Appendice
Les sons dans l’iconographie mésopotamienne
p. 227-238
Texte intégral
1(avec livret de planches photos en couleur)
2Le bruit qui recouvre l’ensemble des sons perceptibles par l’ouïe est par essence disparu sitôt qu’il n’est plus ni produit ni entendu. Il fait pourtant partie du quotidien comme des situations extraordinaires, exprimant et suscitant les émotions humaines. C’est une des marques essentielles de la vie, comme les sociétés urbaines de l’ancienne Mésopotamie l’ont bien perçu en l’opposant au silence, synonyme d’anéantissement. Mais, sauf de nos jours où l’enregistrement existe1, une fois passé, le bruit n’est plus retranscrit que de manière indirecte et partielle dans les sources écrites ou visuelles, difficiles à interpréter. Pour la Mésopotamie, Anne-Caroline Rendu Loisel a cependant relevé le défi de rechercher « les bruits et les sons qui se laissent entendre à travers nos sources écrites ». Notre modeste propos vise à reprendre son questionnement autour des sources iconographiques en identifiant les sons à travers les codes visuels les décrivant au même titre que les mots dans les textes. En confrontant les données épigraphiques à celles livrées par l’iconographie, il s’agit également de nous interroger sur ce qui a été retenu et pour quelle(s) raison(s), puisque les images sont signifiantes dans le système symbolique mésopotamien.
3Cet essai ne saurait évidemment prétendre à l’exhaustivité sur la question du son dans l’iconographie mésopotamienne. Nous proposons seulement une première réflexion2 en réponse à l’étude d’Anne-Caroline Rendu Loisel. Comme elle, nous avons donc concentré nos exemples3 sur les périodes historiques, en particulier le Ier millénaire avant J.-C. Nous avons repris les différents points soulevés par son étude des textes (les bruits de l’orage, les cris d’oiseaux, les interjections et autres cris de joie ou de deuil, la colère et les bruits de la guerre, les bruits rituels, les egirrû et la synthèse lexicale qui complète cette exploration des sons en Mésopotamie d’après les textes) pour évaluer ce qu’en disent ou non (ou très différemment) les images. Ce travail nous a conduit à distinguer dans l’iconographie d’une part les images de sons théorisés – les voix des dieux et des démons ou le son de la puissance royale – qui sont représentés par des cris d’animaux ; d’autre part, les images de sons plus sûrement réels, directement représentés par ceux ou ce qui les produisaient.
L’expression par les animaux de sons théorisés
4Dans l’iconographie, les animaux sont les rares figures fréquemment représentées la gueule ouverte, marque visuelle la plus évidente de la production d’un son. Textes et images confirment que nombre de ces cris animaliers réels ont été théorisés pour exprimer autre chose : constituer les voix des dieux et démons ou faire entendre la puissance royale. De même qu’un mot pouvait exprimer des réalités sonores différentes, le même animal a pu exprimer différents sons et différentes voix ce qui explique que soit largement représenté le rugissement du lion. Plusieurs monuments toutefois figurent des animaux gueule ouverte pour exprimer leurs cris propres4.
Animaux redoutables, voix des puissances divines et royales
5La « colère » des dieux, des démons et du roi qu’évoquent les textes doit être entendue comme l’expression de leur puissance redoutable, laquelle est justement exprimée par les cris d’animaux redoutables, notamment par le rugissement du lion5, même si d’autres animaux pouvaient également suggérer cette force furieuse des divinités.
La colère divine
6Dans l’iconographie, les voix divines – bien décrites dans les textes – s’expriment non pas directement par la bouche (fermée) des dieux anthropomorphisés mais par leurs animaux-attributs6.
7Comme dans les textes, l’iconographie démontre la prééminence du rugissement du lion, gueule grande ouverte, qu’il s’agisse du lion seul ou de figures hybrides à tête de lion ; sa puissance devait en effet impressionner7. C’est en particulier la voix d’Ištar, la déesse de l’amour fertile et de la guerre (fig. 1) mais aussi celle d’autres divinités telles Ninurta ou Nergal8, ou de démons comme nous le verrons. Il semblerait que les Mésopotamiens aient souvent conçu les voix divines ou surnaturelles comme des rugissements terribles à la mesure de leur puissance. Les textes cunéiformes évoquent ainsi également la voix rugissante du dieu de l’orage, le tonnerre qui manifeste la colère du dieu à la fois crainte et attendue des hommes pour sa pluie fertilisante. Pourtant si l’oiseau-tonnerre Anzu a une tête de lion rugissant (fig. 2)9, le dieu de l’orage est étroitement associé au taureau mugissant à partir de la deuxième moitié du IIe millénaire avant J.-C. (fig. 3)10. Par ailleurs, d’autres voix divines sont exprimées par d’autres animaux, tel le grand dieu de Babylone, Marduk, et son animal monstrueux à la langue de serpent (fig. 4), le mušhuššu dont le nom même – presque onomatopéique – devait rappeler cette voix vraisemblablement sifflante.
8Ce zoomorphisme sonore pour des voix divines est par essence théorique, d’autant qu’elles expriment leur puissance globale sinon leur personnalité et non pas seulement le son strict de leur voix. En fait, il semble bien que la traduction d’un son passait aussi par celles d’autres sensations, au moins visuelles, tout particulièrement pour les voix des divinités sachant l’éclat à la fois sonore et visuel qui leur était attaché11 et qui est peut-être imagé par les éléments rayonnants depuis leur corps, attributs ou vrai halo (fig. 5)12. À titre d’exemple, son, vitesse, éclat sont ainsi combinés dans la description de la voix du dieu de l’orage, associée à la fois au mugissement du taureau, au char en pleine course13 et aux percussions qui – chacun et d’autant plus ensemble – ont en commun de suggérer la puissance.
9On peut toutefois envisager que ces sons théorisés, qui plus est dans une conception polysensorielle, reflètent la perception réelle de ces sons, qui pouvaient alors être entendus parfois dans la réalité. Ainsi, est-ce que le mugissement du taureau ou le rugissement du lion étaient réellement perçus comme proches du son du tonnerre ? En ce cas, les cris de tel ou tel animal pouvaient peut-être, selon le contexte, être perçus comme la voix de telle ou telle divinité. En outre, certains se sont interrogés sur la possibilité que des lions vivants aient été présents dans certains temples14 de même que des vases refermables en terre cuite auraient pu contenir de vrais serpents vivants dans des temples15 qui auraient ainsi laissé entendre la voix du dieu.
La colère royale
10Comme pour les grands dieux qui protègent le souverain, la colère royale est l’expression de sa puissance. Dans les textes, elle est rapprochée notamment du rugissement léonin16, mais les images laissent voir en toutes circonstances le souverain bouche fermée, sans doute parce qu’il devait apparaître implacablement placide, inébranlable. C’est par le truchement de la représentation d’autres sons découlant de son action que sa puissance est exprimée. À la guerre, ces codes visuels regroupent les cris et autres bruits du combat que nous aborderons plus loin. À la cour, il semble que ce soient les cris des lions chassés par le roi qui exprimaient de manière indirecte la puissance royale (fig. 6). Sachant que ces chasses royales, qui réaffirmaient le soutien divin au roi dont le pouvoir dominait même le monde sauvage, étaient mises en scène avec des spectateurs17, ces rugissements féroces combatifs puis plaintifs des lions et lionnes – ou des taureaux dont les chasses sont également représentées18 – laissaient sans doute réellement entendre la puissance royale, ces faire-valoir en étant également l’expression sonore face à la force visuellement silencieuse du roi19.
11Suivant la même idée mais de manière toute théorique et selon un procédé d’identification directe avec le lion20, le roi pouvait être symboliquement représenté par un lion rugissant (fig. 7)21. Il s’agit donc là encore de sons théorisés, laissant entendre indirectement la « voix » puissante du souverain tandis que sa voix d’individu importait certainement peu.
La fureur des démons
12Les cris de fureur des démons étaient terrifiants et le plus souvent malfaisants. Largement décrits dans les textes, ces cris agressifs, monstrueux et sauvages, inarticulés d’après les textes, sont représentés de manière comparable sur les images, avec une même prééminence du rugissement léonin. Ainsi ces êtres hybrides ont le plus souvent la gueule grande ouverte d’un lion, comme la lamaštu ou Pazuzu (fig. 8-9)22 ou encore les ugallu « démon-lion » (fig. 10). Dans des contextes très précis, ces deux derniers pouvaient être protecteurs en repoussant les forces malfaisantes dont ils possédaient la même voix, également rugissante. Est-ce que le lion était l’aspect sonore quasi systématique des démons, qu’ils soient exclusivement malfaisants ou qu’ils puissent être invoqués à des fins protectrices ?
13C’est en tout cas cette même force du lion rugissant qui devait rendre efficace les lions gardiens de porte23 conformément aux descriptions écrites de ces monuments magiques. On repère des correspondances visuelles et sonores sur des lions rugissants peints en rouge24 associant son et couleur de la colère comme dans les textes.
14On retrouve aussi comme dans les textes la représentation des dents et des yeux exorbités, typiques d’une agressivité exceptionnelle, sur les images du démon Humbaba à la bouche grande ouverte25 (fig. 11)26.
L’expression sonore du deuil et du chagrin : la mort et les oiseaux ( ?)
15Contrairement aux écrits qui, du moins pour les textes divinatoires, évoquent à foison les oiseaux et leurs chants, les monuments figurent relativement peu les oiseaux et aucun d’eux n’est distinctement représenté la gueule ouverte. S’ils sont moins figurés en tant que tels, les oiseaux sont néanmoins omniprésents dans l’iconographie à travers les innombrables figures ailées, bienfaisantes ou non, et autres êtres hybrides à pattes ou becs d’oiseau. Ils semblent caractériser le surnaturel et la mort dans l’au-delà où les défunts ont des ailes d’oiseau, avec probablement des bruits d’oiseau.
16Peut-être de ce fait, les oiseaux semblent associés à la mort ainsi qu’à la tristesse et au deuil dans les textes. Or, on connaît des figures d’oiseaux déposées dans des tombes. En particulier des colombes27 étaient peut-être ainsi placées, en lien avec l’expression « gémir comme une colombe » et le caractère funèbre de cet oiseau et de son chant en Mésopotamie. Par ailleurs, des figures d’oiseaux en terre cuite contenant des petites billes de sorte à en faire des hochets (fig. 12), généralement considérés comme des jouets, sont en fait assez mal connues28. Après tout, n’auraient-elles pas pu être utilisées dans certains contextes de deuil comme des instruments pour faire du bruit ? En ce cas y aurait-il eu un lien entre le son qu’ils produisaient et le chant de certains oiseaux, du moins leur perception ? Il est malheureusement difficile d’identifier des représentations assurées du deuil et de l’expression du chagrin en Mésopotamie bien que l’on en connaisse grâce aux textes les gestes et postures29.
Sons réels produits par les hommes
17Les textes évoquent d’innombrables sons produits par les hommes, que ce soit par leurs voix ou des instruments30 dans le cadre de rituels, à la guerre comme dans le quotidien. Mais ces sons humains assurément réels ne sont pas représentés de manière manifeste, peut-être parce qu’ils étaient plus évidents et en même temps moins significatifs de la figure représentée que l’éclat sonore théorisé de la colère divine, royale ou démoniaque.
Sons et rituels
18Les textes témoignent de l’importance des sons et de leur modulation dans les rituels : murmure ou grondement des hommes et de leurs instruments devaient être produits de la manière et au moment opportuns. Mais il est bien difficile de repérer ces sons sur les monuments qui ne figurent explicitement que des musiciens au cours de cérémonies rituelles.
19La musique n’étant pas le sujet ici, nous aborderons seulement la question du Cuivre puissant, instrument doté d’un éclat surnaturel convoqué lors de rituels d’exorcisme (fig. 8) d’après les textes. Identifié récemment de manière très vraisemblable à une cloche au décor exceptionnel31, Cuivre puissant pourrait-il également correspondre à d’autres petites cloches en bronze mais dépourvues de décor32 et que l’on retrouve au harnachement des chevaux33 ? Il semble en effet que ces cloches au même éclat métallique, quoique sans décor magique et plus petites que l’exemple décoré à ce jour unique, aient aussi pu servir dans d’autres contextes. Une image montre ainsi un homme portant la dépouille d’un lion – figuré de manière significative la gueule ouverte – qui est vraisemblablement recouverte de petites cloches de ce type (fig. 13)34. Il s’agirait d’une cérémonie célébrant la victoire et le lion fait référence à Ištar ; mais cet exemple pourrait confirmer une correspondance alors admise entre l’éclat sonore et peut-être aussi visuel de ces petites cloches métalliques avec la puissance du rugissement léonin, le même que les démons exorcistes comme Cuivre puissant.
20On remarque sur cette même image deux dignitaires participant à cette cérémonie en frappant leurs mains l’une contre l’autre de manière explicitement décalée, selon un geste rituel connu dans les textes et dans une moindre mesure en images35. On connaît aussi nombre de scènes stéréotypées de présentation, d’offrande et de prière devant les divinités ou leurs autels qui livrent peut-être des indices sonores par la gestuelle. On peut ainsi se demander si le baiser – sonore quoique non verbal – de certaines prières pourrait être évoqué par le geste-signe de la main droite placée devant la bouche36. Plusieurs autres gestes évoquent la prière (les deux mains levées ou croisées, la main à l’index pointé, etc.) dont certains pourraient avoir accompagné des moments spécifiques de prière et ainsi constitué des codes visuels correspondant à un son ou volume sonore précis, grondement ou murmure par exemple.
21Enfin, parmi les bruits des rituels, on remarque des images matérialisant l’eau qui coule lors des libations37. On peut en revanche s’étonner de l’absence – à notre connaissance – d’images de pleureuses ou de lamentateurs pourtant essentiels à certaines cérémonies, en particulier de deuil, comme en témoignent les textes, alors même qu’ils ont été représentés ailleurs dans l’Orient ancien38.
Cris et interjections
22La société mésopotamienne se percevait suffisamment bruyante pour avoir pu susciter la colère des divinités ne pouvant plus trouver le sommeil39. Pourtant, à la différence des textes qui nous en parlent, les cris, interjections et autres sons humains n’ont pas vraiment été représentés et l’on interprète seulement certaines images comme leur évocation visuelle. Sur les monuments, les hommes ont presque toujours la bouche fermée mais si la bouche ouverte constitue le signe le plus évident de la voix, d’autres indices nous permettent d’envisager des illustrations de tel ou tel bruit, plus ou moins quotidien, probablement non figuré précisément pour cette raison qu’il était évident alors que les images signifiantes en Mésopotamie s’attachaient à ce qui a de l’importance.
Conversations
23Les bas-reliefs néo-assyriens montrent des individus tournés les uns vers les autres comme pris dans une conversation en chemin ou au repos (fig. 14-15)40. On pourrait élargir cette idée du discours par le face-à-face et la gestuelle aux rares représentations face à face de souverains entre eux mais aussi avec leurs sujets41.
Bruits de la guerre et cris de douleur ou suppliques
24Les sons de la guerre, bien décrits dans les textes, peuvent être envisagés sur les images qui montrent chars et machines de guerre, avec des soldats en armes – dont certains se tournent les uns vers les autres comme pour se parler – et des musiciens qui rythmaient la bataille (fig. 16)42.
25On repère aussi des représentations de cris ou suppliques à travers le motif récurrent des vaincus mis à terre la tête penchée vers le vainqueur, parfois accompagné du geste des mains levées vers lui (fig. 17).
Quelques autres extrapolations
26En extrapolant à l’appui des textes qui les décrivent plus explicitement, quelques images semblent évoquer d’autres sons du quotidien : bruits de l’amour43 ; bruits des travailleurs et de leurs outils44 et peut-être de rares évocations visuelles de « spectacles de rue45 » dont des danses et combats en musique46 qui devaient prendre avoir lieu en marge de cérémonies officielles47 (fig. 18).
27Mais seuls les textes nous parlent des pleurs du nourrisson48, des sons de la maison ou du mobilier (grincements, etc.) ou encore des bruits de la rue, avec notamment la clameur collective49. Les monuments ne figurent aucun bruit explicite d’âne, de mouton, de cochon ou de chat, bien qu’ils aient assurément fait partie du paysage sonore, davantage que les lions pour bien des Mésopotamiens. En fait, sauf exception, il semble d’après les textes que les sons de l’extérieur ou les sons fortuits étaient essentiellement perçus comme négatifs et peut-être non représentés pour cette raison. Il est également significatif que les animaux destinés au sacrifice soient représentés la gueule fermée puisqu’ils devaient être paisiblement offerts plutôt que bruyamment récalcitrants ; en outre les textes qui évoquent leurs cris révèlent que ceux-ci avaient peu d’importance pour l’observation des présages50. On remarque aussi que les sons de la douleur sont davantage illustrés que les sons de joie, à moins que ce ne soit davantage parce que leurs codes iconographiques51 nous paraissent aujourd’hui moins évidents que le zoomorphisme sonore. De fait, l’iconographie, majoritairement royale, en particulier pour les témoignages du Ier millénaire avant J.-C., mettait essentiellement l’accent sur les divinités protégeant le souverain, aussi redoutablement puissantes que les animaux qui les exprimaient, et sur la force royale, à travers la victoire sur le monde sauvage ou les bruits de la guerre et de la souffrance des vaincus.
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28Les images ne sont pas des illustrations des textes et ne sauraient recouper exactement les sources écrites. En revanche, elles révèlent un peu mieux la perception polysensorielle des sons. On remarque notamment la place faite aux sons des animaux redoutables, les seuls à la gueule clairement ouverte tout au fil du temps. Paradoxalement, les images montrent majoritairement des sons que l’on n’entendait pas vraiment, exprimant peut-être davantage la perception de ce son et l’idée qu’il exprimait plutôt que le son lui-même, en particulier s’agissant de la puissance divine et royale. C’est avec l’aide des textes qu’il est possible d’interpréter d’autres images comme représentant des sons plus sûrement réels mais moins évidents dans l’iconographie, peut-être parce qu’ils étaient perçus comme trop quotidiens ou négatifs. Notre modeste travail démontre cependant que les monuments eux aussi restituent en images des sons disparus de l’ancienne Mésopotamie, que ce soit par des codes visuels évidents tels que la bouche ouverte ou par d’autres sortes d’indices au premier rang desquels la gestuelle.
Notes de bas de page
1 Sans toutefois enregistrer l’émotion attachée à la production de tel ou tel son.
2 Pour une présentation sommaire mais plus large sur le sujet : A. Thomas, « Les sons de l’Orient ancien à travers les monuments figurés », dans S. Emerit, S. Perrot et A. Vincent (dir.), De la cacophonie à la musique : la perception du son dans les sociétés antiques, à paraître.
3 Il s’agit bien d’exemples sans que nous récapitulions systématiquement les occurrences de tel ou tel motif, dont plusieurs font l’objet d’une longue tradition.
4 voir par exemple l’aboiement des chiens (musée du Louvre, inv. AO 19704 et AO 12452, combat de chiens : M.-T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique. Potiers, termes de métier, procédés de fabrication et production, Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1968, pl. 84, no 837 et pl. 85, no 847 ; J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, British Museum Press, Londres, 1995, no 27 : chiens aboyant) ou les mouches (musée du Louvre, inv. AO 18273, AO 19022) qui devaient être omniprésentes. On peut se demander pourquoi tels sons animaliers sont retranscrits tandis que d’autres animaux sont tout à fait oblitérés (tel l’âne ou le mouton, etc.) : avaient-ils une importance particulière qui nous échappe, une valeur d’egirrû ?
5 Dont l’importance expliquerait la place exceptionnelle du lion dans l’iconographie occidentale à partir du haut Moyen Âge et les traditions le rattachant à la royauté (E. Cassin, « Le roi et le lion », Revue de l’histoire des religions 198/4, (1981), p. 355-401, p. 356).
6 Nous reprenons ce terme traditionnel d’animaux-attributs mais ces derniers forment un tout davantage qu’un complément de la personnalité du dieu ainsi incarnée.
7 Son rugissement peut être entendu jusqu’à 8 ou 9 km (C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, a Contextual Approach, Wiener Offene Orientalistik 1, Institut für Orientalistik der Universität Wien, Vienne, 2002, p. 47 et p. 96).
8 E. Cassin, « Le roi et le lion », p. 387.
9 Depuis le IIIe millénaire avant J.-C. Voir par exemple P. Amiet, L’Art antique du Proche-Orient, Citadelles & Mazenod, Paris, 1977, no 302, 307, 319, 327, 329, 335.
10 Selon l’époque et le lieu, la voix d’une même personnalité divine a pu évoluer. Le dieu de l’orage prête par ailleurs sa voix à d’autres dieux, tel Assur plus ou moins assimilé à lui (voir par exemple C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, fig. 64-65 ; musée du Louvre, inv. AO 30255, sceau-cylindre). Le dieu-Lune lui aussi peut être associé au taureau susceptible d’avoir exprimé sa voix (ibid., p 108).
11 E. Cassin, La Splendeur divine. Introduction à la mentalité mésopotamienne, Mouton, Paris, 1968.
12 Voir aussi L. Delaporte, Catalogue des cylindres, cachets et pierres gravées de style oriental, musée du Louvre, Hachette, Paris, 1920, pl. 88, 5-8 et p. 166 à propos de ce halo qu’il appelle « nimbe ».
13 Davantage représenté plus à l’ouest : voir par exemple P. Amiet, L’Art antique du Proche-Orient, no 509.
14 On a ainsi trouvé des ossements de lionne dans le temple de Jaffa au Bronze récent (P. Wapnish, « Lions », dans American Schools of Oriental Research, E. M. Meyers (dir.), The Oxford Encyclopedia of Archaeology in the Near East volume III, Oxford University Press, Oxford, 1997, p. 361). Par ailleurs, on sait que des lions étaient tenus captifs (F. Joannès, Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Laffont, Paris, 2001, p. 473), c’est aussi l’hypothèse de Paolo Matthiae à propos du temple P2 d’Ébla aux murs particulièrement épais.
15 Voir notamment P. Delougaz, Pottery from the Diyala Region, Oriental Institute Publications 63, Chicago, 1952, p. 122 et pl. 128-129.
16 Ou du chien enragé, mais il est plus difficile d’identifier comme des représentations de la colère royale les images de chiens gueule grande ouverte (voir note 4).
17 C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, p. 71, 78, fig. 14 ; P. Amiet, L’Art antique du Proche-Orient, no 632 ; J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, no 28-29.
18 Ibid., no 6-7.
19 Les animaux ne sont d’ailleurs jamais humiliés même mis à mort (C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, p. 145).
20 E. Cassin, « Le roi et le lion », p. 357-361 ; C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, p. 55.
21 Si l’hypothèse d’assimilation de cette figure avec la puissance royale est légitime comme semblent l’appuyer les textes. Voir aussi des sceaux royaux figurant le lion seul (ibid., fig. 7).
22 On remarque la rare position agenouillée de Pazuzu (fig. 9), connue sur des figures divines ou des individus en prière (W. Orthmann, Der Alte Orient, Propyläen, Berlin, 1975, no 107 ; P. Amiet, 1977, no 299, 433).
23 W. Orthmann, Der Alte Orient, no 174 (lion gardien, Nimrud) et 112-116. Cette fonction de gardien protecteur est également assurée par les taureaux, parfois hybrides, ou des dragons mais nous ne les évoquons pas ici car ils n’apparaissent pas gueule ouverte (voir E. Cassin, « Le roi et le lion », p. 372, notes 79 et 80).
24 Voir par exemple musée du Louvre, inv. AO 12740, fragments de lion en argile.
25 Il est particulièrement significatif que sa bouche soit close sur les représentations de Gilgamesh écrasant la tête décapitée d’Humbaba (musée du Louvre, inv. AO 12475 et AO 10433 : M.-T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique. Potiers, termes de métier, procédés de fabrication et production, pl. 83, no 831, 63, no 677).
26 Voir aussi ibid., pl. XVI, 174-175 et XVII ; 83, 758-761.
27 Voir musée du Louvre, inv. Sb 2887, Sb 19359 et Sb 19360. Ces œuvres viennent de Suse, très proche de la Mésopotamie mais d’autres objets en forme d’oiseau (grelot, pendentif) ont été trouvés dans les nécropoles du Luristan.
28 On connait par ailleurs plusieurs autres formes de hochets (S. A. Rashid, Musikgeschichte in Bildern, Mesopotamien 2/2, Deutscher Verlag für Musik, Leipzig, 1984, p. 98-99).
29 M. Gruber (Aspects of Nonverbal Communication in the Ancient Near East, Biblical Institute Press, Rome, 1980, p. 347-389 et p. 401-479) relève le fait de pleurer et crier (les seules actions assurément sonores), se frapper la poitrine, se couvrir la tête et/ou le corps de poussière, s’asseoir par terre, tomber par terre, être pâle, enrager contre soi-même ou frapper sa cuisse.
30 Il n’est pas question ici d’aborder la musique.
31 S. Panayotov, « A Copper Bell to Expel Demons in Berlin », Nouvelles assyriologiques brèves et utilitaires (2013), no 50, p. 80-87.
32 Musée du Louvre, inv. N III 3119 ; J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, no 159-165 ; S. A. Rashid, Musikgeschichte in Bildern, Mesopotamien 2/2, p. 112-113.
33 J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, p. 166. Le harnachement des chevaux lui-même pouvait être un rappel à des fins magiques des bruyants chars divins (C. E. Watanabe, Animal Symbolism in Mesopotamia, p. 94).
34 J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, no 12.
35 Voir P. Amiet, L’Art antique du Proche-Orient, no 398 à l’époque néo-sumérienne.
36 Par exemple W. Orthmann, Der Alte Orient, no 166a, XI, 180-181, 195 sans citer les très nombreux sceaux représentant ce geste. Attesté du IIIe millénaire au Ier millénaire avant J.-C. et identifié aux termes šuilla et nīš qāti, il s’agirait avant tout d’un geste inaugural précédant la prière, dans le cadre d’une audience (essentiellement divine mais quelques exemples montrent la main levée d’un sujet face au roi : voir notamment ibid., no 249) pour obtenir l’attention et l’écoute de l’autorité à laquelle on va s’adresser tout en lui manifestant sa loyauté (M. Gruber, Aspects of Nonverbal Communication in the Ancient Near East, p. 314 et p. 345 ; C. G. Frechette, Mesopotamian Ritual-Prayers of « Hand-lifting » (Akkadian Šuillas) An Investigation of Function in Light of the Idiomatic Meaning of the Rubric, Alter Orient und Altes Testament 379, Ugarit Verlag, Münster, 2012, p. 95, 104-105). Davantage qu’un geste rappelant la manière dont on se protège pour regarder le ciel (ibid., p. 14), voire contre l’haleine impure, la main levée devant la bouche (ou les deux : ibid., p. 51) serait donc un signe de respect et d’écoute pour celui qui s’interdirait ainsi de parler mais il évoquerait aussi l’offrande d’un baiser (S. Langdon, « Gesture in Sumerian and Babylonian Prayer : A Study in Babylonian and Assyrian Archaeology », Journal of the Royal Asiatic Society 51 (1919), p. 549 ; M. Gruber, Aspects of Nonverbal Communication in the Ancient Near East, p. 336-337), comme le confirmeraient les possibles allusions bibliques à ce geste, s’il fut bien compris (Job 31 : 27, 28 ; Osée 13 : 2 et 1 Rois 19 : 18).
37 Par exemple W. Orthmann, Der Alte Orient, no 242. Par ailleurs, on connaît des statues fontaines dont l’eau jaillissait de manière tant visuelle que sonore (P. Amiet, L’Art antique du Proche-Orient, no 62).
38 Ibid., no 93 ; W. Orthmann, Der Alte Orient, no 304, 416.
39 Voir le mythe d’Atra-Hasīs évoqué dans le présent volume.
40 J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, no 25.
41 Voir W. Orthmann, Der Alte Orient, no 208, 209a, 216-217.
42 Voir aussi notamment J. E. Curtis et J. E. Reade, Art and Empire, Treasures from Assyria in the British Museum, no 11, 20-22, 23 (sur ce relief on remarque tout particulièrement les gestes et les regards des uns vers les autres qui évoquent des échanges oraux) ; W. Orthmann, Der Alte Orient, no 214-215, 231 (voir notamment les machines de guerre), 236-237.
43 M.-T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique. Potiers, termes de métier, procédés de fabrication et production, pl. 50, 527 ; pl. 62, 675 (musée du Louvre, inv. AO 16681, 10447).
44 Ibid., pl. 76, 778-779 (musée du Louvre, inv. AO 6694 bis, AO 12450).
45 Ibid., pl. 83, 834 (musée du Louvre, inv. AO 9010 : montreur de singe jouant de la flûte).
46 Ibid., pl. 82, 827, 828 ; et pl. 83, no 829, 830 (musée du Louvre, inv. AO 6780, AO 20114, AO 12443, AO 12447).
47 J.-M Durand, « Des saltimbanques hors du palais », Dossiers d’archéologie 310 (2006), p. 46-49.
48 Représenté mais sans indice sonore. Voir par exemple musée du Louvre, inv. AO 8991, 12570, 16964, 16964 : M.-T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique. Potiers, termes de métier, procédés de fabrication et production, pl. 50, 528, 530 ; 56, 595 ; 82, 820-822, 824.
49 Elle n’est évoquée en image que dans les contextes de banquets ou de cérémonies avec une foule choisie et des « orchestres » musicaux.
50 J.-J. Glassner, « Le corps écrit. La victime dans le sacrifice divinatoire en Mésopotamie », dans B. Baptandier et G. Charuty (dir.), Du corps au texte. Approches comparatives, Société d’ethnologie, Nanterre, 2008, p. 195.
51 Voir notamment les scènes de danses et de combats qui avaient peut-être lieu à l’extérieur dans le cadre de fêtes : M.-T. Barrelet, Figurines et reliefs en terre cuite de la Mésopotamie antique. Potiers, termes de métier, procédés de fabrication et production, pl. 82, 827, 828 ; et pl. 83, no 829, 830 (musée du Louvre, inv. AO 6780, AO 20114, AO 12443, AO 12447). Sans aucune certitude, on pourrait aussi s’interroger sur l’éventuel lien sonore entre le cri de joie alāla et la représentation de flots d’eau poissonneux qui expriment également la fertilité et la prospérité. De fait, les codes non verbaux de l’expression de la joie sont avant tout non sonores et visuels (M. Gruber, Aspects of Nonverbal Communication in the Ancient Near East, p. 578, p. 588-598, p. 607).
Auteur
Conservateur du patrimoine
Département des Antiquités orientales
Musée du Louvre
ariane.thomas@louvre.fr
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