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Chapitre 5. Rugissement, grincement, hurlement : entre colère et fureur guerrière

p. 127-150


Texte intégral

1Réaction suite à une blessure, une attaque ou une frustration, la colère se manifeste par une affirmation de la personne qui cherche à préserver son intégrité corporelle et morale ; les manifestations physiologiques préparent l’individu et son corps à l’action (augmentation du rythme cardiaque et de la respiration, afflux du sang dans la partie supérieure du corps expliquant la coloration du visage, contraction des muscles, sourcils qui se froncent). La colère est une émotion souvent incontrôlable, intense et violente. Saisi de fureur, l’individu est parfois capable de produire un mal encore plus grand que celui dont il a été la victime.

2La colère imprègne les textes littéraires akkadiens. Dans la bataille ou le combat, la colère est la force qui pousse le roi à vaincre ses ennemis pour rétablir la paix et le bien-être perturbés. Une fureur similaire, violente mais tout aussi justifiée et nécessaire, anime le roi lorsque les puissances divines se déchaînent dans son environnement1. Les dieux ne sont pas épargnés par les réactions humaines et peuvent être eux-mêmes la proie de cette émotion. Elle les pousse à l’excès, dans des manifestations de violence démesurées, voire injustes pour les hommes ou pour leurs semblables. Poussé à bout par le vacarme des hommes, le grand dieu Enlil décrète aveuglément l’anéantissement du genre humain par le Déluge, dans le récit d’Atra-Hasīs.

3En akkadien2, la colère se manifeste physiquement par un changement perceptible visuellement : celui qui est furieux est décrit comme une personne dont le visage et le corps « s’assombrissent3 » (adāru), un verbe également employé pour décrire l’état physiologique caractéristique de la peur et de l’angoisse. À l’opposé, la joie se traduit par la brillance et l’éclat du visage. Il existe aussi d’autres expressions pour la colère : lumun libbi « (litt. « mal du cœur ») peine, détresse », nekelmû « lancer un regard mauvais », kiṣir libbi « le nœud du cœur » (avec en parallèle l’expression paṭāru / du 8 pour « délier, défaire »4). Dans l’émotion, qui part du cœur et atteint le regard, le corps tout entier réagit. La colère ne peut être contenue, intériorisée ; elle doit se manifester et le domaine sonore se prête tout particulièrement à cette extériorisation de l’affect. La littérature akkadienne regorge de scènes où les protagonistes (hommes, dieux et animaux) sont animés par la colère. Le cri de fureur est aussi intense, désagréable et insupportable que l’est l’émotion qui anime l’individu. Dans le récit de la Création, l’Enūma eliš, lorsque Apsû décide d’anéantir la jeune génération de dieux trop turbulents, Tiamat devient furieuse contre lui à l’idée de voir sa descendance détruite. Sa colère se manifeste par son cri :

En entendant cela, Tiamat se mit en colère (ezēzu) puis cria (šasû) sur son amant. Elle cria de façon désagréable (marṣiš šasû) – elle était seule à être en rage ! – car il avait jeté le mal en son sein5.

4Le cri jaillit du corps de la déesse et est aussi fort que l’est la colère qui l’anime. Littéralement, le cri est « douloureux, malade » (marṣu) : ainsi, on ne décrit pas seulement ce que l’on entend, mais on en restitue la perception et on en donne l’interprétation. Le cri évoque la colère et traduit les bouleversements internes subis par la déesse. Dans la suite du récit, au moment où Anšar cherche un dieu capable d’affronter Tiamat, on le décrit comme saisi de colère. Il hurle (šagāmu), mais face à son fils Éa, sa colère s’estompe et ce changement affectif se traduit par la perte de puissance de son cri : « Son intérieur était furieux (kabtatu ezēzu), ses entrailles sans repos. (Mais) sur Éa, son fils, son hurlement (šagīmu) s’épuisa (šahāhu)6. » Dans le même récit, Tiamat se met en colère à plusieurs reprises, les descriptions mettant en avant l’aspect sonore de ses réactions. Face à Marduk venu la défier, Tiamat entre dans une rage folle marquée par un cri puissant, strident, donc désagréable. Ce cri bouleverse tout le corps de la déesse : « Tiamat cria sauvagement (šitmuriš) haut et fort (elīta(m)7 jusqu’aux racines, totalement, ses fondements tremblèrent8.» Ce cri de fureur, aux connotations cosmiques, marque le début du combat entre les deux divinités.

5Dans la Descente du prince assyrien aux Enfers, une composition datée de l’époque néo-assyrienne, le grand dieu infernal Nergal entre dans une rage folle contre l’individu venu dans le monde des morts : « Il enfla puissamment sa voix (rigimšu dunnunu) contre moi ; et comme une violente tempête (kīma ūme šegî), il vociféra furieusement (ezziš šasû) contre moi9. » Son cri de fureur (ezziš išassi) est aussi intense qu’une tempête « enragée » (kīma ūme šegî). La comparaison témoigne de la violence du hurlement et de la peur suscitée chez le prince. La fureur divine est semblable à une folie meurtrière et animale : šegû définit en effet le comportement agressif des chiens, des lions et autres animaux, voire des êtres humains « enragés ». Cette folie šegû s’empare aussi des femmes, qui, perdant la tête, tuent leurs époux dans une apodose de présage de Šumma ālu. Dans le poème d’époque paléo-babylonienne qui décrit la déesse Agušaya, šegû désigne la folie meurtrière qu’elle manifeste dans la bataille, attribut de cette déesse : « La fureur (littéralement “le devenir enragé”) au combat, la joie (littéralement “se réjouir”) de la bataille lui ont été attribués pour ses parts10

6Une incantation du Ier millénaire av. J.-C. retrouvée à Assur précise que ce texte doit être prononcé šumma amēlu ra’bāniš išassušu « Si quelqu’un crie furieusement contre un homme ». Le cri de fureur est non seulement conçu comme un mal dont il faut se prémunir, mais aussi comme la synthèse (ou l’élément le plus impressionnant) de tous les changements physi(ologi)ques dérivés de la colère :

Incantation : pourquoi es-tu furieux, saisi (par la colère) ? Tes yeux sont bloqués de sang ! Tes gencives dégoulinent de bile ! Les poils de ta poitrine sont hérissés ? Pour toi, tes fils sont avec moi, Untel, tu es furieux et saisi (par la colère). Mes yeux sont figés de sang ! La forteresse de ma bouche dégouline de fiel ! Les poils de ma poitrine sont hérissés ! Si c’est une porte, j’ouvrirai ta bouche ! Si c’est un verrou, j’ouvrirai ta langue ! Si c’est un nœud de mur, je délierai le nœud de ton cœur ! / Incantation « Si, un homme, on crie furieusement contre lui (=le patient) »11.

7La personne saisie par la colère présente aussi un aspect repoussant et monstrueux : elle a le visage et les yeux injectés de sang, la bouche grande ouverte laissant apparaître les dents et les gencives, symboles d’agressivité. Elle salive abondamment, comme un animal en rage. Sa salive devient du fiel pour celui qui subit l’attaque. L’incantation à prononcer cherche donc à faire revenir le furieux à de bons sentiments et à changer son état affectif, en inversant la situation. La victime tente même de se substituer au malheureux enragé et d’assumer à sa place les bouleversements physiques qui animent son visage et son corps pour les neutraliser. Ce n’est que de cette façon qu’il pourra rétablir la communication rompue jusque-là.

8Dans les textes cunéiformes, les adverbes que l’on peut traduire par « furieusement » (aggiš, ezziš, etc.) viennent préciser la nature affective du cri. La dimension vocale – humaine, divine ou animale – participe à la réalisation de l’émotion : elle ne sert pas seulement à extérioriser, mais agit également sur celui contre qui le cri est dirigé, suscitant la peur et la soumission. À quoi pouvait ressembler ce hurlement de colère dans l’ancienne Mésopotamie et en quoi était-il différent d’un autre cri, comme celui exprimant la joie ou la peur par exemple ? Peut-on dessiner une palette sonore de la fureur et que nous apprend-elle sur les interactions entre les groupes humains et divins ?

9Comme pour la joie et la tristesse, on puise dans la nature les référents les plus éloquents pour décrire avec force la manifestation sonore de cette émotion incontrôlable, développée avec emphase dans les récits des rois assyriens. Elle contribue à transformer une simple campagne militaire en un véritable combat mythologique, aux accents cosmiques.

L’imaginaire sonore de la colère

10Allant du grondement au rugissement, en passant par le grincement de dent, l’aboiement ou le hennissement, la palette des sonorités traduisant la colère est particulièrement vaste en akkadien. On se situe le plus souvent dans le domaine de l’inarticulé, du monstrueux ou du sauvage. La manifestation physiologique sert à exprimer l’émotion sans la nommer. Chaque spectre sonore caractérise non un degré d’intensité, mais plutôt – pour autant que nous puissions pénétrer dans cet univers – une différence de nature entre une colère divine, la fureur guerrière ou le mécontentement des opposants.

11Le cri de fureur peut se manifester sous la forme d’un grondement semblable au tonnerre (ramāmu). Intense, l’émotion se déchaîne comme un phénomène météorologique. Dans l’hymne à la reine de Nippur (Šarrat-Nippuri), on dit que celle-ci « grondait » (irammum) contre le malheureux et que son cœur était empli (de colère) contre lui comme une tempête12. Dans une prière d’époque paléo-babylonienne, le grondement est l’expression du regret face à une faute commise. L’individu dirige sa colère contre lui-même, car il est le seul responsable de sa situation :

Qui écoutera sa prière ? Il chante une lamentation-inhu pour toi ; il recherche ton sanctuaire. Le pleureur qui a été négligent, aie pitié de lui ! Il s’est agenouillé, il a grondé (ramāmu) devant sa faute ! Pour le crime qu’il a commis, il crie vers toi13 !

12La colère peut aussi se manifester par un grincement de dents, gaṣāṣu ša šinni, une expression qui désigne souvent un comportement agressif de la part de certains animaux comme les cochons ou les moutons, ou encore d’êtres humains. Un homme peut aussi le produire inconsciemment lorsqu’il dort, si l’on en croit un présage d’époque paléo-babylonienne ; dans ce cas, le son est perçu comme un signe omineux à interpréter14. Dans les textes narratifs, le grincement (gaṣāṣu) témoigne de l’agressivité furieuse au combat, à l’instar de ce qui se passe dans le récit de l’oiseau mythique Anzû15. Voyant arriver le dieu Ninurta venu le défier sur la montagne, Anzû, qui a emporté avec lui les tablettes du destin et mis en danger l’ensemble de la Création, se met à grincer (gaṣāṣu). Sa fureur belliqueuse ne se manifeste pas uniquement sur le plan sonore, mais déborde aussi sur le plan visuel. Comme une tempête, son éclat surnaturel, le melammu émanant du corps divin, recouvre la montagne16. L’intensité lumineuse se mêle au son désagréable et insoutenable du grincement. Les dents šinnū ne sont plus mentionnées en objet du verbe, mais le son, aigre voire métallique, issu du frottement des dents, est suggéré dans la racine même gaṣāṣu, avec le redoublement du son -ṣ. Dans une prière à Ištar d’époque paléo-babylonienne17, c’est avec un jeu d’opposition entre le tumulte et le silence qu’intervient le grincement gaṣāṣu. Lors de l’énonciation des qualités et prérogatives de la déesse, il lui revient le šušgum rigmi kiṣṣaṣ18 šahurrūtim, « le “faire rugir” (šagāmu au Š) des cris (rigmu), le grincer (des dents) des silencieux » (i l. 37). Ce parallélisme renforce la portée de la présence et de la puissance sonores de la déesse. Elle est celle qui permet de pousser des cris dans la bataille, mais aussi celle qui sème le malheur par sa fureur, plongeant l’ennemi dans un silence de mort (šuharruru) et une grinçante prostration. Loin d’être la manifestation sonore d’un sentiment de peur, le grincement de dents exprimerait la colère, non contre la déesse, mais contre soi, le regret de ceux que la déesse a frappés de son courroux.

13L’aboiement, quant à lui, (de nabāhu « aboyer ») apparaît comme un signe de mécontentement et d’hostilité. Dans le prologue du code de Hammurabi au xviiie siècle av. J.-C., ce roi de Babylone se présente comme celui qui « qui “étouffe” les aboyeurs (nābihī)19 ». Ceux qui aboient sont ceux qui s’opposent au roi de Babylone. En parallèle, dans le récit de sa huitième campagne (714 av. J.-C.), le roi d’Assyrie Sargon II se compare à un chien enragé, semant la peur autour de lui, lorsqu’il s’avance contre son ennemi : « J’avançai avec assurance comme un chien enragé que la peur entoure ; je ne vis personne pour m’apaiser20. » Quelques années après, son petit-fils Assarhaddon a recours, dans une lettre, à un proverbe mettant en jeu les aboiements pour désigner les « non-Babyloniens » et, indirectement, les opposants à l’ordre royal : « le chien du potier qui est entré dans le four aboie (unambah) contre son maître21. » Dans le four, après s’être réchauffé, le chien est en position vulnérable ; son aboiement dit sa colère, mais une colère sans issue. Or, dans cette lettre, les destinataires se sont précédemment plaints des fonctionnaires du roi. Le proverbe énoncé par le roi les met en garde contre leur attitude : ils lui sont redevables car ils ont bénéficié de son soutien et ne doivent ni l’oublier ni lui causer du tort par un comportement vainement colérique.

14Enfin, le rugissement (avec des verbes comme šagāmu) illustre avec force et puissance la fureur aveugle qui anime quelqu’un, en particulier le roi dans les inscriptions royales assyriennes au Ier millénaire av. J.-C. Le cri de guerre du roi se fait à la fois rugissement et fracas de tonnerre « Il (Nabuchodonosor I) rugit (šamāru) comme un lion, tonne (šagāmu) comme Adad22 ». Le caractère sauvage et incontrôlable de l’animal ne se manifeste pas que dans le cri qu’il produit ; tout son corps est sollicité. Les mouvements qui accompagnent le rugissement sont tout aussi efficaces pour suggérer la colère et la force puissante, irrésistible. Ainsi šamāru « être sauvage, incontrôlable » mêle-t-il ces deux aspects dans son champ sémantique, car il peut décrire les eaux tumultueuses d’un fleuve23, tout comme le cheval indomptable qui brise ses rênes24. Dans un namburbû, un rituel pour lutter contre le mal annoncé par un présage, šamāru alterne avec šasû « crier » ; šamāru évoque ainsi l’agressivité sauvage sous ses formes mobiles et sonores25, qui trouve sa plus puissante expression dans les armes du roi en campagne : « Je (Sargon II) suis monté à leur poursuite dans la fureur (ina šitmur) de mes puissantes armes26

15Au-delà de la simple manifestation vocale animale, on évoque avec šamāru le déchaînement d’émotions qui anime l’individu. Dans les textes littéraires, les termes issus de cette racine (adjectif šamru et adverbe šamriš) sont cités en couple avec leurs pendants ezzu et ezziš, issus de ezēzu « être furieux ». La redondance joue ici un rôle emphatique pour accentuer la violence de l’action guerrière menée par le roi ou le dieu27. L’expression peut décrire aussi l’impression sonore du cri dans la bataille : « tu as poussé (šasû) furieusement et férocement (ezziš samriš) le cri de guerre (rigim tāhāzi)28

16Les dieux ou les rois peuvent aussi être qualifiés de « rugissants » (nā’iru). Dans un texte littéraire d’époque paléo-babylonienne, l’apparence extraordinaire du roi d’Akkad Narām-Sīn se manifeste de façon visuelle et sonore : « Ton éclat est le feu, ta voix le tonnerre ; tu es comme un lion rugissant (kīma nēšimmi nāhirim)29. » Avec na’āru, le rugissement n’est plus seulement sonore, il est aussi visuel. Dans la liste de synonymes dite Malkušarru, l’adjectif na’īru « rugissant » est associé à kaduhhû, forme akkadienne du sumérien ka du8-hu, littéralement « la bouche/gueule ouverte30 ». On ne peut s’empêcher de penser aux nombreuses représentations de lions, gueule ouverte, dressés sur leurs pattes arrière, agressifs, sur les bas-reliefs qui décorent les palais royaux assyriens notamment. On connaît aussi les représentations d’animaux rugissant, placées dans un but apotropaïque, à l’entrée de certains bâtiments importants, comme les temples ou les palais. Dans ses inscriptions, le roi assyrien Sennachérib (705-681 av. J.-C.) dit avoir construit douze colosses en forme de lions rugissants (urmahhē ni’irūti31). La gueule ouverte pourrait-elle dès lors être un procédé iconographique pour évoquer la dimension vocale du cri32 ? C’est en tout cas ce que suggère un passage d’incantation bilingue contre les démons Utukkū Lemnūtu : ces derniers sont décrits comme des êtres à l’apparence monstrueuse, dont la colère se manifeste par la lumière insoutenable (melammu) émanant de leur visage et par le bruit assourdissant d’une tempête33. L’akkadien na’īru est l’équivalent dans ce passage du sumérien ka-du8 « gueule ouverte » :

(Sumérien) Méchant au visage rougeoyant ceint de splendeur, tempête à la gueule ouverte qui ne connaît pas la conciliation.

(Akkadien) Méchant dont le visage furieux est ceint de splendeur, tempête rugissante qui ne connaît pas la conciliation34.

17Le caractère monstrueux et démoniaque du cri est le signe de la fureur contre les hommes et le signal de l’attaque contre ces derniers. L’agression physique est aussi destructrice et violente que les éléments naturels qui se déchaînent, une métaphore que l’on retrouve pour les récits de combats. Le cri de guerre devient l’expression paradigmatique de la fureur guerrière du roi assyrien qui se déverse sur ses ennemis.

La colère, moteur et cadre sonore de la guerre

La vaillance au combat, un sentiment sonore

18Dans la liste lexicale Ka2-gal abullu35, une section est consacrée au terme sumérien gu3 « voix » et aux cris humains d’une certaine puissance. On parle de cri « large » (rapšum), de cri de joie (rigim hīdūtim), mais aussi de cri de guerre (gu3-mur ak). Celui-ci est rendu en akkadien par qardum, qui désigne l’héroïsme, la vaillance au combat ; on associe ici très clairement le cri de guerre à celui qui le pousse, le guerrier, et à son courage, son engagement dans la bataille. Témoignant de l’ardeur au combat, le cri de guerre galvanise les troupes et suscite la peur chez l’ennemi dans les récits et les épithètes hymniques.

19La dimension sonore de la guerre ne se limite cependant pas à la seule expression vocale. Les instruments de musique sont convoqués pour renforcer le cadre acoustique du combat. Une tablette d’époque paléo-babylonienne retrouvée à Mari commémore la dédicace d’une timbale à la déesse Ištar-šarrum. Il s’agit d’une copie scolaire ou d’un « brouillon » de l’inscription qui devait figurer sur l’instrument. Cette inscription rapproche le son de l’instrument à percussion (utilisé au cours des rituels en l’honneur de la déesse) de la vaillance au combat du roi :

Šamši-Adad, roi fort, roi d’Akkad, le vainqueur de la totalité de ses ennemis, a consacré (cette) timbale de bronze dont la belle sonorité (ša rigimšu ṭābu) fait écho à sa vaillance36.

20Dans l’Épopée de Gilgameš, le cri du roi d’Uruk est une composante essentielle de ses actions offensives, un élément presque tactique puisqu’il vise à susciter la peur chez celui qui l’entend, avant même qu’il y ait une confrontation visuelle37. Son cri doit à la fois annoncer sa puissance à Humbaba, le géant gardien de la forêt, mais aussi enhardir le roi d’Uruk :

Que ton cri soit puissant comme une timbale, que la paralysie quitte tes bras sortent et que la faiblesse-lu’tu s’envole de tes genoux38 !

21Tout comme pour les autres phénomènes sonores, les termes désignant les cris ne sont pas employés pour l’expression sonore d’une seule émotion. Certains, comme yarūrū(tu) et ikkillu39, peuvent, suivant les contextes, désigner, non des manifestations vocales de douleur, mais des cris de fureur poussés à la guerre. Ainsi dans le poème d’Erra au Ier millénaire, les Sutéens déferlent sur Babylone en poussant des yārūrū40. Certains cris, propres aux manifestations joyeuses, peuvent être employés dans des contextes de combat et d’exaltation militaire ou guerrière. C’est le cas de certains termes issus de la racine alālu. L’étoile Sirius porte l’épithète « celui qui fait exulter (dans) la bataille41 » ; ou encore, le substantif ālilu (sous la forme aussi ēlilu, féminin āliltu, ēliltu) est une épithète divine ou royale pour celui ou celle « qui pousse (ou “fait pousser”) des cris-alāla ». Dans la liste de synonymes Malku-šarru, ālilu est un des équivalents donnés à qarradu « champion »42. Le cri exhorte et appelle au combat, signe de vaillance et de bravoure.

22Dans un hymne, Ištar se décrit elle-même comme celle dont le cri est omniprésent, dans la bataille comme dans la nature. Le passage repose sur un jeu phonique entre qablu « le combat » et qabal « au milieu de » : « Je suis la Dame. Dans la bataille (qablu) je hurle (šasû) et au milieu des montagnes (ina qabal šadî) je hurle (šasû)43

23La voix ou le cri (rigmu) peut être qualifiée de dannu « puissant, fort », galtu « terrifiant », palhu « qui suscite la crainte ». On désigne le plus souvent le cri de guerre par le terme tanūqātu, attesté dès l’époque paléo-babylonienne. Issu de la racine n’q, de laquelle dérive la forme verbale nâqu « se plaindre, se lamenter44 », il s’agit d’un terme au pluriel, qui désigne non pas un seul cri, mais un faisceau de cris émis par un groupe d’individus. Le terme est souvent associé à ṣaltu ou tāhāzu, « combat, querelle45 ». Dans une inscription du règne de Nabû-šum-iškun (première moitié du viiie siècle av. J.-C.), un haut fonctionnaire de Borsippa relate comment il a rebâti le grenier du complexe cultuel de l’Esagil à Babylone, mais les Araméens et des habitants de Dilbat ont interrompu les travaux en attaquant la ville : tanūqātu est le cri poussé (epēšu) par l’ennemi qui assiège Borsippa en pleine nuit :

Dans la nuit comme des voleurs, l’ennemi, l’étranger, (les fugitifs ? …), les ennemis malins, les sourds qui ne m’écoutent pas, les malhonnêtes ?…, j’ai fait retourner à l’Ezida, et l’Ezida et Borsippa… ils se sont emparés et ils ont lancé un cri et une clameur sur la ville et l’Ekur. Ils ont engagé le combat. Dans cette même nuit, les habitants de Borsippa et les…, qui étaient présents pour s’aider les uns les autres, encerclèrent La maison de Nabû-šuma-imbi, fils d’Eda-ēṭir, gouverneur de Borsippa par les flèches et… Du crépuscule jusqu’au lever du soleil, ils ont poussé des cris de guerre46.

24Aux cris qui emplissent tout l’espace sonore, s’ajoute l’angoisse de l’obscurité nocturne dans laquelle se déroule le combat. Le cri tanūqātu est aussi une des prérogatives de la déesse Ištar. Dans la liste explicative de théonymes Anu ša amēli, Guša’ia est une émanation d’Istar en tant que cri de guerre, dans une suite de théonymes qui évoquent le caractère sonore et vocal de la déesse, du cri de deuil au cri de guerre.

dMe.nu.an.nim = MIN (dIštar) ša2 ta-ni-hi « Ištar du soupir ».
dMe.nu.nim = MIN (dIštar) ša2 ta-ni-hi « Ištar du soupir ».
d La-ba-tu = MIN (dIštar) ša2 lal-la-ra-te « Ištar des lamentations ».
d A-la-LAB.ki = MIN (dIštar) ša2 ia-a-ru-ra-te « Ištar des cris-yarūrūtu ».
d Gu3-ša-ia = MIN (dIštar) ša2 ta-nu-qa-a-te « Ištar des cris-de-guerre »47.

25L’association avec le domaine de la guerre a également pu se faire par rapprochement avec le terme tuquntu/tuqumtu (tuqmatu) « la guerre, la bataille, le combat », décrivant la caractéristique belliqueuse d’Ištar dans de nombreux hymnes et prières. Comme c’est le cas avec (y)arūrū(tu), tanuqātu désigne aussi bien les cris de douleur poussés par la masse des vaincus que ceux des assaillants. Il ne s’agit pas d’un cri individuel ou personnel, mais d’un ensemble sonore confus et menaçant, caractéristique des situations de combat.

De la fureur bruyante au combat mythologique dans les récits assyriens

26Le cadre sonore de la colère instruit les narrations au cours desquelles la nature se déchaîne dans un vacarme terrifiant : scènes diluviennes, cataclysmes mais aussi récits de conquête exaltent la fureur dévastatrice et assourdissante qui peut émaner avec violence de la nature. Les inscriptions royales assyriennes48 poussent ce motif à son paroxysme : la bataille devient un combat mythologique où tout se déchaîne aux côtés du roi assyrien, soutenu par les dieux. Elles proclament publiquement la grandeur du roi sous la forme d’une narration à la première personne, rédigée par des souverains préoccupés de leur renommée et de leur postérité. En Assyrie, ce type d’inscriptions, aux connotations cosmiques, immortalisant les principaux actes des règnes (campagnes militaires, dédicaces de statues ou de temples, etc.), se développe dès le règne d’Adad-Nērārī Ier (vers 1307-1275 av. J.-C.). Autoglorifications et œuvres de propagande, ces récits emploient abondamment les expressions et les figures de style, déployant une dextérité remarquable dans le maniement de l’emphase. Recopiés dans les écoles de scribes, ils déploient une « esthétique » littéraire inspirée des récits mythologiques. Dans ces narrations démesurées des prouesses militaires et guerrières, images et métaphores sont cependant stéréotypées et récurrentes, privilégiant certaines thématiques, comme le bruit que produisent le roi et son armée en marche, ou les émotions (fureur du roi, angoisse et détresse des peuples ou des ennemis vaincus, etc.). Bruit et émotions participent à l’exaltation de la violence royale et à la légitimité de sa gloire. Le tableau sonore est fondamental pour la mise en scène de la rencontre avec l’Autre et avec l’environnement dans lequel il évolue. Dans la perspective universaliste des Assyriens, est « étranger » celui qui refuse de se soumettre à l’ordre du roi49. L’Autre, c’est l’ennemi, le roi et les habitants des cités vaincues ou à vaincre. Peu de descriptions suivant des caractéristiques physiques ou ethniques. Dans un discours centré sur la figure du roi et les manifestations de sa puissance, on privilégie les émotions qui trouvent leurs expressions notamment sur le plan sonore. L’Autre est faible, terrorisé, plongé dans la détresse et pleure amèrement.

27Le cri est une démonstration sonore, mais concrète, de la puissance de celui qui le produit, le roi. Dans une lettre provenant de Tell el-Amarna (xive siècle av. J.-C.), la voix du souverain qui s’étend sur la totalité de la terre est l’expression la plus significative de sa puissance universelle50. Šalmanazzar Ier (1275-1245 av. J.-C.) est le premier roi assyrien à se présenter comme un guerrier bruyant51. Tukulti-Ninurta Ier (1245-1208 av. J.-C.), dans un récit narratif de grande envergure52, relate ses exploits, s’inspirant de récits plus proprement mythologiques. Il se compare au dieu de l’orage, tandis que les montagnes tremblent à son passage ; il lève son arme comme le dieu Ninurta, et tous les peuples sont saisis de crainte. Les Sargonides s’inspirent grandement de cette épopée dans leurs propres inscriptions. Sargon II (722 à 705 av. J.-C.) raconte avec la même emphase les événements qui se sont succédé lors de sa huitième campagne menée en Urartu en 714 : s’ouvrant sur les formules de salutations typiques de la littérature épistolaire (comme la lettre adressée au dieu Aššur), la narration met en scène, non pas seulement une campagne militaire, mais aussi un combat cosmique où les dieux et les événements météorologiques viennent en aide au roi et accompagnent sa fureur conquérante. Le dieu de l’orage Adad prête sa voix et ses averses, tandis que le bruit des armes et des armées du roi plonge l’ennemi dans la détresse.

28Le bruit se manifeste d’abord autour du roi et de son armée. L’environnement naturel est hostile et bruyant, rendant compte alors de la difficulté de l’entreprise, et par conséquent de la bravoure du roi. Sargon II décrit les chemins escarpés qu’il doit prendre pour mener à bien sa campagne : tout autour de lui, dans un milieu particulièrement chaotique, annonce la difficulté du combat à venir, en particulier la nature bruyante : « Le cri de leurs cataractes (šisīt tibkīšunu) jusqu’à une lieue retentissait (šagāmu) comme Adad53.» Sennachérib (705-681 av. J.-C.) rapporte dans un passage de ses Annales que, bien qu’il redoute la traversée des montagnes lors de la saison des pluies, une saison particulièrement dangereuse en raison des fortes quantités d’eau et de neige, il s’est avancé malgré tout au-devant de son ennemi54. Dans une inscription d’Assurbanipal (669-631/626 av. J.-C.), les montagnes résonnent des cris des lionceaux, cris qui deviennent vite des grondements, tandis que les autres animaux sont saisis de terreur : « Les montagnes grondaient (ramāmu) de leurs (= les lionceaux) cris (rigmu) et les bêtes de la steppe étaient terrifiées55

29La destruction imminente de l’ennemi et de son habitat est annoncée par l’approche de l’armée guidée par le roi. Par-delà l’espace et le temps, le bruit transgresse les frontières : fanfare militaire et bruits de pas cadencés de l’armée sont pour les ennemis un prélude, un avant-goût de la fureur destructrice imminente. Dans l’inscription des lions en basalte de Til-Barsip (Tell Ahmar) d’époque néo-assyrienne, aux bruits des armes se mêlent les fanfares militaires, le tout métaphoriquement comparé à un grondement (ramāmu) effrayant (pardiš). Le caractère violent et destructeur de l’action est renforcé par la métaphore du souffle (zâqu) du vent dévastateur (imhulliš)56. Sennachérib rapporte comment son ennemi, Merodach-Baladan, a pris peur de la puissance des chars assyriens et a fui en entendant le bruit des armes du roi :

Ce Merodach-baladan à qui j’ai infligé la défaite lors de ma première campagne et j’ai brisé les forces armées, a pris peur du bruit de mes armes puissantes (rigim GIŠ.TUKUL.MEŠ dannūti) et de la levée de ma bataille furieuse. Il rassembla les dieux de son pays tout entier dans leurs chapelles et les fit charger sur des bateaux (Il s’envola comme un oiseau…)57.

30Dans le cylindre-Rassam, Assurbanipal raconte comment les peuples ennemis sont saisis d’effroi, rien qu’en entendant (šemû) sa puissante attaque58. Comme dans le récit du Déluge où Adad tonne dans le ciel avant même que les eaux ne submergent la terre59, on joue sur l’imminence du combat, annoncé aux futurs vaincus par le cri du roi ou le bruit des armées assyriennes qui s’approchent : l’effet narratif recherché est d’illustrer l’angoisse qui s’empare des ennemis avant même que le combat ne commence véritablement. Littéralement, ils ont entendu « la levée des armes » (tibūt kakkê) correspondant peut-être au moment où le roi galvanise ses troupes en lançant le cri de guerre ou en prononçant une harangue, avant le combat et l’assaut. Les armes qui s’entrechoquent produisent des effets à la fois visuels et sonores. Les stratégies narratives dans le registre sensoriel parachèvent l’expression de la puissance de celui qui porte les armes. Šamšī-Adad V (823-811 av. J.-C.) n’est rien moins que la manifestation du dieu de l’orage Adad, à travers le fracas bruyant et l’éclat intense du tonnerre qui se déchaînent en concomitance avec l’attaque :

(En ce jour-là, depuis la montagne Kullar, la puissante montagne, jusqu’à la mer occidentale), je poussai un rugissement (šagīma šagāmu ; litt. « je rugis un rugissement ») sur eux et déversai mon éclat terrifiant (melammu) sur eux60.

31Šamšī-Adad V ajoute ici deux notions intéressantes. D’une part, son cri est suffisamment puissant pour s’étendre au-delà de la région à combattre. Il parvient par-delà les montagnes à atteindre la mer occidentale, emplissant tout l’espace et témoignant de la domination universelle du roi assyrien. D’autre part, le souverain enrichit le tableau d’une composante visuelle : tel le tonnerre associé à l’éclair, son cri est « éclatant ». C’est un melammu, un éclat surnaturel divin, lumineux, qui suscite une crainte révérencielle (pulhu). Le roi se place dans la sphère céleste ; il n’est plus seulement aidé par les dieux, mais il a déjà en sa possession tous les attributs divins.

32L’apogée de l’action relatée dans le récit se situe au moment même de l’attaque, lorsque le roi déchaîne sa fureur légitime sur son ennemi néfaste et le terrasse. Dans cette rhétorique de la « guerre juste », le grondement et le fracas du tonnerre sont des images fréquentes qui permettent de comparer le roi et sa voix au dieu de l’orage et à son tonnerre ou de rendre le dieu présent sur les lieux du combat, afin de soutenir l’action du roi au moyen de son fracas et des pluies diluviennes qu’il déchaîne. Par ce procédé, la narration n’est plus simplement une relation de campagne militaire, mais se transforme en un récit héroïque, presque en une apothéose. Le combat du roi se place sur le même plan qu’un combat mythologique, contribuant à dessiner un statut royal ontologiquement différent de celui de ses sujets humains.

33Aššurnaṣirpal II (883-859 av. J.-C.) est le fracas du tonnerre qui s’abat sur l’armée ennemie en une pluie de feu, alors même que le soleil n’est pas encore levé, et que l’obscurité règne encore. Il se met à rugir (šagāmu) comme Adad dévastateur (rāhiṣu)61.

34Dans une autre inscription, le roi assyrien tukulti-Ninurta dit avoir étourdi les armées ennemies par des tempêtes de sable (ašamšūtu), et ébranlé les chapelles des dieux ennemis comme un tremblement de terre (kīma rībe62). Avec l’aide des dieux, voire à l’instar des dieux, le roi assyrien commande aux éléments naturels et cosmiques. Sargon II prétend être soutenu par le dieu de l’orage Adad dont la voix résonne tant et si bien qu’elle finit par détruire tout sur son passage : « Adad le fort, le vaillant fils d’Anu, lança sa voix terrifiante (rigmu galtu) au-dessus d’eux : par des nuages d’averses et la grêle, il détruisit le reste63. » Assarhaddon, avec le soutien des dieux, souffle comme une tempête furieuse à travers les troupes ennemies64. À chaque fois, la destruction entraîne un vacarme assourdissant et une instabilité lumineuse, entre éclat insoutenable et obscurité angoissante pour les vaincus, presque comme si chaque victoire était une recréation du monde et le roi un dieu démiurge.

35Dans les récits, une gradation sonore est perceptible. Les variations acoustiques sont autant de marqueurs spatio-temporels du déroulement de la bataille. Au début, le bruit est extérieur ; il est le reflet sonore de l’hostilité de la nature environnante, de la nature redoutable des périphéries chaotiques. Puis, on fait écho à un état intermédiaire en référence à ce qui est produit par l’armée à un endroit donné, mais, sans être vu ; le son est entendu au loin par les ennemis, comme si le centre et la périphérie peu à peu se rejoignaient. Enfin, la bataille se déroule au cœur d’un vacarme assourdissant produit non seulement par le roi et ses armes, mais aussi par les dieux qui l’accompagnent, le tout ponctué des hurlements de désespoir des ennemis vaincus. Le centre a gagné la périphérie à sa légitime domination : le fracas de la conquête annonce l’arrivée de l’ordre et de la quiétude, sous la protection du roi et des dieux assyriens. Rugissement et tonnerre illustrent très efficacement la puissance du cri et l’intensité de la fureur destructrice, mais « civilisatrice » du roi dans la bataille. Le combat se fait dans un vacarme assourdissant semblable au Déluge des récits mythologiques. Détruire est un préalable à créer ou recréer. C’est pourquoi le cri de guerre ne joue pas seulement un rôle dans les stratégies narratives, mais entre aussi dans la liste des épithètes royales, pour caractériser, de manière structurelle, le pouvoir du souverain dans et sur le monde. Tiglath-Pileser Ier (1114-1076 av. J.-C.) compare ses campagnes victorieuses à un déluge furieux et destructeur : « Tiglath-Pileser, flamme brûlante, furieux, déluge de bataille65. » L’attaque d’Aššurnaṣirpal II (883-859 av. J.-C.) est un véritable déluge : « furieux, sans merci, celui dont l’attaque est un déluge66.» Regorgeant de détails morbides sur la violence des combats, la narration est longue, stéréotypée, mais particulièrement bien détaillée. Le roi assyrien insiste avec emphase sur ses actes héroïques soutenus par les dieux. Ses successeurs ne cesseront de reprendre et d’amplifier le motif de la puissance guerrière assimilée aux forces de la nature. Le roi n’est plus seulement le maître des animaux, il est aussi le chef d’orchestre des éléments naturels. On n’insiste pas seulement sur la dimension sonore du combat mais également sur le cadre visuel. Dans le cylindre B, Assurbanipal dit qu’au cours de son attaque, il a recouvert le pays de Gambulu d’une sorte de brouillard qui l’a plongé dans l’obscurité67. Dans l’Enūma eliš, d’ailleurs, Marduk, le champion des dieux jeunes qui a le courage d’affronter Tiamat, s’équipe d’armes rationnelles et tactiques, répondant à une stratégie offensive et défensive précise (comme l’arc et la flèche). Mais le dieu se dote aussi d’éléments météorologiques (les vents, le déluge, la tempête), seules armes suffisamment efficaces dans les combats cosmiques68. Elles sont le reflet de la fureur potentiellement destructrice qui anime celui qui les contrôle. Les rois historiques marchent en quelque sorte bruyamment dans ses pas…

Les vaincus, entre cri de deuil et silence de mort

36Dans les récits assyriens, la violence guerrière est dramatisée et les émotions poussées à leur paroxysme. La fureur royale n’est pourtant pas la seule composante de l’environnement sonore. Les ennemis vaincus participent au vacarme ambiant par leurs hurlements de désespoir. Ils répondent ainsi au tumulte des armes par des cris et des pleurs :

Sur cette ville, je fis rugir (šagāmu), comme le tonnerre, le bruit de mon armée terrifiante, les habitants…, son peuple, les vieux et les vieilles, montés sur les toits de leurs maisons, pleuraient amèrement69

37Confusion ou désespoir (tēšû) et vacarme (šaggumūtu) ambiants sont donc liés. Ainsi, dans une question oraculaire (tāmītu), l’atmosphère sonore est créée par les cris des attaquants et les pleurs des vaincus.

(Les ennemis) ne feront pas de tapage, (ne placeront pas) l’insolence (hiṣpatu70) de la confusion et la rébellion au cœur de cette ville, ils ne leur feront pas répandre la clameur (šaggumūtu), ils ne changeront pas pour eux (leurs villes) en monceaux de ruines71.

38Les effets sonores de la narration permettent de construire deux groupes clairement identifiables par leur dimension vocale : les vainqueurs et les vaincus. La violence et le bruit assourdissant de la guerre sont à l’origine d’un impact traumatique qui fait naître chez les vaincus la terreur et l’anéantissement moral. Ces expressions vocales sont leur ultime signe d’existence, leur dernière marque d’identification. Face à la bruyante armée royale, les vaincus peuvent aussi être plongés dans le mutisme le plus complet72, créant ainsi un contraste sonore impressionnant entre les deux groupes. L’affirmation vocale et sonore du vainqueur passe parfois par la nécessité de réduire l’ennemi au silence. Il ne s’agit pas, comme dans les textes mythologiques, de mettre fin à un bruit qui serait insupportable, mais bien de détruire toute manifestation sonore qui caractérise un être vivant et joyeux. Le silence renvoie ici métaphoriquement à la mort. Dans le poème d’Erra, le son produit par les hommes, peu importe ses formes, est l’expression de leur vitalité, de la joie de vivre, que le dieu veut à tout prix supprimer :

Je mettrai fin ([aparr] as) au tumulte (rigmu) [des hommes], et leur enlèverai (toute) allégresse […]
Je priverai les nourrices des pleurs (ikkillu) des bébés et poupons ! Je retirerai des campagnes le bruit/chant-Alāla (rigim d Alāla)73.

39Si la vie humaine ne se résume pas à la parole articulée, c’est parce qu’elle se manifeste aussi dans des démonstrations sonores de diverses sortes : faire taire les pleurs des nourrissons est une métaphore de la destruction de la vie humaine dès le plus jeune âge. La joie, avec ses manifestations concrètes, est le fondement même de la vie sociale, du bien-être et du bonheur de la cité, de la cohésion de sa communauté et du lien avec le monde divin. Elle se traduit par des chants ou des cris, individuels ou collectifs, comme les chants des travailleurs dans les campagnes et bien d’autres. Si ce cri, métonymie sonore de la vie et de la prospérité, vient à être supprimé, c’est la mort des peuples qui est scellée. Les campagnes réduites au silence sont une image du chaos primordial et de la désolation. Dans un prisme du roi assyrien Assurbanipal74, la destruction passe par la suppression de toute dimension sonore de la vie parmi les êtres humains et les animaux, dans les champs. Désormais, on n’entendra plus ni le pas lourd des bœufs et du bétail, ni le chant-alāla des travailleurs75.

Proclamations des hérauts et cris d’avertissement

40La fureur royale n’éclate cependant pas toujours sur terre comme un orage inattendu. Le lexique akkadien connaît ce que l’on pourrait nommer des « sonnettes d’alarme », des cris qui, au lieu d’appeler au combat ou d’exprimer la fureur, visent à prévenir de l’imminence du danger. C’est la fonction première des hérauts qui, par leurs voix, proclament dans tout le pays les messages de première importance. Dans le récit du Déluge d’Atra-Hasīs, lorsque les hommes sont devenus trop bruyants, les dieux décident de les détruire en leur envoyant successivement une épidémie et une famine ; le dieu Enki-Éa recommande à son protégé Atra-Hasīs de concentrer toutes les offrandes vers le dieu concerné par le fléau. Mais, pour que la mesure soit efficace, tous les êtres humains devront agir. La mesure prise doit être largement diffusée pour être efficace. Les hérauts (nāgiru76) accomplissent donc cette tâche, en donnant puissamment de la voix (rigma šapû) :

Ordonnez que les hérauts crient (šasû) et donnent puissamment (rigma šuppû) de la voix dans tout le pays. Ne révérez plus votre dieu, ne priez plus votre déesse77.

41Dans une incantation bilingue du recueil contre les méchants démons Utukkū Lemnūtu, le dieu Išum (Hendursag en sumérien) porte l’épithète nāgiru « héraut » : « Sois conjuré par Išum, le héraut de la rue silencieuse78. » Il est celui qui proclame les déclarations officielles des dieux et transmet les messages urgents. Associé fréquemment à la lumière, Išum est aussi le veilleur nocturne. À la fois héraut et sentinelle, cet être divin présente un caractère plurisensoriel, inhérent à sa nature, puisqu’il est le seul opposant possible pour des démons qui attaquent sournoisement la nuit au milieu de la rue.

42Polysensorialité encore, dans le cadre d’une incantation de type bīt mēsiri : le conjurateur convoque le dieu-feu Lugalgirra au moyen de la torche lumineuse qu’il tient en main, mais aussi par un cri particulier, le tukku79, qui doit attirer l’attention de la divinité. C’est un véritable cri d’alarme : « (Je t’appelle Lugalgirra, je t’invite Lugalgirra), du ciel d’Anu, je jette vers toi mon cri-tukku au milieu de la nuit, je lève vers toi une torche de roseau bien visible80. » Tukku est donc un cri puissant, d’une grande intensité qui se perçoit en même temps que la torche utilisée81. Dans une lettre d’époque paléo-babylonienne, l’expéditeur reproche au destinataire de ne pas l’avoir mis au courant de sa santé (šulmu) et de ne pas l’avoir averti (tukku) : « Et toi, jamais tu ne m’as écrit à propos de ta santé, jamais je n’ai entendu ton cri-tukku82 ! » Tukku désigne ici l’information et l’avertissement que l’on souhaitait recevoir. L’emploi du verbe šemû invite à le considérer comme un message sonore. Du cri d’alarme, on passe aisément à la notion de « nouvelles », bonnes ou alarmantes, voire de rumeur, comme c’est le cas dans les textes de Mari83.

43Quelques passages de la littérature évoquent ces avertissements sonores dans un contexte d’affrontement imminent. Le cri-tukku invite au combat, ou, s’il est entendu par l’adversaire, suscite la peur et incite à la fuite. Dans l’Épopée de Gilgameš, lorsque le roi d’Uruk et Enkidu sont en chemin pour aller affronter Humbaba dans la forêt des Cèdres, ils sont aidés par le dieu Šamaš. Le dieu a entendu leur prière et manifeste son soutien oralement. Sa parole les encourage au combat : « Šamaš entendit les mots de sa bouche et immédiatement, il ne cessait de crier un cri-tukku depuis le ciel : “Hâte-toi, affronte-le, ne le laisse pas entrer dans sa forêt”84. » Et lorsque Enkidu maudit la prostituée et le chasseur à la suite de son rêve funeste, le dieu Šamaš qui l’écoute manifeste sa réponse par un signal d’alarme (tukku) qui se répand dans l’immensité du ciel : « Šamaš entendit les mots de sa bouche et dans les mêmes termes, il ne cessait de pousser (šasû Gtan) un signal d’alarme-tukku depuis le ciel85

44Tukku annonce une déclaration ; il précède la parole articulée, un discours céleste qui encourage au combat ou met en garde. Dans la deuxième tablette du poème de la Création, l’Enūma eliš, les grands dieux Éa et Anu sont envoyés par Anšar pour aller affronter Tiamat, qui a pris les armes à la suite de la mort d’Apsû. Respectant les principes de la narration akkadienne, la scène est répétée à l’identique pour les deux divinités. Le dieu s’en va découvrir les plans de Tiamat ; en chemin, il est frappé de stupeur devant tant de puissance. C’est en entendant le cri que la déesse primordiale émet qu’il est saisi de peur et fait demi-tour : « Son cri-tukku ne diminuait pas, mais (au contraire) était dense (šaBû) contre moi ; je pris peur à sa voix (rigmu), je fis demi-tour86. » Elle exerce ainsi contre lui une menace écrasante et sans relâche qui le pousse à se mettre en garde avant de renoncer.

45Tout comme avec Šamaš dans l’Épopée de Gilgameš, le cri-tukku provient du ciel et est associé aux paroles articulées dans un présage oniromantique provenant du livre assyrien des rêves : « s’il entend fréquemment un cri d’appel-tukku et des paroles (dabābu) dans le ciel […]87. » Peut-on l’assimiler à un bruit réel, comme un cri d’oiseau ou un son atmosphérique ? Tukku désigne un fracas semblable au tonnerre dans les présages brontoscopiques88, mais, dans les tablettes enregistrant les noms d’oiseaux, les Birdcall Texts, tukku est le cri émis par la chouette, l’oiseau du dieu Éa : « la chouette est l’oiseau d’Éa ; elle ne cesse de crier : “tukku-tukku”. » Les sonorités lugubres du cri de la chouette mettent donc l’être humain en garde contre en danger89.

***

46À travers un vaste éventail de variations et de manifestations, la voix permet l’extériorisation de la colère. La palette acoustique offerte par la nature est suffisamment étendue pour offrir un large choix de référents métaphoriques et sensoriels pour décrire le cri de fureur et ses effets. C’est tout spécialement au combat que la fureur résonne avec une intensité parfois surhumaine, qui contribue à construire la puissance royale comme une force cosmique incontournable. Le monde animal et sauvage prête sa voix à la violence des bouleversements qui s’emparent d’un individu furieux ou conquérant, ces deux registres étant sans cesse imbriqués l’un dans l’autre. L’inarticulé et les sons stridents, désagréables, voire insupportables, traduisent un changement affectif lourd de conséquences, destructeur et créateur à la fois. Il n’y a pas de référents sonores fixes propres à une seule émotion et les métaphores peuvent aussi s’appliquer à des contextes de douleur intense. Les situations partagent cependant leur intensité et sans doute leur volume acoustique.

47L’enquête sur le son chemine donc avec une enquête sur les affects, et corollairement sur les rapports que l’homme établit avec son environnement et les êtres qui le composent. Les bruits que l’individu perçoit peuvent provenir de sa propre fureur ou d’une colère dont il est la cible. La colère divine peut s’abattre aveuglément sur tout le genre humain, comme dans les récits catastrophiques du Déluge, ou être de nature démoniaque et viser un être plus personnellement, le cri du démon étant à la fois signe de sa présence et manifestation de son attaque90. Les variations sonores sur le thème de la colère permettent ainsi de pénétrer dans l’imaginaire social des habitants de la Mésopotamie ancienne et de mieux comprendre la manière dont ils articulaient la dimension humaine et divine, l’environnement naturel et le milieu urbain, le centre et les périphéries, le kosmos et le chaos. C’est en cela qu’ils éclairent la dimension anthropologique de ces sociétés.

Notes de bas de page

1 M. Jaques, Le Vocabulaire des sentiments dans les textes sumériens, recherche sur le lexique sumérien et akkadien, Alter Orient und Altes Testament 332, Ugarit-Verlag, Münster, 2006, p. 111-112, no 252 (pour la distinction entre la haine (zêru) et la colère (ezzu) notamment dans les contextes guerriers) et p. 155 no 347. Sur la violence guerrière dans l’Épopée d’Erra, P. Machinist, « Rest and Violence in the Poem of Erra », Journal of the American Oriental Society 103 (1983), p. 224.

2 Pour le sumérien, nous renvoyons au chapitre correspondant dans M. Jaques, Le Vocabulaire des sentiments dans les textes sumériens, p. 85-122 et p. 155 et suiv.

3 C’est le cas notamment du grand dieu Enlil lorsqu’il subit le tapage de l’humanité dans le récit d’Atra-Hasīs Atra-Hasīs II, l. 352-360 (voir ici même en introduction, p. 22).

4 Cf. par exemple : Šurpu V-VI, l. 195 : ina ūmi annî kiṣir libbi ilīya u ištarīya lippaṭra « En ce jour, que la colère (litt. “le nœud du cœur”) de mon dieu et de ma déesse soit défaite ». On trouve également la traduction libbu ṣabru « cœur enflammé » (Sp TU III 67, ii l. 1-2) pour le sumérien ša3 zu2 kešda « cœur qui est noué par la dent (de la ceinture ?) », M. Jaques, Le Vocabulaire des sentiments dans les textes sumériens, p. 534, et p. 93-95 pour ša3-dab5.

5 ti-amat an-ni-ta i-na še-me-e-ša/i-zu-uz-ma il-ta-si e-lu har-me-ša/is-si-ma mar-ṣi-iš ug-gu-gat2 e-diš-ši-sa/le-mut-ta it-ta-di a-na kar-ši-ša (Enūma eliš I, l. 41-44).

6 ez-ze-et kab-t[a-as]-su la na-a-ha ka-ra-as3-su / e-li dE2. A b [u-uk]-ri-šu ša2-gi-ma-šu2 ustah-ha-ah (Enūma eliš II, l. 51-52).

7 Le terme (elītum) est vraisemblablement un substantif féminin issu de la racine elû « monter ». D’où la traduction du passage précédent par « haut perché » de la part de P. Talon, Enūma ēliš, The Standard Babylonian Creation Myth, the Neo-Assyrian Text Corpus Project, State Archives of Assyria Cuneiform Texts IV, Helsinki, 2005, p. 93.

8 is-si-ma ti-amat šit-mu-riš e-li-ta / šur-šiš ma-al-ma-liš it-ru-ra iš-da-a-šu2 (Enūma eliš IV, l. 89-90).

9 [rigi]mšu udanninamma kīma ūme š[eg]î ezziš elīya išassi (SAA III 32, r. l. 15).

10 i-te-eš-gu ananti hitb[uṣ ?] tuqunti isiqša uddûšim VAS X 214, iii, l. 15 ; cf. B. Groneberg, Lob der Istar, p. 89, no 15. Pour les chiens, voir Goetze, LE §56 A iv, l. 20. Pour Šumma ālu, voir CT 39 21, l. 157, idem en CT 39 33, l. 37.

11 KAR 43, r. l. 7-18 // KAR 63, r. l. 5-16 ; voir transcription en annexe.

12 Hymne Šarrat-Nippuri, ii l. 8, W. G. Lambert, « The Hymn of the Queen of Nippur », dans G. van Driel, Th. J. H. Krispijn, M. Stol et K. R. Veenhof (dir.), Zikir šumim, Assyriological Studies Presented to F. R. Kraus on the Occasion of his Seventieth Birthday, Brill, Leyde, 1982, p. 194.

13 ˹i-š˺e-em-me-e-ma te-es-li-ta-šu i ?-[…] / i-ni-ih-ki-im-ma aš-ra-ki i-š[e-i] / ba-ki i-gu-u2ri-ši-šum re-[e-ma-am] / ik-nu-uš-ma ir-mu-um pa-ni še-er-t[i-šu] / a-na gi-il-la-at i-pu-šu i-ša-a[s2-si-ki-im] (CBS 19842 = PBS 1/1, no 2, l. 35-37 = Prière à Anūna, l. 76-80 ; W. G. Lambert, « A Babylonian Prayer to Anūna », dans H. Behrens, D. Loding et M. T. Roth, Dumu-é-dub-ba-a, Studies in Honor of Ake Sjöberg, Occasional Publications of the Samuel Noah Kramer Fund 11, Philadelphie, 1989, p. 321-336).

14 [šumma awīlum] ina ṣalālišu šin[našu] ikaṣṣaṣ « Si un homme grince des dents pendant son sommeil » (VAT 7525 i, l. 41).

15 C’est ainsi que s’exprime la colère d’Ištar dans le poème d’Agušaya (époque paléo-babylonienne), iktanaṣṣaṣ limnišša « elle fulmine (contre) son ennemi » (RA 15, p. 176, ii l. 20). B. Groneberg, Lob der Istar : Gebet und Ritual an die altbabylonische Venusgöttin, « Tanatti Ištar », Cuneiform Monographs 8, Styx Publications, Groningen, 1997.

16 « Il fulminait, comme une tempête son éclat-surnaturel couvrit la montagne, il rugissait comme un lion, pris de courroux ; dans la fureur de son cœur, il criait au héros » ig-ṣu-uṣ ki-ma u4-mu me-lam-ma-šu2 K[UR-e ik-tum3] / ut-ta-’a-ar2 ki lab-bi le-qe2 uz-[za] / i-na ug-ga-ti ŠA3-šu2 il-sa-[a a-na qar-ra-du] / at-ta-ba-al-ma : la comparaison se trouve dans la version paléo-babylonienne (RA 35, p. 21, l. 42 et suiv.) et celle en babylonien standard (RA 48 p. 147, l. 37-40 = Anzû II, l. 37-40).

17 AO 6035, voir édition dans B. Groneberg, Lob der Istar, p. 22-54, pl. I-XXVI ; W. G. Lambert, AfO 46/47, p. 274-276 ; B. R. Foster, Before the Muses, an Anthology of Akkadian Literature, CDL Press, Bethesda, 20053, p. 281-285.

18 Grammaticalement, kiṣṣaṣ est une forme incorrecte ; B. Groneberg (dans Lob der Ištar, p. 42, no 54) suggère une forme substantive du thème Gt (infinitif *kitṣuṣum) avec une vocalisation inhabituelle en *kitṣaṣum.

19 Litt. « rend dense » (šubbû) : mušeppi nābihī (CH iv, l. 59). A. Finet, le Code de Hammurabi, Cerf, coll. « Littérature ancienne du Proche-Orient », Paris, 1993, p. 45.

20 ki-ma kal-bi na-ad-ri ša pu-luh-tu ra-mu-u2 e-til-liš at-tal-lak-ma la a-mu-ra mu-ni-ih-hu (TCL 3, l. 420).

21 ABL 403, l. 7. Voir A. L. Oppenheim, « Idiomatic Accadian », Journal of the American Oriental Society 61 (1941), p. 66, no 83. On retrouve un proverbe similaire en syriaque et en arabe. W. G. Lambert, Babylonian Wisdom Literature, Winona Lake, Eisenbrauns, 1996 (1re éd. 1969), p. 281.

22 iltammir kî nēši kî d Adad išag[gum] (CT 13 48, l. 2). Voir aussi LKA 62, l. 22 : iltamar kīma d Adad. Le verbe šamāru est employé dans les présages pour désigner un cheval qui se cabre ou hennit.

23 Ainsi dans une incantation à la déesse-fleuve l’invoque-t-on de la façon suivante : [šum2]-ri dID2 šum2-ri dID2 [dID2] ma-[x] šum2-ri-x kallat d[x] « Déchaîne-toi, Fleuve, Déchaîne-toi, Fleuve,… Déchaîne-toi x fiancée de X » (KAR 269 ii, l. 4-5). Dans le recueil Šumma ālu, il est évoqué le cas où les eaux du fleuve sont si turbulentes (šamāru) qu’elles érodent les rives (šumma nāru mûša išmurūma u kibirša ikkal, CT 39 19, l. 126).

24 ANŠE.KUR.RA ina […] ˹i˺-šam-mu-ru-ma a-ši-tum ip-par-ra-[ar/as …] « les chevaux seront-ils excités au point que les rênes lâcheront ? (K. 8623, l. 10 tamītu, cf. W. G. Lambert, Babylonian Oracle Questions, Mesopotamian Civilizations 13, Eisenbrauns, Winona Lake, 2008, p. 62-65, no 4b l. 39-40).

25 ina HUL MUŠ ša2 ina E2.MU GIM ANŠ[E].KUR.RA is-su-u iš-mu-ru « par le mal d’un serpent qui a crié / s’est cabré comme un cheval » (KAR 388, l. 11 ; cf. S. M. Maul, Zukunftbewältigung, eine Untersuchung altorientalischen Denkens anhand der babylonisch-assyrischen Löserituale (Namburbi), Baghdader Forschungen 18, Philipp von Zabern, Mayence, 1994, p. 474).

26 TCL 3, l. 144.

27 En ce sens, elle se distingue du sumérien šur2 qui est attribué de façon négative à l’ennemi ou à des démons, cf. M. Jaques, Le Vocabulaire des sentiments dans les textes sumériens, p. 88, no 207.

28 Lugale XI, l. 40 = 502.

29 AfO 13 p. 46, r. ii l. 2 ; J. G. Westenholz, Legends of the Kings of Akkade. The Texts, Mesopotamian Civilizations 7, Eisenbrauns, Winona Lake, 1997, texte no 12.

30 nadru = šegû ; nalbubu = nanduru ; ka-duh-hu-u = na-’-i-ru (Malku I, l. 75-77a). I. Hruša, Die akkadische Synonymenliste malku = šarru : eine Textedition mit Übersetzung und Kommentar, Alter Orient und Altes Testament 50, Ugarit-Verlag, Münster.

31 OIP II, p. 122, l. 27 et p. 09, vii l. 10.

32 Sur ce sujet, voir à la fin du présent volume l’appendice d’Ariane Thomas, conservatrice au musée du Louvre.

33 mul-UD-ka-du8-a = UD-mu na-’i-ri (5R 46 no 1, r. l. 43).

34 hul-ĝal2 igi huš-a me-lam2 za3-keš2 : lem-na ša2 pa-ni ez-zu me-lam-mu ki-iṣ-ṣu-r[u] / ud ka-du8-a še-ga nu-un-zu-a : u4-mu na-’-i-ri ša2 ma-ga-ri la i-d[u-u] (Utukku Lemnūtu VII, l. 30-31).

35 [gu3…] = [ri-i]g-mu-um ra-ap-šum / [g]u3-˹KA˺-AN-NI-SI = ˹ri-i˺g-mi iš-ta-ka-an / [g]u3-hul2-la = ri-ig4-im hi-e-du-u2-tim / [g]u3-mur-ak = qar-du-um / [gu3]-de2-de2 = gu2-di-id-du-u2 / [gu3-d]e2-a = na-bu-u2 / [gu3-ĝ]a2-ĝa2 = ri-ig-mu na-du-u2 (Kagal D, section 7, l. 4’-10’). Il s’agit d’une liste acrographique, où les mots sont rangés d’après leur signe initial, ici gu3. Nous retrouvons l’équivalence avec l’akkadien qardu dans une liste paléo-babylonienne Lu2 (lu2 gu3-mur-ak = qar-du-um ; OB Lu2-Azlag A l. 342). Pour gu3 mur, voir M. Civil, Journal of Near Eastern Studies 43 (1984), p. 294-295 ; J. Black, « Sumerian Noises : Ideophones in Context », dans W. Sallaberger, K. Volk et A. Zgoll (dir.), Literatur, Politik und Recht in Mesopotamien, Festschrift für Claus Wilcke, Orientalia Biblica et Christina 14, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 2003, p. 35-52, ici p. 47.

36 dUTU-ši-dIŠKUR LUGAL KALA.GA / LUGAL a-ka3-de3ki / ka-ši-id ki-ša-at / a-ia-bi-šu / LI.LI.IZ3 ZABAR / ša ri-gim-šu ṭa-bu / a-na si2-ma-at qar-ra-du-ti-šu / šu-lu-ku / u2-še-li (A.0.39.6, l. 6-14 ; voir D. Charpin, MARI 3, p. 44-45, p. 69 et p. 74 no 2).

37 A. R. George, The Babylonian Gilgamesh Epic, Introduction, Critical Edition, and Cuneiform Texts, Oxford University Press, Oxford, 2003, p. 820, no 241.

38 [ki-m]a li-li-su lu-u2 ša2-pu r[i-gim-ka] / [l]i-ṣi man-gu ša2 i-di-ka u lu-’-tu2 lit-ba-a [ina bir-ki-ka ?] (Gilgameš IV, l. 241 ; M. P. Streck, Die Bildersprache der akkadischen Epik, Alter Orient und Altes Testament 264, Ugarit-Verlag, Münster 1999, p. 74, no 44).

39 En A III/1, l. 9ff et A III/3, l. 15ff : u3 UD = gu-gu-u2, ši-si-tum, ik-kil-lu, pu-uh-pu-uh-hu-u (A III/3, l. 15ff). P. Attinger, Eléments de linguistique sumérienne : la construction de du11/e/di « dire », Orbis Biblicus et Orientalis. Sonderband 1, Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1993, no 2146, p. 737 : à la l. 18, puhpuhhû « combat, dispute » a probablement un sens dérivé de « cri (de guerre !) »), ces termes sont cités comme des traductions possibles d’(ik)killu évoquant respectivement la rage, la colère de quelqu’un, et la querelle, le combat (synonyme de ṣaltu : ṣalta pu-uh2-pu-uh2-ha-a immar (Kraus Texte 22 i 15) ; ṣaltu pu-uh-pu-hu-u GAR-nu-šu2 (Leichty Izbu IV l. 44).

40 « Sutéens et Sutéennes lançant des yarūrū… » (m su-ti-i su-ta-a-tu2 na-du-u ia-ru-ra-t[i] ; Erra IV, l. 54) ; terme onomatopéique dont témoigne le redoublement de la dernière consonne du radical.

41 mu-ša2-lil qabli (KAR 76, l. 14, avec duplicats en Ebeling, ArOr 21, p. 403, no 159 ; Iraq 12, p. 197).

42 Malku I, l. 25 ; voir aussi en LTBA 2 2, l. 39.

43 ASKT, p. 127, no 21, l. 41-44.

44 Forme taprust- au pluriel, abstrait du thème G ; GAG §56m, 28b. Le verbe nâqu « se plaindre, se lamenter » est attesté dans les textes en babylonien standard et en médio-babylonien. Il exprime une douleur physique et/ou morale, parfois associé à des contextes de deuil : a-a-ĝu10 na2-da i-lu ga-an-na-ab-du11 / ana abi ša nīlu lu-na-aq « Je vais me lamenter sur mon père qui est étendu » (SBH, p. 121, no 69, r. l. 20-21).

45 ta-nu-qa-ta = ṣa-al-tum, ta-ha-zu (LBAT no 1577, i l. 6-7 Enūma Anu Enlil), ou dans un texte hémérologique 5R 49 ix, l. 21, idem en 5R 48 iv, l. 12.

46 i-na šat mu-ši ki-ma šar-ra-qi2-iš nak-ri a-ha LU2.ha-[al-qu-ti ?…] / za-ma-nu-u2lem-nu-u2-ti su-ku-ku-u2-ti la še-mi-ia-ma eg-[ru-ti ?…] / a-na E2.ZI.DA u2-tir-mi E2.ZI.DA u3 BAR2.SIPA.K[I…] / iṣ-ba-tu-mi UGU URU u3 E2.KUR ri-ig-mi u3ši-s[i-ti] / iš-kun-u2-mi ip-pu-šu2ṣu-la-a-ti u3 E2mdAG-MU-[im-bi DUMU mAŠ-SUR] / LU2.GAR.UŠ4 BAR2.SIPA.KI i-na mu-ši-šu2-mi LU2.BAR2.SIPA.KI.MEŠ u LU2.x[…] / ša2a-na re-ṣu-ut a-ha-meš iz-zi-zu il-mu-u2-mi ina til-pa-na u ˹GIŠ˺x[… ul-tu li-la-a-ti] / a-di na-pa-hi dUTU-ši ip-pu-šu2ta-nu-qa-a-ti ul-tu li-l[a-a-ti] (B.6.14.2001, G. Frame, The Rulers of Babylonia, from the Second Dynasty of Isin to the End of the Assyrian Domination (1157-612 B.C.), Royal Inscriptions of Mesopotamia. Babylonian Periods Volume II, Toronto, University of Toronto Press, 1995, p. 125, col. IIa, l. 1-9).

47 CT 24 41, R. Litke, A Reconstruction of the Assyro-Babylonian God-Lists AN: d a-nu-um and AN: d Anu šá amēli, the Yale Babylonian Collection, New Haven, 1998, p. 235, l. 92-96.

48 À l’époque paléo-babylonienne, les rois se dotent d’épithètes guerrières qui les associent aux éléments naturels violents. Išme-Dagan dit que son assaut est comparable à un ouragan, un vent rageant dans sa furie (E4.1.4.8, l. 15, D. Frayne, Old Babylonian Period (2003-1595 B.C.), the Royal Inscriptions of Mesopotamia Early Periods volume IV, University of Toronto Press, Toronto, 1990, p. 37). Sin-Iddinam dit que, dans le ciel, il est le vent puissant dont le rugissement est signe d’abondance : on associe ici les qualificatifs du dieu de l’orage à la puissance royale ; tout comme Iškur / Adad, son cri (za-pa-aĝ2) suscite la terreur autour de lui (E4.2.9.15, l. 9-16, ibid., p. 177). Les épithètes associent son grondement à son éclat lumineux (me-lam2).

49 M.-G. Masetti-Rouault, « Conceptions de l’Autre en Mésopotamie ancienne : Barbarie et Différence, entre refus et intégration », Cahiers Kubaba VII, Barbares et civilisés dans l’antiquité, Paris, 2005, p. 121-141.

50 ša iddin ri-ig-ma-šu ina šamê kīma dIM u targub gabbi māti ištu ri-ig-mi-šu « qui donne sa voix (rigmu) dans le ciel comme Adad et tous les pays sont saisis de terreur à sa voix (rigmu) » (EA 147, l. 13-15).

51 qa-am za-a-a-ri mu-ul-ta-aš-gi-mu qa-bal ge-ri-šu « (il est) celui qui consume ses ennemis, celui qui fait rugir la bataille au milieu de ses ennemis » (A.0.77.1, l. 11-13, A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Third and Second Millenia BC to 1115, the Royal Inscriptions of Mesopotamia, the Assyrian Periods volume I, University of Toronto Press, Toronto, 1987, p. 182-183).

52 Voir bibliographie dans B. R. Foster, Before the Muses, an Anthology of Akkadian Literature, p. 317.

53 ši-si-it ti-ib-ki-šu2-nu a-na 1 DANNA.AM3 i-šag-gu-mu ki-ma d ad-di (TCL 3, l. 326).

54 H2 – OIP II, p. 41, v l. 7-10.

55 Bauer Asb. 2, p. 87, r. l. 6.

56 ina ša2-ga-me GAL.MEŠ NIG2.NAR-ma GIŠ.TUKUL.MEŠ šu-tak-ṣu-ru-te ša2 par-d[i]-iš i-ra-mu-m[u] / ˹i˺-zi-˹qa˺ im-hul-iš šam-ru-te « Par les grandes clameurs des tambours ? et des armes qui s’entrechoquent et grondent terriblement, il gronde tel un ouragan furieux » (A.0.104.2010, l. 15-16, A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Early First Millenium B.C. II (858-745), the Royal Inscriptions of Mesopotamia, Assyrian Periods 3/2, University of Toronto Press, Toronto, 1996, p. 233) relatent la campagne de Šamšī-ilu, haut fonctionnaire d’Adad-nārārī III (810-783 av. J.-C.).

57 šu-u2mdAMAR.UTU-IBILA-SUM.NA ša i-na a-lak ger-ri-ia / mah-re-e BAD5.BAD5-šu22-ku-nu-ma u2-par-ri-ru / el-lat-su ri-gim GIŠ.TUKUL.MEŠ-ia dan-nu-ti / u3ti-ib ME3-ia ez-zi e-dur2-ma / DINGIR.MEŠ ma-rak KUR-šu2i-na KI.TUŠ-šu2-nu id-ke-ma / qe2-reb GIŠ.MA2.MEŠ u2-šar-kib-ma (Sennacherib 022, iii l. 59-64. Base de données en ligne, http://oracc.museum.upenn.edu/rinap/rinap3/corpus/, consultée le 6 mai 2015).

58 « Les habitants des villes Hilmu, Pillati, Dummuqu, Sulai, Lahira, Dibirīna entendirent (išmû) ma puissante offensive militaire que j’entreprenais contre le pays d’Elam » (Streck, Asb., Annalen, p. 43, col iv, l. 116-118).

59 mim-mu-u2 še-e-ri ina na-ma-ri / i-lam-ma iš-tu i-šid AN-e ur-pa-tum ṣa-lim-tum / dIŠKUR ina lib3-bi-ša2 ir-tam-ma-am-ma « Dans la première lueur du matin, un nuage noir entoura depuis l’horizon, Adad grondait à l’intérieur » (Gilgameš XI l. 97-99).

60 GIM dIŠKUR / ša2-gi-mi UGU-šu2-nu aš2-gum(*) pul2-hi me-lam-me / UGU-šu2-nu at-bu-uk (A.0.103.1, iii, l. 69-70a, A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Early First Millenium B.C. II (858-745), p. 187).

61 ina2 u4-me la-am dUTU na-pa-hi GIM dIŠKUR ša2 GIR3.BAL UGU-šu2-nu aš2-gu-um nab-lu UGU-šu2-nu u2-ša2-za-nin « Le deuxième jour, avant le lever du soleil, je me mis à rugir sur eux comme Adad-de-la-dévastation ; je fis pleuvoir les flammes sur eux » (A.0.101.1, col. ii l. 106, A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Early First Millenium BC I (1115-859), the Royal Inscriptions of Mesopotamia, Assyrian Periods volume II, University of Toronto Press, Toronto, 1991, p. 210).

62 A.0.78.1, ii l. 18-20 et iii, l. 28 (A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Third and Second Millenia BC to 1115, p. 234-236).

63 dIŠKUR gaš-ru DUMU d A-nim qar-du ri-gim-šu2 gal-tu UGU-šu2-nu id-di-ma ina ur-pat ri-ih-ṣi u3 NA4 AN-e u2-qat-ti re-e-ha (TCL 3, l. 147).

64 E. Leichty, The Royal Inscriptions of Esarhaddon, King of Assyria (680-669 BC), The Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period Volume IV, Eisenbrauns, Winona Lake, 2011, p. 54, col. ii’, l. 18’.

65 mGIŠ.tukul-ti-IBILA-e2-šar2-ra nab-lu ha-am-ṭu / šu-zu-zu a-bu-ub tam-ha-ri (A.0.87.1, v, l. 42-43, A. K. Grayson, Assyrian Rulers of the Early First Millenium BC I (1115-859), p. 23).

66 ez-zu la pa-du-u2 ša2 ti-bu-šu2 a-bu-bu (A.0.101.1, l. 7, ibid., p. 194).

67 kīma imbari katāmu (Streck, Asb., p. 122, Cyl. B, vi, l. 14-15).

68 Enūma eliš IV, l. 35-60.

69 [UGU] URU šu-a-ti ri-gim um-ma-ni-ia gal-tu ki-ma dIM u2-ša2-aš2-gi-im-ma a-ši-bu-u[t…] / UN.MEŠ-šu2lu2 ši-i-bufši-ib-tu UGU UR3.MEŠ E2.MEŠ-šu-nu e-lu-ma ṣar-piš i-ba-ku-[u2…] (TCL 3, l. 343-344).

70 W. G. Lambert, Babylonian Oracle Questions, p. 147-148 : « dismay? from confusion and panic within this city. »

71 la i-ša2-ka-nu ri-ig-ma hi-is-pat te-še-e / u gaba-rah-hi ina ŠA3 IRI NE la GAR-nu / ša2-ag-gu-mu-ta la u2-šal-la-ku-šu2-nu-ti / ti-la-niš la u2-šem-mu-šu2-nu-ti (IM 67692, l. 74-76 ; ibid., pl. 4).

72 Par exemple : mim-mu-u2 ik-pu-du pu-uh-ru-uš-šun / a-na DINGIR.DINGIR bu-uk-ri-šu-nu uš-tan-nu-ni / iš-mu-nim-ma DINGIR.DINGIR i-dul-lu / qu-lu iṣ-ba-tu ša2-qu-um-meš uš-bu « Tout ce que leur assemblée avait projeté on le répéta aux dieux leurs enfants. En entendant cela, les dieux s’agitèrent. Puis, le silence les ayant saisis, ils demeurèrent consternés » (Enūma eliš I, l. 55-58 ; voir aussi Enūma eliš II, l. 5-8).

73 Erra II, c l. 45’ et Erra III a. l. 17-18.

74 J.-M. Aynard, Le Prisme du Louvre AO 19.939, Honoré Champion, Paris, 1957 ; R. Borger, Beiträge zum Inschriftenwerk Assurbanipals : die Prismenklassen A, B, C = K, D, E, F, G, H, J und T sowie andere Inschriften, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1996, p. 56.

75 Voir l’exemple plus haut.

76 Bien attestée dans les autres langues sémitiques, nagāru est une forme I-n onomatopéique « faire q / gur », reproduisant le son q / gr. Voir O. Leslau, Comparative Dictionary of Ge‘ez (classical Ethiopic) : Ge‘ez-English/English-Ge‘ez with an Index of the Semitic Roots, O. Harrassowitz, Wiesbaden, 1991, p. 392.

77 [qi2-b]a-ma-mi li-i[s-s]u-u2 na-gi-ru / ri-[ig]-ma li-[še]-eb-bu-˹u2 i-na ma-tim˺ / e t[a]-ap-la-ha ˹i˺-li-ku-un / e tu-[sa]-al-li-a [i]š-ta-ar-ku-un (Atra-Hasīs I, l. 376-379 ; W. G. Lambert et A. R. Millard, Atra-Hasīs, the Babylonian Story of the Flood, Eisenbrauns, Winona Lake, 1999 [1re éd. 1969], p. 68).

78 zi dhendur-saĝ-ĝa2 niĝir sila-a sig3-ga-ke4 : niš d i-šum na-gir su-qi2 ša2-qu-um-mi lu ta-ma-ta5 (sum. « (Serment de Sīn seigneur) Serment d’Išum le héraut des rues silencieuses ») (Utukkū Lemnūtu V, l. 163).

79 J.-R. Kupper, « Notes lexicographiques », Revue d’assyriologie 45 (1951), p. 120-130.

80 ultu šamê ša d Anu tukki addiku ina qabal mūšiti / aššiku gizilê qanê MEŠ birūti (AfO 14 (1941-1944), p. 142, l. 41-42).

81 Dans les listes lexicales, il est l’équivalent akkadien de termes sumériens de manifestations vocales fortes comme le cri de guerre gu3-ra(h) ou akkil « la clameur (de deuil) » et peut être cité en groupe avec d’autres termes akkadiens désignant des cris puissants (de douleur ou de colère, comme tanūqātu ou ikkillu) : gu3-ra-ah = tu-uk-ku[m] (Sag Bil. A iv l. 7) ; [ki-il] [GAD.TAK4]= tuk-ku A III / 1 l. 9, cf. EA III l. 3 ; ki-il = tuk-ku, ˹ki˺-il-du11-ga, gu3-dub2 = tuk-[ku] Nabnitu B l. 217-219 ; ki-il= tuk-ku (avec tanūqātu, ikkillu) Antagal B l. 213. Dans la liste Nabnītu, après tukku sont traités des substantifs et verbes sonores particulièrement forts comme rimmu et ramāmu (le grondement de tonnerre), mais aussi nagāgu (« bêler »), ou encore habābu.

82 at-ti ma-ti-ma / [š]u-lum-ki u2-ul ta ! -aš-p[u-ri-im] / ma-ti-ma tu-uk-k[a-ki] / u2-ul eš-me-ma (PBS VII, no 14, l. 11-14 ; M. Stol, Letters from Collections in Philadelphia, Chicago, and Berkeley, Altbabylonische Briefe in Umschrift und Übersetzung 11, Brill, Leyde, 1986, p. 8.

83 Cf. ARM II 39, l. 40 ; ARM II 130, l. 10.

84 [dUTU] iš-me-ma zi-kir pi-˹i˺-[šu2] / [ul-tu ul-l]a-nu-um-ma tuk-ku u[l-tu AN-e il-ta-na-sa-aš2-šu2] / [ur-r] i-ih i-ziz-za-aš2-šu2 la ir-r[u-ub ana GIŠ.TIR-šu2] (Gilgameš IV, l. 194-196).

85 dUTU iš-ma-a [zi-ki] r pi-i-šu2 / ul-tu ul-la-nu-um-ma t [uk-ku ul-t] u AN-e il-ta-na-saaš2-šu2 (Gilgameš VII, l. 132-133).

86 la na-ši-ir tuk-ka-ša še-ba-am-[ma] / a-du-ur-ma ri-ig-ma-ša a-tu-ra ar-ki-iš (Enūma eliš II, l. 89-90 et l. 113-114). šebam doit être une forme stative de šebû / šapû avec le – am du ventif. F. N. H. Al-Rawi, A. R. George, « tablets from the Sippar Library. II. Tablet II of the Babylonian Creation Epic », Iraq 52 (1990), p. 149-157 : traduction du vers 89 et 113, p. 155 : « Her battle-cry did not lessen but was so loud against me. » voir aussi B. R. Foster, Before the Muses, an Anthology of Akkadian Literature, p. 449 : « Her challenge was not reduced, it was so loud (?) against me, I became afraid at her clamor, I turned back. »

87 DIŠ ina AN-e tuk-ki da-ba-bi iš-te-nim-me (A. L. Oppenheim, The Interpretation of Dreams in the Ancient Near East: with a Translation of an Assyrian Dream-Book, transaction of the American Philosophical Society, Philadelphie, 1956, p. 327, i l. 69, p. 328, r. i l. 8).

88 ACh Adad 33, l. 10.

89 qadû iṣṣūr Ea tukku tukku ištanassi (KAR 125, l. 9 et l. 15) ; la réduplication du syntagme ainsi que l’allitération en –tuk suggèrent ici le principe onomatopéique visant à retranscrire le cri de l’oiseau nocturne : il est perçu comme un cri inquiétant voire funèbre. Cf. J.-R. Kupper, « Notes lexicographiques », p. 125. Voir la présentation des Birdcall Texts, ici même, p. 69.

90 Pour la différence entre la colère démoniaque et la colère divine, on renverra à A.-C. Rendu Loisel, « Gods, Demons, and Anger in the Akkadian Literature », Studi e Materiali di Storia delle Religioni 77/2011 (2011), p. 323-332.

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