Chapitre premier. Entendre et interpréter les sons
Les paysages sonores de l’ancienne Mésopotamie
p. 29-49
Texte intégral
Son et divination
1Produits par des entités inanimées comme les objets, les bâtiments, ou des êtres animés (animaux, êtres humains ou divins…), les bruits intriguent celui qui les écoute. Dans l’ancienne Mésopotamie, l’homme les a notés, décrits et mis par écrit car il les a perçus comme significatifs et porteurs de messages. Émis à tout moment et libres de toute intervention humaine, les sons fascinent et deviennent des expressions de la volonté divine. Le corpus des textes divinatoires offre peut-être l’aperçu le plus éclairant de l’intérêt porté aux bruits et des réactions de l’homme face à la phonosphère, le « paysage sonore » tel que l’a défini le musicologue Raymond Murray Schafer1. La divination est un élément majeur de la vie religieuse, politique et sociale de nombreuses sociétés dans l’Antiquité. Son but n’est pas seulement de permettre aux hommes de prédire l’avenir2. Certaines pratiques et observations cherchent par exemple à comprendre la personnalité actuelle d’un individu ou à expliquer un événement passé ; c’est ce qui s’est passé pour le roi assyrien Sennachérib (704-681 av. J.-C.), qui sonda par ce biais les raisons de la mort brutale de son père, Sargon II, dont la dépouille a été abandonnée sans sépulture sur le champ de bataille3.
2La divination s’est développée à travers de multiples techniques, populaires ou officielles. Reposant sur l’observation scrupuleuse de l’environnement, la divination dite déductive est celle qui a probablement laissé le plus de témoignages écrits. La nature est le lieu où s’inscrivent les décisions divines : en déchiffrant des signes, l’homme prétend non seulement prédire son avenir, mais aussi lire et comprendre l’organisation du monde, à la manière des pictogrammes inscrits sur une tablette4. Les devins mésopotamiens ont structuré leurs savoirs en listes thématiques, les organisant en séries, dans un processus qui remonte au moins à l’époque paléo-babylonienne (vers le xviiie siècle av. J.-C.). Les présages sont énoncés selon une formulation fixe, caractéristique des listes divinatoires et des codes de lois : la protase, annoncée par šumma « si… » (le plus souvent écrit de façon sténographique, avec le logogramme DIŠ ou BE) contient le ou les signes à analyser, tandis que l’apodose, contenant l’interprétation, développe la conclusion qui en découle (« alors… »). Il s’agit d’une formule logique et descriptive. Les devins mettent en présence un signe et une possibilité ; le signe annonce ce qui est susceptible de se produire. Les devins lient ainsi les événements de la société humaine (sur le plan religieux, politique et social) à une trace, qu’ils analysent comme un signe d’écriture qu’il leur faut déchiffrer et comprendre. Tout ce savoir divinatoire est de type spéculatif et énumératif, les devins ne cessant d’interroger les frontières du vraisemblable et de l’impossible, jouant sur les mots, les sons, les sens, et sur les signes, tant ceux du réel que ceux de l’écriture cunéiforme. Les séries divinatoires sont une production intellectuelle qui se dégage de la pratique, élaborées par des savants qui cherchent à donner du sens et à sculpter le réel.
3La divination repose sur une science de l’observation – et de l’écoute – d’un signe. Elle est basée sur une logique qui règle l’énumération des présages, suivant des critères d’association, d’opposition (l’opposition gauche-droite étant la plus fréquente) ou en jouant sur la dichotomie entre le signe et son interprétation (éloignement-proximité, joie-malheur, assonance…)5. Dans ce cadre, si tout est à même de porter le message divin, le paysage sonore constitue aussi un répertoire de signes à analyser : mugissement d’un bœuf, coup de tonnerre, ou encore parole entendue fortuitement. Avec ces listes de présages, c’est tout un pan du monde sensible quotidien de l’ancienne Mésopotamie qui peut être reconstruit : quels sont les bruits que l’on remarquait ? Quelles étaient leurs significations ? Comment les décrivait-on ? Quelles interprétations en donnait-on ? Ces présages sonores illustrent les diverses tentatives de transcrire et comprendre un son pour en tirer des conséquences, propres à l’individu, au roi ou au pays. Le bruit y est décrit méthodiquement dans des énumérations qui exposent avec précision les conditions d’avènement, réelles ou imaginaires, d’un présage ; les circonstances doivent être pleinement circonscrites pour en saisir toutes les conséquences éventuelles et comprendre le mécanisme causal sous-jacent. Présage après présage, les situations potentielles se succèdent dans une énumération où la variabilité porte parfois sur un seul facteur. Les situations changent grâce à l’emploi de différents verbes (ou d’un même verbe décliné sous différents thèmes grammaticaux), et sont explicitées par l’ajout d’un adjectif ou d’un adverbe, l’emploi de métaphores, de compléments de lieu, la présence de tel ou tel agent… tous ces éléments interfèrent et participent à la création d’une nouvelle conjoncture divinatoire aboutissant à l’apodose, l’interprétation du signe.
4Dans certaines listes de présages, une place importante est accordée aux bruits caractéristiques de l’environnement et de la vie quotidienne (grincement d’objet en bois par exemple, ou ceux émis par les animaux, avec leurs timbres et leurs mélodies variés). Ces présages sonores du quotidien et de l’imaginaire sont dispersés dans différents corpus divinatoires, principalement la série Šumma ālu, complétée par des passages d’autres recueils, comme les commentaires ou les traités médicaux.
5Šumma ālu ina mēlē šakin, « si une ville est installée sur les hauteurs », est un recueil de présages de la vie quotidienne. Selon la tradition mésopotamienne, le titre d’une œuvre ou d’une série correspond à ses mots d’ouverture, son incipit ; ici, il s’agit de la protase du premier présage de la première tablette. Comme pour les autres recueils de divination, Šumma ālu est le fruit d’une longue histoire qui remonte au moins à l’époque paléo-babylonienne (xviiie siècle av. J.-C.)6. Vers le milieu du viie siècle av. J.-C., la série est compilée, standardisée et organisée sur plus d’une centaine de tablettes. C’est la version retrouvée à Ninive, l’actuelle Kuyunjik, dans le nord de l’Irak, non loin de Mossoul, dans la bibliothèque du roi néo-assyrien Assurbanipal. Des présages de ce type sont attestés dans les régions périphériques comme Sultantepe, Suse ou la capitale hittite Hattuša. Quelques versions en néo-babylonien témoignent de la continuité de la tradition, et ceci jusqu’au ive siècle av. J.-C.7.
6La version standardisée8, celle de Ninive du viie siècle, est, de loin, la mieux connue. Les présages sont répartis en listes suivant le signe analysé, et l’ensemble des tablettes suit un ordre spécifique indiqué par les colophons. La série analyse tout d’abord la ville avant de se centrer sur la maison d’un individu, la façon dont elle est construite et ce qu’elle contient. La série s’intéresse ensuite aux animaux que peut croiser l’individu (tablettes 1-21), tant ceux qui proviennent de l’univers domestique que les bêtes sauvages qui peuplent la steppe (tablettes 22-49). La seconde moitié de la série, moins bien conservée, traite vraisemblablement de divers comportements humains.
7La succession des tablettes entre elles suit un schéma logique. Le traité commence par le centre de la vie (la ville/la maison) pour s’étendre vers la périphérie (les animaux sauvages de la steppe). On termine par le déchiffrement des signes liés aux oiseaux dans le ciel car il s’agit des limites du monde, de l’environnement humain potentiellement accessible. Le traité interroge la perméabilité des frontières entre les espaces ; la présence d’un animal sauvage au cœur de la ville est par exemple un signe hautement significatif. La dernière section porte sur l’homme : l’observateur passe au statut de sujet d’observation, dans ses rapports intimes ou familiaux. Là encore, les devins interrogent les interactions de l’homme avec ses différents environnements. Les apodoses, les interprétations, ne portent généralement pas sur le roi ou le devenir du pays, mais concernent l’individu et l’ensemble de sa maisonnée9.
8Les sujets abordés par les présages de la série sont très hétérogènes : l’observation d’une ville (bâtie sur les hauteurs, dans la plaine…) ; les démons présents dans les maisons ; le comportement animalier (oiseaux, scorpions, chiens…) ; l’apparence d’un feu, etc. Les présages peuvent se produire en différents endroits de la ville, à l’intérieur d’une maison, mais aussi, comme c’est le cas avec les démons, à la porte des demeures. La variété des présages nous apporte des renseignements de premier ordre sur la structure des villes, la construction des maisons, les matériaux utilisés, les relations personnelles entre l’individu et son ou ses dieux, le bestiaire peuplant les zones marécageuses des bords du tigre et de l’Euphrate, ou vivant dans les villes et les campagnes… La majeure partie des aspects sonores et des comportements de la vie quotidienne que l’on pourrait qualifier de « bruyants » sont ainsi transcrits, décrits et interprétés.
9Chaque tablette de la série rassemble des présages autour d’une même thématique principale. Dans ce système classificatoire, la dimension sonore n’apparaît pas comme un critère déterminant. Il n’y a pas, dans la version « canonique », de tablette consacrée uniquement au son entendu dans la rue, dans la maison ou ailleurs, hormis la liste consacrée à la révélation sonore egirrû ; nous y reviendrons. Le plus souvent, le signe sonore n’est qu’un présage parmi d’autres. Seuls font exception les oiseaux et leurs chants, qui ont suscité un intérêt particulier ; si le cri animal reste un signe omineux secondaire, il a cependant paru nécessaire de combler cette lacune, au moins pour le croassement, qui, comme nous le verrons, est le thème principal d’une tablette annexée à la grande série.
10Grâce aux sources divinatoires, les sons se laissent approcher dans ce qu’ils évoquent de plus étonnant pour l’homme ; les associations d’idées et les métaphores donnent aux bruits disparus une réalité bien vivante, presque audible, et révélatrice d’un système complexe de significations. En explorant le vocabulaire présent dans ces listes omineuses, c’est tout l’horizon sonore quotidien de cette lointaine civilisation qui peut être reconstitué, comme si les chants de la nature qui ont jadis fasciné, intrigué, voire effrayé pouvaient être à nouveau entendus.
Paysage sonore et description d’un signe
Identifier un son : énumération, variation, comparaisons
11Dans ces listes, la première difficulté pour le chercheur contemporain est de parvenir à identifier et d’apprécier la nature sonore d’un présage. Le présage sonore est le plus souvent décrit au moyen du verbe šasû « crier » ou de l’expression GU3/ rigim-šu2 nadû « jeter, lancer sa voix », qu’il s’agisse d’entités inanimées comme les objets du mobilier, les bâtiments, ou d’entités animées, telles que les animaux domestiques, sauvages, les démons ou les événements météorologiques. L’étendue du domaine sonore représenté par ces deux expressions est exceptionnellement variée et vaste, invitant à en faire des descriptions du son neutre, l’émission habituellement entendue. Le sujet est à chaque fois l’animal (ou la chose), objet principal de la tablette en question.
12Les présages sonores sont répartis dans l’ensemble des tablettes de la série Šumma ālu, intégrés aux autres phénomènes analysés au cœur d’une thématique spécifique (maison, insecte, mammifère, oiseau…). Cependant, et conformément à la logique régissant les séries divinatoires en Mésopotamie ancienne, les présages ne sont pas répartis aléatoirement sur une tablette mais sont organisés de façon verticale, les uns par rapport aux autres. Et certains groupes de présages concernent directement le son (ou un cri d’animal). La variation des présages porte sur les différents verbes, notant ainsi des nuances sonores ; la présence du verbe šasû « crier » dans un des présages peut aider à déterminer la nature sensible du paragraphe des présages. Ci-dessous, une succession de présages sonores entendus dans la maison d’un particulier, tels qu’ils se présentent sur la tablette :
Si la maison d’un homme parle (dabābu), […]
Si la maison d’un homme ne cesse de crier (šasû Gtan) : dispersion de la maison.
Si la maison d’un homme gronde (ramāmu) [ : dispersion de la maison].
Si la maison d’un homme rugit (šagāmu) [ : dispersion de la maison].
Si la maison d’un homme se plaint (ragāmu) [ : dispersion de la maison].
Si la maison comme une timbale-lilissu crie sans cesse (šasû Gtan) [ : dispersion de la maison]10.
13Les verbes sonores peuvent alterner parfois avec d’autres qui a priori ne le sont pas ; l’association se fait certainement sur un autre plan. Dans l’exemple qui suit, le verbe šebēru « casser » pourrait évoquer le bruit produit par un objet que l’on brise (un pot en céramique, un objet en bois, un os ou autre partie du corps…) :
Si un lit dans la maison d’un homme crie (šasû), […].
Si un lit dans la maison d’un homme se casse (šebēru), […].
Si un siège dans la maison d’un homme crie (šasû), […].
Si un siège dans la maison d’un homme grince (nazāqu), […]
Si un siège dans la maison d’un homme se casse (šebēru), […]11.
14Quelques onomatopées sont transcrites dans les présages. Relevant du domaine des interjections, elles renvoient au discours direct et toujours en lien avec un verbe de production sonore (comme šasû « crier »). Mais contrairement aux interjections, elles constituent des hapax et demeurent incompréhensibles, dans la mesure où l’on ne peut les rapprocher d’un terme ou d’une racine connue. C’est le cas de la tablette annexe à la série Šumma ālu, et qui porte sur le cri du corbeau :
Si idem (= un corbeau) est perché sur le toit de la maison d’un homme et crie (šasû) « maluna ! », « su.ud ! », ou de façon plaintive (ṣarhiš), une mauvaise affaire se lèvera ou sortira pour lui12.
15Les formes onomatopéiques sont séparées sur cette tablette de façon graphique par deux têtes de clous superposées, faisant de ces séquences des variations sonores ayant la même conséquence divinatoire. Plusieurs sons, une même signification omineuse. Ce passage illustre la difficulté de transcrire et de codifier un cri comme le croassement. Si les deux premiers cris restent intraduisibles, la juxtaposition de l’adverbe ṣarhiš « plaintivement » décrit la qualité sonore du cri de l’oiseau. Par rapport aux termes onomatopéiques, il ne s’agit plus de traduire ce que l’on entend, mais déjà de transcrire les impressions ressenties.
16Des comparaisons (introduites par kīma/GIM « comme ») précisent fréquemment le champ sémantique sonore concerné par un verbe. Ainsi, dans le passage suivant, le miaulement est-il comparé à toutes sortes de cris d’animaux :
Si un chat aboie (nabāhu) comme un chien dans la maison d’un homme, ce pays […].
Si un chat grogne (nazāzu) comme un cochon dans la maison d’un homme, dans ce pays, une femme exercera la royauté.
Si un chat brait (nagāgu) comme un âne dans la maison d’un homme, le roi […]13.
17Le miaulement est associé successivement à un aboiement, un grognement de cochon ou un braiement. La comparaison précise le champ sonore de la forme verbale, avec un vocabulaire proprement technique et spécifique au son (nabāhu « aboyer », nazāzu « grogner », nagāgu « braire »).
18Présage après présage, bruits et cris se distinguent et témoignent des réalités sonores de la vie quotidienne. Les phénomènes météorologiques et les animaux dans toute leur diversité (chien, chat, animal domestique, oiseau, insecte) ne sont pas les seuls à « crier » ; les démons et les fantômes le font aussi, de même que les entités inanimées comme les objets en bois, le mobilier (la porte, le lit, le siège) ou les éléments composant la maison. Le vocabulaire employé est aussi varié que la palette sonore est large, allant du bourdonnement (hawû) au rugissement (šagāmu), en passant par le sifflement (hazû), le murmure de l’eau (habābu), le grondement (ramāmu), etc.
Écrire un son : les formes onomatopéiques en akkadien
19Pour décrire le paysage sonore, la langue akkadienne a recours fréquemment aux principes onomatopéiques ; un mot peut être employé pour imiter ou suggérer phonétiquement le son qu’il transcrit. C’est le cas des formes dites mediae-geminatae (ou PaSāSu), reposant sur une réduplication de la dernière consonne de la racine ou les formes à première consonne –n. Pour ces dernières, la première consonne n jouerait le rôle de verbe auxiliaire (« faire… ») tout en créant une racine à trois consonnes14 : par exemple, le verbe našāqu « embrasser » est à comprendre comme « faire (le son) šiq », syllabe reproduisant le bruit d’un baiser ; nabāhu « aboyer » comme « faire buh » (la syllabe buh étant une façon de transcrire onomatopéiquement un aboiement) ; napāhu « faire puh » signifie « éclater, embraser » ; nakāsu « faire kis » pour « couper » ; natāku « faire tuk » pour « goutter, couler, tomber goutte à goutte ». À cette liste, on peut à présent ajouter : nabāzu « bêler » (« faire buz ») ; nazāqu « grincer (en parlant du bois) » (« faire ziq ») ; nagāru « avertir, proclamer » (« faire g/qur »).
20Les formes qui redoublent15 leur dernière consonne (damāmu, gaṣāṣu…) ne sont pas spécifiques au phénomène sonore, mais à tout ce qui est expressif, intensif et répétitif16 : dabābu « parler, s’entretenir » décrit une communication verbale, articulée et entretenue avec un autre (voire « avec soi-même » dans le cadre de l’expression ana libbi dabābu) ; le redoublement évoque ainsi l’abondance et le débit de paroles caractéristique des discussions. Certains domaines peuvent être liés, comme le bruit et le mouvement. La répétition d’un phonème (syllabe entière ou non) crée une allitération ou une assonance qui reproduit le son ou l’impression dans la langue parlée et écrite. C’est le cas des verbes comme damāmu « gémir » ou gaṣāṣu « grincer (des dents) ». Dans le premier cas, le redoublement crée une allitération en –m qui reproduit le son du gémissement de douleur, en particulier en littérature avec l’expression de détresse kīma summi/summati damāmu, littéralement « se lamenter comme une colombe17 ». Pour gaṣāṣu, la forme avec les deux –ṣ reproduit le son strident, métallique et désagréable, caractéristique du frottement de deux objets durs l’un contre l’autre (comme le grincement de dents).
21Avec ces formes onomatopéiques, il ne s’agit pas seulement pour le locuteur d’imiter le monde sonore environnant, mais déjà de l’interpréter, et de lexicaliser son impression, de transformer en mot ce qu’il ressent à l’écoute de tels sons. Les sons font partie intégrante de l’analyse de la communication affective et de l’expression des émotions. Motivées, non arbitraires car imitatives, les constructions onomatopéiques sont basées sur un lien analogique entre la forme phonique et le sens qu’elles véhiculent.
Un mot, plusieurs réalités sonores ?
22Outre le peu d’attestations du vocabulaire sonore akkadien, une des difficultés que le chercheur rencontre lorsqu’il analyse les termes décrivant les phénomènes sonores est qu’un verbe est rarement employé pour une production sonore spécifique et exclusive. Et si l’on regarde attentivement les emplois dans d’autres types de textes, en particulier dans la littérature, les domaines sonores se confondent et ne concernent pas forcément les sons décrits dans la divination. Ainsi le verbe nagāgu désigne-t-il généralement le cri de l’âne (kīma imēri nagāgu « braire comme un âne »), mais aussi, quoique moins fréquemment, un mugissement, un hennissement, ou un bêlement. Dans des textes littéraires bilingues, il exprime la dimension vocale et sonore de la douleur, comparée à un mugissement : « Il se lamente comme une colombe, étant dans l’angoisse nuit et jour. À son dieu le miséricordieux, il meugle comme une vache18. » Dans un texte littéraire d’époque paléo-babylonienne, nagāgu évoque les cris poussés par l’agneau lorsqu’il est séparé de sa mère19. La métaphore témoigne de façon poignante et dramatique du désespoir de l’individu.
23Le verbe lebû traduit le cri produit par différents animaux dans la série de présages Šumma ālu (le chat, le serpent, le cochon, le bœuf, le chien) ou encore le bruit produit par une maison. Dans les traités médicaux, lebû désigne le bruit produit par des gaz (šāru) dans les intestins, peut-être le gargouillement, mais aussi les pleurs et plaintes particulières d’un nourrisson ou d’un malade. En littérature, ce terme évoque la douleur. Le rapprochement avec les textes médicaux suggère un son douloureux ou désagréable à entendre. Un commentaire de Šumma ālu interprète, non sans jeu de mots, la colère (libbatu) comme étant une forme du verbe lebû20. Il s’agit en tout cas d’un cri puissant qui peut être associé, probablement par homophonie, au rugissement du lion (labbu). On joue ainsi sur les assonances des mots pour rapprocher et confondre leurs significations respectives. La clé du système de signification ne se situe probablement pas dans la simple équation mot = son, mais dans une autre dimension, complexe, multiforme et polysensorielle, faisant intervenir des notions de timbre, d’intensité, de vibration, et d’impression ressentie.
Quels sons pour quelles significations ? Au-delà du bruit, le message divin
24En s’intéressant au paysage sonore, on cherche un peu – même sans le vouloir – à retrouver une part de la réalité quotidienne d’une société lointaine et disparue. Parce qu’il sollicite le corps, le son apparaît comme une donnée concrète sur l’expérience sensible de chacun. C’est bien l’individu dans son être physique et affectif que l’on cherche à rejoindre. Et pourtant, les sources divinatoires ne nous permettent d’aborder que les sons qui devenaient significatifs dans certaines conditions ; ils fonctionnent comme un filtre en somme. Difficile donc de savoir ce que l’on entendait en temps normal dans les rues de Babylone, dans le palais ou dans la maison d’un individu. Si un son est noté dans un cadre divinatoire, c’est qu’il surprend – même positivement – et qu’il vient troubler l’ordre habituel des choses. Mais ceci n’empêche nullement le quotidien d’avoir été bruyant par nature ; d’où les dieux qui aspirent au repos et au calme dans les textes littéraires.
25Un grand nombre d’apodoses nous manque. Il est alors difficile de définir la logique qui sous-tend l’interprétation des présages. La série Šumma ālu porte le plus souvent sur le devenir de l’individu et des membres de sa famille. Les règles d’interprétation reprennent en général les principes de la divination mésopotamienne, comme l’opposition droite-gauche ou les nombres pairs-impairs (la droite et les chiffres pairs étant positifs). Lorsqu’elles sont conservées, les apodoses sont, pour la plupart d’entre elles, porteuses d’un message funeste : maladie, destruction de la maison, etc.
26Ce sont surtout les sons produits par la nature qui ont fasciné, qu’il s’agisse des phénomènes atmosphériques, comme le tonnerre, ou des cris des animaux, surtout ceux qui peuplaient la vie quotidienne (oiseau, mouton, brebis, chat, chien, cochon, bœuf, serpent, âne, cheval, insecte, lion). La maison d’un particulier peut aussi produire des bruits auxquels il faut être attentif, tout comme les cris du nourrisson ou encore le feuillage d’un arbre sous l’effet du vent. Les significations sont aussi nombreuses que les bruits analysés sont variés. Dans cette immensité sonore, quelques clés d’interprétations anthropologiques peuvent être dégagées, avec d’une part le lien entre le son perçu et l’émotion vécue et extériorisée, et d’autre part le lien avec l’espace. un son a-t-il la même signification s’il est entendu dans la maison ou à l’extérieur ? Qu’en est-il des bruits publics et des rumeurs ?
Entre les pleurs du chat et le grincement de l’angoisse
27Comme en témoigne le vocabulaire akkadien, un lien profond existe entre les phénomènes sonores et l’expression des états affectifs ; et c’est souvent ce lien qui permet de déterminer la teneur de l’apodose. Le miaulement du chat est associé aux pleurs et aux gémissements avec l’emploi du verbe bakû (ER2) « pleurer » et, parfois, de damāmu « gémir, se lamenter »21. Dans une liste traitant du comportement du chat, un groupe de présages, nettement séparé du reste de la tablette par des lignes, développe les cas où un, deux, trois, jusqu’à huit chats miaulent dans la maison d’un homme :
Si des chats pleurent abondamment dans la maison d’un homme, ce pays portera les cheveux dénoués (en signe de deuil).
Si deux chats pleurent dans la maison d’un homme, le propriétaire de la maison et la propriétaire de la maison mourront.
Si trois chats pleurent dans la maison d’un homme, le propriétaire de la maison mourra et cette maison sera dispersée.
Si quatre chats pleurent dans la maison d’un homme, ce pays […].
Si cinq chats pleurent dans la maison d’un homme, ce pays […].
Si six chats pleurent dans la maison d’un homme, Adad frappera ce pays.
Si sept chats pleurent dans la maison d’un homme, le déluge déferlera sur le pays.
Si huit chats pleurent d’une rue à l’autre, le déluge déferlera sur le pays22.
28Parce qu’il évoque les gémissements de douleur et de détresse, le miaulement annonce une fin funeste, le deuil et la mort. Les variations numériques ne changent rien, sinon qu’à partir de quatre, les présages touchent le pays entier.
29La perception du paysage sonore se fait par le prisme des affects, témoignant d’une tonalité particulière ; ainsi, dans une tablette de présages, annexe de la grande série canonique Šumma ālu, le croassement peut être « nerveux » (katātu Št) :
Si idem (= un corbeau) sur le toit de la maison d’un homme crie de façon saccadée (šutaktutu), le propriétaire de cette maison mourra23.
30L’oiseau est sur le toit de la maison d’un particulier, et il crie. Le verbe šutaktutu24 ajoute à šasû une impression de vibration nerveuse, dans un cri saccadé. Cette inquiétude portée par le cri de l’oiseau annonce la sentence : le propriétaire mourra. Dans la même tablette, le croassement peut être « ardent, brûlant25 », avec le verbe hamāṭu, qui décrit un état affectif particulièrement négatif : en parlant de brûlure, on évoque la douleur qui l’accompagne. Dans un texte littéraire du début du IIe millénaire av. J.-C., la détresse du fidèle est décrite : « Son cœur est ardent, son épreuve est douloureuse26.»
31Dans les présages de Šumma ālu, le verbe nazāqu traduit le bruit produit par un serpent (ṣēru), mais surtout un objet en bois comme une chaise, les poutres du toit d’une maison ou une porte. Le son dont il est question est très vraisemblablement celui du « grincement ». Dans certaines apodoses, ce verbe se retrouve pour décrire un état d’angoisse dans lequel va être plongé le pays, la ville, la demeure ou ses habitants27. un présage de Šumma ālu associe les tremblements physiques à cette angoisse : « si son pied droit tremble (galātu), il tremble d’angoisse (nazāqu)28. » Le rapprochement entre l’angoisse et le grincement (un son sec, plus ou moins strident et métallique, produit par le frottement d’éléments durs et lisses les uns contre les autres29) s’opère sur le plan physiologique : il renvoie à l’état du corps de la personne plongée dans l’angoisse, avec les sensations caractéristiques de resserrement de l’estomac ou d’aigreur. L’angoisse niziqtu empêche la personne de trouver le repos. Il y a une idée d’irritation et d’énervement : dans une lettre datée de la première dynastie de Babylone (époque paléo-babylonienne), la personne se plaint ainsi : « par [littéralement “ton angoisse”] l’angoisse que tu suscites, je ne peux pas dormir la nuit30.»
32Le terme peut aussi désigner plus que le simple état affectif : la douleur de l’angoisse est si forte qu’elle est devenue génie démoniaque, comme d’autres maux et atteintes physiques et mentales (conséquences des attaques de démons). Par leurs manifestations physiques, les émotions sont conçues comme des entités néfastes qui s’abattent sur l’homme. Le démon-Niziqtu est à la fois l’origine, l’agent causal, et la conséquence, l’angoisse, le phénomène physiologique et mental qui assaille et prend possession de l’individu. Le passage suivant provient d’un texte babylonien du Ier millénaire av. J.-C., mais probablement d’origine médio-babylonienne31, que les chercheurs modernes appellent le Göttertypentext (nom donné par son premier traducteur). De nature « ésotérique », en tout cas érudite, le texte est le fruit des réflexions des savants assyriens et babyloniens s’intéressant à la représentation figurée (statues) de dieux ou de démons. Il se développe en 6 colonnes et en 27 paragraphes indépendants, chacun consacré à une entité dont il donne le nom à la fin de la description. Le paragraphe 23 est dédié à l’Angoisse-Niziqtu :
La tête porte une coiffe à cornes de bœuf. Il porte des oreilles de bœuf. Sa chevelure est une chevelure dénouée tombant sur les talons. Son visage est celui d’une femme. Ses mains sont celles d’un homme. Il est doté d’ailes, et ses mains sont étirées sur ses ailes. Le corps nu est celui d’une femme. Il se tient sur la pointe des pieds [littéralement « Ses pieds se tiennent pour le huppu »]. Son nom est Angoisse32.
33On décrit le démon comme un être syncrétique, assumant des caractéristiques féminines et masculines. Le démon est associé au huppu, mouvement dansé spécifique du contexte funéraire et de l’expression du deuil33. Dans d’autres langues sémitiques, la racine nzq est attestée aussi avec ce sens de souffrance et de dommage34.
La révélation sonore de la rue : l’egirrû
34Les phénomènes sonores ne permettent parfois que peu de variations sur le plan acoustique et d’autres variables entrent alors en jeu. Nous allons nous intéresser alors au nombre de fois où un signe sonore est entendu, comme c’est le cas pour le tonnerre ; ou aux conditions extérieures au bruit, comme le lieu, la provenance géographique (devant, derrière, à gauche ou à droite de l’individu…) ou encore le moment de la journée où il se produit. Traitant de la vie quotidienne, la série Šumma ālu porte une attention toute particulière à la maison et au devenir de ses habitants : lieu de vie de la famille, il s’agit d’un espace hautement significatif sur le plan divinatoire qui constitue une cible potentielle pour les attaques démoniaques. Habitée, elle est remplie de bruits produits par les individus qui l’occupent. Certains de ses espaces sont davantage propices à des présages sonores funestes : c’est le cas des portes, des seuils, ou des fenêtres car les êtres démoniaques se manifestent souvent sous la forme d’un souffle ou d’un vent, privilégiant les lieux ouverts ou de passage, propices aux courants d’air35. La rue, quant à elle, est significative d’un point de vue divinatoire, mais dans une toute autre perspective. Dans Šumma ālu, telle que la série nous est parvenue, il n’y a cependant que peu de présages sonores dans ces espaces de circulation : il est parfois question de bruits entendus dans un quartier, ou dans une ville en général, dans les sanctuaires de la ville36 ou encore aux portes de celle-ci, c’est-à-dire dans un espace liminal entre le civilisé (la ville) et le sauvage (par-delà les murailles et ouvert sur la steppe)37. La rue semble ainsi être un espace ambigu, entre le social et le privé, l’individuel et le collectif. Si bruit omineux il y a, il est désigné le plus souvent par le terme egirrû, une révélation divine sonore fuyante, une sorte de bruit qui court, semblable à la renommée et à la rumeur. C’est la réponse divine à une angoisse, comme la présente la tablette 95 de Šumma ālu qui lui est consacrée : l’individu en prière est dans sa maison et attend la réponse de son dieu : « Si homme prie son dieu et qu’un egirrû lui répond aussitôt plusieurs fois – il sera promptement exaucé, son dieu a entendu sa prière38.» L’homme est seul face à son dieu, et le bruit qu’il entend provient de l’extérieur de sa maison ; il peut s’agir d’une réponse articulée (oui, non), comme des bribes de voix entendues fortuitement, ou des cris d’animaux. La logique d’interprétation est numérique (un oui est positif, deux sont négatifs, etc.) ou géographique (en fonction de la provenance du son). Mais souvent dans cette liste, les egirrû entendus sont interprétés comme niphu « présage ambigu », rappelant la difficulté de codifier et de systématiser un son.
35Le terme akkadien egirrû, attesté dès l’époque paléo-babylonienne, est un emprunt au sumérien i/enim-ĝar(-ra), littéralement « parole placée ». L’expression apparaît pour la première fois en sumérien vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C. dans les cylindres de Gudéa. Dans une perspective comparatiste, le principe divinatoire mettant en jeu l’egirrû a beaucoup en commun avec la clédonomancie, la divination par les paroles entendues fortuitement : cela suppose un rapprochement inattendu et fortuit entre une pensée (une angoisse) et une réponse (un bruit ou plus spécifiquement une parole entendue par « hasard »). Deux situations préalablement disjointes se rapprochent, se croisent et se confondent le temps d’un mot, d’une phrase ou d’une simple exclamation ; et cette concordance ne peut qu’être l’expression de la volonté divine. La pratique suppose un lieu ouvert, un espace non-clos, propice aux « voix » provenant de la rue, ou tout autre espace public. Par sa nature, cette révélation sonore sort du temple et de la divination « officielle », pour rejoindre les lieux de rassemblement : elle se place donc d’emblée dans la pratique populaire.
36Pour obtenir un egirrû, une réponse divine à une question ou une angoisse bien précise, l’homme a recours à différentes techniques. Des rituels construisent les procédures déterminant la signification mantique d’un bruit qui dès lors n’est plus quelconque, mais porteur d’un message ou d’une réponse divine. Le lieu de passage que constitue la rue est le cadre sonore idéal pour obtenir un egirrû. C’est ce que montre un rituel décrit sur une tablette d’époque séleucide (ive-iiie siècles av. J.-C.). Il s’agit d’un texte bilingue, reprenant le motif des plaintes et du deuil d’Inana suite au trépas de son amant Dumuzi, dans les premières lignes39. Pour cette consultation oraculaire, il est recommandé à la déesse de se rendre dans la maison du spécialiste šā’ilu, littéralement « l’interrogateur ». Elle apportera les offrandes destinées aux morts. Ensuite, elle obtiendra un egirrû (ENIM.GAR) :
« Jeune fille, tu n’es pas une femme, tu es un troisième être. Toi, va à la maison de l’interprète. Remplis un panier d’orge. Aie (avec toi) le pain des morts, le pain épais. Sors à la porte pour (avoir) un egirrû. » Avec son amie, elle s’en alla40.
37Une fois les offrandes apportées (un panier d’orge ou le pain épais destiné aux morts) à la maison du spécialiste, il faut que la requérante, littéralement ana bābi waṣû « sorte à la porte » de la maison du šā’ilu. Dans ces conditions, à cet endroit et à ce moment bien précis, elle obtiendra un egirrû. L’impératif du verbe waṣû avec la préposition ana insiste sur le principe de causalité : « sors à la porte pour (avoir) un egirrû ». Ainsi, l’egirrû est obtenu à la porte de la demeure du spécialiste, vraisemblablement dans un lieu que l’on peut qualifier de « public », comme peut l’être la rue, en dehors de l’espace où s’est déroulé le rituel conduit par le spécialiste. En quelque sorte, le rituel avec les apports d’offrandes prépare les conditions d’avènement de l’egirrû ; il rend propice la rencontre des sons, des voix et des paroles entre la question de la déesse et la réponse divine. Seul le contenu reste « fortuit ». Le signe sonore et vocal a besoin d’une interprétation, dont le rituel nous dissimule les modalités. D’un point de vue comparatiste, la procédure n’est pas sans rappeler le rituel décrit par Pausanias à Pharae près de Patras, en Grèce ancienne :
Il y a à Pharae une statue d’Hermès avec barbe : la statue est en marbre, de forme carrée, de grandeur moyenne, et posée à nu sur le sol. L’inscription qu’elle porte dit qu’elle a été dédiée par le Messénien Simylos. On appelle cet Hermès Agoraios, et près de lui a été installé un oracle. Devant la statue se trouve un foyer également en pierre, autour duquel sont scellées au plomb des lampes de bronze. Celui donc qui veut consulter le dieu arrive vers le soir, brûle de l’encens sur le brasier, puis, ayant versé de l’huile dans les lampes et les ayant allumées, il place sur l’autel, à droite de la statue, une monnaie du pays qu’on appelle chalkous, s’approche du dieu pour lui poser à l’oreille la question qui l’amène ; après quoi, il quitte l’agora, en se bouchant les oreilles. Une fois hors de l’agora, il ôte ses mains de ses oreilles, et la première voix (/son) qu’il entend, c’est la réponse de l’oracle41.
38Le rituel akkadien diffère en plusieurs points42. Il se déroule d’abord dans un espace sacré, défini rituellement (la demeure de l’interprète). Le fidèle sort ensuite de cet espace et se retrouve à la porte, dans un lieu de passage, là où les bruits et les sons errants sont les plus abondants. C’est un lieu propice aux rencontres sonores « fortuites ». Le rituel vise ainsi à créer la conjoncture adéquate pour obtenir un egirrû.
39Une autre tablette d’époque néo-assyrienne (LKA 93) présente l’incantation à réciter et le rituel à accomplir pour avoir un bon présage sonore, un egirrû favorable ; c’est une des rares attestations qui suggérerait que l’on a cherché à changer la donne ou à contrôler le contenu même d’un présage :
… X maître-rue / X maître-bétail / X X maître-pâturage /… le pays depuis Sippar / … depuis Kiš, vous avez marché et / … depuis Nippur, vous êtes venus et / un egirrû favorable est allé tout droit dans votre bouche / … pour moi un egirrû favorable, / placez ? pour moi. Incantation.
[…] Place une poignée de sel… / … trois fois l’incantation là-dessus tu réciteras… / Dans le silence de la nuit, à un carrefour, / vous vous tiendrez, et / tu feras sortir un egirrû… / tablette de Kiṣir-Nabû prêtre conjurateur (fils de) Šamaš-ibni prêtre conjurateur43.
40Les premières lignes présentent ce que l’on pourrait désigner comme le « royaume des egirrû », les lieux où ils sont produits : la rue et les pâturages avec le bétail. Le rituel doit avoir lieu à un moment précis : un bloc de sel sera disposé tandis que la formule sera répétée trois fois ina qūlti mūši « dans le silence de la nuit ». Le silence nocturne qui règne dans la rue garantit l’efficacité de l’incantation et du rituel pratiqué. Il assure au bruit entendu une fiabilité et une légitimité certaines, de sorte qu’il ne peut être compris que comme étant de provenance divine. Outre l’opposition entre l’état de veille et le sommeil caractéristique de la nuit, le silence et l’obscurité ambiants garantissent l’efficacité de l’incantation, contrairement à une récitation dans un univers diurne quotidien, bruyant et lumineux44. À ce moment particulier, le devin et le patient sortiront et se tiendront à l’extérieur à la « croisée des chemins » (E.SIR2 4/LIM2) : propice à la performance et l’accomplissement de rituels, la croisée des rues constitue le lieu de passage par excellence, souvent foulé, particulièrement fréquenté et bruyant : le jour, les voix et les cris s’y mêlent, rendant ce lieu propice au bon déroulement de différents rituels, fastes ou néfastes. Le silence nocturne lui confère d’autant plus d’efficacité que le bruit est inattendu. Lieu ouvert, le carrefour est également un espace liminal, territoire de frontières entre le domaine du connu et celui de l’altérité et de l’incertitude.
41Un des autres emplois du terme egirrû est celui de « renommée » ou de « rumeur » ; il s’agit du discours que l’on tient sur quelqu’un en son absence, mais en présence du roi. L’egirrû correspond aussi au discours concernant quelqu’un tenu par la population de façon indéterminée, sans que l’on puisse définir une origine exacte ; ce sens correspondrait à la rumeur, c’est-à-dire, un ensemble de voix (parfois de bruits) confus produit par un nombre indéterminé de personnes. L’egirrû est le discours populaire, celui que l’on entend dans la rue à propos de quelqu’un ; ne pouvant en définir l’origine exacte, le discours de la rue devient de nature oraculaire exprimant le souhait de tous et surtout des divinités : Nabonide, roi de Babylone au vie siècle av. J.-C., demande à ce que le dieu Bunene fasse en sorte que le discours que l’on entend à son sujet dans les rues et les ruelles soit favorable :
Bunene, dont le conseil est bon, qui conduit le char, qui siège sur le plancher, dont l’assaut ne peut être affronté, qui harnache des mulets belliqueux, dont les genoux ne se reposent pas, en allant et revenant qui marche à grands pas devant toi, qu’il rende favorable mes egirrû (me concernant) dans les rues et les ruelles45.
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42D’une façon générale, le bruit extérieur, peut-être parce que l’homme n’a aucune prise sur lui, ou parce qu’il est désagréable, incongru ou troublant, est perçu de façon négative. Les lieux mentionnés dans les présages renvoient de façon métonymique ou synecdoctique aux habitants qui les fréquentent, et peuvent être employés avec des verbes comme damāmu « geindre ». Les présages évoquent également les acteurs de la perception sonore, à travers des catégories professionnelles comme celles des lamentateurs ou des chanteurs : « Si, dans une ville, les chanteurs sont nombreux, il y aura de l’hostilité dans le pays46. » Ce présage évoque-t-il la situation d’une ville qui n’est habitée que par des personnes frivoles comme le suggère un rapprochement avec un poème sumérien47 ? Ou bien, en raison de l’ego de chacun des chanteurs, les risques de conflit dans la ville seraient-ils plus importants que dans une ville où les chanteurs sont moins nombreux ? L’abondance de chanteurs, surtout s’ils ne chantent pas tous juste, créerait-elle une cacophonie empêchant toute harmonie dans la ville ?
43Un présage suggère le cas où la rue « fait gémir (damāmu) les gens48 » : peut-être évoque-t-on ici implicitement le rituel qui peut se dérouler dans la ville et ses rues. Le présage suggérerait ainsi les lamentations, chantées et pleurées par l’ensemble du peuple ; le dieu serait ému par toutes ces larmes et deviendrait bienveillant envers sa population. Plus loin, ce sont les lamentateurs qui sont en cause : « si, dans une ville les lamentateurs sont nombreux : trouble de la ville49.» Le trouble de la ville vient de ce que la présence des lamentateurs ēpiš ṣirhi est beaucoup trop importante : s’ils sont trop nombreux, est-ce parce qu’il y a trop de décès, et donc une situation instable et invivable pour une communauté ?
44Jean-Jacques Glassner50 remarque que les signes sonores produits par la victime sacrificielle ne constituent que des présages minoritaires par rapport à l’observation visuelle. Il en est de même pour l’environnement : la vue et l’observation visuelle scrupuleuse demeurent le moyen par excellence de recueillir et d’interpréter les phénomènes. Le signe sonore est marginal. Même si le son ne constitue pas un critère d’interprétation majeur, les listes de présages forment un terrain d’analyse fécond pour l’étude du paysage sonore de l’ancienne Mésopotamie, que ce soit par l’approche du vocabulaire akkadien des bruits, ou par les concepts propres aux phénomènes sonores. Plus qu’une restitution des bruits du quotidien, il s’agit bien d’un discours sur la perception de l’environnement sonore qui nous est donné. Dans la documentation cunéiforme, deux types de sons semblent avoir fait l’objet d’une écoute plus attentive : les chants d’oiseaux et le tonnerre, chacun participant, à sa façon, à la constitution d’un environnement sonore signifiant. Provenant de l’atmosphère, ils se prêtent particulièrement bien à la transmission vocale du message divin.
Notes de bas de page
1 Pour cette notion, voir ici même l’introduction, p. 19.
2 Voir l’introduction dans N. Belayche et J. Rüpke, « Divination et révélation dans les mondes grec et romain. Présentation », Revue de l’histoire des religions 2/2007 (2007), p. 139-147. Pour la Mésopotamie, la divination est un thème de recherche majeur, voir notamment A. Annus (dir.), Divination and the Interpretation of Signs in the Ancient World, Oriental Institute Seminars 6, the Oriental Institute of the University of Chicago, Chicago, 2010. Maintes fois étudiées, il n’est pas lieu, ici, de décrire les multiples techniques de divination, et l’on se reportera sans hésiter à la synthèse de J. Bottéro, « Symptômes, signes, écritures en Mésopotamie ancienne », dans J.-P. Vernant, L. Vandermeersch et al., Divination et Rationalité, Seuil, Paris, 1974, p. 70-196 ; à compléter à présent par S. M. Maul, « Omina und Orakel », Reallexikon der Assyriologie und vorderasiatischen Archäologie X (2003-2005), p. 45-88, et S. M. Maul, Die Wahrsagekunst im Alten Orient : Zeichen des Himmels und der Erde, Beck, Munich, 2013.
3 K. 4730 (+) Sm. 1876 ; H. Tadmor, B. Landsberger et S. Parpola, « the Sin of Sargon and Sennacherib’s Last Will », State Archive of Assyria Bulletin III/1 (1989), p. 1-51.
4 J. Bottéro, Mésopotamie : l’écriture, la raison et les dieux, Gallimard, Paris, 1987, p. 199-201. voir aussi J.-P. Vernant, L. Vandermeersch et al., Divination et Rationalité, 1974, p. 24.
5 A. Guinan, « the Perils of High Living : Divinatory Rhetoric in Šumma ālu », dans H. Behrens, D. Loding et M. T. Roth (dir.), DUMU-E2-DUB-BA-A : Studies in Honor of Åke W. Sjöberg, Occasional Publications of the Samuel Noah Kramer Fund 11, University Museum, Philadelphie, 1989, p. 227-235.
6 Voir la présentation chronologique de la série dans S. M. Freedman, If a City Is Set on a Height, the Akkadian Omen Series Šumma ālu ina mēlê šakin. Volume I : Tablets 1-21, Occasional Publications of the Samuel Noah Kramer Fund 17, Philadelphie, 1998, p. 13-14. Nous suivons dans cette édition la transcription et la numérotation des tablettes de ce recueil.
7 MLC 1867 (=BRM IV 21) r. 11 (ibid., p. 14, no 68.) Aux époques les plus récentes, le stock d’apodoses est plus restreint et ne présente que peu de variantes.
8 On parle souvent maladroitement de version « canonique » pour ces recueils du Ier millénaire (car le terme induit faussement à considérer les versions anciennes comme des tâtonnements). Au viie siècle av. J.-C., les tablettes et séries de la littérature savante dans les disciplines scientifiques de la divination, de la médecine et de la magie, ont atteint une certaine stabilisation littéraire dans le sens où le matériel ancien était consciencieusement maintenu dans sa forme traditionnelle et que le nouveau matériel n’était plus incorporé. Pour ces questions de canonicité, on se reportera à l’article de F. Rocheberg-Halton, « Canonicity in Cuneiform Texts », Journal of Cuneiform Studies 36/2 (1984,) p. 127-144. Pour éviter les amalgames avec le domaine biblique, on parlera de « standardisation » plutôt que de canons. Le canon biblique est un texte établi à partir de plusieurs versions qui disent la même chose. Le texte est ensuite soigneusement choisi et sert après de références pour les pratiques et les croyances.
9 Les tablettes donnent parfois le rituel à accomplir pour se prémunir du mauvais sort annoncé par un signe : S. Maul, Zukunftbewältigung, eine Untersuchung altorientalischen Denkens anhand der babylonisch-assyrischen Löserituale (Namburbi), Baghdader Forschungen 18, Philipp von Zabern, Mayence, 1994.
10 [DIŠ] E2 LU2 id-bu-ub […] / [DIŠ] E2 LU2 iš-ta-na-as-si [BIR-ah E2] / [DIŠ] E2 LU2 i-ra-am-mu-um [BIR-ah E2] / [DIŠ] E2 LU2 i-ša-gu-um [BIR-ah E2] / [DIŠ] E2 LU2 i-ra-gu-um [BIR-ah E2] / DIŠ E[2 G]IM li-li-si GU3. GU3-[si BIR-ah E2] (Šumma ālu 10, l. 183-188).
11 DIŠ GIŠ.NA2 E2 NA is-s[i…] / DIŠ GIŠ.NA2 E2 NA iš-še-bir[…] / DIŠ GIŠ GU.ZA E2 NA il-si x [ ] / DIŠ GIŠ.GU.ZA E2 NA i-nam-ziq […] / DIŠ GIŠ.GU.ZA E2 NA iš-še-bi[r…] (Šumma ālu 7, l. 67’-71’).
12 DIŠ MIN ina UR3 E2 LU2 GUB-iz-ma MA.LU.NA // SU.UD // ṣar-hiš is-si INIM NIG2.GIG ZI.GA // E3-šu2 (F. Rashid, « Crows : a Means to Tell the Future », Sumer 34 (1978), p. 22-39, ici l. 2, cf. texte en annexe). Pour la présente étude, nous citerons ce texte sous la référence Sumer 34.
13 [DIŠ SA.A ina E2 NA GIM U]R. ˹GI7 i˺-nam-bu-uh KUR B[I] x AŠ2 […] / [DIŠ SA.A ina E2 NA G]IM ŠAH i-nam-zu-uz ina KUR BI MUNUS ˹LUGAL-tu˺ [DU3-uš] / [DIŠ SA.A ina E2] ˹NA˺ GIM ANŠE i-nam-gag LUGAL ˹NU ŠU x˺ […] (N. P. Heessel, Divinatorische Texte 1 : terrestrische, teratologische, physiognomische und oneiromantische Omina, W.V.D.O.G. 116, Harrassowitz, Wiesbaden, 2007, no 22, l. 10-12, parallèle à Šumma ālu 45).
14 Répondant ainsi au paradigme des verbes sémitiques, voir N. J. C. Kouwenberg, « Assyrian Light on the History of the N-stem », dans J. G. Dercksen, Assyria and Beyond, Studies Presented to Mogens Trolle Larsen, Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, Leyde, 2004, p. 333-352. Pour les verbes onomatopéiques à préformante –n, voir p. 343-346.
15 En linguistique, le redoublement est un procédé morpho-sémantique, touchant à la fois la forme, la structure et le sens du terme, répandu dans de nombreuses langues, anciennes ou modernes. Dans son étude sur le monde sonore classique, Bettini rappelle ce principe de répétition syllabique dans la reconstruction et l’imitation d’un son perçu ; M. Bettini, Voci. Anthropologia sonora del mondo antico, Einaudi, Turin, 2008, p. 77 et suiv. ; M. Bettini, « Laughing Weasels. Animal Voices from Myth to Natural History », I Quaderni del Ramo d’Oro on-line 1 (2008), p. 209-216, ici p. 212.
16 Pour les formes redupliquées en sumérien, voir J. Black, « Sumerian Noises : Ideophones in Context », dans W. Sallaberger, K. Volk et A. Zgoll (dir.), Literatur, Politik und Recht in Mesopotamien, Festschrift für Claus Wilcke, Orientalia Biblica et Christina 14, Harrassowitz, Wiesbaden, 2003, p. 35-52. Même si les formes onomatopéiques constituent la majorité du vocabulaire redoublé : « Le nombre plus restreint des impressifs de mouvement répétés correspond au fait que les mouvements sujets à répétition sont probablement moins nombreux que les sons livrés par la nature », F. Skoda, Le Redoublement expressif : un universel linguistique. Analyse du procédé en grec ancien et en d’autres langues, Selaf, Paris, 1982, p. 236. Cf. aussi pour l’akkadien Von Soden GAG §101. Selon les linguistes R. Jakobson et L. Waugh, la répétition indique « des concepts comme la distribution, la pluralité, l’activité habituelle, l’agrandissement, l’intensification, la continuité », J.-B. Coyos, « Les onomatopées rédupliquées en basque souletin », Lapurdum V (2000), p. 13-97, ici, p. 22.
17 Voir ici même, p. 84.
18 tumušen-gin7 la-ra-ah gig2 ud zal er2 mu-un-na-an-ša4 : kīma summati idammum šupšuq mūši u urri / diĝir im-ba-sur / gid arhuš-su3 ab2-gin7 gu3 im-me : ana ilīšu rīmīnî kīma litti inaggag (4R 26, no 8, l. 58-61, Sum. « il se lamente auprès de lui (son dieu) comme une colombe, dans l’angoisse nuit et jour ; à son propre dieu miséricordieux, il hurle comme une vache »).
19 AO 4462 in W. G. Lambert, « A Further Attempt at the Babylonian “Man and his God” », dans F. Rochberg-Halton (dir.), Language, Literature, and History : Philological and Historical Studies presented to Erica Reiner, American Oriental Series 67, American Oriental Society, New Haven, p. 187-202, ici p. 190, l. 6. Métaphore aussi pour une douleur physique « geindre » dans un texte médical (STT 89, l. 144).
20 ina libbātišu BA.UG5 : labû = šasû « Il mourra dans sa colère ; gronder = crier » : il y a un jeu de mots évident entre lebû et labābu (CT 41 34, K.103, l. 5). Le verbe intransitif labābu media geminatae (a/a), à redoublement expressif, n’apparaît qu’à partir des textes d’époque médio-babylonienne. Il s’agit probablement d’un verbe dénominatif formé sur libbātu (substantif toujours au pluriel) attesté dans les textes en paléo-assyrien et paléo-babylonien. Cf. M. Jaques, Le Vocabulaire des sentiments dans les textes sumériens, recherche sur le lexique sumérien et akkadien, Alter Orient und Altes Testament 332, Ugarit-Verlag, Münster, 2006, p. 96, no 223 : il existe probablement un singulier de libbātu comme en hébreu libbā (Ez. 16, 30 uniquement).
21 [DIŠ SA.A ina E2 LU2 KU4]-ma ib-ki E2 BI ŠUB « Si un chat est entré dans la maison d’un homme et a pleuré, cette maison sera abandonnée » (Ct 39 48-50, l.21’).
22 [DIŠ] ˹SA.A˺ ina E2 NA ma-’a-da-tu ER2.MEŠ KUR.BI ma-la-[a] ˹IL2-ší˺ / DIŠ SA.A2 ina E2 NA ER2.MEŠ EN E2 <u> NIN ˹E2˺ UŠ2 / DIŠ SA.A3 ina E2 NA ER2.MEŠ EN E2 UŠ2?-ma? E2 ˹BI˺ BIR-[ ah] / DIŠ SA.A4 ina E2 NA ER2.MEŠ KUR BI [ ] / DIŠ SA.A 5 ina E2 NA ER2.MEŠ KUR BI [ ] / DIŠ SA.A 6 ina E2 NA ER2.MEŠ KUR BI dIŠKUR [RA-iṣ] / ˹DIŠ˺ SA.A 7 ina E2 NA ER2.MEŠ A.MA.RU KUR i-b[a-a’] / DIŠ SA.A 8 SILA ana SILA ER2.MEŠ A.MA.RU KUR i-b[a-a’] (N. P. Heessel, Divinatorische Texte 1 : terrestrische, teratologische, physiognomische und oneiromantische Omina, no 22, l. 14-21 légèrement modifié, parallèle à Šumma ālu 45).
23 DIŠ MIN ina UR3 E2 LU2 uš-tak-ti-it-ma is-si EN E 2.BI UŠ2 (Sumer 34, p. 22-39, l. 6).
24 Voir ici même p. 66.
25 Sumer 34, p. 22-39, l. 38.
26 hamiṭ libbuš dullašu mariṣ (AO 4462, l. 2 ; cf. W. G. Lambert, « A Further Attempt at the Babylonian “Man and his God” »).
27 mātu mithāriš inamziq : « le pays tout entier sera dans l’inquiétude (litt. “grincera”) » (CT 39 33, l. 45) ; aussi āšib libbīšu inanziq « l’habitant (de cette maison) aura des soucis » (CT 39 14, l. 11).
28 CT 39 40, l. 42.
29 En akkadien, il s’agit d’une forme onomatopéique I-n ; nazāqu aurait littéralement le sens de « faire ziq », le son ziq évoquant le son strident du bois qui grince. Ce son désagréable évoque par suite les manifestations physiques de l’angoisse.
30 ina niziqtīka mušiātim ul aṣallal (TCL 18 152, l. 33).
31 Voir édition dans F. Köcher, « Der babylonische Göttertypentext », Mitteilungen des Instituts für Orientforschung der Deutschen Akademie der Wissenschaften zu Berlin I (1953), p. 57-107.
32 SAG.DU ku-ub-šu SI.MEŠ GU4 GAR-in / GEŠTU2 GU4 GAR-in / šar-tum sig2-ba-ru-u2 / ana ša2 -šal-li-šu ŠUB-at / pa-nu SAL-tu4 / rit-ta-šu LU2 / kap-pi GAR-ma rit-ta-ša2 / ina UGU kap-pi-ša2 tar-ṣa / pag-ru me-re-nu SAL-tu4 / GIR3II.BI hu-up-pa GUB-za / MU. BI ni-ziq-tum (MIO I p. 80ss, vi l. 13-23).
33 A. D. Kilmer, « Notes on Akkadian uppu », dans M. de Jong Ellis (dir.), Essays on the Ancient Near East in Memory of Jacob Joel Finkelstein, Memoirs of the Connecticut Academy of Arts and Sciences XIX, Archon Books, Hamden 1977, p. 133, no C.2.
34 Von Soden en AHw ii, p. 772 le rapproche de la racine sémitique nzq, qui a le sens de « se troubler » en arabe, et « éprouver des peines, des difficultés » en araméen et « subir un dommage » en hébreu.
35 Voir D. Barbu et A.-C. Rendu Loisel, « Démons et exorcisme dans l’ancienne Mésopotamie et en Judée », Quaderni del Ramo d’Oro2 (2009), p. 304-366.
36 Šumma ālu 2, l. 66.
37 Šumma ālu 1, l. 159 (présage aux portes de la ville), l. 164 (démon dans un quartier), l. 165a (dans une ville), l. 167 (démon sur plusieurs maisons).
38 DIŠ LU2 ana DINGIR i-kar-rab-ma ENIM.GAR ar-hiš i-ta-nap-pal-š[u2] / ar-hiš im-man-gar DINGIR-šu tas-lit-su iš-m[e ] (Šumma ālu 95, l. 1a-1b).
39 Pour M. Witzel (Tammuz-Liturgien und Verwandtes, Analecta Orientalia 10, Pontificio Instituto Biblico, Rome, 1935, p. 118), il s’agit d’une liturgie complète reportée sur SBH 43 et 44, le début et la fin n’étant pas conservés. Cf. M. E. Cohen, The Canonical Lamentations of Ancient Mesopotamia, 2 vol., Capital Decisions, Potomac, 1988, p. 187.
40 lu2-ki-sikil za-e nu-nuz nu-men3 e2 ensi(en-me-li) ma-men3 : ar-da-t[i u]l sin-niš-tum šal-šu-u2 at-tu2 ana E2 ša2-i-li al!-ki2 / ki-sikildinana za-˹e˺ nu-nuz nu-men3 e2 <ensi ma-men3> / [š]egima-˹s˺a2-a[b] um-mi-si e2 <ensi ma-men3> : še-am ma-sa-ab-ba mul-li-mi / [ninda-d]im3? gub-ba na˹m˺-mi-in-ĝar e2 <ensi ma-men3> : a-kal e-ṭim-mi NINDA.KUR4 i-ši-i / [i5]-ĝar inim-ma ˹e3˺-<ba>-ra nu-nuz nu-men3 e2 <ensi ma-men3> : ana e-gir-re-e ˹ana˺ ba-bi ṣi-i / [u4-ba] gašan! ma-la-ga-a-ni e-ne nam-mu-da-ri / um-ma-da-an-ir!-i[r] : [it-ti r]u-ut-ti-ša2 il-lik-ma (Sum. : « “Jeune fille, tu n’es pas une femme, tu es de la maison de l’interprète. Jeune fille, tu es Inana, tu n’es pas une femme, tu es de la maison de l’interprète. Remplis un panier d’orge (toi qui es de la) maison (de l’interprète). Elle a placé le pain-pannigu (toi qui es de la) maison (de l’interprète). Sors pour (avoir) un egirrû en parole. Tu n’es pas une femme, tu es de la maison de l’interprète.” C’est alors que la dame sortit ensemble avec son amie. » (SBH 44, l. 27-32).
41 Pausanias VII, 22, 2-3. Pour Hermès, voir D. Jaillard, Configurations d’Hermès. Une « théogonie hermaïque », Kernos, suppl. 17, Liège, 2007.
42 Le lieu extérieur mentionné dans le récit de Pausanias est fondamentalement différent du lieu mésopotamien. Dans le texte grec, l’agora est un espace public ouvert où tout s’échange ; or, ce n’est pas le lieu de la révélation sonore : il faut sortir de cet endroit. On se retrouve alors vraisemblablement sur une route, un chemin, loin du tumulte de l’agora, qui permet peut-être de distinguer au mieux les paroles fortuites.
43 (x) ṭe-e-ru ṭe-e-ru / (x) x?x be-lum su-u2-qu / (x) x x be-lum bu-u2-lum / (x) x x be-lum ri-’i-ti / (x) x x tu KALAM ul-tu UD.KIB.NUN.KI / (x) x x KIŠ!.KI tah-hab-ta-nim-ma / (x) x x EN.LIL2.KI [ta]l-li-ka-nim-ma / [e]-˹g˺ir-ri dum-[q]u a-na pi-i-ku-nu i-šir2[…] / (x) x-x a-a-ši ENIM.GAR dum-qu / [x x šuk-na-n]i TU6 / x? DINGIR […] / x E2 x x […] / x LAG MUN GAR-an […] / [x x -ṣ]a?-bat? -ma TU6 3-šu2 ˹ana muh-hi ŠID˺ / [ina] qu-ul-ti GE6 ina E.SIR2 4-ma / [(x) ta?]-az-za-az-za-ma / […] ENIM.GAR tu-še-eṣ-ṣi / [u]2-il3-ti mKi-ṣir dPA MAŠ.MAŠ / x mdUTU.DU3 MAŠ.MAŠ-x (LKA 93). Comme l’indique le colophon, la tablette appartient à la bibliothèque de l’exorciste Kiṣir-Nabu : il est le fils d’un autre exorciste Šamaš-Ibni (dUTU-DU3) et neveu d’un autre grand exorciste Kiṣir-Aššur (sous les règnes d’Assarhaddon et d’Assurbanipal).
44 E. Reiner, « Dead of Night », dans H. G. Güterbock et T. Jacobsen (dir.), Studies in Honor of Benno Landsberger on his Seventy-Fifth Birthday, April, 21, Assyriological Studies 16, the University of Chicago Press, Chicago, 1965, p. 250-251.
45 dBu-ne-ne ša2 mi-lik-šu dam-qa ra-kib gišGIGIR a-šib sa-as-si ša2 la im-mah-<ha>-ri / qa-bal-šu ṣa-mi-id pa-re-e qar-du-tu ša la in-na-hu bir-ka-šu-<un> / ina a-la!(KA)-ku u ta-a-ri ša i-ša-ad-<di>-hu a-na mah-ri-ka / ina su-u2-qu u su-la-a’ li-da-am-mi-qu e-ger-ra-a-a (VAB IV 260, ii, l. 33-36).
46 DIŠ i-na URU za-am-mi-ru ma-a’-du NAM.KUR2 ina KUR GAL2 (Šumma ālu 1, l. 126).
47 Le Père et son fils désobéissant (A. W. Sjöberg, « Der Vater und sein missratener Sohn », Journal of Cuneiform Studies 25 (1973), p. 105-169, l. 130-132.
48 DIŠ URU SILA-šu2 UN.MEŠ u2-šad-ma-am URU BI DINGIR-šu2 ARHUŠ-šu « Si une ville sa rue fait se lamenter les gens, le dieu aura pitié de cette ville » (Šumma ālu 1, l. 70).
49 DIŠ i-na URU e-piš BALAG.DI ma-a’-du BIR URU (Šumma ālu 1, l. 106).
50 J.-J. Glassner, « Le corps écrit. La victime dans le sacrifice divinatoire en Mésopotamie », dans B. Baptandier et G. Charuty (dir.), Du corps au texte. Approches comparatives, Société d’ethnologie, Nanterre, 2008, p. 185-206, ici p. 195.
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Ce livre est cité par
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- Neumann, Kiersten. (2018) READING THE TEMPLE OF NABU AS A CODED SENSORY EXPERIENCE. Iraq, 80. DOI: 10.1017/irq.2018.11
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- Blakolmer, Fritz. Grand-Clément, Adeline. Rendu Loisel, Anne-Caroline. (2017) Einleitung. Trivium. DOI: 10.4000/trivium.5552
- Ludwig, Marie-Christine. (2021) Ein neues zweisprachiges altbabylonisches Vokabular aus Ur. Altorientalische Forschungen, 48. DOI: 10.1515/aofo-2021-0017
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