Août
p. 403-421
Texte intégral
11er août. Rien de nouveau.
22 août. Le Duce est irrité de l’envoi de troupes indiennes en Égypte. Sur la base de l’accord italo-anglais, je demanderai demain à Percy Loraine des explications et des détails au sujet de cette décision britannique.
3J’ai reçu les ministres de Yougoslavie et de Hongrie, ainsi que le chargé d’affaires français. Entretiens sans importance.
4Attolico reprend son thème favori de la rencontre Hitler-Mussolini, agitant encore l’épouvantail d’un coup de tête d’Hitler pour le 15 août. L’insistance d’Attolico me rend perplexe. Ou cet ambassadeur a perdu la tête ou il voit et sait quelque chose qui nous échappe complètement. Les apparences seraient pour la première hypothèse, mais il convient d’observer les événements avec attention1.
53 août. Percy Loraine explique que les informations à propos des forces indiennes en Égypte ont déjà été données à notre attaché militaire à Londres2. C’est exact mais le rapport ne nous est pas encore parvenu.
6Massimo écrit une lettre privée dans laquelle il apparaît qu’il est en désaccord avec l’ambassadeur au sujet du danger d’une prochaine crise. Il déconseille que nous prenions l’initiative de demander aux Allemands des précisions autour de leur programme. Si Massimo – nonobstant sa grande, trop grande prudence – s’est décidé à une semblable démarche, cela veut dire qu’il est sûr de son fait. J’ai transmis la lettre au Duce. Roatta3, nouvel attaché militaire, signale inversement des mouvements de troupes à la frontière polonaise. Qui a donc raison ? Je peux me tromper mais je continue à être optimiste.
74 août. Bref entretien avec Christich pour attirer son attention sur le danger représenté par la trop grande liberté d’action laissée, en Yougoslavie, à quelques émissaires du roi Zog. Selon des renseignements en notre possession, ils chercheraient à faire éclater des incidents de frontière. Christich a promis la plus stricte attention et je crois qu’il tiendra parole car il a horreur de toute éventuelle complication.
8Le bombardement alarmiste d’Attolico continue4. Je ne réussis plus à voir clairement la situation. Je commence à envisager l’opportunité d’une rencontre avec Ribbentrop. Il est temps de savoir comment vont les choses. Les enjeux sont trop grands pour attendre, inertes, les développements.
9Le Duce rentre à Rome.
105 août. Rien de nouveau.
116 août. Je reçois de Christich les plus amples assurances à propos de la vigilance qui entourera les exilés albanais. Je confère avec le Duce. Le Roi lui a manifesté l’intention de me donner le Collier de l’Annonciade. De prime abord, le Duce a hésité car « le Collier peut représenter des compromis qu’il vaut mieux éviter », mais il est maintenant persuadé de l’utilité de l’avoir et il écrira demain une lettre dans ce sens au Roi.
12Nous discutons de la situation. Nous sommes d’accord sur la nécessité de trouver une issue. À suivre l’initiative allemande, on va à la guerre et nous y allons dans les conditions les plus défavorables pour l’Axe et en particulier pour l’Italie. Nous sommes au plus bas pour les réserves d’or, au plus bas pour les stocks de fer, loin d’avoir complété notre effort autarcique et militaire. Si la crise advient, nous nous battrons pour sauver au moins l’honneur. Mais il convient de l’éviter. J’évoque devant le Duce l’idée d’une rencontre avec Ribbentrop, rencontre qui devrait avoir un caractère privé mais au cours de laquelle je tenterai de relancer le projet mussolinien de conférence. Il y est très favorable. Demain matin, nous reparlerons encore de la question mais je suis convaincu que le Duce veut activement manouvrer pour éviter la crise et il a raison.
137 août. Le Duce a écrit une lettre au Roi pour donner son accord à la remise du Collier. Entre autres choses, il a écrit : « Il est de mon devoir de déclarer à Votre Majesté que c’est au comte Ciano que nous devons le travail de préparation qui a permis l’annexion de l’Albanie, presque sans coup férir. » Cette reconnaissance vaut en elle-même le Collier.
14Le Duce a donné son accord à ma rencontre avec Ribbentrop et j’ai donc téléphoné à Attolico des instructions en ce sens5. De son côté, Attolico avait pensé à quelque chose de similaire et a été très satisfait de ce que je lui ai annoncé. J’ai ajouté que la rencontre entre le Duce et Hitler pourrait avoir lieu dans un second temps, quand les négociations anglo-franco-russes auront éventuellement abouti6.
15Les mesures de Franco à propos du parti unique ont fait très bonnes impressions7. La meilleure preuve en est la furieuse réaction de la presse française.
168 août. Avec Benini chez le Duce au sujet de la question du fer albanais. Le Duce, très satisfait du rapport, décide que je fasse un prochain voyage en Albanie durant lequel me sera conféré le Collier de l’Annonciade. Massimo écrit un rapport plutôt tranquillisant depuis Berlin. Il ne prévoit pas de prochains coups de têtes germaniques, quoique la situation au sujet de Dantzig soit grave et dangereuse.
179 août. Ribbentrop a approuvé l’idée de notre rencontre. Je décide de partir demain soir pour le rencontrer à Salzbourg. Le Duce tient beaucoup à ce que je prouve aux Allemands, documents en main, que le déclenchement d’une guerre maintenant serait une folie. Notre préparation n’est pas telle qu’elle nous laisse croire à une victoire assurée. Le Duce juge les possibilités de vaincre à 50 %. Inversement, d’ici trois ans, les possibilités seront de 80 %. Mussolini a toujours en tête l’idée d’une conférence internationale. Je crois que ce serait la meilleure solution.
18L’ambassadeur du Japon me communique qu’il a été décidé l’adhésion à l’alliance de la part de Tokyo. Après tant d’incertitudes, je me demande si cela est vrai, et si cela est vrai, je me demande si c’est une bonne chose étant donné que les négociations de Moscou n’ont pas encore donné un résultat dans un sens ou dans l’autre. De plus, cela ne risque-t-il pas de pousser l’Allemagne vers une politique intransigeante et donc à une crise au sujet de Dantzig ?
19Le Roi a confirmé au Duce l’attribution de mon Collier en des termes extrêmement chaleureux.
2010 août. Le Duce est plus que jamais convaincu de la nécessité de retarder le conflit. Il a rédigé de sa main un projet de communication à propos de l’entrevue de Salzbourg qui conclut avec une allusion à des négociations internationales pour résoudre les questions qui perturbent dangereusement la situation européenne.
21Avant de me quitter, il me recommande d’insister auprès des Allemands sur la nécessité d’éviter le conflit avec la Pologne, car il est désormais impossible de le localiser et une guerre générale serait un désastre pour tous. Jamais comme aujourd’hui, le Duce n’a parlé avec autant de chaleur et sans réserve de la nécessité de la paix. Je pense à cent pour cent comme lui et cette conviction me poussera à redoubler mes efforts mais je doute des résultats.
2211 août. Dans le compte rendu des entretiens, j’ai rapporté mes conversations avec Ribbentrop et Hitler8. Ici, je rapporterai plutôt quelques impressions de caractère général.
23Ribbentrop se dérobe chaque fois que je lui demande des détails sur les prochaines actions allemandes. Il a mauvaise conscience : il a menti trop de fois au sujet des intentions allemandes envers la Pologne pour ne pas sentir un malaise à propos de ce qu’il doit me dire et de ce qu’il s’apprête à faire.
24La volonté de combattre est implacable. Il repousse toute solution qui puisse donner satisfaction à l’Allemagne et éviter la lutte. Je suis persuadé que même si l’on donnait aux Allemands plus qu’ils ne demandent, ils attaqueraient tout de même car ils sont pris par le démon de la destruction9.
25Notre conversation prend parfois des tons dramatiques. Je n’hésite pas à lui dire le fond de ma pensée dans la forme la plus brutale. Mais ceci ne le touche pas le moins du monde. Je me rends compte que l’on ne pèse que peu dans le jugement des Allemands.
26L’atmosphère est froide et la froideur entre lui et moi se répercute sur nos suites. Durant le repas, nous n’échangeons pas une parole. Nous nous défions l’un de l’autre. Mais moi, au moins ai-je la conscience tranquille. Pas lui.
2712 août. Hitler est très cordial mais, lui aussi, est impassible et implacable dans sa décision. Il parle debout, dans le grand salon de sa maison, devant une table où sont étalées quelques cartes de géographie10. Il démontre une connaissance des affaires militaires vraiment profonde. Il parle avec beaucoup de calme et s’excite seulement quand il nous conseille de donner au plus vite le coup de grâce à la Yougoslavie.
28Je me rends vite compte qu’il n’y a plus rien à faire. Il a décidé de frapper et il frappera. Nos arguments ne peuvent pas l’arrêter le moins du monde. Il répète toujours que le conflit sera localisé avec la Pologne11, mais son affirmation que la grande guerre devra être faite tant que lui et le Duce sont jeunes m’incite encore à croire une nouvelle fois en sa mauvaise foi.
29Il a des paroles de haute considération pour le Duce mais écoute avec un intérêt lointain et impersonnel quand je lui dis le mal qu’une guerre fera subir au peuple italien. Au fond, je sens que l’alliance avec nous vaut pour les Allemands seulement pour la quantité de forces que nous pourrions distraire de leur front. Rien de plus. Notre sort ne les intéresse pas. Ils savent que la guerre sera décidée par eux et non par nous. Ils nous promettent une aumône à la fin.
3013 août. Le second entretien avec Hitler est plus bref et, je dirais, plus tranchant. Même dans les gestes, l’homme relève plus qu’hier l’imminente volonté d’action. Le congé est courtois mais réservé de part et d’autre12.
31Je fais mon rapport au Duce au palais de Venise. Outre le rapport, je lui fais pleinement connaître mon appréciation sur la situation, les hommes et les événements. Je retourne à Rome dégoûté de l’Allemagne, de ses chefs, de leur façon d’agir. Ils nous ont trompés et nous ont menti. Et aujourd’hui, ils nous entraînent dans une aventure que nous n’avons pas voulue et qui peut compromettre le Régime et le pays. Le peuple italien frémira d’horreur quand il connaîtra l’agression contre la Pologne et voudra même prendre les armes contre les Allemands. Je ne sais pas s’il faut souhaiter pour l’Italie une victoire ou une défaite allemande. De toute façon, étant donné l’attitude allemande, j’estime que nous avons les mains libres et je propose d’agir en conséquence, c’est-à-dire en déclarant que nous n’entendons pas participer à un conflit que nous n’avons ni voulu, ni provoqué13.
32Les réactions du Duce sont de nature variée. D’abord, il me donne raison. Puis, il dit que l’honneur l’oblige à marcher avec l’Allemagne. Enfin, il affirme vouloir sa part de butin en Croatie et en Dalmatie.
3314 août. Je trouve Mussolini pensif. Je n’hésite pas à susciter en lui une réaction antiallemande par tous les moyens. Je lui parle de son prestige ébranlé et de sa position peu brillante de second. Surtout, je lui remets une documentation qui prouve la mauvaise foi allemande dans la question polonaise. L’alliance a été conclue sur des promesses qui ont été reniées : ce sont eux les traîtres et nous ne devons pas avoir de scrupule à les abandonner. Mais Mussolini en a encore beaucoup. Je devrai jouer une dure partie pour l’amener sur mes positions. Mais je la jouerai convaincu de lui rendre un grand service, ainsi qu’au pays. En attendant, je dis à Starace de ne pas cacher au Duce le véritable état d’esprit du pays : nettement antiallemand. Demain, je ferai de même avec le chef de la police. Il est nécessaire qu’il sache que le peuple italien ne veut pas se battre aux côtés de l’Allemagne pour lui donner une puissance qui le menacera un jour. Désormais, je n’ai plus de doute sur les Allemands. Demain, ce sera le tour de la Hongrie, puis le nôtre. Nous devons agir maintenant, tant qu’il en est temps.
34Je vois l’ambassadeur de Pologne à la mer. Je parle avec lui en termes très vagues et lui conseille la modération. Notre conseiller à Varsovie dit que la Pologne se battra jusqu’au dernier homme. Les églises sont pleines. On prie Dieu et on chante un hymne qui dit « Dieu sauve la Patrie ». Demain, ces gens seront massacrés par le fer allemand et sans être le moins du monde coupables. Mon cœur est avec eux.
3515 août. Le Duce qui, dans un premier temps, refusait de séparer sa liberté d’action de celle des Allemands, à la suite de l’examen des documents que je lui avais présentés et après nos entretiens, est d’accord sur le principe qu’il est impossible de marcher les yeux fermés avec l’Allemagne. Mais il fait cependant une réserve : il veut préparer le détachement, mais de manière à ne pas rompre brutalement les relations avec Berlin. À son avis, il est encore possible, même si cela est difficile, que les démocraties reculent. Dans ce cas, il ne convient pas de nous heurter avec l’Allemagne car nous devons prendre, nous aussi, notre part de butin. Il est donc nécessaire de trouver une solution qui permette : a) si les démocraties attaquent, de se détacher « honorablement » des Allemands ; b) si les démocraties renoncent, de saisir l’occasion pour régler, une fois pour toute, les comptes avec Belgrade.
36À cette fin, plus que toute autre chose, il convient de mettre par écrit les conclusions de Salzbourg. C’est un document qui, selon les cas, pourrait être sorti ou laissé dans les archives. Le Duce est également toujours plus convaincu que les démocraties se battront : « Il est inutile, dit-il, d’aller à 2 000 mètres, parmi les nuages. Peut-être est-on plus près du Père éternel – s’il existe – mais on est plus loin des hommes. Cette fois, c’est la guerre et nous ne pouvons pas la faire car notre situation ne nous le permet pas. »
37Les entretiens que j’ai eus avec lui aujourd’hui ont duré six heures et j’ai parlé avec une franchise brutale.
3816 août. Aujourd’hui encore, deux entretiens au palais de Venise : seul en matinée et accompagné d’Attolico dans l’après-midi. Le Duce est encore plus convaincu du fait que la France et l’Angleterre entreront en guerre si l’Allemagne attaque : « Si elles n’agissent pas ainsi, dit-il, j’enverrai un ultimatum à la Banque de France, demandant la remise de l’or qui est la chose, entre toute autre, la plus chère aux Français. » Il commence à réagir vivement contre l’attitude des Allemands envers lui et je l’encourage dans cette voie par tous les moyens. Dans l’après-midi, nous examinons longuement l’opportunité d’envoyer une note aux Allemands, mais nous concluons qu’il serait préférable de faire une communication verbale car une note écrite pourrait conduire l’Allemagne à demander des précisions sur notre éventuelle attitude en cas de guerre. C’est la dernière chose que je désire : Mussolini, si son honneur est en jeu, serait capable de confirmer l’engagement de marcher avec les Allemands. Il voulait déjà le faire voici deux jours et ce fut difficile de l’en empêcher. Ce serait une folle aventure, engagée contre la volonté unanime du peuple italien, qui ne connaît pas encore la véritable situation mais qui, pressentant la vérité, est pris d’un accès de colère contre les Allemands. Starace – guère suspect en la matière – dit que lorsque l’Allemagne attaquera la Pologne, il faudra être vigilant pour empêcher des manifestations antiallemandes. Une politique de neutralité sera, inversement, très populaire et, si cela est nécessaire plus tard, une guerre contre l’Allemagne serait tout aussi populaire.
3917 août. De nouveau chez le Duce avec Attolico. Il a eu un retour de flamme avec ses scrupules de loyauté et voudrait qu’Attolico confirme à Ribbentrop que, quoiqu’il arrive, l’Italie marchera avec l’Allemagne si les démocraties se jettent dans la fournaise. Je me suis battu comme un lion contre cette idée et j’ai réussi à faire modifier ces instructions du Duce dans le sens que nous nous tairons tant que les Allemands ne feront pas de demandes sur nos intentions. Aussi, le Duce n’a pas encore fixé une ligne de conduite précise et est encore capable de resserrer davantage les liens avec l’Allemagne. Cependant, il se rend compte, et tout le monde le lui dit, que notre pays ne veut plus rien avoir affaire avec les Allemands.
40Bref entretien avec Mackensen, auquel je donne la teneur de ce qu’Attolico devra dire demain à von Ribbentrop14. Bref entretien avec Christich, comme toujours anxieux et hésitant. Enfin, je reçois Percy Loraine. Je ne lui cache pas que je considère la situation très grave et que l’Europe a besoin de beaucoup de bon sens pour éviter la crise. Il répond qu’il y a du bon sens mais que ce n’est pas pour cela que l’Europe entend supporter les diktats politiques d’Hitler. Si la crise survient, l’Angleterre se battra. Lui-même voudrait y participer en personne. Il a seulement une pensée qui l’attriste : peut-être, pour la première fois dans l’histoire, nos deux pays devront-ils se battre entre eux. Je ne réponds pas mais je crois qu’il a compris que moi-même ne souhaitais pas cette éventualité.
4118 août. Dans la matinée, entretien avec le Duce et son habituelle variation de sentiments. Il estime encore possible que les démocraties ne marchent pas et que l’Allemagne puisse faire une bonne affaire à peu de frais de laquelle il ne veut pas être exclu. De plus, il craint la colère d’Hitler. Il pense qu’une dénonciation – ou quelque chose de similaire – du pacte peut conduire Hitler à abandonner la question polonaise afin de régler ses comptes avec l’Italie. Tout ceci le rend nerveux et inquiet : mes suggestions ne durent que quelques secondes. Désormais, il me suspecte également d’hostilité à l’Axe, de parti-pris, et mon influence en la matière semble, malheureusement, diminuer.
42Dans l’après-midi, le comte Csáky arrive à l’improviste. Comme toujours, il est confus, imprécis et plein de contradictions. Il me soumet l’idée de conclure, au plus vite, un pacte d’alliance avec l’Axe. Il espère ainsi sauver la Hongrie de l’invasion allemande ou, du moins, faire passer celle-ci pour la marche d’un allié. Je le lui déconseille car j’y vois un nouveau lien entre nous et l’Allemagne. Le Duce se montre également très réservé. Csáky n’a pas d’opinions bien définies sur la situation. Il pense encore à la possibilité d’un bluff allemand. Il dit que le peuple hongrois déteste les Allemands dans une proportion de 95 %. Le Régent lui-même, en parlant d’eux, les traite de « brigands et de bouffons », et madame Horthy a dit qu’elle prendrait les armes s’il s’agissait de combattre les Allemands.
43Pour la première fois, de manière officielle, on a parlé de mettre Aoste sur le trône de Hongrie. Le Régent y serait favorable mais l’obstacle est représenté par le possible veto allemand.
4419 août. J’arrive à Tirana où me parvient la nouvelle que je suis décoré du Collier de l’Annonciade. Je visite les travaux publics de Tirana et de Durazzo. En Albanie, on a beaucoup travaillé sur le plan matériel et spirituel. Les organisations du Parti sont excellentes. Particulièrement remarquable est le travail accompli auprès de la jeunesse qui est désormais nettement orientée vers l’Italie.
45Il ne fait pas de doute que si nous pouvions travailler en paix pendant quelques années, nous serions en possession de la plus riche région d’Italie. Je suis très satisfait de ce que je vois mais, aujourd’hui, l’esprit est absent : les événements de la politique européenne sont trop graves et sombres pour me permettre de concentrer mon attention seulement sur les affaires albanaises.
4620 août. Je rejoins Valona sur le Duca degli Abruzzi. Quelle misère ! En comparaison, Durazzo et Tirana sont deux métropoles. La région est cependant très belle avec une baie ample, la mer riche et poissonneuse. Avec quelques années de travail, tout sera transformé. Nous devions aller à Korcia mais le mauvais temps nous a dissuadés. Nous sommes revenus à Durazzo. J’y reçois un télégramme d’Anfuso pour m’annoncer que ma présence à Rome dans la soirée serait « extrêmement opportune ». J’annule la visite à Scutari et reviens à Rome.
47Voilà ce qui est advenu : en mon absence, le Duce a fait marche arrière. Il veut, à tout prix, se ranger aux côtés de l’Allemagne dans le conflit désormais proche. Dans la soirée, il veut envoyer, par l’intermédiaire d’Attolico, une communication dans ce sens aux Allemands. Entre-temps, les Anglais ont fait appel au Duce pour résoudre pacifiquement le différend.
48Entretien à trois entre Mussolini, moi et Attolico. Le Duce est décidé. Il met en avant cet argument : il est trop tard pour abandonner les Allemands. Si cela arrivait, la presse du monde entier dirait que l’Italie est lâche, qu’elle n’est pas prête, qu’elle a reculé devant le spectre de la guerre. Je cherche à discuter mais c’est peine perdue ce soir. Il est fermement attaché à cette idée. Je prends le prétexte de la communication anglaise pour obtenir un renvoi de toute décision à demain matin. J’ai encore espoir de casser cela, tandis qu’Attolico sort du palais de Venise découragé et abattu.
4921 août. Aujourd’hui, j’ai parlé clairement. J’ai brûlé toutes mes cartouches. Lorsque je suis entré dans la pièce, Mussolini a confirmé sa décision de marcher avec les Allemands15 : « Vous, Duce, vous ne pouvez, ni ne devez le faire. La loyauté avec laquelle je vous ai servi dans la politique de l’Axe m’autorise à vous parler clairement. Je suis allé à Salzbourg pour négocier une ligne commune : je me suis trouvé face à un diktat. Les Allemands – et non vous – ont trahi l’alliance par laquelle nous devions être des associés et non des esclaves. Déchirez le pacte, jetez-le à la face d’Hitler et l’Europe reconnaîtra en vous le chef naturel de la croisade antiallemande. Voulez-vous que j’aille à Salzbourg ? Eh bien, j’irai et je saurai parler aux Allemands comme il convient. Hitler n’éteindra pas ma cigarette comme il l’a fait avec celle de Schuschnigg. » Voici ce que je lui ai dit, et d’autres choses encore. Il en a été très ébranlé et a approuvé ma proposition. Rencontrer Ribbentrop au Brenner et lui parler avec franchise et revendiquer nos droits d’associé. Pour le moment, il ne veut pas que l’Axe saute mais si cela devait se faire, je ne pleurerais pas.
50Nous téléphonons à Ribbentrop, mais il est introuvable pendant un long moment. Finalement, à 17 h 30, je lui parle et lui dis que je souhaite le voir au Brenner. Il me fait savoir qu’il ne peut pas me répondre tout de suite car « il attend un important message de Moscou ». Il téléphonera dans la soirée. Je rapporte la conversation au Duce qui me demande – comme il le fait souvent ces jours-ci – quel a été le ton de celle-ci et comment était l’humeur allemande.
51Nouvel entretien avec le Duce. Il approuve le document que j’ai rédigé pour la discussion avec Ribbentrop et nous fixons quatre points concernant les éventualités qui pourraient se présenter. À mon avis, trois ne comptent pas et un est fondamental : celui qui prévoit que nous n’interviendrons pas si le conflit est provoqué par une attaque contre la Pologne.
5222 août. Hier soir, à 10 h 30, s’est produit un coup de théâtre. Ribbentrop a téléphoné qu’il préférait me voir à Innsbruck plutôt qu’à la frontière car il doit ensuite partir pour Moscou afin de signer un accord politique avec les Soviets16. J’ai suspendu toute décision et j’ai référé au Duce. Il a été d’accord avec moi pour estimer que le voyage en Allemagne est désormais dépassé. J’ai à nouveau parlé avec Ribbentrop pour lui dire que notre éventuelle rencontre est renvoyée à son retour de Moscou. Longue conversation téléphonique avec le Duce. Il n’y a pas de doute sur le fait que les Allemands ont fait un coup de maître. La situation en Europe est bouleversée. La France et l’Angleterre, qui ont basé toute leur politique contre l’Axe sur l’alliance avec les Soviets, pourront-elles encore compter sur l’adhésion inconditionnelle des masses extrémistes ? Le système d’encerclement au moyen des petits États fonctionne-t-il encore, alors que le point d’appui de Moscou est tombé ? De toute façon, il convient de ne pas précipiter les décisions : attendre et, si possible, nous tenir prêts à saisir notre part de butin en Croatie et en Dalmatie. Le Duce a déjà constitué l’armée commandée par Graziani. Pour ma part, j’ai commencé à mobiliser nos amis croates en Italie et sur place.
53L’événement russe a beaucoup désorienté le corps diplomatique : en général, les représentants des démocraties cherchent à minimiser la chose17. Dans la soirée, je vois Percy Loraine qui voudrait une réponse à sa démarche de dimanche. Ma réponse est vague mais pas négative : je confirme notre volonté générale de paix et la disposition du Duce d’appuyer la thèse des négociations auprès d’Hitler.
5423 août. La journée est chargée d’électricité et pleine de menaces. À l’euphorie créée par le pacte russo-allemand laisse la place à une évaluation plus rationnelle de l’événement qui n’est pas, à mon avis, aussi fondamental. La France et l’Angleterre font savoir aux quatre vents qu’elles interviendront également dans un éventuel conflit. Le Japon proteste. Des nouvelles de Tokyo signalent une mauvaise humeur accentuée par l’ignorance dans laquelle le Japon est tenu jusqu’à maintenant.
55Le Duce, suite à mes insistances, m’autorise à présenter à Percy Loraine un plan de résolution, basé sur une restitution préliminaire de Dantzig au Reich. Par la suite, des négociations et une grande conférence de la paix. Je ne sais pas si cela est dû à l’émotion ou à la chaleur, mais Percy Loraine s’est quasiment évanoui dans mes bras. Il a trouvé asile dans un cabinet qui n’était pas diplomatique.
56Entretien avec François-Poncet, plutôt découragé et pessimiste. Il répète lui aussi que la France se battra, bien qu’il ne sous-estime pas la portée de la défection russe18. Weizsäcker me téléphone depuis le Berghof pour me communiquer la rude réponse d’Hitler à l’ambassadeur britannique : un autre espoir qui tombe19.
57Nouvel entretien avec le Duce. Lors de la visite au Roi, il veut que je le mette au courant des documents antiallemands que j’ai préparés : je dois me limiter à lui faire voir les quatre points qui, cependant, n’ont pas été encore transmis aux Allemands. Ce soir, le Duce est belliciste. Il parle d’armées et d’attaques. Il a reçu Pariani qui lui a donné de bonnes nouvelles de la situation de l’armée. Pariani est un menteur et un traître.
58Phillips, en soirée, me porte un message de Roosevelt pour le Roi. Il ne me semble pas très concluant20.
5924 août. À Sant’Anna di Valdieri pour conférer avec le Roi21. L’opportunité en a été fournie par la visite de remerciement pour le Collier. Mais il fut bien peu question de celui-ci. Il souhaite des nouvelles sur la situation. Je le mets rapidement au courant de ce qui est advenu mais, avec lui, il n’est pas nécessaire d’attaquer les Allemands car il est déjà dans un état d’esprit de franche hostilité. Je montre les quatre points concoctés avec le Duce à propos de notre attitude. Il les approuve, surtout le troisième, celui de la neutralité. À son avis, nous ne sommes absolument pas en mesure de faire la guerre : l’armée est dans un piteux état, la revue et les manœuvres ont pleinement révélé la triste condition d’impréparation de nos grandes unités. Même la défense des frontières est insuffisante : il a accompli 32 inspections et est convaincu que les Français peuvent passer avec beaucoup de facilité. Les officiers sont médiocres, les moyens vieux et inadaptés. À son avis, il est nécessaire de rester les armes aux pieds en attendant les événements. On doit ajouter à cela l’état d’esprit du pays nettement antiallemand. Les paysans mobilisés maudissent « ces perfides Allemands ». Six mois de neutralité nous donneront une grande force. Quoi qu’il en soit, si de suprêmes décisions doivent être prises, il désire se trouver à Rome « pour ne pas être mis de côté » et espère que le Duce, en cas de conflit, donne un commandement au Prince de Piémont : « Les deux imbéciles de Bergame et de Pistoia ont un commandement22. Mon fils peut bien en avoir un car sa tête vaut bien celle du duc d’Aoste. » Puis, paternellement, il a ajouté que le Prince m’aime bien, beaucoup même, et qu’il parle toujours de moi avec confiance et espérance.
6025 août. Dans la nuit, coup de téléphone de Ribbentrop qui, de la part d’Hitler, fait savoir que la situation est en train de devenir « critique » à cause des habituelles « provocations polonaises ». Le ton est moins décidé et hautain que d’habitude. Je fais une allusion à l’opportunité de nous voir. La réponse est dilatoire.
61Bastianini m’informe que durant mon absence, l’attitude du Duce est redevenue belliciste à outrance. C’est effectivement dans cet état d’esprit que je le trouve dans la matinée23. J’insiste beaucoup sur les opinions du Roi pour le surmonter et je réussis à faire approuver une communication à Hitler dans laquelle on annonce notre non-intervention immédiate, quitte à réexaminer notre position quand nous aurons complété notre appareil militaire. Je suis très satisfait de ce résultat mais le Duce me rappelle au palais de Venise. Il a changé d’idée : il craint la dureté du jugement allemand, il veut intervenir tout de suite. Inutile de lutter : je me résigne et je retourne au palais Chigi, où la consternation remplace l’euphorie d’il y a quelques minutes.
6214 heures : on m’avertit d’un message d’Hitler au Duce. Je vais au palais de Venise avec Mackensen. Le message, ambigu, fait de la métaphysique et conclut en laissant entendre que l’action commencera d’ici peu et demande la « compréhension italienne24 ». Je prends le point de cette phrase pour persuader le Duce d’écrire à Hitler. Nous ne sommes pas prêts à marcher. Nous le ferons si vous nous donnez tous les moyens militaires et les matières premières dont nous avons besoin. Ce n’est pas une communication comme j’aurais voulu, mais c’est déjà quelque chose. La glace est rompue. Je téléphone personnellement la note, en clair, à Attolico qui la porte à Hitler25. La réaction allemande est froide. Mackensen porte à 21 h 30 une note brève dans laquelle on nous demande de préciser nos besoins. En voiture, Mackensen, qui est hostile à l’aventure militaire, me recommande de faire une liste bien complète : il espère que cela freinera son gouvernement. En fait, il y a eu un premier coup de frein : Roatta a téléphoné que l’ordre de mobilisation générale et de marche prévu pour ce soir a été suspendu26.
6326 août. De Berlin, on presse pour avoir la liste de nos besoins. Nous nous réunissons à cet effet, au palais de Venise, à 10 heures, avec les chefs d’état-major des trois armées et Benini27. Avant d’entrer dans le bureau du Duce, j’en appelle au sens des responsabilités de mes camarades : ils doivent dire la vérité sur l’état des réserves et ne pas faire – comme cela est arrivé souvent – dans un optimisme criminel. Tous sont dans cet état d’esprit : le plus optimiste est Pariani. Inversement, Valle, très conscient de ses responsabilités ce matin, est honnête dans ses déclarations. Nos besoins sont énormes car les réserves sont presque nulles. On rédige la liste des besoins : elle tuerait un taureau s’il pouvait la lire28. Je reste seul avec le Duce afin de préparer un message pour Hitler. Nous expliquons pourquoi nous avons d’aussi grands besoins et nous concluons en disant que l’Italie ne peut absolument pas entrer en guerre sans ces fournitures29. Le Duce fait également allusion à une éventuelle action politique de sa part. Attolico, en transmettant la requête, tombe dans une équivoque. Dans un entretien ultérieur, Attolico m’a dit qu’il ne s’agissait pas d’une équivoque mais qu’il s’était volontairement trompé afin de décourager les Allemands de satisfaire nos demandes30. Il demande la livraison immédiate de tout le matériel, chose impossible puisqu’il s’agit de 17 millions de tonnes qui nécessiteraient 17 000 trains. Je clarifie la chose. La réponse d’Hitler arrive rapidement : il pourrait nous donner seulement du fer, du charbon, du bois mais peu de batteries antiaériennes. Il explique qu’il comprend notre situation et nous invite à maintenir une attitude amicale. Il se propose, après avoir annihilé la Pologne, de vaincre seul la France et l’Angleterre. À la suite du départ de Mackensen, le Duce rédige la réponse. Il prend acte et exprime son regret de ne pouvoir intervenir. Il propose encore une solution politique. Le Duce est vraiment bouleversé. Son instinct militaire et son sens de l’honneur le portent au combat. La raison l’en empêche. Il en souffre beaucoup. Sur le plan militaire, il a été mal servi par des collaborateurs qui, dans l’espoir d’une paix éternelle, l’ont entretenu dans de périlleuses illusions. Aujourd’hui, il s’est heurté à une dure réalité. Pour le Duce, cela a été un déchirement. Mais l’Italie a été sauvée d’un grand malheur : celui-là même qui va s’abattre sur le peuple allemand. Hitler entre en guerre avec une impressionnante étroitesse de moyens et un peuple divisé.
64Le message est remis à Hitler vers 20 heures. Il annonce une réponse prochaine.
6527 août. Halifax me fait savoir, sur un ton très courtois, que les mesures prises en Méditerranée ne doivent pas être interprétées comme le prélude à des hostilités contre nous. Je lui réponds également de manière courtoise : il m’importe de maintenir le contact avec Londres.
66Réponse d’Hitler. Il semble toujours décidé à marcher et nous demande trois choses : ne pas faire connaître notre décision de neutralité jusqu’à ce que ce ne soit plus nécessaire, continuer les mesures militaires pour immobiliser des forces franco-britanniques, envoyer des ouvriers agricoles et industriels en Allemagne. Le Duce répond qu’il accepte de faire tout ceci et promet une révision de notre conduite après la première phase du conflit. Mais quand finira cette première phase ? Lui-même, ce matin, est content de la décision de « rester à la fenêtre », selon sa propre expression. Il advient cependant un fait singulier : les Anglais nous communiquent le texte des propositions allemandes à Londres, desquelles on fait grand cas mais que nous ignorons à cent pour cent. Chose impensable : Hitler propose aux Anglais une alliance, ou presque31, et naturellement à notre insu. Je m’en indigne et le dis. Le Duce s’en indigne mais ne le montre pas. Il veut encore avoir une attitude de solidarité avec les Allemands, au moins en apparence. Naturellement, je cache notre ignorance à Percy Loraine à qui je conseille de ne pas repousser les propositions allemandes et à commencer à négocier, au moins pour gagner du temps. Nous décidons de prendre un contact direct avec Halifax et je lui téléphone. La chose remplit de joie Percy Loraine et Halifax lui-même, qui me dit qu’il n’est pas dans les intentions anglaises de repousser les offres à condition de sauvegarder les engagements pris envers la Pologne. La conversation téléphonique est impromptue des deux côtés, avec une extrême cordialité. Aussi la situation s’améliore-t-elle graduellement. J’ai dû soutenir une lutte difficile pour convaincre le Duce d’agir comme il l’a fait et je dois ajouter que, dans cette partie, j’ai été complètement abandonné par ceux qui ne se préoccupent que de dire au Duce des choses qui lui font plaisir. La vérité est leur ultime souci. Starace est arrivé à dire à Mussolini, dans sa petitesse intellectuelle et morale, que les femmes italiennes sont heureuses de la guerre car elles recevront six lires par jour et seront débarrassées de leurs maris. Quelle honte ! Le peuple italien ne mérite pas l’insulte de tant de vulgarité.
67Mais cela ne fait rien. Je continue seul la lutte car je suis convaincu de ma bonne cause : la guerre, aujourd’hui, dans nos conditions matérielles et morales, serait un grand malheur. J’entends l’éviter à tout prix.
68Dans l’entretien de l’après-midi, je trouve que le Duce est également dans cet état d’esprit. L’affaire des tractations secrètes avec Londres a donné un coup au jugement qu’il porte sur les Allemands. Il dit qu’Hitler agit ainsi par peur de son intervention qui parviendrait à résoudre la crise au dernier moment, comme l’année dernière à Munich, et à augmenter son prestige dont Hitler serait jaloux. Je ne sais pas si cette explication est exacte. Selon moi, il y en a une plus simple : les Allemands sont infidèles et menteurs. Toute alliance avec eux devient rapidement une mauvaise alliance. On communique de Londres que le Conseil des ministres est fini mais qu’il reprendra demain à midi pour élaborer une réponse définitive à Hitler. Attolico a demandé des nouvelles de la situation à Ribbentrop. Il lui a répondu qu’il y avait peu de chance32 de trouver une solution pacifique et qu’Henderson s’est rendu à Londres afin d’exposer ses propres idées. Est-il possible d’être plus salaud que Ribbentrop ? Mais tout ceci est bénéfique car cela fait disparaître les derniers scrupules qu’avait encore le Duce. Aujourd’hui, il est déjà plus soulagé. Il ne parle plus d’intervenir dans un second temps. Il dit qu’il fera seulement ce qui convient après avoir attendu avec beaucoup de calme le développement de la situation. Ce ne fut pas sans difficultés que j’ai pu l’attirer dans mon attelage, comme on dit à Gênes, mais il y est finalement venu, avec de bonnes intentions d’y rester. Les inévitables gaffes33 des Allemands y contribueront de manière précieuse.
69Hitler, lors d’une réunion privée, a parlé aux députés du Reich sur un ton violent. Mais je ne sais pas – et Attolico n’a pu me le préciser – ce qu’il leur a dit.
7028 août. La journée a été, pour ainsi dire, calme. Cette pause, selon Magistrati, est due à la nécessité pour les Allemands d’envoyer des troupes sur la frontière occidentale. Aucun contact direct avec Berlin où Weizsäcker a dit à Attolico qu’il n’existe aucune communication écrite du Führer aux Anglais ! Nombreux et cordiaux contacts avec les Anglais qui nous ont avertis de la tonalité de la réponse qu’Henderson se prépare à porter à Berlin dans la soirée34. Encore une fois, ils font appel au Duce afin qu’il mène une action pacificatrice mais, désormais, je ne crois pas qu’il soit possible de faire plus qui n’a déjà été fait. Nous pourrions nous attirer une réponse désagréable de la part des Allemands. Le Duce est maintenant assez serein, comme toujours après avoir pris une décision. Il ne veut pas prononcer le mot « neutralité » mais c’est dans cet état d’esprit qu’il est désormais. Il commence même à espérer que la guerre soit dure, longue et sanglante : il y voit la possibilité de grands avantages pour nous.
71Dans la nuit, Percy Loraine m’envoie le texte résumé de la réponse anglaise. Elle n’est pas mauvaise, laissant la porte ouverte à beaucoup de possibilités. D’autre part, l’action anglaise a également conduit la Pologne à plus de souplesse. C’est peut-être là la clé de toute la situation35.
7229 août. Le Duce est inquiet. Il veut faire quelque chose : quelques articles anglais parlant de la nécessaire neutralité italienne ont eu sur lui un effet délétère. Aussi décide-t-il une série de mesures militaires et civiles de caractère belliqueux qui, à mon avis, pouvaient être évitées pour le moment36.
73Que ce soit de Berlin comme de Rome, les nouvelles sont meilleures. Halifax m’a téléphoné pour dire que le Führer n’a pas repoussé les propositions anglaises et qu’il existe encore la possibilité d’une solution pacifique. Attolico, qui a discuté avec Ribbentrop, dit plus ou moins la même chose. Dans l’état actuel des choses, je pousse le Duce à envoyer à Hitler un télégramme afin de lui conseiller la voie des négociations. J’en informe sir Percy Loraine qui en est très heureux. Je reçois l’ambassadrice allemande en Espagne, la baronne von Stohrer. Elle est très pessimiste sur la situation intérieure de l’Allemagne. Elle croit que le déclenchement d’une guerre générale pourrait rapidement conduire au bolchevisme. Elle dit que le peuple allemand, « qui est le peuple le plus ingrat du monde », est agité actuellement par de forts courants antinazis. Attolico a discuté avec Hitler qui remercie la communication du Duce. Il a fait savoir aux Anglais qu’il est prêt à recevoir un plénipotentiaire polonais mais il est encore sceptique sur la possibilité d’une solution négociée « car désormais les deux armées sont à portée de fusil et le plus petit incident peut être la cause du conflit37 ».
7430 août. Ma première pensée, aujourd’hui, est pour la mémoire de mon père qui aurait eu 63 ans si une mort injuste n’avait pas arrêté son grand cœur. Que Dieu l’accueille et que son âme généreuse me soit toujours proche.
75La situation s’est de nouveau aggravée. La réponse anglaise ne ferme pas la porte à de futures négociations mais ne donne pas – elle ne pouvait donner – aux Allemands tout ce qu’ils demandaient. L’unique espoir serait des contacts directs mais les heures passent et le plénipotentiaire polonais ne gagne pas Berlin. Par contre, la nouvelle de la mobilisation générale polonaise parvient de Varsovie et ce n’est pas le genre de nouvelle susceptible de détendre les nerfs. Je continue et je multiplie mes contacts avec les Anglais : Percy Loraine est venu, cette nuit, chez moi et a continuellement téléphoné pendant la journée. Mais nous ne réussissons pas à faire évoluer la situation. Le Duce est convaincu que « c’est pour demain ». Naturellement, l’idée de notre neutralité forcée lui pèse de plus en plus. Ne pouvant faire la guerre, il prend toutes les dispositions qui, en cas de solution pacifique, lui permettraient de dire qu’il l’aurait faite. Rappel de réservistes, obscurcissement, réquisitions, fermeture de locaux. Tout ceci comporte deux graves dangers : un de caractère externe car cela peut faire croire à Paris et à Londres que nous nous préparons à les attaquer et donc à les pousser à déclencher les opérations ; l’autre de caractère intérieur car cela alarme la population qui est toujours plus antiallemande et hostile à la guerre. Bocchini, que j’ai invité à envoyer au Chef de vrais rapports sur la situation, est très pessimiste. Il est arrivé à me dire qu’en cas d’émeutes à caractère neutraliste, les carabiniers et les agents de police feraient cause commune avec la population.
7631 août. Réveil brutal. Attolico télégraphie à 9 heures que la situation est désespérée et que, sauf événement nouveau, ce sera la guerre dans quelques heures. Je vais immédiatement au palais de Venise. Il est nécessaire de susciter un nouvel événement. En accord avec le Duce, je téléphone à lord Halifax pour lui dire que le Duce peut intervenir auprès d’Hitler seulement s’il y a un gage de grande importance : Dantzig.
77Il ne peut rien demander les mains vides. Pour sa part, lord Halifax me demande de faire pression sur Berlin pour évacuer quelques difficultés procédurières et permettre le début de contacts directs entre l’Allemagne et la Pologne. Je téléphone dans ce sens à Attolico, toujours plus pessimiste. Peu après, Halifax fait savoir que notre proposition à propos de Dantzig ne semble pas réalisable. L’horizon s’obscurcit de plus en plus38.
78Je reçois François-Poncet. C’est un entretien sans objectif, donc vague et imprécis. Des deux côtés, on renouvelle la volonté de paix. Il cherche à savoir quelle sera notre attitude mais je ne réponds pas. Il est romantique, triste et nostalgique. J’ajouterais également sincère39.
79Je vois à nouveau le Duce. Ultime tentative : proposer à la France et à l’Angleterre une conférence pour le 5 septembre dans le but de revoir les clauses du traité de Versailles qui perturbent la vie européenne. J’appuie chaleureusement l’initiative, si ce n’est pour approfondir le fossé entre nous et Hitler qui a dit plusieurs fois qu’il ne voulait pas de cette conférence.
80François-Poncet accueille la proposition avec satisfaction et un peu de scepticisme. Percy Loraine avec enthousiasme. Halifax avec faveur, se réservant de la soumettre à Chamberlain. Je recommande une réponse rapide car le temps presse. Mais la journée passe sans communication de la sorte. Seulement à 20 h 20, l’administration téléphonique informe que Londres a coupé les communications avec l’Italie. Voici les conséquences des mesures prises ces derniers jours ou plutôt, des nombreux communiqués sur le peu de mesures prises ces jours-ci. Je vais en informer le Duce. Il en est impressionné. « C’est la guerre, me dit-il. Je ferai une déclaration au Grand Conseil pour indiquer que nous ne marcherons pas. » Demain : trop tard. Les Anglo-Français pourraient avoir déjà accompli un geste qui rendrait trop difficile une telle déclaration. Je propose d’appeler Percy Loraine et de faire une indiscrétion : si un scandale en résulte, je serais brûlé. Mais cela sauvera la situation.
81Le Duce approuve. Percy Loraine vient chez moi. Je le mets au courant de ce qui s’est passé, puis feignant de ne pouvoir retenir un cri du cœur, je dis : « Mais pourquoi voulez-vous créer l’irréparable ? Vous n’avez pas compris que nous ne commencerons jamais la guerre contre vous ou contre la France ? » Percy Loraine, ému, les yeux pleins de larmes, me prend les deux mains : « Depuis quinze jours, je m’étais rendu compte de ceci et je l’avais télégraphié à mon gouvernement. Les mesures de ces derniers jours avaient ébranlé ma confiance. Mais je suis heureux d’être venu ce soir au palais Chigi. » Il m’a de nouveau serré les deux mains et est parti heureux. J’en informe le Duce par téléphone qui, entre-temps, a fait allumer les lumières dans les villes afin de diminuer l’alarme. Le communiqué allemand résumant les événements de ces derniers jours ainsi que les propositions faites à la Pologne arrivent de Berlin. Elles sont très modérées mais il y a quelque chose qui n’est pas clair dans toute l’attitude allemande. Des propositions sont avancées mais on déclare qu’elles sont caduques au moment même où elles sont présentées. D’ailleurs, toute discussion est superflue : le programme qu’Hitler m’a annoncé au Berghof est appliqué point par point40. Cette nuit devrait débuter l’attaque, car le dernier jour indiqué pour des négociations est le 31 août. Inversement, le Duce croit encore qu’il est possible de négocier, pas moi. Je perçois l’esprit de la guerre dans le communiqué. À minuit, Magistrati fait savoir qu’à Berlin, des journaux gratuits sont distribués avec ce titre : « La Pologne a refusé. » L’attaque va commencer. En fait, elle débute à 5 h 2541. J’en suis informé par le ministre Alfieri au matin et, tout de suite après, le Duce me convoque au palais de Venise.
Notes de bas de page
1 Dans son rapport du 1er août, Attolico écrit : « L’Allemagne n’exclut pas la possibilité d’une guerre immédiate. […] Dans le IIIe Reich, les décisions à l’improviste et foudroyantes ne sont pas une nouveauté. L’Italie, pour sa part, a tout intérêt à faire clairement savoir qu’elle ne peut admettre et n’admet pas, pour aucune raison, d’être surprise. » Dans I documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. XII (23 maggio – 11 agosto 1939), op. cit., doc. no 743, p. 559-562.
2 Il s’agit du colonel Ruggeri Laderchi.
3 Né en 1887, Mario Roatta participe à la Première Guerre mondiale comme officier. Après la guerre, il est attaché militaire en Pologne, en Finlande et dans les Pays baltes. En 1934, il est nommé à la tête des services secrets (le SIM, Servizio segreto militare). En 1936, il est envoyé en Espagne à la tête du corps expéditionnaire italien, mais est relevé de son commandement à la suite de l’échec de Guadalajara. Promu général de division, il est nommé attaché militaire à Berlin en juin 1939.
4 Dans son rapport du 4 août, Attolico analyse les préparations à une crise majeure dans trois pays d’Europe (Portugal, France, Grande-Bretagne). Le signe d’un relatif optimisme est, selon lui, la mise en congé du Parlement à Londres. Dans I documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. XII (23 maggio – 11 agosto 1939), op. cit., doc. no 773, p. 578-579.
5 Si l’on en croit une interception téléphonique allemande rapportée par Hassell dans son Journal, Ciano est encore à ce moment-là favorable à l’alliance de l’Axe. Dans Hassell Ulrich von, Journal d’un conjuré (1938-1944), op. cit., p. 66.
6 Débutées en avril 1939, les négociations franco-anglo-soviétiques semblent s’accélérer avec le départ, le 5 août, pour Moscou d’une délégation franco-britannique, dirigée par le général Doumenc et l’amiral Drax. Elle arrive, par bateau, le 11 août à Leningrad.
7 Le 4 août 1939, la Phalange a adopté ses nouveaux statuts. Elle a, sous son contrôle, la Milice, les syndicats, le Conseil national. Ramón Serrano Súñer en est le président, et le général Muñoz Grandes le vice-président.
8 La conclusion de l’entretien du 11 août avec Ribbentrop est très pessimiste : « Mais après dix heures d’entretien continu avec Ribbentrop, je l’ai quitté profondément convaincu qu’il entend provoquer le conflit et qu’il s’opposera à toute initiative qui puisse servir à résoudre pacifiquement la crise actuelle. » Dans Ciano Galeazzo, Les Archives secrètes du comte Ciano, op. cit., p. 299. Nous disposons d’une synthèse des propos de Ciano dans le livre de souvenirs de l’interprète Eugen Dollmann : « Depuis un certain nombre d’années, nous ne faisons que la guerre, dit Ciano. La Libye, l’Abyssinie, l’Albanie, notre participation à la guerre d’Espagne, tout cela a fatigué notre pays et notre peuple. En outre, ces conflits ont consommé une large partie de nos ressources matérielles, déjà pas très considérables. Nos réserves en or et en devises sont trop faibles pour nous permettre de remplir rapidement les magasins. Notre flotte subit une vaste transformation. Rien que la construction des grands navires de combat nous prendra plusieurs années. Hitler, déjà blême, blêmit encore plus quand Ciano parla du grand projet de foire internationale, prévue pour 1942, dont l’Italie attendait beaucoup dans les domaines politiques et économiques. Hitler pensait conquérir un nouvel espace vital et son interlocuteur lui parlait de foire ! » Dans Dollmann Eugen, J’étais l’interprète de Hitler et de Mussolini, Paris, France-Empire, 1965, p. 125.
9 À la suite de cet entretien entre Ribbentrop et Ciano, celui-ci confie à Magistrati : « La parole sera bientôt au canon. » Dans Simoni Leonardo, Berlin, ambassade d’Italie, op. cit., p. 25.
10 Ciano est reçu à la résidence du Führer au Berghof, sur l’Obersalzberg. La salle évoquée dans le Journal est le salon d’apparat qui s’ouvre sur les Alpes bavaroises et la ville de Salzbourg par une baie vitrée de 32 mètres carrés, devant laquelle est installée une table de marbre.
11 Ciano écrit les remarques d’Hitler à ce sujet dans son rapport : « La France et la Grande-Bretagne accompliront sans aucun doute, très théâtralement, des gestes antigermaniques, mais n’entreront pas dans la guerre parce qu’elles ne sont pas préparées ni en esprit, ni en matière d’armement, à engager le conflit. Hitler répète qu’un jour il sera nécessaire de nous battre contre les démocraties occidentales, ne fût-ce que pour détruire le préjugé de supériorité morale qui anime la France et la Grande-Bretagne à l’égard de l’Italie et de l’Allemagne. Mais il exclut que cette lutte puisse commencer à présent. » Dans Ciano Galeazzo, Les Archives secrètes du comte Ciano, op. cit., p. 302.
12 « L’Allemagne agira dès que possible contre la Pologne. L’action sera rapide, décisive, implacable. Les puissances occidentales n’interviendront pas. Et, si par une hypothèse qu’il considère comme absurde, les puissances occidentales devaient intervenir, cela signifierait qu’elles avaient désormais décidé la lutte contre l’Axe, et que, même sans l’attaque allemande contre la Pologne, elles n’auraient pas laissé ces années de préparation qui pouvaient apparaître utiles à l’Italie et à l’Allemagne », écrit Ciano dans son rapport afin de rapporter la pensée du Führer. Dans Ibid., p. 304. À propos de cet entretien, Dollmann écrit : « Ciano écouta péniblement un long monologue de Hitler qui parla de tout sauf de ce qui intéressait le comte. Comme au commandement, deux gros aigles vinrent tournoyer dans le ciel, au-dessus de nous. Je remarquai que Ciano s’impatientait. Il ne manifestait aucun intérêt à ce que lui racontait Hitler. Sa tentative pour apprendre ce qui s’était passé semblait ne pas devoir réussir. Il abandonna. » Dans Dollmann Eugen, J’étais l’interprète de Hitler et de Mussolini, op. cit., p. 128. Il est à souligner que Ribbentrop, dans ses Mémoires écrits dans sa cellule de Nuremberg, ne fait aucune allusion à ces rencontres des 11-13 août 1939, tout comme d’ailleurs à ses relations avec les dirigeants italiens.
13 « Dans les jours qui suivent, je vis Ciano prendre parti contre la Treue », se souvient Anfuso. Dans Anfuso Filippo, Du palais de Venise au lac de Garde, op. cit., p. 97-98. Treue signifie fidélité en allemand.
14 Les instructions de Ciano à Attolico sont de défendre l’idée que le conflit germano-polonais ne restera pas localisé et de rester en contact avec Ribbentrop. Dans Documents on German Foreign Policy. 1918-1945, Series D (1937-1945), vol. VII, The Last Days of Peace (August 9 – September 3, 1939), His Majesty’s Stationery Office / Government Printing Office, Londres / Washington, 1956, doc. no 98, p. 106.
15 Le 21 août, Mussolini annonce sa décision de mobiliser les classes 1902 et 1910.
16 Alors que les Franco-Britanniques tergiversent lors de leurs négociations avec les Soviétiques, l’Allemagne propose à Moscou, le 8 août, d’ouvrir des conversations politiques directes. Le 19, Staline accepte le principe d’une visite de Ribbentrop. Le 20, un accord commercial germano-soviétique est conclu. Le 22, l’avion du ministre allemand des Affaires étrangères décolle pour Moscou. Les négociations débutent le 23 à 15 heures et aboutissent à la signature d’un pacte germano-soviétique le 24, peu après minuit, mais daté du 23.
17 Le témoignage de Dino Alfieri montre un Ciano contrarié par le pacte germano-soviétique : « Ciano était vraiment très contrarié. Habitué à se voir toujours au premier plan des événements internationaux, il était surtout vexé du coup de maître que son collègue avait réussi et qui allait accaparer l’attention de l’opinion publique dans le monde entier. » Dans Alfieri Dino, Deux dictateurs face à face. Rome-Berlin 1939-1943, Le Cheval ailé, coll. « Bibliothèque du Cheval ailé », Genève / Paris, 1948, p. 210. On peut douter que la réaction de Ciano ne soit due qu’à une jalousie de diva. Il ne peut qu’être mécontent du retournement brutal de la politique allemande, contraire aux orientations de l’Axe depuis au moins le pacte anti-Komintern, qui s’est fait sans aucune concertation avec l’allié italien.
18 Dans son rapport au Quai d’Orsay, François-Poncet explique avoir affirmé à Ciano que « la France remplira les obligations d’assistance » vis-à-vis de la Pologne, que le pacte germano-soviétique n’est pas de nature à modifier l’attitude de la France et que les différends italo-français « sont de ceux qu’il ne serait ni long, ni difficile d’aplanir ». Ciano a conseillé que la France pousse la Pologne à la négociation car elle a beaucoup à perdre dans un éventuel conflit. Le comte indique : « Comment, en pratique, la France et l’Angleterre iront-elles à son secours ? Ce qu’elles feront équivaudra à jeter une pierre à un lion qui est en train de dévorer un homme. L’homme sera tout de même dévoré. » Dans Documents diplomatiques français. 1932-1939, 2e série (1936-1939), t. 18 (13-25 août 1939), Imprimerie nationale, Paris, 1985, doc. no 336, p. 415.
19 Lors d’un entretien au ton rude, Hitler a affirmé à l’ambassadeur britannique Henderson que l’Allemagne ne supporterait plus le sort réservé aux minorités allemandes de Pologne et que la Grande-Bretagne porterait la responsabilité d’une guerre car sa garantie accordée à la Pologne en avril avait poussé celle-ci vers l’intransigeance.
20 Dans ce courrier, le président Roosevelt demande au souverain italien que l’Italie intervienne afin de peser en faveur d’un règlement pacifique au nom des liens particuliers qui unissent les États-Unis et l’Italie au travers des millions de citoyens américains d’origine italienne. Dans I documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. XIII (12 agosto – 3 settembre 1939), Libreria dello Stato / Istituto poligrafico dello Stato, Rome, 1953, document no 185, p. 123.
21 Sant’Anna di Valdieri est une résidence royale en Piémont.
22 Adalbert, duc de Bergame, commande un corps d’armée en Lombardie. Son frère, Philibert, duc de Pistoia, commande un corps d’armée dans le Trentin. Ils sont cousins du prince héritier.
23 Le Duce annonce la mobilisation de la classe 1903.
24 « Les relations entre l’Allemagne et la Pologne laissent à désirer depuis le printemps et, au cours de ces dernières semaines, la situation est devenue tout simplement intolérable, non par la faute du Reich mais à cause de l’attitude britannique. Les nouvelles sur la persécution des Allemands de la région de Dantzig ne sont pas des informations inventées par la presse mais seulement une partie de la vérité à faire frémir. […] Toutes ces raisons m’ont incité à hâter l’aboutissement des pourparlers germano-russes. » Dans Documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. XIII (12 agosto – 3 settembre 1939), op. cit., doc. no 245, p. 162.
25 « Si l’Allemagne attaque la Pologne et que les Alliés de cette dernière contre-attaquent, l’Italie ne prendra pas l’initiative d’opérations de guerre étant donné l’état actuel de nos préparatifs militaires, état qui a été signalé maintes fois et en temps opportun au Führer et à Ribbentrop. L’Italie ne peut qu’accélérer sa préparation militaire et la promptitude de son intervention dépendra des moyens militaires et matériels que l’Allemagne pourra mettre à notre disposition. » Dans Ibid., doc. no 232, p. 156.
26 L’annonce de la signature d’un accord d’assistance mutuelle anglo-polonais et les incertitudes italiennes amènent Hitler, le 25 août à 19 h 30, à repousser le moment de l’offensive contre la Pologne, initialement prévue le 26 à 0 h 30.
27 Les trois chefs d’état-major sont le général Alberto Pariani pour l’armée de terre depuis le 7 octobre 1936, l’amiral Domenico Cavagnari pour la marine depuis le 1er juin 1934, le général Giuseppe Valle pour l’aviation depuis le 22 mars 1934.
28 Effectivement, les demandes italiennes sont fortes : 150 batteries antiaériennes, 7 millions de tonnes de pétrole, 6 millions de tonnes de charbon, 2 millions de tonnes d’acier, 1 million de tonnes de bois, 150 000 tonnes de cuivre, 22 000 tonnes de caoutchouc…
29 « D’après ce qui m’a été déclaré par les chefs responsables des forces armées, les stocks d’essence de l’aviation italienne sont si bas qu’ils suffiraient à peine pour trois semaines d’hostilités. Il en est de même pour les approvisionnements de l’armée et pour beaucoup d’autres matières premières. Seul le chef de la flotte a pu me dire qu’il n’avait constaté aucune négligence coupable et que la flotte était prête au combat avec des approvisionnements suffisants. Je vous demande de comprendre ma situation. » Dans Schmidt Paul, Sur la scène internationale, op. cit., p. 213-214.
30 Cette phrase a été ajoutée ultérieurement dans la marge du Journal.
31 Le 25 août, à 14 heures, Hitler reçoit l’ambassadeur britannique, sir Nevile Henderson. Il confirme le maintien des exigences allemandes sur Dantzig, mais ajoute que l’Allemagne est prête à accorder sa garantie à l’intégrité de l’Empire britannique, voire son concours en cas de nécessité. Dans Schmidt Paul, Sur la scène internationale, op. cit., p. 211.
32 En français dans le texte.
33 En français dans le texte.
34 Le gouvernement britannique y réitère sa volonté de maintenir sa garantie en faveur de l’indépendance de la Pologne. L’ambassadeur Henderson déclare au Führer que « tout acte de force contre la Pologne ne peut manquer d’entraîner la guerre entre l’Angleterre et le Reich ». Mais le cabinet britannique préconise l’ouverture de négociations directes entre Berlin et Varsovie.
35 Dans ce message de lord Halifax adressé au comte Ciano, le ministre britannique affirme la réalité du traité de garantie anglo-polonais, mais également que le gouvernement de Londres est autorisé à informer le gouvernement allemand que la Pologne est prête à négocier directement avec le Reich. Dans Documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. XIII (12 agosto – 3 settembre 1939), op. cit., doc. no 387, p. 240.
36 Manœuvres aériennes, manœuvres de protection antiarienne, couvre-feu dans les grandes villes, réduction du trafic ferroviaire, suspension des départs de bateaux, ordre de rentrer dans des ports italiens pour ceux qui sont en mer.
37 Hitler accepte de négocier avec le gouvernement polonais à condition qu’il envoie à Berlin un plénipotentiaire muni des pleins pouvoirs dans les 24 heures.
38 Ciano confie à Bottai : « La situation est bloquée. C’est une question d’heures. Il faudrait un miracle. » Dans Bottai Giuseppe, Diario, op. cit., p. 154.
39 Le sentiment de vague et d’imprécision ne ressort pas du rapport de l’ambassadeur français. En cas d’agression allemande, « j’ai essayé de me faire préciser quelle serait, en pareil cas, l’attitude de l’Italie. J’ai parlé d’une localisation de la guerre. J’ai prononcé le mot de neutralité. Le comte Ciano ne m’a pas suivi sur ce terrain ; il a été évasif et s’est borné à me dire qu’il était prématuré d’essayer de déterminer dès maintenant la forme que revêtirait la guerre. Mais vis-à-vis d’un de mes collègues, il a été plus explicite et a déclaré à celui-ci que, selon toute vraisemblance, la France et l’Angleterre iraient au secours de la Pologne, ce qui rendrait la neutralité italienne impossible ». Dans Documents diplomatiques français. 1932-1939, 2e série (1936-1939), t. 19 (26 août – 3 septembre 1939), Paris, Imprimerie nationale, 1986, doc. no 246, p. 250.
40 Le 31 août, en fin d’après-midi, Joseph Lipsky, ambassadeur de Pologne à Berlin, se présente à la Wilhelmstrasse pour négocier. Ribbentrop refuse toute discussion, prétextant que le gouvernement polonais n’a pas donné les pleins pouvoirs à son ambassadeur.
41 On peut même considérer que la guerre commence à 4 h 45, lorsque le cuirassé allemand Schleswig-Holstein ouvre le feu depuis le port de Dantzig contre la garnison polonaise de la presqu’île de Westerplatte.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Bestiaire chrétien
L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (Ve-XIe siècles)
Jacques Voisenet
1994
La Gascogne toulousaine aux XIIe-XIIIe siècles
Une dynamique sociale et spatiale
Mireille Mousnier
1997
Que reste-t-il de l’éducation classique ?
Relire « le Marrou ». Histoire de l’éducation dans l’Antiquité
Jean-Marie Pailler et Pascal Payen (dir.)
2004
À la conquête des étangs
L’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen (xiie - xve siècle)
Jean-Loup Abbé
2006
L’Espagne contemporaine et la question juive
Les fils renoués de la mémoire et de l’histoire
Danielle Rozenberg
2006
Une école sans Dieu ?
1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République
Pierre Ognier
2008