Chapitre 3. Des serments féodaux
p. 143-184
Texte intégral
1Le fief au cœur de la société féodale ? Le propos semble tautologique, or il est de plus en plus problématique. Traditionnellement le fief est au centre des taxonomies pour désigner les systèmes en vigueur aux xie-xiiie siècles : société féodale, monarchie féodale, État féodal… Les grandes synthèses classiques, qu’elles se situent dans la tradition historique ou juridique, font du fief à la fois la signature et le moteur d’un mode d’organisation sociale1.
2Cependant de nombreuses recherches récentes qui s’interrogent sur la nature de la société féodale ont tenté d’atténuer, voire de nier le rôle de cette institution. À l’opposé d’E. Magnou-Nortier qui maintenait le terme de féodalité pour désigner une société qu’elle ne pensait pas profondément féodale2, un Duby, un Fossier ont progressivement évacué le fief comme structure nécessaire à l’ordonnance du système féodal3. D’autres ont proposé de supprimer toute référence à la féodalité et toute validité au fief pour décrire les sociétés des xie-xiie siècle4. Dans les débats les plus acerbes sur la « mutation féodale », les discussions portent plus sur le concept de mutation (révolution, rupture, ajustements… ?) que sur le deuxième terme5.
3Notre but ici sera d’examiner ce problème à la croisée des questionnements sur la féodalité et le féodalisme, et des interrogations sur la nature de la féodalité méridionale6. Comment pourrait-on en effet conserver l’épithète « féodal » à une société qui ne connaîtrait pas le fief, du moins où celui-ci ne tiendrait pas un rôle crucial ?
4Un constat s’impose d’emblée : le fief est omniprésent dans les sources méridionales, sous des formes très variées, latinisées ou vulgaires, fevum, feudum, feudos, feos, feu … Nous analyserons en premier lieu toutes ces occurrences et essaierons d’en extraire une définition de cette institution, tant par distinction avec les autres modes de délégation, que par opposition à son corrélat, l’alleu. Cela nous amènera à décrire la façon privilégiée dont se fait l’entrée en dépendance dans le Languedoc des xie-xiie siècles, la reprise en fief. Le mot de fief lui-même n’apparaît cependant jamais dans plus de la moitié des textes qui sont des serments de fidélité. Nos investigations se tourneront dans un second temps vers le mystérieux castrum des serments, et nous tenterons de débrouiller comment il s’articule avec le fief. La dernière partie portera enfin sur le droit des fiefs, un droit des fiefs non écrit mais qui semble se dégager de la pratique coutumière.
I - DIVERSITÉ DU FIEF ET UNITÉ DE LA REPRISE
1 - Le fief dans tous ses états
5Le mot de fief, pour lequel nous ne tenterons pas ici de trancher entre les diverses hypothèses sur ses origines lexicales7, recouvre dans les textes languedociens des réalités polymorphes. La diversité des emplois du mot semble fractionner sa signification et brouiller sa compréhension. Le fief désigne en premier lieu des réalités foncières. Ce peut être un champ, une condamine, des prés, un bois, un bourg suburbain (de Béziers), ou un château8. Par transfert, certains biens fonciers ont pu prendre le nom de fief, de même que certains territoires, en concurrence avec terminium, pertinentiae.9. Le contenu du fief peut donc être une réalité concrète, ou plutôt les revenus que l’on peut en tirer. Ces revenus, qu’ils soient ou non d’origine foncière, ont aussi bien souvent été déliés de leur support et ont été l’objet d’inféodations séparées, comme la taxe foncière du quart, des redevances sur le vin, des dîmes, des leudes, des albergues, des droits de justice…10. Même dans le cas où le fief est un castrum, ce dernier parfois n’existe pas encore : l’inféodation peut en effet porter sur un château à construire11. Le lien avec le foncier peut être complètement rompu lorsque le fief n’intéresse qu’une somme d’argent, comme dans les constitutions de fiefs-rente dont nous avons conservé la trace12. La confusion peut même atteindre des sommets et éclater au grand jour comme lorsqu’en 1068 le comte de Barcelone n’hésite pas à déclarer à Raimond Bernard Trencavel qu’il lui « donne des fiefs en fief »13. Le support du fief n’est pas toujours précisé, ainsi dans de nombreuses listes de biens donnés, on peut voir apparaître des fiefs, sans plus de précision14.
6La syntaxe traduit les incertitudes : on donne un fief, mais on donne aussi en fief. De tous ces exemples ressort un élément commun, un constat minimal : le fief est un mode médiat de détention de toutes catégories de biens et de revenus. C’est bien une catégorie juridique, une façon de détenir que désignent toutes les formules qui nous offrent les plus anciennes mentions du fief : l’interdiction dans les donations de a feo dare. Ces occurrences se multiplient à partir du xe siècle dans tous les cartulaires languedociens15.
7Cette détention implique toujours deux individus au moins, l’un tenant de l’autre. Les textes latins expriment cette réalité de façon elliptique par les verbes habere de… (ou per…, ou a …), tenere de… (per, a)16. En 1138 par exemple, Roger Ier inféode un château en Razès : « mon castellum de Calamont, je vous le donne en fief à vous… pour que vous teniez et ayez ce castellum de moi en fief »17. On tient de quelqu’un ou de la main de quelqu’un18. Les exemples de l’emploi de ces expressions sont innombrables ; ils ne signent cependant pas à coup sûr l’existence d’un fief. Ils peuvent recouvrir d’autres façons de détenir des biens de quelqu’un, la commande, la garde, la castlania19. Souvent, le doute n’est pas possible. Ainsi, en 1139, Godafredus de Muret reconnaît à Roger Ier que « mon père et moi tenions et avions la tour et le château de Muret de ton père Bernard Aton et que nous étions pour cela ses hommes ; et aujourd’hui je tiens cela de toi »20. Plus clair encore, en 1191, Guilhem de Faugères reconnaît à Roger II « qu’il tenait de lui le château de Lunas, qu’il le recevait de lui et qu’il lui faisait pour cela l’hommage »21. La mention de l’hommage permet de conclure qu’il s’agit ici de fiefs, mais le mot fevum n’est pas prononcé.
8L’importance de la relation personnelle dans la figure du fief peut être clairement énoncée lorsque la spécification du fief est un anthroponyme ; on parle ainsi du fief de Bernard d’Anduze, de Bermond Pelet, de Guilhem de Montpellier, d’Aimeric de Clermont, d’Ermengaud de Puilacher22, ou bien le fief du comte de Melgueil, du vicomte de Béziers, de Guilhem d’Aumelas23. Dans le premier cas, l’anthroponyme désigne le vassal, dans le second le seigneur, de façon apparemment indifférente. Le fief est donc un rapport de droit, une façon de détenir n’importe quel type de bien. Il institue un lien entre deux personnes, dont on dit couramment que l’une tient de l’autre. Cependant, l’identification des parties en présence ne donne guère plus d’unité au fief que la description de ses assises matérielles.
9Si le fief languedocien des xie et xiie siècles peut renvoyer à des réalités très diverses, la notion même de fief est écartelée entre un fief de type public qui prédominerait au xe siècle et un fief « roturier » qui se diffuserait à partir du xiie siècle. Les historiens de la société méridionale ont en effet distingué divers types de fief, dont la succession pourrait signer les évolutions socio-politiques du Languedoc.
10Le haut Moyen Âge est le temps du fief public, « une tenure viagère concédée sur une terre soumise à l’autorité publique, par l’autorité publique, à un agent de cette autorité »24. Le caractère public de l’institution est manifesté par les droits attachés au fief : census, functio, paratae…, et par son caractère viager. Le fief peut alors être défini comme un « système d’administration » des terres publiques25 ; il s’agit d’une fraction du domaine fiscal déléguée aux officiers publics en salaire de leur charge, on parle de « fevum sive fiscum » ou d’« alleu curial »26. Bien peu des fiefs dans les chartes languedociennes du xie siècle semblent renvoyer à cette acception27. Tout au plus peut-on noter la détention courante des abbayes en fief : les comtes de Toulouse tiennent Moissac en fief des rois de France, un comte de Carcassonne inféode Aniane et Gellone à son demi-frère, l’abbaye de Saint-Geniès était inféodée lorsqu’elle est donnée à l’évêque de Béziers28 ; des fiefs apparaissent dans l’entourage des comtes, des vicomtes et des évêques29. Mais ce sont aussi ces mentions de fief qui nous offrent les premières attestations de l’hommage en Languedoc (Aniane et Gellone vers 1035, Moissac en 1054 – mais sans doute interpolé). On est déjà loin de l’équivalence fevum / fiscum30.
11À l’autre extrémité de l’arc chronologique, dans la deuxième moitié du xiie siècle, le fief a envahi le vocabulaire juridique. Par une sorte de contagion, il en vient à désigner tout type de tenure, des quelques arpents d’un petit paysan aux plus grands castra à la tête d’un vaste mandement. Le fief « roturier » apparaît au début du xiie siècle en Toulousain et se multiplie très rapidement31. Un fief peut dès lors être détenu par un vassal, un paysan ou un serf. La distinction entre ces divers niveaux sociaux et juridiques est tout sauf claire. On peut se fonder sur la nature du bien concédé (s’il s’agit d’un château, on a affaire à un fief noble), sur la connaissance des protagonistes (membres des grands lignages) ou sur les obligations dues pour le fief (militaires ou économiques). Mais parfois la distinction est difficile à établir, par exemple des albergues nobles peuvent être converties en deniers, ou bien l’hommage est couramment requis des serfs32. L’extension du terme de fief à la tenure paysanne n’est pas propre au Languedoc : elle a déjà été observée et décrite pour la Normandie par M. Bloch33.
12Identifier les hommes mis en relation par le fief ne permet donc pas de livrer les traits fondamentaux de ce dernier, ne serait-ce qu’en raison de l’extrême diversité des usages du fief. Connaître mieux la nature même de ces relations n’est pas suffisant non plus. Outre ce qu’il en est de l’ancien fief public, la notion de fief privé semble, en effet, se fractionner comme à plaisir. Les rédacteurs des chartes ont parfois éprouvé le besoin de préciser la nature du fief par un adjectif. On rencontre ainsi diverses catégories où le fief est comme décliné, fevum sirventale, fevum militare, fevum presbyterale. Un « fief de sergent » est ainsi constitué au cours du xie siècle par l’évêque Frotaire pour un certain Ademarus Corvesinus, qui est dit sirventus dudit Frotaire34. Un siècle plus tard, en 1163, une compositio entre les seigneurs de Termes, établie sous l’égide de Raimond Trencavel, institue après querelle un partage du castrum entre les deux frères Raimond et Guilhem. Raimond, sans doute l’aîné, obtient les deux tiers de tout, sauf pour les militibus et les feudis militaribus qui seront partagés par moitié. Ces milites sont sûrement des hommes de la garnison du château et les feudi militares la rémunération de la garde qu’ils exercent35. La tenure attachée à l’église paroissiale est aussi bien souvent dénommée fief, fevum presbyterale36. Une autre expression émerge vers le milieu du xiie siècle, celle de fevum honoratum. À notre avis cependant, il ne s’agit pas là d’une nouvelle catégorie et son explication ne peut ressortir aux mêmes schémas37.
13Il paraît donc difficile, voire impossible de définir le fief par les réalités qu’il recouvre ou par les personnes qu’il met face à face ; tout cela est si divers qu’il y perd son unité et son sens. Il convient plutôt de l’approcher par les logiques de son emploi.
2 - Fevum et alodium
14Pour tenter de mieux comprendre le fonctionnement du fief, il faut donc l’envisager dans son environnement textuel et le resituer dans les logiques qui président à son usage. Les occurrences du mot au xie et xiie siècles font apparaître une opposition-clé, un couple de termes qui semblent sans cesse s’opposer, fevum et alodium. Ces deux notions sont présentes dans d’innombrables actes, dont nous ne pourrons citer ici que les plus représentatifs, où à la fois elles s’opposent et se complètent.
15Au xie siècle, avant que la réalité ne soit scindée en de multiples catégories juridiques, l’expression alodes et fevos suffit pour désigner l’ensemble des biens d’une personne. Ainsi en 1046 quand Garsinde déguerpit en faveur du comte Pierre Raimond tout ce dont elle avait hérité du vicomte Guilhem, elle lui donne ipsos alodes et feudos38. De même, dans la constitution de dot que fait en 1069 Raimond Bernard Trencavel pour sa fille Guillelma, le vicomte dit : « nous donnons quelque chose de notre alleu et de notre fief »39. Dans les formulaires de serment analysés plus haut, l’expression de la promesse d’aide reprend ce même balancement : « je t’aiderai contre tous les hommes et toutes les femmes… qui prendraient tes fiefs ou tes alleux »40. Les deux termes semblent suffire à englober tous les modes de détention juridique. L’association et la distinction des deux notions pourraient renvoyer encore au xie siècle aux deux catégories de biens dont disposaient au haut Moyen Âge les familles dirigeantes du Midi, biens patrimoniaux et biens liés à la fonction. On retrouverait ici une dernière réminiscence du caractère public qu’avait eu le fief originel. Même si l’évolution est déjà bien engagée et si le fief ne fonctionne plus comme un revenu public lié à la fonction – le cas de Garsinde qui en dispose comme de n’importe quel autre type de bien est clair – par une habitude de pensée ou un archaïsme d’écriture, on continue à employer les deux termes pour définir la totalité des droits.
16Au xiie siècle, d’autres notions apparaissent, la pratique juridique se diversifie ; l’association et l’opposition des deux mots sont cependant toujours opérantes. Ils sont inlassablement répétés dans la longue série de reprises en fief dont nous traiterons plus loin et qui sont toutes construites sur l’alternance alleu/fief. La logique est même poussée jusqu’à l’absurde dans un inventaire de biens non daté où l’on trouve : « Ato Guillaberti a un villanus qui n’est ni de son fief ni de son alleu »41, sans que rien d’autre ne soit précisé sur la façon dont il peut « avoir » ce villanus.
17Alleu et fief s’opposent donc constamment, et on pourrait avoir l’impression qu’ils renvoient à deux ordres de réalité différents. Quand il s’agit des biens d’un individu, il est certain que les deux notions s’appliquent à des objets différents. Mais l’emploi qui est fait de ces termes montre que l’on peut aussi considérer qu’il s’agit de deux versants d’une même réalité. Dès les premières reprises en fief exprimées, au tout début du xiie siècle, le même château, Bernis en 1101 ou Penne vers 1108-1121, est successivement un alleu puis un fief. Ainsi est-il dit : les seigneurs « ont donné en alleu le castellum de Bernis… ensuite le vicomte a donné aux donateurs ce castellum en fief »42. Un texte concernant le château de Lagrave, en 1142, est plus elliptique encore : « moi Roger je vous rends cet alleu en fief »43. Le fait de qualifier un objet de fief ou d’alleu est donc un problème de point de vue44. C’est bien ce qu’exprime Pierre Riculfe, contraint d’effectuer des donations en 1069 pour racheter un crime commis en période de Trêve : « nous donateurs déguerpissons à Dieu et à la communauté des chanoines de Saint-Nazaire la vigne de Mont Cabanel qui est un alleu de Saint-Geniès que nous réclamions [tenir] en fief »45.
18Cette opposition de l’alleu et du fief n’est pas bien entendu une idée nouvelle. Elle a déjà été abondamment commentée par les historiens du Midi. Pour E. Magnou-Nortier et P. Ourliac, l’alleu c’est le fonds ; le fief, la rente constituée sur le fonds, son revenu46. « Le fief représente la récolte, le revenu, le profit ; il confère à son titulaire un jus in rem, parallèle et rival du droit du propriétaire »47. Alleu et fief renverraient donc aux catégories romaines de proprietas et de possessio48. Mais ces deux derniers mots ne sont pas des concepts employés par nos rédacteurs de chartes. Au contraire, ce que l’on trouve dans les actes des xie et xiie siècles, c’est un autre balancement, dominium et potestas. M. Bloch avait déjà remarqué qu’alleu et propriété n’étaient pas superposables, que pleine propriété « s’applique toujours mal au droit médiéval »49, que l’interpénétration des droits sur le sol empêche l’assimilation à la notion romaine de propriété. La théorie du double domaine n’est appliquée par les feudistes au droit féodal qu’à partir de l’extrême fin du xiie siècle (Pillius), et n’apparaît dans les actes de la pratique que dans les années 1220-123050.
19Alleu et fief, comme l’invite à penser l’autre couple de mots dominium/potestas, ne relèvent pas uniquement du droit privé mais emportent une notion de pouvoir. Quand ils sont associés, dominium et potestas signifient le droit tout entier. En témoigne une vente d’un castrum en Razès en 1069 : « de ce château… nous transférons le dominium et la potestas de notre droit dans le vôtre »51. Pleine propriété, plein pouvoir, l’expression dominium et potestas pourrait donc être considérée comme un équivalent de l’alleu.
20Mais lorsqu’ils sont dissociés, dominium désigne clairement le droit du seigneur52 : en 1153, quand Raimond Trencavel inféode le castellum de Chalabre, il affirme à plusieurs reprises qu’il donne tout en fief, sauf la fidélité (c’est-à-dire le serment qui lui est dû) et son dominium plenarium53. L’année précédente, lors de son inféodation de Villefort, la formule est encore plus nette : « faites-y ce que vous voudrez, sauf [je retiens] mon dominium »54. Le dominium, c’est clairement le droit du dominus, du seigneur55 : dans une reprise en fief du château de Bernis en 1138, le nouveau vassal dit « je te transmets tout cela [le castrum et son mandement] pleinement, pour que tu en sois le seigneur [dominus], et que tu l’aies en alleu », puis le seigneur rend le tout « pour que tu aies cela selon le droit du fief, de moi et de mes successeurs, toi et tes successeurs ; cependant que moi et mes successeurs ayons le dominium intégral »56.
21Dominium se rencontre dans les textes concurremment avec deux autres termes dérivés de la même racine : dominatio et dominicatura. Les catégories ne sont pas étanches, ni les usages strictement enfermés dans une signification juridique bien définie ; il se peut donc que l’un soit employé à la place de l’autre. Mais pour autant que l’on puisse en juger, dominium semble renvoyer au droit du seigneur, à un pouvoir potentiel, alors que dominatio désigne plus volontiers un pouvoir effectif, le pouvoir concrètement exercé sur un château. Dominicatura, en bas de l’échelle que paraissent constituer les trois termes, est le plus souvent utilisé pour nommer des taxes, des droits au sens fiscal, attachés au pouvoir seigneurial. La dominatio, ce pouvoir en actes, est donc régulièrement cédée avec un castrum lors d’une inféodation, d’une vente ou d’une impignoration. Ainsi en 1175, Roger II achète la moitié du château de Combret cum omnibus terminiis et omni dominatione sua57. Les dominicaturae, quant à elles, surtout lorsqu’elles sont employées au pluriel, sont des prélèvements, cités généralement dans des listes telles que : « tout le droit que j’ai… sur les cens et les usages, les dominicaturae et les albergues, les gages judiciaires et les justices »58.
22La potestas, terme central du vocabulaire des serments59, est invoquée dans les actes non sacramentels pour désigner spécifiquement le pouvoir du fidèle, par opposition à celui du seigneur supérieur. Ainsi en 1116, une certaine Laureta donne son château d’Ornaisons à Bernard Aton IV ; mais elle reconnaît que son père et elle le tenait des vicomtes : elle le transfère donc de sa potestas dans leur dominium60. Mais les champs sémantiques couverts par le mot potestas sont beaucoup plus divers. Elle semble désigner une puissance, un pouvoir de disposer, que l’on peut avoir sur une chose dans le cas d’un gage par exemple61, ou sur une personne quand il s’agit d’un otage62. Cette puissance, à un niveau encore plus fondamental, peut recouvrir tout simplement le fait d’être en vie, le souffle vital : dans une donation pieuse, une clause énonce que les moines de Saint-Pons « doivent nous recevoir [les donateurs] sur le trône éternel quand notre potestas abandonnera ce siècle vain dans lequel nous errons »63. Les usages sont toutefois encore très hésitants et il n’est pas rare de voir un terme employé là où l’on en attendrait un autre.
23L’évolution qui se fait jour dans nos textes languedociens est donc tout à fait parallèle de celle qu’avait décelée M. Zimmermann dans les convenientiae catalanes64. Les deux couples de mots, alleu/fief et dominium/potestas, ne sont pas exactement superposables. Dominium, avec ses doublets dominatio et dominicatura, peut recouvrir verticalement divers modes hiérarchisés de réalisation du pouvoir ; potestas renvoie horizontalement à différentes acceptions de la puissance, une puissance qui est toujours, selon l’ancienne distinction de Gelase, une puissance temporelle, la vieille potestas des rois, qui l’oppose à l’auctoritas des pontifes, pouvoir spirituel65. Dans certains contextes, dominium exprime donc bien « un pouvoir total, une pleine souveraineté »66 assimilable à l’alleu, potestas « un pouvoir sur l’usage d’un objet, un pouvoir second, dérivé, médiat »67, comparable au fief. Dominium et potestas ont surtout le mérite, dans le cadre de notre tentative de définition de l’alleu et du fief, de souligner qu’alleu et fief ne sont pas de pures catégories foncières, de simples décalques de la théorie romaine du domaine divisé, mais qu’ils emportent avant tout une notion de pouvoir.
3 - L’entrée en dépendance : les reprises en fief
24L’opposition et la complémentarité des deux notions de fief et d’alleu prennent tout leur sens dans un type de textes que nous avons jusqu’ici laissé de côté, les reprises en fief. Comme chez les Guilhem de Montpellier68, l’entrée dans la dépendance des Trencavel se fait fréquemment par l’intermédiaire de fiefs de reprise.
Au xiie siècle
25La première reprise en fief date de 1101. Le mécanisme est simple et restera inchangé jusqu’à la fin du xiie siècle : trois groupes de frères donnent en alleu le castellum de Bernis à Bernard Aton IV, ensuite (logiquement et chronologiquement) le vicomte rend aux donateurs ce même château en fief69. Un serment complète cette charte : curieusement il n’a pas été recopié dans le cartulaire, mais a été conservé par hasard dans le Trésor des Chartes. Il ne concerne qu’un seul groupe de frères, Petrus Rostagni, Guillelmus Rostagni et Emenus filii Bellieldis70. Des serments ont sans doute été aussi prêtés par les autres, mais ces textes n’ont pas eu la même chance et ont été perdus.
26Au xiie siècle, les Trencavel arrivent à se faire reconnaître de la sorte une quinzaine de châteaux répartis dans tous leurs domaines. Pour certains, tous les textes ont été conservés ; pour d’autres, seuls un ou deux sur les trois. Sont concernés : Penne entre 1108 et 1121, Quertinheux vers 1105-1129, Loupian en 1115, Boussagues en 1117, Termes en 1118, Laure en 1124 et 1127, Sénégats en 1124 et 1144, Olargues en 1127, Montséret en 1134, Lagrave en 1142, Bernis à nouveau en 1154, Castelnau-de-Guers en 1175, Pépieux en 1177, Combret en 1180, Murviel en 118371.
27Le processus se décompose donc en trois temps, donation en alleu, restitution en fief et serment de fidélité. Nous avons ici réunies les trois étapes de ce que R. d’Abadal appelait le sagramental72. Pour les seigneurs châtelains, l’opération revient en fait à reconnaître l’autorité supérieure du vicomte.
Au xie siècle
28Si le mécanisme existe dès le xie siècle, il est cependant d’une lisibilité plus délicate, à défaut de textes globaux récapitulant tout le processus. Pour un certain nombre de châteaux, nous possédons à la fois une donation en alleu et un serment. Les serments ne sont bien sûr jamais datés, les donations le sont rarement. Mais quand apparaissent les mêmes protagonistes dans les deux types de textes, il ne semble pas hasardeux d’affirmer qu’ils sont contemporains. Au xie siècle donc, la documentation ne présente que deux étapes, la donation en alleu et le serment. S’il manque évidemment la restitution en fief, ces textes n’en sont pas moins les témoignages de reprises en fief, l’existence du serment l’atteste. Les castra d’Auriac, Cahuzac et Brens, Montaigu, Latour-sur-Sorgues, Cadalen, Prouille et Mirepoix sont des fiefs de reprise du xie siècle. Seuls les textes pour Caissargues, à l’extrême fin du siècle, présentent les trois actes de la reprise73.
Retour sur l’alleu et le fief
29Neuf châteaux au xie siècle, quinze au xiie, la récolte peut paraître maigre. L’existence de ces textes et leur concordance sont toutefois fort significatives. Plus que de situations extraordinaires, ils semblent constituer la partie subsistante d’un phénomène assez général. On ne peut certes toujours invoquer les aléas de la conservation des sources, mais l’exemple du château de Bernis est frappant. Le texte de la reprise en fief a été recopié dans le cartulaire alors que le serment y a été omis. Or on voit apparaître dans le cartulaire au cours des xie et xiie siècles des serments pour de nouveaux châteaux, sans qu’il y ait parallèlement de cession de l’alleu. On ne sait comment ces castra sont entrés dans la dépendance des Trencavel. On ne sait même pas s’ils y entrent vraiment à ce moment-là, ou si des serments antérieurs ont été perdus.
30Bien plus, il semble qu’il n’y ait entre un simple serment et une reprise en fief suivie d’un serment qu’une différence formelle, peut-être une différence de solennité dans la rédaction du document. On rencontre en effet un exemple curieux dans le cas du castellum de Sénégats : le cartulaire renferme une première reprise en fief de 1124 par deux coseigneurs, Froterius et Ermengaudus, qui semblent contrôler chacun la moitié du château74. Le vicomte devrait donc avoir acquis dès 1124 la totalité du château. Or en 1144, on retrouve deux autres reprises en fief de la part d’un certain Bernard de Combret et d’un autre Froterius75. Du même partage par moitié, de l’occurrence du même nom assez rare de Froterius, on peut conclure que les seigneurs de 1144 sont les héritiers, sinon les descendants directs, de ceux de 1124. Ils semblent cependant disposer à nouveau du château et le reprennent en fief comme s’il s’agissait d’une première fois. La date peut mettre sur la voie d’une hypothèse : vient d’avoir lieu entre le vicomte et le comte de Toulouse un grave conflit qui a particulièrement touché l’Albigeois76. Il est très probable que les seigneurs de Sénégats se soient alliés à Alfonse Jourdain et qu’ils se soient vu imposer un retour à l’obéissance de la part du vicomte. La soumission a pris ici la forme d’une nouvelle reprise en fief. Le cas de Bernis est tout à fait identique : le château a été repris en fief des vicomtes en 1101, mais les seigneurs de Bernis ont pris le parti d’Alfonse Jourdain en 1138 et ont donc rompu leur fidélité au Trencavel77. Après les accords de paix, le château est à nouveau rendu, et le retour des seigneurs à la fidélité vicomtale est manifesté par une nouvelle reprise en fief, en 1154.
31La répétition de la reprise en fief sur le même château montre qu’il s’agit plus d’un habillage juridique de l’entrée en dépendance que de la donation réelle de l’alleu du château. Cette reconnaissance de l’autorité supérieure du vicomte a pu avoir lieu à la suite de défaites militaires dont nous ne savons généralement rien78, ou de revirements de fidélité, comme à Bernis et peut-être à Sénégats ; parfois elle a été monnayée79. La cession de l’alleu sur un château n’est pas une transaction foncière au sens du droit de tradition romaine. L’alleu et le fief sont des catégories symboliques de pouvoir tout autant, et peut-être plus, que de propriété. Le vicomte agit comme si les donateurs avaient le pouvoir total, l’alleu, avant de le céder. En fait, au moment où il se fait octroyer ce pouvoir, il met au jour ce qui jusque là n’était qu’implicite ; il donne une enveloppe juridique à la situation de facto des châtelains qui, auparavant, n’avaient eu nul besoin ni nulle raison de définir leur domination de la sorte. L’exemple le plus éclairant en est peutêtre celui du château de Termes. Cette famille de grands seigneurs prête serment aux Trencavel pour le castrum depuis au moins la fin du xie siècle et pendant tout le xiie80. Or, si l’on s’en tient à une lecture nominaliste, tout a été vendu en 1118 : un certain Guillelmus Raimundi et ses frères, descendants de Petrus Oliverii et d’Oliverius, ont alors donné contre rémunération tout l’honor de leurs aïeux au Trencavel81. Ces ancêtres faisaient déjà serment à la fin du xie siècle, les successeurs continueront au xiie : Termes est tenu en fief du vicomte. La donation de 1118 ne semble être qu’une façon de renouveler la soumission, mais aussi, et peut-être surtout, de la monnayer82.
32La reprise en fief apparaît donc comme une façon particulièrement solennelle de reconnaître l’autorité supérieure du vicomte en des moments conflictuels, ou lors de successions compliquées. La cession de l’alleu semble fictive, ce n’est pas « un ensemble de droits » qui sont donnés ; donner ad alodem et ad fevum doit être compris de façon adverbiale, et non substantive ; « donner en alleu était ne rien conserver, donner en fief visait à créer un lien permanent »83. Il faut donc abandonner une lecture par trop réaliste des chartes, ne plus comprendre les séries de reprises comme un reflet de l’expansion du pouvoir des Trencavel ou des Guilhem, voire même à partir de là cartographier cette progression. Les reprises en fief successives sont incompréhensibles si l’on prend la cession de l’alleu pour une transaction foncière au sens romain du terme. La donation en alleu, la restitution en fief et le serment peuvent être considérés comme fonctionnellement équivalents : ils créent ou recréent la relation féodale.
33Mais il faut se garder aussi d’aller trop loin dans la déréalisation de ces transactions. Elles ne sont pas de simples supports à de la création de lien social, d’alliances, d’« amitié » ou d’« amour ». Elles impliquent des droits et des devoirs de la part des deux parties. Des conditions sont mises à la perpétuation du lien : fidélité des deux parties, que nous analyserons dans le chapitre sur la vassalité, mais aussi parfois des clauses très précises. Dès le dernier tiers du xie siècle, dans la reprise en fief de Caissargues, le châtelain qui donne son château en alleu et le reprend en fief précise bien qu’il interdit aux vicomtes de transférer leur seigneurie à un autre seigneur qui ne serait pas vicomte de Nîmes. S’ils faisaient une telle aliénation, le château « retournerait à Ugo ou à ses proches en alleu »84. Un processus comparable apparaît dans la reprise en fief de Murviel en 1183, où le vicomte s’engage : « je promets que ce don que vous me faites de votre honor, nous ne le donnerons à quiconque…, si ce n’est à celui de nos héritiers qui aurait la villa ou cité de Béziers… et si jamais nous le faisions…, votre don serait annulé, de telle sorte que vous auriez votre honor librement et sans lien d’hommage, comme vous l’aviez auparavant, et tout ce don retournerait à son précédent statut »85. Il existe donc bien deux états, la reprise en fief faisant passer de l’un à l’autre, modifiant le statut (status) du château86. Outre ce que cela révèle de la mouvance, dont nous traiterons plus loin, il faut remarquer que le fief est toujours susceptible de redevenir un alleu. Il y a bien un transfert de pouvoir au cœur de la reprise en fief.
II - CASTRUM ET FEVUM
34Les multiples occurrences rencontrées dans les donations en fief ou dans les divers types d’actes nous ont permis de mieux cerner la nature du fief. Mais un problème reste entier : on ne rencontre jamais de fief dans les serments. La pratique sacramentelle semble pourtant s’articuler de très près aux autres formes juridiques, aux inféodations en particulier. En revanche, tous les serments de fidélité mentionnent un castrum. Qu’en est-il de ce château des serments ? Peut-il être considéré comme un fief ?
1 - Le castrum des serments de fidélité
Le formulaire des serments
35Pour définir le castrum dans les serments de fidélité, il nous faut tout d’abord revenir à l’analyse du formulaire, que nous avions laissée dans le précédent chapitre après les clauses initiales. Les serments de fidélité, contrairement aux sécurités, comprennent tous la mention d’un château. Celui-ci, castrum ou castellum, est au centre d’un certain nombre de formules : après l’énoncé du nom du château, l’écrasante majorité des serments énonce la clause « je ne te le prendrai pas, je ne te l’enlèverai pas, je ne te l’interdirai pas »87. Elle est généralement complétée par « ni moi, ni aucun homme, ni aucune femme, sur mon conseil ou selon mon plan » (ou « ma machination »)88 et par la promesse de ne pas s’allier à un ennemi qui aurait pris le château89.
36Mais c’est ensuite que vient la formule la plus importante, l’enjeu véritable du serment : l’engagement de rendre le château90. Celui-ci peut prendre plusieurs formes dans nos serments. Au xie siècle, la promesse de restitution est directement liée à celle de ne pas conclure d’accord avec quiconque aurait enlevé le château. Elle apparaît dès les premiers serments, à Aton II – avant 1032 –, et elle est formulée : si quelqu’un prenait le château et si je le récupérais, « je le rendrai en ton pouvoir sans te tromper (sine inganno, sine deceptione) et sans te demander de compensation financière (sine lucro de avere, senes logre d’aver) »91. La clause continue à être employée tout au long du xiie siècle92, mais à partir des années 1060, dans les serments à Ermengarde, apparaît une nouvelle formulation, beaucoup moins conditionnelle : « chaque fois que tu m’en feras la semonce, par toi ou ton messager, je te rendrai le pouvoir sur le château »93. Il est bien précisé chaque fois, per quantas vices (/vez/ vegadas), per totas aquelas sazos, per totas illas horas, quocienscumque, sans condition de durée ni de fréquence.
37Le castrum des serments est donc dès le début du xie siècle un château jurable et rendable. Le vicomte reçoit pour lui un serment de fidélité qui oblige le fidèle à reconnaître qu’il s’engage dans certaines conditions à le rendre, à en rendre la potestas. Nous retrouvons ici un des termes centraux du vocabulaire du pouvoir. Comme l’a bien démontré M. Zimmermann, « la potestas du fidèle n’apparaît dans la documentation qu’au moment où il s’en dessaisit »94. Mais ce dessaisissement n’est que potentiel, le fidèle admet seulement que le vicomte a la possibilité de l’exiger. Cela suffit cependant à reconnaître l’autorité supérieure de celui-ci et à définir le pouvoir du fidèle entre deux semonces (si jamais elles sont réellement lancées) : il a la potestas actuelle, le pouvoir sur le château, mais voit sa liberté réduite par le fait que le seigneur peut en réclamer la restitution.
38La documentation ne comporte pas d’inféodations explicites au xie siècle ; le terme de fief n’est pas prononcé dans les serments, ni au xie, ni au xiie siècle95. La clause de restitution engage cependant à considérer les castra des serments comme des fiefs. Comme en Catalogne, les serments sont bien « l’habillage terminologique d’inféodations ou de reprises en fief »96.
Avoir en fief, c’est devoir le serment
39Le lien explicite entre fief et fidélité ne peut être exprimée dans les serments eux-mêmes, car ils constituent l’un des deux termes de cette équivalence. Il se trouve en revanche couramment dans les actes d’un autre type, comme les inféodations ou les reprises en fief. Avoir en fief et prêter serment sont des expressions parallèles et équivalentes dans nombre de chartes du xiie siècle. En 1134, les seigneurs de Montséret reconnaissent qu’ils ont donné le château en alleu à Bernard Aton, avant 1029 donc, et qu’ils le tiennent maintenant en fief de Cecilia et de son fils Roger et qu’ils doivent le jurer97. Quand, en 1157, Raimond Trencavel donne en fief une villa pour y construire un château, il n’omet pas de préciser : « vous ne tarderez pas à nous jurer le castellum, que vous ayez ou non forfait »98. Recevoir en fief un castrum implique le devoir de faire « des serments et des fidélités »99. Et dès le début du xiie siècle en Gévaudan, jurer un château c’est le tenir en fief, et refuser de jurer c’est être menacé de se voir confisquer le fief100.
40À partir du milieu du xiie siècle, une expression elliptique résume même cette situation : « avoir un château en fief à la fidélité de… »101. De façon tout aussi condensée, d’autres textes expriment la transmission de la seigneurie supérieure sur un château par la donation du serment102. Bernard Aton IV avait donné en fief trois châteaux pour la dot de sa fille Ermessinde à Rostaing de Posquières (Marguerittes, Beauvoisin et Calvisson). Son fils Bernard Aton V, ayant besoin d’argent, met en gage en 1146 divers biens auprès du fils de Rostaing et d’Ermessinde, dont « le droit de demander le serment des trois châteaux ». Quand l’emprunt sera remboursé, il récupérera ce droit103. Le pouvoir effectif du vicomte sur le château est défini par le droit d’exiger le serment.
Et jurer fidélité, c’est s’engager à rendre le château
41Dans les inféodations et reprises en fief, quand il est seulement fait allusion au contenu de ce serment exigé, l’engagement fondamental, celui qui est toujours mentionné, est la restitution du château. L’acte sacramentel lui-même est fréquemment nommé « le serment de reddition », de reditione sacramentum104. Quand le vicomte inféode un château, il demande qu’il soit « juré et rendu »105 ; en fait le fidèle doit « jurer de rendre »106.
42Une histoire exemplaire est à trouver dans un règlement de conflit de 1156, portant sur le castrum de Brusque. Le litige entre deux groupes de coseigneurs, Austor d’une part, Ademarus et Arnaldus vicomtes de Bruniquel d’autre part, porte sur la nature des droits qu’ils ont respectivement sur le château107. Austor affirme qu’il en possède la moitié en alleu, les vicomtes rétorquent que son père prêtait hommage à leur père et que donc il l’a en fief. Le plus intéressant est énoncé dans les arguments avancés de part et d’autre. Pour prouver son droit alleutier, Austor produit des témoins qui attestent que son père récupérait (recuperasse) le castrum quand il le voulait, même si le père des deux frères était présent. Les vicomtes de Bruniquel font comparaître d’autres personnes qui témoignent avoir vu un hommage pour le fief. Après toutes ces auditions, les juges reconnaissent que les deux parties pouvaient tenir le castrum alternativement (communiter… sua tempora predictum castrum tenuerant), qu’elles se le rendaient mutuellement (alter alteri reddiderat) et que les castlans devaient le rendre sans retard à celui qui le réclamait. Mais, signe des temps, le jugement est prononcé contre Austor, car les deux vicomtes produisent une charte qui prouve que tout le castrum fut donné en dot à leur grand-mère108. Austor en aura donc la moitié en fief des deux frères et leur devra l’hommage. Quelles conclusions tirer de ce cas exemplaire ? Austor, pour prouver qu’il a le castrum en alleu et non en fief, produit des témoins qui attestent qu’il pouvait se le faire rendre quand il voulait. Les juges conviennent d’ailleurs de ce point : les castlans sont obligés de rendre le château à celui qui le demande.
43La restitution du château est donc alléguée pour tenter de prouver un droit supérieur et alleutier. Pour les juges, elle ne révèle ici que le pouvoir supérieur d’Austor sur les castlans, mais ne peut s’opposer à des vicomtes et à une charte en forme. Aussi, le droit supérieur de la charte et de l’alleu est imposé à Austor. Cependant, si les arbitres ont tranché en s’appuyant sur une interprétation foncière du rapport entre alleu et fief – une interprétation relativement moderne – le débat pour les parties se situait sur un tout autre plan de réalité. Ce que les vicomtes refusent d’admettre et qui constitue l’argument-clé d’Austor, n’est autre que la détention conjointe, et plus encore simultanée, du château ; le père d’Austor (selon les assertions de ce dernier) pouvait tenir, posséder le castrum en la présence du père des vicomtes (presente etiam patre predictorum fratrum). En marge d’une rhétorique juridique quelque peu nouvelle, l’argument vernaculaire est donc limpide : si le père d’Austor pouvait posséder le château en la présence du père des vicomtes, c’est qu’il n’était pas tenu de le lui rendre ; dans la logique entendue par Austor, tout autant que par les deux vicomtes qui, précisément, refusent d’admettre cette co-détention, cela signifie clairement qu’il n’existait aucun rapport de domination entre les pères des parties. A contrario, il appert que, dans le milieu de ces seigneurs et avant toute mise au point juridique, le château que l’on ne rend à personne est un alleu, celui que l’on rend à quelqu’un est un fief tenu de ce dernier.
44Les choses sont ailleurs exprimées de façon beaucoup plus lapidaire, ainsi dans le règlement du conflit sur Roquefort en 1153 : « Raimond Trencavel exigeait de Ugo Escafredi et de ses frères qu’ils lui rendent le castrum de Roquefort, c’est-à-dire qu’il le lui jurent »109. En Catalogne, où l’on a conservé des convenientiae très précoces, cette équation est formulée dès le milieu du xie siècle : « la fidélité c’est donner la potestas »110. Et en mars 1193, Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, qui « achète » une promesse d’aide militaire de la part d’Ermengaud de Fabrezan, en donne pour « prix » l’abandon de la restitution pour les descendants d’Ermengaud. Le processus est éclairant, le texte mérite d’être cité longuement :
Moi Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, pour moi et pour tous mes successeurs, de bonne foi et sans dol, avec cette charte j’absous, je déguerpis et je cède, après ma mort, à toi Ermengaud de Fabrezan et à tes successeurs qui auront le dominium du castrum de Fabrezan, tout le sacramentale que j’ai et que je dois avoir dans le castellum de Fabrezan, de telle sorte que, après ma mort, toi Ermengaud ni les tiens ne soyez tenus de rendre le susdit castellum de Fabrezan, ni de faire un quelconque serment pour ce castellum à aucun de mes successeurs, ni à aucune personne qui dominera la ville de Narbonne. À cause de cela, moi susdit Ermengaud de Fabrezan je te promets à toi domina Ermengarde vicomtesse de Narbonne que moi et les miens qui aurons le dominium du susdit castrum de Fabrezan nous serons pour toute ta vie tes bons et fidèles aides [adjutores] dans la limite de notre pouvoir [pro posse nostro], dans les plaids et les guerres que tu as maintenant ou que tu auras désormais. Et si nous ne le faisions pas [si nous n’accomplissions pas cette aide], nous devrions te rendre le susdit château de Fabrezan comme il est de coutume de le rendre au seigneur [sicut domino reddi consuevit]111.
45Dans les formulaires des serments, il est toujours bien précisé que la restitution doit être faite sans délai (sine mora), nuit et jour (nocte vel die), en guerre et en paix (iratus et pacatus)112. Ce ne sont pas là clauses de style. En effet, la demande d’un délai de trente jour pour rendre le château d’Usson au comte de Cerdagne, vaut au seigneur du château, Raimon Arnalli, une mise en accusation pour forfait : il n’a pas respecté son engagement de restitution immédiate, ce qui est appelé « déjurer », c’est-à-dire rompre son serment113. Et cette restitution du château n’est pas une fiction ou une vague promesse, elle a un contenu bien réel, très matériel même, puis qu’elle peut devenir le gage d’une impignoration : en 1201, Raimond Roger avoue devoir 6 000 sous à Salomon de Faugères, et pour cette somme il fournit comme sûreté réelle « toute la reddition que vous êtes tenus de me faire du castrum de Lunas…, de telle sorte que vous ne soyez plus tenus de me rendre ce château tant que moi ou les miens ne vous aurons pas rendu les 6 000 sous »114. Il est donc clair que la restitution du château impliquait pour le fidèle des dépenses qui pouvaient être assez lourdes : il lui fallait accueillir son seigneur, quand ce dernier le décidait, et lui laisser l’entière disposition du castrum115.
46La possibilité d’exiger la restitution du château résume donc la position dominante du seigneur sur celui qui lui prête serment ; elle est l’essence du rapport féodal116. Faire prêter serment pour un château, et exiger la restitution, c’est instituer un fief, c’est exprimer le fief. En Italie du Nord, l’expression est plus concise encore, cela s’appelle le jus aperturae, dès les premières inféodations conservées117.
2 - Le castrum, unité de compte de la fidélité
47Toutes les transactions, tous les serments que nous venons d’analyser portent sur un castrum ou un castellum. Ce que vise exactement ce terme générique est cependant difficile à définir. Comme nous l’avons déjà remarqué, il nous manque en Languedoc les convenientiae à la catalane qui détaillent précisément ce qui est concédé et ce que se réserve le seigneur.
Le castrum dans les inféodations
48Le castrum, c’est à la fois une fortification et la terre qui en dépend. La forteresse elle-même est désignée par des termes variés : forcia, forteza, fortaleza, munitio, turris, mur, castlar. Mais ces listes stéréotypées ressemblent trop à des copies de formules. Ces dénominations semblent totalement interchangeables pour un même château, à tel point qu’on a du mal à leur accorder un quelconque rapport avec la réalité. On ne peut, à notre avis, juger de la complexité défensive d’un château à partir d’un tel formulaire. De ce point fort dépend un territoire, généralement appelé mandement. Dès le xie siècle, lors d’une inféodation, Frotaire donne « tout ce qu’il a ou doit avoir dans le castrum qui est appelé Brusque ou dans le mandamentum de ce castrum »118.
49Ensuite, nos inféodations recopient à l’envi des listes de biens et de droits attachés au castrum grandement stéréotypées elles aussi. Donner un castrum en fief, c’est bien sûr déléguer le pouvoir banal, le droit de ban sur le château et sur son mandement, c’est-à-dire un pouvoir de commandement sur les hommes : les listes commencent par les homines et feminas. Ainsi lors de l’inféodation de Pauligne en 1183, Roger II concède « les hommes et les femmes qui dépendent du castrum »119. Sont ensuite énumérés les divers types de biens fonciers, les « terres, vignes, bois, eaux, prés, pâturages, cultes ou incultes »120, et de taxes, qu’elles soient de nature foncière ou banale. Sur ces revenus qui sont en même temps inféodés, nous n’avons que peu de précisions. Le fief est bien aussi un mode de redistribution des revenus tirés de l’exploitation paysanne, mais les listes sont tirées de formulaires qui ne sont pas propres aux inféodations et que l’on retrouve dans les ventes, les échanges, les impignorations. Ce n’est pas l’objet d’un texte tel qu’une inféodation de détailler le contenu d’un castrum ; son but premier est de définir des relations d’homme à homme dont le support foncier passe au second plan. Mais le castrum peut-il vraiment être considéré comme un support foncier ?
Le castrum dans les reprises en fief et les serments
50Les reprises en fief éclairent de manière particulièrement intéressante le rôle du castrum dans le fonctionnement du fief. La donation en alleu y est souvent faite pour le château, castrum ou castellum, sans précision. Certains autres textes moins allusifs spécifient que le donateur ne donne qu’une partie du château : parfois la moitié, ou les deux tiers, duas partes, une fois le tiers de la moitié, ou de façon moins précise, le donateur dit : « ce que nous avons dans le castrum », nostram partem castelli121. Or, même dans ces cas de donation partielle, le serment qui suit est toujours fait pour le château. On n’imagine pas un serment pour une moitié ou un tiers de château122. De la même façon, nous avons souvent plusieurs serments contemporains pour un même château, où chaque jureur promet fidélité pour le château, bien qu’il n’en contrôle manifestement qu’une partie. Le fief-château, le castrum pour lequel on prête serment joue donc essentiellement comme une sorte de fiction juridique qui sert de base à la fidélité.
51En fait, ces reprises en fief montrent à l’évidence qu’il existe, dans les domaines des Trencavel, des puissances locales déjà implantées. Elles ont construit des fortifications123, leur pouvoir associe castrum et ban. L’incastellamento124 a été précoce, des châtellenies ont été édifiées, sans que l’on puisse parler cependant de véritable usurpation du pouvoir public : ce ne sont pas des hommes nouveaux qui érigent leurs nids d’aigle. Les détenteurs de ces châteaux, quand on peut les resituer, descendent des grandes familles dirigeantes du xe siècle125 et les structures familiales de ce xe siècle font que leur légitimité rejaillit sur tout le groupe126.
52Lors d’une reprise en fief, le châtelain contrôle déjà le château et ses revenus, ou la moitié, ou le tiers de ceux-ci, et l’inféodation se résume ici à une question de pouvoirs. Elle permet l’insertion dans une pyramide, la construction d’une hiérarchie dans les pouvoirs qui régissent le castrum. Le résultat effectif de ces reprises en fief est uniquement la reconnaissance de l’autorité supérieure du vicomte, et la possibilité pour ce dernier de réclamer la restitution de la potestas. Les pouvoirs sur le château, les revenus qui en proviennent sont extrêmement morcelés, divisés non seulement entre le vicomte et le fidèle qui prête serment, mais aussi et surtout à l’intérieur du groupe des châtelains. La coseigneurie est en effet de règle en Languedoc, nous y reviendrons. La fiction unitaire du castrum des serments a donc pour fonction de servir de base aux liens d’homme à homme, aux obligations imposées au prestataire du serment. Le castrum devient alors une sorte d’unité de compte de la fidélité. Outre le fait qu’il est impossible d’être fidèle pour une moitié ou un tiers de château, le caractère théoriquement indivisible du fief a sans doute aussi joué dans la définition de ce fief-castrum fictif.
3 - Castlania, garda, commanda
53Ces fiefs pour un castrum qui apparaissent dans les serments prêtés aux Trencavel ou aux autres grandes lignées vicomtales ou seigneuriales ne concernent évidemment qu’une strate supérieure de l’aristocratie, les « barons de la terre ». Mais, pour affiner la définition du fief, on peut le confronter à d’autres modes de délégation de pouvoirs utilisés, en particulier la castlania.
La castlania
54La castlania est dans ces textes à la fois la charge de garder physiquement le château pour le seigneur et le fief qui rémunère ce service (appelé castlania ou fief de castlà)127. Le castlà est choisi par le seigneur du château ; par sa position sociale, il a un statut plus précaire que le tenant en fief. Le seigneur peut lui demander à tout moment de quitter le château, le castlà peut être « jeté » (c’est le terme technique employé)128. Dans le cas d’une détention conjointe d’un château, les coseigneurs nomment ensemble les castlans et aucun des deux n’a le droit de les changer sans l’accord de l’autre129. Le fief qui est donné est constitué de terres, de droits, de revenus annexes, mais ne comprend jamais le château dont le castlà doit assurer la garde. Ainsi, dans un texte non daté de la deuxième moitié du xiie siècle, Raimond Trencavel et Pierre de Minerve font l’inventaire et le partage de leurs droits respectifs sur le castrum de Peyriac : les castlanie sont détenues en commun par les deux coseigneurs, et, incidemment, le texte nous détaille les composantes d’une castlania : une famille, son manse, les terres qui en dépendent130. À Popian, à la fin xie siècle, le contenu du fief du castlan semble à peu près équivalent131 : cela situe le castlan à un échelon social bien inférieur aux grands tenants en fief de castra et de leurs mandements.
55Après la grande révolte nobiliaire, en 1125, Bernard Aton IV avait changé tous les gardiens des tours de Carcassonne. À l’occasion des nouvelles inféodations132, on peut voir fonctionner le système de la castlania. Chacun des nouveaux nommés doit monter la garde pour un temps déterminé, de quatre mois par an à toute l’année. En contrepartie, trois d’entre eux obtiennent un fief-solde : une rente annuelle de 500 à 1400 solidatas en deniers ugonencs. Les autres se voient confier une tour où ils « doivent faire statio, avec leurs hommes et leur familia, et faire bien garder la tour et aider à protéger la cité »133. Ils obtiennent en outre des honores confisqués aux traîtres, honores qui, de façon tout à fait significative, ne sont pas décrits ni situés spatialement134, mais seulement désignés par le nom de leur ancien possesseur. L’inféodation ne joue pas sur un plan foncier, l’opération se résume ici à une substitution de personnes, le lien d’homme à homme est premier.
56Les constitutions de castlaniae sont cependant rares dans le cartulaire. À part pour la cité vicomtale et ses tours, les Trencavel semblent se désintéresser des castlans, ou plutôt n’avoir aucune emprise sur eux ; nous reviendrons sur ce point. Le seul autre contexte où l’institution apparaît est, lors d’inféodations, dans les réserves que fait le vicomte. En 1141, quand il inféode Berniquaut, Roger Ier excepte de ce qu’il délègue « mon estagga que je retiens et que Raimundus de Roquefort tient pour moi »135. Le vicomte a donc déjà un castlà qu’il impose aux feudataires. De même dans le cas de Calamont, inféodé en 1138, il se réserve « mon estaga que je retiens pour agir selon ma volonté », et précise à ses feudataires que « mes hommes qui viendront y stationner doivent être saufs de tout service et empêchement de votre part, que vous ne devez pas leur imposer de contrainte, si ce n’est seulement ce qui touche à la défense du castellum »136. La castlania languedocienne est ici tout à fait semblable à celle que P. Bonnassie a pu décrire en Catalogne137. Si le mot désigne bien déjà la même chose, et il n’y a pas de raison d’en douter, l’institution existe depuis le début du xie siècle.
La garda, la baylie, la commanda
57Le terme de garda est fort rare pour désigner un mode de détention de biens. On ne trouve qu’une seule occurrence en ce sens dans le cartulaire des Trencavel. Elle apparaît dans le testament que fit Raimond Trencavel en prison à Toulouse en 1154 : il confie Béziers et le Biterrois dans la garde et la baylie de Guilhem Arnaldi de Béziers et Ademar de Murviel138. Elle ne paraît être ici qu’un doublet de la baylie, qui est une sorte de tutelle sur un bien dont le seigneur légitime est absent, mort ou momentanément empêché d’exercer ses droits, principalement à cause de sa jeunesse139. Roger II, en 1194, institue un tutor et bajulus pour son fils qui a neuf ans et pour un délai de cinq années : pendant ce temps, toute sa terre sera sous la foi, la défense et le conseil de Bertrand de Saissac140. Cette garde/baylie/tutelle donne le droit d’exploiter les revenus d’un mineur, et le tuteur doit faire hommage au seigneur du jeune, comme le montrent les chartes catalanes plus loquaces141. Cette institution est donc aussi une forme de tenure, plus temporaire cependant que le fief, puisqu’elle doit prendre fin à la majorité de l’enfant (que les Usatges de Barcelone fixent à ses vingt ans et que la pratique languedocienne semble ramener à 14 ans). Il semble qu’elle ait donné lieu à de multiples abus car elle semble devenir une composante des patrimoines nobles, une façon de détenir des biens concuremment avec l’alleu et le fief142.
58Les mentions de la commanda sont tout aussi exceptionnelles, il est donc difficile de saisir la distinction exacte avec le fief. Voici encore un terme qui désigne un mode de détention du pouvoir ; si le fief peut être considéré comme ambivalent et comprendre à la fois le pouvoir et les revenus qui en découlent, la commande semble ne représenter que le commandement. La distinction est bien marquée dans l’article comenda/comanda du Glossarium mediae latinitatis Cataloniae : « à proprement parler, les châteaux ne se donnent ni ne se reçoivent en fief, mais seulement des biens capables de produire un bénéfice… », on ne peut donc que les donner en commande143. Il revient à P. Bonnassie d’avoir souligné l’ancienneté de la notion, qui remonte au vocabulaire juridique romain et wisigothique pour désigner une « remise en dépôt d’un bien mobilier ou remise en garde d’un immeuble ». Dans les textes catalans du xie siècle, la commande se définit comme le pouvoir confié à un castlà sur une forteresse, « le castlà n’est que le dépositaire du château placé sous sa vigilance, il ne détient aucun pouvoir sur lui et doit le remettre à son seigneur à toute requête… La garde qu’il assure est pour lui une charge… Il en est rémunéré par l’octroi d’un fief – la castlania »144. La commande tient donc ici de très près à la castlania. Qu’en est-il dans les exemples languedociens ?
59Le premier est à trouver dans un serment très curieux prêté à Raimond Trencavel pour les deux castella albigeois de Montcouyoul et Salvignane. Ce serment suit en effet un formulaire totalement atypique, non dans son contenu (on y reconnaît toutes les clauses d’un serment classique), mais dans sa formulation. On ne sait pourquoi ici le formulaire habituel n’a pas été suivi et les conditions ont été entièrement réécrites145. Les rédacteurs ont adopté un style plus concis, plus technique, plus conceptuel ; et c’est dans ce contexte qu’apparaissent les clauses : « et je tiendrai cela de votre commande » et « il est à savoir que ces châteaux et ces fortifications ne m’ont pas été donnés mais commandés »146. Les trois autres occurrences concernent la grande famille de Saissac et ses trois châteaux de Saissac, Verdun et Mont Revel. En 1150, Roger Ier impose à Isarn Jourdain de lui reconnaître le castrum de Saissac. Sous la contrainte d’une commise, Isarn Jourdain « avoue que nous avons le château de Saissac selon aucun autre droit qu’en fief, si ce n’est en commande »147. L’année suivante, le même Isarn Jourdain accompagné de ses deux frères est obligé d’avouer que Raimond Trencavel leur a donné Verdun en commande « de la même façon que nous tenons de vous le castrum de Saissac, et nos pères et tous nos autres ancêtres l’ont eu et tenu de vous et de vos ancêtres »148. À la génération suivante, le mode de détention de ces châteaux joue toujours comme une référence quand les fils se font donner l’autorisation d’édifier un castrum à Revel : « ce castrum et toutes les fortifications qui y seront faites, [nous] et tous nos descendants nous l’avouons de vous et de tous vos descendants en commande, sauf votre fidélité et celle de votre postérité à jamais, de la même façon que nous tenons de vous Verdun et Saissac »149. Que retenir de ces quelques rares cas ? La commande semble tout d’abord être un terme ressenti comme plus technique que le fief. À une époque, le milieu du xiie siècle, où le mot fief se vulgarise considérablement150, le texte pour l’Albigeois témoigne d’une volonté de repréciser le vocabulaire juridique (non donata sed commandata) : la comanda est en fait une délégation de pouvoir, « une sorte de mandat de gestion »151. La commande paraît aussi être une restriction, une sous-catégorie par rapport au fief (nullo alio jure de feudo, nec tantum de commanda)152 : perçue comme un élément de technique juridique, la commande dans les représentations immédiates des acteurs renvoie inéluctablement à la constellation sémantique du fief153.
60Le sens de fief se précise donc peu à peu au fil des textes et des contextes. Ignoré dans les serments, le terme de fief est cependant couramment appliqué au castrum dans les autres types de textes. Ce castrum qui doit être juré et rendu est bien un fief, les seigneurs du Languedoc ne cessent de le répéter dans leurs inféodations et reprises en fief. Éclaté de fait entre de multiples ayants droit, le castrum des serments joue comme une fiction unitaire qui renvoie à la théorique indivisibilité du fief, mais surtout sert d’unité de compte au seul lien qui importe, et auquel on est sans cesse renvoyé, la fidélité.
III - JURE FEUDI
61En l’absence de texte normatif, de Liber Feudorum au sens italien154, on a parfois l’impression que le fief est une réalité mouvante et que les modalités de sa détention se définissent au coup par coup. Plusieurs actes, en 1138, en 1150, en 1175, affirment cependant explicitement que les conditions sont fixées jure feudi, selon le droit du fief, un autre en 1206, que l’inféodation est faite more feudi155. Le premier est à cet égard le plus intéressant : dans la liste des souscripteurs apparaît un certain Geraldus jurisperitus que A. Gouron a identifié comme l’auteur de la Summa trecensis156. Il n’y a peut-être pas un droit constitué du fief aux xie-xiie siècles, mais un certain nombre de constantes peuvent être relevées, dessinant les contours de permanences juridiques, de ce qu’abusivement on pourrait appeler un droit coutumier du fief.
1 - Les transmissions
L’hérédité du fief
62Il apparaît tout d’abord dans nos textes que les fiefs peuvent être légués comme n’importe quel autre type de biens, ou plutôt comme un bien, de quelque façon qu’il soit détenu. Tous les testaments vicomtaux conservés en attestent, que ce soit celui de Bernard Aton en 1118, ou en 1129, celui de Roger Ier en 1150, ou celui de Raimond Trencavel en 1154. Les accords entre les fils de Bernard Aton en 1130 qui pérennisent le partage effectué par leur père font de même. Le fief y est alors cité soit comme un mode de détention d’un bien parmi d’autres, dans une liste157, soit comme le fief de quelqu’un, de Bernard d’Anduze, de Bermond Pelet, de Guilhem de Montpellier158.
63Si l’on se tourne du côté du fidèle, le fief semble tout aussi transmissible, et ce dès le xie siècle. Nous avions vu dans l’analyse des formules des serments159 que la clause incluant les descendants n’apparaissait qu’au milieu du xiie siècle ; ou plutôt qu’elle n’était formulée qu’à partir de ce momentlà. Cela tenait à notre avis au caractère personnel de l’engagement, qui de fait se transmettait de père en fils (les dynasties à la tête de castra permettent de l’entrevoir), ce que la formulation ne pouvait exprimer. Les actes d’un autre type mentionnant un fief affirment bien son caractère héréditaire, tant du côté du seigneur que du côté du vassal. Dès les années 1030, l’accord entre les vicomtes et les meurtriers de leur père mentionne un fief qui sera à Geraldus, à Sigarius et à leurs fils160. La constitution d’un fevum sirventale par Frotaire sur le château de Brusque doit de même être valable pour « Ademarus Corvesinus et sa postérité »161. Significativement, c’est un descendant de cet Ademar, un certain Deodatus Corvesinus, qui fit recopier le texte en 1139, sans doute pour réaffirmer ses droits sur le fief. En ce qui concerne les fiefs de reprise, leur caractère héréditaire est encore plus évident : les lignages châtelains s’y succèdent de génération en génération, reconnaissant simplement le droit du vicomte à réclamer la restitution du castrum à chaque succession162.
64Quant à la capacité des femmes à hériter des fiefs, nos données sont peu explicites. Pour autant que nous puissions en juger, il semble que les femmes ne soient absolument pas exclues, légalement, de l’héritage d’un fief163. Cependant les exemples sont si rares qu’il apparaît que l’on s’arrangeait pour qu’il en soit autrement. Une seule femme dans tout le cartulaire des Trencavel paraît hériter d’un fief164, peu nombreuses sont celles qui prêtent serment165, parmi les vicomtesses, seule Cecilia reçoit des serments en son nom propre166. Sans être juridiquement dépossédées, les femmes semblent hériter rarement de fiefs : elles sont fréquemment désintéressées par la donation anticipée de biens annexes au patrimoine au moment de la constitution de leur dot.
65En revanche, lorsque le fief est viager, cela doit être clairement dit et répété, ainsi dans l’inféodation dont le comte Pierre est le bénéficiaire vers le milieu du xie siècle : « les termes de la convention sont que, après la mort de Pierre, tout ce fief reviendra à Raimond ou à ses enfants »167. S’il faut le préciser de la sorte, c’est certainement que le fief était normalement héréditaire. Au xiie siècle, les clauses de transmissions aux héritiers sont si nombreuses qu’il est impossible de toutes les citer. Elles sont formulées : « toi, les tiens et ta postérité », « toi et tous tes successeurs », « pour tout le temps »168.
Les aliénations
66Le fief est donc un contrat entre deux personnes, transmissible à leurs héritiers. Mais dans certains cas, il semble qu’il puisse aussi être cédé, donné, vendu ou déguerpi comme n’importe quel bien. Les exemples de ce type sont rares, à cause sans doute de la nature de nos sources. On a néanmoins quelques occurrences de fiefs vendus, non à un tiers, mais au seigneur du fief. En 1144, Pierre Bernard de Pézenas et sa femme vendent à Raimond Trencavel une vigne qu’ils tenaient de lui en fief, pour le prix de 1000 sous169. En 1174, Roger II achète à Guilhem de Cabaret, à Carcassonne, un manse avec tour jouxtant la porte de Toulouse, pour 5800 sous : cela n’est pas dit, mais, vu ce que nous savons de la gestion des tours de la cité par les vicomtes, il est certain que celui-ci l’avait en fief, ou plus précisément en castlania170. En 1176 enfin, Roger II rachète à Raimundus de Thézan et à Petrus Balbus des droits forestiers que ceux-ci tenaient en fief de lui, pour 210 sous171. Or le prix ne leur en est pas intégralement payé, seulement 150 sous, car les 60 manquants sont donnés à un certain Arnaldus Catufa qui tenait un gage sur cette forêt. Les vendeurs avaient donc manifestement effectué une opération d’emprunt sur gage, sur un fief tenu du vicomte, et, ne pouvant sans doute rembourser, ils préfèrent se dégager en vendant. Le plus intéressant est que nous avons comme par miracle conservé cette impignoration du fief qui date de 1165, et qui ne porte alors que sur 40 sous172. Les droits sur la forêt ne sont pas qualifiés de fief dans ce premier texte, mais il est précisé que « si le service que nous devons faire au vicomte pour cet honor arrivait [c’est-à-dire était réclamé], nous accordons que toi Arnaldus Catufa ou les tiens le fassiez »173. Le fief avait donc été impignoré avec ses droits et devoirs afférents.
67Cette cession du fief au propre seigneur peut en fait être comprise de deux façons. Soit effectivement le vassal se désengage et « rend » son fief (terre trop excentrée, pas rentable, difficile à gérer ?). Cela peut être le cas de certaines des mentions. Mais d’autres exemples entraînent à une autre explication. Il peut s’agir d’une façon de consigner le fait que le seigneur a acheté le renouvellement de la fidélité du vassal. Rappelons l’affaire de Termes. Des serments sont prêtés aux vicomtes pour ce castrum dès la fin du xie siècle, puis en 1139, en 1153 : le château est tenu des Trencavel. Or une vente a eu lieu en 1118, rédigée selon un très classique formulaire de vente ; les vendeurs ne mentionnent pas le lien avec les vicomtes, et se contentent de préciser qu’ils ont reçu cet honor de leur grand-père ; ils en reçoivent 500 sous et 500 soudées. La famille de Termes n’en continue pas moins à contrôler son château éponyme et une bonne partie du Terménès174. On peut donc supposer que, dans les cas de renouvellement monnayé, une charte de vente a été mise par écrit car c’est le formulaire que l’on possédait pour une transaction monnayée. Des contrats de ce type ont pu être conclus particulièrement lors de successions : ainsi deux fils de Bernard Agullonis « vendent » en 1125 à Bernard Aton IV tout l’honor que leur père tenait du vicomte175 ; ne l’ont-ils pas immédiatement repris ? Ces ventes pourraient donc n’être que la version monétarisée des reprises en fief.
68Les aliénations peuvent être soumises à des restrictions, que ce soit du côté du seigneur comme de celui du fidèle. En 1149, quand Roger Ier inféode à Pierre de Minerve le château d’Argens et diverses autres terres, il précise bien que Pierre ne pourra les aliéner qu’à celui de ses héritiers qui aura aussi le château de Minerve176. D’autres textes contiennent l’interdiction absolue d’aliéner. Le Trésor des chartes conserve un exemple de l’exercice réel de ce droit de contrôle du seigneur sur l’aliénation des fiefs : en 1168, Guillelma vicomtesse de Nîmes, veuve de Bernard Aton V, s’oppose à la vente d’un fief dont elle est le seigneur. Le texte par son contenu et sa langue est exceptionnel : « la vicomtesse de Nîmes, na Guillelma, les fit comparaître à sa cour [Eléazar de Sauve et son frère Rostaing]. Elle leur dit qu’elle avait entendu dire qu’ils voulaient vendre tout ce qu’ils avaient à Bernis. Elle leur interdit de vendre à quiconque d’autre qu’à son fils ce qu’ils tenaient d’elle… Rostaing de Sauve et son frère Eléazar reconnurent qu’ils tenaient du vicomte tout ce qu’ils avaient à Bernis et dirent qu’ils ne voulaient plus le vendre à un tiers ni ne le vendraient »177. Le droit de contrôle est donc réel ; son abandon peut être même considéré comme une donation pieuse de grande valeur178.
69Il semble normal que le seigneur contrôle les mutations opérées sur un fief et veuille pouvoir choisir son fidèle. Dans des reprises en fief, on peut cependant aussi trouver des réserves faites par le feudataire. Ainsi les donateurs de Bernis en 1101 stipulent que le vicomte ne pourra donner le château qu’à un de ses fils ou de ses successeurs qui sera vicomte de Nîmes179 ; de même en 1183 pour Murviel, qui ne devra aller qu’au détenteur de Béziers180. Et quand Raimond Roger inféode Lunas en 1201, il s’interdit de le « vendre, donner, échanger, engager, ou transférer à aucune autre personne de quelque manière que ce soit, ou léguer dans son testament, ou aliéner d’aucune autre façon, si ce n’est à toi [le bénéficiaire de l’inféodation], aux tiens ou à mon successeur vicomte de Béziers »181. Le fidèle titulaire d’un fief peut donc dans certains cas prendre des assurances pour ne pas se voir imposer n’importe quel seigneur. Les clauses doivent sans doute être négociées selon les circonstances et les rapports de force ; la puissance des lignages transparaît particulièrement dans les reprises en fief.
Les taxes de mutation
70Les droits de mutations sont difficiles à décrire en ce qui concerne le fief, car le terme qui les désigne, acapte, est polysémique et n’est pas propre au vocabulaire féodal. Quand il est employé dans des listes, on ne peut savoir de quoi il s’agit : droits d’entrée ou de mutation, sur des fiefs nobles ou des tenures « roturières » ? Car le mot semble pouvoir s’appliquer à tous ces cas. Cet état de fait peut s’expliquer : fief désigne au xiie siècle tout type de tenure, et les actes où sont payées des acaptes ne distinguent pas entre succession et première inféodation. Ainsi en 1193 Roger II dit qu’il donne en fief un honor à Bernard Raimond de Capendu et à Dezana de Capendu, une veuve. Comme incidemment, on apprend cependant que cet honor Bernard Raimond et Dezana l’avaient déjà de Roger « par héritage et en cavalairivo »182. L’acapte, qui à une lecture rapide aurait pu être qualifiée de droit d’entrée, s’apparente en fait ici à un relief ; elle s’élève à 200 sous, plus un locale dans le château de Capendu. D’autres textes sont encore plus clairement des successions, pour lesquelles le vicomte fait payer son consentement. En 1190, Roger II « donne et transfère par droit d’acapte » (dono et jure agapiti trado) à Guillem de Limoux, son homme, la moitié de l’honor de son oncle Tardivus à Limoux ; le vicomte retient au passage l’autre moitié de cet honor pour lui-même, à titre de relief183.
71Il se peut aussi qu’un droit d’entrée soit demandé pour un fief : en 1186, Roger II fait payer à Willelmus Oalrici et Oalricus de Redas 1200 sous pour l’inféodation qu’il leur fait de tous ses droits sur le castrum de Rennes184. La distinction entre première inféodation, reprise en fief et renouvellement d’une inféodation à l’occasion d’une succession est bien souvent difficile à faire : l’acapte désigne tout à la fois le relief, les droits d’entrée, et l’« achat » d’une nouvelle fidélité lors d’une reprise. Le montant des acaptes est au demeurant fort variable en fonction des situations. Lors d’une entrée en servitude en 1164 – une femme se donne au vicomte avec ses enfants – Raimond Trencavel fait payer vingt sous en acapte pour l’honor qu’il leur donne185. En revanche, Roger II réclame à son vicarius, auquel il a inféodé en castlania un castrum, un manse et un honor, une acapte de 7 000 sous186.
72Sur le nom de cette taxe a été formé un verbe couramment utilisé, acaptare, lui aussi ambivalent. Quand un seigneur s’exprime, acaptare signifie confier une terre ou un droit moyennant une acapte, un droit d’entrée ; s’il s’agit du vassal ou du tenancier, acaptare, prendre contre paiement d’une acapte, est à l’origine directe de notre français « acheter »187. C’est à ce second sens qu’il faut rattacher une occurrence de 1170 qui aurait pu paraître obscure. Une mère et son fils, du lignage seigneurial de Vias, règlent un litige sur la succession au patrimoine familial : entre autres biens, Petrus Rainardi, le fils, obtient le fief que son grand-père avait « accapté » de Laureta d’Ornaisons et de son mari Guilhem de Pinatio. On ne sait en quoi consistait ce fief (encore ici seul le lien personnel est mentionné), la famille de Vias l’a cependant « accapté », on pourrait presque traduire « acheté »188.
73L’acapte se situe donc toujours à la limite entre le droit d’entrée et le droit de succession et peut être appliquée à des fiefs nobles. Les foriscapes, qui, elles, n’apparaissent que dans des listes de taxes, avec les usages, les tasques, les quarts, les agriers189 paraissent être plus spécifiques aux tenures « roturières ».
74À partir du xiie siècle, les fiefs nobles semblent circuler au sein de l’aristocratie languedocienne moyennant finances, phénomène qui paraît assez proche de ce que l’on pourrait appeler des ventes et des achats190. C’est bien contre de telles cessions que tente de réagir Guilhem de Montpellier vers 1113. Une des accusations qu’il porte contre son viguier est en effet que celui-ci « s’est fait donner son fief avec une charte et que jamais chevalier en cette terre ne doit donner son fief à un autre avec une charte… et que Bernard Guilhem a reçu don de son fief avec une charte, chose qui n’a jamais été faite en cette terre »191. Le seigneur de Montpellier voudrait empêcher la transmission des fiefs entre chevaliers et imposer l’obligation de passer par une saisine seigneuriale. Mais le court-circuit se pratiquait manifestement dès le début du xiie siècle, ce dont témoignent les récriminations de Guilhem192. Un « marché » des fiefs n’était-il pas en train de naître ?
2 - Le forfait et la commise
75Nous venons de voir un certain nombre de règles juridiques qui s’ébauchent peu à peu, même si l’on ne peut parler d’un véritable droit des fiefs ferme et constitué. Nous allons traiter à part d’une procédure particulière et spécifique au fief noble : la commise. C’est une sanction imposée par le seigneur à la suite du non respect par le fidèle de ses obligations.
76Cette rupture des engagements est couramment désignée par le terme de forfait, forisfactum. Nous avons déjà rencontré plus haut la clause des serments cum forifacto et sine forifacto, qui signifiait que le jureur devait rester fidèle à ses promesses quelle que soit sa situation, avec ou sans forfait. La formule peut paraître quelque peu rhétorique, il est en effet curieux de demander à quelqu’un de tenir ses engagements… qu’il ait ou non tenu ses engagements. Elle est aussi reprise dans le formulaire d’un certain nombre d’inféodations. En quoi peut consister un manquement à ses devoirs de la part du fidèle ? Le cas est explicitement envisagé dans une inféodation de 1186 : un forfait, c’est enlever le castrum ou ses fortifications au seigneur et les lui interdire, ou lui refuser l’albergue193. Le terme de « forfait » est ici explicité par les périphrases « mal agir »194, « violer les pactes », ailleurs par « trahir son serment »195. En Gévaudan, au début du xiie siècle, ne pas jurer le château, c’est un forfax et même une trahison196.
77Et quelle plus grande infraction au serment peut-il exister, si ce n’est le refus de rendre le château ? C’est de fait l’enjeu du conflit entre Raimond VI, comte de Toulouse, et Raimond Roger, comte de Foix, au tout début du xiiie siècle. Raimond avait sommé le comte de Foix de rendre le château de Saverdun et avait produit, à l’appui de son droit, la charte transcrivant le serment prêté en 1167 par Roger Bernard Ier à Raimond V. Raimond Roger reconnaissait l’authenticité de l’acte paternel (et l’existence du devoir de restitution), mais, pour sa défense, alléguait qu’il ne contrôlait plus Saverdun, qui lui avait été enlevé par les milites du castrum et qu’il ne pouvait donc le rendre. L’affaire était de plus compliquée par le fait que des fortifications avaient été détruites lors de cette guerre. Raimond Roger affirma qu’il était prêt à rendre le château mais non à le reconstruire. Il y fut pourtant condamné par un jugement de la cour comtale toulousaine197. Ne respecta-t-il pas les termes de cette condamnation ? Toujours est-il que la sanction tomba : la commise du comte de Toulouse, qui réinféoda Saverdun à Arnaud de Villemur et promit de ne jamais le restituer au comte de Foix198. Le forfait, c’est le non respect des engagements, des clauses des contrats féodaux, de quelque nature qu’ils soient. Guilhem de Montpellier a de nombreux griefs contre son viguier vers 1113, pour lesquels il le met en rancura, en vet et en contradich : il lui reproche entre autres de prendre plus qu’il ne devrait sur la taxe de mesurage de la ville de Montpellier. Guilhem le somme de supprimer cette surtaxe, sinon il mettra tout le sestairalatgue en forfait199.
78Que peut faire le seigneur en cas de forfait ? Dans l’inféodation de 1186, comme dans le règlement de conflit de 1144-1150, il a dès le début pris des assurances sur la personne de garants qui se portent caution du respect des engagements. Ils sont appelés fidejussores, restauratores, cuidatores, custodes, protectores200. Ils sont responsables sur leurs biens du respect des engagements201. Si cela ne suffit pas, ou si les précautions n’avaient pas été prises, le seigneur peut exiger la restitution du château par la procédure de la commise, comme à Saverdun. C’est aussi ce qui semble avoir été le cas en 1150 pour Saissac. Roger Ier a, on ne sait pourquoi, à se plaindre d’Isarn Jourdain ; il lui reprend donc le castrum de Saissac, « le garde autant qu’il lui plaît », puis le lui rend en exigeant de lui le serment (et lui impose la commande dont nous avons traité plus haut)202. Il est bien dit solito more, « comme c’est la coutume habituelle » : la commise n’est pas une procédure exceptionnelle203. Combien de textes rédigés selon des formulaires de guirpitio sont en fait des commises déguisées ? Ainsi le déguerpissement fait en 1127 par Roland de Bize de tous les fiefs qu’il tenait du vicomte n’est-il pas en fait une sanction pour la participation de Roland à la révolte nobiliaire du début des années 1120 ? Il est précisé qu’il rend ces fiefs en échange de l’abandon des plaintes qu’avait Bernard Aton IV contre lui204. De même, Raimond Trencavel en 1153 avait des clame et querimonie contre la famille de Cabaret : le conflit est réglé – le vicomte leur accorde le droit de fortifier Surdespine et de tenir un marché à Cabaret –, et Raimond leur confirme tous les fiefs que leurs pères avaient de Bernard Aton et de Roger, excepté le fief de Ceille et le castellum d’Aragon205. On peut soupçonner, malgré la sobriété de la formule, qu’il s’agit ici d’une commise partielle. La commise apparaît clairement dans un texte du Gévaudan du début du xiie siècle, même si elle n’est pas nommée : le refus de prêter serment pour des châteaux aurait pour conséquence la mise en forfait du fief206.
3 - Un cas particulier : le franc-fief
79Dans les diverses déclinaisons du fief qui se font jour à partir du xiie siècle, nous avions mentionné, à côté des feudos sirventales ou des feudos militares, des francs-fiefs. Cette institution a surpris de nombreux historiens qui se sont intéressés aux actes méridionaux. H. Vidal la présente en effet comme typique du sud-est de la France, de part et d’autre des vallées du Rhône et de la Saône. La zone de prédilection en Languedoc serait Montpellier, Béziers, Agde, le plein cœur des domaines des Trencavel donc.
80H. Richardot puis H. Vidal ont proposé deux éléments significatifs pour distinguer le fief du franc-fief. Le franc-fief était tout d’abord un fief sans service ; c’est d’ailleurs le sous-titre du long article de Richardot en 1949 : « Francs-fiefs. Essai sur l’exemption totale ou partielle des services de fief »207. H. Vidal reprend in extenso sa définition en introduction à son article de 1974208 : « le fief franc ou d’honneur des pays du Sud-Est était une tenure noble, exemptée en tout ou partie des services ou charges, qu’un alleutier reprenait par désir d’argent, de sécurité ou de privilèges, ou qu’un seigneur concédait pour obtenir souvent une somme d’argent, dont il avait besoin plus que de prestations vassaliques »209. Le deuxième élément de la définition est donc le lien plus affirmé avec l’économie monétaire et le caractère onéreux de ce type de fief, ainsi que sa relation avec une reprise en fief.
81Ces assertions ont aujourd’hui été largement revues, dans un sens que confirment tout à fait les occurrences contenues dans les sources issues des Trencavel. Il faut tout d’abord souligner que celles-ci semblent contenir la plus ancienne attestation d’un franc-fief, en 1145210. Plusieurs autres textes mentionnent un fief « honorable », en 1149, 1163, 1177, 1179, et 1183211. Ce type de fief n’est pas appelé « franc » dans nos régions (le terme ne s’y applique qu’aux alleux212), mais honoratum, honorifice, honorabile. Ce vocabulaire nous renvoie inévitablement à l’honor, dont nous avons déjà abondamment parlé sans jamais le définir.
L’honor
82L’honor se rencontre dans divers contextes. Dans son sens le plus générique, il désigne l’ensemble des biens d’une personne. Dans leurs testaments, les vicomtes disposent de leur honor, dont ils détaillent le contenu dans la suite du texte. Juste après l’élection de sépulture, Roger Ier, en 1150, affirme qu’il « donne, accorde et transmet à son frère Raimond Trencavel tout son honor en toute intégrité, c’est-à-dire les cités, les bourgs, les castra, les villae, les dominia, les fiefs, les alleux, les acaptes, les gages, les acquisitions, qu’il a de Bernard Aton leur père »213. Dans les sécurités (serments sans château), la clause qui garantit l’intégrité des biens du vicomte les dénomme aussi honor214. L’honor est donc ici un terme englobant, résumant à lui tout seul un très vaste patrimoine aristocratique215.
83Il peut aussi désigner une certaine catégorie de biens de quelqu’un, dans des expressions comme « tout l’honor que j’ai à Carcassonne »216 ou bien « tout l’honor que X a de moi à… »217. Dans ces cas, l’honor est une sorte de collection de biens disparates, réunis seulement par leur mode de détention : pour le dernier exemple cité – il s’agit d’une castlania, un fief de castlan, pour Monthaut – l’honor comprend une albergue, une demi-décime, un champ, un usaticum218. Un honor divisé en deux en 1176 se composait de six jardins, un moulin, quatre manses, un localis, seize champs, une vigne219. Étonnante permanence des structures agraires, un honor comtal est cité comme confront dans une inféodation de 1176 (dans le suburbium de Saint-Vincent de Carcassonne)220, alors qu’il n’y a plus de comte à Carcassonne depuis 1067 ! Une autre acception du terme le rapproche du mandement ; on trouve en effet des mentions de château avec leur honor, comme dans l’inféodation en 1149 de « la moitié du castellum novum de Camarès avec l’honor qui dépend de cette moitié »221.
84L’honor est donc un patrimoine, un ensemble de droits, détenus en alleu ou en fief. Mais le mot peut aussi définir une façon de détenir un bien, ad honorem ou ad honores. Dans une donation pieuse, Roger II cède en alleu à l’abbaye d’Alet un localis à Limoux ad honorem et utilitatem predicti monasterii222 : on pourrait traduire que l’alleu est destiné à entrer dans l’honor du monastère. Plus significatives sont les mentions de donations ad fevum et ad totos honores, expression que l’on trouve dès 1101 dans la reprise en fief de Bernis223. La formule semble être directement la matrice du fief honorable224.
Le fief honorable
85Les premiers fiefs honorables apparaissent dans les originaux du Trésor des chartes en 1145 et 1149, dans le cartulaire d’Agde en 1164, dans le cartulaire des Trencavel en 1163 ; en 1157, dans un règlement de litige concernant les vicomtes de Bruniquel et le castrum de Brusque, on trouve la tournure honor fevalis, renversement archaïque de la formule225. En cette période de création juridique, les termes ne sont en effet pas encore techniquement fixés. L’honneur féodal équivaut au fief honorable, feudum honorabile, honorifice ou honoratum ; il ne nous semble pas qu’on puisse faire de distinction entre ces formulations. En quoi consistent ces fiefs ?
86La première occurrence est à trouver dans un échange effectué par le vicomte de Nîmes, Bernard Aton V en 1145. Un des châtelains des Arènes de Nîmes rend au vicomte le stare qu’il contrôlait dans le château des Arènes, et obtient en contrepartie un champ et le pâturage adjacent : le champ sera tenu en feudum honoratum, comme l’était auparavant le stare226. Le feudum honoratum n’apparaît donc pas ici comme une institution nouvelle, puisqu’il qualifiait déjà le mode de détention antérieur. Un autre échange à peine postérieur, en 1149, concernant toujours la vicomté de Nîmes, qualifie de fief honorable la détention de deux manses227. Ces textes, presque décevants, ne précisent rien sur les obligations découlant du fief honorable, et ne se distinguent nullement des inféodations « simples » contemporaines. Un peu plus loquace est un jugement de 1163 entre deux groupes de coseigneurs à propos du castrum de Montréal, en Carcassès : les uns devront tenir des autres le tiers du castrum en feodum honorifice, avec obligation de faire hommage228. Dans son testament rédigé dans une langue très occitane, Raimond Trencavel (mort en 1167) précise que la seigneurie du château de Jeannes en Albigeois, qui lui est échue du vicomte de Montclar, doit être tenue en feu franc et honrat229. L’inféodation d’une leude sur le chemin de Saint-Thibéry en 1179 nous donne un peu plus de détails : Bérenger de Puisserguier l’aura en honorabile feudum ad totos honores, et « il est à noter que moi Bérenger et tous mes successeurs nous te ferons hommage et te devront le service à toi Roger et à tes successeurs pour ce fief »230. Le franc-fief n’est donc pas forcément exempt de service. Les deux derniers textes sont de 1183 : une reprise en fief de Murviel qui accumule les « honneurs » (donation en feudum honoratum ad omnes honores de tout un honor231) et une inféodation de Pauligne avec promesse de serment, d’hommage et d’aide232.
87Il faut fermement affirmer que ces exemples ne présentent aucune différence avec les simples inféodations contemporaines, ni aucun lien particulier avec les fiefs de reprises. Nos feuda honorata peuvent entraîner un hommage, un serment de fidélité qui stipule la reddition du château, un service, une aide militaire, exactement comme les donations en feudum233. C’est aussi la conclusion à laquelle en étaient arrivés J.-P. Poly et E. Bournazel, ainsi que G. Giordanengo234. Pourquoi alors cette nouvelle détermination dans la deuxième moitié du xiie siècle ? Il faut sans doute invoquer ici un autre phénomène contemporain : la pénétration en profondeur des structures féodales fait que le modèle du fief devient prépondérant et commence à servir de référence à tout contrat de tenure. C’est en effet à partir de ce moment-là que les tenures « roturières » peuvent aussi être appelées fiefs. D’après H. Richardot, le premier fief roturier daterait d’environ 1098235. L’évolution se fait toutefois progressivement : en 1125, on distingue encore fief et tenure236. La mutation doit se nouer autour du milieu du siècle.
88Dans une réaction que l’on peut appeler nobiliaire, le fief fut qualifié d’honorable pour le distinguer des simples tenures237. La notion d’honor était en effet fortement liée au patrimoine aristocratique, nous l’avons vu. Dans un texte de 1115, un certain Raimond Roger vend son alleu à Limoux à Bernard Aton qui devra lui donner à manger, à boire et de quoi se vêtir cum honoriscencia238 : il veut sans doute bien préciser qu’il ne se donne pas comme serf, mais qu’il sera un chevalier nourri du vicomte. C’est vraisemblablement le même phénomène qui a fait qualifier le fief d’honorable. La formule ne s’est néanmoins jamais complètement imposée et on continue jusqu’au début du xiiie siècle à trouver des fiefs simples à côté des fiefs honorables, soumis tous deux aux mêmes obligations. De façon tout à fait significative, l’honor connaît du reste, dans la deuxième moitié du xiie siècle, la même évolution que le fief : il en vient à pouvoir désigner une tenure roturière et même servile239.
89Au terme de ce tour d’horizon, la conclusion semble s’imposer d’ellemême : le fief est bien au cœur de la société languedocienne des xie et xiie siècles, qui peut véritablement être qualifiée de société féodale. Il a permis de construire des hiérarchies de pouvoir sur les châteaux, il est même l’instrument essentiel de la prise de pouvoir des Trencavel dans leurs vicomtés. L’idée d’imposer le caractère public de toute fortification n’a pu être mise en œuvre ; elle était peut-être déjà tombée dans l’oubli au xie siècle au moment où commence leur ascension, ou bien les vicomtes étaient trop faibles pour l’affirmer. Ils ont donc pris le contrôle de leurs terres prioritairement par des reprises en fief.
90Ces textes de reprise font apparaître le rôle original du castrum des serments dans le fonctionnement féodal. Les revenus réels étant extrêmement morcelés, le castrum fait office d’unité de compte de la fidélité et révèle le caractère premier du lien d’homme à homme créé par les inféodations. Au xiie siècle, le fief a véritablement envahi les structures mentales et sert de modèle à toutes sortes de contrats ; la relation féodale, de référence à toutes sortes de liens personnels, jusqu’à la servitude qui adopte la cérémonie de l’hommage.
91Même en présence de textes nombreux et précoces, comme c’est le cas en Languedoc, il est difficile de distinguer entre une première inféodation et une reprise. Le choix que l’historien peut faire entre ces deux qualifications dépend trop de la conservation des actes ; mais on peut aussi se demander s’il existe une réelle différence entre une donation en fief et une reprise. Dès le xie siècle, on rencontre des lignages seigneuriaux bien implantés, qui contrôlent des fortifications, qui ont édifié des seigneuries banales. On ne les saisit cependant qu’au moment où ils manifestent leur reconnaissance d’une autorité supérieure. Que cette reconnaissance passe par une inféodation ou une reprise semble équivalent. On a longtemps dit que le processus de reprise était une spécificité méridionale : n’est-ce pas seulement parce que le Midi a conservé une tradition de l’écrit beaucoup plus vivante, parce que ces procédures furent couchées sur parchemin, parce qu’on a conservé de tels textes ? Il semble que la plupart des inféodations ne peuvent être comprises comme de véritables donations240 : le vassal qui théoriquement y reçoit le fief contrôle bien souvent déjà ce qu’il est censé recevoir. Même dans les inféodations, c’est la plupart du temps le vassal qui donne, ou plutôt qui accepte de voir dénommer fief des biens qu’il contrôlait auparavant. Il ne s’agit que de son insersion dans le réseau féodo-vassalique du seigneur supérieur : le fief lui donne un pouvoir médiat, subordonné, qui construit des hiérarchies politiques.
92Le fief a tellement contaminé les modes de pensée qu’il peut, par un curieux mécanisme, être utilisé comme gage, ou à l’inverse, un gage peut devenir un fief si la somme prêtée n’est pas remboursée à temps241. Et quand Bernard Aton IV, après avoir rompu la fidélité qu’il doit au comte de Barcelone, signe enfin la paix242 avec Ramon Berenguer III en 1112, celle-ci est garantie par une inféodation. La trahison de Bernard avait été de jurer la vicomté de Carcassonne au comte de Toulouse et la vicomté de Razès au roi d’Aragon243. La restitution de ces deux vicomtés au Barcelonais est cautionnée par la reprise en fief de douze châteaux. L’accord de pacification contient en effet une reprise en fief dans les formes : Bernard donne les douze châteaux en alleu, Ramon les rend en fief et impose la reddition à toute semonce et le service244. Mais ces fiefs de reprise n’auront de valeur que jusqu’au moment où Bernard Aton sera arrivé à rompre son lien avec le comte de Toulouse et le roi d’Aragon245. Cela semble se passer rapidement et sans problème pour Carcassonne : la vicomté est à nouveau tenue « en fief, au service et à la fidélité » de Ramon Berenguer246 et Bernard récupère l’alleu de six des douze castra dès 1113. En revanche le roi d’Aragon semble plus réticent, les six autres ont toujours le statut de fief247. Une reprise en fief garantit donc ici une inféodation.
93Au xie siècle, le serment donnait sens à toute une logique sociale plus tard éclatée en multiples pratiques juridiques et il suffisait à la traduire tout entière. L’unité de l’institution féodale est originellement contenue dans l’unité de la pratique sacramentelle. Le fief en Languedoc, c’est une terre, un château, un rapport de pouvoir, et même un gage. La société est féodalisée en profondeur.
Notes de bas de page
1 M. Bloch, La société féodale, 1939-1940 ; R. Boutruche, Seigneurie et féodalité, 1968-1970 ; J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale, 1980 ; rééd. 1991.
2 À cause de la présence dans les textes du mot fevum (« Fidélité et féodalité méridionales », 1968, p. 480, dans la discussion qui suivit son intervention). Mais son opinion a ensuite évolué (voir note 6).
3 « Le fief ne représentant cependant jamais dans ce que l’on est convenu d’appeler la féodalité qu’un élément très latéral » (G. Duby, Les trois ordres, 1978, p. 191) ; et R. Fossier parle du « néant féodal », opposé à « l’ampleur de l’allodialité » (Enfance de l’Europe, 1982, t. 2, p. 961).
4 Dans la lignée de E. R. Brown, « The Tyranny of a Construct », 1974 ; voir surtout S. Reynolds, Fiefs and Vassals, 1994.
5 Bibliographie sur le sujet : ci-dessus, p. 19, note 26.
6 Certains historiens de la société méridionale, pour contester son caractère féodal, récusent le rôle du fief. En 1984, E. Magnou-Nortier affirme qu’« il n’y a pas plus de “féodalité” en Auvergne ou Limousin que dans le reste du Languedoc. Nos sources nous ont permis de parler longuement du fevum sans que jamais ni la vassalité ni la fidélité n’interviennent » (« La terre, la rente et le pouvoir », 3e partie, 1984, p. 89 ; voir aussi la conclusion p. 114). Et pour P. Ourliac, « le contrat [concordia ou convenientia] crée des rapports personnels, non réels ; c’est-à-dire que la concession d’un fief n’est pas essentielle » (P. Ourliac, « La féodalité méridionale », 1983, p. 10). Voir aussi : P. Ourliac, « Réalité ou imaginaire : la féodalité toulousaine », 1983, rééd. 1993, p. 95 et « A feo dare », 1983, rééd. 1993, p. 80.
7 Voir M. Bloch, La société féodale, rééd. 1983, p. 236 et suivantes, et note 161 ; K.J. Hollyman, Le développement du vocabulaire féodal, 1957, p. 41 et suivantes ; E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 161 et suivantes ; J.-P. Poly, « Vocabulaire “féodo-vassalique” », 1978, p. 177 et suivantes.
8 Un champ : Aniane, 273 (premier tiers XIe), une condamine : LN Béziers, 72 (après 1061), des prés : Agde, 162 (1124), un bois : LIM, 550 (1125), un bourg : HGL, V, 486 (1056) ; un château : innombrables mentions, voir ci-dessous, passim.
9 En 1150, le vicomte Roger Ier donne à l’abbaye de Villelongue tous ses droits dans le terminium de Compania, puis il complète la donation par la cession du droit de couper et ramasser du bois in omni fevo de Compania (B. Chauvin, « Quelques additions et corrections au “Recueil des actes de l’abbaye cistercienne de Bonnefont-en-Comminges” », 1991, p. 83). Le même amalgame a affecté l’alleu, nous le verrons.
10 Le quart : Aniane, 44 (1067), le tabernaticum : LN Béziers, 83 (1080), des dîmes : par exemple LN Béziers, 94 (1094), des leudes : CT, 440 = HGL, VIII, 337 (1171), des albergues : CT, 112, inédit (1171), des justices : CT, 353 = HGL, V, 1106.
11 Il y en a quinze cas dans le cartulaire des Trencavel, échelonnés de 1166 à 1206. Plusieurs des sites désignés sont toujours non identifiés, ce qui porterait à croire que la construction n’eut jamais lieu (Podium Frederium, ou castrum Merula, par exemple) ; voir notre contribution « Les Trencavel et le ius munitionis », 1996, p. 157-163.
12 Trois dans le cadre de l’inféodation des tours de Carcassonne en 1125 : respectivement 4 mois de garde contre 1400 solidatas par an (CT, 388 = HGL, V, 924 (X)), 6 mois contre 500 solidatas (CT, 389 = HGL, V, 923 (VII)), et 6 mois contre 1 000 solidatas (CT, 391 = HGL, V, 923 (IX)).
13 Donamus vobis ad fevum totos ipsos fevos… (CT, 482 = HGL, V, 551). Même expression dans LIM, 499, en 1124.
14 Ainsi au moment de sa mort, le vicomte Roger Ier, sans descendance, laisse à son frère Raimond Trencavel « tout son honneur, c’est-à-dire les cités, les bourgs, les castra, les villae, et les dominia, les fiefs, les alleux… qu’il avait de leur père » (CT, 1 = HGL, V, 1120, II). Ou bien, en 1170, une compositio règle un conflit entre un certain Petrus Rainardi et sa mère : le fils obtient le fief qu’avait acquis son grand-père de Laureta d’Ornaisons et de son mari (Laudamus etiam ut illud feudum sit Petri Rainardi quod accaptavit Poncius de Aviaz pater Ermensendis de Laureta de Ornazencs et de Gillelmo de Pinatio viro suo : CT, 433, inédit). Le texte est muet sur un certain nombre d’éléments qui pourraient paraître essentiels à la compréhension : en quoi consiste ce fief ? de qui est-il tenu ?
15 Première attestation en 899 (Maguelone, 3), à Conques à partir de 916 (Conques, 149), à Lézat à partir des années 940 (P. Ourliac, « A feo dare », 1983, rééd. 1993, p. 80 et 83).
16 K. J. Hollyman, Le développement du vocabulaire féodal, § 13 « Tenir et ses dérivés », p. 55.
17 Ego Rogerius ipsum meum castellum quod vocatur Calamont… dono ad fevum tibi… et… ut castellum teneatis et habeatis de me ad fevum (CT, 498 = HGL, V, 1018).
18 Et illos feos qui sunt vel adexierint, debent recipere qui habuerint de manu Guillelmi (CT, 105 = HGL, V, 432, vers 1037-1040).
19 Nous reviendrons sur ces autres notions dans la deuxième partie de ce chapitre.
20 CT, 481 = HGL, V, 1031.
21 Hec carta fuit facta rememorationis quod Guillelmus de Felgariis dixit domno Rogerio vicecomiti Biterris quod ab eo tenebat castrum de Lunacio et quod illud ab eo acceperat et fecerat ei inde hominium (CT, 613 ; inédit).
22 Fevum de Bernardo de Andusa et Bermundi Pelet et Guillemi de Monte Pessulano, dans le testament de Bernard Aton IV en 1118 (CT, 115 = HGL, V, 867) ; fevum Aimerici de Claro Monte et Armengau de Poiglechier, dans celui de Raimond Trencavel en 1154 (CT, 550 = HGL, V, 1171).
23 Fevum comitis Melgoriensis, dans le second testament de Bernard Aton IV en 1129 (CT, 454 = HGL, V, 957) ; fevum quem tenemus de vicecomite de Biterri, en 1105 (CT, 406 = HGL, V, 795) ; feudo Guilelmi de Omelaz, en 1137 (Gellone, 492).
24 E. Magnou, « Note sur le sens du mot fevum », 1964, p. 150 ; et La société laïque, p. 161 et suivantes.
25 « Note sur le sens du mot fevum », p. 149.
26 P. Bonnassie, La Catalogne, t. 1, p. 209-214 et E. Magnou-Nortier, « Note sur le sens du mot fevum », p. 143.
27 Dans les testaments comtaux de la deuxième moitié du xe siècle, on rencontre une écrasante majorité d’alleux ; quand il apparaît, le fief est en possession de vicomtes (fief de Rainard vicomte de Béziers dans le testament du comte Raimond, vers 961 ; fief du vicomte Isarn dans celui de Garsinde, vers 972) mais aussi d’autres grands dont il est difficile de connaître la fonction (Grimaldus, Frodimus, Bernardus de Nante, Raimundus, Sancius, Arnaldus et Isarnus – pour le château de Brassac –, Stephanus, Malbertus chez Raimond ; Rostagnus de Veharca, Pontius, Gaufredus chez Garsinde).
28 Moissac tenu jure feudi en 1053 (HGL, V, 470 ; interpolé ?) ; donation en fief d’Aniane et Gellone par Pierre Raimond à Bermond vers 1035 (CT, 468 = HGL, V, 416) ; Saint-Geniès donnée en 1054 par le même Pierre Raimond à l’évêque de Béziers qui dédommage pour la donation le comte avec 600 sous, mais aussi un dénommé Deusde Desiderio, qui ipsum honorem tenebat per fevum (HGL, V, 479).
29 Pierre Raimond comte de Carcassone reçoit une villa en fief de son neveu, Raimond Guilhem vers 1050 (CT, 249 = HGL, V, 459) ; fief donné aux vicomtes par l’évêque d’Albi en emenda pour la mort d’Aton II, puis rétrocédé par les vicomtes aux meurtriers, vers 1032 (CT, 121, inédit) ; mention de fiefs reçus de la main de l’évêque d’Albi vers 1037-1040, dont les vicomtes reçoivent la moitié du donum d’entrée (CT, 105 = HGL, V, 432) ; inféodation du bourg de Béziers par l’évêque vers 1056 (HGL, V, 486).
30 La patronage exercé sur les abbayes par les plus hautes autorités laïques semble alors contesté par des familles seigneuriales en pleine ascension : la technique du fief a pu constituer une voie d’apaisement des violents conflits qui ont surgi. Elle a permis d’octroyer quelque droit aux seigneurs sans en déposséder les comtes (le phénomène est particulièrement net dans le cas des rivalités entre Anduze et Carcassonne : voir P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 69).
31 H. Richardot, « Le fief roturier à Toulouse », 1935, p. 307-359 et 495-569 ; apparition p. 311-312 ; M. Berthe, « Le droit d’entrée dans le bail à fief », 2002.
32 P. Ourliac, « L’hommage servile », 1951, p. 551-556. Exemples d’incertitude dans H. Richardot, « Le fief roturier à Toulouse », p. 321, note 1. En dernier lieu : M. Mousnier, « Jeux de mains, jeux de vilains », 2000, p. 11-54.
33 La société féodale, 1983, p. 268.
34 CT, 474 = HGL, V, 1036. Le texte est mal daté dans Doat et HGL : il est donné de 1139, alors que la charte dit clairement que cette date est celle de la copie qu’a fait faire un certain Deodatus Corvesinus, manifestement descendant d’Ademar. L’évêque Frotaire est certainement le frère de Bernard Aton III : le texte ne peut donc dater que des années 1027-1077. Frotaire donne en fief sirventale à Ademar tout ce qu’il a dans le castrum de Brusque et dans son mandement. Suit une longue énumération de terres et de redevances, dont on ne comprend pas s’il s’agit du contenu du fief ou de droits qu’Ademar est chargé de prélever au bénéfice de Frotaire. Le texte recèle d’ailleurs un autre hapax : parmi les redevances classiques, foncières ou banales, apparaît une taxe appelée annugue pour laquelle nous n’avons pas trouvé d’équivalent ni d’explication. Malgré la date, il ne peut s’agir ici d’un fief de type public : le texte est clair, le fief implique fidélité personnelle et service ; il est de plus héréditaire (habeas et teneas tu vel tuis de me ad fevum vel de meis ad meum servicium vel veram fidelitatem).
35 CT, 549 = HGL, V, 1277 (II). Autres feudos militum en possession d’Arnaud Bernard de Marquefave en 1139 (Saint-Sernin, 212), fevum de militibus appartenant à un certain Bernardus Traversus en 1137 (Saint-Sernin, 306) ; mention des fevales chaballarios à Aniane à la fin du XIe (Aniane, 45). On peut remarquer que dans toutes ces donations pieuses les fiefs de milites sont toujours exclus et conservés par le donateur laïc.
36 Dans l’acte d’emenda pour la mort du vicomte Aton vers 1032, l’évêque d’Albi Amelius donne illam ecclesiam de Tredueing cum ipso ecclesiastico et illo fevo que Matfredus in ipso Tredueing de Geraldo et Segario tenet (CT, 121, inédit). Nombreuses autres mentions ; à titre d’exemple : Saint-Sernin, 335, vers 1080 ; Gellone, 166, en 1097 : Gellone, 283, en 1098 ; Gellone, 289, en 1106 ; Saint-Sernin, 77, en 1121 ; sur cette question, voir : P. Bonnassie et J.-P. Illy, « Le clergé paroissial », 1994, p. 153-166. Commentaire sur Gellone 166 dans P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, p. 203-204.
37 Nous en traiterons dans la dernière partie de ce chapitre sur le droit féodal (p. 178).
38 CT, 472 = HGL, V, 453.
39 Donatores sumus aliquid de alodem nostrum et de fevum (CT, 475 = HGL, V, 568). Même emploi dans LIM, 482, en 1059 : dono omnem honorem meum qui extra muros et portam castelli est, tam in alodio quam in fevo ; ou dans le testament d’Aldebert, évêque de Mende vers 1109 (pour désigner une donation intégrale des droits sur une église, il dit : ecclesia de Altrenaz tota, alod e feu, sas negun retenement que om de son linadge ne femena nulla causa demandar non i posca ; Brunel, no 13).
40 Adjutor ten serei de totos illos homines et de totas illas feminas de que tu comoniraz per te ipsam aut per tuum missum aut per tuos missos qui tolran tuos fevos nec tuos alodes ni ten tolran, dix serments du dernier tiers du xie siècle.
41 Ato Guillaberti habet unum villanum qui non est suo fevo ni suo alode (CT, 266, inédit ; sans doute du xiie siècle). Le texte, assez atypique, se présente comme une liste d’hommes avec la mention de qui les « tient ». Il faut sans doute y voir une énumération de serfs.
42 Donaverunt ad alodem ipsum castellum de Berniscis… Postea vero supranominatis donatoribus donavit supradictus vicecomes ipsum castellum ad fevum, CT, 565, inédit ; en 1101. Pour Penne : CT, 83 = HGL, V, 807 et CT, 84, inédit, vers 1108-1121.
43 Ego Rogerius reddo vobis prenominatis hoc predictum alodium ad fevum ut de me habeatis illud et teneatis honeste (CT, 68, inédit).
44 Voir J.-P. Poly, « La crise, la paysannerie libre et la féodalité », 1998, p. 116-118, note 2 p. 117, p. 173-175.
45 Nos prescripti donatores guirpimus Domino Deo et in canonica prescripta Sancti Nazarii ipsam vineam de monte Cabanel que est alodis Sancti Genesii quam appellabamus per fevum (LN Béziers, 77).
46 E. Magnou-Nortier, « Les mauvaises coutumes d’Auvergne », 1980, p. 162 ; P. Ourliac, « La féodalité méridionale », 1983, p. 10.
47 P. Ourliac, « A feo dare : note sur le fief toulousain… », 1983, rééd. 1993, p. 84.
48 E. Magnou-Nortier, La société laïque, p. 171-172. Même idée chez F. L. Ganshof (Qu’est-ce que la féodalité ?, rééd. 1982, p. 206) : « le seigneur est titulaire d’un droit assimilable à une nue-propriété romaine, le vassal, d’un droit assimilable à l’usufruit ».
49 La société féodale, rééd. 1983, p. 244.
50 G. Giordanengo, « Les feudistes », 1992, p. 76 et p. 86.
51 Predictum castrum… de nostro jure in vestro tradimus dominium et potestatem : vente de Dourne au comte de Barcelone par Bernardus Odonis (CT, 265 = HGL, V, 567). La même expression est employée dans la guirpitio de Garsinde déjà mentionnée (en 1046 : CT, 472 = HGL, V, 453. De meo jure in suo trado dominio et potestate ad faciendum inde quicquid volue-rit).
52 « Personnel » et « réel », sur la terre et sur les hommes (voir l’analyse du vocable dans A. Guerreau, Le féodalisme, un horizon théorique, 1980, p. 180-184, et L’avenir d’un passé incertain, 2001).
53 Salva fidelitate et dominio integro, retento nobis nostro dominio plenario (CT, 257 = HGL, V, 1137, XI).
54 Ibi, salvo dominio nostro, faciatis que volueritis (CT, 253 = HGL, V, 1128, III). Parfois cependant, mais rarement, un mot dérivé de potestas, potestativum, est employé dans ce même sens : en 1199, lors de l’inféodation d’un podium, Raimond Roger retient une albergue, la haute justice et son potestativum (CT, 607 ; HGL, VIII, 453). De même en 1203, pour prix de l’achat d’un castrum (celui de Vias), il donne le castrum de Capendu sur lequel il se réserve néanmoins une albergue et le potestativum (CT, 571 ; inédit). Voir des exemples narbonnais dans F. Cheyette, Ermengard, 2001, p. 132-133 (le mot n’a cependant pas, à notre avis, le sens absolu et unique qu’il lui donne).
55 Dans certains contextes, dominium peut aussi renvoyer à ce que nous appellerions aujourd’hui la réserve seigneuriale, ainsi dans l’inventaire des biens d’un Rouergat, Ademar Ot, en 1102. Il a, entre autres, deux manses en alleu, l’un conservé en domini, l’autre concédé en fief : Dos mas el Poiol d’alo, l’un en domini, l’altre ab fesal (Brunel, no 7, p. 11).
56 Hoc totum plenarie tibi trado ut dominus sis, et ut ita dicam, ad alodium habeas […], ut habeas ipsum jure feudi de me et successoribus meis, tu et successores tui ; ego autem integre dominium habeam et successores mei. Reprise en fief de Bernis par Alfonse Jourdain, comte de Toulouse ; en guerre contre le Trencavel, il lui enlève là un château vicomtal (AN, J 314, no 2 = Teulet, no 69 = HGL, V, 1026).
57 CT, 90 ; inédit. Autres exemples dans le même sens : CT, 481 = HGL, V, 1031 (1139) ; CT, 255 = HGL, V, 1215 (1158) ; CT, 333 = HGL, V, 1220 (1158) ; CT, 273, inédit (1174) ; CT, 352, inédit (1175) ; CT, 357, inédit (1175) ; CT, 264, inédit (1176) ; CT, 89, inédit (1180) ; CT, 210, inédit (1186) ; CT, 568 = HGL, VIII, 468 (1201). On peut cependant trouver aussi dominium dans ce même sens : CT, 106 = HGL, V, 1303 (1166) ou CT, 442 = HGL, VIII, 377 (1184).
58 Totum ius quod habeo… in sensibus et usaticis, in dominicaturis et albergis, in firmanciis, in justiciis, in heremo et condirecto, impignoration en 1163 (CT, 95 = HGL, V, 1269). « On distingue dans les prélèvements coutumiers deux éléments, servitia et dominicaturae… La dominicatura est la rente du seigneur foncier » (J.-P. Poly, « La crise, la paysannerie libre et la féodalité », 1998, p. 140).
59 Nous y reviendrons dans la deuxième partie de ce chapitre.
60 De mea potestate dono in vestrum dominium ipsos meos omnes honores (CT, 317 = HGL, V, 852, III). Trois autres exemples de restitution de biens tenus en fief (mais où le transfert est fait de la potestas du fidèle dans la potestas du vicomte) : CT, 272, inédit (1175) ; CT, 273, inédit (1174) ; CT, 313, inédit (1175).
61 En 1160, la tour d’Auriac est en litige entre deux groupes de coseigneurs. Elle est provisoirement remise sous la potestas d’un tiers, le temps que les coseigneurs érigent une seconde tour pour que chacun ait la sienne (CT, 548, inédit).
62 Vers 1050, sans doute à la suite d’un conflit où il a perdu, un vicomte nommé Bérenger (de Rouergue-Millau) doit mittere obsides in potestate Petri comitis (CT, 500, inédit). Le formulaire des accords de soumission de la noblesse languedocienne après sa révolte des années 1120 donne : un tel missit se in potestate Bernardi Atonis (CT, 384 = HGL, V, 917). Après sa cuisante défaite face au Trencavel en 1142, Alfonse Jourdain doit rester dans la potestas de Bernard de Canet jusqu’à ce qu’il ait évacué Narbonne (CT, 380 = HGL, V, 1069).
63 Ut recipiant nos in eterno solio quando defecerit nostra potestas ab hoc inani seculo quo modo vagamus (CT, 494 = HGL, V, 494).
64 M. Zimmermann, « Et je t’empouvoirrai », 1986.
65 Voir P. Buc, L’ambiguïté du livre, 1994 et « Principes gentium dominantur eorum », 1995 ; L. Mayali, « De la juris auctoritas à la legis potestas », 1992, spécialement p. 133.
66 M. Zimmermann, « Et je t’empouvoirrai », 1986, p. 29.
67 Ibidem, p. 26. « À partir du milieu du xiie siècle, la chancellerie comtale [barcelonaise], soucieuse de classifications et usant d’une terminologie plus juridique, assimile la potestas au fief » (p. 30).
68 H. Katsura, « Serments, hommages et fiefs », 1992, p. 154 ; et La seigneurie de Montpellier, 1996.
69 Petrus Bernardi et fratres sui et Petrus de Berniscis et Gillelmus frater suus et Petrus Rostagni et fratres sui donaverunt ad alodem ipsum castellum de Berniscis… ad Bernardum Atonem vicecomitem et ad uxorem suam et ad infantos suos…. Postea vero ista supranominatis donatoribus donavit supradictus vicecomes ipsum castellum ad fevum et ad totos honores (CT, 565, inédit).
70 AN, J 322, no 94 = Teulet, no 59.
71 Penne : donation en alleu et restitution en fief (CT, 83 = HGL, V, 807 ; CT, 84, inédit) et serments (CT, 85, 86 et 87 ; inédits). Quertinheux : donation en alleu (CT, 364, inédit) : seule conservée, elle doit néanmoins être le témoin d’une reprise en fief, car l’un des fils du donateur fait serment en 1137 (CT, 281 = HGL, V, 1017, II). Loupian : donation en alleu (CT, 445 = HGL, V, 852). Boussagues : donation en alleu (CT, 429 = HGL, V, 853). Termes : donation en alleu (CT, 190 = HGL, V, 869), cette donation est rémunérée 500 sous melgoriens et 500 solidatas. Laure : donation en alleu en 1124 (CT, 302 = HGL, V, 910, IV) et serments (CT, 300 et 301 ; inédits), donation en alleu et restitution en fief en 1127 (CT, 304 = HGL, V, 941, I) et serment (CT, 303, inédit). Sénégats : donations en alleu en 1124 (CT, 52 = HGL, V, 910 ; CT, 53, inédit) et serments (CT, 54 et 55, inédits), donation et restitution en fief en 1144 (CT, 56 et 57 = HGL, V, 1062). Olargues : donation en alleu et restitution en fief (CT, 304 = HGL, V, 941, I). Montséret : donation en alleu et restitution en fief (CT, 410 = HGL, V, 1000, I). Lagrave : donation en alleu et restitution en fief (CT, 68, inédit) et serments (CT, 66, 67 et 69 ; inédits). Bernis : donation en alleu et restitution en fief (AN, J 322, no 19 = Teulet, no 135) et serment (AN, J 304, no 104 = Teulet, no 161). Castelnau-de-Guers : compositio entre Roger II et G. de Lunas. Une des clauses stipule la reprise en fief de Castelnau : Ego etiam G. de Lunatio dono tibi domno R. Castrum Novum cum omnibus suis pertinenciis, quod est in territorio Agathensi, accipiens a te illud in feudum et facio tibi inde hominium et de redemtione sacramentum (CT, 434 = HGL, VIII, 309). Pépieux : donation suivie d’un serment (CT, 334, inédit). Combret : donation en alleu et restitution en fief (CT, 89, inédit) et serment (CT, 91, inédit). Murviel : donation en alleu et restitution en fief (CT, 452, inédit) et serment (CT, 453, inédit).
72 R. d’Abadal, « À propos de la “domination” comtale », 1964, p. 343-344.
73 Auriac : donation en alleu en 1028 (CT, 33 ; HGL, V, 387) et serment (CT, 34, inédit). Cahuzac et Brens : donation en alleu vers 1032-1035 (CT, 3 = HGL, V, 411) et serment (CT, 2 = HGL, V, 412). Montaigu : vente en alleu vers 1032-1060 (CT, 46 = HGL, V, 438) ; mais le serment contemporain (CT, 4, inédit) ne concerne pas les mêmes protagonistes. Latoursur-Sorgues : donation en alleu vers 1041-1058 (CT, 135 = HGL, V, 226) et serment (CT, 136, inédit). Cadalen : donation en alleu vers 1060-1074 (CT, 40 = HGL, V, 522, V) et serment (CT, 71, inédit). Prouille et Mirepoix : donation en alleu aux comtes de Carcassonne (CT, 326 = HGL, V, 516) et serment (CT, 343 = HGL, V, 517). Caissargues : donation en alleu et restitution en fief vers 1085-1096 (AN, J 322, no 81 = Teulet, no 27) et serment (AN, J 304, no 98 = Teulet, no 519).
74 Des deux textes du cartulaire (CT, 52 et 53), un seul est retranscrit par HGL (V, 910, V). La formulation n’est pas précise en ce qui concerne le castellum : dona lor lo castel de Senegaz, totum quod habeo ni habere debeo nec antea habuero lor doned per alo ; mais la suite du texte mentionne le marché de Senegats, et là il est bien clair que chacun des coseigneurs en contrôle la moitié : et d’aital part quod habeo Froterius [1 °texte]/ Ermengaudus [2 °texte] el mercad la medietate. Il est plus que vraisemblable que Froterius et Ermengaudus ont aussi chacun la moitié du castellum.
75 CT, 56 et 57 = HGL, V, 1062 (VII et VIII). Deux détails attirent cependant l’attention. Tout d’abord, les deux textes comprennent l’expression assez inhabituelle pour une reprise en fief : a nullus coacti, qui semble être une parfaite antiphrase. Ensuite dans le formulaire, qui est par ailleurs tout à fait conforme à toutes les autres reprises en fief, le mot même d’alleu est omis (ils ne font que « donner », dare, concedere le château, sans autre précision).
76 Dans les paix qui sont signées en 1142 et 1143 est mentionné, entre autres, Arifat, à une dizaine de kilomètres de Sénégats, qui a été enlevé par Alfonse Jourdain et doit être rendu au vicomte (CT, 380 = HGL, V, 1069, I).
77 AN, J 314, no 2 = Teulet, no 69 = HGL, V, 1026.
78 Sauf pour Brens et Cahuzac au début des années 1030 : la donation en alleu est faite en emendamentum du meurtre du vicomte Aton II (CT, 3 = HGL, V, 411).
79 Ainsi l’achat de Montaigu, ou la donation rémunérée de Termes.
80 Serment de Petrus vers 1067-1100 (CT, 186 ; inédit), d’Oliverius vers 1100-1129 (CT, 189 ; inédit), de Raimundus et Guillelmus, frères, en 1139 (CT, 187 ; HGL, V, 1019), de Guillelmus et de son fils Petrus Oliverius (CT, 188 ; HGL, V, 1275) et de Raimundus (CT, 189bis ; HGL, V, 1275) en 1163. La répétition des noms indique une continuité familiale.
81 CT, 190 = HGL, V, 869.
82 Les mêmes reprises successives se trouvent chez les Guilhem de Montpellier (cas de Popian, Le Pouget, Castries, analysés par F. Cheyette, « On the fief de reprise », 1999, p. 319-324).
83 Selon les mots très justes de F. Cheyette, « On the fief de reprise », 1999, p. 324 (« How then should we understand the terms “ad alodem” et “ad fevum”? Adverbially, I would suggest, rather than substantively. They do not name “bundles of rights” but rather ways of giving. To give “ad alodem” was to hold nothing back ; to give “ad fevum” was to create a permanent tie »). On ne peut en revanche le suivre lorsqu’il affirme que les fiefs étaient des propriétés comme les autres (Ermengard of Narbonne, 2001, p. 230). Que peut-on définir comme la propriété au xiie siècle ?
84 In tale vero convenientia donat hunc honorem Ugo Berengarius et uxor sua et infantes sui ad vicecomitissam et ad Bernardum Atonem filium suum, quod ipsa Ermengarda vel Bernardus Ato filius suus vel ipsi qui vicecomites erunt de Nimis per sugcedemento… donare neque vindere neque inpignorare neque aliquo modo incobolare alicui homini vel femine possit neque ad sanctos neque ad sanctas. Et si aliquis vicecomes vel vicecomtissa hoc fecerit, hic honor suprascriptus revertatur ad Ugonem Berengarium vel ad proximos suos ad alodem sine blandimento ullius hominis vel femine (AN, J 322, no 81 = Teulet, no 27). Une condition semblable peut être décelée dans la reprise en fief de Penne, vers 1108-1121 : elle est faite per talem convenientiam quod Bernardus suprascriptus non donet ad homes nec ad feminas nisi ad filios suos et filiis filiorum illius (CT 83 et 84 = HGL, V, 807 pour le premier, le second inédit).
85 Promitto quod donum predictum quod mihi de honore vestro fecistis non dabimus ego vel heredes mei alicui vel aliquibus hominibus seu feminabus, nisi tamen illi vel illis heredum nostrorum qui villam sive civitatem de Biterris habuerint…, et si forte alicui homini vel femine ego vel heredes mei de predicto honore… fecerimus donum… sit deletum, ita quod vos et honorem vestrum libere et sine vinculo hominii sicut prius habebatis habeatis, et totum donum predictum ad pristinum status reducatur (CT, 452, inédit).
86 Contrairement, nous semble-t-il, à ce que dit F. L. Cheyette, à propos des reprises en fief : « For this token to bind the giver and the taker, it [the castle] did not have to be in the power or possession of either […] nothing in fact changed hands save a promise and a token » (Ermengard of Narbonne, 2001, p. 223). S’il est vrai que ces actes contribuent, aussi, à créer et entretenir des liens sociaux, ils effectuent avant tout des transferts de pouvoirs et fondent des hiérarchies politiques (voir P. Chastang, Lire, écrire, transcrire, 2001, passim et p. 113).
87 Ni nolli tolra, ni nolli devedara (CT, 49, inédit ; avant 1030) ; nol vos tolrai, ni vos entolrai, ni vos devedarai (CT, 25, inédit ; vers 1060-1074) ; nols ne decebrai, nels li tolrai, nels len malmenarei, nels enganarei, nel len asolerai, nels lor devedarei (CT, 343 = HGL, V, 517 ; vers 1063) ; nol te tolrem ni ten tolrem, nol te vedarem ni ten vedarem, nol te bauzarem ni ten bauzarem (CT, 128, inédit ; 1141).
88 Dans 176 serments. Ni om ni femna, ni homes ni femne, per meum ingenium vel per meum consilium (CT, 59, inédit ; 1139).
89 Dans 243 serments. Et si fuerit homo aut femina, homines aut femine qui illud vobis tollant aut aliquid inde vobis tollant, cum eo vel cum eis cum illa vel cum illis finem nec societatem non habuero ad vestrum dampnum (CT, 303, inédit ; vers 1126).
90 Il n’est absent que de 29 serments de fidélité.
91 Et si ipsum castellum Petrus et Bernardus recobrare potuerunt, in potestate de Ato sine deceptione lo tornaria (CT, 422, inédit ; avant 1032) ; et pos recobrad l’aviem, del castel poderos lo farem senes engan et sine logre (CT, 38 = HGL, V, 414 ; 1027-1077).
92 Et si recuperare illud potuero, in tua potestate lo tornarei el reddrei sine redemptione muneris tui atque honoris (CT, 276, inédit ; 1129-1150).
93 Et per quantas vices tu men comonras per te ipsum, vel per tuum missum, vel per tuos missos in tua potestate lo tornarei sine lucro de tuo avere et sine tua deceptione (CT, 149, inédit ; vers 1067-1100) ; et per quantas vegadas tu men comonras per ti o per tuum message ni per tos messages, cum forfacto et sine forfacto, lor reddrei et del comoniment no men desvedarei, ni men diffugirei (CT, 202, inédit ; vers 1101-1129). On rencontre ici le rôle central de la semonce, que l’on retrouvera plus loin (p. 177). Les divers termes qui l’expriment sont commonitio, commonimentum, ou le verbe commonere en latin, comoniment/somoniment, comonre ou demandar en occitan (sur la signification de commonere/commonitio, voir O. Guillot, « À propos d’une lettre de Fulbert de Chartres », 1992, p. 17, qui traduit le substantif par « injonction »).
94 « Et je t’empouvoirrai », 1986, p. 25.
95 Néanmoins un texte, atypique, réunit sur un même parchemin – un chirographe – une sécurité et une reconnaissance en fief : il s’agit d’un serment de Bernard d’Anduze à Aldebert évêque de Nîmes, en 1175 (l’acte commence par une sécurité classique, puis se poursuit par : E recognosc que tenc a feu del bispe de Nemse lo castel de Monpesat…, AN, J 335, no 16 = HGL, VIII, 303 = Brunel, no 144).
96 « Et je t’empouvoirrai », 1986, p. 30.
97 Ut nos teneamus hoc de eis ad fevum et juremus eis sine inganno (CT, 410 = HGL, V, 1140).
98 Sub tali autem conditione ut vos ac tota posteritas vestra illam villam… a me et a posteris meis… habeatis et teneatis per feudum, tamen quando voluntas mihi et posteris meis aderit et ipsam villam et castellum et omnes fortezas… nobis ne differatis cum forifacto et sine forifacto jurare (CT, 356 = HGL, V, 1182).
99 Totum vos predicti et posteritas vestra teneatis et habeatis ad fevum de me et posteritate mea omni tempore, salvis meis sacramentis et fidelitatibus quas mihi inde facitis vos et posteritas vestra mihi et posteritati mee facere debent ; inféodation de Berniquaut en 1141 (CT, 132 = HGL, V, 1045).
100 Dans son testament vers 1109, Aldebert II de Peyre, évêque de Mende, ordonne à un homme de jurer deux châteaux (Peyre et Génébrier) à ses nièces, et s’il ne le faisait pas, elles pourraient mettre son fief en forfait : Ego Aldebertus episcopus dig et man a Bertran, lo fil de Bernard Bozuga, que jur lo castel de Peira, la sua maison e la forza, el castel de Genebrer allas filias Girbert…, e se aizo Bertranz no fazia… que son feu l’en poguesson metre en forfax (Brunel, no 13) Voir aussi J. Belmon, « Une seigneurie châtelaine en Gévaudan », 1993, p. 69-97.
101 Par exemple, en 1180, reprise en fief de Combret : tenebimus totum ipsum castrum de Combreto… per te et per omnem tuam posteritatem ad feudum ad omnem tuam tuorumque fidelitatem (CT, 89, inédit).
102 Dot de Roger comte de Foix à sa fille en 1131 : Ego Rogerius comes Fuxensis dono filie mee Braidimende et marito suo… sacramentum quod habeo in castello de Lordad, salva fidelitate comitis (CT, 553 = HGL, V, 980). Exemple tout à fait similaire dans le texte de donation par Bernard Aton IV du castellum de Nouvelle à Guillelm de Pignan, en 1123 : donamus tibi de praesenti ipsum sacramentum de Novellas quod habeas et teneas de nobis tibi vel tuis, salve nostra fidelitate (HGL, V, 908, I).
103 Mitto etiam in pignore jus querendi sacramenta de tribus castellis et reddendi ipsa que pater meus dedit in dotem cum filia sua Ermesens patri tuo…, tali scilicet pacto ut cum hoc pignus liberatum fuerit sic possim exigere ipsa sacramenta sicut modo possum (AN, J 323, no 10 = Teulet, no 96).
104 Règlement d’un conflit sur le château de Lunas entre G. de Lunas et Roger II en 1175 : hec omnia de Lunatio dono tibi ut habeas et possideas iure feudi et debes inde mihi facere hominium et de reditione sacramentum (CT, 434 = HGL, VIII, 309) ; idem en 1201 (CT, 568 = HGL, VIII, 468, II). Voir aussi les reprises en fief de Puechabon par l’abbé d’Aniane en 1162 et 1164 : propter quod feudum facis michi hominium et fidelitatem et juramentum de castello reddendo fideliter (Aniane, I p. 133 et IV p. 137).
105 Inféodation de Verdalle en 1153 : ad submonitionem vero meam vos et filii vestri mihi et meis successoribus hoc castrum jurare et reddere debetis (CT, 118 = HGL, V, 1140, XII). Même chose plus haut, dans les cas des trois châteaux des Posquières, avec le jus querendi sacramenta… et reddendi (voir ci-dessus, note 103).
106 La figure est de celles qu’un rhétoricien appellerait parataxe : la coordination syntaxique représente une subordination sémantique.
107 CT, 476 = HGL, V, 1198. … Petebat siquidem predictus Austor a predictis fratribus medietatem castri de Brusca et honoris ad ipsum pertinentis, quod totum dicebat esse sui alodii. Et ad hoc probandum produxit testes qui dicerunt patrem predicti Austor sepius pro suo recuperasse et possedisse predictum castrum et per quedam tempora tenuisse presente etiam patre predictorum fratrum, quod negebant predicti fratres. Tandem idem ipsi fratres tres testes produxerunt quorum sacramento probatum fuit quod pater predicti Austor hominium fecit patri predictorum fratrorum pro feudo quod de eo habebat, et dixerunt illi testes illud feudum fuisse expressum scilicet quicquid predictus Austor habebat in Brusca et in Brusches. Videntes itaque et cognoscentes predicti judices ex dictis partium et ex dictis testium hinc inde productorum, quod communiter pater predicti Austor et pater predictorum fratrum scilicet sua tempora predictum castrum tenuerant, et alter alteri reddiderat, et castlani [et non ei castellaniam comme transcrit par HGL] predicti castri cuique eorum petenti castrum predictum sine dilatione reddiderant et se debere reddere sine mora asserebant, quod etiam probatum fuit per testes quos produxit predictus Austor. Judicaverunt ut medietatem castri predicti et omni ad illud pertinencium haberet predictus Austor scilicet per feudum a predictis fratribus et eis faceret hominium maxime etiam quia predicti fratres cartam ostenderunt in qua continebatur quod totum castrum predictum et quedam alia que ipsi habent avie eorum in dotem fuerunt data….
108 Brusque est en effet compris dans la dot constituée par Raimond Trencavel et Ermengarde pour Guillelma leur fille qui épousa un certain Petrus en 1069. Elle est l’ancêtre des futurs vicomtes de Bruniquel (CT, 475 = HGL, V, 568). Sur l’identification de ce Petrus plane cependant un doute : voir p. 73, note 316.
109 Domnus autem R. Trencavelli querebatur de U. Escafredi et fratribus eius eo quod reddebant ei castrum de Rocafort, scilicet quod ei juraverant (CT, 341 = HGL, V, 1134, transcription fautive).
110 Fidelitatem que est potestatem donandi, Cartulaire de San Cugat, t. 1, no 612.
111 Ne pourrait-on nommer ce processus une « reprise en alleu » ? Après la mort d’Ermengarde, le château sera dans le dominium de ses seigneurs, ils ne devront ni serment, ni restitution, qu’est-ce d’autre qu’un alleu ? La politique d’Ermengarde, c’est ici : après moi, le déluge. (Le texte est publié in extenso en annexe V de l’article de J. Caille « Ermengarde », 1995, p. 42 ; fac simile et commentaire dans F. Cheyette, Ermengard, 2001, p. 336 et suivantes).
112 Rares sont les serments qui quantifient ce retard, ce délai accordé pour la restitution. Dans un serment du comte de Diois à l’évêque de Die pour le château de Luc-en-Diois, dans la deuxième moitié du xiie siècle, on trouve : fidelitatem et hominium pro supradicto castro faciant et sacramentum redditionis ei gratis prestent ; et quocienscumque Diensis episcopus supradictum castrum per se aut per nuntium suum nomine sacramenti pecierit, infre spatium XIIIIcim dierum sine fraude et dolo ei reddatur (Léonard, 14) ; même délai de quinze jours en Provence dans un serment pour Mane (G. Giordanengo, Le droit féodal, p. 34), ou pour Forcalquier (Brunel, no 8).
113 Quia puer tunc eram et nesciens quod feci, scio me te recognosco male egisse et graviter ejurasse, quia inducias tibi quaesivi XXX dierum ad potestaem dandi de predicto castello… quibus contra te offendisse me graviter recognosco (Liber Feudorum Cerritanie, 107, fol. 26c ; cité par P. Olivelli, Cartulaire de Son, 1998, p. 10).
114 Obligo et more pignoris trado totam redicionem quam mihi tenebamini facere, videlicet de castro de Lunacio quod fuit Rogerii de Lunacio et Raimundi et de alio… castello de Lunacio quod fuit Austori de Lunacio, ut videlicet… non teneamini mihi vel meis reddere predicta castella de Lunacio… donec ego vel mei reddiderimus vobis predictos vestros VI milia solidorum (CT, 569, inédit).
115 Dans certains serments catalans, la clause de restitution est d’ailleurs ainsi formulée : non vedabo tibi intrare vel exire de ipsa forteda de…, sed colligam te ibi ut possis inde guerreiare cunctos homines vel feminas (Cartoral… del bisbe de Girona, t. 1, no 139, en 1072 ; formulations approchantes : no 111, no 300, etc.). Les implications de ces clauses pour ce qui concerne l’albergue seigneuriale seront analysées plus loin p. 202.
116 C’est bien ce qu’exprime Hugues le Chiliarque, lors de la négociation très serrée avec Guillaume qui aboutira à la convention finale : il se méfie de son seigneur qui l’a trompé bien des fois, et quomodo habuero juratam fidelitatem, tu requiras mihi castrum Kassiacum, et si non reddidero tibi tu dicas quod non est rectum ut tibi vetem castrum que de te habeo (« et quand je t’aurai juré fidélité, tu vas me réclamer le château de Chizé ; et si je ne te le rends pas, tu vas dire que je n’ai pas le droit de t’interdire le château que je tiens de toi », G. Beech, Le Conventum, 327-331, p. 137-138).
117 Voir les textes cités en annexe de la communication de G. Varanini et M. Bettoti au colloque Fiefs et féodalité, Toulouse, 2002, par exemple : inféodation par l’évêque de Trente du castello di Bosco en 1187 : et debeat esse et sit illud castrum de Busco apertum omni tempore tam in pace quam in werra prefato domino episcopo (p. 113-114). Voir aussi Ch. L. H. Coulson, « Rendalibility and castellation », 1973.
118 CT, 474 = HGL, V, 1036 (texte mal daté par HGL). Même chose dans la reprise en fief de Bernis en 1138 : castrum cum mandamento eiusdem castri (AN, J 314, no 2 = Teulet, no 69).
119 Inféodation de illud meum castrum de Pauliniano cum omnibus dominationibus suis, cum hominibus et mulieribus ad castrum pertinentibus (CT, 520 ; inédit).
120 Par exemple, inféodation de Rennes en 1186 : terris et vineis, nemoribus, aquis, pratis, pascuis, cultis et incultis (CT, 210 ; inédit). Sur ces énumérations et leurs significations, voir l’article très suggestif de M. Zimmermann, « Glose, tautologie ou inventaire ? », 1989-1990.
121 Deux moitiés de Latour sur Sorgues (CT, 135 = HGL, V, 226 ; vers 1041-1058) ; deux moitiés de Sénégats (CT, 52 = HGL, V, 910 et CT, 53, inédit ; en 1124) ; la moitié de Combret (CT, 89, inédit ; en 1180) ; les deux tiers de Mirepoix (CT, 326 = HGL, V, 516 ; en 1063) ; le tiers de la moitié d’Auriac (CT, 33 = HGL, V, 387 ; en 1028) ; nostram partem castelli pour Montséret (CT, 410 = HGL, V, 1000 ; en 1134) ; illas partes de illo castello pour Brens et Cahuzac (CT, 3 = HGL, V, 411 ; vers 1032-1035).
122 Parmi les centaines de serments conservés, nous n’en avons trouvé qu’un qui déroge à cette règle : il s’agit d’un serment entre deux frères de la famille châtelaine du Cailar en Nîmois, faisant certainement partie du règlement d’une succession et instituant une coseigneurie : d’aquesta ora enant eu Raines fil de Rocia non decebrai te Guillem Rainon fil de Rocia de la tua part del castel de Castlar (AN, J 329, no 35 = Teulet, no 49 ; vers les années 1120).
123 Certaines sont attestées dès le tout début du xie siècle, dans les serments à Aton (vicomte avant 1032).
124 Incastellamento est ici utilisé dans le sens de l’édification de fortifications et de seigneuries banales. Nous ne comprenons pas l’aspect de regroupement des populations et de constitution des villages fortifiés qui est habituellement attaché à ce terme (ce phénomène est sans doute plus tardif : voir M. Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc, 1987).
125 Un certain nombre d’indices, en particulier anthroponymiques, permet de l’affirmer pour les détenteurs de Brens et Cahuzac. Les seigneurs Geraldus/Guiraldus et Sicharius/Segarius reprennent en fief ces deux châteaux de Bernard Aton III et son frère Froterius, au début des années 1030, pour racheter (propter emendamentum) l’assassinat du vicomte Aton. Or ils semblent bien appartenir à la famille vicomtale : Segarius est aussi le nom (fort rare) du frère de Bernard Aton et Froterius ; la mort d’Aton semble avoir été causée par une querelle pour le contrôle de l’abbaye vicomtale de Gaillac. Les recherches de C. Duhamel-Amado montrent clairement ces connexions lignagères avec les familles vicariales ou vicomtales du xe siècle pour le Biterrois (Genèse des lignages méridionaux, 2001).
126 Voir nos conclusions dans l’article publié en collaboration avec M. de Framond : « Les comtes de Toulouse aux xe et xie siècles », 1996.
127 Les mots de statica, statio ou estage semblent avoir un sens voisin : ils désignent prioritairement la charge de tenir garnison. En 1175, Roger II donne à Ugo de Roumengoux divers biens en castlania (un castrum, un manse, une terre…) contre l’engagement de faire deux mois par an de statica à Carcassonne (CT, 352, inédit).
128 Dans un serment entre les coseigneurs de Lautrec, Frotaire et Isarn, vers 1060-1080, on trouve la clause : ipse Froterius in illo castello de Lautrico castellano no i metra, per so que castellanus en sia, sine consilio de ipso Isarno, ne illos castellanos qui convenuti sunt inter Isarno et Froterio episcopo qui castellani en sian, episcopus ipse Froterius illos non getra sine consilio de ipso Isarno (CT 101 = HGL, V, 301).
129 Seuls les serments entre coseigneurs semblent d’ailleurs comporter des clauses sur les castlans : voir le texte de la note précédente. Autre exemple : serment du même Isarn fils de Rangarde à Aton II pour Lombers – la coseigneurie n’est pas ici explicitement affirmée, mais est probable, Isarn de Lautrec étant apparenté à la famille vicomtale et Lombers étant un château très proche des domaines des Lautrec. (CT, 63, inédit, avant 1032). Les autres serments se désintéressent complètement du sort des castlans : voir le chapitre suivant sur les structures nobiliaires pour une tentative de compréhension de cet état de fait.
130 Omnes castlanie ubicumque sint in Peiriaco et in terminiis illius sunt communi domni R. et P. de Minerva. Castlania Arnaldi de Laurano est illorum amborum et de ipsa castlania est Guillelmus Isarni et frater illius et mansus illorum et terre et vinee et orti (CT, 330, inédit). Autre exemple dans la note 127 ci-dessus : le château compris dans la castlania, le fief du castlan, est Roullens, mais la garde à effectuer, la statica, concerne Carcassonne (Habeatis et teneatis a me et ab omnibus posteris meis per castlaniam tamen ita ut in unoquoque anno faciatis staticam cum familia vestra duobus mensibus apud Carcassone).
131 L’abbé de Gellone donne aux fils d’une certaine Vierna, qui vient d’effectuer une donation en faveur de l’abbaye, le fevum del castlan de castro de Popiano ; il se compose d’un agneau par an, de 6 deniers d’oublies, d’une charge de bois à Noël, d’un mangar ( ?) et de la redevance du quart sur un manse (Gellone, 241).
132 CT, 387 à 399 = HGL, V, 919 à 925 (13 textes).
133 Per quemque annum faciatis stationem in Carcassona [per tantos menses] cum vestris hominibus et cum vestra familia, et ipsam turrem bene gaitare faciatis et ipsam civitatem bene custodire adjuvetis (CT, 387 = HGL, V, 923, VIII). Aux tours sont attachés un mansum et un estaga : on ne sait ce que recouvrent ici ces mots, peut-être un petit lopin et une maison. Deux des tours ont un nom : la tour Monetaria et la tour Monetaria veteris. Pour les autres, il est seulement dit estaga cum turre ou mansum cum turre.
134 Sauf pour des détails (« je te donne l’honor de X, sauf ce qu’il a à… »).
135 Excepta mea estagga quam ibi retineo, quam Raimundus de Rocafort tenet per me (CT, 132 = HGL, V, 1045, I).
136 Excepta ipsa mea estaga quam ibi retineo ad faciendam meam totam voluntatem […], ipsi autem homines mei qui ibi stare venuerint, sint ibi salvi absque ullo servicio et blandimento quod vobis non faciant et ullam forciam eis non faciatis, nisi tantummodo de hoc quod ad defensionem eiusdem castelli pertinet (CT, 498 = HGL, V, 1018).
137 La Catalogne, t. 2, p. 751.
138 Relinquo Beders et Bederreis in gardam et in baiulam G. Arnaldi de Beders et Ademari de Murvel, quod balliscant pro bono et fide (CT, 550 ; HGL, V, 1171).
139 Dans son testament, Roger le Vieux, comte au tout début du xie siècle, laisse tous ses biens dans la ballia de sa femme : cela semble correspondre alors à une jouissance viagère, mais aussi à une protection et un droit de regard sur les biens dévolus aux enfants (CT, 111 = HGL, V, 344).
140 Bertrandum de Sexaco, in cuius fide et defensione et consilio me et terram meam posueram, constituo tutorem et baiulum Raimundi filii mei et omnium terrarum mearum, a modo et de proxima Pascha usque ad quinque annos completos. Et ce tuteurbayle se voit adjoindre un groupe de « sous-tuteurs », ayant chacun une compétence géographique bien précise : pour le Biterrois et l’Agadès, l’évêque de Béziers, pour l’Albigeois, le Rouergue et le Toulousain, l’évêque d’Albi, pour le Carcassès, le Razès, le Lauragais et le Terménès, deux viguiers, Arnaud Raimundi et Guillem Assalit (Mahul, t. V, p. 284). Après la mort du vicomte, Bertrand de Saissac et l’évêque de Béziers, assisté d’Etienne de Servian, se jurèrent mutuellement de respecter les termes du testament (HGL, VIII, 429).
141 Voir l’article de L. To Figueras, « Fief, baylie, tutelle », 2002.
142 Dans une donation à Bernard Aton en 1125, Guilhem de Minerve cède tout son honor scilicet de alodiis, de fevis atque badliis (CT, 515 = HGL, V, 943, II). Dans le cartulaire de Gellone, on trouve aussi plusieurs renonciations monnayées à des droits revendiqués au nom de la baylie (par exemple, 225, en 1121 ; 329, en 1098), ou un règlement de conflit déboutant un couple des droits qu’il revendiquait au nom d’une bailia sur le castrum de Verdun parce que « tant de temps avait passé qu’ils ne pouvaient rien réclamer » (524, en 1158). Garda peut aussi se rencontrer dans l’acception de tour, de donjon : on parle ainsi du podium seu garda de Valrano (en 1199 : CT, 607 = HGL, VIII, 453). Dans le même sens : impignoration d’un bien entrel riu e la garda, tria semodiata de terra (CT, 561, inédit ; vers 1074-1130).
143 Dictionnaire fondé par M. Bassols de Climent (C.S.I.C., Barcelone), dont malheureusement seuls neuf fascicules sont parus à ce jour, de A à D, entre 1960 et 1985.
144 La Catalogne, t. 2, p. 740.
145 Par exemple, au lieu de la périphrase habituelle si homo est… qui ipsum castellum tollat, cum illo… finem non aurei, on trouve et numquam habebo pacem cum infringentibus predictum sacramentum. De même, les châteaux sont appelés oppida, seule occurrence de ce terme dans tout le cartulaire (CT, 138, inédit ; vers 1150-1167).
146 Et tenebo illud ex vestra comanda et sciendum est quod hec opida et forse non sunt mihi donata sed comendata.
147 Confitemus tibi R. de Biterris quod iamdictum castrum tuum de Seixac nullo alio jure de feudo habemus nisi tantum de comanda (CT, 292 = HGL, V, 1107).
148 Cognoscimus quia tu Raimundus Trencavelli vicecomes dedistis nobis castrum quod vocatur Verdun et illud castrum debemus habere et tenere a te… per comodam salva vestra fidelitate, per eundem modum in quo tenemus a vobis castrum quod dicitur Seixacum, et nostri patres ceterique nostri antecessores illud a vobis et a antecessoribus vestris habuerunt et tenuerunt (CT, 297 = HGL, V, 1130).
149 Quod castrum et omnes fortezas que ibi facte erunt [nos] et omnes posteri nostri tradimus [et non tenebimus, HGL] a vobis et ab omnibus posteris vestris per comandam salva fidelitate vestra et tociusque posteritatis vestre omni tempore, eodem modo quo tenemus a vobis Verdum et Sexacum (CT, 365 = HGL, VIII, 307 ; en 1174).
150 Il commence à désigner la tenure « roturière ».
151 J.-P. Poly, « La crise, la paysannerie libre et la féodalité », 1998, p. 168. Voir aussi, en contexte italien, une distinction très similaire entre fief et custodia : G. Tabacco, « Alleu et fief… », 1980, p. 7-8.
152 Si c’est bien un amoindrissement, on ne sait pourquoi les Saissac, très grands seigneurs, n’ont leurs châteaux « que » en commande. Il semble que le mode de détention de Saissac ait ensuite servi de modèle, or on ne connaît pas le contexte de l’acte de 1150. Mais la méthode employée, le coup de force des vicomtes, montre à l’évidence des circonstances graves, peut-être une trahison. Ou bien Roger veut empêcher cette lignée châtelaine d’intégrer Saissac à son patrimoine : ce château est en effet une ancienne forteresse publique, siège de viguerie dès le début du Xe, pôle important du pouvoir comtal carcassonnais ensuite. Roger réaffirme son caractère de château vicomtal : l’exact opposé d’un fief de reprise.
153 Ce dont témoigne dans un cinquième texte un terme tout à fait proche, le commodum. En 1132, Alfonse Jourdain se démet de tous ses droits sur l’évêché d’Albi en faveur de Roger Ier : episcopatum Albiensem et episcopi electionem… dono tibi et laudo… prout melius possum ad comodum tuum in feudo (CT, 535 = HGL, V, 980).
154 G. Giordanengo a montré que ceux-ci ne sont utilisés en Provence qu’à partir du premier tiers du xiiie siècle (« Epistola Philiberti, 1970 ; « Vocabulaire et formulaires féodaux », 1980 ; Le droit féodal, 1988, p. 111-152). Sur les Libri Feudorum d’origine lombarde : G. Giordanengo, « Les feudistes », 1992.
155 En 1138, reprise en fief de Bernis (AN, J 314, no 2 = Teulet, no 69 = HGL, V, 1026). En 1150, voir le texte déjà cité pour Saissac (CT, 292). En 1175, lors d’un règlement de conflit, Roger II dit à G. de Lunas : hec omnia de Lunatio, dono tibi ut habeas et possideas jure feudi et debes inde mihi facere hominium et de reditione sacramentum (CT, 434 = HGL, VIII, 309). En 1206, inféodation de la force de Belflou par Aimeric de Roquefort : recognoscimus quod tenemus a vobis in feudum illam forciam seu forcias Sancti Felicis de Lanes que modo vocatur Valflor… et promittimus quod reddamus vobis eam forciam… more feudi (AN, J 314, no 68).
156 A. Gouron, « L’auteur et la patrie de la Summa trecensis », 1984 ; sur les rapports entre droit savant et pratique, voir G. Giordanengo, « Les feudistes », et Le droit féodal…, passim.
157 Testament de Roger Ier en 1150 : dono et laudo et cum omni integritate dimitto Raimundo Trencavello fratri meo totum honorem meum, civitates videlicet atque burgos, castra, villas, atque dominia, feudos, alodios, acaptes, pignores et adquisitiones, omnesque rectitudines meas (CT, 1 = HGL, V, 1120, II).
158 Testament de Bernard Aton IV en 1118 : à Raimond Trencavel fevum de Bernardo de Andusa et Bermundi Pelet et Guillelmi de Monte Pessulano relinquo ei (CT, 115 = HGL, V, 867, II).
159 Voir p. 128.
160 Istum vero totum fevum Froterius atque Bernardus vel Sigarius donant Geraldo et Sigario et filiis eorum (CT, 121, inédit ; vers 1032).
161 Ego Froterius episcopus dono et laudo… tibi Ademaro Corvesino et posteritati tue ut habeas et teneas tu vel tui de me ad fevum vel de meis (CT, 474 = HGL, V, 1036 ; avant 1077).
162 Le fief est tout aussi héréditaire dès les premières mentions conservées en Provence et en Dauphiné (G. Giordanengo, Le droit féodal, p. 53).
163 En Catalogne, l’héritage des filles aux fiefs est aussi possible, même si elles ont des frères : L. To Figueras, « Fief, baylie, tutelle », 2002. Une enquête serait à mener en Languedoc sur la place des femmes comme seigneur ou comme fidèle (comme par exemple celle conduite dans sa maîtrise par S. Storchi, La femme dans la société féodale, 1997).
164 Le seul exemple indubitable est celui de Laureta d’Ornaisons, qui hérita de son père du fief sur le castrum d’Ornaisons, et qui le rend au vicomte en 1116, ainsi que tout ce qu’elle avait dans les comtés de Narbonne, Carcassonne, Razès, Roussillon, Béziers et Agde, en se réservant un droit viager sur tout cela et un droit pour tous les enfants qu’elle aurait (CT, 317 = HGL, V, 852, III).
165 Un seul serment est prêté par une femme, encore est-ce avec celui qui semble être son mari, et c’est pour un serment réciproque (serments réciproques de Fidas filia Marie et Pons du Vintrou avec Jourdain de Prouhencoux et ses frères pour le castrum de Boussagues : CT, 428 et 447 = HGL, V, 1065 et note). Dans deux autres textes de serment concernant un groupe familial est seulement mentionné l’accord de l’épouse : cum consilio et mandamento uxoris mee Adalmus et filiorum eius… (CT, 58 et 81 ; le premier inédit, le second : HGL, V, 1019, IV).
166 Six serments lui sont prêtés, un à elle seule (pour Cessenon qui doit faire partie de son douaire : CT, 449 = HGL, V, 965), un à elle et à son fils Roger (pour Hautpoul en 1136 : CT, 23 = HGL, V, 1016), quatre avec ses fils, mais où elle est la première nommée, peut-être immédiatement après la mort de Bernard Aton IV son époux (pour des châteaux du Razès : CT, 162, 163, 197 ; inédits et 208 = HGL, V, 965). Voir aussi C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, 2001, p. 322-338.
167 Ego Raimundus dono ad Petrone ista omnia suprascripta pro fevo in vita sua…, per tale convenientia post mortem Petroni revertat ad Raimundum aut ad infantes suos ipso fevo suprascripto (CT, 249 = HGL, V, 459, II).
168 Hoc totum superius scriptum habetis tu et posteritas tua et teneas de nobis ad fevum et jures illud nobis ; per eandem convenientiam habeas tu et posteritas tua de ipso infante nostro qui Carcassonam per nos vel per nostram vocem habuerit vel tenuerit et de posteritate illius omni tempore (CT, 304 = HGL, V, 941, I ; en 1127). Totum vos predicti et posteritas vestra teneatis et habeatis ad fevum de me et posteritate mea omni tempore (CT, 132 = HGL, V, 1045, I ; en 1141).
169 Vendimus et solvimus atque guirpimus totam vineam nostram, vineam quam tenebamus ad feudum de te ipso (CT, 466 = HGL, V, 1061, III).
170 Vendo tibi… unum mansum cum turre que ibi est, qui mansus est infra muros civitatis Carcassona juxta portam Tolosanam (CT, 273, inédit). Le plus curieux est sans doute l’utilisation du formulaire de vente le plus anodin, comme si un vassal pouvait revendre son fief à son seigneur de la même façon que n’importe quel type de bien.
171 Est sciendum quod predictum honorem id est forestage a te domno Rogerio et predecessoribus tuis nos et antecessores nostri in fevum tenebamus (CT, 539, inédit).
172 CT, 537, inédit.
173 Si servicium quod nos predicti facere debemus vicecomiti pro isto honore iamdicto adveniebat, tibi facere Arnaldo Catufa vel tuis laudamus.
174 G. Langlois, « La formation de la seigneurie de Termes », 1991.
175 AN, J 322, no 3 = Teulet, no 54. L’honor comprend entre autres un fief que les seigneurs d’Arpalanicis tenaient en retrofeudum de Bernard d’Agullonis : apparition précoce et rare en contexte nobiliaire de ce terme. Des ventes de fiefs au seigneur du fief ne sont pas rares en Languedoc, voir, par exemple, Lagrasse, t. II, no 46 (en 1164).
176 Sicut superius scriptum est, sic dono vobis Petro de Minerba et posteritate ad fevum, hoc predictam honorem habeatis et teneatis et non possitis illam vel aliquid de illa dare vel relinquere nisi illi qui castellum de Minerba habuerit (CT, 328 = HGL, V, 1105, II).
177 La vescontessa de Nemse venc ab elz a parlament, e dis lur que ela avia auzit dir que il voliun vendre tot quant avion a Berniz, e vedet lur que non o vendesson ad altre se a son fil oc que de lo teniun… Rostainz de Salve e Ilisiars sos fraire conogron qe del vesconte teniun tot quant aviun a Berniz e disserun que ia non o volriun ad altre ni o vendriun (AN, J 317, no 2 = Teulet, no 217 = HGL, V, 1302).
178 Pour la rémission de ses péchés et pour l’âme de son père, Roger II en 1182 donne à l’évêque de Béziers l’autorisation de recevoir en donation ou d’acheter des fiefs tenus des Trencavel dans le diocèse de Béziers. Ces honores donnés ou achetés seront tenus de l’Église « comme s’ils étaient à elle » (donamus et concedimus… ut liceat vobis amodo acquirere emptione vel donatione inde vobis facta… ab omnibus feudalibus nostris per universum Biterrensem episcopatum constitutis omnes honores quos de nobis tenent, ut deinceps ipsos honores vos et Ecclesia predicta tamquam vestros habeatis, LN Béziers, 287).
179 CT, 565, inédit.
180 CT, 452, inédit.
181 CT, 568 = HGL, VIII, 468, II.
182 Totum honorem quem habet et habere debet de me vel propter me ex sua hereditate et cavalairivo in toto castro et villa de Cane Suspenso (CT, 594, inédit). Le cavalairivum semble être un « fief de cavalier », comparable à la caballeria catalane (« tenure capable de pourvoir aux besoins d’un cavalier convenablement équipé », P. Bonnassie, La Catalogne, t. 2, p. 749).
183 Ego Rogerius… dono et jure agapiti trado tibi Guillelmo de Limoso homini meo… totam medietatem tocius honoris quem habet et tenet et habere et tenere debet Tardivus avunculus tuus in villa Limosii… Totam aliam medietatem tocius honoris retineo ad opus meum (CT, 579, inédit).
184 Dono et trado vobis… totum hoc quod habeo in illo castro de Reddas… Et est verum quod propter donum istud dedistis mihi M et CC solidos melgorienses (CT, 210, inédit). Le « don » n’est pas nommé « fief », mais il devra être tenu « à la fidélité » de Roger et devra être rendu à toute semonce. La somme peut paraître relativement peu importante pour un castrum tel que Rennes : soit le droit d’entrée est symbolique, soit Rennes a perdu toute son importance à la fin du xiie siècle, à cause de la concurrence des villae de la vallée (essentiellement Limoux).
185 CT, 329 = HGL, V, 1286.
186 CT, 352, inédit ; en 1175. On ne sait d’ailleurs d’où le vicarius tient ces liquidités, mais dans le même texte il prend en gage la villa de Couffoulens pour 20 000 sous. En Dauphiné, de telles taxes de mutation pour des fiefs apparaissent en 1140 et sont appelées placitum, « droit de plait » (G. Giordanengo, Le droit féodal, p. 18). Sur les acaptes, voir M. Berthe, « Le droit d’entrée », 2002.
187 Un renversement sémantique s’est donc opéré entre l’étymologie capio, ere/captare (taxe prise, captée par le seigneur) et acaptare>acheter. Dans tous les cartulaires languedociens, on trouve de nombreuses attestations de l’expression acaptare per fevum (par exemple : LN Béziers, 77, en 1068 ; 114, en 1110 ; Agde, 18, en 1137…).
188 Laudamus etiam ut illud feudum sit Petri Rainardi quod accaptavit Poncius de Aviaz pater Ermensendis de Laureta de Ornazencs et de Gillelmo de Pinatio viro suo (CT, 433, inédit).
189 Lors d’une impignoration de castra en 1189 : homines et feminas, prata et riparias, usaticos et foriscapia, tascas, quartos et totum illud agrerium… (CT, 574 = HGL, VIII, 396). Lors d’une vente en 1202 : quicquid ego habeo in omnibus predictis castris et locis…, in vestisonibus, acaptis et foriscapiis, in taschis, quartis, quintis et decimis, in talliis et quibuslibet exactionibus (CT, 608, inédit) ; la liste, impressionnante, comprend dix-sept noms de taxes.
190 Pour M. Bloch « depuis le xiie siècle au moins, les fiefs se vendaient ou se cédaient presque librement » (La société féodale, rééd. 1983, p. 297) ; « le phénomène de la vente de fiefs n’a, en soi, rien d’original en Italie du Nord, où il apparaît dans le premier quart du xiie siècle » (G. Rippe, « Feudum sine fidelitate », 1975, p. 194).
191 Et en de sobre clamass’en Guilelms de Monpesler, quar en Bernarz Guilelms se fez donar sun feu ab carta, que adoncs cavallers en esta terra non donera son feu ad altre ab carta… E quar en Bernarz Guilelms receup don de son feu ab carta, que anc mais fait non fora en esta terra (LIM, 120, p. 249-250).
192 Voir aussi F. L. Ganshof, Qu’est-ce que la féodalité ?, p. 225-230 (« on peut admettre qu’à partir du xiie siècle au plus tard, le seigneur n’a pu en France et en Allemagne – sauf à titre exceptionnel et pour certaines catégories de fiefs – s’opposer à l’aliénation d’un fief »).
193 Inféodation d’Escoussens par Roger II (CT, 104 ; inédit). Vu le nombre de clauses qui envisagent ce manquement dans cette inféodation, le respect de la fidélité devait ici être mis fortement en doute : si tamen contigerit, quod Deus avertat, quod nos vel nostri aliquo tempore castrum illud vel forcia que ibi fuerint vel albergum iamdictum tibi vel tuis prohibebimus… Si nos vel nostri violaremus pactiones scilicet ut tibi vel tuis prohibebimus castrum vel eius munitiones vel albergum iamdictum… Si tamen contigerit ut aliquo tempore tibi auferant iamdictum castrum vel eius munitiones vel prohibeant aut albergum predictum… Voir aussi ci-dessous, p. 203.
194 Le vicomte, qui prend décidément ici beaucoup de précautions, se fait jurer le château par les castlans : faciemus jurare homines manentes in iamdicto castro tibi domino Rogerio, si nos male ageremus adversus te, ut redderent tibi predictum castrum.
195 Sacramentum prevaricari (CT, 337 ; HGL, V, 1063, X ; vers 1144-1150).
196 Dans le testament d’Adalbert II de Peyre, évêque de Mende, vers 1109 : il demande à un certain Bertran, fils de Bernard Bozuga, de jurer Peyre et Génébrier à ses nièces, et s’il ne le faisait pas l’en poguesson metre en forfax et en toz logs et en totas corz l’en apelleson ell’en avogassun de tracion (Brunel, no 13).
197 AN, J 332, no 1 = HGL, VIII, 267 ; non daté, vers 1201.
198 AN, J 309, no 2 = Teulet, no 612 ; en 1201. Sur cette affaire, voir L. Macé, Les comtes de Toulouse, 2000, p. 275.
199 E clamas enz Guilelms de Monpestler d’en Bernard Guilem de las junchadas del sestairalague de la vila de Montpesler, que el e sei ome las prendon majors que non devon. E mandal e vedal ens Guilelms de Monpesler que mais de si enant non las prenda, ni penre non las fassa majors que non deu ; e s’o fa, met li tot lo sestairalatgue en forfaz (LIM, 120).
200 Nos igitur, ego Bonome et ego Caldeira et ego Raimundus de Montraden instituimus nosmet ipsos custodes et protectores bona fide tibi domino Rogerio dum vixeris, quod ipsi iamdicti R. de Dornano et domina Bernarda et Unaudus [les bénéficiaires de l’inféodation] de iamdicto pacto non te decipiant, sed sicut promiserunt tibi et iuraverunt, teneant et observarent (CT, 104, inédit). Si de feudo quod tenet a Guillelmo Jordani et uxor sua aliquod eis forisfecerit…, dedit fidejussores in manu eorum (CT, 337 = HGL, V, 1063, X).
201 In tuo jure obligamus tibi omnes nostros honores et redditus quoscumque habemus vel habere debemus in villa de Castras et in terminiis eius et alibi, ut tamdiu jure pignoris illos haberes et teneres usque iamdictum castrum et eius forcia recuperatum haberes et albergum, et dampnum tibi eventum restauretur (CT, 104).
202 Propter quasdam querimonias ortas inter Isarnum Jordani et Rogerium de Biterris, petivit ab eo Rogerius ut veluti suum solito more redderet sibi castrum de Seixac. Quo recuperato et quantum sibi placuerit tento, reddidit iterum ultro idem castrum Isarno (CT, 292 = HGL, V, 1107, V).
203 On ne sait s’il faut voir une commise dans le plaid pour Montady tenu vraisemblablement à la fin du xie siècle : dans le contexte d’une querelle entre Imbert et Bernard de Nissan, la vicomtesse Ermengarde se fait rendre la part que détenait Bernard avant d’amener les parties à négocier (Laudavimus nos quod vicecomitissa recuperaret totam ipsam partem quam Bernardus de Aniciano et uxor sua habebant in castello de Mont Adino. Quando vero vicecomitissa habuerit predictam partem recuperatam, debet concordare quis debet melius facere ipsam tenezonam, CT, 469 = HGL, V, 789). Le cas est curieux, il semblerait d’après la suite du texte que ce fût Imbertus l’agresseur.
204 Totos predictos fevos absolvo et guirpio vobis propter querelas quas de me faciebatis, de quibus non potui vobis satisfacere et mei predicti fevales noluerunt me hoc juvare (CT, 458 = HGL, V, 945).
205 Item donat et auctorizat eis, retentibus ibi suis juribus, omnes feudos quos patres eorum atque avi habuerunt et tenuerunt a domno Bernardi Atonis vicecomite et a Rogerio de Biterri, excepto feudo de Selano et castello de Aragon (CT, 283-284 = HGL, V, 1138, XII).
206 Voir le texte déjà cité d’Aldebert II de Peyre, évêque de Mende : e se aizo Bertranz [feudataire pour deux châteaux] no fazia [le serment]…, que son feu l’en poguesson metre en forfax (référence ci-dessus, note 196).
207 Idée exprimée aussi par F. L. Ganshof, Qu’est-ce que la féodalité ?, p. 149-150 (dans le paragraphe « Vassaux ne devant pas de service »).
208 H. Vidal, « Le feudum honoratum dans les cartulaires d’Agde et de Béziers », 1974.
209 Ibidem, p. 292.
210 AN, J 323, no 9 = Teulet, no 88. Le premier franc-fief mentionné par H. Vidal est issu du cartulaire du chapitre d’Agde (no 257) et date de 1164.
211 En 1149 : AN, J 323, no 12 = Teulet, no 103 ; en 1163 : CT, 358 = HGL, V, 1275, I ; en 1177 : CT, 521, inédit ; en 1179 : CT, 440 = HGL, VIII, 337 ; en 1183 : CT, 452, inédit ; et CT, 520, inédit.
212 Par exemple : vente de droits sur le castrum de Marseillan en 1138 pro alodio franco (CT, 473 = HGL, V, 1023, II). Voir cependant une exception ci-dessous, dans le testament de Raimond Trencavel, p. 181, note 229.
213 CT, 1 = HGL, V, 1118, II. Même sens dans les autres testaments, de Bernard Aton IV en 1118 (CT, 115 = HGL, V, 867, II) et en 1129 (CT, 454 = HGL, V, 957), dans les règlements entre ses deux fils (CT, 359, 386 et 461 = HGL, V, 960 et 981-982). De même dans le testament de Guilhem d’Alaigne, vicomte de Sault, en 1158 : facio testamentum meum et divisionem de omni honore meo et de rebus meis (CT, 226, inédit).
214 Voici par exemple le texte intégral de la sécurité jurée par Guilhem d’Alaigne à Bernard Aton IV : De ista hora in antea fidelis ero Gillelmus filius Guille a ti Bernardum filium Ermengard de tua vita et de tuis membris et de honore tuo per Deum et istos sanctos (CT, 414, inédit). Le terme d’honor suffit à désigner les biens soumis à la sécurité ; cette clause ne donne pas lieu, ou très rarement, à une « géographie du pouvoir [vi] comtal » comme en Catalogne (M. Zimmermann, « Aux origines de la Catalogne féodale », 1985-1986, p. 127-128).
215 Dans ce sens, il s’agit généralement d’un patrimoine hérité en bloc d’un ancêtre (K. J. Hollyman, Le développement du vocabulaire féodal, 1957, p. 38). La même acception semble prévaloir dans les sources littéraires : voir L. M. Paterson, Le monde des troubadours, 1999, p. 24.
216 CT, 272, inédit ; en 1175.
217 CT, 225, inédit ; en 1173.
218 Dono tibi… totum ipsum honorem quem tenebat et habebat Rogerio de Sancti Benedicti de me, scilicet alberga XXVIIII milites et medietatem tocius decime de Cortalim et illum campum qui est… et illum usaticum quod debet facere illud capellanum (CT, 225). La même chose se retrouve dans le cas des inféodations des tours de Carcassonne en 1125.
219 CT, 351, inédit. Il est divisé en deux parts, 7/8 et 1/8 .
220 CT, 338 ; inédit. Un inventaire de domaine pour Mèze vers le milieu du xiie siècle commence ainsi : Hic est honor vicecomiti de Mesoa scilicet totum quantum habet… (CT, 426, inédit).
221 Dono vobis medietatem ipsam castelli novi de Cameres cum ipso honore qui ad ipsam medietatem pertinet (CT, 328 = HGL, V, 1105, II). Encore plus clair, dès 1037, dans la dot du comte Pons de Toulouse à Majore, on trouve castrum Sancti Marcelli cum suo honore et suo mandamento (CT, 109 = HGL, V, 428).
222 CT, 264, inédit ; en 1176.
223 Postea vero supranominatis donatoribus donavit supradictus vicecomes ipsum castellum ad fevum et ad totos honores (CT, 565, inédit). Nombreuses autres mentions tout au long du xiie siècle (LIM, 421, en 1139 ; LIM, 531, en 1145 ; LN Béziers, 185, en 1155…)
224 Comme l’avait remarqué H. Vidal (« Le feudum honoratum », 1974, p. 297).
225 CT, 477, inédit. Un certain Willelmus Petri a le castrum en fief des vicomtes de Bruniquel (comme l’attestent les serments CT, 478 et 479, inédits). Dans l’accord de 1157, il est dit qu’aucune des deux parties ne devra tromper l’autre à propos de ce château : ego Willelmus si ullam malam captionem acceperim de honore fevali vicecomitis supradictis… (CT, 477).
226 Ut sic predictum campum cum patuo ad feudum honoratum habeas et teneas de me sicut predictum stare de me tenebas et habebas (AN, J 323, no 9 = Teulet, no 88).
227 Bernard Aton V cède les deux manses ad feudum honoratum et obtient, en échange, tout ce qu’avait Pons Guilhem de Cabrières dans le comté de Nîmes (AN, J 323, no 12 = Teulet, no 103).
228 Et istam terciam partem et illam quam habet in castro Montis Regalis, habeat I. Jordani et fratres eius et nepotes eorum in foedum honorifice ab Ugone Escafre et fratribus eius, ita ut unus eorum faciat hominium Ugoni Escafre vel uni de fratribus suis (CT, 358 = HGL, V, 1275, I). En 1177, des seigneurs albigeois reconnaissent que tout ce qu’ils ont dans le barrium de Lombers ils le tiennent en fief honorable, ad honorabile feudum (CT, 521, inédit).
229 HGL, VIII, 266 (mal daté 1170).
230 Et est notandum quod ego Berengarius jamdicto de Podio Sorigario omnesque mei successores faciemus hominium et servicium tibi domno Rogerio tuisque successoribus propter istud feudum (CT, 440, inédit).
231 Ego Rogerius accipio vos fratres pro hominibus et fidelibus et dono vobis… ad feudum honoratum ad omnes honores totum honorem vestrum predictum quem mihi dedistis pro alodio in castello de Muro Vetulo (CT, 452, inédit).
232 Dono tibi Isarno Bernardi de Faniaus… ad honorabile feudum omni tempore scilicet illud meum castrum de Pauliniano quod est in comitatu Redense… Et tu Isarnus Bernardi debes facere hominium junctis manibus inde mihi et bonus ac fidelis meus homo et adjutor existire… et jurabis mihi iamdictum castrum, suit la promesse de reddition iratus vel paccatus (CT, 520, inédit).
233 Voir aussi une reconnaissance en fief à Aniane en feudum honoratum, qui résume le tout : faciemus et facimus commoniti hominium et erimus fideles et serviemus jam dictum feudum secundum consuetudinem et racionem feudi honorati (Aniane, 23, en 1181).
234 J.-P. Poly et E. Bournazel, La mutation féodale, 1991, p. 136. G. Giordanengo, Le droit féodal, 1988, p. 112-122, spécialement p. 117.
235 Tous les autres exemples datent du xiie siècle (H. Richardot, « Le fief roturier à Toulouse », 1935).
236 Terre tenue sive per alodium, sive per feudum, sive per tenenciam (CT, 399 = HGL, V, 921, IV).
237 L’idée était déjà exprimée par M. Bloch : « Préoccupés de mettre à part les fiefs vassaliques, les juristes caractérisaient volontiers ces derniers par l’épithète de “francs”, entendez soumis seulement à des obligations dignes d’un homme parfaitement libre » (La société féodale, rééd. 1983, p. 240). En dernier lieu : G. Giordanengo, « Les féodalités italiennes », 1998, p. 220 (Au xiie siècle, « on va voir se créer des catégories nouvelles de fiefs honorables, droits, gentils, francs… qui servent à distinguer le fief des tenures qui se parent de cette appellation non contrôlée »). F. L. Ganshof donnait la même explication pour l’apparition des feudos militares (Qu’est-ce que la féodalité ?, p. 176-177).
238 Vos mihi Raimundo Rogerii donetis mihi manducare et bibere et vestire omnibus rebus vite mee cum honoriscencia (CT, 263 = HGL, V, 851, I).
239 En 1165, une femme se donne avec ses enfants au vicomte. En recognitio hominii, elle lui devra deux sous par an. En échange, Raimond Trencavel lui donne un honor, composé d’une vigne, une terre et un jardin (CT, 329 = HGL, V, 1286).
240 Il existe sans doute aussi des fiefs donnés par le seigneur, bien sûr, mais en Languedoc ce ne semble pas être la situation générale. En ce qui concerne les Trencavel, le cas se présente lors de l’inféodation d’anciens châteaux publics (les tours de Carcassonne, bien entendu, mais aussi Saissac sans doute, ou bien quand est inféodé un château qui vient d’être construit par le vicomte (exemples ci-dessous des châteaux de Berniquaut ou Calamont ; voir aussi notre article « Ad fevum et propter castlaniam », 2001, p. 89-90).
241 En 1070, l’acte de restitution par le vicomte de Minerve de tout ce qu’avaient donné Raimond Bernard et Ermengarde en dot à leur fille (sorte de divorce à l’amiable) comprend aussi une impignoration du castrum de Peyriac pour 1000 sous. Il est bien précisé que, si les vicomtes ne peuvent les rembourser avant la Saint-Michel suivante, le castrum serait tenu par Pierre de Minerve en fief (Et si Raimundus aut uxor sua istum averem non dabant ad Petrum jamdictum ad ipsam festivitatem jamdictam ipsa honor incurrat in potestate de Petro et ad infantes suos per fevum, ACA, Ramon Berenguer Ier, 425)
242 CT, 497 = HGL, V, 827 ; LFM, 841, t. 2, p. 326 (8 et 9 juin 1112).
243 Conquerebatur supradictus comes de Bernardo Atonis prescripto comite de Carcassona et de honoribus ad Carcassonam pertinentibus et Reddas et de honoribus ad Reddas pertinentibus (CT, 497).
244 Et concordaverunt quod fuisset homo Bernardus Atonis comitis et daret illi XII castella per alodem, scilicet […], et quod comes Raimundus redderet ipsa XII castella per fevum ad Bernardum Atonis vicecomitem et ipse Bernardus fuisset inde suus homo et juraret illi fidelitatem (Boissezon, Roquecézière, Ambialet, Curvalle, Castlar, Pézenas, Castelnau-de-Guers, Mèze, Saint-Pons-de-Mauchiens, Le Pouget, Mourcairol et Calvisson, CT, 497).
245 Ego Bernardus Atonis Biterri vicecomes dono tibi Raimundo Barchinone comiti XII supradicta castella per alodem per talem convenientiam quod quando ego vel tu invenimus cum domino de Tolosa quod donet Carcassonam cum honoribus ad Carcassonam pertinentibus quod tu mihi illam dones cum suis honoribus et accipiam illam per tuam manum et recipiem similiter medietatem de supradictis XII castellis. Et quando ego vel tu invenimus cum Aragonensi rege quod accipiam de te Reddas cum honoribus suis quod tu mihi illam dones cum suis honoribus et ego accipiam illam per manum tuam et recuperem similiter per alodem aliam medietatem de supradictis XII castellis [CT, 497 ; la deuxième partie de cet extrait, celle qui concerne l’Aragon, est oubliée dans l’édition de HGL, ce qui rend le texte obscur].
246 Iterum autem, ipse vicecomes accepit prephatum comitem ad fevum Carcassonam et totum Carcassensem et haberet eam ad servicium et fidelitatem eius (LFM, 843, t. 2, p. 325 ; sans date, mais sans doute de peu postérieur à 1112).
247 Castrum vero Redes et comitatum Redensem, si comes impetrare potuerit a rege Aragonensi…, accipiat et habeat vicecomes per manum comitis eo modo quem diximus de Carcassona. Interim vero habeat sex castra vicecomes per ipsum comitem sicut in primis scriptis continetur (LFM, 843). Pour l’analyse plus précise de ces événements, voir notre article : « À propos d’une figure du fief », 1999.
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