelle, liée à la détention d’un fief. Le pluriel désigne aussi des hommes en groupe, dépendant d’un seigneur, l’appuyant, le conseillant, voire effectuant les basses œuvres à sa place. Il n’est appliqué que beaucoup plus rarement aux « hommes d’un château »40 ; dans ce contexte-là, le vocable employé est milites.
3 - Miles
14Miles est le terme préférentiellement utilisé quand on désigne les vassaux d’un château particulier, la troupe des hommes, la garnison. Ainsi le texte de serment des vassaux d’Albi en 1181 donne pour équivalents vassalli et milites du château vieux, opposés aux domini. Les milites castri sont une figure essentielle de la société languedocienne. Ils sont là, omniprésents, dès que l’on peut appréhender la réalité sociale des châteaux en profondeur. Ainsi en 1158, quatre ou cinq d’entre eux se voient confier la surveillance des opérations de fortification du château du Cailar et sont chargés, pour financer ces travaux, de taxer milites et villani41. Les vassalli / milites de 1181 sont eux aussi, même à Albi, fermement distingués des burgenses et autres probi homines42. Dans des configurations plus classiques, hors le cadre d’une telle cité, ils sont tantôt différenciés des plus hauts personnages (domini), tantôt dissociés d’une population des castra qui, elle, n’est pas vouée à la guerre, aux fidélités belliqueuses (barriani, burgenses)43.
15Ils sont la réalité sous-jacente, rarement perceptible, de cette fiction qu’est le fief-château.
16De la sorte, ils peuvent intervenir dans toutes les transactions qu’impliquent ces prismes de la société féodale languedocienne. Ils se tiennent là, au pied du donjon que fissurent les inimitiés coseigneuriales. À Montréal, en 1163, une vingtaine de ces milites jure de se porter au secours des coseigneurs lésés par une infidélité de leurs « pariers »44. D’autres tiennent eux-mêmes un château en fief. Comment ne pas voir des vassaux dans ces hommes de Guilhem de Minerve dont, malgré la donation de 1127, Bernard Aton IV ne pourra en aucune manière saisir les castella qu’ils ont en fief de ce vicomte de Minerve45 ? « Le vassal de mon vassal n’est pas mon vassal » : le célèbre adage des coutumiers français peut déjà être appliqué à la pratique féodale languedocienne du xiie siècle.
17Entre homme de garnison et maître d’une place, l’éventail des situations du miles est large. En 1163, les milites de Termes sont partagés en même temps que les maisons qu’ils occupent, et ne sont guère mieux traités que du bétail46. En revanche, ceux d’Alzonne possèdent des hommes dans le castrum47, ceux de Penne ont prêté serment au vicomte de Lautrec tout comme les seniores du lieu48, et ceux d’Avène agissent peu ou prou comme un seigneur collectif49.
18Mais de ces derniers, précisément, que penser ? Ils sont issus de grands lignages aristocratiques pour les uns, héritiers de la lignée des châtelains locaux pour les autres50. Pourquoi choisissent-ils de se dire milites ? N’estce pas ici une référence à un mode de vie, à une éthique, en un mot, à la chevalerie ? Le miles, on ne peut en douter, c’est un cavalier51, c’est un homme de guerre52, souvent violent53 ; sombres réalités, d’où s’extrait la chevalerie. Au milieu du xiie siècle, en prison à Toulouse, Raimond Trencavel recommande son fils au comte de Barcelone « pour l’équiper et le faire miles »54. C’est bien à la chevalerie et à la cérémonie de l’adoubement qu’il est aussi fait allusion dans un texte de 1172, dont une clause stipule une condition temporaire, « jusqu’à ce que Petrus soit fait miles »55. Le cartulaire des Guilhem de Montpellier contient même une allusion très précoce à l’adoubement (adobare), avant 111556. Et quand, juste avant sa mort, Roger II prend soin de faire jurer à ses milites d’être fidèles à son fils, il désigne par ce vocable la plus haute aristocratie régionale, les Saissac, Cabaret, Niort, Vintrou… Ces soixante quatre hommes sont des barons qui ne répugnent pas à être dénommés chevaliers57. Cinquante ans auparavant, l’accord entre Alfonse Jourdain et Roger Ier devait être assuré par des milites, dont on ne connaît malheureusement pas les noms, ni donc la position sociale : Ermengarde de Narbonne devait fournir quarante milites de Narbonne comme garants, son mari vingt, Roger Ier vingt milites du Carcassès et du Razès, Raimond Trencavel et Raimond Etienne de Servian vingt du Biterrois et de l’Agadès, Pierre de Minerve, Guilhem et Sicard vicomte de Lautrec, vingt encore58. Le miles est ici un chevalier, mais aussi un vassal qui relève d’une terre, à raison de ses fiefs.
19Homo, miles ne désignent pas deux catégories différentes, mais les termes ne sont pas non plus absolument interchangeables. Le contexte dicte les emplois. Miles couvre une gamme de situations allant de la soldatesque à la chevalerie59, homo va du servage à la vassalité la plus honorable. Miles renvoie à la garnison et ne marque pas forcément le lien vassalique, bien qu’il le sous-entende presque toujours60. Homo, c’est d’abord l’homme du seigneur, son vassal, mais aussi parfois l’homme du château.
4 - Fideles et fevales
20Quant à fidelis, il n’a pas la même faveur qu’en Catalogne61. Certes le mot apparaît sans cesse, mais sous sa forme adjectivale ou adverbiale beaucoup plus fréquemment que comme substantif. Les serments disent que le vassal doit être celui qui aide fidèlement et droitement son seigneur, qu’il doit lui être fidèle pour tel château, qu’il doit lui être fidèle comme un homme… Seules deux occurrences en font un nom commun. Significativement, l’une d’elle se situe dans un contexte catalan : il s’agit de la nouvelle soumission du vicomte au comte de Barcelone en 115862. Dans la seconde, fidelis est employé conjointement avec homo, dans une coordination de deux substantifs qui joue comme une figure de style63. En Languedoc, l’homme promet d’être fidèle, mais ne se dit pas couramment le fidèle de son seigneur.
21Les fevales sont à peine plus fréquents dans nos sources. Le mot désigne clairement « ceux qui tiennent des fiefs » ; son emploi est exclusivement attesté dans le Midi64. L’évolution de son sens a suivi celle de sa racine fevum. On peut adhérer aux conclusions de E. Magnou-Nortier qui, au milieu du xe siècle, découvre des fevales attachés au sort du fief contemporain, de type ancien, public65. Plus de deux siècles plus tard, quand des fevales sont cédés avec leurs fiefs, cités dans des listes généralement après les homines et feminas, comment ne pas y voir des tenanciers de fiefs roturiers66 ? Aux xie et xiie siècles, les donations et inféodations mentionnent des fevales qui suivent fréquemment le sort du bien aliéné. Par exemple, dans la donation d’un honor à Aniane en 1075, les homines fevales sont donnés avec le service qu’ils devaient aux donateurs et qu’ils devront désormais à l’abbaye67 ; en 1096, dans une autre donation à Aniane, les fevales sont cédés et sont dit « dépendre de l’alleu »68. De la même façon que les seigneurs de Termes se partageaient leurs milites, ceux de Castries répartissent entre eux leurs fevals69.
22Mais parfois ceux-ci semblent avoir un droit assez fort sur leur fief pour qu’on ne puisse leur imposer un tel changement de seigneur sans qu’ils soient consultés70 : soit le donateur dédommage le fevalis en lui affectant un autre droit équivalent à celui qui est cédé71 ; soit, dans certaines donations pieuses, il excepte les fevales de la donation, mais se fait fort d’obtenir leur propre cession par tous les moyens : volontairement (pro mercede ou per timorem Dei), contre argent (pro munere ou per avere), voire même avec des menaces spirituelles que le donataire sera en mesure de lancer (per excommunicationem)72. À une reprise, un manse est même cédé à Gellone, par Raimond d’Anduze, mais les fevales en sont restitués par l’abbé du monastère au donateur… en fief73. Le choix entre les deux options doit dépendre des situations locales et des rapports de force entre le seigneur qui donne et son tenant-fief ; il est possible, mais pas certain, que le premier choix (le fevalis suit le destin du bien) soit fait en présence de tenures roturières, et que le second (l’impossibilité d’aliéner sans l’accord du fevalis) marque des fiefs de chevaliers, chaballarios.
23On peut constater que souvent ces fevales participent au prélèvement de redevances : cela n’a rien pour étonner, le fief étant aussi un moyen de redistribution de la rente seigneuriale. Le fief a pu être constitué sur des quarts, sur des dîmes, ou sur d’autres droits ecclésiastiques74 ; ailleurs des fevales sont solidaires d’un viguier pour prélever des droits d’entrée ou des albergues sur des manses et des apendaries75. Si toute la meilleure aristocratie régionale possède des fiefs, ses membres n’en sont en revanche pas dits fevales : le terme semble réservé aux fiefs mineurs de chevaliers, ou aux fiefs « roturiers ». Quelques exceptions cependant. La première prend place dans un contexte conflictuel, après la révolte nobiliaire du Carcassès et sa répression. Nous avons déjà évoqué ce texte : en 1127, Roland de Bize est forcé par Bernard Aton IV à lui rendre les fiefs qu’il tenait de lui. On peut supposer que c’est à cause de son implication dans le soulèvement fomenté par des seigneurs du Carcassès et du Minervois, dans les années 1120-1124. Bernard Aton avait donc des querelas contre Roland, que celui-ci n’a pu apaiser, car, ajoute-t-il, ses fevales ont refusé de l’y aider76. Or ces fevales ont été identifiés par C. Duhamel-Amado : ils appartiennent aux plus grandes familles seigneuriales du Biterrois77. Un scénario probable peut donc être reconstitué : le vicomte est en train de perdre sa mainmise sur Béziers, les grands se rapprochant de la curie épiscopale ; Bernard Aton installe alors dans sa tour vicomtale un « étranger », seigneur de Bize en Minervois78. Les membres de l’aristocratie biterroise l’acceptent mal, et refusent d’aider ce dernier à un moment où il en aurait eu besoin (pour « satisfaire » les plaintes du vicomte). Roland les a sollicités au nom de l’aide que lui doivent ces hommes qui tiennent des fiefs du vicomte, des fiefs qui « meuvent » de la tour de Béziers79. Les fevales sont ici clairement des vassaux ; l’emploi de ce vocable inhabituel à ce niveau social peut être rapporté soit à une émergence de la langue vulgaire, dans un contexte atypique, soit à une volonté de rabaisser ces barons trop indépendants, en utilisant un terme en cours de dévalorisation. Un peu plus tard dans le xiie siècle, des membres de la bonne aristocratie languedocienne sont aussi cités comme les fevales de Guilhem de Montpellier80. Fevales semble désigner jusqu’au xiie siècle plus une relation hiérarchique et un rapport de droit qu’un statut social : il s’applique préférentiellement à des milites ou à des paysans par rapport à leur seigneur, mais peut aussi désigner de grands barons face au vicomte ou seigneur de Montpellier.
5 - Senior, dominus et baro
24À la troupe des vassaux, on ne peut cependant opposer symétriquement un « groupe des seigneurs ». Tout dépend ici aussi des circonstances, des relations personnelles en jeu. Un vicomte de Minerve se dit homme du Trencavel, un cavalier de garnison s’intitule seigneur de ses dépendants. Ces seigneurs sont appelés dominus, senior ou baro.
25Ce dernier terme est le plus rare et le plus spécifique. On ne le trouve que dans les accords entre grands, vicomtes Trencavel, comtes de Toulouse, comtes de Barcelone. Il recouvre alors un groupe de magnats, qui sont leurs vassaux les plus puissants et qui, dans la solennité de ces contextes, ne sont pas dits leurs « hommes », mais sont parés du titre de « baron »81, toujours employé comme dénomination collective, jamais comme titre individuel. Sans doute voulait-on, à la manière catalane par exemple, faire apparaître une élite sociale parmi ce monde de vassaux82. On ne pouvait pour autant rompre brutalement avec une tradition d’homologie sociale factice fondée sur la similitude des relations d’homme à homme. Aussi l’usage du mot « baron » est nettement élargi quand, en 1150, un seigneur de Saissac conclut une concordia avec le vicomte « après avoir pris conseil auprès de sa femme, de ses fils, et de ses autres barons et milites »83. La notation de puissance est ainsi effacée, le terme est rapporté à un contexte de segments interchangeables des chaînes vassaliques, et les barons, quelle que soit leur importance, sont replacés dans leur situation de vassaux84.
26Seniores et domini sont en revanche fort courants. Ils semblent, dans leurs différents usages, tout à fait superposables. Ainsi ils peuvent tous deux renvoyer au seigneur d’un château. C’est en tant que dominus du castrum d’Auriac que Raimond Trencavel juge le différend entre les coseigneurs85. Les domini de Clermont exigent le serment de leurs castlans86. À Ventajou en 1176, on se dit senior du château87 ; à Penne en 1142, les prestataires du serment sont nommés seniores et milites ; à Montredon en 1181, milites et domini88. De la même façon, le seigneur supérieur, le « suzerain », quand ce lien personnel est qualifié, est appelé indifféremment dominus meus ou senior meus89. Et quand un grand seigneur comme Elzéar de Castries se fait inféoder un château, en l’occurrence Calvisson en Nîmois, au tournant des xie-xiie siècles, il peut imposer au vicomte que celui-ci ne désigne pas un autre dominus au-dessus d’Elzéar, qui ne soit le vicomte ou ses héritiers90. En somme, il n’est guère possible de discerner la moindre différence dans la polarisation des deux termes ; ils s’insèrent, aussi bien l’un que l’autre, dans l’énonciation des réseaux de fidélité comme dans la description de l’univers castral.
27Seules deux spécificités peuvent être relevées en ce qui concerne dominus. C’est tout d’abord ce terme qui est préférentiellement mis au féminin pour désigner la femme du seigneur : domina se rencontre fréquemment, alors qu’on ne trouve qu’une seule occurrence de segnioressa91. Ensuite, dominus a évolué dans le Midi vers un titre proclitique, évolution que l’on sent déjà dans l’abréviation courante domnus92, alors que l’on ne connaît pas les altérations de senior vers sire ou sieur qui furent l’apanage des régions septentrionales93.
28Pour ténue qu’elle soit, il est donc une conclusion qui vaut la peine d’être rappelée. Si dans nos textes, de par leur nature, ce sont en grande majorité les maîtres des châteaux, les magnats, les comtes et vicomtes qui apparaissent comme seniores, domini ou barones, ces termes ne peuvent être dissociés des relations d’homme à homme. Par delà leur implication de droits sur les choses, ils sont des positions relatives (en l’occurrence, opposées pour baro d’une part, senior et dominus d’autre part). Ces liens entre seigneurs et vassaux, entre homines, milites, barones, seniores et domini, il convient à présent de les éclairer.
II - LES ENGAGEMENTS RÉCIPROQUES
1 - Auxilium et consilium : les engagements du vassal
29S’il existe donc bien des vassaux, rarement dénommés tels, mais hommes ou milites, quels sont les engagements qu’implique ce lien personnel ? Rien que de très classique dans les devoirs de nos hommes vis-à-vis de leur seigneur. Il se trouve même un texte de 1150 pour reprendre l’expression typique auxilium et consilium94 : après avoir reconnu qu’il tient Saissac de Roger Ier, Isarn Jourdain promet qu’il mettra en œuvre « l’aide et le conseil, fidèlement, selon ses possibilités, pour le vicomte »95. C’est là la seule occurrence claire et exacte de ce couple de mots. Mais sous des formulations variées, on peut reconnaître beaucoup plus largement la nature des obligations du vassal : aider et conseiller son seigneur.
L’aide
30L’aide est promise par les prestataires des serments dès les premiers textes, au début du xie siècle. Mais, selon une évolution identique et contemporaine à celle qu’a connue la clause de restitution du château, l’aide est d’abord limitée à la reprise du castrum si jamais celui-ci avait été enlevé. La formule employée est : « X aidera Y contre les hommes et les femmes qui lui auraient pris le château, jusqu’à ce qu’il l’ait récupéré »96. Puis, à partir des années 1060, la promesse d’aide se détache de la réalité du château pour devenir une mobilisation permanente à toute semonce du seigneur. On commence à rencontrer, dans des serments à la vicomtesse Ermengarde, la clause énoncée de façon beaucoup plus contraignante pour le fidèle : « je t’aiderai à l’encontre de tous les hommes et toutes les femmes qui auraient pris tes fiefs ou tes alleux et contre lesquels tu me semonceras, par toi ou par ton messager ou par tes messagers, de t’aider ; et à cette promesse d’aide je ne me soustrairai pas pour te tromper ou te mettre en danger »97. Dès le début du xiie, le substantif neutre « aide », adjutorium, est remplacé par le masculin, adjutor, qui est parfois qualifié : « je serai ton « adjuteur » vrai et fidèle »98. L’aide rejoint alors l’expression de la fidélité pour résumer le cœur des engagements dans les serments pour un château.
31Cette aide est, bien entendu, une aide militaire. La clause de promesse que nous venons d’analyser est à plusieurs reprises, dans la deuxième moitié du xiie siècle, remplacée par une formulation nettement plus martiale : « de toutes nos forces nous les combattrons [ceux qui auraient enlevé le château], jusqu’à ce que nous ayons récupéré le castrum »99. Dans les actes d’un autre type que les serments, les hommes d’un seigneur peuvent être appelés adjutores, auxiliatores, defensores. Il s’agit manifestement de vassaux dont l’aide prend un caractère résolument guerrier, comme dans ce texte de finis de 1160 où ils sont accusés de sinistres méfaits commis en compagnie de leur seigneur100. Le lien vassalique est ici déterminé par l’engagement qui semble en constituer l’essence : l’aide définit le vassal. Elle est d’ailleurs clairement subordonnée à la détention d’un fief dans des formules d’inféodation du milieu du xiie siècle. « Je te donne un localis à fortifier dans mon château de Villefort… en fief ; la condition en est que, pour ce fief, vous et votre postérité à moi et à ma postérité, en toutes choses, contre tout homme qui s’en prendrait violemment à nous, vous soyez de fidèles « adjuteurs » et défenseurs à jamais »101, déclare Raimond Trencavel en 1152. Et quand Bernard Aton V inféode la villa de Bezouce, il demande à Rostaing de Marguerittes d’être présent (ou vaillant ?) et de l’aider dans toutes ses guerres contre tous les hommes sans exception102. Le service militaire est « la raison d’être première du fief »103 ; nos actes énoncent clairement que le fief est cédé pour obtenir l’aide du bénéficiaire. L’abandon post mortem fait par Ermengarde de sa seigneurie sur le château de Fabrezan, en 1193, a même pour seul but de se gagner l’aide d’Ermengaud104. La seule source narrative que nous ayons conservée pour ces périodes précoces, la Chanson de sainte Foy – rédigée vers 1060-1070 – exprime déjà nettement le lien entre aide militaire et fief : « Maximin fit armer son fils/il lui dit d’aller mander son ost/ … Il envoya ses lettres et ses courriers/il manda ceux qui tenaient de lui des fiefs »105.
32L’adjutorium de guerre est la substance du devoir vassalique, mais celuici ne s’y résume pas. L’aide comporte aussi le service d’escorte, comme Raimond Trencavel l’exige des milites du château de Capendu, encore que ce sequentium puisse évoquer plus largement la chevauchée106. Cette aide peut prendre des aspects très particuliers : un texte de finis de 1160 stipule que les milites doivent couramment des fidancie à leur seigneur, mais l’on ne peut décider ce que recouvre exactement ces cautions – caution pour le procès en cours, ou gage du respect des engagements vassaliques en contrepartie du fief107 ? Quant au servicium, qui peut être également promis en contrepartie d’un fief, on ne peut guère savoir ce qu’il désigne exactement, l’aide, l’escorte, la chevauchée, voire le conseil108. Servir, c’est l’essence même du devoir du vassal envers son seigneur, ce qui résume tout : un seigneur de Montpellier se plaint de Bernard Guilhem qui a un fief de lui et qui ne le sert pas bien ; un autre, de Gaucelm de Claret et de ses nepotes qui tiennent un fief de lui et qui ne le servent pas comme ils doivent le servir109. Ce devoir de service exprime à ce point le rapport féodo-vassalique qu’il a pu être utilisé comme base à la reformulation de la célèbre clause sicut homo : « que Bernard Aton le serve [Alfonse le Batailleur, roi d’Aragon] comme un homme doit servir son seigneur pour son fief »110. Le service constitue donc un condensé des devoirs vassaliques, dont le contenu n’est jamais explicitement défini : il résume et couronne tous ces devoirs111.
Le conseil
33Dans quelques serments, rares il est vrai, une clause énonce clairement le devoir de conseil de la part du vassal : il s’agit de son obligation de faire savoir à son seigneur tout ce qui se trame contre lui et dont il aurait eu vent112, ou bien de l’interdiction qui lui est faite de divulguer des informations dont son seigneur lui aurait fait part113. Le respect du secret est d’ailleurs une des obligations vassaliques selon Fulbert, dans sa fameuse lettre au duc d’Aquitaine114.
34La rareté de ces clauses ne révèle pas de l’indifférence quant à ce devoir du vassal. Le conseil apparaît de façon détournée dans la formulation de nombreuses autres obligations. Par exemple, dans les serments de fidélité qui sont accompagnés d’une sécurité, l’inventaire des biens du seigneur garantis par ces engagements comprend les possessions qui seront acquises « avec le conseil du vassal »115. Cette restriction peut signifier deux choses : soit l’acquisition de biens par le seigneur est couramment soumise au conseil des vassaux, soit le vassal limite son aide aux biens dont il aurait approuvé l’acquisition. Il est possible, bien que l’on n’en ait qu’une seule mention certaine, que l’accord des vassaux fût requis pour beaucoup des opérations foncières ou féodales effectuées par le seigneur116. Le conseil apparaît par ailleurs comme un mode d’action non négligeable, dans cette société organisée par des réseaux de relations personnelles. On s’en défie au même titre que du « mal engin » ; en témoignent des clauses présentes dans tous les serments117.
35Au titre de ce conseil dû, le seigneur peut aussi appeler ses vassaux pour l’assister en justice118 : ils sont alors désignés sous les termes d’assistentes, assidentes, assessores, et se mêlent à de hauts personnages invités ou à des techniciens de la chose juridique pour aider à trancher des litiges. Ainsi en 1163 pour débrouiller les querelles entre les héritiers de Termes, Raimond Trencavel convoque comme assesseurs un évêque et deux maîtres en droit, mais aussi un certain nombre de ses hommes, dont on sait par ailleurs qu’ils sont des vassaux du vicomte et dont on peut raisonnablement considérer qu’ils sont là au titre de leur devoir vassalique119. De tels exemples ne sont pas rares120. Ce sont bien des vassaux qui peuplent la curia du vicomte, qui, en grande part, sont la cour du Trencavel121.
36Cette cour féodale peut être réunie pour traiter de litiges judiciaires, mais aussi pour délibérer de la paix et de la guerre, des affaires générales de la vicomté. L’accord entre Alfonse Jourdain et Roger Ier en 1132 a été conclu avec le conseil de leurs barons, suis consiliantibus baronibus122. En 1150, à la suite des revendications armées de son frère, Raimond Trencavel conclut une composition à l’amiable pour laquelle ils ont sollicité tous deux l’accord et le conseil de leurs hommes, laudamentum et consilium123. Le vassal doit bien l’aide et le conseil à son seigneur, l’assistance à sa cour et la chevauchée à ses côtés, la fidélité de plag et de guerra124.
L’albergue
37Le devoir vassalique se cristallise en outre dans presque toutes les inféodations par l’exigence, de la part du seigneur, d’une albergue, c’est-à-dire un droit de gîte. Elle peut être considérée comme une des formes de l’aide due par le vassal à son seigneur ; elle en constitue le versant économique. On peut aussi considérer qu’elle est en grande part liée au caractère rendable de tous ces châteaux inféodés. Elle consiste en l’hébergement du seigneur et de sa troupe de cavaliers, qui sont désignés comme ses milites ou ses equitantes, avec tous leurs chevaux. L’honneur de recevoir cette compagnie devait certainement être lourd, car il fallait, eux et leurs chevaux, les « nourrir excellemment et honorablement »125. En outre, le seigneur peut l’exiger quand il veut126. La clause des serments qui stipule la restitution du château précise que celui-ci doit être rendu, que le seigneur soit iratus ou pacatus, c’est-à-dire en guerre ou en paix. Iratus, le seigneur veut pouvoir s’installer dans le château et l’utiliser comme base d’opérations127 ; pacatus, il doit être reçu aux frais du fidèle au gré de ses déplacements et de ses besoins. Cette clause iratus vel pacatus est loin d’être une formule figée ou insignifiante. Dans les serments, elle sous-entend une albergue inconditionnelle, « à merci ». Quelques inféodations limitent cependant sa périodicité à une fois l’an. Mais dans certains contextes, quand le rapport de forces se fait moins lourdement en faveur du seigneur, l’albergue de paix peut être considérablement limitée : le seigneur de Montpellier, dans un serment au comte de Toulouse, ne la lui promet qu’une fois, à chaque changement de seigneur ou de vassal (à chaque prestation de serment), l’hébergement en temps de guerre continuant à être exigible à volonté128.
38Iratus et pacatus, mais aussi avec et sans forfait : dans un serment au comte de Foix en 1176, le seigneur de Saint-Félix, Peire, lui promet l’aide, la restitution sans délai à toute semonce, et il s’engage à ce que le comte puisse faire la guerre à partir de cette fortification. Dans ces guerres, si Peire ne voulait aider le comte [et donc était en forfait], ce dernier pourrait quand-même tenir Saint-Félix ; si au contraire il l’aidait, Peire tiendrait luimême son château et le comte pourrait faire la guerre à partir de lui de la même façon129. Le comte de Foix s’assure donc d’une base militaire en toutes circonstances, quelle que soit l’attitude de son vassal, ne serait-ce pas là une explicitation de la clause « avec et sans forfait » ? L’albergue est explicitement liée au château, à la fortification130, et exigée dans la grande majorité des inféodations du xiie siècle recopiées dans le cartulaire des Trencavel. Elle suit parfois le sort du castrum sur lequel elle est assise, et est inféodée en même temps que lui131 ; mais peut aussi être détachée de sa base réelle132. Traitée comme un bien, elle peut être donnée, échangée, inféodée pour elle-même.
39L’albergue peut être réelle : elle consiste alors en l’accueil effectif des hommes et des chevaux. Un texte stipule même que, si le vicomte n’était pas venu une année, il ne pourrait se faire héberger l’an suivant au titre de l’albergue de l’année précédente133. Elle est aussi parfois convertie en argent : une albergue inféodée en 1171 est de cinquante milites ou cinquante sous melgoriens134. Le miles devient alors une sorte d’unité de compte, qui peut se partager par moitié135, sans que l’on sache s’il équivaut toujours à un sou melgorien comme dans le cas précédent.
40À propos de l’albergue, nous voici encore une fois affronté au mystère des analogies entre le vasselage et la dépendance paysanne. Elle semble même être une taxe qui prouve la possession d’hommes. Ainsi, lors d’un litige sur l’appartenance d’un groupe de paysans entre le Trencavel et Ugo Escafredi en 1153, pour décider à qui ils sont, on cherche à qui ils doivent l’albergue. Le cas n’est pas tranché ici, car le texte se borne à consigner que chaque partie a produit des témoins qui attestent qu’ils lui paient l’albergue, et ce depuis plusieurs générations136.
41Être fidèle vassal de son seigneur impliquait donc des devoirs étendus, organisés autour de l’aide, du conseil et de l’albergue. Sous ces catégories larges bien des choses pouvaient sans doute être entendues137. Mais il est difficile de croire qu’un texte du début du xiie siècle pouvait stipuler que le vassal devait tenir l’étrier de son seigneur lorsque celui-ci montait à cheval ! C’est pourtant bien ce qu’aurait voulu faire accroire l’abbaye de Lagrasse dans le fameux acte d’hommage qu’aurait prêté Bernard Aton IV en 1110. Ce texte est au moins interpolé, si ce n’est purement et simplement forgé de toutes pièces. L’objet de la manipulation est évident : il s’agit de faire valoir des prétentions de Lagrasse sur les biens nouvellement récupérés par le roi de France de l’héritage Trencavel. L’acte n’est connu que par un vidimus de 1253138 dont clauses et formulations sont aberrantes comparées à celles couramment livrées par les chartes du début du xiie siècle. Les tournures employées sont d’un autre temps : « je serai ton fidèle vassal », « je te ferai hommage et fidélité de mains et de bouche », « je viendrai en personne faire la reconnaissance de ces fiefs, à l’abbaye, à mes frais, à chaque changement d’abbé »139. Il ne s’agit pas ici de nier ni la vassalité, ni l’existence des fiefs, mais de rappeler que, dans les actes des xie et xiie siècles, elles ne s’expriment pas en ces termes.
2 - Vis curialis et potentia amicorum : les engagements du seigneur
La fidélité du seigneur
42« Le seigneur doit aussi en toutes choses rendre la pareille à son fidèle », dit Fulbert de Chartres140. En contrepartie des promesses du vassal, le seigneur s’engage lui aussi dans le lien personnel en termes symétriques. En 1150, quand Raimond Trencavel donne un fief aux deux frères Guilhem et Bernard, héritiers des derniers comtes de Carcassonne, il leur garantit qu’il les aidera à le conserver : « si quelqu’un s’en emparait, je serai votre garant, « adjuteur » et défenseur en justice comme en guerre »141. On retrouve ici la dualité du service vassalique, l’auxilium et le consilium, sous la forme placitum et guerra. Un demi-siècle plus tard, la promesse du seigneur est reformulée en des termes étonnamment semblables, quand Raimond Roger promet à Bernard Raimond de Capendu de l’aider à tenir ce qu’il vient de lui concéder et de ne pas lui faire tort « par la force de sa cour ou la puissance de ses amis »142. On pourrait même déceler ici une intéressante figure de style, un chiasme, qui attribue la violence à la cour et la puissance aux amis, là où on aurait attendu l’inverse.
43Le vicomte peut d’ailleurs tout à fait promettre son aide à l’un de ses hommes, comme le fait Bernard Aton à Ermengaud de Fabrezan, dans un contexte particulièrement troublé, il est vrai. La guerre fait rage entre le Trencavel et le vicomte de Narbonne dans les années 1120 et les deux groupes de coseigneurs du Vintrou ont choisi chacun un camp. Le vicomte prête un serment à son allié, Ermengaud, dans des termes absolument identiques à de nombreuses autres sécurités ; il lui promet d’être « son droit et fidèle « adjuteur » contre Aimeric de Narbonne…, contre Petrus Raimundi et ses frères [les autres coseigneurs]…, et il fera cette aide chaque fois qu’elle lui sera réclamée… et il ne se soustraira pas à cette semonce »143. Le château du Vintrou est bien « mouvant » de la vicomté des Trencavel, nous avons plusieurs serments qui en attestent aux xie et xiie siècles144, ses seigneurs sont bien des vassaux. Une fois le conflit avec Narbonne apaisé, les deux groupes de coseigneurs font d’ailleurs à nouveau serment à Roger Ier, en 1132145. Un grand seigneur tel le comte de Barcelone a aussi à plusieurs reprises promis son aide à son fidèle Trencavel146. Ces textes de serment sont en fait à la limite entre des engagements d’aide du seigneur envers son fidèle et des alliances offensives ou défensives entre puissances.
44Les sécurités expriment d’ailleurs parfois la fidélité du seigneur de façon spécifique, avec les mots causimentum ou credencia, sans que cela soit exclusif des habituels fides ou fidelitas, comme nous l’avons déjà signalé147. Ainsi en 1127, Bernard Aton IV, « promet à la place du serment » sa foi à Guilhem de Minerve, à qui il vient d’inféoder des castra, et « le reçoit dans son causimentum et son serment »148. Ramon Berenguer IV comte de Barcelone emploie les mêmes termes en 1158 à la suite de la soumission de Raimond Trencavel : il respectera les accords établis « par sa bonne foi et sa credentia, à la place du serment »149. Deux seigneurs du Nîmois, deux frères, Séguin et Bernard, dont on ne sait malheureusement pas ce qu’ils ont en fief du vicomte, sont assez forts pour lier leur prestation d’albergue (une fois par an, pour cinq milites) au respect par le vicomte de son devoir de les protéger, eux et leurs biens meubles et immeubles : il les reçoit dans sa custodia150.
45Cette fidélité du seigneur n’est pas toujours explicitement énoncée ; elle est cependant sous-entendue, comprise dans le code de conduite sousjacent qui informe les serments. Au xie siècle d’ailleurs est évoquée en toutes lettres dans les serments la possibilité d’une forfaiture du seigneur. Cette clause étonnante semble inconnue en Catalogne où apparemment « le seigneur ne peut jamais forfaire »151. La formule des serments languedociens stipule que le fidèle sera tenu de respecter ses engagements tant qu’il ne pourra prouver que le seigneur aura tenté de lui enlever ou de lui interdire le château objet du serment. Elle n’apparaît strictement qu’au xie siècle, dès les premiers serments à Aton II, et disparaît en même temps que Raimond Bernard Trencavel dans les années 1070 ; elle n’est présente dans aucun serment à Ermengarde, ni a fortiori à ses descendants. L’éventualité d’un forfait du seigneur est exprimée dans vingt-sept serments du xie siècle152, et trouve son plus grand développement dans les fameux serments de Lautrec, où les causes d’infidélité du seigneur sont étendues, audelà du château, à tout attentat contre le corps, la vie et les membres du fidèle : « à ce qui est écrit plus haut, Froterius [le fidèle] s’en tiendra et il l’observera envers Isarnus [le seigneur], avec ou sans forfait, à condition que Froterius ne puisse prouver d’Isarnus qu’il a manigancé que Froterius perde sa vie ou les membres que porte son corps ; ou qu’il a manigancé sa capture avec rançon à son détriment ; ou qu’Isarnus a manigancé que Froterius perde le château de Lautrec ou un des châteaux dont il est le maître »153.
46Comment expliquer l’insersion de cette clause uniquement dans les premiers serments, si ce n’est par la faiblesse relative des vicomtes par rapport aux lignages castraux en place, en ce début de xie siècle ? On a déjà dit qu’il était impossible de savoir comment les vicomtes sont arrivés à se faire reconnaître tous les châteaux pour lesquels un serment leur est prêté. Certains sont des fiefs de reprise, d’autres sont acquis à la suite de guerres. Mais les négociations durent être rudes ; les clauses énoncées traduisent un rapport de forces. Il est sans doute significatif que la mention d’une infidélité possible de la part du seigneur – infidélité qui rendrait le serment caduc – disparaît quand les Trencavel se rendent maîtres de l’héritage des comtes de Carcassonne. Ils ont alors acquis un statut qui leur permet d’imposer des serments en apparence inconditionnels pour eux.
Seigneurs et vassaux en justice
47La fidélité due par le seigneur à son vassal a aussi des implications judiciaires complexes. Le prestataire de serment se porte garant de ses hommes vis-à-vis de ceux à qui il est amené à prêter serment. Dans les sécurités, qui peuvent soit sceller des alliances entre grands, soit accompagner un serment pour un château, chacun exclut généralement ses propres hommes de la liste de ceux qui pourraient être attaqués. Si cependant ces derniers commettaient des actes délictueux envers celui à qui est prêté le serment, leur seigneur promet de les obliger à rendre justice, ou, s’il ne pouvait y parvenir, à aider militairement celui à qui est jurée la sécurité. « Je vous aiderai fidèlement contre tous les hommes, sauf contre le comte de Toulouse, et sauf contre mes hommes ; et s’il arrivait que mes hommes vous fissent un tort quelconque, et qu’il ne voulussent pas faire droit par moi, je vous aiderai contre eux fidèlement », promet Sicard de Laurac au vicomte en 1158154. Et le comte de Rodez, dans la sécurité qu’il jure à Roger Ier dit de façon encore plus claire : « je te jure que je t’aiderai fidèlement contre tous les hommes sans te tromper, sauf contre Sicard de Lautrec et contre mes hommes ; mais si toi Roger vicomte, fils de Cecilia, avais une plainte quelconque à formuler contre eux, moi Hugues comte j’obligerai ces hommes à te faire droit par ma cour ; et s’ils ne voulaient pas, je t’aiderai contre eux sans dol »155. On rencontre de telles clauses dans les sécurités dès la fin du xie siècle156 et pendant tout le xiie, en particulier dans toutes celles qui sont jurées par les comtes de Toulouse aux Trencavel au gré de leurs réconciliations périodiques157.
48Cette clause implique plusieurs choses. Tout d’abord, les « hommes », les vassaux ont un statut particulier : ils sont exclus systématiquement des sécurités « contre tous ». Il semble naturel qu’un seigneur s’engage à ne pas attaquer ses propres vassaux. Mais si ceux-ci commettaient malgré tout un méfait, ils seraient immédiatement justiciables de leur seigneur, qui pourrait alors les forcer à comparaître devant sa cour158. Il est en quelque sorte responsable d’eux vis-à-vis de son partenaire dans la sécurité. Il doit les juger, mais peut aussi les aider en justice, ce sont les deux versants de son engagement. Cet engagement tente de combler une « lacune du droit de la vassalité » : un seigneur n’a pas de pouvoir judiciaire sur ses arrière-vassaux, il ne peut ni les citer, ni les condamner directement en justice159. Après avoir promis d’aider le vicomte contre tous ceux qui voudraient lui enlever ses honores, le comte de Toulouse, dans une sécurité de 1171, affirme : « il est vrai cependant que je peux, sans attenter au serment, répondre de mes hommes contre toi et les défendre, pourvu que je les contraigne à se rendre au jugement et à te rendre justice selon la procédure juridique »160. Il est donc normal qu’un seigneur serve de garant, de répondant, de défenseur à son vassal161.
49Cette aide en justice et cette dépendance judiciaire vont si loin qu’elles ont pu permettre de définir qui sont les hommes de quelqu’un. Ainsi le vicomte de Narbonne, lorsqu’il prête un serment de sécurité à Raimond Bernard et Ermengarde, excepte « ses hommes dont il peut faire droit »162. Un exemple permet de voir effectivement fonctionner ces dispositions. Un grave conflit oppose avant le milieu du xiie siècle deux groupes de coseigneurs de Lavaur, certainement dans le contexte des guerres en Albigeois entre Alfonse Jourdain et Roger Ier, vers 1142-1143. Entre autres turpitudes, Guillelm Petri est accusé parce qu’il n’a pas fait rendre justice à Raimond de Castlar pour ses milites de Verfeil, et que cela a causé beaucoup de tort aux autres coseigneurs : il est condamné par la sentence. Le cas est fort complexe et l’imbrication des droits sur Lavaur reste obscure. Il en ressort cependant que la faute du seigneur est de n’avoir pas répondu des actions de ses hommes, de ne pas les avoir fait comparaître et qu’il est condamné pour cela163.
50Le seigneur, comme le vassal, s’engage donc à une certaine forme d’aide et de conseil, auxilium et consilium, mais ces deux termes sont bien évidemment réinterprétés dans le cas de chacun des deux protagonistes. Forcés de rendre justice de leurs hommes, les seigneurs sont ipso facto pris dans les filets d’un code de conduite implicite164.
III - AUTOUR DE L’HOMMAGE ET DE LA LIGESSE
51Le Languedoc a donc connu des vassaux qui promettaient aide et conseil à leur seigneur, lequel s’engageait aussi à les aider et à les protéger. Ces liens personnels, la forme somme toute assez classique qu’ils ont prise ne sont guère à mettre en doute. L’historiographie traditionnelle sur la question veut cependant qu’un vassal soit celui qui prête hommage, jure serment et reçoit investiture du fief165. Du serment, nous avons dit l’importance cruciale. L’investiture n’est pas un rite en Languedoc, comme dans tous les pays méridionaux ; inféodations et reprises en fief en prennent la place sur le parchemin. En revanche, l’hommage y est pratiqué, mais il s’insère dans des structures spécifiques. C’est de cela qu’il faut maintenant rendre compte. Le Languedoc a aussi connu les difficultés inhérentes aux vassalités multiples, celles qui parachevaient les descriptions classiques du lien vassalique. Nous tenterons dans un deuxième temps de dire comment les contemporains les ont résolues.
1 - L’hommage
52L’hommage est une institution qui apparaît relativement fréquemment dans les sources languedociennes. Comparées au nombre de textes qui peuvent le nommer – car celui-ci n’est jamais mentionné dans les serments – les attestations n’en sont pas si rares : dans le cartulaire des Trencavel, on peut en dénombrer au moins dix-huit qui sont incontestables, et une vingtaine dans celui des Guilhem. Leur chronologie et le type de textes dans lequel elles apparaissent sont toutefois particuliers. Si l’hommage est indubitable au xiie siècle, les occurrences antérieures prêtent plus à la discussion. C’est pourquoi, nous fondant sur ces mentions certaines, nous tenterons dans un deuxième temps de revenir sur la période antérieure pour analyser la préhistoire de ce rite.
Au xiie siècle
53Dans le cartulaire des Guilhem, l’hommage se rencontre couramment dès la première moitié du siècle : il apparaît dans neuf inféodations sur treize conservées pour cette période ; et dans onze sur quinze pour la seconde moitié du xiie166. Un des rares textes subsistant du chartrier des comtes de Toulouse contient aussi une mention de l’hommage en 1138, dans la reprise en fief de Bernis par Alfonse Jourdain167. La même chronologie se révèle dans les sources émanant des Trencavel. Dès 1121, l’hommage se présente comme un acte normal : quand Bernard Aton constitue la dot de sa fille Ermessinde pour son mariage avec Rostaing de Posquières, et qu’il leur donne les châteaux de Marguerittes, Calvisson et Beauvoisin, il stipule que « ceux qui les ont de nous les tiennent de toi de la même façon qu’ils les tiennent de nous, et te fassent pour ces châteaux ce qu’ils nous faisaient et devaient déjà nous faire, c’est-à-dire le serment et l’hommage »168. De même en 1123, il est naturel à Bernard Aton de stipuler que Guilhem de Pignan, lorsque sa sœur sera morte, aura le castellum d’Ornaisons contre fidélité et hommage qu’il devra lui faire169. L’hommage n’est donc ni une nouveauté ni quelque chose d’exceptionnel au tout début du xiie siècle. Dans un acte non daté d’environ 1118-1121, Bernard Aton reconnaît qu’il tient un fief de l’archevêque de Narbonne contre hommage, fidélité et serments170. Dans le cartulaire, la première attestation du vocable est à trouver dans un règlement judiciaire de l’année 1156, mais elle renvoie à une génération antérieure, puisque, pour déterminer le mode de détention du castrum de Brusque, on fait appel à des témoins qui certifient que « le père d’Austor faisait hommage au père des vicomtes de Bruniquel pour le fief qu’il avait d’eux »171. Il fut donc décidé qu’Austor lui-même devait tenir Brusque en fief des vicomtes, et qu’il devait leur faire l’hominium maxime, seule occurrence de cette expression172. Elle naît, à notre avis, d’un processus identique à celui qui a créé le feudum honoratum. Dans une même volonté de distinction – dans les deux sens du terme –, l’aristocratie tient à marquer la différence entre ses fiefs honorables et les fiefs paysans, entre l’hommage « le plus grand » et l’hommage servile qui commence aussi à se répandre173. À partir de cette date, les mentions se multiplient. En 1163, un autre conflit oppose les seigneurs de Montréal : Isarn Jourdain, ses frères et ses nepotes auront le tiers de Villalégut et de Montréal en fief honorable d’Ugo Escafre et de ses frères, « à condition que l’un d’entre eux fasse hommage à Ugo ou à un de ses frères »174. Nombreuses sont les inféodations et les reprises en fief effectuées par Roger II ou son fils qui impliquent la prestation d’un hommage, inféodations de leudes175, de castra176, ou reprises en fief177, ou donations de licence de fortifier178.
54Il est clairement exprimé que l’hommage est dû pour le fief, que celui-ci soit simple ou honorable. La lignée castrale qui reprend Murviel en fief de Roger II en 1183 interdit à celui-ci de donner ce château à quiconque sauf à l’héritier qui serait vicomte de Béziers : si le vicomte imposait un autre seigneur, la charte d’inféodation serait annulée – sit deletum – et l’honor reviendrait aux châtelains librement et sans lien d’hommage, libere et sine vinculo hominii. Comment exprimer plus clairement la corrélation entre hommage et fief179 ? Parfois cependant, le mot de fief n’est pas prononcé. Mais on ne peut douter que le castrum soit détenu en fief quand il est dit être tenu à la fidélité du vicomte contre un hommage180. On ne peut non plus contester que l’hommage soit une cérémonie supplémentaire, qui s’ajoute au serment de fidélité mais ne se confond pas avec lui. Dans certains de ces textes, on trouve en effet la précision : « ce castrum tu l’auras en fief, et tu me devras pour cela hommage et serment de reddition »181.
55L’hommage est donc très répandu au xiie siècle, mais sans devenir absolument obligatoire. Certaines inféodations stipulent des devoirs très contraignants de la part du vassal tout en omettant l’hommage. Ainsi en 1186, Roger II donne le podium d’Escoussens à trois hommes, à charge pour eux d’y édifier un castrum et des munitiones. Ils devront rendre le château à toute semonce et faire une albergue annuelle de cinquante milites, ils promettent d’être les « hommes bons et fidèles » du vicomte. Si jamais ils trahissaient – à Dieu ne plaise –, Roger prend une caution sur tous leurs honores et redditus, où qu’ils soient, et de plus fait désigner trois garants qui seront eux aussi responsables sur tous leurs biens182. Malgré tout cela, il n’est nulle part question d’hommage.
56Dans la première moitié du xiie siècle, le mot lui-même hominium ou hominaticum n’est parfois pas prononcé, il est seulement dit que le fidèle doit être l’« homme » du seigneur qui vient de lui céder un fief. Ainsi en 1149, Pierre de Minerve, en contrepartie d’une inféodation, déclare à Roger Ier : « à cause de ce don, je suis votre homme, et également sera votre homme celui qui aura cet honor après moi »183. La même expression se trouve dans la constitution de dot pour Bernarda de Comminges, quand Godafredus de Muret reconnaît qu’il tient, et son père avant lui tenait, ce castrum de Bernard Aton IV et qu’ils sont pour cela ses hommes184. Ne peuton y voir une allusion à l’hommage ? Cela nous semble d’autant plus vraisemblable que dans la deuxième moitié du siècle, sur quatre inféodations de leudes, les trois premières stipulent nommément un hommage, et la quatrième ne comporte que l’expression « nous devons être pour cela tes hommes », alors que par ailleurs ces quatre textes sont tout à fait identiques185. On peut penser qu’il n’y a entre ces textes qu’une différence de formulation – homo ou hominium –, et ce serait être bien nominaliste que de restreindre l’hommage aux occurrences effectives du mot. La même conclusion peut être tirée des accords avec le comte de Barcelone. En 1112, on rencontre en effet même la dualité entre serment et hommage que nous avons décelée dans certaines inféodations de la fin du xiie siècle : Bernard Aton promet qu’il sera l’homme de Ramon Berenguer III et qu’il lui jurera fidélité186. Le terme homo, que nous avions identifié comme expression de la vassalité, peut donc dans ces contextes féodaux renvoyer directement à la cérémonie de l’hommage.
57Au xiie siècle donc, l’hommage est incontestablement pratiqué et régulièrement mentionné en Languedoc, chez les Trencavel comme chez les Guilhem. La chronologie est identique en Provence et en Dauphiné où les attestations explicites commencent à l’extrême fin du xie siècle et se multiplient au siècle suivant187.
Au xie siècle
58Qu’en est-il au xie siècle ? Il est certain que les attestations sont beaucoup plus rares et qu’elles apparaissent toutes dans des contextes assez particuliers. Comme le soulignait J.-P. Poly, « il serait dangereux de penser que l’hommage est apparu en Provence seulement au xiie siècle. Des convenientiae plus nombreuses au xie siècle nous l’auraient peut-être fait rencontrer depuis longtemps »188. Les sources laïques du Languedoc, nous l’avons déjà souligné, offrent pour le xie siècle une écrasante majorité de serments. Or ce type d’acte ne mentionne pas l’hommage – y compris au xiie siècle –, même quand il est certain que le rite a été effectué189. Le serment ne transcrit que la partie orale du rituel, les paroles prononcées. Il est donc compréhensible que le rite effectué n’y trouve pas sa place.
59On rencontre cependant dès le xie siècle des mentions qui sont plus que des allusions. Une formule des serments peut être considérée comme une attestation relativement certaine de l’hommage : il s’agit de la célèbre clause qui apparaît chez les Trencavel sous Ermengarde, vers 1060-1070, « je te serai fidèle comme doit l’être un homme au seigneur à qui il s’est recommandé par les mains »190. Elle est présente dans neuf serments à Ermengarde et un à Roger Ier191. Une recommandation par les mains renvoie plus certainement à l’hommage qu’au rituel des serments par la main dont nous avons traité plus haut. Mais il n’est pas possible d’expliquer véritablement pourquoi ce formulaire ne fut adopté que pour ces cas-là192. Peut-être était-ce, avant les années 1130, avant que le mot « hommage » ne soit véritablement répandu, une façon de consigner qu’il avait été tout de même prêté. Mais on ne peut assurer qu’il ne l’était pas pour les castra dont les serments ne mentionnent pas la formule. Dès la fin du xie, c’est aussi certainement à l’hommage que fait référence une expression employée dans une inféodation entre deux branches de la famille de Castries : pour le fief qui vient de lui être cédé, Rostaing doit être « homme les mains jointes » et jurer fidélité à Dalmace193. Formule étonnamment parallèle de celle qu’emploie Roger de Muret lorsqu’il inféode une église à un clerc et à son gendre : qu’il « soit fait l’homme de ses deux mains »194.
60Mais le vocable hominium, hominaticum ou homagium est attesté pour luimême à quelques reprises au xie, toutes dans un contexte ecclésiastique195. Les deux premières concernent le mode de détention d’abbayes. La charte de 1053 pour Moissac semble cependant devoir être d’emblée écartée. E. Magnou-Nortier a décelé une falsification, ou au moins une interpolation, dans l’affirmation que cette abbaye était détenue du roi de France par les comtes de Toulouse in fevi jure et homagio196. L’expression « droit du fief » n’apparaît pas en Languedoc avant 1150, et homagium n’est pas la forme couramment utilisée par les scribes méridionaux, qui écrivent de préférence hominium ou hominaticum197. La détention en fief d’Aniane et Gellone contre hommage ne semble en revanche pas devoir être remise en cause. Elle peut être déduite de deux textes issus du cartulaire des Trencavel, qui les ont conservés et recopiés à partir des originaux sans doute hérités des comtes de Carcassonne. Ces actes sont traditionnellement donnés de « vers 1035 », mais rien n’interdit de les repousser jusque vers 1050198. Le premier est une notice qui relate un plaid entre Pierre Raimond, comte de Carcassonne, et son demi-frère Bermond de Sauve : techniquement il s’agit en fait d’une reprise en fief, Bermond abandonnant (relinquit) les deux abbayes dans la potestas de Pierre, puis celui-ci les restituant en fief199. Pierre se réserve au passage une série de droits sur les deux abbayes. La liste de témoins contenue dans le second acte est complétée par une énumération d’otages (obsides) qui se portent garants chacun pour une somme de mille sous du respect par Bermond de son hominaticum200. La mention de l’hommage n’est donc pas faite dans le corps du texte d’inféodation mais apparaît comme incidemment à propos des fidancias : manifestement un hommage a été réclamé pour le fief des abbayes, et les rapports sont si tendus que Pierre a jugé bon de prendre des garanties sur des hommes de Bermond. On notera que le mot d’hommage ne surgit ici qu’à la faveur d’un contexte fort particulier201.
61De l’autre côté du Languedoc, en pays de Foix, en 1067, Bernard de Durban reconnaît aussi qu’il doit l’hommage à l’abbé du Mas-d’Azil pour le château de Durban construit par son père et son oncle dans l’alleu de Saint-Étienne202. Il n’est pas explicitement dit que le château est tenu en fief, mais l’hommage pour un château renvoie certainement à ce mode de détention. À peine plus tard, en 1071, un autre abbé, celui de Lagrasse, reçoit un hommage de quatre viguiers qui contrôlent la viguerie de Malviès en Razès203 : l’acte se présente comme le règlement d’un conflit sur le partage des droits de la viguerie entre les quatre hommes (l’un déclarant en posséder trois quarts ; les trois autres désirant effectuer quatre parts égales). L’affaire est jugée à Carcassonne devant l’abbé Dalmace qui appela pour l’assister Ramon Berenguer Ier, comte de Barcelone, et Aimeric, vicomte de Narbonne, « qui se trouvaient être là ». La division ancienne est entérinée (trois quarts des droits d’une part, un douzième pour chacun des trois autres viguiers d’autre part), et les quatre hommes reconnurent que « tout ce qu’ils avaient dans la villa de Malviès, ils le tenaient en fief de Lagrasse. Puis ils affirmèrent : “Nous tous, les quatre viguiers de Malviès, nous jurons sur les quatre Évangiles [devoir] hommage et fidélité pour tout à vous comme à notre seigneur”… »204. Dernière occurrence dans les actes de la pratique, l’abbé de Saint-Gilles a lui aussi donné un fief contre hommage, à deux frères, seigneurs de Lunel205. Une des rares sources de caractère plus narratif conservées en Languedoc, la plainte du vicomte de Narbonne Bérenger contre l’archevêque Guifred, contient une mention d’hommage, elle aussi, mais dans un contexte catalan : il s’agit de l’hommage que le vicomte reproche à Guifred d’avoir prêté à la comtesse d’Urgell206.
Pourquoi l’hommage ?
62L’hommage semble donc apparaître dans les sources à partir du milieu du xie siècle, de façon sporadique et dans des circonstances à chaque fois particulières. Il est cependant impossible de juger de la part tenue par la typologie singulière des sources du xie siècle dans cette appréciation : l’origine ecclésiastique de la plupart d’entre elles ne permet pas de conclure à l’adoption précoce du rite par l’Église dans ses relations avec les laïcs. Tant que l’on ne possède que des serments, l’hommage n’est pas dit car c’est un rite207. Il faudrait posséder des inféodations, des donations, des convenientiae du xie siècle entre laïcs pour pouvoir en décider. La mention qui paraît être la plus précoce atteste d’un hommage entre deux laïcs, les deux frères Pierre et Bermond – pour la détention d’une abbaye, il est vrai. À partir du xiie siècle, il est couramment mentionné, mais sans devenir une règle absolue. L’hommage est donc connu en Languedoc, normalement pratiqué, mais n’a jamais acquis le statut incontournable qui est le sien dans la description classique du système féodal « d’entre Loire et Rhin ».
63Mais on peut s’interroger sur ce qu’apporte l’hommage en particulier. On trouve des inféodations avec et sans hommage, sans que l’on puisse entrevoir de différence dans les devoirs et services promis. L’hommage peut être mentionné dans une inféodation alors même que le serment correspondant n’y fait pas la moindre allusion. Il peut servir de preuve d’une détention en fief, alors que c’est le serment qui est normalement requis pour un fief. Les Languedociens de ce temps savaient parfaitement ce que signifiait être l’homme d’un seigneur, lorsqu’ils détenaient un fief de celui-ci ; le serment, plus que tout autre acte, attestait de cette vassalité ; on peut comprendre ainsi qu’ils n’éprouvaient qu’assez épisodiquement voire distraitement le besoin d’évoquer l’hommage.
64On peut donc surtout se demander ce qu’est l’hommage en réalité. Quelle est l’importance de ce rituel dans le contenu de la vassalité ? L’historiographie n’a-t-elle pas surdéterminé cette forme de l’entrée en vassalité ? Ne peut-on être un vassal sans prêter hommage ? Un homme qui prête serment de fidélité, qui engage sa foi, qui tient un fief et qui promet de rendre le château à toute semonce, d’aider son seigneur à la guerre et à la cour, qui est protégé par son seigneur en justice comme par les armes, et qui est appelé l’homme de son seigneur, qu’est-ce d’autre qu’un vassal ? En Languedoc, le serment de fidélité et la mise par écrit de la litanie de ses clauses semblent beaucoup plus contraignants qu’un rite : n’est-ce pas l’opinion du seigneur de Brissac, qui admet sans réticence l’hommage dû à Gellone mais doit être contraint lors d’une procédure judiciaire à reconnaître qu’il lui faut aussi prêter serment208 ? Par ailleurs, dans les régions qui ont servi de base à la définition « classique » de la féodalité, l’hommage a pu être investi de bien d’autres contenus que l’entrée en vassalité. L’hommage en marche, l’hommage de paix avaient-ils réellement un effet de hiérarchisation ? Dans les pays où le rite primait, où la stabilisation du lien social devait passer par un rituel, celui de l’hommage a pu servir de cadre formel pour instaurer une relation pacifiée. L’aspect hiérarchique était alors moins important que tout l’affect dont ce rite était investi209.
65Il nous semble qu’on ne doit accorder qu’une importance somme toute secondaire à la fréquence d’un rite – dont on ignore en outre en quoi il détermine la vassalité – non seulement dans la lettre des textes, mais aussi dans les réalités sociales contemporaines. La relation vassalique ne requiert pas l’hommage, ou plutôt celui-ci n’est qu’une des façons d’instaurer celle-là.
2 - Les fidélités multiples
66La multiplication des fidélités peut être considérée comme un achèvement du système féodo-vassalique. C’est son aboutissement : la volonté de cumuler des fiefs a pu pousser certains à porter leur fidélité à plusieurs seigneurs. Le lien du fief et de la fidélité s’y exprime au plus haut point : le vassal n’est plus un fidèle nourri tout dévoué à son seigneur. Mais aussi, faiblesse du régime, leur multiplicité mine la puissance de chacune d’entre elles. M. Bloch voyait là « le paradoxe de la vassalité »210. Par ailleurs, comment est-il possible d’être fidèle à deux seigneurs ? On a tenté d’y opposer des parades ; la plus connue se nomme ligesse dans les régions septentrionales et solidité en Catalogne211. La société languedocienne semble avoir atteint le point d’équilibre, de rupture peut-être, mais sans recours à cette institution. On n’y connaît pas de fidélité ou d’hommage lige dans les chartes, ni sous ce nom, ni sous un autre. M. Bloch lui-même avait de toute façon douté de l’efficacité de la ligesse pour remédier au problème, de par sa propension à se multiplier et s’affaiblir de la même façon que la fidélité. Le Midi a connu son évolution propre.
67Avoir plusieurs seigneurs est un fait très courant en Languedoc. Par exemple dans les régions à la limite entre les domaines des Trencavel et le comté de Foix, nombreux sont ceux qui prêtent serment à ces deux barons. Ainsi, Roger III de Foix reçoit vers 1137 un serment pour son château de Péreille, de la part de quatre hommes dont Bertrand fils d’Aldiard et deux frères Raimon et Bertrand fils de Condet212. Or ces trois hommes se retrouvent dans le cartulaire des Trencavel, où ils prennent d’ailleurs le nom de leur castrum principal : le premier, Bertrand de Péreille prend en fief Calamont de Roger Ier en 1138, avec son beau-père Arnaud de Corneliano213 ; et les deux frères Raimond de Pereille et Bertrand font serment à ce même Roger Ier pour Laroque d’Olmes en 1145214. Chacun peut donc détenir différents castra de différents seigneurs, sans que soit même mentionnée la fidélité promise antérieurement à d’autres.
68Nous ne pouvons mesurer exactement l’importance qu’a eue le phénomène. Nous sommes totalement tributaires des coïncidences fortuites de sources diverses : notre source principale le cartulaire des Trencavel en luimême ne permet pas ces rapprochements. Cependant, au détour de certaines phrases, la fréquence de ces situations est amplement suggérée, comme dans l’accord de 1150 entre les deux vicomtes survivants, Raimond Trencavel et Bernard Aton V, qui se répartirent les aires d’influence en Agadès. Raimond promet « de ne pas soutenir les hommes qui, par leur terre et leur honor, sont « mieux » à Bernard Aton qu’à lui-même », et inversement215. Il existe donc des hommes qui peuvent dépendre des deux, mais une hiérarchie est instituée, liée étroitement à la détention d’honneurs : chacun est « plus » à l’un ou à l’autre. Le même procédé, dans une formulation tout à fait similaire, fut utilisé dans un serment de la fin du xie siècle, qui est en fait une alliance contre Raimond de Niort : un certain Arnaud Guilhem promet son aide à Guilhem Raimond, seigneur d’Alaigne, sauf contre la vicomtesse de Carcassonne, Bernard Aton son fils, Bernard Bérenger de Peyrepertuse et « mes hommes qui sont plus liés à mon honor qu’à un autre »216. Le comparatif sous-entend une hiérarchie, une priorité dans les dépendances, qui ici renvoie à une notion proche de la ligesse sans la nommer explicitement.
69Chez les Trencavel, on n’a pas éprouvé le besoin de nommer cette institution, qui existe pourtant ; une inféodation de 1181 la traduit en une longue périphrase : « j’impose que toi ou les tiens qui auront la villa ou le castrum de Bezouce n’ayez aucun autre seigneur que moi ou les miens, que vous nous souteniez et nous aidiez dans toutes nos guerres et contre tous les hommes, sans aucune exception »217. Cet homme est bien ce que l’on appellerait ailleurs un homme lige, qui ne peut changer de seigneur, qui est obligé de suivre celui-ci dans toutes ses entreprises belliqueuses, contre tous, même contre un autre de ses seigneurs s’il en avait. Dans le serment d’un seigneur de Montpellier à l’évêque de Maguelonne, le comparatif est suivi d’un complément et non plus employé absolument : la référence à la ligesse s’y fait encore plus claire. Vers 1090-1093, une procédure judiciaire est ouverte pour apaiser les différends entre l’évêque Godefrid et Guilhem V, qui avait perpétré des méfaits envers l’église de Maguelonne. Dans une formulation très vivante et quelque peu rhétorique, l’évêque interroge le seigneur : « reconnais-tu que tu as un meilleur bénéfice de moi et de Saint-Pierre que d’un autre seigneur, et reconnais-tu que tu es meilleur homme de Saint-Pierre et de moi que d’un autre seigneur ? Guilhem répondit : je le reconnais »218. Cette occurrence précoce est malheureusement la seule que nous ayons décelée en Languedoc. On ne peut donc véritablement affirmer que le « meilleur homme » est la forme languedocienne de ce qu’ailleurs on appellerait un homme lige ou un homme solide219.
70Les réserves de fidélité en faveur d’un seigneur supérieur sont, dans les serments, la forme habituelle que prend la nécessité de hiérarchiser ses engagements en Languedoc220. Dans les serments copiés dans le cartulaire des Trencavel mais qui ne sont pas prêtés au vicomte221, de même que dans des serments entre coseigneurs222, il est fréquent de rencontrer une telle réserve pour le vicomte. On peut au demeurant se demander si ce n’est pas précisément pour cela que ces textes furent transcrits par les Trencavel. En 1165, Raimond Trencavel inféode le castrum de Saint-Juéry : il précise que les milites du château devront faire serment aux seigneurs du château tout en réservant leur fidélité pour le vicomte et pour l’abbé de Castres, qui préservent ainsi leur seigneurie supérieure, leur dominium223. Ce ne sont pas seulement les comtes et vicomtes qui peuvent bénéficier de telles exceptions : quand le détenteur de Montaut fait serment au comte de Foix vers 1137, il promet de lui rendre le castellum pour faire la guerre contre qui il voudra, sauf contre le senior du château d’Auriac et contre le senior de Carcassonne224. Cette réserve est parfois clairement exprimée par le verbe excipere : ainsi Guilhem VI accuse Gauclem de Claret, son viguier, d’avoir prêté serment à des ennemis « sans l’avoir excepté », c’est-à-dire sans l’avoir préservé en énonçant pour lui une exception à l’aide militaire promise 225 ; le viguier a omis de mentionner son seigneur supérieur. L’évêque de Béziers, lui, n’a pas oublié son « suzerain » lorsqu’il passa un accord avec Bertrand de Saissac, le tuteur du jeune vicomte Raimond Roger, en 1194 : il « excepte le comte de Toulouse envers lequel il est tenu d’observer la fidélité »226.
71La réserve de fidélité semble aussi avoir été la solution adoptée précocément en France du Nord, avant que ne se répande la ligesse227. Cette institution en tant que telle n’a pas fait son apparition dans le lexique des chartes languedociennes aux xie-xiie siècles228, mais des solutions efficaces ont été mises en œuvre. Leur caractère empirique et les longues périphrases qui sont nécessaires pour les exprimer n’ont peut-être pas le bel ordonnancement des traités de juristes, mais témoignent des racines locales de cette féodalité, d’une réalité vivante.
IV - POURQUOI UNE VASSALITÉ TACITE ?
72Si la vassalité paraît indubitable au terme d’analyses et de reconstructions, pourquoi n’éclate-t-elle pas dans la lettre des textes, avec plus de netteté, dans des formulations plus franches ? N’y a-t-il pas de vassaux parce que le mot est presque absent, ou doit-on tenter de comprendre quelles réalités ont empêché de l’exprimer ainsi ? Quelles exigences sociales ont informé la rédaction des actes, la sélection des mots ?
73La description des configurations familiales apparaît très nettement depuis M. Bloch comme un relais obligé d’une juste compréhension de l’univers vassalique229. Il n’est plus à démontrer, après les travaux de G. Duby, D. Barthélemy, M. Aurell et C. Amado230, les façons dont interfèrent les structures de parenté et les manières de dépendance noble, dont s’interpénètrent leurs métamorphoses autour du xie siècle. Les modalités de ces transformations nous sont inaccessibles par nos sources. En revanche, ce que nous pouvons percevoir des réalités vassaliques est fortement tributaire de ce que fut l’organisation familiale des groupes seigneuriaux.
1 - La coseigneurie, une règle générale
74Ces seigneurs des châteaux comme nous les avons présentés jusqu’ici apparaissent, dans les actes, tout puissants, régnant chacun sur un castrum dont il détiendrait tous les droits et tous les pouvoirs ; nous avons vu la part de fiction que cela comporte. Dès que l’on peut la saisir, ce qui frappe c’est la multiplication des parcelles de pouvoir sur un même château. Ce morcellement s’opère dans deux directions, que l’on pourrait qualifier d’horizontale et de verticale ; nous l’aborderons successivement sous ces deux aspects.
75Dans nos castra languedociens, la coseigneurie est la règle commune. Elle est générée par un droit successoral qui est resté longtemps égalitaire en Languedoc. La base de ces règles d’héritage est constituée par le droit wisigothique, qui stipule l’égalité entre les enfants et ne prévoit que comme une possibilité la constitution d’une melioratio au profit de l’un d’entre eux. Les règles successorales ne sont pas faciles à reconstituer mais quelques indices permettent de conclure à une survie du partage égalitaire jusqu’au xiie siècle. En 1173, par exemple, un règlement de succession a lieu sur le château de Dourgne, entre trois frères et leur neveu. Les oncles donnent au neveu sa fraternitas, sa part de frère (au nom de son père, le quatrième frère) : elle est égale au quart des honores de leur propre père ; il y a bien division égale de l’héritage231. Un autre texte de 1128 règle un litige entre deux frères et leur sœur de la famille de Sauvian : la sœur obtient un règlement particulier sur un manse, mais pour le reste de l’honneur elle n’aura que sa frairesca, c’est-à-dire sa part de sœur égale à celle de ses frères232. Le plus clair exemple nous est fourni par le testament de Guilhem d’Alaigne en 1158 qui prévoit le partage de son honor entre ses deux fils en deux moitiés, qu’il qualifie significativement de « parts égales »233.
76D’autres textes nous portent à penser qu’il y a eu melioratio ; celle-ci est parfois explicite, comme à deux reprises dans des testaments vicomtaux234, mais on peut aussi la déceler, par exemple, dans un litige entre les deux héritiers du castrum de Termes, en 1163. Mis à part les milites et les feudos militares qui sont partagés également, l’honor du castrum revient pour les deux tiers à Raimond, pour un tiers à Guilhem235. Manifestement leur père a avantagé l’un des deux héritiers dans le cadre exact de la melioratio wisigothique, qui prévoit que l’augment est égal au tiers de la succession, et que le reliquat doit être partagé égalitairement. Cette égalité dans les partages successoraux a créé d’innombrables coseigneuries ; celles-ci sont bien souvent restées dans une indivision qui est aussi prévue par le droit romano-wisigothique. Outre l’ancienne melioratio, l’aristocratie commence néanmoins à chercher des solutions pour éviter l’incessant fractionnement des honneurs, mais l’institution d’héritier, accompagnée bien souvent de l’intégralité de la succession à un fils, n’apparaît qu’à la toute fin du xiie siècle236. Bernard Aton IV avait partagé ses vicomtés en 1129 entre ses trois fils ; ses petits-fils héritèrent en bloc des parts de leurs pères respectifs : Nîmes-Agde pour Bernard Aton VI, Carcassonne, Razès, Béziers et Albi pour Roger II. Il n’est pas certain cependant qu’il s’agisse là d’une politique nouvelle, ni d’un choix volontaire237. Les Guilhem de Montpellier semblent avoir été plus précoces dans leur adoption de nouvelles règles successorales : en 1121, Guilhem V partageait encore ses domaines, tout en favorisant l’aîné238, mais à partir de 1146 un fils, toujours nommé Guilhem, hérite de l’entière seigneurie239.
77La coseigneurie, issue des incessants partages ou de la succession égalitaire restée en indivision, est omniprésente dans les actes languedociens. Nous avons déjà vu que les donations en alleu lors des reprises en fief sont couramment faites par deux, voire trois groupes de frères. Ainsi en 1101, à Bernis en Nîmois, les détenteurs sont : Petrus Bernardi de Calmis, Gillelmus Bernardi et Bernardus frères fils d’Emeroze, Petrus de Berniscis et Gillelmus frères fils d’Antonia, Petrus Rostagni, Guillelmus Rostagni et Meno frères fils de Belielde240. Dans la plupart des cas, aucun lien de parenté n’est donné entre ces groupes de frères ; au mieux, on apprend qu’ils sont consanguinei, qui signifie non pas strictement cousins, mais apparentés par le sang. Ces groupes de frères, ces conglomérats de cousins ne se rencontrent pas seulement dans des donations à l’occasion de reprises en fief. Les serments donnent une idée de l’universalité du phénomène : 82 serments sur les 282 sont prêtés par plus d’une personne, ce à quoi il faut ajouter de nombreux serments contemporains d’hommes seuls, ayant fait l’objet d’actes séparés, mais concernant un même château. Dix hommes font serment pour Arzens à Bernard Aton IV, ou pour Alaigne, neuf pour Mirepoix, huit pour Rieux, etc.241. En 1166, à Cabaret, plus de vingt seniores et domini se partagent la seigneurie sur le castrum242. La coseigneurie est un fait tout aussi avéré dans le bas comté de Foix, au nord du Pas de la Barre243.
78En 1183 les coseigneurs du pug de Moncuc s’accordent sur leurs droits respectifs dans ce castel qu’ils viennent d’édifier : il est divisé en quatre parts, dont l’une échoit à deux frères. Cependant, s’ils décidaient d’édifier une nouvelle tour, elle ne serait partagée qu’entre ceux qui auraient effectivement participé à sa construction244. Dès que des droits sur un castrum sont en jeu, les ayants droit se multiplient, ainsi dans tous les litiges, arbitrages, procès. Vers 1144, par exemple, Guillelmus Jordani, sa femme, ses fils et Guillelmus Petri s’opposent à Guillelmus Bernardi et ses frères et Raimundus de Castlar et ses fils, pour le contrôle de La Salvetat245. En 1163, le contrôle de Montréal suscite une guerre entre Ugo Escafredi et son frère Aimeric d’une part, et Isarn Jourdain, son frère Jourdain, et leurs neveux Ugo de Saissac et Bertrand d’autre part246.
79Lorsque ce partage n’est pas trop ancien, on peut deviner la nature des parentés et les logiques des parts ; ainsi en 1180, trois hommes reprennent en fief la moitié du château de Combret de Roger II et se font donner en fief l’autre moitié, que le vicomte vient d’acheter à une certaine Rosa, fille de leur oncle. On peut donc supposer un héritage entre deux frères, dont un a eu trois fils et l’autre une seule fille survivante247. Ailleurs, il est beaucoup plus difficile, voire impossible, de reconstituer les chaînes de transmission. Pons de Castello échange en 1176 avec le même vicomte Roger sa part de l’honor qu’il a dans le castrum de Rieux ; or il précise que cet honor, il le partage avec Berengarius Ferrandi, son consebrinus, et qu’il en a les sept huitièmes et Berengarius le dernier huitième248. Pons lui-même n’est pas capable d’exprimer clairement d’où lui vient cet honor et de justifier exactement comment il en a obtenu sept huitièmes : « certaine part de cet honor m’est advenue par héritage de feu mon père Bernardus Poncii et d’Hugues et d’Hugues (sic) mon frère, et certaine part m’est revenue de la part de Bernardus de Sancto Juliano de qui je l’ai acquise par achat, et une autre part m’est échue de l’héritage de feu Guilhem de Caunes »249. Le résultat est un invraisemblable imbroglio impossible à débrouiller ; de plus, il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas de la totalité du castrum de Rieux, loin de là250.
80L’héritage égalitaire et l’indivision généralisée entraînent un éclatement des pouvoirs sur le château concret. Cette coseigneurie que nous avons décelée à travers les textes est parfois explicitement désignée : les coseigneurs sont appelés le plus souvent parierii, participes, parcerers251. Les termes sont clairs, ce sont des seigneurs pariers, égaux, qui participent également du pouvoir. En 1153, Raimond Trencavel a de nombreux griefs à faire valoir contre trois frères Ugo Escafredi, Aimeric et Isarn. Dans le judicium, Raimond réclame entre autres que les frères lui jurent le castrum de Roquefort. Ceux-ci répondent qu’ils ne peuvent pas sans l’accord de Jourdain de Roquefort, leur parier, qui a un contentieux non réglé avec Raimond Trencavel. Ils s’engagent alors seulement à amener ce Jourdain à traiter avec le vicomte et, s’il ne veut pas, à aider Raimond contre lui252. Pour pallier la division des pouvoirs, un partage temporel a pu être institué, ainsi à Dourgne en 1191 : chaque coseigneur tient le château un tiers de l’année253. À Boussagues en 1146, la division en deux a été établie inégalement, un groupe de coseigneurs devant tenir la tour quatre mois (février, mars, avril, juin), l’autre groupe les huit autres mois254 La fiction unitaire du castrum des serments recouvre donc un castrum concret atomisé, morcelé entre d’innombrables ayants droit.
2 - Le groupe aristocratique et les structures vassaliques
81Le phénomène de division va toutefois encore plus loin : nous n’avons parlé jusqu’ici que des coseigneurs, ces membres des grandes familles languedociennes qui possèdent des parts dans plusieurs castra. Mais le morcellement du pouvoir se fait aussi de façon « verticale ». Les coseigneurs ne sont bien souvent pas résidents, ni gérants effectifs de leurs droits, dont ils délèguent l’administration quotidienne à leurs hommes.
82Le cartulaire des Trencavel en offre incidemment quelques exemples significatifs. Nous avons des institutions de castlans, comme celle que fait Guilhem d’Alaigne, qui se fait appeler vicomte de Sault. En 1173, il inféode un honor à un certain Guillelmus Amelii, contre une garde de deux mois par an à Monthaut, château pour lequel la famille d’Alaigne fait elle-même serment aux vicomtes255. De la même façon, le cartulaire des Trencavel comprend une série d’une vingtaine de serments prêtés non aux vicomtes, mais à des grands barons qui font eux-mêmes serment aux Trencavel pour ces mêmes castra. Par exemple, Raimond fils de Blanca prête serment pour Niort et Castelpor à Bernard Aton IV256 et se fait reconnaître ces deux castra par dix-huit hommes lors de six serments collectifs257. Un peu plus tard, Raimond de Niort fils d’Agnes jure Niort et Castelpor à Raimond Trencavel en 1152258, puis jure à son fils Roger en 1176 les deux mêmes châteaux plus Belfort259. Il reçoit quant à lui serment pour ces trois châteaux vers 1177260. Par ailleurs pour ces mêmes châteaux, Bernard d’Alion fils de Dalmurs avait prêté serment au Trencavel en 1152261 et reçut lui-même fidélité en 1177262. Au cours du xiie siècle, entre les Trencavel et ces grandes familles du Haut Razès et du pays de Sault, entre celles-ci et d’autres de moins haute volée se croisent vingt et un serments en un écheveau inextricable. Au niveau de la garnison castrale, le nombre des pariers se multiplie, dixsept hommes à Arifat au début du xiie siècle, trente et un milites à Montréal en 1162 prêtent un serment conjointement263.
83Mais les enseignements les plus intéressants sont à trouver dans les arbitrages qui mettent fin à des conflits soit entre les vicomtes et les barons, soit entre coseigneurs. En 1175 est réglé un litige entre des seigneurs de Clermont et leurs vassaux : ces derniers, au nombre de huit, ont enlevé par la force le château à leurs seigneurs, Guilhem, Bertrand et Pierre de Clermont, et réclament une clé de la porte du castrum parce qu’ils y possèdent une tour. Les seigneurs la refusent sous prétexte que leurs ancêtres ne l’ont jamais eue ; finalement les vassaux obtiennent cette clé, mais le texte précise bien qu’ils devront respecter la dominatio et jurer fidélité à leurs seigneurs264. La situation de ces vassaux est complexe : ils ne sont pas à proprement parler castlans à la manière catalane, puisqu’ils possèdent une part du castrum et de la tour. Ce sont des pariers mais à un niveau subordonné et d’ailleurs ne possèdent rien hors du castrum dans le terminium de celuici. Sans doute est-ce au titre de codétenteurs de la tour qu’ils peuvent deux ans plus tard prêter directement serment au Trencavel pour l’ensemble du château265, tout en étant d’autre part contraints de reconnaître la domination de leurs seigneurs immédiats de Clermont266.
84Si dans le cas précédent, il est difficile de démêler ce qui ressortit aux divisions horizontales des pariers et verticales des rapports féodo-vassaliques, l’exemple de Puylaurens est sans ambiguïté. Un procès est intenté, en 1149, par Pons de Dourgne contre un certain Gaubert de Puylaurens et contre le vicomte Roger Ier, parce que Gaubert a fait directement serment à Roger pour Puylaurens sans l’accord de Pons. Le vicomte doit se soumettre à l’arbitrage des boni homines du castrum, qui non seulement annulent le serment, mais le font détruire physiquement : le parchemin en est brûlé en public267. Le grief de Pons est manifestement que son vassal ne peut faire un serment direct au vicomte. Roger Ier semble, dans ce texte, se soumettre à la sentence sans discussion, toutefois, quand le cartulaire fut recopié cinquante années plus tard, ce serment existait toujours et y fut transcrit : tous les exemplaires n’avaient donc pas été brûlés268. Cette magnifique affaire montre très clairement l’importance du serment et du parchemin qui le porte, et fait apparaître un vassal soumis aux volontés de son seigneur, la force d’un lien contre lequel même le Trencavel ne peut lutter.
85Entre barons, les inféodations se font en comprenant le château et tous les droits y afférents, dont notamment les castlanie. Les vassaux inférieurs, les castlans, les hommes les plus fermement soumis à leur seigneur sont hors de notre champ de vision. Ce n’est que dans les actes atypiques, ou plus vivants comme les règlements de litiges, qu’ils finissent par émerger. Ainsi dans un texte dont nous avons déjà traité, les milites de Termes et leurs fiefs ne sont cités que parce qu’ils sont l’objet d’un partage particulier269. En 1127, quand le vicomte Bernard Aton inféode à Guilhem de Minerve les deux châteaux de Laure et d’Olargues, il lui promet de les lui faire jurer par ceux qui les tiennent pour lui270. La distinction entre castlans et coseigneurs apparaît sans doute de la manière la plus nette dans les réserves de fidélité émises par Guilabert de Laurac dans son serment à Bernard Aton IV. Pour désigner spécifiquement ses vassaux de Laurac, Guilabert déclare qu’il aidera le vicomte contre tous « sauf contre ces hommes de Laurac qui n’ont d’autre château que Laurac »271. Il veut, par là, bien distinguer les milites qui gardent Laurac des pariers, grands seigneurs, qui ont certainement des biens ailleurs, et dont il ne veut se porter garant de la fidélité.
86« Une fidélité sans support foncier, une « féodalité » sans support juré, une aristocratie sans vassaux »272 ? De la fidélité, nous avons vu à quel point elle s’attachait aux castra, et pour ces fiefs nous possédons pléthore de serments. Qu’en est-il donc de l’aristocratie sans vassaux ? Le mot est effectivement étranger au vocabulaire juridique du Languedoc. On savait pourtant très exactement de quoi il s’agissait ; dans la langue parlée, le vocable était suffisamment courant pour donner naissance à des anthroponymes, à des déclinaisons familières voire affectives, ou au contraire méprisantes : Vassadel, Vassarot. Dans le lexique des chartes, le vassal c’est l’homme, que ce soit le Trencavel face au comte de Barcelone, ou le plus humble vassal du plus petit château. Avec force détails ou dans des formules lapidaires, le lien qui unit l’homme à son dominus ou senior comprend toute la gamme des engagements classiques entre vassaux et seigneurs. La nature des actes recopiés dans le cartulaire fait que nous n’atteignons qu’exceptionnellement la strate inférieure des hommes de guerre. Ces milites ne sont le plus souvent perçus qu’en troupe, mais, quand un texte atypique nous les montre, ils sont toujours vassaux d’un seigneur et détiennent de lui un fief.
87La configuration humaine des castra reste cependant difficile à appréhender, entre milites castri, seigneurs pariers et grands barons. Le Trencavel se contente de contrôler le baron qui lui fait serment, il ne peut sans doute pas exiger plus, sauf dans des circonstances particulières. Les constitutions de castlania sont rares chez ces vicomtes. Outre les cités dont ils délèguent la garde des tours, à Carcassonne, à Béziers, à Nîmes, seuls quelques châteaux sont concernés. Nous avons déjà mentionné les réserves d’estage lors des inféodations de Berniquaut ou de Calamont273. Mais ces deux castra sont des cas particuliers, dont il est bien précisé dans l’acte que le vicomte vient de les édifier : il les inféode manifestement pour la première fois et peut imposer ses conditions. Deux autres textes témoignent d’un lien direct entre les vicomtes et les castlans ou les milites. Un conflit a éclaté entre deux groupes de coseigneurs d’Arifat dans les années 1120 : l’un des seigneurs et son fils font serment au vicomte et ce serment, ils le tiendront « jusqu’à ce que les seigneurs d’Arifat l’aient juré par bien et par foi ». Cette promesse est garantie par le serment d’une vingtaine de personnes désignées comme les home d’Arifat, qui promettent de porter leur foi au vicomte si les seigneurs le trompaient. Il y a donc deux groupes de coseigneurs : les uns font serment et sont obligés de l’assurer par celui de leurs hommes, en attendant que les autres seniores soient venus jurer274. En 1127, Roland de Bize est obligé de déguerpir tout le fief qu’il tenait du vicomte parce que ses fevales ont refusé de l’aider lors de son conflit avec le Trencavel. Le contrôle des vicomtes sur les castlans et les milites des castra inféodés semble donc avoir été assez réduit. Quand les Trencavel ne sont pas en position de force – comme dans leurs cités ou dans des châteaux qu’ils ont construits –, ils ne peuvent que s’insinuer dans les différends entre coseigneurs ou profiter d’une circonstance favorable, comme une trahison. Ailleurs, il apparaît que la castlania est inféodée avec le castrum.
88Le serment au vicomte à la fois crée et révèle une sorte de chef de lignée qui devient son interlocuteur et qui dirige le groupe sous-jacent de frères, beaux-frères, cousins et alliés275. L’organisation mouvante du groupe aristocratique est ici dessinée en creux. On a l’impression d’une abondance de nobliaux, d’un foisonnement des lignages, de pléthores qui n’en sont pas moins, sans l’ombre d’un doute, très structurées. Une branche aînée, un groupe de frères s’imposent aux cousins et alliés à chaque génération : ils font office de ce qu’ailleurs on appellerait un « miroir de fief »276 et rappellent l’institution du parage277. Nous évaluons difficilement les péripéties de ces affrontements locaux ; mais une chose est sûre cependant, ce sont la proximité du seigneur et la fidélité envers lui – le serment prêté – qui instituent et dévoilent les chefs de lignée. Ainsi en 1163, un conflit de droits sur le château de Montréal est réglé par la prestation d’un hommage par l’un des « co-vassaux » à l’un des coseigneurs278. De même vers 1173, un certain Guilhem de Montferrier peut faire hommage au chapitre cathédral d’Agde, en vertu du fief qu’il tient, « pour lui et pour les autres [co-]seigneurs »279. L’inféodation de Berniquaut en 1141 nous renseigne encore plus précisément sur ce phénomène. La donation en fief est faite par le vicomte à un homme et ses trois fils et à un autre homme et son frère, « et à [leurs] autres cohéritiers » : ces six seigneurs sont en quelque sorte un groupe de représentants, de têtes de lignage révélées dans la relation avec le vicomte. Mais le plus intéressant est que ces « mandants » sont liés par des accords avec les autres ayants droit et que ces accords sur le château ont été passés dans le respect de la fidélité du vicomte280.
89Et c’est selon des modalités féodo-vassaliques que se structurent ces conglomérats familiaux. Ainsi le Trésor des chartes a conservé un serment entre deux frères pour le château du Cailar en Nîmois, qui offre en outre la seule attestation d’un serment pour une part de château281. Bien d’autres inféodations doivent avoir été effectuées à l’intérieur du groupe des parents ; mais elles sont rarement décelables directement. Il faut un énorme et patient travail de recoupement de données éparses pour reconstituer des fragments de généalogies lignagères, comme celui réalisé par C. Amado pour le Biterrois et l’Agadès282. L’utilisation de l’inféodation et de l’hommage à l’intérieur de la parenté a pu constituer un autre correctif à la division incessante des héritages : non seulement elle maintient une unité au patrimoine, unité de façade, celle du fief, mais aussi elle renforce l’autorité d’un héritier sur les autres ayants droit.
90Si la vassalité peut être dite tacite, c’est parce que les sources laïques comme le cartulaire des Trencavel n’ont consigné précisément que les serments des grands. Les vassaux de l’aristocratie restent presque toujours en deçà des sources. Mais la prégnance de l’institution éclate dans les façons dont s’accordent les magnats, généralement avec le vicomte. Ici le rapport de force n’est pas toujours très net, d’où les difficultés à exprimer franchement la vassalité. Cela transparaît notamment dans l’évolution des actes contemporaine de la virulente reprise en mains de Bernard Aton IV, dans les années 1120283. En outre, nos actes semblent jouer comme à plaisir de l’identité des formules, feindre l’homogénéité du groupe aristocratique. Les clauses sont reprises au mot près, qu’il s’agisse d’un comte de Barcelone, d’un vicomte ou d’un petit seigneur. De la même façon, tous sont dits homines de leur seigneur, tous sont barones dès qu’ils font corps autour de leur seigneur. C’est bien cette égalité, relative, au cœur d’un système hiérarchique, qui est exprimée par la notion de paratge dans la Chanson de la Croisade284. Celle-ci dessine, de la masse des milites castri jusqu’aux comtes et vicomtes, en passant par tous les pariers, les contours d’une homologie formelle, qui dans les faits permet de justifier, de faire accepter, les subordinations vassaliques.
91Nous pouvons comprendre l’absence de ligesse par les mêmes raisons que le silence qui entoure la vassalité. Les chefs de lignages sont tenus par serment et hommage au vicomte, leurs parents et subordonnés dépendent d’eux. Les Trencavel n’ont donc qu’un contrôle médiatisé, le plus souvent sans lien direct avec la multitude des castlans. Or c’est à ceux-ci qu’ils auraient pu imposer un hommage lige ; en revanche, ils n’ont jamais pu exiger la ligesse des grands. Tout ce qu’ils ont pu se faire reconnaître, c’est, dans certains cas, une réserve de fidélité. Par conséquent l’absence de ligesse ne signifie nulle débilité de la féodalité languedocienne.
92Reste l’hommage. Il convient d’abord de réaffirmer qu’il est connu et pratiqué en Languedoc dès le xie siècle, sans doute même est-il bien plus fréquent que nos chartes ne le laissent transparaître. Qui plus est, quand il se répand dans les inféodations du xiie siècle, il n’est jamais mentionné dans les serments contemporains. Mais au delà, on doit relativiser son rôle. Ce qu’est la vassalité ne se résume pas à des modalités d’entrée en vassalité285.
93L’aide et le conseil, l’assistance de plag et de guerra, promis personnellement par un homme à un autre, retranscrits dans des textes toujours singuliers retraçant des réalités particulières, tout cela laisse entrevoir ce qu’est le pouvoir féodal : un pouvoir seigneurial personnel, affectif286, non politique dans sa nature, sanctionné par la fidélité et légitimé par la protection287. Les convergences entre vassalité et parenté, qu’elle soit charnelle ou spirituelle, apparaissent clairement comme une des clés de compréhension de l’univers vassalique288.
Notes de bas de page
1 « Les mauvaises coutumes d’Auvergne », 1980, p. 161.
2 CT, 92 = HGL, V, 1269, III : impignoration d’Albi pour 2000 marcs ; et CT, 93 = HGL, V, 1268, II : impignoration de Lunas pour 1000 marcs. Vu l’énormité de la somme, on peut se demander si elle a jamais été payée. Les deux impignorations ne sont peut-être qu’une manière de se dégager honorablement des accords qui stipulaient la rançon, à un moment où le comte de Toulouse avait besoin de l’aide du Trencavel.
3 CT, 92 = HGL, VIII, 351, IV.
4 Usquedum comes Tolose dicta pignora tibi vel tuis redimat (ibidem).
5 Dans une opération presque symétrique de celle de 1112, entre Bernard Aton IV et Ramon Berenguer III : voir l’analyse en conclusion du chapitre précédent, p. 183-184.
6 Ils sont d’ailleurs dits vassalli en tête du texte, après l’énumération de leurs dix-neuf noms (comme les quatre premiers étaient dits domini), mais dans une récapitulation à la fin du texte on trouve milites (si modo aliquis dominorum Castri Veteris vel militum de aliquo loco tibi vel tuis guerram vel aliquid malum fecerint…).
7 Dans la transcription du serment de 1181 dans HGL, vassal est au demeurant traité comme un anthroponyme, avec une majuscule, accolé au dernier nom cité : Amblardus Vassalli (HGL, VIII, 351). Cette interprétation nous semble erronée pour deux raisons : la discordance entre le nominatif d’Amblardus et le génitif de Vassalli serait curieuse (faudraitil comprendre « Amblardus fils de Vassal » ?), et le second balancement domini/milites, en écho à domini/vassalli, nous paraît emporter la conviction.
8 La première mention d’un Ademar vassalz en 1060-1074 est à oublier, il s’agit en fait d’une interpolation. Elle se trouve dans un acte de donation du castellum de Cadalen (CT, 40 = HGL, V, 522, V), qui se clôt sur une liste de garants qui a été recopiée, on ne sait pourquoi, d’un serment pour Penne à Roger Ier, donc entre 1129 et 1150 (CT, 44 = HGL, V, 1020, X). L’anthroponymie et la mention du vicomte [Pierre] Aton de Bruniquel inclinent à dater la liste du xiie siècle plus que du xie.
9 CT, 52 et 53 = HGL, V, 910 et le second inédit. Dans la liste des témoins : signum Isarn Vassal.
10 CT, 44 = HGL, V, 1020, X ; avant 1150. Garant du serment, dans la liste des auctorici e fermador.
11 CT, 118 = HGL, V, 1140 ; en 1153. Dans la liste des témoins : in presentia testium… Petri Vassalli.
12 CT, 557 = HGL, V, 1287 ; en 1165. Dans la liste des 8 milites qui ont juré le château, 3 ont pour surnom « vassal ».
13 Il est témoin d’une trentaine d’actes de Roger II, et des plus importants, qu’il est impossible de tous citer : il s’agit d’un membre de son proche entourage (voir p. 318).
14 CT, 521, inédit ; en 1177.
15 Guillelmus Vassallus témoin à Valros en 1199 (CT, 607 = HGL, VIII, 453). Guillelmus Vassallus et son nepos Amblardus à Lunas en 1201 (CT, 568 et 570 = HGL, VIII, 468 et 470 ; et CT, 569, inédit). Amblardus Vassallus à Boissezon en 1196 (CT, 591, inédit), vers Le Vintrou en 1202 (CT, 608, inédit), vers Capendu en 1203 (CT, 571, inédit).
16 CT, 499, inédit.
17 Bien redondant, puisqu’il s’agit d’un des vassalli qui prêtent serment pour Albi en 1181 (CT, 92 = HGL, VIII, 351).
18 Il prend en fief le péage sur le chemin entre Béziers et Narbonne en 1184 (CT, 442 = HGL, VIII, 377).
19 M. Mitterauer, « Une intégration féodale ? », 1996, p. 305.
20 Première occurrence en 1223 (AN, JJ 19, fol. 179, no 189), citée par L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2000, p. 228.
21 Ego Godafredus de Murello recognosco et laudo tibi jamdicto Rogerio de Biterri quam pater meus Petrus Raimundi et ego tenuimus et habuimus turrem et castellum de Murello de genitore tuo Bernardo Atonis vicecomite et fuimus inde sui homines (CT, 481 = HGL, V, 1031).
22 Ego jamdictus Petrus de Minerba laudo et recognosco vobis domno Rogerio predicto quod propter hoc donum predictum sum vester homo et similiter homo erit vester qui predictam honorem habuerit post me (CT, 328 = HGL, V, 1105, II). Même expression dans une inféodation de droits sur un chemin par Roger II à Raimundus Vassadellus de Puisserguier en 1184 : Propter hoc ego Raimundus Vassadellus et successores mei debemus esse tui homines domni Rogerii et heredorum tuorum (CT, 442 = HGL, VIII, 377).
23 Ipse episcopus fiet homo de Raimundo Bernardo et juret ei fidelitatem… ; si jamdictus Raimundus comes vel comitissa Almodis… miserunt vicecomite in vicecomitatu predicto, ipse vicecomes fiat homo de predicto vicecomite Raimundo et juret ei fidelitatem (CT, 482 = HGL, V, 551).
24 Sicut debet esse homo suo seniori cui manibus si est comendatus, serment pour Routier (CT, 205, inédit). La clause est présente dans neuf autres serments à Ermengarde (voir la partie suivante sur l’hommage, p. 210-212).
25 1112 : concordaverunt quod fuisset homo Bernardus Atonis comitis (CT, 497 = HGL, V, 827). 1150 : predictus vicecomes Trencavellus efficitur homo jamdicti comitis Barchinonensis et accipit omnem prenominatum honorem per manum suam ad fevum et ad fidelitatem (CT, 102 = HGL, V, 1125). 1179 : ego Ildefonsus Dei gratia rex Aragonum… convenio tibi Rogerio vicecomite Biterris homini meo… (CT, 486 = LFM, 860).
26 Ego Raimundus comes Barchinonensis et princeps Aragonensis… convenio tibi Trencavello fideli meo… (CT, 483 = HGL, V, 1221).
27 Ego Rogerius accipio vos fratres pro hominibus et fidelibus et dono vobis… ad feudum honoratum totum honorem vestrum (CT, 452, inédit).
28 Bonus fidelis homo inde tibi per omnia et in omnibus super existam (CT, 522, inédit).
29 Per laudamento suorum hominum (CT, 381 = HGL, V, 1049 ; en 1141 ; CT, 564 = HGL, V, 1050 ; en 1152).
30 Consilio meorum hominum atque tuorum (CT, 95 et 96 = HGL, V, 1268, II et 1269, III).
31 Dans le texte sur la paix de Raimond V, bien connu : si de castellis tuis vel de villis vel homines tui pacem… infregerint… (CT, 97 = HGL, V, 1270) ; mais aussi dans un serment réciproque entre les coseigneurs d’Hautpoul : in terminiis vero ipsius castri per nos et per omnes homines nostros securitatem in perpetuum bona fide statuimus (CT, 98 et 99 ; inédits).
32 En 1142, le comte de Toulouse doit délier de leurs serments Guinaguerra et ses hommes (et ipse comes debet solvere ipsa sacramenta quod Guinaguerra et homines eius fecerunt, CT, 380 = HGL, V, 1069).
33 L’emploi de homo pour vassal est connu depuis longtemps. « En langue vulgaire… pour désigner le subordonné, on trouve non pas vassal mais hom » (K. J. Hollyman, Le développement du vocabulaire féodal, 1957, p. 120) ; « le mot vassus, que l’on avait beaucoup utilisé dans les chancelleries ecclésiastiques entre 985 et 990… ne s’applique plus ensuite, sauf de rares exceptions, qu’aux serviteurs domestiques les plus humbles ; fidelis reste plus longtemps en faveur ; mais, à partir de 1030, on appelle de préférence homo le dépendant personnel » (G. Duby, La société aux xie et xiie siècles dans la région mâconnaise, rééd 1988, p. 150) ; « on n’utilisera le mot vassal que pour la seule commodité de l’exposé. En réalité, ce terme n’apparaît jamais dans les chartes catalanes du xie siècle où seuls sont employés, pour désigner le vassal, les mots de fidelis et d’homo » (P. Bonnassie, « Les conventions féodales », 1968, p. 530).
34 Relation personnelle à un seigneur avec parfois hommage, détention d’une tenure de lui, qui peut s’appeler fief dans les deux cas, droit d’être jugé par le seigneur et protégé par lui en justice, etc. Il serait aussi intéressant de poursuivre les recherches dans une autre direction, celle de l’obligation de résidence (pour les vassaux) et de l’attache à la tenure servile (pour les serfs) ; voir H. d’Arbois de Jubainville, « Document sur l’obligation de la résidence imposée aux barons », 1861.
35 Comme par exemple dans cette inféodation de Roger II de totum hoc quod habeo in illo castro de Reddas cum omnibus hominibus et mulieribus ibi pertinentibus (CT, 210, inédit ; en 1186).
36 Par exemple, dans l’inféodation de Verdalle par Raimond Trencavel en 1153 : si mei homines quod naturales vocamus de meis honoribus hic intraverint…, servicium mihi impendant ; vel si facere recusaverint, a me vel a meis prout voluero ibidem cogantur (CT, 118 = HGL, V, 1140, XIII). Clause à peu près identique dans deux inféodations, l’une de 1191 de Podium Frederium (CT, 587, inédit) et l’autre de 1196 vers Boissezon (CT, 591, inédit) : après avoir promis de rendre le château, le fidèle précise si homines vestri vel femine in predicta forcia vel forciis venerint, illi homines vel femine sint semper vestri et vestrorum, sicud esse debebunt, et sicud homines sunt ville vestre proprie [le servage est bien ici personnel, et non réel].
37 Comme en 1164, où une veuve se donne avec ses enfants per vestros homines proprios ; elle obtient une tenure du vicomte (une vigne, une terre, un jardin) et lui devra deux sous ugonencs par an per cognitionem hominii et censu (CT, 329 ; HGL, V, 1286, II). Une autre autodédition en 1183 d’un homme et de sa famille est encore plus précise : le vicomte ne pourra pas leur imposer plus que les deux sous ugonencs « comme c’est la coutume parmi les vénérables probi homines de Carcassonne » (ego vel mei posteri ullo modo possimus vos vel vestros posteros cogere in aliquo, nec aliquid a vobis exigere ultra illos II solidos ugonencos sed solummodo, prout moris est aliorum venerabilium proborum hominum ville Carcassone), il affranchit les filles de la famille et permet de les marier sans demander son consentement, ou plutôt sans le monnayer (dono vobis licentiam maritandi vestras filias ita quod vos… a me… nullum consilium petatis… Afranchisco filias vestras presentes et futuras ; CT, 368 ; inédit). Quelle est la nature de cette coutume qui permet au vicomte de prélever deux sous sur tous les prud’hommes de Carcassonne ? Cela témoignerait-il d’un « servage » généralisé ? Quel servage ? Voir les réflexions de M. Bourin, « Les homines de mansata en Bas-Languedoc », 2000, spécialement p. 892-898.
38 Alors que la charte est rédigée en latin, l’anthroponyme apparaît sous une forme occitane (Peire au lieu de Petrus) : il doit donc s’agir de sa dénomination orale courante (Douzens, D 2).
39 Sur ces questions, voir P. Bonnassie, « Le servage : une sous-féodalité ? », 2000.
40 Significativement, les seules occurrences nettes en sont à trouver dans des textes rédigés en langue très romane, l’un parle des home d’Arifat pour désigner les milites castri (aquest sacrament an fait home d’Arifat al vescomte e a sa moller e a sos enfanz, CT, 134 = HGL, V, 837, VI) ; et encore ici sont-ils nommés pour le lien personnel qu’ils viennent de conclure avec le vicomte. L’autre désigne clairement par là la garnison castrale : il s’agit d’un accord entre trois coseigneurs de Dourgne en 1192, qui stipule que chacun doit entretenir six hommes bons et vaillants pour garder le château (Es a saber que us quex dels seinnors predigz deu tener VI omes bos e valentz a la sua tenezo el castel de Dorna per jasempre a guarar a be e a fe, e deu les i tener us quex per destreig de l’autre », AN, J 304, no 29 = Teulet, no 398 = Brunel, no 263).
41 Ego Raino de Caslario et ego Raimundus Rainonis pariter promittimus et juramus quod, singulis annis, usque ad quinquennium, eligamus quattuor vel V de militibus castri de Caslario, sine fraude et dolo, qui sint procuratores publici operis castri ; qui exigant ab omnibus, tam militibus quam villanis, et exequent eos in expensis publicis (AN, J 323, no 27 = Teulet, no 150). Voir de nombreuses autres mentions de milites et milites castri dans C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 317-320.
42 Par-delà le gage et le serment qui est venu l’affermir, déjà évoqués, l’accord comporte une forme de réassurrance : des fiducias sont données pour garantir l’ensemble par les milites, burgenses et probi homines ville Albie (au moins trentequatre nouveaux noms apparaissent alors ; CT, 92 = HGL, VIII, 351, IV).
43 Par exemple : concession de Roger II à omnibus dominis de Rivo et ceteris omnibus militibus et barrianis ipsius castri de Rivo en 1176 (CT, 315 = HGL, VIII, 321) ; ou la « franchise » octroyée aux milites Castrenses et burgenses illius ville (CT, 493 = HGL, V, 1236 ; voir sur ce texte : J.-L. Biget, « Le temps des Trencavel », 1992, p. 75-76).
44 Appelé à statuer sur les droits respectifs des seigneurs de Montréal, Raimond Trencavel édicte une sorte de règlement de cohabitation. Les milites, qui sont l’âme et le corps vivant du château, sont naturellement désignés pour garantir que le modus vivendi sera respecté : Nos milites Montis Regalis [suivent 17 noms] juramus quod si aliquis predictorum dominorum hoc infregerit aliis fideles adjutores simus (CT, 358 = HGL, V, 1275, I).
45 Dans cette convenientia, Guilhem cède au Trencavel tout son honor, lequel, cependant, reviendra à ses descendants légitimes s’il en a. Il se réserve également la possibilité de faire les donations pieuses qu’il souhaiterait. Surtout, il exclut du don ipsis castellis ad fevum militibus meis (CT, 515 = HGL, V, 943).
46 Raimundus de Termino et Bernardus de Monte Eschivo et Ricsovendis uxor illius habeant et possideant duas partes turris de Termino et barri et barrianorum illius castri, et de militibus et domibus eorum medietatem ; et G. de Termino habeat terciam partem turris et barri et barrianorum, et medietatem militum et domorum eorum (CT, 549 = HGL, V, 1277).
47 À propos d’un litige sur les droits de justice à Alzonne entre le Trencavel et Ugo Escafredi, en 1153, il est décidé que les milites auront, comme les seigneurs, la basse justice sur leurs hommes (si homines qui sunt propri juris eorum [d’Ugo Escafredi et de ses frères] eandem villam habetantes vel horum militum qui in eadem habent homines, habuerint aliquas lices vel causas de terris vel de vineis vel debitis aut etiam de aliis rebus propter quas non desideratur corporalis vindicta (CT, 341 = HGL, V, 1136).
48 Lors de la paix entre Alfonse Jourdain et Roger Ier en 1142, le comte de Toulouse promet de faire dissoudre les sacramentale et fidancias que predictus Isarnus [vicomte de Lautrec] habet accepta de senioribus et militibus de Penna (CT, 507 = HGL, V, 1058).
49 Six milites [Salomon de Faugères, Austor de Brusque, Deodatus Gauterius, Dalmace d’Avène, Guilhelm d’Avène, Petrus Raimundus] promettent de rendre le castrum, en se définissant comme les milites de Avena presentes et futuros (CT, 582, inédit ; en 1193).
50 Pour Salomon de Faugères et Austor de Brusque voir : C. Duhamel-Amado, La famille aristocratique languedocienne, 1995, dactyl., t. 2, Livre 1, monographie Faugères. Pour Dalmace et Guilhelm (d’Avène), leur anthroponyme est éloquent.
51 Dans un texte de 1203, le scribe révèle les catégories mentales qui forgent son quotidien en opposant le pedes et le miles, le piéton et le cavalier (CT, 571, inédit). Dans les définitions des tarifs d’albergue, milites et equitatores ou equitantes sont donnés pour équivalents (par exemple en 1188 pour l’inféodation d’Herminis, une albergue de cinq milites ou cinq equitatores sera due : CT, 573, inédit).
52 Parmi d’innombrables exemples : les milites de Lavaur se voient interdire de guerroyer comme à des gens pour qui c’est une occupation naturelle (sed neque Guillelmus Jordani nec liberi eius, nec Guillelmus Bernardi, nec frater eius, nec Raimundus de Castlar nec filii eius, nec omnino aliquis de militibus de Vauro, neque inter se, nec alicui alii guerram de predicta villa [La Salvetat] faciant » ; CT, 337 = HGL, V, 1063 ; vers 1129-1150).
53 Tels ceux de Nissan qui, à Montady, firent violence au corps de la femme de Bernard lors de la prise du château (debet emendare Ymbertus per sacramentum cum manibus suis, cum uno de suis militibus qui ad malefactum fuerit, ipsam contumeliam et requirementum que fecit uxori Bernardi de Aniciano ad suum corpus in ipso die quo accepit ipsum castellum ; CT, 469 = HGL, V, 789 ; fin xie).
54 Relinquo ei meum filium pro garnire et pro facere militem (CT, 550 = HGL, V, 1171 ; en 1154).
55 Donec predictus miles Petrus fiat (CT, 327 = HGL, VIII, 285). Sur la chevalerie, voir J. Flori, L’idéologie du glaive, 1983 ; et L’essor de la chevalerie, 1986 ; ainsi que P. Van Luyn, « Les milites dans la France du xie siècle », 1971 ; et plus récemment les révisions et les doutes de D. Barthélemy, La mutation de l’an mil a-t-elle eu lieu ?, 1997 (spécialement chapitres 6 et 8).
56 LIM, 363 ; non daté, avant 1115 d’après C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 319, note 136) : et propter hoc debes tu nutrire Dalmaz, filium meum, et debes eum adobare, quando erit magnus… (concerne la lignée seigneuriale de Castries, dans les environs de Montpellier).
57 CT, 586 = HGL, VIII, 411 ; en 1191.
58 Ipsum finem qui concordatus est debet assecurare ipsa Ermengardis cum XL militibus de Narbona per sacramenta et maritus eius cum XX militibus, et Rogerius de Biterri cum XX militibus de Carcassona et Redense, et Trencavellus ac Raimundus Stephani cum XX militibus de Biterrense et Agathense, et Petrus de Minerba et Guillelmus et Sicardus vicecomes cum XX militibus (CT, 380 = HGL, V, 1069 ; vers 1143).
59 Dans son analyse des livres de miracles, P. Bonnassie distingue clairement deux catégories, les milites majores ou nobiles, et les milites minores, secundi ou gregarii (« Les milites en pays d’oc », 2001). Le Livre des miracles de sainte Foy contient par ailleurs une allusion très claire à l’adoubement dès les années 1050 (ibidem, p. 64-66).
60 « Des corrélations, fort nettes on l’a vu, incitent à relier le statut social exprimé par miles à la qualité de vassal, ou mieux de feudataire. Un fait empêche pourtant de ne le relier qu’à celle-ci : la Narbonnaise où, nous dit-on, ce que les historiens appellent un fief n’était pas en usage, accueillit elle aussi le mot miles » (G. Duby, « La diffusion du titre chevaleresque », 1976, p. 48). Nos conclusions montrent que G. Duby pourrait aujourd’hui passer outre ces restrictions.
61 P. Bonnassie, « Les conventions féodales », 1968, p. 530.
62 Texte cité ci-dessus, p. 188, note 26.
63 Ego Rogerius accipio vos fratres pro hominibus et fidelibus (CT, 452, inédit ; en 1183). Les deux substantifs sont ici coordonnés, mais la formule est tout à fait identique à une autre, beaucoup plus courante, où homo est utilisé comme substantif et fidelis comme adjectif.
64 K.-J. Hollyman signale que ses attestations ne dépassent pas le Brivadois vers le nord (Le développement du vocabulaire féodal, 1957, p. 48 et note 70).
65 « Le service du fevalis Gairo est un service administratif : il devient le bayle d’un certain nombre d’alleux, responsable par conséquent de leur gestion et du versement des redevances qu’ils doivent, mais il met à profit cette fonction pour prélever sur elles la part qui lui est due et qui constitue son fevum » (La société laïque, p. 168 ; commentaire d’un acte de 959 impliquant les comtes de Carcassonne).
66 Par exemple, deux ventes de 1175 et 1202 donnent des fevales, ou feudales, inclus dans des listes. Omnia jura que habebat…, scilicet homines et feminas, castella et villas, feudos, fevales… (vente de Combret, CT, 90, inédit). Scilicet in castellis, forciis, caslaribus, hominibus, feminabus, in alodis et domengaduris…, in feudis et feudalibus… (vente de droits à Saint-Amans-Valtoret et Hautpoul, CT, 608, inédit).
67 Aniane, 271.
68 Omnibus fevalibus qui ad ipsum alodium pertinent vel pertinere debent (Aniane, 84) : l’honor donné est un alleu pour le donateur mais ce dernier avait inféodé certains droits à des tenants fief. Même expression dans la confirmation d’une donation antérieure par Ermengaud des Deux-Vierges à Gellone (donationem quem feceram de Tuda et Tudeta… et de fevalibus ad eundem honorem pertinentibus ; Gellone, 547, en 1141) ou dans une inféodation de Guillem d’Aumelas (droits dans le castrum de Saint-Pons-de-Mauchiens avec les hommes et les fevales ; LIM, 531, en 1144).
69 LIM, 354 ; en 1114 : hic est brevis de rememoratione vel de partizone quod fecerunt Dalmacius de Castrias et Helisiar fratri suo de lurs fevals. Et venit ad parte de Dalmacio… [noms de 18 personnes qui doivent être les fevals en question]. Pour Termes, voir ci-dessus, p. 191, note 46.
70 Donation à Aniane à la fin du xie siècle d’une part de villa avec les hommes et les femmes, omnia quantum habeo vel habere debeo, excepto fevales chaballarios (Aniane, 45). Échange entre Gellone et des laïcs en 1104 : sur le manse cédé, un certain Bertrand retient quartum ejusdem mansi que fevalis habet de me, mais s’il arrive à récupérer ce droit avant sa mort, il complètera sa donation en faveur de Gellone en le cédant (si possem quocumque modo [illum ?] recuperare dum vivo, liberum et absolutum habeant eum post mortem meam (Gellone, 369).
71 Par exemple, lors d’une donation d’un champ dans le castrum de Nizas à Aniane : un fevodalis avait la moitié du quartum de ce champ. Le donateur le dédommage en lui cédant la même chose dans un autre champ (propter medietatem quarti quam habebat fevodalis in campo suprascripto [appelé ad Poig Eldenonis], emendamus ei in campo Euvoliz ut ibi habeat quod habebat in alio : Aniane, 176). La redevance du quart est un support fréquent du fief, au point qu’en Rouergue apparaisse l’expression fevum sive quartum (voir P. Ourliac, La Selve, introduction, 1985, et P. Bonnassie, « Seigneurie et féodalité en Bordelais », 2000, p. 125).
72 En 1100, les seigneurs des Deux-Vierges donnent à Gellone leurs droits sur l’église de Saint-Martin-de-Caucs, mais des fevales en avaient la dîme : si quis autem de fevalibus nostris qui decimam ipsius ecclesie tenent per nos voluerit donare beato Guillelmo aliquo modo ipsam decimam pro mercede sive pro munere, licentiam habeant et potestatem, et quod dederint nos laudamus et confirmamus (Gellone, 284). En 1123, les seigneurs de Villenouvette donnent à Saint-Nazaire de Béziers des droits ecclésiastiques sur plusieurs églises dont celle de Villenouvette : hec omnia suprascripta nos donamus…, exceptus ipsos fevales quod in opus nostrum retinemus donec ipsi fevales se inde emendent et per timorem Dei aut per excommunicationem aut per avere seu alio quolibet modo se inde concordent cum predictis Sancto Nazario et Celso et cum canonicis (LN Béziers, 124).
73 Le texte s’apparente à une reprise en fief partielle, et quelque peu complexe. En 1133, Raimond d’Anduze donne le manse de Bogeta à l’abbé Guilhem qui donne en échange 120 sous (mais le manse avait déjà été donné par l’avunculus de Raimond, et même par Raimond en personne qui en avait obtenu 200 sous de l’abbé précédent nommé Pierre). En 1133, Raimond donne avec le manse deux frères et leur descendance. En retour, l’abbé Guilhem rend à Raimond les fevales en fief avec l’hommage et le service qu’ils doivent et tout ce qu’ils ont dans ce manse. Pour cela, Raimond doit être fidèle et ami de l’abbaye et défendre le manse contre tous. Deux types d’enseignements ici. Sur les relations entre l’abbaye et les Anduze, tout d’abord : les reprises en fief répétées sur le même honneur sont bien une façon de monnayer la fidélité et son renouvellement. Sur les fevales, ensuite : on ne sait s’il s’agit des frères donnés au début de l’acte. Ils doivent cependant hommage et service à Raimond d’Anduze : il s’agit donc d’une sous-inféodation.
74 Aux mentions signalées ci-dessus (notes 70 et 71), on peut ajouter un échange entre l’abbaye de Castres et Bernard Aton IV, avant 1129 : le vicomte donne l’alleu de Sais et obtient de l’abbaye la villa de Soual (en Albigeois). L’abbé et les moines retiennent cependant sur la villa l’église, les offrandes, les prémices, les droits de sépulture et la dîme, et ils précisent : in hiis omnibus nichil habebit vescoms ni hom, sed solus abbas. Dels fevaters istius honoris erit guirenz lo vescoms Bernardus At et vescomtissa et filii eorum. Ces fevaters sont sans doute des tenants fief de l’abbé chargés localement de prélever ces redevances retenues. Mais il est aussi possible que l’abbé demande au vicomte de se porter par avance garant des tenants fief qu’il ne manquera pas d’installer sur cette nouvelle acquisition (CT, 534 = HGL, V, 946).
75 Définition de la vicaria de Montels : Raimond Ermengau et ses fevales peuvent prélever sur chaque manse un droit d’entrée (vestitura) de 12 deniers, une albergue, des fromages, du bois, etc., et sur chaque apendarie un droit d’entrée valant la moitié de celui du manse (6 deniers), un cens, des droits pour la garde des vignes, etc. : ista omnia suprascripta habet Raimundus Ermengau et fevales sui propter vicariam (Aniane, 244, fin xie).
76 Totos predictos fevos absolvo et guirpio vobis propter querelas quas de me faciebatis de quibus non potui vobis satisfacere et mei predicti fevales noluerunt me de hoc juvare (CT, 458 = HGL, V, 945).
77 Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 206 et passim.
78 Il lui confie ipsam turrem de Biterri cum toto stare quod pertinet ad ipsam turrem de Biterri et cum toto stare Lupeti de Biterri [viguier de Béziers, attesté en 1114, un Biterrois, lui] et alius fevus… in villa de Dividano.
79 C’est sans doute dans ce sens qu’il faut comprendre l’expression quelque peu énigmatique qui introduit la liste des fevales : Ego Rolandus de Bizano absolvo et guirpio… totum ipsum fevum… scilicet ipsam turrem de Biterri…, de quo collocatus est de Biterri Bernardus et Lupetus infantes Guiraldi Mancipi et Guitardus Alboinus et infantes Raimundi de Maureliano et dominus de Fonzillane et infantes Raimundi de Salpiniano et Raimundi Stephani de Curiis et Alefredus de Besciano ». Collocatus esse de pourrait être traduit « être placé dans la dépendance de ».
80 LIM, 247 ; sans date, vers 1160 (pour la date : C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 163, note 69).
81 C’est le cas dans le judicium entre Alfonse Jourdain et Roger Ier en 1132 qui est fait suis consiliantibus baronibus (CT, 535 = HGL, V, 980) ; et en 1142, le même comte promet à Roger : istum finem faciam jurari tibi a meis baronibus, ut ipsi qui hoc jurabunt adjuvent te sine tuo inganno, si ego istum finem removeo (CT, 507 = HGL, V, 1058). En 1129, dans son testament, Bernard Aton IV demande à son fils aîné Roger de marier sa sœur Pagana consilio matris sue ac baronum suorum (CT, 454 = HGL, V, 957). Le terme de « baron » est cependant peu utilisé par la chancellerie de comtes de Toulouse : L. Macé n’en a relevé que cinq occurrences (Les comtes de Toulouse et leur entourage, 2000, p. 102-106 et 1998, dactyl., p. 162).
82 P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, p. 808.
83 Communicato consilio uxoris sue Guillelme et filiorum suorum Isarni et Guillelmi et Jordani aliorumque baronum et militum suorum (CT, 292 = HGL, V, 1107).
84 C’est aussi semble-t-il le sens que prend le mot dans la Chanson de la Croisade : « il termine baro si applica indistintamente a tutti i cavalieri » (A. Barbero, « Dai principes patriae alla cavaleria », 1987, p. 387).
85 Auditis utique utriusque partis allegationibus in potestate Trencavelli vicecomes domni de Auriaco… (CT, 551 = HGL, V, 1131 ; en 1160). La fin du texte est encore plus claire : si les coseigneurs avaient d’autres différends, ils devraient s’en remettre dans la potestas de Trencavel à qui est le castrum d’Auriac (venient in potestate Trencavelli proconsulis cuius castrum de Auriaco est).
86 Salva dominatione et fidelitate Guillelmi de Claromonte et Bertrandi et Petri de Claromonte omniumque aliorum dominorum castri de Claromonte… (CT, 357, inédit ; en 1175).
87 Dans la liste des hommes qui vendent une villa à Roger II, pour le distinguer d’un homonyme, on trouve : et ego Berengarius alius senior de Ventagione (CT, 601, inédit).
88 Penne : CT, 507 = HGL, V, 1058 ; Montredon : CT, 519 = HGL, VIII, 353.
89 La qualification désigne ici le plus souvent le Trencavel. Deux exemples parmi tant d’autres : serment de deux frères en 1141 pour Berniquaut envers te Rogerium de Biterri seniorem nostrum filium Cecilie (CT, 128, inédit) ; serment de trois frères en 1172 pour Brens tibi domno nostro Rogerio Biterrensium vicecomiti filio Saure (CT, 47, inédit).
90 Castellum quod Calvuzon nominatur… donavit Bernardus Ato vicecomes et uxore sua Cecilia ad fevum et ad totos honores, cum tali convenientia quod Bernardus Ato et uxor sua Cecilia non mitant alium dominum super Eliziardo extra se et heredes suos (LIM, 368 ; vers 1096-1106).
91 Associée, il est vrai, à domina. Dans son testament, Raimond Trencavel prévoit qu’après sa mort sa femme conservera tous ses droits tant qu’elle ne se remariera pas : mea uxor tantum quantum voluerit stare sine marito cum suis et cum meis infantibus, in omnibus terris meis sit domina et segnioressa (CT, 550 = HGL, V, 171).
92 Et qui n’aboutira qu’en contexte espagnol au don. On trouve cependant en Languedoc une autre forme : En pour les hommes, Na pour les femmes.
93 Contrairement à ce que dit K.-J. Hollyman, on ne peut faire de distinction entre des textes latins où se rencontrerait prioritairement dominus, et des textes en langue vulgaire où apparaîtrait senior (Le développement du vocabulaire féodal en France, 1957, p. 109).
94 Sur les origines de l’auxilium et du consilium : J. Devisse, « Essai sur l’histoire d’une expression », 1968, p. 179-205 ; et Y. Sassier, « Richer et le consilium », 1985, p. 19-37.
95 Si aliquis honorem tuum auferre conatus fuerit, tibi pro posse meo consilium et auxilium fideliter tibi impendemus (CT, 292 = HGL, V, 1107). Autres occurrences dans des serments au comte de Toulouse : Léonard, 79 et 121.
96 Par exemple, dans le serment de Pierre fils d’Adalais à Aton II pour Lavaur et Saint-Félix, avant 1030 : in adjutorium erit ipse Petrus ad ipsum Atonem de illos homines aut de illas feminas qui suprascriptos castellos tulerint ad ipsum Atonem sine inganno et sine deceptione suo sciente, intro recuperatos habeat ipsos castellos ipse Ato (CT, 77, inédit). En occitan : et si hom era ni femina qui o fazes, Ugo filius Gilla len adiudera senes engan (CT, 212 = HGL, V, 521, II ; vers 1060-1074).
97 Adjutor ten serei de totos illos homines et de totas illas feminas de que tu comonras per te ipsam aut per tuum missum aut per tuos missos qui tolran tuos fevos nec tuo alodes ni ten tolran, et de illo adjutori non t’enganarei ni mal non ten menarei, dans un serment à Ermengarde pour Arzens, entre environ 1067 et 1100 (CT, 289, inédit).
98 Vers e fidel aiutoris ten serei senes logre de to aver entro que cobrat l’agas, serment à Bernard Aton IV pour Sénégats (CT, 55, inédit). Il peut aussi être dit rectus, ou en occitan dreit.
99 Cum omni nostro posse illos vel illas guerreiabimus, usquedum castrum illus habeamus recuperatum, serment à Roger II pour La Livinière (CT, 311, inédit ; en 1176).
100 Plainte de Polverellus et G. Petri contre Pons d’Auriac, R. de Cuc et Isarn Ademar de malefactis ferme intolerabilibus et infinitis que illi et adjutores eorum fecerent eis, frangendo ecclesias et igni accendendo, homines et feminas raubando et occidendo, vineas et arbores abscindendo et multa alia dampna eis inferendo (CT, 551 = HGL, V, 1131). Dans le même genre de contexte, on trouve auxiliatores dans une finis et concordia de 1156 (CT, 477 ; inédit), ou encore defensores (voir note suivante).
101 Sub tali vero condicione ut vos ac posteritas vestra per ipsum feudum mihi totique mei posteritati in omnibus rebus contra omnes homines nobis male adversantes fideles adjutores et defensores in perpetuum sitis (CT, 253 = HGL, V, 1128, III). Même formulation dans l’inféodation de Chalabre (CT, 257 = HGL, V, 1137, XI ; en 1153).
102 De omnibus guerris nostris valeatis et nos adjuvetis contra omnes homines nulla personna excepta (AN, J 323, no 42 = Teulet, no 309 = HGL, VIII, 354 ; en 1182).
103 G. Giordanengo, « État et droit féodal », 1990, p. 70, note 48.
104 En échange de l’abandon (mais à la génération suivante) du serment et de la reddition qui devaient être faits pour ce château à la vicomtesse de Narbonne, Ermengaud s’engage : promitto… quod ego et mei qui habuerint dominium predicti castri de Faberzano erimus tibi in omni vita tua boni et fideles adjutores pro posse nostro de placitis et de guerris quas nunc habes et in antea habueris (J. Caille, « Ermengarde », 1995, Annexe V, p. 42).
105 Fez Maximin son fill armar/ Diss li q’el an sa ost mandar/ … Trames sas letras e.ls correus/ Manded aqelz q’en tenun feus (v. 506-507 et 517-518 ; cité et traduit par F. de Gournay, « Guerre et paix en Rouergue », 1999, p. 41 ; sur cette source, F. de Gournay, « Relire la Chanson de sainte Foy », 1995).
106 En 1156, quand il impignore le castrum, il excepte du gage le sequentium que les milites doivent lui faire (CT, 355 = HGL, V, 1181, III).
107 Les seigneurs du château d’Auriac abandonnent toutes leurs réclamations contre deux de leurs milites, sauf les fidancie (exceptis fidanciis quas requirebant in I. Ademar et R. de Cuc, sicut domnus requirit in militibus sui castri, CT, 551 = HGL, V, 1131, VII).
108 Comment interpréter le service dans le cadre de cette inféodation de 1179 ? Ego Berengarius de Podio Sorigario omnesque mei successores faciemus tibi hominium atque servicium tibi domno Rogerio tuisque successoribus propter istud feudum nunc et semper (inféodation de la leude d’un chemin : CT, 440 = HGL, VIII, 337 ; même chose en 1176 : CT, 315 = HGL, VIII, 321 ; et en 1179 : CT, 441 = HGL, V, 338).
109 Plainte de Guilhem V contre son viguier vers 1113 : e clamas ens Guillems de Monpestler d’aitan bon feu com enz Bernars Guillelms ten de lui quar ben nol li serve (LIM, 120) ; plainte de Guilhem VI contre Gaucelm de Claret et ses nepotes qui feudum quod de me tenent michi non serviunt sicuti servire debent (LIM, 122 ; en 1141-1142).
110 Dans la reprise en fief du Razès antérieure à 1112 : tali convenio quod Bernard At donet inde potestate ad regem… et quod serviat ei inde sicut debet homo servire ad suum seniorem per suum fevum (CT, 541 ; HGL, V, 826).
111 Ici aussi l’analogie avec le servage se fait significative, puisqu’une des obligations du serf couramment définie est le service (par exemple, obligation imposée aux homines naturales : CT, 118 = HGL, V, 1140). Pour créer des distinctions, il est souvent dit que le service du chevalier est noble, celui du serf avilissant. En est-on si sûr ? Avant toute catégorisation juridique, le serf ne se distingue que très mal des chevaliers fieffés de niveau inférieur (P. Bonnassie, « Le servage : une sous-féodalité ? », 2000). Sur la définition du statut servile et sa « cristallisation » à partir du xiiie siècle, M. Bourin « Les homines de mansata », 2000.
112 Serment de Raimond, comte de Razès, à Rangarde, comtesse de Carcassonne, vers 1060 : et si homo est aut femina qui hoc facere voluisset [prendre les châteaux], ego Raimundus suprascriptus saber to farai si o sai senes ton engant antea que danz ten venga (CT, 460 = HGL, V, 494). Serment des hommes de Calvisson à Bernard Aton V vers 1130 : si aliquo modo mortem vel captionem tuam scirem vel agnoscerem, quam citius potero tibi notificabo…, si scirem quod homo vel femina tibi auferre vellet [castellum Calvitionis], quam citius possem tibi notificarem (AN, J 329, no 38 = Teulet, no 62). Serment à Raimond V comte de Toulouse : et si quando didiscerimus insidias parari vobis vel factionem contra vos fieri, statim per nos vel per legatos nostros vobis significabimus (Léonard, 121).
113 Serments de Lautrec, par exemple celui de Froterius à Isarnus : Illas parabolas que ipse Isarnus dizira ad ipso Froterio aut per suum missum li mandara et les li devedara, per nomine de sacramento, que no las digat ipse Froterius, no las discobrira a dampno de ipso Isarno suo sciente (CT, 101 = HGL, V, 301).
114 Quand il développe la définition de tutum, un des six adjectifs qui caractérisent les devoirs vassaliques, Fulbert dit : tutum, ne sit ei in damnum de secreto suo, « sûr, afin qu’il ne nuise pas à son seigneur en livrant son secret » (texte dans : R. Boutruche, Seigneurie et féodalité, t. 1, p. 405-406). Sur cette lettre, voir l’analyse de G. Giordanengo, « Epistola Philiberti », 1970, p. 809-853. Une mise en œuvre de cet engagement est à trouver dans le Conventum Hugonis : haec in fide tibi pronuntio, ut non mihi discooperis (« je te dis cela sous la foi [du serment], pour que tu ne me découvres pas [que tu ne dévoiles pas ces paroles secrètes] », G. Beech, Le Conventum, 42, p. 125).
115 Ainsi Isarn Jourdain de Saissac promet à Roger Ier, entre 1129 et 1150 : rectus et fidelis tibi ero recta fide sine inganno sicut homo debet esse suo seniori de vita tua et de tuis membris tuo corpori tenentibus, et de toto tuo honore quem hodie habes et in antea adquisieris cum meo consilio (CT, 294, inédit). Dans une autre de ses lettres, Fulbert mentionne cette acception du conseil : [le seigneur au vassal] hec a vobis exigo : securitatem de mea vita et membris et terra quam habeo vel per vestrum consilium adquiram (cité par D. Barthélemy, « Sur les traces du comte Bouchard », 1992).
116 Quand Raimond Roger donne l’autorisation de construire une fortification à Saint-Jean-de-la-Buade en 1206, il mentionne bien qu’il le fait cum consilio et voluntate procerum curie mee (CT, 610, inédit).
117 Ces clauses qui interdisent au vassal de faire prendre le château, objet du serment, par d’autres que lui, et qui sont énoncées : X non decebrei Y de castro de…, non te tolrei, non de vedarei…, nec ego, nec homo nec femina per meo consilio, nec per meo ingenio, nec per meo consensu. Cette méfiance est certainement dirigée contre les coseigneurs du château, non contre des ennemis qui viendraient prendre le château d’assaut : le danger vient des proches, des parents et amis, non d’étrangers inconnus ou de routiers.
118 Raimond Trencavel arbitre en 1160 un conflit à propos du castrum d’Auriac. Au terme du règlement, les parties doivent abandonner tous leurs motifs de querelles. Si jamais de nouveaux litiges les opposaient, elles devraient tout faire pour se réconcilier et conclure une finis « avec le conseil des milites du castrum ». Si elles n’y arrivaient pas, elles devraient s’en remettre au vicomte (Hoc si forte Poncius de Auriaco querimoniam faciebat de Polverello et G. Petri vel ipsi de eo de aliis rebus et honoribus, exceptis prenominatis, illud reconsilietur ad finem consilio militum de Auriacho. Quod si fieri non poterit, venient in potestate Trencavelli proconsulis cuius castrum de Auriaco est ; CT, 551 = HGL, V, 1131).
119 De qua controversia firmaverunt se in manu domni R. Trencavelli vicecomitis Biterri qui vocatis ad se assessoribus scilicet : domno Poncio Carcassone episcopo et duobus vicariis suis G. de Sancto Felice et P. de Vilario et U. Escafre et G. de Durban et P. Raimundi de Alto Pullo et magistro Maurino et magistro Hauberto (CT, 549 = HGL, V, 1277).
120 Assidentes en 1163 (CT, 358 = HGL, V, 1275, I), assessores en 1175 (CT, 357, inédit) ; voir ci-dessous le chapitre sur le fonctionnement du règlement des conflits, p. 254.
121 Dans un jugement de 1160, retranscrit en deux parties, nous trouvons tout d’abord un groupe d’hommes « qui siègent avec le vicomte » (stantibus cum eo) ; dans la deuxième partie, ils sont évoqués génériquement comme la curia vicomtale (CT, 551 et 548 = HGL, V, 1131 pour le premier, le second est inédit).
122 Le texte de HGL a omis in manu entre baronibus et Helisiar ; les deux personnages cités sont les deux arbitres désignés et non l’ensemble des consiliantes barones (CT, 535 = HGL, V, 980).
123 Pacto amicabili hujusmodi laudamentum et consilium dederunt super hoc (CT, 455 = HGL, V, 1122). À un niveau social inférieur, Isarn Jourdain s’assure du conseil de sa femme, de ses fils et de ses barones et milites pour s’accorder avec Roger Ier sur la détention de Saissac (texte cité ci-dessus, note 83).
124 Expression qui résume les devoirs dus pour le franc fief de Jeannes, en Albigeois, qui doit être tenu du vicomte avec hommage et serment (testament de Raimond Trencavel : far segis et valenssa lialments de plag et de guerra, HGL, VIII, 266).
125 En contrepartie de l’inféodation d’un chemin faite par le vicomte, les seigneurs de Rieux promettent : nos omnes supradicti domini de Rivo propter caminum quem facis transire per Rivum faciemus albergam tibi domno Rogerio annuatim ad L equitatores cum L equis quos eggregie et honorabiliter cibabimus (CT, 315 = HGL, VIII, 321).
126 La formule classique est : le vassal promet alberga [tantis] equitantibus singulis annis semel, quando illam accipere volueritis (par exemple : CT, 607 = HGL, VIII, 453).
127 Vers 1137, le comte de Foix mentionne bien qu’il pourra utiliser le château de Montaut à sa guise pour faire la guerre (si opus ei fuerit, habeat potestatem de ipso castello de Montalt ad faciendam guerram contra homines omnes quoscumque voluerit, HGL, V, 956, III).
128 Preterea michi semel etiam sine guerra ad recognitionem dominii predictum castrum reddere tenemini ; similiter successoribus meis tu et successores tui idem facere tenemini sine guerra semel, et per guerram quocienscumque voluerimus ego et successores mei ; l’expression ad recognitionem dominii est explicitée ensuite : quocienscumque mutatio dominorum ab utraque parte contigerit (Léonard, 151).
129 Juram tota la forsa de Sant Feliz…, que nos dreitz ajutoris t’en siam… E que tu poscas d’aquelas fortezas garregar totz omes e totas femnas…, e en aquelas redoas [restitutions] que te i farem, qu’en decebuz no i siam [lacune] tu volz tas fortezas recobrar per ta senioria reconoisser, que eu las te reda ; e quan garrejar voldras d’aquelas fortesas, si nos ajudar no t’en voliam, que las tengas entro ta gerra sia fenida…, e si nos ajudar te voliam de la gerra per be e per fe, que nos tengam nostras fortesas e che tu garregesses de las fortesas (Brunel, no 152 ; Saint-Félix, c. de Tarascon, Ariège).
130 En 1175, Roger II donne l’autorisation de déplacer la villa de Moussoulens sur un podium et de la fortifier (avec obligation de serment et de restitution absque omni dilatione). Il réclame une albergue énorme de cent chevaliers avec leurs chevaux. Il est prévu que, si le nouveau castrum était détruit et si les habitants revenaient sur l’ancien site, l’albergue ne serait plus due (Tunc si culpa nostri castrum illud destrueretur et in villam que hodie Meciolens vocatur homines reverterentur, albergam illam nullo modo requirere possemus ; CT, 416, inédit).
131 Par exemple, dans l’inféodation de Verdalle en 1153 (CT, 118 = HGL, V, 1140).
132 L’albergue des milites est exclue de l’impignoration du castrum de Capendu en 1155 (le vicomte met le castrum en gage mais se réserve l’alberga militum ; CT, 355 = HGL, V, 1181).
133 In unoquoque anno a festa Sancti Johannis ad annum peractum nobis albergam C caballorum et C hominum quando voluerimus faciatis. Quam albergam si forte non acceperimus in uno anno, eam non possimus requirere in anno sequenti (texte pour Moussoulens, en 1175 ; CT, 416 ; inédit).
134 CT, 112, inédit.
135 En 1203, Bernard Raimond de Capendu vend à Raimond Roger son castrum de Vias, sauf une albergue de 28 milites et demi qu’il retient (CT, 571, inédit).
136 Item [Ugo Escafredi et ses frères] querebantur quia domnus R. Trencavelli auferebat eis quosdam homines quorum nomina sunt hoc [3 noms], quos domnus R. Trencavelli similiter dicebat suos esse. Et ab utraque parte producti sunt testes in medium quorum qui ex parte domni R. Trencavelli accesserunt, dicebant se vidisse et audisse quod B. Ato vicecomes pater eius et Cecilia mater illius et Rogerius de Biterris frater ipsius habuerant eos pro suis et tenuerant, et albergam multociens ab eis habuerant sicuti a suis hominibus sine querela (CT, 341 = HGL, V, 1136 ; en 1153).
137 Faute de convenientiae féodales, nous ne possédons malheureusement pas tous les détails que fournissent les textes catalans sur l’aide et le conseil (P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, p. 767-771).
138 Lagrasse, t. I, 188 = HGL, V, 811-814. Les éditeurs mentionnent même que l’acte n’était conservé qu’à l’abbaye de Lagrasse et qu’il fut utilisé « pour servir au règlement de contestations qui divisaient le roi et l’abbé au sujet des fiefs autrefois tenus de l’abbaye par les vicomtes de Carcassonne ». E. Magnou-Nortier a depuis longtemps dénoncé sa fausseté à juste titre (« Fidélité et féodalité méridionales », 1968, dans la discussion, en réponse à M. Sicard, p. 484) ; voir aussi son commentaire dans l’édition des chartes de Lagrasse (p. 248).
139 Facio hominium et fidelitatem manibus et bucca ; juro super haec IIIIor Dei Evangelia quod ero fidelis vassallus semper tibi et successoribus tuis et beate Marie Crasse in omnibus in quibus vassallus tenetur esse fidelis domino suo ; iterum recognosco quod pro recognitione dictorum feudorum debeo venire et mei successores ad dictum cenobium in expensis propriis, quociens abbas noviter fuerit factus et ibi facere hominium… Et aussi le coup de l’étrier : cum abbas ascenderit in equum, debeo ego et heredes mei viscecomites Carcassone ac eorum successores ei tenere strepum !
140 Dominus quoque fideli suo in his omnibus vicem reddere debet (texte dans R. Boutruche, Seigneurie et féodalité, 1968, t. 1, p. 405-406).
141 Si vero homo aut femina… aliquid vobis amparaverit, ero deman vobis guirentus, adjutor et defensor de placito et de guerra (CT, 332 = HGL, V, 1141, II).
142 Sive pro vi curiali vel pro potentia amicorum meorum super vos non inferam neque alicui deferri faciam (CT, 571, inédit ; en 1203).
143 Recti et fideles adiutores erimus vobis Ermengaudo de Faberzano de Aimerico Narbone et de infantibus suis de totas ipsas guerras et remogudas que tibi fecerit quam diu te eis ad rectum potuerimus habere, et recti et fideles adiutores erimus tibi de Petro Raimundi et de fratribus eius et de infantibus illorum si voluerunt tollere tibi ipsam tuam partem quam habes et habere debes in Vintrone castro…, et haec suprascripta adiutoria fecerimus tibi per quantas vegadas tu nos commonueris per te vel per tuum missum vel per tuos missos et de ipso commonimento non nos vetabimus ullo modo (CT, 501 = HGL, V, 909). Il existe un serment réciproque d’Ermengaud de Fabrezan à Bernard Aton IV où il lui promet son aide contre le même vicomte de Narbonne et où il met son château et son honor au service du vicomte (CT, 372 = HGL, V, 909).
144 Serment à Frotaire par Pons fils de Richilde entre 1027 et 1077 (CT, 16 = HGL, V, 413) ; serment à Bernard Aton IV par Arnaud fils de Dias vers 1100-1129 (CT, 15, inédit).
145 Serments à Roger Ier par les deux anciens ennemis : par Petrus Raimundi fils de Garsindis (CT, 19 = HGL, V, 966, IV) et son frère Raimundus Arnaldi fils de Garsindis (CT, 20, inédit), et par Ermengaudus fils de Rixendis (CT, 21, inédit) et son frère Willelmus Poncii fils de Rixendis (CT, 22, inédit).
146 En 1158, serment de Ramon Berenguer IV avec promesse d’aide contre le comte de Toulouse (CT, 483 = HGL, V, 1221) ; en 1179, serment d’Alfonse II, même chose (CT, 486 = LFM, 860).
147 Voir ci-dessus, p. 107-108.
148 Ego item Bernardus Atonis vicecomes et ego Cecilia vicecomitissa in loco sacramenti pluvimus tibi predicto Willelmo per nostras fides et suscipimus te in nostro causimento et in nostro sacramento… (CT, 304 = HGL, V, 941, I).
149 Sicut superius scriptum est, tibi et tuis adtendam et adimplebo per bonam fidem et credentiam meam in loco sacramenti (CT, 483 = HGL, V, 1221).
150 Notum sit omnibus quod ego Siguinus et ego Bernardus frater eius annuatim faciemus albergum V militum vobis Bernardo Atonis et vestris quamdiu vos et vestri defendetis et manutenebitis res nostras mobiles et inmobiles, aliter non. Et ego Bernardus Ato vicecomes predictus omnibus modis in perpetuum vos predictos et res vestras mobiles et inmobiles sine inganno recipio in custodia mea sicut superius vos michi dixistis. Hoc est factum in presencia Guillemi de Cortino, Petri de Porta Rades, Raimundi Rainonis, Petri Guillemi de Prato, Amelii de Cortina, Petrus scripsit (texte intégral, AN, J 322, no 95 = Teulet, no 156)
151 M. Zimmermann, « Aux origines de la Catalogne féodale », 1985-1986, p. 123, note 66.
152 Par exemple, serment de Petrus à Aton II pour Lavaur et Saint-Félix (avant 1030) : si comprobatum non habuerit ipse Petrus ipsum Atonem que tultos aut devedatos habeat ei ipsos castellos aut unde de ipsis, tali comprobatione ut sit victus ipse Ato per bataliam aut extractus que non audeat combatre (CT, 77, inédit). La clause est ici assez développée et explicite. Mais elle peut parfois se réduire au minimum jusqu’à devenir quasiment incompréhensible, comme dans ce serment à Frotaire et Bernard Aton III pour Latour (entre 1030 et 1060) : si tolt nol nos aviaz o comproparz no vos aviam quod tolrel nos volgeses per batalia o per estracto de batalia [si vous nous l’aviez pris ou si nous avions pu prouver de vous que vous aviez voulu nous le prendre, preuve par duel ou par refus de duel] (CT, 136, inédit). Sur la batalia, voir le chapitre suivant.
153 Serment de Froterius à Isarnus pour Lautrec (vers 1060-1070) : Sicut superius scriptum est, si o tenra et si o atendra ipse Froterius encontra ipso Isarno, et per forfactum et sine forfacto, si comprobare non potuerit ipse Froterius ipso Isarno quod habeat ingeniatum quod ipse Froterius perga ou sua vita ou sua membra que in corpus suum portat, ou habeat ingeniatum sua pressione a suo dampno, o ipse Isarnus habeat ingeniatum que ipse Froterius pergat o illo castello de Lautrico aut unum de suos castellos indominicatos (CT, 101 = HGL, V, 301) ; édition et traduction dans notre article, « Les serments de Lautrec », 1997.
154 Ero vobis fidelis adjutor de omnibus hominibus, excepto comite Tholosano, et exceptis meis hominibus ; et si contigerit quod homines mei aliquid mali vobis inferant et per me rectum vobis facere noluerint, de ipsis ero vobis fidelis adjutor sine inganno (CT, 333 = HGL, V, 1220).
155 Juro tibi quod ego sim fidelis auxiliator tibi de omnibus hominibus sine inganno preter de Sicardo de Lautrec et de meis hominibus, tali modo de meis hominibus quod si tu Rogerius vicecomes filius Cecilie aliquam querelam feceris ab eis, quod Ugo comes habeam istos homines ad faciendum tibi ius per meam curiam, quod si facere noluerint, ero tibi ab eis fidelis auxiliator remoto omni dolo (CT, 471 = HGL, V, 1059 ; en 1142).
156 CT, 223 = HGL, V, 740.
157 En 1138 : CT, 511 = HGL, V, 1024. En 1149 : CT, 509 = HGL, V, 1103. En 1157 : CT, 504 = HGL, V, 1206. En 1163 : CT, 513 = HGL, V, 1267.
158 C’est, semble-t-il, ce qu’il faut comprendre dans l’inféodation d’un stare dans le castrum des Arènes de Nîmes, en feudum honoratum, par Bernard Aton VI à R. Embiloto : ut habeatis et possideatis et pro eo feudum honoratum in mea curia et in mea jurisdictione sicut ceteri milites Arenarum salvo meo dominio et sacramento et fidelitate (AN, J 322, no 36 = Teulet, no 269 ; en 1176). Le vassal dépendra de la cour et de la juridiction du vicomte, comme les autres milites du château des Arènes de Nîmes.
159 Voir O. Guillot, « À propos d’une lettre de Fulbert de Chartres », 1992, p. 27 et note 53, p. 37.
160 Si aliquis vel aliqua pro honoribus vel possessionibus auferendis de quibus justitiam facere volueris guerra fecerit, postquam a te commonitus fuero, sine fraude et dolo adjutor tibi ero. Verumptum sciendum est quod homines meos manutenere contra te et defendere absque offensa sacramenti possum dummodo eos tibi ad judicium et justitiam ut juris ratio postulat compellam (CT, 506 = HGL, VIII, 276).
161 Le Conventum Hugonis exprime la même idée dans un décalque tout à fait intéressant de la clause sicut homo debet… : « le comte promit raison à Hugues, comme doit le faire le seigneur à l’égard de son homme » (promisit ei comes sicut debet senior promittere suo homini rationem, G. Beech, Le Conventum, 124-125, p. 129). Et quelques vers plus loin, Hugues somme son seigneur de lui fournir l’aide en justice qu’il a promise, comme tout seigneur : Precor te et ammoneo per fidem quam senior adjuvari debet homini suo,… et insuper adjuva me sicut mihi plevisti (144-145 et 148, p. 130).
162 Adjutor tuus ero… exceptos meos homines de quibus tibi directum facere potuero (CT, 110 et 413 = HGL, V, 566-567 ; à la fin des années 1060).
163 Item probavit idem Raimundus quod Guillelmus Petri noluit justiciam recipere de suis militibus de Viridi Folio per eum et quod super hoc multa mala eis intulit, et fuit judicatum quod Guillelmus Petri eis per Raimundum de Castlar justiciam predictis militibus faciat et recipiat (CT, 337 = HGL, V, 1063 ; entre 1129 et 1150). Un autre cas concret montre un seigneur responsable de ses vassaux, il s’agit de l’affaire d’un paysan énucléé à Mouillet (voir p. 236, note 20). L’auteur de cette violence sauvage est contraint à une emenda par son seigneur : donamus, per emendam suprascripti hominis, tota medietatem de ipsa nostra medietate de decimo de Moled quem tenebamus ad fevum de Bernard Berenger seniore nostro quia ipse mandavit ut concordarem cum monachis Sancte Marie (Lagrasse, t. II, no 13, en 1125).
164 Dans le texte, célèbre entre tous, du Conventum Hugonis (vers 1030), Hugues de Lusignan expose les griefs qui l’ont amené à rompre avec son seigneur, Guillaume comte de Poitou et duc d’Aquitaine, et stigmatise son inconduite. S. D. White a montré à quel point les mots-clés de ce texte sont identiques à ceux qui structurent les serments languedociens, car ce sont ces serments méridionaux qui lui ont servi de point de référence. « Hugues montre que son seigneur a fait, et à plusieurs reprises, exactement ce que, dans le texte des serments, les hommes jurent de ne pas faire, et qu’il n’a pas fait ce qu’ils jurent de faire. En vérité, le contraste entre ce que le comte a fait ou n’a pas fait, d’une part, et d’autre part, ce que les gens jurent de faire ou de ne pas faire dans les traditionnels serments de fidélité est si frappant qu’il semble qu’en faisant écho à ces serments, Hugues ait dépeint Guillaume comme un parjure et un traître sans jamais utiliser ces mots ». (S. D. White, « Stratégie rhétorique dans la Conventio d’Hugues de Lusignan », 1992, p. 152 ; Le Conventum, G. Beech éd., 1995).
165 F.-L. Ganshof, Qu’est-ce que la féodalité ?, Paris, 1944.
166 H. Katsura, « Serments, hommages et fiefs », 1992, p. 156.
167 AN, J 314, no 2 = Teulet, no 69 = HGL, V, 1026.
168 Hii qui ea de nobis habent, teneant amodo taliter de te, sicut nunc tenent de nobis et faciant pro ipsis castellis illud tibi quod fecerunt nobis vel debuerant jam fecisse, scilicet sacramentum et hominium (HGL, V, 895).
169 Hoc per talem convenientiam, quod, quando aveniet tibi vel tuis praedictum donum, facias tibi vel tuis inde nobis et nostris fidelitatem et hominiscum quod inde nobis facere debes (HGL, V, 908, I).
170 Il s’agit d’une concordia entre l’archevêque et le vicomte, qui, en plus de ce qu’il avait déjà du prélat, cherche à obtenir Capestang. L’archevêque refuse et Bernard Aton est contraint de reconnaître : cum venit vicecomes archiepiscopo, ut non perderet servitium nec fidelitatem ejus quod non dabitur ei Capestagnum, et fecit ei hominium et juravit fidelitatem et sacramenta ; le serment qui suit contient la clause sicut homo… (HGL, V, 801 ; daté de 1107, mais l’acte doit être postérieur au premier testament de Bernard Aton, en 1118, qui donne Capestang à son fils Roger).
171 Ipsi fratres [les deux vicomtes de Bruniquel] tres testes produxerunt quorum sacramento probatum fuit quod pater predicti Austor hominium fecit patri predictorum fratrorum pro feudo quod de eo habebat (CT, 476 = HGL, V, 1198).
172 Les juges judicaverunt ut medietatem castri predicti et omni ad illud pertinencium haberet predictus Austor scilicet per feudum a predictis fratribus et eis faceret hominium maxime (ibidem).
173 Sur l’hommage servile, outre l’article classique de P. Ourliac (« L’hommage servile », 1951), voir M. Mousnier, « Jeux de mains, jeux de vilains », 2000.
174 Istam terciam partem [de Villalégut] et illam quam habet in castro Montis Regalis, sicut superius dictum est, habeat I. Jordani et fratres eius et nepotes eorum in foedum honorifice ab Ugone Escafre et fratribus eius, ita ut unus eorum faciat hominium Ugoni Escafredi vel uni de fratribus suis (CT, 358 = HGL, V, 1275).
175 En 1176 : CT, 315 = HGL, VIII, 321. En 1179 : CT, 440 = HGL, VIII, 337. En 1179 : CT, 441 = HGL, VIII, 338.
176 De Lunas en 1191 : CT, 613, inédit ; et en 1201 : CT, 568 = HGL, VIII, 468.
177 De Combret en 1180 : CT, 89, inédit. De Murviel en 1183 : CT, 452, inédit.
178 En 1182 à Belcastel : CT, 527, inédit. En 1184 à Moussoulens : CT, 522, inédit. En 1199 à Valros : CT, 607 = HGL, VIII, 453. En 1206 à Saint-Jean-de-la-Buade : CT, 610, inédit.
179 Si le vicomte donnait le château à quiconque, la présente charte serait annulée, ita quod vos honorem vestrum libere et sine vinculo hominii sicut prius habebatis habeatis, et totum donum predictum ad pristinum statum reducatur (CT, 452, inédit).
180 Par exemple dans le cas de Belcastel, est donné un locale ad hedificandum castrum, qui sera tenu ad nostram nostrorumque fidelitatem. Et le vassal conclut : omnibus sit manifestum quod ego Petrus de Bello Castello accipio a te domino Rogerio et Raimundo Trencavelli illud castrum et facio tibi inde hominium vobis et idem facient mei posteri vobis et vestris, et omnem fidelitatem vestram de predicto castro vobis et vestris observabimus et portabimus (CT, 527, inédit ; en 1182).
181 Par exemple : habeas et possideas jure feudi et debes inde mihi facere hominium et de reditione sacramentum, inféodation de Lunas en 1175 (CT, 434 = HGL, VIII, 309). La dualité hommage/serment est aussi exprimée en 1180 dans la reprise en fief de Combret (CT, 89, inédit), en 1181, quand Sicard de Lautrec doit délier les domini et milites de Montredon du serment et de l’hommage qu’ils lui avaient faits (CT, 519 = HGL, VIII, 353), ou en 1201 lors de l’inféodation de Lunas (CT, 568 = HGL, VIII, 468).
182 CT, 104, inédit.
183 CT, 328 = HGL, V, 1105.
184 Tenuimus et habuimus turrem et castellum de Murello de genitore tuo Bernardo Atonis vicecomite et fuimus inde sui homines (CT, 481 = HGL, V, 1031 ; en 1139).
185 Inféodation du ducatum et guidonaticum sur le chemin de Béziers à Narbonne en 1184 (CT, 442 = HGL, VIII, 377).
186 Ipse Bernardus fuisset inde suus homo et juraret illi fidelitatem (CT, 497 ; HGL, V, 827).
187 J.-P. Poly, La Provence, 1976, p. 349, et G. Giordanengo, Le droit féodal, 1988, p. 16-18.
188 La Provence, p. 350-351.
189 Exemples très nombreux d’inféodations qui attestent de la prestation d’un hommage alors que le serment correspondant n’y fait pas référence (sous la forme sicut homo, ou sous une autre) : à Combret en 1180 : reprise en fief avec hommage (CT, 89, inédit) et serment sans (CT, 91, inédit) ; à Belcastel en 1182 : inféodation avec hommage (CT, 527, inédit) et serment sans (CT, 528) ; à Murviel en 1183 : reprise en fief avec hommage (CT, 452, inédit) et serment sans (CT, 453, inédit). Le phénomène est identique chez les Guilhem (H. Katsura, « Serments, hommages et fiefs », 1992, p. 156). Exceptionnellement, trois serments des Guilhem et un en Provence contiennent une mention de l’hommage dans un acte sacramentel, mais « hors texte », une phrase ayant été ajoutée après la liste des témoins (H. Katsura, ibidem, p. 156 et J.-P. Poly, La Provence, p. 350, note 209).
190 Fidelis ero tibi sicut debet esse homo suo seniori cui manibus si est comendatus per rectam fidem sine inganno, ou aisi com homo debet esse suo seniori cui maniues ses commendaz. Une première attestation de cette clause est à trouver dans le serment de Roger de Foix à son oncle Pierre évêque de Gérone, avant 1050, mais sans la référence aux mains (et donc sans le renvoi probable à l’hommage ?) : de ista hora in antea fidel te serai ego… a te… sicut omo debet esse ad seniorem suum sine ulla deceptione (AN, J 879, no 7 = HGL, V, 409 = Brunel, no 3).
191 Serments à Ermengarde pour Routier (CT, 205 et 206, inédits), pour Rennes (CT, 211 = HGL, V, 692, I), pour Arzens (CT, 287, 288, 290 et 378, inédits), pour Pujoler (CT, 325 et 370, inédits). Serment à Roger Ier pour Saissac (CT, 294, inédit).
192 Les serments mentionnés plus haut (note 189), dont nous sommes certains qu’il furent accompagnés d’une prestation d’hommage, ne comprennent pas la clause sicut homo.
193 Idcirco fuit homo Dalmacii junctis manibus Rostagnus suprascriptus et juravit fidelitatem (LIM, 350).
194 Dedit Roggerius de Murel et Serena scia ejus a feus ad Bernardum Emelium clericum et ad generum suum Guarmundum, in tali vero ratione ut semper fiat Guarmundus homo de duobus manibus suis de Roggerio (inféodation de l’église Saint-Martin de Rodoniag, vers Muret-Ox : Lézat, 1577 ; vers 1061-1090 ; autre occurrence de la même expression : Lézat, 1714, v. 1061-1108). Il est dommage que le mot « hommage » ne soit pas indexé dans l’édition de ce cartulaire ; vu son ampleur, nous n’avons pu le compulser entièrement. Il est certain que le vocable est attesté très couramment au xiiie siècle, dans les chartes de Pierre de Dalbs, mais avant ?
195 Hors du corpus que nous avons défini, mais que nous mentionnons pour leur précocité.
196 Texte : HGL, V, 470 ; E. Magnou-Nortier, La société laïque, 1974, p. 392, note 42 et p. 501-502.
197 Un homagium apparaît cependant en 1067 pour le château de Durban-sur-Arize (voir plus loin, note 202).
198 Datation donnée par HGL, justifiée par la présence parmi les témoins de Stephanus évêque de Béziers. Mais les fastes épiscopaux de ce siège sont tellement lacunaires pour le xie siècle qu’il est impossible de fonder une datation sur cette simple mention. Pierre Raimond semble actif des années 1020 à 1060, Bermond d’environ 1029 à 1056, l’évêque Étienne (de Servian ?) est mentionné jusqu’en 1036 (LN Béziers, 63) mais son successeur Bérenger n’apparaît qu’en 1053.
199 CT, 468 = HGL, V, col. 416, à partir de la ligne 21. Les éditeurs de HGL ont, de manière incompréhensible, inversé l’ordre des deux textes qui étaient semble-t-il recopiés sur deux parchemins distincts. Le premier est incontestablement CT, 468, qui commence par ces mots : Hic est brevis rememorationis de placitum quod fecit Petrus comes et Bermundus frater ejus…. Logiquement vient ensuite CT, 470 (HGL, V, 415, début du texte) qui se présente comme une simple liste de témoins et de garants : Factus est iste placitus in presentia istis hominibus…. Dans le cartulaire, ces deux actes sont cependant séparés par la copie d’un autre, sans raison apparente à cette disjonction : CT, 469, qui est la transcription d’une autre notice de plaid de la fin du xie siècle, concernant le château de Nissan.
200 Factus est ipse placitus in presentia istis hominibus [vingt-et-un noms]. Hoc sunt obsides nomina quos misit Bermundus in manu Petri comes frater eius per finem quem faciat predictus Bermundus Petrum suprascriptum et cum omnes homines per suum ad eum sine inganno et per hominaticum suum et propter fidancias ut fecissent Bermundus suprascriptus ad Petrum suprascriptum que sunt nominatas et misit per istud placitum in obsides : Matfredum filium Aladonis per M solidos, et Frotardum de Combreto similiter, Fredulonem Raimundum de Salve similiter, Poncium Bermundum de Someire similiter, Teubaldum de Venedolio similiter » (CT, 470 = HGL, V, 415).
201 Pour les détails du conflit entre les Anduze et les Carcassonne, et l’enjeu que constitue le prieuré de Sauve, voir P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, p. 67 et suivantes.
202 Recognosco etiam homagium quod ego facere debeo meique successores tibi Petro abbati Asiliensi tuisque successoribus de castro quod vocatur Durban debemus facere, quod in honore et alodio Sancti Stephani pater meus Guillelmus Ato et frater ejus Arnaldus Tardiu fecerunt et construxerunt (Doat, vol. 97, fol. 24 = HGL, V, 547, édition tronquée).
203 E. Magnou-Nortier suppose cet acte remanié, à tort selon nous (original aux archives départementales de l’Aude, ignoré des éditrices du recueil mais mentionné par D. Baudreu, « Villa, vicaria, castrum », 1987, p. 509-510 : AD Aude, H 155 = Lagrasse, t. I, 115).
204 Deinde recognoverunt quod, quidquid tenebant in tota villa de Malvers vel in suis terminiis, tenebant in feudum a coenobio Santae Mariae Crasse. Et ita alloquuti sunt : « nos omnes, IIII vicarii de Malvers, juramus super haec IIII Dei evangelia hominium et fidelitatem in omnibus tanquam domino nostro vobis iamdicto domino Dalmatio abbati… ».
205 Propter hoc fevum, facimus homenesc abbati predicti monasterii et debemus defendere et manutenere monasterium et abbates et monachos eiusdem monasterii et omnia que ad eos pertinet (AD Gard, H 142, 21 ; cité par E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 396 et note 56).
206 Plainte de Guifred contre Bérenger de Narbonne, HGL, V, 476.
207 Le rite peut avoir bien d’autres fonctions, notamment symboliques, que celles, juridiques, assumées ici par le serment (J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », 1976).
208 Gellone, 364, texte cité ci-dessus, p. 141.
209 Sur tout cela, voir l’excellente mise au point de K. Van Eickels, « Homagium and amicitia », 1997 (« In fact, it is undeniable that throughout the 12th century, doing homage was not a clearly defined legal act, but remained a flexible ritual able to cover a wide variety of relationships », p. 140). M. Bloch, dans sa présentation de la féodalité italienne, donnait déjà un magnifique exemple de cette surévaluation de l’hommage dans l’historiographie : « Les documents de la pratique attestent qu’en Italie, aux âges féodaux, l’hommage selon le type franc était quelquefois prêté. Non pas toujours cependant, ni même peut-être le plus souvent. Il ne paraissait pas nécessaire à la création du lien » (La société féodale, rééd. 1983, p. 254-255).
210 M. Bloch, La société féodale, rééd. 1983, p. 325 et suivantes.
211 Sur la solidité, voir les nouvelles réflexions de P. Bonnassie, « Sur la genèse de la féodalité catalane », 2000.
212 Serment au comte de Foix par deux couples de frères pour le castel de Perela (Péreille, canton de Lavelanet, Ariège) : HGL, V, 957, V. Il faut signaler en outre dans ce serment une réserve de fidélité pour le comte de Toulouse (salva la fedeltat del comte de Tholose), explicable à cette époque par l’alliance entre Foix et Toulouse.
213 CT, 498 = HGL, V, 1018. Il agit ici avec son beau-père ce qui explique sans doute que son frère n’intervienne pas.
214 CT, 196 = HGL, V, 1062, VI. Ils y sont dits « fils de Comter », ce qui, compte tenu des possibles altérations orales ou écrites, peut être considéré comme le même nom que « Condet ».
215 Trencavellus non manuteneat adversus Bernardum Atonem illos homines qui per terram et honorem sunt melius Bernardi Atonis quam Trencavelli ; et Bernardus Ato non manuteneat adversus Trencavellum illos homines qui per terram et per honorem sunt melius Trencavelli quam Bernardi Atonis (CT, 455 = HGL, V, 1122).
216 Ego Arnald Guillelm a ti Guillelm Raimund filium qui fuit de Guila femina adjutor et valitor te serei per rectam fidem sine inganno tuo vel sine inganno de Raimund d’Aniort per tuam vitam et meam et de totos homines vel feminas, excepta vicecomitissa de Carcassone et Bernard At filio suo et Bernard Berengie de Petrapertusa et meos homines qui plus sunt legati de mea honore que de alia (CT, 223 = HGL, V, 740). Legati nous paraît plus renvoyer au catalan lligat (lié, attaché) qu’au latin legatus (nommer, déléguer) ; à moins qu’on ne puisse entendre legare au sens de doter : « les hommes qui sont plus dotés (en fiefs) [qui ont plus reçu] dans mon honneur que dans tout autre » (legati serait alors à rapprocher de locati, ou collocati, voir ci-dessus, p. 195 et note 79).
217 Retineo quod tu vel tui qui predictam villam vel castrum Besocie habuerint nullum alium dominium [?] vel dominum habeatis quin mihi et meis, de omnibus guerris nostris valeatis et nos adiuvetis contra omnes homines nulla persona excepta (AN, J 323, no 42 = Teulet, no 309), inféodation de Bernard Aton VI à Rostagnus de Marguerittes de la villa de Bezouce pour y édifier un castrum avec devoir de le rendre, albergue de dix milites par an, hommage et serment.
218 Cognoscis tu quod melius beneficium habeas de me et de Sancto Petro quam de alio seniore, et cognoscis quod melius sis homo de sancto Petro et de me quam de alio seniore ? Respondit Guillemus : cognosco (LIM, 41). La formulation est étonnamment semblable à celle qui apparaît dès le xie siècle en Dauphiné : melius suus esse quam ad alium hominem, dès vers 1040, puis melius fuissent homines quam alio homini viventi, fin xie-début xiie (G. Giordanengo, Le droit féodal, 1988, p. 13 et 18).
219 L’expression melius habere et tenere apparaît à de nombreuses reprises, mais elle est si vague qu’on ne peut décider s’il faut entendre chaque fois une allusion à la ligesse (donations, ventes ou inféodations de biens sicut melius habemus et tenemus). Dans le Conventum Hugonis, apparaît un autre comparatif, qui est tantum ; ne renvoie-t-il pas lui aussi à la notion qu’ailleurs on nommerait ligesse ? (dans la phrase célébrissime : Tantum ex me tu es, ut si dicerem tibi rusticum facere in seniori facere debueras, « tu procèdes tellement de moi, que si je te disais de faire d’un paysan un seigneur, tu devrais le faire », G. Beech, Le Conventum, 104-105, p. 128).
220 « C’est d’ailleurs le système décrit par les Libri Feudorum [italiens] qui ne connaissent pas l’hommage lige » (G. Giordanengo, « Vocabulaire et formulaires féodaux », 1980, p. 100). En Provence, la réserve de fidélité demeure, alors qu’en Dauphiné « la ligesse apparaît pour la première fois en 1189 », peut-être sous influence bourguignonne (ibidem). Dans les domaines des Guilhem de Montpellier, la réserve de fidélité est aussi la forme commune ; la ligesse n’y est mentionnée qu’à deux reprises (celle de l’inféodation de Tortose à Guilhem VI en 1136 est à rejeter, à notre avis, à cause de son contexte catalan ; reste le melius homo du serment de Guilhem V à l’évêque de Maguelone vers 1090 (cité cidessus, note 218) : voir H. Katsura, « Serments, hommages et fiefs », 1992, p. 159-160).
221 Par exemple, serments salva la fidelitat del vescomte à Guilhem d’Alaigne à la fin du xie siècle pour Queille (CT, 227 et 230, inédits).
222 Salva fidelitate vicecomitis Carcassone, vobis fideles adiutores erimus, dans les serments réciproques entre deux groupes de coseigneurs d’Hautpoul (CT, 98 et 99, inédits).
223 Placuit domno R. Trencavelli quod carta pacis et concordie daret et concederet A. et eius participibus castrum iamdictum ad fevum… ita quod milites ipsius castri debent jurare A. et participibus iamdictis hoc castrum salva fidelitate et dominio R. Trenc et abbatis Castrensis (CT, 557 ; HGL, V, 1287).
224 In tali convenientia quod ipse Rogerius comes, si opus ei fuerit, habeat potestatem de ipso castello de Montalt ad faciendam guerram contra homines omnes quoscumque voluerit, praeter nos solos et seniorem castelli de Auriag et seniorem de Carcassona (HGL, V, 956, III).
225 Item conqueror super Gaucelmo de Clareto qui cum militibus hujus terre et cum inimicis meis sacramentum fecit et se cum eis juravit nec inde me excepit (LIM, 122 ; vers 1141-1142).
226 Ego Gaufridus episcopus predictus et ego Stephanus de Cerviano promittimus tibi Bertrando de Seissaco et vicecomiti quod fideles consiliarii et adjutores erimus vobis in negotiis Biterrensis episcopatus et Agathensis contra omnes homines. Ego tamen episcopus comitem Tolosanum cui fidelitatem teneor observare excipio (HGL, VIII, 430). On notera la souplesse de cette procédure : les deux bayles du Biterrois, l’évêque et Étienne de Servian, s’engagent au conseil et à l’aide contre tous, mais seul l’évêque mentionne sa réverse en faveur du comte.
227 « Dès 1008, l’évêque Fulbert de Chartres impose cette pratique à ses vassaux qui sont en même temps ceux du roi de France : ils ne seront les hommes de cette Église que sauf la fidélité due au roi. De même, en 1101, le comte de Flandre devient le vassal du roi d’Angleterre, « sauve la fidélité » qu’il doit d’abord au capétien, Philippe Ier » (E. Bournazel, « Les temps féodaux », 1996, § « Les sauvegardes hiérarchiques », p. 125).
228 La ligesse ne se répand en Languedoc qu’à partir des années 1220, en même temps que la forma fidelitatis (L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2000, p. 235). Une seule attestation antérieure à trouver dans une lettre, non dans un acte diplomatique : une lettre de Raimond V à Louis VII à propos de Bérenger de Puisserguier qui homo vester ligius est (citée par L. Macé, ibidem, p. 400, note 16). Un troubadour, Bernard de Ventadour (v. 1147-v. 1170), a aussi à une reprise employé le mot : qu’en sui sos om liges (cité par L. M. Paterson, Le monde des troubadours, 1999, p. 35). La ligesse n’est donc pas inconnue mais ce type d’engagement privilégié est dit d’une autre manière.
229 M. Bloch, La société féodale, chapitre intitulé « les liens du sang » (rééd. 1983, p. 183-208).
230 Voir les articles de G. Duby repris dans Hommes et structures du Moyen Âge, 1973 (en particulier : « Structures de parenté et noblesse »,1967 ; et « Lignage, noblesse et chevalerie » 1972) ; D. Barthélemy, « L’État contre le “lignage” », 1986 ; M. Aurell, Les noces du comte, 1995 ; C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001.
231 AN, J 322, no 29.
232 Il y a en fait quatre enfants, les deux fils et la sœur, parties de ce judicium, et un autre frère mentionné incidemment. De la succession paternelle est extrait un manse sur lequel la sœur a des droits particuliers : elle en obtient une moitié par hérédité et l’autre moitié à titre de gage en contrepartie de 200 sous melgoriens. Les deux frères s’engagent à abandonner la part qu’avait le quatrième frère sur ce manse, part qui est d’un quart (et ipsi fratres Raimundus et Guillelmus debent ipsi Galliciane deliberare ipsam quartam partem quam ibi habet Bernardus Martini frater eorum per hereditatem). Sur le reste, le partage doit être égalitaire : et in toto alio honore paterno ipsa Galliciana debet habere suam frairescam (LN Béziers, 128). Autres exemples de frairesca, dans C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 344.
233 Après une élection de sépulture et un legs à l’Hôpital, il déclare : Item dono et relinquo omnem alium honorem meum inter filios meos videlicet Raimundus Gauzbertum et Guillelmum de Alaiano, ita ut ipsi dividant inter se predictum honorem et omnem jus meum, in quocumque loco sit, per medietatem scilicet equis porcionibus (CT, 226, inédit). « La législation visigothique a incontestablement connu une singulière longévité en ce qui concerne les testaments » (P. Tisset, « Placentin et son enseignement à Montpellier », 1951, p. 71).
234 En 1129, Bernard Aton IV a manifestement effectué une telle melioratio au profit de Roger : il stipule dans son testament que Roger primogenitus filius devra marier sa sœur Pagana en raison de l’augmentum qu’il a reçu (mando etiam Rogerio ob augmentum, quod sibi facio, ut sororem suam Paganam maritet ; CT, 454 = HGL, V, 957). En 1158, Raimond Trencavel fait la même chose au profit de Roger II : dono tibi [Carcassès et Razès] melioratione ante omnes alios infantes meos (CT, 255 = HGL, V, 1215). Au début du xiie siècle, la melioratio apparaît également dans la famille de Sauvian au moment où elle règle les conditions du mariage du fils Arnaud avec une fille Trencavel (Donamus tibi Arnaldo filio nostro vel ad filium nostrum qui filiam Bernardi Atonis vicecomitis habuerit in uxorem, per meliorationem super alios fratres tuos vel suos post mortem nostram… » ; CT, 406 = HGL, V, 795, II). Sur la survie de la melioratio en Catalogne : L. To Figueras, Família i hereu, 1997, p. 221-223 et 229-231.
235 CT, 549 = HGL, V, 1277.
236 A. Gouron, « Les étapes de la pénétration du droit romain », 1957, p. 115 ; et P. Tisset, « Placentin et son enseignement à Montpellier », 1951, p. 73 (« Le testament lui-même se dégage quelque peu de la réglementation visigothique, tend vers 1170-1180 à perdre les exécuteurs testamentaires et à porter une institution d’héritier »). Les solutions pour avantager un fils et la primogéniture semblent répandues plus précocément en Catalogne (L. To Figueras, Familia i hereu, 1997, p. 231-234) et peut-être dans certaines familles du sud du Languedoc qui ont adopté précocément les usages catalans (voir G. Langlois, « Diversité des pratiques familiales et patrimoniales », 1999).
237 Les hasards généalogiques y sont pour beaucoup : Bernard Aton IV fut le seul fils d’un père mort jeune ; lui-même eut trois fils et constitua trois parts qui se réduisirent à deux par la mort sans succession de Roger Ier, l’aîné en 1150. Le benjamin, Bernard Aton V, mourut en 1159 alors que sa femme était enceinte de son seul enfant connu (un garçon, le futur Bernard Aton VI). Et le cadet, Raimond Trencavel, eut deux fils : nous venons de voir qu’il avait constitué une melioratio pour l’aîné Roger (II) en 1158 (voir ci-dessus, note 234), mais il n’avait nulle part manifesté la volonté d’exclure son cadet, aussi nommé Raimond Trencavel. La mort violente du vicomte en 1167 fit qu’il disparut sans avoir réellement organisé sa succession. Ce fut Roger II qui évinça son frère dans les années 1180, dans des circonstances mal élucidées, peut-être une trahison (voir notre contribution au colloque de Béziers, Les cartulaires méridionaux, septembre 2002, à paraître). Il est néanmoins certain que Raimond Trencavel est dès lors totalement absent de la documentation bien qu’il soit toujours en vie en 1194 (il est cité dans le testament de son frère : Mahul, t. V, p. 284). Quant aux filles de la lignée, dès que l’on possède quelques renseignements sur elles, elles sont exclues de la succession au titre et aux prérogatives vicomtales : elles n’obtiennent que des dotations minimes, au titre de leur dot (voir les cas de Guillelma sœur de Bernard Aton IV, des quatre filles de ce même vicomte, des deux filles du premier mariage de Raimond Trencavel, ou de la sœur de Roger II). Sur tout cela : C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 322-338 et « Femmes entre elles », 1992 ; et N. Didier, « Les dispositions de Guillaume II de Forcalquier », 1950.
238 Succession : LIM, 94 ; C. Duhamel-Amado, « Les Guilhems de Montpellier », 1985, p. 15-16. Ici aussi la mort d’un des fils fit que la succession ne donna souche qu’à deux lignées, dont celle de Guilhem d’Aumelas qui institua son fils héritier en 1155 (HGL, V, 1176).
239 Les cadets doivent se tenir prêts en cas de décès de l’aîné et de réalisation de la clause de substitution d’héritier (attestée en 1155 dans le testament de Guilhem d’Aumelas), et reçoivent même le nom dynastique au cas où… (Guilhem de Tortose, frère cadet de Guilhem VII, ou sous forme abrégée, Gui Guerreiat, autre cadet de Guilhem VII, Gui Bergondion, frère cadet de GuilhemVIII ; voir C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 342-343). La pratique de la substitution, d’origine romaine, est apparue en Languedoc, à peine plus tôt (en 1149, dans le testament d’Ermengaud évêque d’Agde ; P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 283-284).
240 CT, 565, inédit.
241 Arzens : CT, 291, inédit (vers 1100-1129) ; Alaigne : CT, 224, inédit (1173) ; Mirepoix : CT, 147, inédit (fin xie-début xiie) ; Rieux : CT, 312, inédit (1175).
242 Cabaret, histoire et archéologie d’un castrum, 1999, p. 68-71 (texte dans Doat, vol. 59, fol. 41)
243 C. Pailhès, « Le groupe aristocratique en comté de Foix », 2001, p. 130-138.
244 Aizo es carta d’acorder que fau Siquardz de Pug Laurens et Isarns sos fraire, ab Petro de Tripol, et ab R. de Dorna, et ab Guillabert de Pug Laurens. El acorders es aitals del castel que bastisso el pug de Moncuc : que Siquardz de Pug Laurens et Isarns sos fraire au la quarta part en aquel castel et en totas las senniorias que ara i son ni per azenant i serau, e Peire de Tripol la quarta part… [ainsi de suite]. E se tor faziau en aquel castel, devo la far per aital part qual i aurau… [suivent des conditions complexes d’attribution de cette tour si tous ne voulaient contribuer à son édification] (AN, J 322, no 39 = Teulet, no 317).
245 CT, 337 = HGL, V, 1063 (cette sauveté de Lavaur est une « sauveté castrale » : voir G. Pradalié, « Les sauvetés castrales », 1990, p. 30 et 33).
246 CT, 358 = HGL, V, 1275.
247 Petrus de Eissena, Ermengaudus de Combreto et Bernardus de Combreto (maior XVI annis) donnent en alleu la medietatem totius castri. Propter istud donum, Roger II leur donne aliam medietatem ipsius castri, que fuit Bernardi de Combreto avunculi vestri, quam ego emi a filia sua Rosa [cet achat a été effectué cinq ans auparavant, en 1175, et l’acte en est conservé dans le cartulaire : CT, 90, inédit]. Et Roger conclut : istam medietatem et aliam quam mihi donastis nomine transactionis finis et concordie, dono vobis et vestris ad feudum…, hoc pacto quod vos et omnia vestra posteritas faciatis mihi hominium et meis et sacramentum iamdicti castri (CT, 89, inédit).
248 Ego Poncius de Castello… excambio… totum hoc quod habeo in omni honore quem teneo et habeo et divido cum Berengario Ferrando consebrino meo in castro quod vocatur Rivus… ; que honor totus tali modo dividitur inter me et Berengarium Ferrandi, cuius honoris VII partes sunt mee et VIII pars est illius (CT, 351, inédit).
249 Quedam pars istius honoris accidit mihi ex hereditate Bernardi Poncii patris mei qui fuit, et Ugonis et Ugonis fratris mei, et quedam pars evenit mihi ex parte Bernardi de Sancto Juliano a quo eam emendo acquisivi, alia pars contingit michi ex hereditate Guillelmi de Cauna qui fuit.
250 L’année précédente, huit hommes ont prêté serment à Roger II pour Rieux (dont seulement deux sont frères). Il n’y est nulle mention des droits de Pons de Castello, non plus que de ceux dont il a obtenu les parts (CT, 312, inédit).
251 Parierii en 1069 (CT, 475 = HGL, V, 568), en 1153 (CT, 341 = HGL, V, 1136), en 1175 (CT, 357, inédit), en 1203 (CT, 571, inédit), parcerers en 1183 (A N, J 322, no 39), participes en 1149 (A N, J 321, no 2), en 1165 (CT, 557 = HGL, V, 1287), en 1189 (CT, 583, inédit), en 1190 (CT, 590 = HGL, VIII, 412) ; mis à part ce dernier texte qui concerne des mines, tous les autres exemples traitent de coseigneuries castrales.
252 Domnus autem R. Trencavelli querebatur de U. Escafredi et fratribus eius eo quo reddebant ei castrum de Rocafort scilicet quod ei juraverant. Ad quod dicebant se non posse reddere contra voluntatem Jordani de Rocafort sui pariarii propter quasdam rationes quas ipse Jordanus opponit domno R. Trencavelli. Quod sic fuit sentencia predictorum descisum, ut U. Escafredi et fratres illius habeant talem Jordanum de Rocafort ut stet in judicio cum domno R. Trencavelli (CT, 341 = HGL, V, 1136).
253 Conoguda causa sia quod Sicardus de Poilaurenz et Petrus de Tripol et Raimundus de Dorniano so vengud ad adcorder entre lor del castell de Dornia… L’acorders es aitals : quod Sicardus de Poilaurenz deu tener lo castell de Dorna de festa Sancta Iulia entro al dia d’an nou, et Raimundus de Dornia deu lo tener d’an nou entro a festa Sant Audard et de festa Sant Audard deu lo tener Raimundus de Tripol entro ad festa Santa Iolia (AN, J 323, no 52 = Teulet, no 391).
254 Deux serments réciproques entre deux groupes de coseigneurs (avec mention de la seigneurie éminente de Raimond Trencavel) : Fidas et Pons du Vintrou pour les quatre mois (CT, 428 = HGL, V, 1065), Jourdain de Prohencoux, Raimond Jourdain et Pierre Bec pour les huit mois (CT, 447 = mentionné HGL, V, 1065, note). Il est difficile de comprendre pourquoi les quatre mois ne se suivent pas.
255 Garde de 1173 : CT, 225, inédit. Il ne s’agit pas ici exactement d’une sous-inféodation puisque Guillelmus Amelii n’est que le castlan de Monthaut ; le fief qui lui apportera sa rémunération est assis sur un autre honor, et ne comprend pas le château de Monthaut.
256 CT, 165, inédit.
257 CT, 216, 217, 218, 219, 220, 221 ; tous inédits.
258 CT, 168 = HGL, V, 1128, II.
259 CT, 156, inédit.
260 CT, 158, inédit.
261 CT, 167 = HGL, V, 1128, II.
262 CT, 157, inédit.
263 Arifat : CT, 134 = HGL, V, 837 ; Montréal : CT, 376 = HGL, V, 1252.
264 Fuit controversia, eo quia Udalgerius et Petrus Raimundi frater eius et ceteri predicti eorum pariarii scilicet B. de Claromonte et G. Arnaldi et Aimericus de Huca et R. frater eius et Petrus Raimundi de Rusticano et Bernardus illius filius, abstulerant castrum de Claromonte Bertrando et Petro de Claromonte. […] Fuit tunc cognitum quod Udalgerius de Vilare et Petrus Raimundi fratres eius, et omnes eorum hac in causa pariarii, habebant partem et dominationem in castro et in turri de Claromonte, sed extra partem castri nichil habebant in terminio eiusdem castri. Qui duo Udalgerius et Petrus Raimundi desiderabant clavem porte castri tenere dum turrem tenerent, quod Guillelmus de Claromonte et Bertrandus et Petrus de Claromonte eis non concedebant, dicentes quia ipsi neque antecessores eorum unquam clavem illam tenuerunt. Quod ut finis et pax esset blandior et dulcior inter eos, ita fuit dispositum ut dum Udalgerius et Petrus Raimundi tenuerunt turres, similiter clavem illam tenerent, salva dominatione et fidelitate Guillelmi de Claromonte et Bertrandi et Petri de Claromonte omniumque aliorum dominorum castri de Claromonte (CT, 357, inédit).
265 Serment de deux d’entre eux, Udalgerius de Vilare et son frère Petrus Raimundi, à Roger II en 1177 (CT, 361, inédit). De façon significative, ils font serment pour tout le castrum, ses turres et forcias et omnes fortalezas quecumque modo ibi sunt et in antea fuerint, alors que nous savons pertinemment qu’ils n’ont qu’une petite part de celui-ci.
266 A. Barbero, à partir de l’analyse des sources littéraires languedociennes, a signalé cette extrême division des castra et la difficulté qu’il y a à clarifier les situations : « la distinzione tra domini e milites non può essere sempre precisa : troppi castelli sono in mano non di singoli signori, ma di consorterie di milites che dividono fra loro, in quote anche minime, i diritti sognorili » (« Dai principes patriae alla cavaleria », 1987, p. 382).
267 Notum sit omnibus hominibus quod Gautbertus de Podio Laurentii juravit castrum de Podio Laurentii Roggerio de Beders, nesciente Poncio de Doria. De ut audivit Poncius, conquestus est de Gautberto et de Roggerio et propter predictum juramentum vocavit Gautbertum […] et guerivit Poncius ante predictum Gautbertum justo judicio proborum hominum predicti castri, videlicet [onze noms]. Justo judicio istorum ut prediximus, guerivit Poncius quatinus Gautbertus hoc sacramentum quod injuste fecerat absolvere sibi fecisset et sacramentale reddere sicque factum est quod Rogerius absolvit sacramentum predicti castri Gautberto jamdicto, et reddidit illi sacramentale, et Gautbertus judicio justo predictorum judicum reddidit hoc sacramentale Poncio de Doria et Isarno filio suo eorumque participibus. Quod sacramentale istis judicibus videntibus igni combustum fuit VI Idus Januarii in domo Isarni de Foissag (A N, J 321, no 2).
268 Serment de Gauzbertus de Poilaurenz fils de Baia à Roger Ier (CT, 69, inédit). Peut-être même ce texte fut-il utilisé par Roger II en 1173 pour obtenir un nouveau serment pour Puylaurens, de la part d’un certain Begon (CT, 65, inédit).
269 Ils sont partagés moitié-moitié, alors que le reste des droits sur le castrum est divisé deux tiers-un tiers (CT, 549 = HGL, V, 1277).
270 Ego Bernardus Atonis vicecomes et uxor mea Cecilia vicecomitissa donamus vobis ad fevum tibi supradicto Willelmo de Minerba prenominatum castellum de Laurano […] et convenimus et laudamus tibi ut ipsum castellum de Laurano tibi jurari faciamus a predicto Petro de Laurano et fratre eius Arnaldo et a consobrinis eorum […]. Per eandem convenientiam donamus tibi ad fevum predictum castellum de Olarge […] et convenimus et laudamus tibi ut castellum de Olargue faciamus tibi jurari ab Engelberto de Olargue sine tuo inganno. Et si facere non potuerimus, simus tibi fideles et adiuvemus te illum tantum guerregare tecum et sine te usque fiat tibi sine tuo inganno (CT, 304 = HGL, V, 941).
271 Exceptis ipsis hominibus de Lauraco qui non habent castellum nisi solum modo Lauracum (CT, 382 = HGL, V, 837).
272 E. Magnou-Nortier, « Fidélité et féodalité méridionales », 1968, p. 479.
273 Voir ci-dessus, le paragraphe sur la castlania (p. 165-166)
274 Serment d’Arnaud Bernard d’Arifat et de son fils Raimond, dont les clauses sont tout à fait classiques (elles sont omises dans l’édition de HGL), mais il est complété par : Aquest sacrament del castel d’Arifat lor tenren e lor atendran tro li senior d’Arifat jurat l’aron per ben e per fe senes engan. Puis suit le serment des « hommes » : et o a iurat Peire Ermengaus et W. frater eius, e sez se el len enganavon, lor [au vicomte, à sa femme et à ses enfants] ne portarion bona fe, e Peire Amels, e W. Amels… [17 noms au total]. Aquest sacrament an fait home d’Arifat al vescomte e a sa moller e a sos enfanz per mandament des seniors del castel (CT, 134 = HGL, V, 837 ; avant 1129). Il est à remarquer que le groupe des milites lui-même est constitué de personnes liées par de proches liens familiaux : moins de la moitié des individus sont cités seuls, un père est accompagné de son fils et au moins neuf autres sont mentionnés avec leur(s) frère(s).
275 La primogéniture et le lignage n’ont pas aussi tôt la même puissance que dans la Provence décrite par M. Aurell (« Le lignage aristocratique en Provence », 1986, p. 163 ; et « Le comte, l’aristocratie et les villes en Provence », 1991, p. 155), mais les chefs de lignée s’imposent, semble-t-il, plus vite et plus fermement aux lignages arborescents et aux essaimages de deuxième génération décrits par C. Duhamel-Amado pour le Biterrois (Genèse des lignages méridionaux, Toulouse, 2001).
276 Sur l’aîné miroir de fief, chef parageur, qui fait seul hommage au seigneur en Normandie, voir P. Ourliac et J.-L. Gazzaniga, Histoire du droit privé français, 1985, p. 328. Galbert de Bruges le nomme caput generis (G. Duby, Le chevalier, la femme, le prêtre, 1981, p. 102).
277 M. Bloch, La société féodale, rééd. 1983, p. 291-295 (« L’aîné seul faisait hommage au seigneur et, par conséquent, assumait seul également la responsabilité des charges. C’était de lui que ses cadets tenaient leurs portions »). « La première loi qu’ait promulguée un roi capétien en matière féodale eut précisément pour objet, en 1209, la suppression du parage… Désormais, les lots devaient tous dépendre, sans intermédiaire, du seigneur primitif » (p. 294). Voir aussi, P. Petot, « L’ordonnance du 1er mai 1209 », Mélanges Clovis Brunel, Paris, 1955, t. II, p. 371-380.
278 … habeat I. Jordani et fratres ejus et nepotes eorum in foedum honorifice ab Ugone Escafre et fratribus ejus, ut unus eorum faciat hominium Ugoni Escafredi vel uni de fratribus suis (CT, 358 = HGL, V, 1275).
279 Totum illud feudum recognovit Guillelmus de Monteferrario canonicis Sancti Stephani de Agathe, et fecit hominiscum Petro de Corneliano pro se et pro aliis senioribus (Agde, 91).
280 Ego Rogerius de Biterris filius Cecilie donator sum tibi Petro Guillelmo et filiis tuis Ugoni et Aimerico et Ysarno et tibi Jordano et fratri tuo Bertrando vobis predictis, infantibus vestris et aliis coheredibus vestris qui salva mea fidelitate concordaverint vobiscum de bastimento et hedificiis et missionibus quas in Brunichello feceritis, dono ad fevum ipsum castellum et chastlare quod olim antiquiter vocatum est Verdun et hodie vocatur Brunichellis (CT, 132 = HGL, V, 1045).
281 Serment de Raines fils de Rocia à Guillelm Raimond fils de Rocia pour la tua part del castel (AN, J 329, no 35 = Teulet, no 49).
282 Voir Genèse des lignages méridionaux, Toulouse, 2001, particulièrement p. 157-159 et 344-345, et « Inféodations entre parents », 2002. Exemples catalans dans L. To Figueras, Família i hereu, 1997, p. 232-234, et « Fief, baylie, tutelle », 2002.
283 On ne peut décider quel est l’élément premier. De nouveaux types d’actes qui nomment le lien vassalique apparaissent à ce moment-là. Est-ce que la victoire militaire sur les barons autorise le vicomte à dire ce qui jusque là était tu, ou cette victoire lui a-t-elle permis de les soumettre plus fermement ? Quelle est par ailleurs la part du formalisme juridique en ce début de xiie siècle ?
284 « La solidarietà collettiva e la coscienza di classe dei guerriri meridionali si rivelano in modo ancor più incisivo attraverso la storia di un vocabolo che occupa nella Chanson una posizione-chiave ; un vocabolo privo di equivalenti in latino, così legato alla lingua volgare che i redattori dei documenti preferiscono non tradurlo : Paratge » (A. Barbero, « Dai principes patriae alla cavaleria », 1987, p. 389). Plus récemment, voir l’excellente mise au point de F. Zambon, « La notion de Paratge », 2001, p. 27.
285 Les difficultés de cette question sont bien posées par J.-P. Poly qui montre à quel point il est malaisé de démêler ce qu’était la commendatio, et son lien fragile avec le rite de la dation des mains (« Vocabulaire “féodo-vassalique” », 1978, p. 169 et suivantes).
286 Une reformulation exceptionnelle de la clause sicut homo est à trouver dans un serment cerdan des années 1068-1095 : sicut fidelis homo debet esse Deo et seniori quem diligat (serment de Raimond Arnaud d’Usson à Guillem Ramon comte de Cerdagne, ACA, LFC, 107, fol. 26c). Il faut aussi rappeler la signification des termes amour et amitié dans nos sources : s’ils désignent clairement des pactes, on ne peut cependant les décharger totalement de la signification psychologique qu’ils vont prendre dans toutes les langues romanes (voir ci-dessus, p. 126, note 152)
287 Th. N. Bisson, « The Politicizing of West European Societies », 1996, spécialement p. 247.
288 M. Bloch, La société féodale, chapitre « La vassalité à la place du lignage », rééd. 1983, p. 316 et suivantes ; A. Guerreau-Jalabert, « Sur les structures de parenté », 1981 et « La désignation des relations et de groupes de parenté », 1988. Sur les analogies entre parrainage (ou patronage de baptême impérial) et vassalité : M. Mitterauer, « Une intégration féodale ? », 1996. Voir par exemple les conclusions de la p. 303 (« L’attribution aux enfants de vassaux du nom du seigneur ou du nom d’un de ses proches trouve logiquement sa place dans ce contexte de relations quasi familiales. Ce type de dénomination est particulièrement marqué dans les régions où la féodalité a davantage développé les liens personnels ») qui font directement écho à celles de l’article de M. Bourin dans ce même volume, « France du midi, France du nord : deux systèmes anthroponymiques ? » (« Il est surprenant de constater que la progression forte et précoce des noms des puissants est loin d’être une particularité des zones considérées traditionnellement comme fortement « vassalisées ». La précocité du sud-ouest, la vivacité du Languedoc dans cette évolution, le caractère assez tardif des pays ligériens suggèrent une géographie inhabituelle des structures de pouvoir », p. 190). Est-il exagéré d’en conclure que le Midi fut un des foyers de l’invention de la féodalité ?
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