Décembre
p. 95-110
Texte intégral
11 er décembre. Le Duce s’est emporté contre le ministère de la Culture populaire1 qui a envoyé en Égypte le film L’Escadron blanc2. C’est une idiotie. Avec notre politique favorable à la cause arabe, comment va-ton servir aux Égyptiens la vision d’Arabes massacrés scientifiquement par nos troupes ?
2J’ai donné à l’attaché militaire japonais les plans de Singapour. Il a été très touché par ce geste. Il est nécessaire de travailler activement avec l’état-major japonais pour arriver à cet accord militaire qui devra résoudre la partie avec l’Angleterre. Celle-ci ne désarme évidemment pas. Percy Loraine3 a dit à un diplomate à Istanbul que lorsque l’Angleterre sera prête, elle nous détruira et brisera le Duce. Il exagère et il n’est pas du tout nécessaire que nous attendions cette parfaite préparation sur laquelle, d’ailleurs, je suis un peu sceptique. Les armes seront peut-être prêtes, mais les hommes ?
32 décembre. Rien de spécial à relever.
4Au repas, le Duce a raconté avec beaucoup de chaleur des épisodes de sa jeunesse. Il expliqua que son père affectionnait ses dettes et que, même quand il pouvait les éteindre, il les conservait, au moins en partie, par principe. L’ultime dette de son père a été payée par le Duce il y a deux jours.
5Quand le Duce converse, il est délicieux. Personne mieux que lui n’est riche et frais en images.
6J’ai donné des instructions à Grandi afin qu’il proteste pour quelques phrases anti-italiennes de sir Percy Loraine. Il devra s’en entretenir personnellement avec Chamberlain.
73 décembre. Entretien avec Bocchini. Rien de nouveau. On est en train de travailler à la visite de Stoyadinovitch : il y avait la menace d’un attentat croate mais l’homme a déjà été identifié et sera pris. Je le dirai au ministre de Yougoslavie à la fin de la visite4. Entretien avec le duc d’Aoste. Il ressent beaucoup le poids de sa responsabilité5. Ceci est un bon signe. Mais il me semble encore un peu désorienté. C’est un homme sympathique à qui je souhaite de tout cœur du succès.
8Les Juifs me chargent de lettres anonymes injurieuses m’accusant d’avoir promis leur persécution à Hitler. C’est faux. Jamais les Allemands ne nous ont parlé de ce sujet. Je ne crois pas qu’il convienne de déchaîner une campagne antisémite en Italie. Chez nous, le problème n’existe pas. Ils sont peu et, sauf exceptions, bons. Et puis, il n’est pas nécessaire de persécuter les Juifs en tant que tels. Ceci provoquerait la solidarité de tous les Juifs du monde. On peut les frapper pour d’autres prétextes. Mais, je le répète, le problème n’existe pas chez nous. Peut-être les Juifs sont-ils nécessaires à la société comme le levain est nécessaire à la pâte du pain.
94 décembre. Le Duce m’a notifié ses décisions à propos des nouvelles constructions navales. J’en suis très content. J’ai écrit une lettre manuscrite à Goering qui, depuis janvier dernier, avait insisté pour la construction de deux nouvelles unités de 35 000 tonnes. Très intéressant entretien Grandi-Eden. En réalité, je pense que, particulièrement depuis le Pacte tripartite, Londres veut trouver une entente avec Berlin et est prête à de gros sacrifices. Mais la France ? Dans trois jours, nous enverrons notre sortie de Genève entre les jambes. Comme le Führer s’est engagé à déclarer que l’Allemagne n’entrera plus dans la Ligue, les tentatives londoniennes tourneront court. Pour ce qui nous concerne, j’ai envoyé à Grandi des instructions analogues à celles de l’été : un accord complet, avec la reconnaissance de l’Empire, ou attendre6.
10Le Pape7 m’a donné la Grande Croix de l’Ordre de Pie IX : Pizzardo8 m’a écrit une lettre très affectueuse à laquelle j’ai répondu sur le même ton.
115 décembre. La rencontre Neurath-Delbos à la gare de Berlin reprend les vraies proportions d’un geste purement formel9.
12Les préparatifs pour la visite de Stoyadinovitch sont terminés. Il arrivera ce soir à 21 h 50. J’irai à la gare avec le Duce. J’ai soigné les plus petits détails de la visite. Je souhaite que cet homme, qui s’est montré un ami sincère, ait un accueil exceptionnel. En premier lieu parce que je considère le pacte de Belgrade10 comme fondamental pour notre politique. L’alliance avec les Slaves nous permet de regarder avec sérénité l’éventualité de l’Anschluss11. Le Roi, après la signature, me dit qu’il jugeait un tel acte comme la plus grande réalisation du régime. Ensuite, par sympathie personnelle pour Stoyadinovitch. Fort, sanguin, au rire sonore et à la poignée de main gaillarde, c’est un homme qui inspire la confiance. Il en a beaucoup en lui-même et a raison. Parmi les hommes politiques rencontrés jusqu’ici dans mes pérégrinations européennes, il est celui qui m’intéresse le plus. Français et Anglais sont amers de cette visite. Par une interception téléphonique entre l’attaché de presse anglais et un journaliste, nous apprenons que l’ambassade britannique fait courir le bruit que nous nous préparons à utiliser la faiblesse de Stoyadinovitch pour les belles femmes afin de le lier toujours plus à notre char. C’est en partie vrai.
13Le Duce a ri quand je lui ai dit que, outre les réceptions officielles, j’ai préparé quelques ballets avec les plus belles femmes de la société romaine.
14J’ai informé Hotta de notre nouveau programme naval et j’ai vaguement fait allusion à notre sortie de Genève. Elle aura lieu le samedi 11.
156 décembre. Très pris par la visite de Stoyadinovitch. Il a un entretien avec moi, puis avec le Duce. D’abord, Stoyadinovitch était très impressionné. Puis il s’est détendu et a parlé avec son habituelle franchise. Le contact entre les deux hommes s’est bien passé. Il y a eu entente mutuelle12.
16Hier, à Turin, premier contact d’Anfuso avec les nationalistes français13. Le Duce approuve la constitution de dépôts d’armes à la frontière.
177 décembre. Encore la visite. Entretien avec le Duce. Procès-verbaux14. Tout va bien.
188 décembre. Visite des villes des Marais pontins. Stoyadinovitch se prend de plus en plus au jeu. Il prend goût à l’idée de dictature. Il a adopté le salut romain et porte le manteau du côté de la doublure en poil de chameau parce que cela fait « plus militaire15 ».
199 décembre. Visite à Milan. Les masses ouvrières, intelligentes, ont compris la portée de l’événement et ont accueilli l’invité avec une grande chaleur. Elles m’ont réservé également un accueil affectueux. Je trouve bon de finir la visite d’un étranger à Milan. Il voit le rythme ardent et créateur de cette cité. Puis, dans le contact avec les ouvriers, on se rend compte que le régime a réellement imprégné les masses et a détruit les places fortes marxistes. L’impression a été particulièrement profonde sur les journalistes yougoslaves. Les plus impressionnés étaient ceux de l’opposition.
20Parenti travaille bien et est un camarade fait à l’image et à la ressemblance de Starace, ce qui est excellent pour cette phase de l’histoire du Parti. Le podestà16 est un incapable qu’il conviendra de liquider au plus vite.
2110 décembre. Départ de Stoyadinovitch. Le voyage est nettement positif. Il s’est conclu ce matin par une visite à la Fédération et un dépôt d’une couronne « aux martyrs de la Révolution fasciste ». Pour un chef de gouvernement yougoslave, ce n’est pas mal ! Stoyadinovitch reviendra pour construire son parti, base de la dictature. Il a devant lui quatre années avant la majorité du Roi17. Mais même après, il continuera, avec Paul18, à contrôler le pouvoir. La formule mussolinienne lui a plu : force et consensus. Le roi Alexandre19 n’avait que la force. Stoyadinovitch veut populariser sa dictature. Rien de neuf n’a été écrit. Mais il existe entre les deux pays bien plus que ce qui résulte du pacte de Belgrade. Les conversations de ces derniers jours sont également fondamentales pour une alliance. Celle-ci pourrait jouer en plusieurs directions. Un jour, peut-être aussi vers le nord. Dans l’après-midi, chasse chez les Crespi20, avec…21. En soirée, retour à Rome.
2211 décembre. Relation faite au Duce sur le voyage à Milan. Le Duce est content et déjà mordant dans l’attente du Grand Conseil de ce soir. J’ai communiqué notre décision au chargé d’affaires allemand et à l’ambassadeur de Tokyo. Mais la nouvelle était déjà divulguée dans les milieux politico-journalistiques. Il y a eu une indiscrétion. D’après ce que m’a dit le Chef, la police est sur une bonne piste. Elle a même des preuves contre le coupable qui n’est pas de l’administration. On connaîtra son nom par Bocchini.
23Grand Conseil. Il dure deux minutes. Le Duce a dit que tous les participants savent les raisons qui nous amènent à sortir de Genève. Aucun moment n’est plus favorable que celui-ci, également au regard des étonnantes victoires japonaises. Il a ouvert la discussion. Starace a proposé d’approuver par acclamation. Je me suis levé le premier, suivi de Farinacci, Grandi et Buffarini. Puis de tous les autres. Le Duce a parlé depuis le palais de Venise. Je m’attendais à un discours plus fort. Inversement, il a gardé un ton mesuré et prudent22. Comme toujours, le Duce a raison.
2412 décembre. Dans le monde, il y a comme de la joie au sujet de notre décision d’hier. Des voix si désespérées et alarmantes s’étaient fait tellement entendre que beaucoup ont considéré la sortie de Genève comme une décision administrative ordinaire.
25J’ai parlé avec Grandi. Je l’ai remonté parce qu’il était un peu préoccupé. Il ne voit pas l’entente avec Londres. Je lui ai dit, qu’à l’inverse, je la vois avec le même optimisme qu’avant mais que, dans tous les cas, notre situation est telle qu’elle nous permet de considérer également l’éventualité d’un affrontement en parfaite sérénité d’esprit. Naturellement, moi aussi, je préfère un accord avec Londres. Néanmoins, je suis pleinement d’accord avec le Duce pour estimer que, sur le plan historique, le conflit italo-anglais est inévitable.
2613 décembre. J’ai été applaudi par le Sénat lors de mon entrée dans l’hémicycle.
27Entretien avec l’ambassadeur de Pologne, mis en procès-verbal, relatif à la visite de Delbos à Varsovie. Ce fut un insuccès23. Bocchini m’a mis au courant du complot Engely24 pour éviter notre sortie de Genève. Vile et stupide comédie qui conduira quelqu’un devant le Tribunal spécial pour la défense de l’État25. Je ne voudrais pas que, indirectement, soit compromis quelque membre de l’administration.
28J’ai reçu Roeder26. C’est le meilleur des Hongrois. Je l’ai informé des entretiens avec Stoyadinovitch. Il est très heureux de la séparation entre la Yougoslavie et les deux autres États de la Petite Entente. Si la Hongrie veut une victoire, elle doit concentrer ses forces contre la Tchécoslovaquie, s’entendre à fond avec Belgrade et trouver un modus vivendi avec Bucarest. Je lui ai parlé en ce sens et il s’est déclaré d’accord.
2914 décembre. J’ai référé au Duce que Balbo s’est déchaîné, chez les Colonna, contre l’axe Rome-Berlin. Information sûre : rapportée par d’Ajeta27 qui était présent. Le Chef s’est beaucoup indigné. Puis, parlant de Balbo, il a dit : « Voici un homme dont je ne garantis pas l’avenir. »
30Pour le reste, rien de neuf.
3115 décembre. Conseil des ministres pour l’approbation du budget. J’ai reçu Balbo à qui j’ai demandé s’il était exact qu’il était hostile à la politique de l’Axe. Avec beaucoup de réticence, il l’a confirmé pour l’essentiel. Il dit qu’il ne se fie pas aux Allemands, qu’un jour, ils nous abandonneront, que peut-être, ils seront contre nous. Dans l’ensemble, il m’a dit des choses banales. Il le fait par esprit de fronde et il s’est offusqué quand je lui ai dit qu’il était le prince de Condé28. Il ne savait pas qui c’était. Esprit étroit, grande ambition, infidélité absolue : voici qui est Balbo. Il convient de le tenir à l’œil.
32J’ai su par Delia Di Bagno29 que Balbo a déconseillé à quelques personnes de se rendre en Éthiopie à cause « des graves conditions d’insécurité dans le pays ». Pour le reste, rien de neuf.
3316 décembre. L’ambassadeur du Japon a exprimé ses condoléances pour la mort de Sandri30. J’en ai pris acte mais je n’ai élevé aucune protestation. Je lui ai même dit que je considérais un tel fait comme normal dans le cadre d’une guerre totale. Si les Américains ne veulent pas de bombes, qu’ils s’en aillent31. Il était surpris et ému de notre attitude.
34Engely sera arrêté aujourd’hui. D’après un document du SIM32, il résulte qu’une tentative a été faite également auprès de l’ambassade anglaise de la part de Pilotti33. On parle aussi de Bastianini. Je ne le crois pas. C’est un idiot mais il est fidèle. Il a pu parler par bêtise. À l’origine de beaucoup de faits, il y a plus de crétinerie que de mauvaise foi.
35J’entends demander la tête de Guido Schmidt. Il a parlé avec les Anglais des interceptions que j’ai fait connaître au chancelier Schuschnigg. Naturellement, ceci résulte d’une nouvelle interception.
36J’ai dit au ministre d’Égypte de ne pas insister sur la question de l’Église copte. Leur campagne de presse ne changera pas nos décisions et n’aurait pour résultat que de dégrader les rapports entre les deux pays. Il faut les maintenir bons dans leur intérêt.
3717 décembre. J’ai accompagné Viola34 chez le Duce. Aucun fait nouveau n’en résulte si ce n’est la confirmation du retrait des volontaires le 15 janvier, que la bataille soit terminée ou pas. Viola est optimiste sur la situation : il croit que Franco nous sera fidèle et que nos crédits seront remboursés. Pour concrétiser sa fidélité, Franco devra, une fois la guerre terminée, adhérer au Pacte tripartite, dire adieu à Genève, et conclure avec nous un pacte solide qui confirmera le pacte secret de novembre dernier35. Viola croit que Franco adhérera à ces demandes.
38Van Zeeland36 est venu me voir. Il est à Rome afin de préparer son rapport économique. Il ne m’aurait pas été antipathique si je ne m’étais souvenu qu’à Genève, il était à fond pour les sanctions. Il m’a exposé ses principes pour l’assainissement des échanges internationaux. J’ai répondu que notre politique économique avait suivi celle des autres pays, à commencer par les soi-disant démocraties. Aujourd’hui, d’autres considérations et de récentes expériences nous poussent à fond sur la voie de l’autarcie. L’histoire, trop lointaine, peut ne pas être maîtresse de vie mais l’expérience personnelle doit nécessairement servir.
3918 décembre. Marzio37 est né.
40J’ai dit au ministre de Tchécoslovaquie38 que nos relations avec son pays dépendent de celles entre Berlin et Prague et entre Prague et Budapest. Nous ne sommes ni pour, ni contre les Tchèques. Ils ne nous intéressent que par reflet. Mais je voudrais lui donner un conseil : qu’ils ne se fient pas à la sécurité collective et ne fassent pas trop crédit aux amitiés géographiquement lointaines. Le ministre a rappelé mes prévisions pour la Chine et a fait un parallèle.
41Entretien de moindre importance avec Berger39 et Villani en perspective de la réunion de Budapest. Réunion de peu d’importance : les protocoles de Rome sont désormais vidés de leur contenu. J’ai dit que j’apprécierais la présence de Schuschnigg, c’est-à-dire que je ne veux pas de Schmidt. Les accords économiques avec l’Allemagne sont signés. Dures tractations : la bureaucratie allemande met encore des bâtons dans les roues. Hassell a mordu. Peut-être est-il déjà au courant de la torpille qui lui est destinée. Le prince de Hesse me dit que l’on enverra ici l’ambassadeur actuellement à Tokyo. Je ne le connais pas.
4219 décembre. On a voulu donner au choix du nom de Marzio une saveur politique et prophétique : la guerre. Mais croit-on vraiment que les parties en présence attendront encore autant d’années qu’en demanderait la jeunesse de Marzio pour trouver la solution ? Parfois, je me demande s’il ne conviendrait pas de forcer la marche et de mettre le feu aux poudres. Hitler, Goering, Hess, Stoyadinovitch, Goebbels40, Daranyi41, Kotta42 (Albanie) et des personnes de moindre importance ont télégraphié leurs vœux. De la Maison royale, le prince de Piémont (avec une grande chaleur), la Reine, les princesses et le duc d’Aoste.
43Filippo43, après Vienne, ira en Espagne pour faire une enquête sur nos officiers qui spéculeraient sur le change et ramèneraient des objets de valeur. Mais combien de temps faudra-t-il encore pour donner aux Italiens une dignité nationale alors que l’esprit militaire a été acquis ?
44Mussolini était furieux de l’échec de l’Exposition italienne à Berlin. Il m’a dit qu’il ne la voulait pas. Elle a été faite tout de même et ce fut un fiasco. Le Duce a dit : « Sur ma tombe, je veux cette épigraphe : ci-gît un des animaux les plus intelligents apparu sur la surface de la terre. » Le Duce est fier de son instinct qu’il considère infaillible et qui, de fait, s’est révélé l’être.
4520 décembre. Les nouvelles espagnoles ne sont pas bonnes. L’offensive sur Guadalajara est renvoyée sine die à cause des hésitations du commandement de Franco et de l’offensive préventive des rouges à Teruel. Nos généraux sont inquiets et ont raison. Il manque à Franco le concept synthétique de la guerre. Il mène les opérations comme un magnifique commandant de bataillon. Son objectif est toujours le terrain, jamais l’ennemi, et il ne se rend pas compte que la guerre se gagne en détruisant l’adversaire. Après, l’occupation territoriale devient une chose assez simple. Berti veut venir en discuter. Il proposera le retrait d’une grande partie des volontaires. Après 16 mois, beaucoup sont fatigués. Il faut tenir compte que seule une élite peut comprendre et sentir la finalité d’une guerre idéologique, menée loin, sans réalisations directes et immédiates.
46En soirée, j’ai vu von Hassell pour un entretien récapitulatif après son voyage à Berlin. Il m’a enfin dit que son gouvernement se prépare à le retirer parce que « les Italiens sont fatigués de lui ». Ayant fait hier une communication semblable au Duce, celui-ci lui a répondu ne rien savoir. J’ai fait de même.
47De toute façon, la situation était difficile et la scène risquée.
48La fille de Marconi44 est venue me demander de l’aide pour elle et son frère. L’hostilité de la belle-mère les a conduits dans une impasse, sans argent et sans situation. Il a été un grand génie mais je l’ai connu seulement très ramolli.
4921 décembre. Le Duce fait venir Berti pour discuter. Je lui ai parlé d’un article de L’Action française dans lequel est dit que, peut-être, les États autoritaires n’attendraient pas 1941 pour attaquer. Mussolini a répondu : « En fait, je prépare aux Italiens la plus grande des surprises. L’Espagne à peine finie, je publierai un communiqué qui restera classique. » J’ai rappelé quand, en août 1935, il voulait attaquer par surprise la « Home Fleet » à Alexandrie et Malte. Il me dit alors : « En une nuit, on peut changer le cours de l’histoire. » Puis, il ne le fit pas parce que les informations ne furent pas exactes sur l’état de la flotte anglaise et parce que notre marine freinait.
50Mais depuis, il médite et mûrit un tel plan.
51Double entretien, au palais de Venise et au palais Chigi, avec Nakano, chef du Dragon noir du Japon45. Il était porteur d’un message du prince Konoye46 pour le Duce. Lors de l’entretien avec ce dernier, divers points ont été traités mais une question a concentré l’intérêt : les rapports avec l’Angleterre. Nakano est extrémiste. Il dit qu’entre le peuple japonais et la Grande-Bretagne, il ne pourra jamais exister d’amitié. Luttant en Chine, le Japon voit devant lui surtout la ploutocratie anglo-juive qui veut arrêter la marche en avant des peuples jeunes. Mussolini a fait allusion à la possibilité d’accords plus étroits. J’en ai parlé voici deux jours à l’attaché militaire. Je crois que l’on pourra arriver à un pacte de consultation. Je l’estime très utile à des fins réciproques.
52J’ai reçu le Directoire de la presse étrangère. On voudrait améliorer le service des informations.
5322 décembre. J’ai accompagné Mizzi47 chez le Duce. Il dresse un tableau très pessimiste de la situation à Malte. La politique anglaise de dénationalisation est de plus en plus intense : le temps travaille contre nous. Grands préparatifs militaires anglais. Mizzi est convaincu que la Grande-Bretagne se prépare à jouer la seconde revanche le plus tôt possible.
54Son de cloche totalement différent lors du déjeuner chez lady Chamberlain48. Entente, accord, amitié. Je lui ai répondu que, pour notre part, nous sommes prêts : accord le plus complet, sans zone d’ombre et durable. Sinon, il vaut mieux attendre que les conditions favorables arrivent à maturité. Entendant les discours d’Eden d’hier et d’avant-hier, je n’ai pas été très encouragé pour reprendre des négociations. Je ne lui ai pas dit mais, à mon avis, il vaut mieux aiguiser les armes.
5523 décembre. J’ai mal traité le ministre de Grèce. Nous avons eu copie de l’entretien entre Eden et le roi de Grèce. Après sa visite à Rome, il est allé à Londres et a incité les Anglais à nous attaquer. Il a mal parlé de moi : il m’a appelé, ironiquement, le super-Metternich49. En attendant, les Grecs du Dodécanèse le payeront cher.
56Lors de la cérémonie de la signature de Sa Majesté, le Roi a surtout rappelé les divers souverains qui lui ont rendu visite durant son long règne. Il a décrit avec des paroles vives quelques souverains orientaux qui se sont distingués par leurs attitudes gauches. Le Roi a une conversation agréable et très intéressante. Il a le tort, parfois, de trop s’attarder sur des détails, ce qui diminue l’intérêt de la conversation.
57Le Duce est inquiet pour l’Espagne. Il ne surévalue pas l’action des rouges contre Teruel mais retient, à juste titre, que cela remontera leur moral. Il a dit que les Espagnols, descendants des Arabes, ne savent pas faire la guerre totale : ils manquent de synthèse et font une guerre d’individus, de patrouilles ou, au maximum, de tribus.
58Long entretien avec trois dirigeants de la Phalange50. Ils ne donnent pas beaucoup d’importance à la situation de Teruel. Ils croient que, dans quelques mois, la révolution pourra déboucher sur une victoire complète. Ils sont monarchistes et anglophobes. Ils parlent de reprendre Gibraltar ; ils disent que depuis l’époque de Philippe II51, tous les malheurs espagnols sont de marque anglaise. Je n’ai pas manqué de les encourager dans cette voie et j’ai dénoncé les dangers d’anglophilie de quelques vieux éléments nichés dans la diplomatie. Ils les connaissent et les ont à l’œil. En premier lieu, Sangroniz.
5924 décembre. À Londres, l’offensive anti-italienne reprend à plein. L’entretien entre Crolla52 et Eden a été privé de contenu et de résultats53. Le Duce est calme. Ce matin, il m’a exposé le nouveau programme d’armement aérien : en juin, nous construirons 300 avions par mois et nous aurons une flotte de 3 000 appareils. Il est nécessaire de se serrer la ceinture et de s’armer. Tout laisse à penser que la lutte est inévitable. Dans un tel cas, nous ne devons pas perdre notre avantage majeur : l’initiative.
60J’ai demandé à Pignatelli54 d’entreprendre une démarche auprès de Pacelli55 pour l’attitude favorable au communisme du cardinal Verdier56. L’Église est trop équivoque concernant ses contacts avec les gauches. Je me rends compte des difficultés créées par le heurt avec l’Allemagne57 mais le Vatican va trop loin et met en danger ses rapports avec nous. Mussolini dit qu’il est prêt à épousseter les gourdins sur la croupe des prêtres. Il ajoute que c’est facile pour nous car le peuple italien n’est pas religieux mais seulement superstitieux. Anfuso revient de Vienne. Il rend compte de son entretien avec Schuschnigg. Il a cherché à couvrir Schmidt. Il a dit qu’il connaissait la lettre écrite par lui pour Vansittart58, sans découvrir pour autant nos services secrets. Il confirme que Schmidt est notre ami et cherche à en sauver la tête. Il m’en parlera à Budapest. Il paraît que Schmidt, depuis notre dénonciation, est devenu neurasthénique. Il ne réussit pas à comprendre comment nous avons tant de documents anglais.
6125 décembre. Noël non pacifique. Sur ordre du Duce, j’ai appelé l’ambassadeur du Japon et lui ai fait ce discours : « Modérez votre attitude vis-à-vis de Washington ; raidissez-vous dans vos confrontations avec Londres. Pour deux raisons : en premier lieu, pour séparer Londres de l’Amérique. En second lieu, parce que, en cas de conflit avec les États-Unis, nous ne pourrions rien faire de concret pour vous, alors qu’en cas de guerre avec la Grande-Bretagne, nous nous engageons à vous donner le maximum d’aide. » L’ambassadeur, qui est un diplomate de carrière, donc prudent, réservé et craignant Dieu, est resté un peu perturbé par mes déclarations. Il était déjà en train de déjeuner quand je l’ai appelé et est arrivé, sentant la mandarine. Je crains de lui avoir perturbé la digestion.
62J’ai préparé un télégramme de renseignements pour Auriti59, mais je n’ai pas encore osé l’envoyer. Même avec le codage, on ne sait jamais. Nous lisons tout des Anglais : voulons-nous croire que les autres sont moins efficaces que nous ?
63Et puis, même s’ils l’étaient, il est nécessaire de toujours se méfier. Suétone60 nous avertit de considérer l’adversaire comme un éléphant même si l’on est certain que ce n’est qu’une puce.
6426 décembre. J’ai bien fait de ne pas envoyer le télégramme. Tokyo, ou, mieux, le Grimusho61, s’est débandé. Ainsi que Berlin. Contrairement à notre accord, Hirota62 a chargé les Allemands de porter un message à Tchang Kaï-chek contenant des propositions de paix. Nous en avons été informés avec deux jours de retard, et ceci a été expliqué par nos mauvaises relations avec la Chine qui rendent difficile notre rôle de médiateur. Mais les rapports sont mauvais à cause de notre loyauté envers les Japonais ! J’ai appelé Hassell et Hotta et leur ai dit que nous entendions participer aux phases successives des tractations. Hassell m’a dit que telle était l’intention de son gouvernement. Mais, au fond, il était heureux de la contrariété : chaque fois qu’il y a un obstacle entre nous et Berlin, il en est content. Hotta, qui a été témoin de notre politique pro-japonaise rectiligne et intransigeante, était humilié de ce qui était arrivé. Il m’a parlé même de démissionner. Il télégraphiera en termes forts à son gouvernement. À Tokyo également, le ministère des Affaires étrangères n’est pas à la hauteur de la situation. Le Japon fait de l’histoire héroïque mais ses diplomates font de petites intrigues de chancellerie. Il me semble voir les Buti, Vitetti63, Cerruti, etc. du Japon tremblant comme tremblaient les nôtres à l’époque de l’entreprise éthiopienne et comme ils tremblent encore chaque fois que l’impétuosité héroïque de Mussolini bouleverse quelques positions traditionnelles de la diplomatie professionnelle.
65J’ai fait mettre sous séquestre les chargements d’armes envoyés par Guarnieri en Chine. Je suis opposé à l’expédition : on ne peut pas avoir les pieds dans deux étriers et certaines choses, lorsqu’elles sont connues, ont de plus graves conséquences que la perte de quelques millions.
6627 décembre. J’ai fait arrêter les paquebots qui contenaient du matériel de guerre vendu à la Chine, contre mon avis, par Guarnieri. On ne peut pas avoir les pieds dans deux étriers. Les Japonais l’ont su.
67Berti est arrivé. Il m’a fait un compte rendu pas très clair sur la situation, duquel émerge cependant une chose : il a hâte de liquider le corps des Troupes volontaires64. Je laisse les autres raisons mais je m’arrête sur une certitude impressionnante : nous ne pouvons pas risquer le prestige de l’Italie sur 20 bataillons d’infanterie. Il fait les habituelles remarques contre les Espagnols : manque d’humanité du commandement, faible coordination, aucun mordant et aucune hâte de conclure la campagne.
68Demain, nous irons ensemble chez le Duce. Il m’écoutera et décidera. Je me demande si avec tous les efforts consentis et les sacrifices supportés, il convient de nous retirer parce que l’astre de Franco n’est plus aussi brillant qu’il y a deux mois à cause du petit échec de Teruel. N’assumerons-nous pas un insuccès des blancs ? Ne donnerons-nous pas un nouveau courage aux rouges et à ceux qui les ravitaillent et les épaulent ? Ne donnerons-nous pas, peut-être, aux Espagnols la possibilité de se libérer à trop bon marché de la dette de reconnaissance qu’ils ont et qu’ils doivent avoir envers nous ? À ces demandes, le Duce répondra demain. Le problème demande la plus grande réflexion. Chaque décision présente des aspects désavantageux. Cette affaire d’Espagne est longue et pénible.
6928 décembre. J’ai longuement réfléchi à l’entretien d’hier avec Berti. J’ai l’impression que l’homme se défait. Il ne croit pas à l’entreprise espagnole et le manque de foi est le premier élément de l’insuccès. J’ai parlé avec Pariani qui partage mon point de vue. Il pense lui aussi que l’on ne peut pas se retirer aujourd’hui. Il croit qu’il convient de remplacer Berti par Frusci65. J’ai référé de l’entretien au Duce et lui ai exposé mon point de vue favorable au maintien en Espagne. Aux arguments annotés hier, j’ai ajouté que notre retrait spontané donnerait force et crédit à ceux qui disent que l’Italie est épuisée et ne peut plus supporter d’autres efforts militaires. Ce serait grave : vis-à-vis de nos amis et vis-à-vis de nos ennemis.
70Dans l’entretien à quatre entre le Duce, moi, Pariani et Berti, nous avons de nouveau écouté la thèse de Berti pour le retrait des troupes. Le Duce s’y est opposé. Il a été en accord avec moi sur tous les points. Donc, nous resterons en Espagne. Seulement, le Duce écrira une lettre à Franco pour lui faire comprendre que le temps, pour nous, est un facteur de première importance et que nous ne pourrons pas continuer à rester pris dans une guerre qui se traîne à l’infini. Il est nécessaire de faire vite et de conclure : conclusion militaire sans trop compter sur un écroulement interne de l’Espagne rouge. Demain matin, une autre réunion à quatre aura lieu au palais de Venise.
71J’ai reçu von Hassell et lui ai donné note de la saisie d’une publication antiallemande. En même temps, je lui ai demandé de prendre des mesures pour un livre récemment publié et peu respectueux envers notre armée.
72On a envoyé comme chef de la mission militaire en Bolivie un colonel haut de 1,50 mètre et rond comme une boule ! J’en suis indigné. Mais pourquoi les militaires ne comprennent-ils pas certaines choses ?
7329 décembre. Dans l’après-midi d’hier, le Duce m’a convoqué à nouveau au palais de Venise avec Pariani et Berti et a consigné par écrit à ce dernier les instructions pour l’Espagne. En résumé : nos forces resteront jusqu’à la victoire, employées non dans des actions d’usure mais dans une action résolue avec la nécessité d’un commandement unique. J’ai informé les Allemands de tout et je leur ai demandé une action commune auprès de Franco. Après l’ordre du Duce, j’ai convoqué Berti au palais Chigi et en présence de Pariani, je lui posé la question nettement : se sent-il de commander le corps des Troupes volontaires et de le conduire au combat ? Après beaucoup de discours, il a conclu par l’affirmative. Mais après, il m’a demandé de me voir à nouveau et a dit que, d’ici 15 jours, il enverra un rapport sur la base duquel nous déciderons. C’est un homme sans foi ; pour ma part, je crois qu’il convient de le changer.
74La crise gouvernementale en Roumanie est une bonne nouvelle66. C’est un autre pays qui se rapproche de nous. Le système d’alliance français a sauté. Il l’était depuis le jour où fut signé le pacte de Belgrade. J’ai préparé une Information diplomatique pro-roumaine et j’ai téléphoné à Sola67 les instructions pour un progressif rapprochement. Tout ceci va très bien, ainsi que les relations avec la Hongrie qui, de temps en temps, a des glissades anglophiles.
75Entretien avec Preziosi68 (Giovanni) : il voulait mon appui pour coordonner la campagne antisémite. Je n’ai pas accepté. Je n’aime pas les Juifs mais il ne me semble pas opportun de faire une telle campagne en Italie, du moins pour le moment.
7630 décembre. Berti s’était empressé de donner l’ordre de mettre les troupes en réserve. Le commandement espagnol s’y est opposé et a raison. J’ai télégraphié à Frusci de ne rien faire avant l’arrivée de Berti demain soir. L’offensive nationaliste sur Teruel a débuté et pourrait donner lieu à une grande bataille. Est-il vraiment nécessaire d’aller à l’arrière en ce moment ?
77Micescu69, nouveau ministre des Affaires étrangères de Roumanie, m’a envoyé un très cordial télégramme, signe évident de ses intentions.
78Entretien avec le comte Bethlen70, de passage à Rome. Homme énergique, tranchant, habitué au commandement. Tour d’horizon européen avec arrêt danubien-balkanique. Il était anxieux de connaître le véritable état de nos rapports avec Londres. Il croit que la paix anglo-italienne faciliterait également la solution des problèmes de l’Europe centrale. Je lui ai parlé avec froideur de nos intentions : si possible la paix, si nécessaire la guerre. Les Hongrois acceptent chaque bénéfice de nous, un peu avec l’air de la résignation du grand seigneur déchu mais ne connaissant pas encore pleinement notre puissance, et ils ont une inclinaison sentimentale envers Londres, déterminée par deux facteurs puissants : la juiverie et le snobisme. J’ai dit à Bethlen que les démocraties ne donneront rien d’autre aux Hongrois que de belles paroles.
7931 décembre. L’offensive en Espagne se passe bien. J’ai téléphoné à Pariani en demandant s’il ne croyait pas utile d’inciter Berti à porter en ligne nos divisions pour chercher à faire fructifier le succès. L’aviation des Baléares a été renforcée et a l’ordre de lancer des tonnes d’explosifs sur Teruel et sur les villes côtières pour abattre le moral des rouges.
80Le Duce, de bonne humeur, a demandé à Valle, en ma présence, la force de l’aviation. Dans l’année, 3 000 appareils au programme, plus de 750 en surplus. Il m’a dit que dans ces conditions, si les Anglais ne font pas l’accord, le jour du fameux bulletin se rapproche !
81J’ai contesté auprès du ministre de Norvège le télégramme envoyé par son Roi71 au Négus et lui ai dit qu’un tel geste ne pouvait pas faire moins que de compromettre gravement les relations entre les deux États. Il n’en savait rien. Il n’eut aucune réaction. Par contre, il crachait à pleine bouche. Tout ceci me conduisit à abréger l’entretien. C’est un vieux septuagénaire qui conserve la trace d’une idiotie notable.
82Long entretien avec Bigliardi72. Il m’a présenté l’état d’esprit de la marine : très serein et confiant dans la politique du gouvernement. Aucune préoccupation de devoir se heurter aux Anglais. Au contraire… Le nouveau programme naval a été salué avec joie dans les carrés de nos navires. On a su que j’étais moi aussi un partisan des nouvelles constructions. Ceci a augmenté ma popularité laquelle, d’après ce que dit Bigliardi, est très grande dans la marine.
Notes de bas de page
1 Le ministère de la Culture populaire est issu du bureau de Presse transformé en septembre 1934 en sous-secrétariat à la Presse et à la Propagande, puis en ministère en juin 1935. Le 27 mai 1937, il devint le ministère de la Culture populaire, abrégé par la vox populi en Minculpop. Le premier titulaire en est Galeazzo Ciano de juin 1935 à juin 1936, à qui succède Dino Alfieri. Les compétences du Minculpop touchent à la presse, aux divers moyens de propagande, aux activités cinématographiques, radiophoniques, éditoriales, à l’organisation des compétitions sportives et artistiques que sont les Littoriali della cultura e dell’arte créés en 1934 au sein du milieu universitaire, au financement des organismes étrangers proches du fascisme.
2 Le film L’Escadron blanc, réalisé en 1936 par Augusto Genina d’après le roman de Joseph Peyré, relate la pacification de la Libye par les Italiens.
3 Percy Loraine est ambassadeur britannique en Turquie depuis janvier 1934.
4 Il s’agit de Bochko Christich depuis novembre 1937.
5 Le duc d’Aoste a été nommé vice-roi d’Éthiopie et doit prendre ses fonctions le 21 décembre 1937.
6 « Il ne fait pas de doute que la question de la reconnaissance de l’Empire est une question purement morale. Mais je pense également que l’on ne peut pas en faire abstraction dans le cadre d’un éventuel règlement de nos relations avec Londres. » Dans I documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. VII (1 luglio – 31 dicembre 1937), op. cit., doc. no 654, p. 763.
7 Il s’agit de Pie XI depuis 1922.
8 Monseigneur Giuseppe Pizzardo, après avoir été substitut de la Secrétairerie d’État de 1921 à 1929, est secrétaire de la congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires depuis 1929, adjoint du cardinal Eugenio Pacelli. Il est fait cardinal par Pie XI en décembre 1937.
9 Delbos commence une tournée diplomatique des pays de la Petite Entente par Varsovie. Son train fait halte à Berlin.
10 Traité d’amitié italo-yougoslave signé le 25 mars 1937.
11 Annexion de l’Autriche par l’Allemagne.
12 Stoyadinovitch a rapporté ses impressions dans ses Mémoires : « Entrant dans l’immense bureau de travail, j’aperçus Mussolini à l’autre bout, assis à sa table. Il se leva et se dirigea vers moi d’un pas énergique, le menton projeté en avant, et le regard perçant qui fixait droit dans les yeux. Le visage gai et souriant de la veille au soir avait disparu et avait pris un air solennel et sérieux. Ce n’est que lorsqu’il m’invita à prendre place qu’un sourire léger et amical se dessina sur la face martiale. » Les deux hommes abordent la position de la France, qu’ils estiment affaiblie par la politique du Front populaire, l’amélioration des relations entre la Yougoslavie et la Hongrie, la bonne coopération entre la Yougoslavie et la Bulgarie, la politique tchécoslovaque jugée dangereuse car s’appuyant trop sur l’hypothétique soutien de la France et de l’Union soviétique, la sortie de l’Italie de la SDN qu’annonce Mussolini à son invité. Dans Stoyadinovitch Milan, La Yougoslavie entre les deux guerres. Ni le pacte, ni la guerre, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1979, p. 142-144.
13 Probablement des membres de la Cagoule.
14 Dans les comptes rendus de la visite, Ciano note combien les entretiens des 6 et 7 décembre marquent un net rapprochement entre l’Italie et la Yougoslavie : « […] La volonté d’une collaboration étroite en tous les domaines est réaffirmée et, afin d’intensifier les échanges entre les deux pays, on décide l’envoi de quelques missions yougoslaves militaires et techniques, qui prendront connaissance plus particulièrement de nos forces productives et un contact plus direct avec nos forces armées. » Dans Ciano Galeazzo, Les Archives secrètes du comte Ciano, op. cit., p. 137.
15 Les Mémoires de Stoyadinovitch sont muets sur sa tendance à la dictature et à la gestuelle fascisante. Par contre, le président du Conseil yougoslave rapporte les propos de Ciano à propos des travaux dans les Marais pontins : « Ici il n’y avait que des terrains marécageux, inondés d’eau et infestés par la malaria. Nous avons asséché tout cela et bâti une agglomération moderne et saine. C’est ici la vraie Italie car ses habitants viennent de toutes les régions, surtout du Sud. C’est une œuvre aussi bien politique que sociale et économique. » Dans Stoyadinovitch Milan, La Yougoslavie entre les deux guerres, op. cit., p. 150.
16 Un podestà est l’équivalent d’un maire, nommé par le régime fasciste depuis la réforme du 4 février 1926.
17 Pierre II, fils d’Alexandre Ier, est roi de Yougoslavie depuis 1934. Il a 14 ans en 1937.
18 Le prince Paul Karageorgevitch, frère d’Alexandre Ier et oncle de Pierre II, exerce la régence au nom de son neveu depuis octobre 1934.
19 Né en 1888, Alexandre Ier de Yougoslavie monte sur le trône en 1921. Il met en place, en 1929, une dictature royale pour faire face aux menaces des nationalistes croates. Il est d’ailleurs assassiné à Marseille, le 9 octobre 1934, par des oustachis croates.
20 Famille d’industriels lombards spécialisés dans le coton.
21 Nom non identifié.
22 « Nous avons voulu, pendant de longue années, offrir au monde le spectacle d’une patience inouïe. Nous n’avons pas oublié et nous n’oublierons pas la honteuse tentative d’étranglement économique du peuple italien perpétrée à Genève. Mais quelques-uns pensaient qu’à un certain moment la Société des Nations aurait accompli un geste nécessaire de réparation. Elle ne l’a pas fait. Elle n’a pas voulu le faire. […] La sortie de l’Italie de la Société des Nations est un événement de grande portée historique qui a attiré l’attention du monde et dont les conséquences ne sont pas encore prévisibles. Ce n’est pas pour cela que nous abandonnerons nos principes politiques fondamentaux tendus vers la collaboration et la paix. » Dans Mussolini Benito, Opera omnia. XXIX, op. cit., p. 32-33.
23 Ciano écrit dans son compte rendu : « Il [l’ambassadeur de Pologne] a commencé par me dire que la visite du ministre des Affaires étrangeres français n’a eu d’autre résultat que de marquer plus nettement les différences qui existent entre la France et la Pologne dans l’appréciation de la situation internationale et des voies à suivre. Delbos s’est montré particulièrement attaché au système de la sécurité collective et il a confiance dans l’action de la Ligue, sans toutefois faire pression sur Beck, qui a au contraire réaffirmé la foi polonaise dans les négociations et les pactes bilatéraux. » Dans Ciano Galeazzo, Les Archives secrètes du comte Ciano, op. cit., p. 137-138. À propos de la SDN, Delbos note les réticences du ministre Beck : « Il rend hommage à son idéal, se félicite de ce qu’elle reste un utile lieu de rencontre, mais constate qu’elle est très affaiblie et se montre très au-dessous de sa tâche. Elle risque, de plus, selon lui, étant donné certaines idéologies qui s’y manifestent, de contribuer à la formation dans le monde de deux blocs opposés. » Dans Documents diplomatiques français. 1932-1939, 2e série (1936-1939), t. 7 (29 septembre 1937 – 16 janvier 1938), op. cit., doc. no 319, p. 613.
24 Giovanni Engely est journaliste, correspondant de l’agence Telepress à Rome. Il est sans doute à l’origine des fuites concernant le départ de l’Italie de la SDN.
25 Créé le 25 novembre 1926, le Tribunal spécial de défense de l’État commence à fonctionner à partir du 1er février 1927 et ce jusqu’à la fin du régime. Il est chargé de juger les personnes accusées d’antifascisme et de complot contre l’État.
26 Ministre hongrois de la Guerre.
27 Blasco Lanza d’Ajeta est chef du secrétariat de Ciano, puis chef de cabinet.
28 Victorieux des Espagnols à Rocroi (1643), des Bavarois à Fribourg (1644), à nouveau des Espagnols à Lens (1648), Louis de Bourbon, prince de Condé, participe à la Fronde durant la minorité de Louis XIV et passe au service de l’Espagne jusqu’au pardon royal de 1659, lors de la paix des Pyrénées.
29 La marquise Delia Di Bagno est l’épouse d’un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères.
30 Sandro Sandri est un journaliste italien tué lors d’une attaque japonaise contre un navire chinois.
31 Allusion au bombardement par les Japonais, le 12 décembre 1937, de la canonnière américaine Panay et au coulage de trois pétroliers.
32 Sigle du service d’information militaire fondé le 15 octobre 1925. À partir du 6 février 1927, il dépend de l’État-Major général. Il est dirigé par le général Mario Roatta depuis janvier 1934. Sur le SIM, voir De Lutiis Giuseppe, Storia dei servizi segreti in Italia, Riuniti, Rome, 1991 ; Canosa Romano, I servizi segreti del Duce, Mondadori, coll. « Oscar storia », Milan, 2000.
33 Juriste de formation, Massimo Pilotti est juge à la Cour de cassation en 1926, Premier président à la cour d’appel de Trieste en 1930. Il devient en 1932 secrétaire général adjoint de la SDN, poste qu’il conserve jusqu’à la sortie de l’Italie de l’institution genevoise.
34 Le marquis Guido Viola di Campalto est l’ambassadeur d’Italie auprès de l’Espagne nationaliste depuis juillet 1937.
35 Allusion au protocole qui suit la reconnaissance de l’Espagne nationaliste par l’Italie, le 18 novembre 1936.
36 Le chrétien-social Paul Van Zeeland a été Premier ministre belge de mars 1935 à novembre 1937. Il est également vice-gouverneur de la Banque de Belgique.
37 Marzio est le troisième enfant de Galeazzo et Edda Ciano.
38 Il s’agit de Frantisek Chvalkovsky, en poste depuis décembre 1932 après avoir été ambassadeur à Berlin de 1927 à 1932.
39 Waldenegg Berger est ministre d’Autriche à Rome.
40 Né en 1897, Joseph Goebbels ne peut participer à la Première Guerre mondiale à cause de son pied bot, engendré par un handicap de la jambe. Il adhère au parti nazi en 1922. Proche de l’aile socialisante du parti, il devient le secrétaire de Gregor Strasser qui défend une ligne très anticapitaliste. Mis en minorité au congrès de Bamberg en 1926, Goebbels se détache de Strasser et rejoint les fidèles d’Hitler qui le nomme Gauleiter du parti à Berlin en octobre 1926. En 1927, il fonde le journal Der Angriff et fait preuve de talent pour la propagande politique. En 1928, il devient député et responsable de la propagande pour l’ensemble du parti nazi. À la suite de l’accession d’Hitler à la chancellerie et de la victoire des nazis aux législatives de mars 1933, il est nommé ministre de l’Information populaire et de la Propagande. Sur Goebbels, voir Longerich Peter, Goebbels, Héloïse d’Ormesson, Paris, 2013.
41 Kàlman Daranyi est le président du Conseil hongrois depuis octobre 1936.
42 Armin Kotta est le Premier ministre albanais depuis janvier 1937.
43 Filippo Anfuso.
44 Grand savant italien, Guglielmo Marconi invente le téléphone sans fil en 1894 et reçoit le prix Nobel de physique en 1909. Il préside l’Académie d’Italie à partir de 1930 et participe à l’installation de Radio Vatican en 1931. Atteint d’une hémiplégie, il meurt le 20 juillet 1937.
45 Organisation nationaliste japonaise.
46 Le prince Funimaro Konoye est le représentant d’une des familles les plus anciennes de l’aristocratie japonaise. Membre de la délégation japonaise à la conférence de la Paix en 1919 à Paris, il est président de la Chambre des pairs en 1933. Il est Premier ministre depuis juin 1937.
47 Enrico Mizzi est le chef du Parti nationaliste italien à Malte.
48 Il s’agit d’Ivy Chamberlain, veuve d’Austen Chamberlain décédé le 17 mars 1937 et qui a été secrétaire d’État au Foreign Office de 1924 à 1929, demi-frère de Neville Chamberlain, Premier ministre britannique.
49 Le prince Klemens von Metternich-Winneburg est ambassadeur d’Autriche à Paris de 1806 à 1809, ministre des Affaires étrangères de 1809 à 1821 puis chancelier jusqu’à la révolution de 1848.
50 Fondée le 29 octobre 1933 par José Antonio Primo de Rivera, la Phalange est un mouvement assez proche des idéaux fascistes. Dissoute par le gouvernement républicain en mars 1936, la Phalange rejoint l’insurrection nationaliste du 18 juillet mais perd son chef, fusillé par les républicains en novembre 1936. À la fin de 1937, la Phalange est de plus en plus contrôlée par le général Franco, qui la vide progressivement de son contenu subversif et révolutionnaire.
51 Roi d’Espagne de 1556 à 1598.
52 Guido Crolla est conseiller d’ambassade à Londres.
53 Lors de cet entretien, Eden envoie après les congés de Noël la réponse à apporter à la demande de négociations italo-britanniques, mais il souligne qu’elles ne peuvent s’ouvrir tant que la presse italienne et Radio Bari pratiquent une propagande antibritannique. Dans I documenti diplomatici italiani, ottava serie (1935-1939), vol. VII (1 luglio – 31 dicembre 1937), op. cit., doc. no 734, p. 839-840.
54 Le comte Morano Pignatelli di Custoza est ambassadeur d’Italie près le Saint-Siège depuis juin 1935.
55 Le cardinal Eugenio Pacelli est secrétaire d’État du Saint-Siège depuis le 9 février 1930.
56 Le cardinal Jean Verdier est archevêque de Paris depuis 1929. À partir de 1931, il lance une vaste campagne de construction de paroisses dans les quartiers populaires de Paris et dans les banlieues de la capitale dépendantes alors de l’archevêché. Soucieux des questions sociales, il soutient les ambitions sociales du Front populaire et reçoit le surnom de Cardinal des chantiers.
57 À propos de l’encyclique Mit brennender Sorge du 14 mars 1937 condamnant les théories raciales.
58 Sir Robert Vansittart est secrétaire permanent du Foreign Office depuis 1930. Défavorable à la politique d’appeasement du gouvernement britannique, il est remplacé par Alexander Cadogan en janvier 1938.
59 Giacomo Auriti, après avoir été ministre plénipotentiaire à Vienne en 1926, est ambassadeur d’Italie à Tokyo depuis janvier 1933.
60 Caius Suetonius Tranquillus (vers 70 – après 122), ami de Pline le Jeune, fut secrétaire ab epistulis de l’empereur Hadrien avant d’être disgracié en 122. Il est l’auteur des Vies des douze Césars.
61 Ministère japonais des Affaires étrangères.
62 Koki Hirota, fonctionnaire des Affaires étrangères, devient ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas en juin 1926 puis ambassadeur à Moscou en décembre 1930. En septembre 1933, proche de l’Association de la Grande Asie, il est nommé ministre des Affaires étrangères dans les cabinets Makoto et Keisuke. Lui-même Premier ministre de mars 1936 à juin 1937, il retrouve le ministère des Affaires étrangères dans le gouvernement Konoye.
63 Entré dans la carrière diplomatique en 1923, Leonardo Vitetti occupe des postes de conseiller d’ambassade à Washington et à Londres. Il est directeur des Affaires générales au ministère des Affaires étrangères depuis 1936.
64 Il s’agit des troupes italiennes combattant en Espagne.
65 Mario Frusci est un des officiers supérieurs italiens en Espagne.
66 Depuis le début des années 1930, la Roumanie connaît une instabilité politique forte due en partie aux manœuvres du roi Carol II et à la montée en puissance d’un parti de type fasciste, la Garde de fer, conduit par Corneliu Codreanu. Ce dernier a remporté un succès électoral aux législatives de 1937 avec 16 % des suffrages. Pour résoudre la crise politique évoquée par Ciano, le roi vient de demander à Octavian Goga de former un gouvernement.
67 Ugo Sola est le ministre d’Italie à Bucarest depuis octobre 1932.
68 Giovanni Preziosi a fondé en 1913 La vita italiana. Nationaliste, il défend le principe de la création du Faisceau parlementaire de défense nationale en 1917. Antisémite dès cette époque, il ne cesse de dénoncer les complots de la finance juive contre l’Italie. Durant le régime fasciste, il s’occupe essentiellement de ses publications qui sont, outre La vita italiana, Roma et Il Mezzogiorno.
69 Istrate Micescu est ministre roumain des Affaires étrangères de décembre 1937 à février 1938.
70 Le comte István Bethlen est Premier ministre hongrois d’avril 1921 à août 1931. Le 5 avril 1927, il conclut avec l’Italie un pacte d’amitié qui fut la base de la politique extérieure hongroise.
71 Il s’agit de Haakon VII, roi de Norvège depuis 1905.
72 Candido Bigliardi est un amiral italien.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Bestiaire chrétien
L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (Ve-XIe siècles)
Jacques Voisenet
1994
La Gascogne toulousaine aux XIIe-XIIIe siècles
Une dynamique sociale et spatiale
Mireille Mousnier
1997
Que reste-t-il de l’éducation classique ?
Relire « le Marrou ». Histoire de l’éducation dans l’Antiquité
Jean-Marie Pailler et Pascal Payen (dir.)
2004
À la conquête des étangs
L’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen (xiie - xve siècle)
Jean-Loup Abbé
2006
L’Espagne contemporaine et la question juive
Les fils renoués de la mémoire et de l’histoire
Danielle Rozenberg
2006
Une école sans Dieu ?
1880-1895. L'invention d'une morale laïque sous la IIIe République
Pierre Ognier
2008