Chapitre II. L’intronisation du calife
p. 103-135
Texte intégral
Asmās : le plat emblématique des Almohades
1Lorsque l’on demandait « comment as-tu obtenu ce que tu as obtenu [sous-entendu comme faveurs divines] ? » au pôle (quṭb) Abū Ya‘zā1, l’un des plus grands saints que le Maghreb ait connu, il affirmait : « En offrant de la nourriture (iṭ‘ām aṭ-ṭa‘ām)2. » Il semble en effet qu’un plat ait joué un rôle important dans le système de pouvoir almohade : il s’agit de l’asmās, que l’on ne connaît plus sous ce nom ou qui a tout simplement disparu. L’asmās n’est mentionné que dans une seule source dont nous méconnaissons jusqu’au nom3, découverte en 1924 par É. Levi-Provençal dans des liasses (legajos) du fonds de l’Escurial qui avaient échappé jusque-là aux différents recensements de manuscrits arabes entrepris depuis le xviiie siècle. L’asmās apparaît dans le Supplément aux dictionnaires arabes de l’orientaliste hollandais Reinhart Dozy, avec l’acception de « repas, festin4 ». On ne peut établir avec certitude où cet auteur a rencontré ce terme. A-t-il eu accès aux legajos ?
2Ce terme provient vraisemblablement du Vocabulista, dictionnaire arabe-latin, rédigé dans la première moitié du xve siècle est traditionnellement attribué, sans grande justification, au Catalan Ramón Martí5. L’asmās y est attesté avec l’acception de « convivium » ; le fait qu’il soit orthographié à l’identique, asamas, sans alif long [ā], avec une définition analogue à celle de Reinhart Dozy semble aller dans ce sens6. Cette graphie résulte de la volonté de se démarquer des options prises par les chroniqueurs d’époque almohade et postérieure, qui retranscrivaient par convention en arabe toutes les voyelles du berbère en voyelles longues : alif /ā, yā’/ī ou wāw/ū7. À ce propos, l’auteur du Vocabulista souligne que l’on ne rencontrait l’asmās que dans l’Espagne levantine. Il n’est pas impossible que ce plat, à l’instar du couscous, ait été importé en al-Andalus au moment où les dynasties berbères y exerçaient leur domination8. Il est peu probable que l’asmās ait été un apport des conquêtes musulmanes du viiie siècle, même si le Šarq al-Andalus avait accueilli de nombreux Berbères9.
3Bien qu’incomplet, l’ouvrage rédigé par al-Bayḏaq est exceptionnel à bien des égards, notamment parce qu’il fut rédigé par un compagnon d’Ibn Tūmart, donc par un témoin direct des événements qu’il rapporte, n’hésitant pas le cas échéant à se mettre en scène. En conséquence, son œuvre se présente comme de véritables « mémoires » d’un récit vécu, sans qu’on soit en mesure de déterminer avec exactitude quel fut son rôle. S’il a été cité par des auteurs jusque dans la seconde moitié du viiie/xive siècle, Ibn al-Qaṭṭān, Ibn ‘Iḏārī, Ibn Ḫaldūn et Ibn Simāk, on ne sait rien d’autre sur al-Bayḏaq que ce qu’il a bien voulu nous en dire, soit peu de choses. L’auteur de langue maternelle berbère a retranscrit des phrases entières dans cette langue10 ; son ouvrage ainsi que le dictionnaire arabe-berbère d’Ibn Tūnart († 1172), achevé en 546/1151, constituent les sources les plus conséquentes sur l’état du berbère médiéval11. Il n’est donc pas étonnant de ne retrouver le terme asmās que dans une seule source.
4L’unique langue berbère où apparaît ce mot est le tachelḥit12, parlé dans l’ancienne aire géographique qu’occupaient les Maṣmūda ; apparemment, ce mot ne désigne pas (ou plus) un mets spécial. Dans le lexique d’Antoine Jordan, il signifie « chaudière, fourneau du fondeur ou du teinturier13 ». Néanmoins, de la racine [MS], on peut dériver en tachelḥit un verbe smuss qui veut dire « faire bouger, mettre en mouvement ou battre un liquide ». À partir du contexte, on peut ajouter qu’il s’agit d’un plat à base de céréales. L’asmās serait donc un plat à base de céréales que l’on fait cuire soit dans une chaudière, soit dans un grand récipient servant à faire chauffer ou à bouillir un mets. Nommer le contenu (nourriture) par le contenant (chaudière) est une métonymie courante en cuisine ; c’est le cas par exemple du tajine au Maghreb, de la terrine en France ou encore de la paella en Espagne14. Une autre hypothèse serait que asmās serait une appellation archaïque du couscous ; il aurait d’abord désigné l’ustensile qui servait à le cuire, connu actuellement au Maghreb sous le nom de kaskās, et ensuite le plat lui-même. Mais il est d’autres possibilités ; ainsi Georges Marcy déclare : « Le terme asmās est à rattacher, avec préfixation d’un “s” instrumental, à la racine MS qui signifie être fade, privé de sel. Asmās désigne donc – autant qu’il semble – un repas apprêté sans sel, non assaisonné15. »
5‘Abd al-Wahhāb Ibn Mansụ̄r propose une troisième hypothèse : asmās serait un nom berbère du Sūs qui renverrait à une sorte de bouillie de farine séchée au feu (sawīq) accommodée avec du beurre rance ou du beurre16. Même si cela reste invérifiable, il est important de noter que l’historiographe du royaume du Maroc, en assimilant l’asmās au sawīq, rapproche le plat berbère d’un plat solidement ancré dans la tradition prophétique, donc à forte charge symbolique. Son importance est attestée, entre autres, par le célèbre traditionniste al-Buḫārī qui le mentionne comme le plat préférentiel pour rompre le jeûne : « Le messager de Dieu dit à l’un des présents : “Descends, Untel ! Et mélange-nous le sawīq avec de l’eau17 !” » En agissant ainsi, ‘Abd al-Wahhāb Ibn Mansụ̄r ne s’écarte pas de l’esprit des sources pro-almohades qui n’eurent de cesse de vouloir rattacher, si ce n’est d’identifier, la geste d’Ibn Tūmart à celle de la Sīra du prophète de l’islam18. Le voyageur tangérois Ibn Baṭṭūṭa précise que le sawīq était un plat préparé par les pèlerins maghrébins et égyptiens au moment où ils touchaient au but ; sa consommation rituelle marquait leur entrée dans une aire sacrée19.
6L’asmās peut fonctionner comme un véritable fil conducteur de l’histoire almohade, du bédouinisme originel à la grande cité d’Igīlīz des Harġa et à Séville. Sa première consommation identifiée est liée à Ibn Tūmart et à un moment crucial de l’histoire du mouvement almohade, celui de l’acte fondateur, au moment où, après une longue pérégrination de plusieurs années en Orient et au Maghreb, il s’en revint dans son village natal d’Igīlīz des Harġa, situé dans l’Anti-Atlas central, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Taroudant20. Il rentra, suivi de disciples venus de tous horizons, après en avoir décousu, au moins verbalement, avec le pouvoir almoravide à Marrakech, puis à Aġmāt21. Afin de sceller le pacte entre les différents membres de l’assistance autour d’Ibn Tūmart, on ordonna de préparer l’asmās. Le plat fin prêt, al-Mahdī y répandit du sel et dit :
« Ceci est le pacte d’Allah et celui du Prophète, qui nous lie nous et vous conformément au Coran et à la Sunna ». Les gens22 prétendirent alors « al-Imām (le guide) ne mange, ni ne boit ! » Il les dévisagea, puis saisit alors, dans sa main, une épaule de mouton (kabš), il en prit avec le bout de ses doigts (qaraṣa), et le mit dans sa bouche. : « Je mange comme tout le monde, je bois comme tout le monde, je suis un homme parmi les hommes et il me faut ce qu’il leur faut ! » Et, il ajouta : « Vous mangez comme mangent eux-mêmes les prophètes23. »
7Ici, l’histoire et le mythe se confondent. Le chroniqueur nous propose une vision du monde où les individus et les groupes se distinguent selon des principes hiérarchiques clairs : le guide, les disciples et les autres. Le personnage principal apparaît quant à lui comme le maître des symboles. Ainsi, au moment crucial de territorialiser son mouvement, Ibn Tūmart utilise avec maestria des techniques intégrant l’utilisation de signes, de sens et de symboles. Dans cette mise en scène, on constate que l’hexis corporelle du héros constitue une mythologie politique réalisée, incorporée, devenant une disposition permanente. Dès lors, il s’arroge le pouvoir magique d’instituer des frontières et de constituer des groupes par des gestes et des déclarations performatives. La combinaison d’une attitude, la position des mains, et du recours à des mots chargés de sens, à des formules prononcées à un moment-clé, celui où l’on entame le plat et le morceau de viande, contribue à nouer le contrat (‘aqd) et donc à constituer une pratique s’efforçant de faire advenir ce qu’elle fait ou dit24.
8Dans le cas présent, trois éléments de base composent l’asmās : la viande, le sel et les céréales. Concernant le premier ingrédient, remarquons qu’il provient de l’espèce domestique par excellence, le mouton ou le bélier (le terme arabe ne permettant pas de trancher), mâle de surcroît, qui est aussi l’espèce qu’on immole pour la fête du Sacrifice (‘īd al-aḍḥā). Il s’agit de la viande de prédilection pour sceller et célébrer les unions au Maghreb ; il n’est pas impossible qu’elle fût également la viande la plus appréciée, ainsi qu’un marqueur d’écart différentiel entre urbains et ruraux. L’hagiographe Ibn az-Zayyāt at-Tādilī relate, dans la notice qu’il consacre à Abū Ya‘zā, homme rural, berbère et illettré, les faits suivants : le cheikh devine (miraculeusement) que l’un de ses invités qui lui rend visite de Fès, donc modèle de l’urbanité et de la civilisation (‘umrān) au Maghreb, se plaint du caractère rudimentaire du plat qu’on lui a amené, un plat d’orge (ṭa‘ām ša‘īr) agrémenté de mauve (ḫubbayzā). Les pèlerins urbains se trouvaient incommodés alors même qu’on leur avait fait l’insigne honneur de manger seuls dans une pièce, bien isolés du reste du peuple. Le saint, afin de l’édifier, lui sert en personne un plateau avec deux pains de froment (raġīf min al-burr) ainsi qu’une large écuelle garnie de viande de mouton grillée (ṣaḥfa fīhā laḥm mašwī min luḥūm aḍ-ḍa’n)25 et il renchérit en affirmant pouvoir servir ce plat pendant un mois.
9On peut trouver une indication proche chez Ibn Razīn at-Tuǧībī. L’auteur, dans son énumération des différents types de couscous (kuskusū), qualifie celui à l’agneau gras de succulent (laḏīḏ ǧiddan)26, précision qu’il ne fait pas pour les autres mets, ce que l’on doit sans doute rapprocher du fait que son ouvrage fonctionne comme le reflet d’une cuisine aristocratique, largement élitiste27. Quant au bélier, il fit pendant longtemps l’objet d’un culte28 et il n’est donc pas surprenant que plusieurs ethnonymes maṣmūda, et pas des moindres, comme les Hazmīra29 ou les Banū Izīmmar30 se rapportent en tachelḥit à cet animal : izīmmar. Sur un autre plan, c’est aussi un prénom que l’on retrouve, par exemple, pour le dignitaire almohade Abū Bakr b. Izīmmarān31.
10On attribue au sel le pouvoir de chasser les esprits malfaisants, Ibn Tūmart étant habilité à l’utiliser en sa qualité de récipiendaire du charisme et du pouvoir émanant de Dieu (baraka). Les céréales forment la base de ce plat, même si le manque d’informations relatives aux modalités pratiques de sa préparation, en bouillie ou en couscous s’interroge É. Lévi-Provençal32, empêche de se prononcer définitivement. Tout comme dans le cas du bélier, le sel, tīssīnt en tachelḥit, est également un prénom donné chez les Maṣmūda ; tel est le cas de l’un des membres des Cinquante (Ahl al-ḫamsīn), Abū Muḥammad ‘Abd Allāh b. Tīssīnt al-Ḫulāsī33. Au regard du caractère fragmentaire des sources arabes médiévales, le rapport entretenu par la geste d’Ibn Tūmart avec la société des Maṣmūda est très mal renseigné ; néanmoins, cette pratique n’est pas sans rappeler la cérémonie du ma‘rūf telle qu’elle se pratique dans le Haut Atlas occidental34 ; Jacques Berque la décrit ainsi :
Il s’agit d’un rite saisonnier incombant à un groupe à l’égard d’un saint. Il comprend ordinairement un sacrifice sanglant (tiġersi), mais se différencie d’autres réunions, telles que tinubga35 ou tiwilt36 qui, elles, n’ont pas de portée religieuse37.
11L’anthropologue marocain Abdallah Hammoudi précise qu’au cours de cet événement, « des querelles et des litiges sont exposés au groupe réuni qui tente de les résoudre, à l’occasion de sacrifices et de repas collectifs38 ». La consommation du plat dans la cérémonie du ma‘rūf scelle tout comme le asmās les rapports d’un groupe avec le mandataire du sacré ; en effet, ce n’est pas tant l’aspect communiel que l’aspect contractuel qui domine dans ces sociétés jusqu’au xxe siècle. Le sacrifice sanglant et la consommation d’un repas en commun interviennent au moment précis où al-Mahdī cherche à resserrer les rangs autour de lui, avec l’objectif avoué de créer une force capable de résister militairement aux Almoravides et de se prémunir d’une défection, voire d’une trahison éventuelle de ses nouveaux partisans. Une autre source semble confirmer cette volonté d’Ibn Tūmart d’instrumentaliser les articulations et les rouages de la société des Maṣmūda afin de se les concilier. Ibn al-Qaṭṭān expose comment al-Mahdī se rendit à Tifnūt39 au pays des Hintāta40 et déclara en berbère : « La lumière se trouve au pays des Harġa et vous Hintāta, vous êtes dans l’obscurité. On fit à manger et ils se joignirent à lui41. » La lumière constitue une allusion à son surnom, asafū, qui signifie en berbère « flambeau » ou « tison ». De même, il n’est pas précisé si les modalités du repas furent les mêmes qu’à Igīlīz ; mais le repas pris en commun est un moment fort où l’on scelle un pacte. Et, au vu de l’importance de cette tribu, ce pacte revêt un caractère visant à rendre irréversible l’engagement des contractants.
12La mise en scène du repas, où des gestes sont accomplis et des paroles prononcées, rejoint la problématique centrale d’al-Bayḏaq qui peut se définir ainsi : comment, dans une société aux ressorts relativement égalitaires, sans unité politique, al-Mahdī a-t-il procédé pour imposer sa volonté, ses directives, son commandement, ses institutions et son ordre ? Ce postulat de départ va de pair avec la diabolisation de l’ennemi42, qu’il soit de l’intérieur et traître à la cause (exemple édifiant d’Ibn Malwiyya ou de la tribu des Hazmīra, etc.) ou de l’extérieur (Almoravides, chrétiens, etc.). Pour autant que l’on puisse suivre un fil conducteur dans le récit, la consommation d’asmās est précédée de l’installation d’Ibn Tūmart dans son village natal, Igīlīz n’warġen, « où il édifia une maison, un magasin et les murs d’un jardin. Un rocher se trouvait près de l’entrée de la maison, l’Impeccable venait s’y asseoir et les gens de l’assemblée de la tribu (ǧamā‘a) faisaient cercle autour de lui43 ». Une fois regagné son village natal, entouré de ses disciples, il s’installa dans une grotte :
Yalliltan44, y avait étendu pour l’Imām, à même le sol, en guise de tapis, un burnous. Ce que voyant Ismā‘īl Igīg lui dit : « O mon frère, ce n’est qu’un burnous que tu donnes comme tapis à la lumière de la science ? La lumière ne doit être que sur la lumière ! » Et dépouillant son kisā’, il l’étendit à terre et dit à l’Imām : « Assieds-toi là-dessus, tu es plus digne que moi de cette étoffe, et Allāh nous a ordonné de te traiter avec honneur. Puisse-t-il te témoigner son agrément45 ! »
13Le but poursuivi, tout comme dans la scène de l’asmās, est de marquer une différence visant à affirmer une supériorité alors que l’on se tient côte à côte, dans un même espace. Ibn Tūmart se trouve en hauteur, sur un rocher, tout comme plus tard à Tinmal il eut pour usage de siéger sur une pierre de forme carrée46.
14L’État au Maghreb ne peut se passer de l’esprit de corps de la tribu (‘aṣabiyya), mais il se construit aussi, plus ou moins ouvertement, contre lui. Dans le cadre d’une civilisation matérielle au centre de gravité bas, où l’on s’asseoit par terre, s’asseoir sur le même burnous est un acte sémantiquement puissant marquant une position d’égalité entre deux personnes. Par exemple, au moment où les deux dirigeants almoravides, Abū Bakr b. ‘Umar et Yūsuf b. Tāšfīn, décidèrent de sceller un accord, ils se rendirent dans un lieu situé à équidistance de leurs positions respectives, entre Aġmāt et Marrakech. Ils descendirent alors de cheval et s’assirent sur le même burnous47. Ibn Tūmart condescend à s’installer sur un habit que l’on pressent plus raffiné que son propre burnous, même si le terme usité ne permet pas en soi de trancher48. En revanche, il est significatif que le kisā’ soit offert par un homme lettré, jouissant d’un crédit important auprès de ses contribules puisqu’il a été en mesure de fournir à Ibn Tūmart une escorte de deux cents hommes armés ; ce geste représente un acte de soumission, car il semble qu’il s’y asseoit seul.
15Faisant preuve d’une grande cohérence, immédiatement après, al-Bayḏaq donne à voir la scène du asmās49. Ainsi, al-Mahdī, dans son propre village natal, mange de la viande devant un parterre qui n’est pas expressément nommé mais que l’on devine composé de l’assemblée des Harġa et de ses compagnons. Il s’y résout afin de couper court aux rumeurs lui attribuant une nature divine avant de se proclamer impeccable (ma‘ṣūm), cette qualité étant un attribut du Prophète50. En effet, l’impeccabilité (al-‘iṣmā) constitua un sujet tenace de discorde et d’incompréhension avec le reste du monde musulman, alimentant à travers les siècles les rumeurs d’hétérodoxie concernant l’initiateur du mouvement almohade. À ce propos, Ibn Abī Zar‘, tout à son parti pris de calomnier Ibn Tūmart, affirme que les Maṣmūda invoquaient son nom en guise de liminaire (fatīḥa) aux repas51, invocation réservée au nom de Dieu. Du reste, si, à l’instar d’Abdallah Laroui, on ne peut le tenir « pour un ambitieux sans scrupules qui aurait réussi dans un Maghreb à demi-païen, mais plutôt comme un théologien, un esprit féru de rigueur dogmatique qui vivait aux prises avec une Croisade en pleine expansion52 », il est important de souligner qu’il essaya de capter, pour le bénéfice de sa cause, tout ce qui pouvait être instrumentalisé de cette société peu étatisée.
16L’asmās est aussi évoqué comme le plat que l’on consomme à l’occasion d’une série de mariages contractés à Mahdiyya53 avec des femmes faisant partie du butin pris sur les Almoravides. À cette occasion, ‘Abd al-Mu’min épousa la fille du dignitaire almoravide Māksan b. al-Mu‘izz, gouverneur de Melilla54 ; le repas était la pierre angulaire de l’engagement pris. Dans ce contexte, É. Lévi-Provençal prit sur lui de traduire directement asmās par « grand repas pris en commun55 ». Cette interprétation ne diffère nullement de l’option retenue par Ambrosio Huici-Miranda de rendre asmās par « comida en común56 », et de celle adoptée plus récemment par Henry Terence Norris de le transposer en « common meal57 ».
17On retrouve ce mets dans un contexte politique lié au caractère contractuel des rapports qu’entretenait le pouvoir avec les tribus ; ainsi, ‘Abd al-Mu’min, après avoir contenu l’insurrection des Gazūla58 et étouffé une tentative de restauration almoravide, reçut à Salé les cheikhs de la tribu rebelle. On consomma alors l’asmās et ce n’est qu’à ce moment que le calife leur pardonna solennellement. La cérémonie s’accompagna de l’octroi de la baraka, comprise ici dans le sens d’effluve divine liée au pouvoir charismatique du calife, mais aussi de dons de biens, d’habits, de chevaux, de numéraire, etc. ; car on escomptait, grâce cet expédient, se les attacher en leur faisant des présents.
18On retrouve mentionné une dernière fois le plat berbère dans un contexte éloigné du sud du Maġrib al-aqṣā, puisque la scène se déroule dans l’enceinte du palais almohade de Séville. Là, Abū Ya‘qūb (1163-1184), gouverneur de la métropole andalouse, apprenant la mort de son père, accueillit une délégation de dignitaires almohades qui venaient lui remettre le pouvoir et lui faire allégeance (bay‘a). On scella la cérémonie par la consommation de l’asmās ; ce plat ritualisé réédite la geste d’Ibn Tūmart et au-delà, en terre étrangère, il permet de ressouder et de galvaniser l’esprit de corps (‘aṣabiyya) des Maṣmūda. Ils le firent au moment où le gouverneur de Séville s’empara du pouvoir dans des conditions troubles alors que l’héritier présomptif Abū Muḥammad ‘Abd Allāh venait juste d’être destitué59.
19Il faut donc comprendre la consommation de ce plat comme un dispositif à même d’englober mais aussi d’exclure des personnes de la sphère du pouvoir : les élus consomment le asmās, les autres, représentant la masse des conquis et certains membres de l’élite, n’y sont pas conviés. Ainsi, deux frères d’Abū Ya‘qūb furent par la suite éliminés. La consommation de l’asmās participe de la création d’un ordre résultant de ces rapports dissymétriques. Le plat est partie prenante de stratégies institutionnalisées de distinction par lesquelles le groupe dominant vise à rendre permanentes et quasi naturelles, donc légitimes, les différences de fait, en redoublant symboliquement l’effet de distinction associé à une position rare dans la structure sociale, celle de gouvernant. De même, l’utilisation d’une langue autre, puisque les Almohades donnèrent une traduction institutionnelle à leur langue, le berbère usité par les Maṣmūda60, ainsi que le port d’un habit distinctif61 appartiennent à une logique de pouvoir similaire.
20Un incident survenu entre le premier calife almohade et les membres de la tribu d’origine d’Ibn Tūmart, les Harġa62, semble se référer également à ce plat. Cet extrait met en relief l’antagonisme entre les différentes légitimités : ‘Abd al-Mu’min63 et ses descendants, face aux cheikhs almohades, dont les plus éminents d’entre eux, la proche famille du mahdī. Il apparaît que les cheikhs almohades et leurs partisans avaient tendance à se percevoir comme une race de seigneurs qui furent progressivement marginalisés avant de tenter de prendre par la force le pouvoir à Marrakech, tentative sévèrement réprimée64. Les événements qui nous sont rapportés se situent au moment crucial où Ibn Tūmart étant décédé, personne ne s’était encore imposé à la tête du mouvement almohade. Dans ces circonstances, le repas en commun constituait un enjeu majeur qui permettait de situer la position des différents protagonistes au sein de la structure almohade :
Dès avant cette époque, le [futur] calife ‘Abd al-Mu’min avait été adjoint aux Harġa, auxquels l’Imām al-Mahdī, de son vivant, l’avait attaché par des liens de fraternité. Sa généalogie a été donnée plus haut [il faut entendre par là qu’il n’était pas à l’origine membre d’une des tribus Maṣmūda]. Après la mort de l’Imām al-Mahdī, un évènement relatif à ces liens de fraternité se déroula chez les Harġa ; ils préparèrent un repas commun [‘amalū ṭa‘āman] et n’avertirent point le [futur] calife d’avoir à préparer sa part avec eux. Quand il apprit cette nouvelle, il les appela et leur dit en langue occidentale [en berbère] : « Si je passe, ne vous taisez pas, ou bien celui [Ibn Tūmart] qui nous a réunis à vous aurait-il douté de notre destin commun65 ? ». Puis, il les quitta pendant trois jours ; ensuite, il les appela, ordonna que sa part figurât dorénavant [dans les repas communs] et leur interdit de recommencer66.
21‘Abd al-Mu’min s’opposa à ceux qui pourraient se réclamer d’une légitimité de parenté avec Ibn Tūmart : ses frères, sa sœur et ses cousins au sens large du terme67. Dans cette intention, ‘Abd al-Mu’min se présente aux yeux de tous comme le véritable continuateur du mahdī, en se réclamant de l’idéologie justificative et non pas des liens de parenté, même si par anticipation de ce problème Ibn Tūmart était réputé avoir fait adopter celui qui devint premier calife par sa tribu d’origine, les Harġa. Il faisait ainsi passer ces derniers pour des fauteurs de trouble qui entravaient la réalisation du projet mis sur pied par Ibn Tūmart. Le repas en commun représente une aubaine pour mettre en relief le choc de deux légitimités, celle de ‘Abd al-Mu’min et de ses descendants, opposée à celle des cheikhs almohades. Ce conflit plus ou moins larvé est une constante que l’on retrouve de bout en bout de l’histoire des Almohades. Si l’asmās demeure une spécificité almohade que l’on ne rencontre nulle part ailleurs, il n’en va pas de même du serment d’allégeance (bay‘a), qui s’inscrit bien dans la lignée des califes bien guidés et des pratiques des autres dynasties musulmanes.
Les deux serments d’allégeance
La bay‘a ḫāṣṣa
22L’élite au pouvoir, à l’instar du reste de la population, craignait les interrègnes et le vide d’une façon générale ; la majorité des Almohades eurent pour préoccupation première d’assurer rapidement la succession du calife défunt. Afin de veiller à la continuité de l’État et d’éviter que les querelles intestines latentes ne débouchent sur un conflit ouvert68 susceptible d’ébranler l’ensemble de l’édifice, on parait au plus pressé en désignant un successeur. Pour assurer la pérennité et la reconduite des privilèges acquis, on trouva un subterfuge permettant d’agir rapidement en instaurant un double serment d’allégeance. En premier lieu, on procédait à un serment d’allégeance privé (bay‘a ḫāṣṣa) qui concernait exclusivement les princes mu’minides et l’élite des cheikhs almohades. Ce serment d’allégeance prêté au nouveau calife était prononcé généralement le jour même du décès de l’ancien souverain69, ou quelques jours après70 ; seule exception, an-Nāṣir à qui l’on prêta serment du vivant de son père71.
23En l’absence de règle intangible de succession, la désignation d’un héritier présomptif (waliyy al-‘ahd) n’augurait pas forcément de la suite. Généralement, on préférait garder le secret sur le trépas du monarque pour avoir le temps de trouver un accord entre les membres éminents de la classe dirigeante. Telle fut déjà du temps d’al-Mahdī l’option retenue72, étant donné qu’aucun Almohade n’avait suffisamment de charisme pour s’imposer auprès de la masse des Maṣmūda et de ses propres compagnons73. Dans des circonstances différentes, les décès de ‘Abd al-Mu’min en 558/116374, de Abū Ya‘qūb en 579/118475 et d’al-Ma’mūn en 629/123276 furent tenus secrets du plus grand nombre, au point qu’il est rapporté que lorsque ar-Rašīd, fils d’al-Ma’mūn, nouvellement intronisé, se présenta devant les portes de Marrakech en 629/1232, personne n’avait été informé du décès de son père et de sa nouvelle dignité77. Si Abū Ya‘qūb et al-Ma’mūn trouvèrent la mort dans des expéditions malheureuses, d’autres califes perdirent la vie dans des conditions similaires, comme as-Sa‘īd en 645/124878 et Abū Dabbūs en 668/126979 ; dans ces cas-là, la nouvelle s’ébruita rapidement. Néanmoins, même lorsqu’on ne faisait pas mystère de la disparition du calife, on procédait toujours à une bay‘a ḫāṣṣa. Le double serment d’allégeance, en plus de la volonté de maintenir une forme de continuité, met en évidence l’essence même du système almohado-hafside reposant sur un écart incommensurable et inédit entre l’élite au pouvoir, Almohades de naissance, et la multitude des gouvernés.
24On accordait plus ou moins d’importance à la négociation en fonction des rapports de force. C’est ainsi qu’Abū Ya‘qūb s’empara du pouvoir, en mettant ses frères et les cheikhs almohades devant le fait accompli ; il ne restait plus alors aux Almohades qu’à avaliser l’état de fait ou à se déclarer en état de rébellion80. À l’opposé, après les morts tragiques de ar-Rašīd81 et de as-Sa‘īd82, les princes mu’minides et les cheikhs almohades négocièrent âprement (yatafawaḍūn) pour désigner le futur calife. Si les sources rendent compte des différends apparaissant alors au grand jour entre grands, accompagnés parfois d’imprécations et de menaces83, on trouvait néanmoins rapidement un terrain d’entente ; les principaux opposants rongeaient leurs freins et se réservaient le droit d’agir ultérieurement par d’autres moyens, preuve que le groupe des dirigeants avait intérêt à rester momentanément solidaire.
25Une fois les Almohades mis d’accord, on procédait à la bay‘a ḫāṣṣa. Dans ce contexte spécifique, on peut rendre cette expression par « serment d’allégeance restreint aux seuls Almohades de condition ». Par la suite, on retrouve la bay‘a ḫāṣṣa chez les Hafsides84, à la différence que, sur cette terre qui leur était à l’origine étrangère, le serment d’allégeance privé était étendu à un groupe moins retreint, puisqu’il incluait religieux et intimes du futur calife. Bernard Lewis a démontré que la bay‘a ne concernait généralement « qu’un petit groupe d’hommes au centre du pouvoir et détenteurs de charges à la cour85 » ; cependant, cette pratique ne fut rarement aussi restreinte, car dans un tel système c’était avant tout la naissance qui définissait la qualité. Le ressort principal d’une telle économie de pouvoir résidait, comme le fit valoir Ibn ‘Iḏārī lors de l’investiture privée de as-Sa‘īd86, dans le fait que les Almohades se considéraient comme les représentants exclusifs de la communauté des musulmans, mot à mot « les gens qui lient et qui délient » (Ahl al-ḥall wa-l-‘aqd), à qui il appartenait la décision d’élire le prince des croyants.
26La bay‘a ḫāṣṣa pouvait s’accomplir partout dans la mesure où étaient présents d’éminents Almohades en nombre suffisant ainsi que le principal intéressé, le futur calife. Le procédé constitue un palliatif au fait que la majorité des califes almohades succombèrent de mort violente, souvent en campagne ; preuve que le système almohade pouvait s’adapter aux conditions difficiles pour mieux les dépasser. À une seule reprise, pour l’élection du calife al-Murtaḍā en 645/1248, on procéda en trois temps pour la cérémonie d’allégeance. La première fois, et en l’absence du principal intéressé, le cheikh Abū ‘Abd Allāh Muḥammad b. ‘Abd Allāh al-Ganfīsī proposa et appuya la candidature d’al-Murtaḍā ; en sa qualité de délégué, le cheikh lui prêta allégeance. Ensuite, on mandata un Almohade de rang inférieur, al-Ḥākim b. Aṣalmāṭ, afin qu’il puisse amener au nouveau calife l’acte d’allégeance des Almohades. Ce n’est qu’à ce moment-là que les habitants de Marrakech adressèrent une missive de reconnaissance à al-Murtaḍā. En dépit de ces deux cérémonies, ce ne fut qu’après avoir pénétré en grande pompe dans la capitale qu’il fut considéré comme calife87. Al-Murtaḍā ne fut manifestement pas le seul dans ce cas, puisqu’au moins cinq autres califes almohades se firent prêter allégeance une première fois en dehors de Marrakech, comme en atteste le tableau 1.
Tableau 1 – Les califes à qui l’on prêta un serment d’allégeance privé en dehors de Marrakech.
Calife intéressé | Lieu où on accomplit le serment d’allégeance privé | Date où fut prononcé le serment d’allégeance privé |
Abū Ya‘qūb | Ribāṭ al-Fatḥ | 558/1163 |
Al-Manṣūr | Séville | 579/1184 |
Al-‘Ādil | Murcie | 624/1227 |
Al-Ma’mūn | Séville | 624/1227 |
Ar-Rašīd | Dukkāla ; nom de localité non précisé | 629/1232 |
Al-Murtaḍā | Tāmasnā ; nom de localité non précisé | 645/1248 |
27Contrairement à la bay‘a ḫāṣṣa, la cérémonie d’allégeance générale (albay ‘a al-‘āmma) ne pouvait être accomplie qu’à Marrakech. En outre, les califes qui se firent prêter allégeance une première fois à l’extérieur de la capitale almohade s’empressèrent de la regagner au plus vite. Par exemple, Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt estime que ce n’est qu’une fois installé dans le palais de cette cité qu’Abū Ya‘qūb réussit à s’emparer du pouvoir88. De même, lorsque al-‘Ādil se fit prêter le serment d’allégeance privé en sa faveur à Murcie, le calife en place à Marrakech, ‘Abd al-Wāḥid, un homme expérimenté89, pour prévenir sa tentative de gagner la capitale, ordonna au gouverneur de Ceuta de faire fermer le détroit de Gibraltar dans le but de lui bloquer l’accès à la capitale90. À partir de ces indications, on peut constater que prendre Marrakech était indispensable pour être reconnu comme calife.
28La cérémonie d’allégeance générale devait impérativement avoir lieu à Marrakech ; cependant, il est plus mal aisé de déterminer en quel lieu exactement. Seul Ibn Abī Zar‘ prit la peine de préciser que la bay‘a ‘āmma se déroulait dans la mosquée du complexe palatial de la capitale almohade qu’il désigne comme la mosquée d’al-Manṣūr (Ǧāmi‘ al-Manṣūr)91, du nom de son constructeur. L’indication est importante, surtout si on la met en perspective avec le fait que cet oratoire était associé à la résidence du calife. Des sources mieux informées démentent Rawḍ al-qirṭās sur ce point. Ibn ‘Abd al-Malik situa par exemple le serment d’allégeance qu’une majorité de cheikhs almohades prêtèrent à al-Ma’mūn dans la Grande Salle du conseil (Qubbat alǧulūs al-‘uẓmā), à l’angle de la place des Coupoles (Asārāg al-qibāb)92, attenante à la domus du prince (Dār al-ḫalīfa). L’auteur du Bayān al-muġrib ne dément pas ces informations en précisant que c’est dans le palais que l’on procédait à la reconnaissance du nouveau calife par le plus grand nombre, c’est-à-dire par les habitants de Marrakech93.
29En revanche, il reste malaisé de saisir le rôle imparti à l’esplanade des coupoles qui était sans doute majeur. Avant même l’édification de cet ensemble aulique, c’est sur l’esplanade du palais de la famille jouissant d’une place éminente à Salé (Raḥbat Dār Ibn ‘Ašra) que l’on procéda, sous le premier calife almohade, au serment d’allégeance des Andalous qui, les premiers, s’étaient ralliés dans les années 540/1140 à la cause almohade94. D’autres indices permettent aussi d’exclure tout rôle direct de la mosquée dans le processus d’intronisation. Afin de déclarer graduellement ses intentions et de ravir le pouvoir à son frère, al-Ma’mūn, alors gouverneur de Séville, fit prononcer au prédicateur et cadi de la cité un sermon oblitérant le nom du calife régnant al-‘Ādil. L’ensemble des hommes présents comprirent le message ; le lendemain, ils prêtèrent allégeance à al-Ma’mūn dans le palais de la métropole d’al-Andalus95. Sur un plan analogue, le lendemain de la prise d’assaut réussie de la Qaṣba en 1266, le nouveau calife Abū Dabbūs se rendit à l’oratoire du palais afin de remercier Dieu d’avoir accédé à ses vœux. Une fois cet acte accompli, il se déplaça à cheval jusqu’au seuil de Dār al-ḫalīfa et c’est en ce lieu, sur le perron de sa nouvelle demeure, que les gens vinrent lui rendre hommage96. C’est uniquement dans le cas où le calife était installé que l’on venait après le prêche du vendredi lui embrasser la main97.
30Le fait que Marrakech ait acquis une telle centralité du point de vue du pouvoir posa un problème réel pour un État ambitionnant de contrôler l’ensemble de l’Occident musulman. C’est ainsi qu’il faut apprécier la localisation des renouvellements du serment d’allégeance (taǧdīd al-bay‘a), notamment pour les Andalous. Sous ‘Abd al-Mu’min, les cérémonies d’allégeance se déroulaient dans un espace charnière entre al-Andalus et al-Maġrib al-aqṣā, à savoir Salé98 et Gibraltar99, ces deux espaces ayant été totalement reconfigurés et en quelque sorte recréés par les Almohades. Suite aux travaux colossaux entrepris à Séville, le palais de cette cité servit également de cadre au cérémonial almohade. En effet, les Almohades hésitaient à se mettre en scène dans un espace qui n’était pas en totale conformité avec leur ordre nouveau. Ainsi, c’est bien derrière les murs des palais, dans la partie dévolue à la mise en visibilité des préséances voulue par le souverain et les services de l’État, espace mitoyen à la demeure du calife, qu’était réalisée la cérémonie lui conférant la reconnaissance de son pouvoir par ses sujets.
31Autre différence de taille avec la bay‘a ḫāṣṣa, la cérémonie d’allégeance générale concernait les Almohades de rang inférieur et les gens du commun ; il fallait donc au préalable résoudre le problème le plus pressant, à savoir le choix du souverain, la masse n’ayant plus qu’à l’approuver. La bay‘a ḫāṣṣa se déroulait dans un laps de temps très court après la mort du calife en titre, alors que l’intervalle avec la cérémonie d’allégeance générale variait au grès des circonstances. Dans le cas où les califes mourraient dans leur palais de Marrakech, l’écart était moindre entre les deux types de serment d’allégeance ; par exemple, pour an-Nāṣir, ce fut une semaine après le trépas de son père100 ; pour al-Mustanṣir, ce fut le lendemain de la bay‘a ḫāṣṣa101. Dans le cas contraire, davantage de temps était nécessaire ; Abū Ya‘qūb mit des années avant de se déclarer prince des croyants ; au préalable, il dut prouver son aptitude à gouverner102. De même, al-‘Ādil103 et al-Ma’mūn104, au vu de leur périple pour regagner Marrakech, durent attendre des mois avant de pouvoir être considérés comme califes à part entière.
32Une fois les membres de l’assemblée des grands de la dynastie en accord sur un nom, le premier geste marquant la dignité de l’élu consistait à prendre littéralement par la main le nouveau souverain, puis à le faire asseoir dans le lieu où siégeaient les califes (maq‘ad al-ḫulafā’)105. À partir de la terminologie employée, on ne peut déterminer avec certitude s’il s’agissait d’un trône, dont l’usage pour la réception des délégations est corroboré par un témoin direct, Ibn Ṣāḥib aṣ-Ṣalāt106.
33Lorsque ‘Abd al-Mu’min reçut en 546/1151 les principaux potentats qui, dans l’Algarve, avaient mené avec succès la révolte dite des Muridūn, il est précisé qu’il siégeait sur une natte (huwa ǧālis ‘alā ḥaṣīr)107. Pour accueillir les chefs d’un mouvement mystique à la tendance ascétique marquée, on sut alors s’adapter en limitant le faste de la pompe royale entourant le premier calife almohade. Ces faits laissent supposer qu’en d’autres occasions, on utilisait peut-être un siège au luxe plus marqué. Pour aller dans la même direction, l’expression rendant compte de l’intronisation de as-Sa‘īd est tout à fait saisissante : « le lieu où siégeaient les califes, ses ancêtres » (mawḍi‘ qu‘ūd al-ḫulafā’ aslāfih)108. L’expression met en relief le fait que les califes disposaient d’un lieu spécifique pour siéger dans leur palais, la pièce des Mu’minides (Bayt al-qarāba)109. Dans cette salle portant le nom générique de la dynastie, le calife disposait d’une place qui lui était réservée, ce siège étant le même que celui de ses prédécesseurs.
Le baisemain
34Le premier acte de cette bay‘a consistait à tenir par la main le nouveau calife pour l’installer, puis à lui embrasser la main. Déjà du temps de la genèse de l’islam, le rôle de la main pour conclure la bay‘a, accord de nature politique, est attesté dans le Coran110. On le retrouve dans le récit des guerres qui suivirent la mort de Muḥammad, telles qu’elles ont été consignées par aṭ-Ṭabarī :
‘Umar, craignant que la lutte ne se prolongeât et devint sanglante, dit à Abū Bakr : « étends la main et reçois notre bay‘a. » […] Abū Bakr répliqua : « non c’est à toi d’étendre la main et de recevoir ma bay‘a. » ‘Umar saisit la main d’Abū Bakr et lui prêta serment entre ses mains111.
35Si, dans les temps premiers de l’islam, la bay‘a se caractérisait par une poignée de main, ce fut sans doute au contact des traditions des Byzantins et des Sassanides de la proskynèse que cette pratique s’altéra. Le baisemain constituait une voie médiane entre l’ancienne pratique arabe de la poignée de main concluant un contrat, de quelque nature que ce soit, et la proskynèse, qui existait depuis l’Antiquité en Orient112. Cette pratique n’est pas attestée chez les Almohades alors qu’elle existait, entre autres, chez les Fatimides où l’on se devait d’embrasser le sol devant le calife113 ; c’était également le cas chez les Hafsides au xive siècle114. La pratique existait aussi chez les sultans alaouites où elle ne fut consignée que par des observateurs étrangers ; les sources arabes ne la mentionnent effectivement pas, compte tenu du fait qu’elle s’apparentait à la prière musulmane, en divinisant (ta’līh) le monarque115. Il est possible qu’elle ait existé au sein d’une dynastie nourrissant le dessein de sortir du paradigme du chef de tribu et celui de se démarquer des cheikhs almohades et autres Mu’minides. La prosternation devant le calife était-elle pratiquée ? On ne peut préciser à quoi Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt fait référence lorsqu’il rend compte de son entrevue avec le souverain et qu’il précise que la délégation dont il était membre salua Abū Ya‘qūb comme il sied pour un calife116 ; vraisemblablement, il s’agit d’un salut collectif. De même, al-Marrākušī, à l’occasion du retour de ‘Abd al-Mu’min dans son village natal, expose qu’on le salua comme il se doit pour une personne investie de la dignité califale (taslīm ‘alayh bi-l-ḫilāfa)117.
36On ne peut, faute d’indices concordants, trancher sur le sens à donner au salut collectif ; si l’on entend par cette expression la prosternation, il est probable que l’ensemble de ceux qui avaient été conviés à rencontrer le calife embrassaient simultanément le sol, à la manière du cérémonial fatimide. En revanche, si l’on se rapporte au récit de l’entrevue accordée à l’auteur d’al-Mann bi-l-imāma, l’ensemble du parterre des invités devait effectuer une légère inclinaison devant le calife et les deux personnes l’ayant introduit. Ces deux personnages, le vizir et le cheikh des Ṭalabat al-ḥaḍar, se tenaient debout au côté du trône du souverain, il est possible qu’une phrase rituellement scandée ait été associée à la prosternation, comme c’était le cas chez les Saadiens et les Alaouites.
37On ne peut se prononcer, in fine, sur la nature du salut collectif ; il est en revanche avéré que le baisemain sanctionnait le second temps du serment d’allégeance ; plus que tout, ce geste marquait la sujétion. Le symbolisme attaché à la main étant lié au pouvoir et à la soumission, c’est sans conteste à ce symbolisme que fit allusion le poète de cour par excellence, Abū l-‘Abbās al-Ǧarrāwī, qui, à l’occasion de l’investiture de an-Nāṣir en 1199, déclama :
Pour [l’allégeance], les cœurs le firent avant les mains. […]
Tous, la main tendue, désirant le faire [le serment d’allégeance], implorant, suppliant humblement118…
38D’une manière tout à fait frappante, la lettre rédigée par le secrétaire de Yaḥyā Ibn an-Nāṣir, candidat au trône, fit valoir, surtout vis-à-vis de son principal concurrent al-Ma’mūn, qu’il disposait du soutien des cheikhs almohades. Ce faisant, il utilisa une terminologie relative à la main, qui peut tout aussi bien être prise dans un sens littéral que métaphorique : « Ils nous donnèrent leur accord mannusimo (fa a‘ṭawnā ṣafqat aydīhim)119. »
39Une expression désignant une personne se mettant en état de rébellion rend compte de l’importance de la main prise dans un sens métaphorique : « Il retira sa main de l’autorité (ḫala‘a al-yad ‘alā aṭ-ṭa‘a). » Par contre, on ne peut être assuré du fait que cette pratique ait été répandue au Maġrib al-aqṣā avant l’avènement des Almohades ; en effet, il n’existe aucune preuve attestant de l’existence du baisemain chez les Almoravides. Al-Marrākušī rapporte que lors de la passation de pouvoir d’al-Mahdī, ce dernier fit un discours des plus éloquents où il rappela à l’assemblée des fidèles les principes de sa doctrine, avant de signifier la passation de pouvoir à ‘Abd al-Mu’min :
Ibn Tūmart invoqua Dieu en leur faveur. Il passa sa main sur les visages et les poitrines de tous les présents. Ce fut ainsi que le pouvoir fut conféré à ‘Abd al-Mu’min et que les Maṣmūda se joignirent à lui120.
40Cette histoire présente des similarités avec la geste attribuée à Abū Ya‘zā ; en effet, une bonne partie de son action121 résidait dans sa capacité à guérir par imposition des mains122. À la fin de sa vie, il parvint à transmettre son pouvoir charismatique à son fils par le biais de la salive qu’il lui cracha dans la bouche tout en lui passant vigoureusement la main sur la poitrine. Son fils, qui menait avant l’intervention de son père une vie dissolue, se repentit et devint un saint renommé123.
41Ce récit tend à prouver qu’à l’instar de l’asmās, on cherchait à instrumentaliser les ressorts de la société des Maṣmūda, le symbolisme lié à la main préexistant aux Almohades autant qu’on puisse en juger à travers le passage précité. La main servait à transmettre un flux pouvant guérir124 ou un pouvoir charismatique. Grâce à ce genre de discours, il est possible que l’on souhaitait présenter l’initiateur du mouvement almohade comme pouvant soutenir la comparaison avec les grandes figures de la sainteté du vie/xiie siècle qui furent ses contemporains, comme Abū Ya‘zā, Ibn Ḥirzihim125 ou encore Ibn al-‘Arīf.
42C’est sur un ressort différent qu’il convient d’analyser le baisemain également lié à une tradition monarchique établie depuis les Omeyyades de Syrie. C’était le point culminant du serment d’allégeance et de toutes les cérémonies qui étaient ponctuées par cette pratique. On saluait ainsi le souverain en n’importe quelle occasion. Les sources pro-almohades en font état comme suit : « Nous embrassâmes sa main bénite (wa qabbalnā almubāraka yadahu)126. » Il s’agit du signe le plus ostensible de soumission, où l’on s’incline avant d’embrasser la main du calife. Ce geste d’hommage précédait toute prise de parole devant le souverain ; les dignitaires du régime et les poètes qui étaient invités à déclamer des vers de leur composition au calife127 devaient tous s’y conformer. Lorsque le monarque ne donnait pas sa main à baiser, c’était là un signe de défaveur ; celui à qui l’on refusait ainsi le droit d’intégrer ou de réintégrer le giron almohade pouvait alors s’attendre à subir les foudres du calife128. Le baisemain avait valeur de soumission mais aussi d’union, comme l’atteste une missive de la chancellerie almohade relative à la nomination d’un chef de guerre, demandant aux sujets d’être avec leur gouverneur, la main dans la main129.
43À notre connaissance, il n’existe pas dans les sources évoquant la cérémonie d’allégeance à caractère restreint de mention relative de souverain prenant la parole. Ce silence contraste avec le temps de la bay‘a ḫāṣṣa, où la place était ouverte aux négociations et à la prise de parole. Une fois le choix arrêté, on suppose que l’élite au pouvoir souhaitait conférer de la majesté à l’élu en tarissant les prises de parole du nouveau calife, qui devenaient aussi graves que solennelles. Il est probable qu’énoncer des mots rituels revenait alors à la personne qui l’avait littéralement intronisé en le faisant asseoir sur le mawḍi‘ qu‘ūd al-ḫulafā’. L’auteur du Compendium précise que les personnes qui accomplissaient cet acte étaient celles qui se tenaient debout auprès du trône du calife ; ils introduisaient les gens qui se présentaient chacun à leur tour pour embrasser la main de celui qui devenait ainsi leur souverain130. Pour cette occasion, il incombait à ceux qui prêtaient hommage de se soumettre aux préséances en vigueur et il revenait à ceux qui introduisaient les personnes de les établir, si ce n’est de les faire respecter. Cette contrainte imposée aux cheikhs almohades et aux Mu’minides avait pour visée de faire advenir l’ordre que l’on souhaitait imposer et amenait les Almohades à se conformer à une hiérarchie et à une vision du monde.
44Ce rôle d’orchestrateur du cérémonial revenait aux personnalités se tenant debout, ce qui est probablement à l’origine de l’appellation des waqqāfūn, fonction éminente à la cour hafside131 dont on peut trouver la trace dès la fin de l’époque almohade132. L’hexis corporelle spécifique de ces waqqāfūn était suffisamment marquante pour désigner une fonction en dehors même du temps extraordinaire du cérémonial.
45Le baisemain supposait que l’on s’incline ; en effet, l’accomplir alors que le souverain siégeait mettait celui qui se soumettait dans l’obligation de se courber. Cette position s’ajoutait à l’humiliation potentielle de risquer de se faire rabrouer, puisqu’être présenté au calife ne signifiait pas forcément que le souverain daigne se laisser embrasser la main, comme le prouve le camouflet infligé à al-Baṭrūǧī qui, en ne souscrivant pas aux convenances du cérémonial, fut publiquement désavoué par ‘Abd al-Mu’min133. Ainsi, le notable andalou négligea dans son discours, en guise de liminaire, d’invoquer Dieu en faveur du calife ; il le débuta en entrant dans le vif du sujet, en maudissant Alphonse, le roi de Castille, et en se lamentant sur le sort de son pays. Il faut remarquer qu’au moment où le pouvoir almohade s’apprêtait à étendre sa domination sur le Maghreb central et oriental, tout en s’enracinant fermement en al-Andalus, le caractère formel du discours public revêtait la plus grande importance. Par sa réaction, le calife montra son opposition à l’égard d’un notable qui pourtant lui avait permis, avec d’autres, de prendre pied au nord du détroit de Gibraltar.
la bay‘a ‘āmma
46Le serment d’allégeance général était marqué par une prise de parole solennelle d’un préposé à cet effet ; contrairement à la bay‘a ḫāṣṣa, elle n’était pas assurée par un Almohade de naissance et le préposé ne s’adressait qu’à des Almohades de condition inférieure. Il n’a été conservé qu’un seul de ces discours, celui relatif à l’avènement d’al-Mustanṣir prononcé par l’homme de plume et secrétaire (kātib) Abū ‘Abd Allāh b. ‘Ayyāš :
Vous jurez au Prince des croyants, fils des Princes des croyants, de la même manière que ses compagnons l’ont fait au Prophète de Dieu, de lui obéir en tout état de cause, dans le bonheur comme dans le malheur et d’agir loyalement envers lui, envers ses gouverneurs et envers tous les musulmans (li-‘āmmat al-muslimīn). Telles sont vos obligations envers lui ; de son côté, il s’engage à ne pas retenir vos contingents trop longtemps ; à ne garder pour lui rien de ce qui appartient au commun ; à ne pas retarder le paiement de vos soldes ; à ne pas se dérober à votre vue. Puisse Dieu vous aider à tenir vos promesses et l’aider dans sa charge à vous gouverner134.
47Ce discours était successivement répété à chacun des groupes qui venaient prêter allégeance ; ce n’est qu’une fois cette formalité accomplie que le pouvoir du nouveau calife était considéré comme établi135. La teneur contractuelle du discours coïncide remarquablement avec l’étymologie de bay‘a. En effet, il intègre le rappel des devoirs incombant aux administrés, ces devoirs ayant valeur d’engagement n’étant pas sans contrepartie. D’une part, il y était souligné qu’on agissait par mimesis en se plaçant dans le sillon du précédent muḥammadien ; d’autre part, on cherchait à susciter une loyauté sans faille chez les contractants et peut-être à se garder du caractère versatile des alliances politico-militaires, si caractéristique de la société segmentaire.
48Les Almohades, bien que de rangs divers, étaient présentés comme solidaires. C’est ce que semble indiquer l’expression « envers tous les musulmans », la cause de l’islam étant confondue avec celle des Almohades. Pour sa part, le calife prenait des engagements concrets dont il garantissait l’exécution en tant que chef de l’élite au pouvoir. Parmi ces engagements, on distingue la promesse de limiter la durée d’incorporation dans l’armée et de rétribuer les hommes mobilisés en temps voulu. Le nouveau calife affirmait également sa volonté d’alléger l’imposition et ne pas se comporter comme un souverain prédateur agissant en dehors du cadre imparti par la loi islamique. L’objectif était de contrecarrer le principal reproche émis par ses détracteurs les plus notables, les soufis. Enfin, il s’engageait à ne pas se soustraire à la vue de ses sujets, le retrait dans le huis-clos palatial étant synonyme de vie licencieuse.
49Il reste à préciser que les termes du contrat étaient posés par le pouvoir almohade. Énoncés par un kātib, ils avaient donc été précédemment couchés par écrit ; le contrat établi reposait sur des modalités prédéfinies par l’une des parties qui était en position de force. Le calife définissait par le biais de son kātib le cadre dans lequel serait enserrée la pratique gouvernementale à venir, en vertu de laquelle les Almohades devaient s’engager à obéir, même si leurs aspirations pouvaient être prises en considération au moins formellement ; en effet, la plupart des engagements pris ne furent jamais honorés. Sous al-Mustanṣir, en raison d’une crise politique, économique et climatique sans précédent, les salaires ne furent pas versés aux soldats136 et les populations furent rançonnées137. Pour finir, al-Mustanṣir ne fut pas capable, en dix ans de règne, d’organiser la moindre expédition et resta cantonné dans son palais138 ; cette inaction prouve que les engagements pris relevaient de vœux pieux. Néanmoins, la cérémonie d’allégeance servait à établir plusieurs niveaux de partage entre dirigeants et gouvernés, mais aussi entre les grands almohades et la masse des Almohades ; ces deux dernières catégories n’étaient pas concernées par la même cérémonie. La bay‘a ‘āmma établissait un précédent signifiant à tous qu’il existait désormais une nouvelle autorité. En cas de rébellion, les gouvernants avaient reçu un serment d’allégeance pouvant leur servir de base légale à l’administration du supplice infamant et au châtiment des opposants, fussent-ils eux-mêmes Almohades.
50Une fois le discours énoncé, on laissait le champ libre à une autre prise de parole publique, celle des poètes spécialement conviés pour l’occasion, le caractère apologétique des vers participant à la glorification du pouvoir en place. C’était l’occasion pour le calife de faire jouer la concurrence entre courtisans139 en attirant le plus grand nombre possible de versificateurs renommés pour renforcer le prestige de la dynastie en place, mais aussi pour éviter qu’ils ne viennent brocarder le régime. Les poèmes magnifiaient alors Ibn Tūmart, le calife, ses ancêtres et leurs réalisations ; la prise de parole par les poètes constituait une sortie du paradigme du discours public et officiel basé sur la rareté. Si un seul discours d’investiture générale nous ait parvenu, il n’en va pas de même des poèmes ; la beauté de leurs vers amena les différentes chroniques et anthologies littéraires à les consigner et à les faire passer à la postérité avec l’idée sous-jacente qu’ils pouvaient servir de modèles140. Le temps des dithyrambes achevé, on adressait alors des missives aux principaux gouvernorats de l’Empire afin de les informer par officiellement de la tenue des deux cérémonies d’allégeance. Par voie de retour, les gouverneurs et les principales entités urbaines envoyaient une lettre où étaient consignées leurs reconnaissances formelles du nouveau pouvoir141.
51Plus l’activité politico-militaire du calife défunt avait été couronnée de succès, plus les missives de reconnaissance affluaient de partout et dans un laps de temps relativement bref vers son successeur, comme lors de la montée dur le trône d’an-Nāṣir. C’est ainsi que des lettres de la chancellerie almohade attestent du fait que le serment d’allégeance concernait principalement les gouverneurs et l’élite des citadins des villes de l’Empire. Dans une formulation très conventionnelle, on évoquait les califes précédents ; après le règne d’an-Nāṣir, ils furent nommés les califes orthodoxes (al-Ḫulafā’ ar-rāšidūn). Puis on donnait des gages verbaux de loyauté à l’égard du nouveau pouvoir142. Preuve de l’importance conférée à ces missives, elles étaient le plus souvent écrites par une sommité littéraire de la ville143. Dans bon nombre de cas, la reconnaissance par les cités provinciales n’intervenait pas immédiatement et l’on attendait d’abord que le souverain ait fait ses preuves.
52Les deux temps de la bay‘a étaient probablement accompagnés de façon continue par des roulements de tambour144 et ce n’est qu’à l’issue de cette cérémonie que le calife prenait un titre honorifique (laqab) qui augurait véritablement du nouveau règne, dans la lignée des dynasties califales qui l’avaient précédé ; la pratique lourde de sens n’intervint pas chez les Almohades avant le troisième calife145. Mais elle fit par la suite partie intégrante du dispositif almohade, et pas un seul calife ou aspirant au califat ne manqua d’y sacrifier. Témoignage de l’ancrage de cette pratique, on la fit même pour le petit-fils d’Abū Dabbūs qui ne régna que quelques jours en 1269 ; en effet, les Almohades, face à l’éminent péril mérinide, s’empressèrent de lui octroyer un surnom honorifique. Se sentant en danger, les Almohades se cramponnèrent à une pratique royale qui marquait la fin du temps de l’investiture146. Il s’agissait de clore le plus rapidement possible le chapitre de la succession afin de reconstituer face aux Mérinides un front almohade consistant.
53Cet épisode traduit le fait que la prise du titre honorifique survenait immédiatement après la bay‘a ḫāṣsa, car bien des prétendants au trône s’octroyèrent un laqab avant même de s’emparer de Marrakech, quand ils y arrivèrent147. Prendre un titre honorifique revenait à afficher ouvertement ses ambitions et à se positionner dans la lignée de ses pères, les califes orthodoxes, pour monopoliser à nouveau le pouvoir en Occident. C’est ainsi que tous les califes ou candidats au trône prirent après al-Manṣūr un laqab, comme le prouve le tableau 2, page ci-après.
54En fin de compte, le calife exigeait invariablement que l’on fasse des dons aux Almohades, mais également aux membres de l’armée stipendiée et permanente148. Il pouvait de plus, en guise de reconnaissance de son autorité, recevoir des cadeaux somptueux149, préludes indispensables aux actes marquant l’accession au pouvoir, à savoir la nomination aux postes clés de l’État150 et l’organisation rapide d’une expédition. Le but était de consolider un pouvoir mal établi, le début de règne constituant une période dangereuse pour le nouveau calife en dépit des serments d’allégeance prononcés.
Tableau 2 – Les califes151 qui prirent un titre honorifique.
Noms des souverains almohades | Kunya des souverains | Titre honorifique | dates de règne |
Ya‘qūb | Abū Yūsuf | Al-Manṣūr | 1184-1199 |
Muḥammad | Abū ‘Abd Allāh | An-Nāṣir | 1199-1214 |
Yūsuf | Abū Ya‘qūb | Al-Mustanṣir | 1214-1224 |
‘Abd Allāh | Abū Muḥammad | Al-‘Ādil | 1224-1226 |
Idrīs | Abū l-‘Ulā’ | Al-Ma’mūn | 1224-1232 |
Yaḥyā | Abū Zakariyyā | Al-Mu‘taṣim bi-Allāh | 1227-1236 |
‘Abd al-Wāḥid | Abū Muḥammad | Ar-Rašīd | 1232-1242 |
‘Alī | Abū l-Ḥasan | - As-Sa‘īd | 1242-1248 |
‘Umar | Abū Ḥafṣ | - Al-Mu‘taṣim bi-Allāh | |
Idrīs | Abū l-‘Ulāet Abū Dabbūs | Al-Murtaḍā | 1248-1266 |
‘Abd al-Wāḥid | Abū Muḥammad | Al-Mu‘taṣim bi-Allāh | 1269 |
Les mesures de début de règne
55Des règles claires de succession ne purent jamais être établies concernant la passation de pouvoir ; il n’exista jamais de loi conférant automatiquement le pouvoir au fils du calife en vertu d’une règle favorisant la primogéniture mâle. Au contraire, les Mu’minides candidats préféraient gagner du temps pour tester le nouveau souverain ainsi que sa capacité à négocier ou à agir en disputant ouvertement sa place au calife. En effet, tous les califes mu’minides virent leur pouvoir remis en cause par l’un de leurs parents, un frère, un oncle ou un cousin152. Le seul à faire exception à la règle fut an-Nāṣir, l’aura de son père étant si grande que nul ne pouvait aller à l’encontre de la volonté d’al-Manṣūr qui l’avait élevé devant tous153.
56C’est en fonction de la donne d’un pouvoir mal assuré qu’il convient d’apprécier les mesures inaugurant le nouveau règne ; elles visaient un retour à la tradition fondatrice de l’État almohade. Le message délivré par Ibn Tūmart était composé de deux volets, des écrits que les Almohades devaient apprendre par cœur et une geste essentiellement basée sur la censure des mœurs154. L’objectif était la réalisation d’une société en total accord avec le message muḥammadien. L’action du fondateur du mouvement almohade était basée sur le précepte coranique de prescrire le bien et prohiber le mal (alamr bi-l-ma‘rūf wa n-nahy ‘an al-munkar). En fonction de ce modèle, de nombreuses missives rédigées par la chancellerie almohade pour annoncer ou solliciter un serment d’allégeance font explicitement référence à cet impératif. Ainsi, le nouveau souverain faisait état de sa volonté de l’appliquer dans les plus brefs délais155, ce que l’autorité centrale avait également tendance à réitérer en temps de crise, comme si l’on souhaitait alors se raccrocher alors aux fondamentaux tūmartiens156.
57Cette volonté ne resta pas lettre morte. Dès la première transition de ‘Abd al-Mu’min à Abū Ya‘qūb en 558/1163, le chantre de la dynastie fit part de la répression conduite par le nouveau calife et son vizir contre « les dépravés et les libertins157 ». Dans cette période mouvante où le nouveau pouvoir n’était pas sûr de son fait, on tenta de renouer avec le rigorisme d’Ibn Tūmart. C’est cette volonté de renouer avec les origines du mouvement almohade dans un contexte difficile qui explique la geste d’al-Manṣūr, au moment où il monta sur le trône suite à la mort violente de son père près de Santarem. Il prit des mesures drastiques à l’encontre des « dépravés » (mufsidūn), en faisant fermer à Marrakech « le marché des esclaves chanteuses (sūq al-qiyān)158 » et en persécutant des chanteurs qui furent obligés de se disperser dans tout l’Empire159. De même, il interdit le port de vêtements trop luxueux, notam-ment pour les femmes160, avant d’exiger la destruction de jarres de vin et de menacer de mort qui oserait en boire161.
58Dans la même optique, la crainte d’une fronde venant de ses propres parents mit le souverain dans l’incapacité d’organiser des expéditions à destination d’al-Andalus, et d’une manière générale toute opération militaire de grande envergure. La paralysie momentanée du pouvoir posait problème, car la guerre sainte était l’une des principales instances de légitimation de son pouvoir. On pointe le paradoxe suivant : le ǧihād ne cesse d’être invoqué dans les lettres de bay‘a du nouveau calife, au moment même où il se voit contraint de reporter sine die tout passage au nord du détroit de Gibraltar. La faiblesse du souverain en début de règne explique que le premier acte d’Abū Ya‘qūb et de son frère Abū Ḥafṣ, une fois leur père mort, fut de congédier les contingents assemblés à Salé pour accomplir la guerre sainte162. Le fait que les dirigeants almohades n’aient pu alors mener à bien leur principale mission constitue une source de tension pour le calife. Pour y remédier, on trouva divers expédients ; le deuxième calife, faute de se déplacer en personne, fit mander son frère en al-Andalus afin qu’il assure la lutte contre Ibn Mardanīš163 ; al-Manṣūr fit défiler dans les rues de la capitale des prisonniers chrétiens capturés en mer par le grand amiral164, le pouvoir almohade étant momentanément incapable de faire des prisonniers sur terre.
59Le nouveau règne était l’occasion de revoir l’attribution des postes dans l’administration, et tout particulièrement au sein de l’administration fiscale qu’on redécouvrait opportunément corrompue. On n’hésitait pas alors à mettre à mort ces boucs émissaires qu’étaient les agents du fisc (muštaġilūn)165, le souverain se présentant alors comme un redresseur de torts. Ces décisions prouvaient de manière allusive que le règne précédent avait été marqué par une forme de dévoiement par rapport au modèle de la cité islamique vertueuse166. L’action tenait dans l’abolition des taxes extracoraniques (maġārim, mukūs, etc.)167, geste motivé par le désir de se conformer à une stricte légalité. C’est ainsi qu’il convient de considérer la politique d’al-Manṣūr, souverain qui tenta de régler en personne les différends entre ses administrés, tout comme son père avait écouté à ses débuts les doléances du commun168. Pour compléter son action, al-Manṣūr fit brûler la Mudawwana, estimant que la casuistique tortueuse de cet ouvrage constituait un obstacle entravant le bon fonctionnement de la justice en pesant sur ses sujets169.
60En corollaire à l’incarcération des questeurs les plus notoirement corrompus, ou les plus aisément sacrifiables à la vindicte populaire, le nouveau pouvoir élargit des prisonniers170. Cette libération intervenait systématiquement après tous les serments d’allégeance ou tous les renouvellements de serment d’allégeance, un peu comme si le pouvoir souhaitait atténuer le caractère arbitraire et inique que lui prêtaient certains de ses sujets. La clémence du nouveau pouvoir allait de pair avec les dons consentis à ceux qui, de près ou de loin, soutenaient la dynastie en place, le nouveau règne étant inauguré sous les meilleurs auspices car il donnait des gages de bonne volonté aux sujets. Restait alors à se les concilier, tout en les maintenant dans une position d’infériorité par rapport au calife, celui-ci étant la tête de la maison almohade. Or, les préposés au serment d’allégeance restreint furent presque toujours des Almohades de condition.
61À cela, nous trouvons une seule exception, celle d’ar-Rašīd, qui s’explique par le contexte politique singulier dans lequel eut lieu sa désignation. Elle intervint à un moment où, en raison de la purge opérée par son père al-Ma’mūn, les cheikhs almohades soutenaient son rival Yaḥyā Ibn an-Nāṣir. De surcroît, al-Ma’mūn mourut en expédition en 629/1232, après avoir échoué dans sa tentative de prendre Ceuta171 ; c’est pour cette raison que les princes mu’minides ne réagirent pas, trop occupés qu’ils étaient à se disputer le pouvoir sans qu’aucun d’entre eux ne soit en mesure de s’imposer. Le vide politique ainsi créé laissa le champ libre à des personnages portés par de puissants groupes lignagers (Haskūra, Sufyān et Ḫulṭ), forces incontournables pour le Mu’minide qui escomptait l’emporter sur ses adversaires. Cette situation exceptionnelle explique pourquoi les préposés à cette bay‘a ḫāṣṣa, Kānūn b. Ǧarmūn as-Sufyānī et Šu‘ayb al-Haskūrī172, commandaient à ces tribus et étaient en mesure de les mobiliser. Du reste, si depuis fort longtemps ces groupes étaient au service des Almohades173, ils ne pouvaient être considérés comme Almohades de naissance.
62À cette exception près, l’ensemble des personnes préposées à cette cérémonie étaient des Almohades de tout premier rang. Le rôle imparti à ces deux chefs de tribu que sont Kānūn b. Ǧarmūn as-Sufyānī et Šu‘ayb al-Haskūrī illustre la rupture de l’équilibre qui avait été jusque-là maintenu et annonce la fin de l’ordre préétabli. En effet précédemment, pour accéder au trône, le candidat devait jouir d’un crédit sans conteste auprès des autres Almohades, Mu’minides et cheikhs. Ce crédit autorisait le préposé au serment d’allégeance restreint à prendre par la main le nouveau calife et à le faire asseoir pour la première fois sur le siège dévolu à cet effet. C’est ainsi que, sous al-Mustanṣir, les Almohades les plus éminents nommèrent le dernier des fils de ‘Abd al-Mu’min encore vivant pour cette mission. De même, ce rôle prestigieux échut à trois reprises au sayyid Abū Ḥafṣ ou à l’un de ses descendants. On escomptait en agissant ainsi signifier à l’ensemble des membres de la sphère dirigeante que le temps des débats et des négociations avaient pris fin et que seul désormais devait prévaloir le consensus autour du prince désigné. Cette unanimité nécessitait que la personne chargée d’imposer ce choix et de susciter l’unité soit reconnue par tous les Almohades, comme le fut Abū Ḥafṣ en son temps.
63Par la suite, et après le retour en grâce des cheikhs almohades sous ar-Rašīd, il leur revint à nouveau de présider cette cérémonie, dans une conjoncture difficile où les Almohades voulurent restaurer l’Empire tout en revenant sur leurs fondamentaux. Lors des prestations de serment, le personnel du palais, à commencer par le premier d’entre eux, le ḥāǧib de la demeure de l’ancien calife, était absent des cérémonies. La passation de pouvoir étant l’affaire d’hommes libres, les femmes, même lorsqu’elles jouaient un rôle majeur dans l’accession au trône d’un prétendant, n’assistaient pas aux manifestations publiques.
64Malgré les précautions prises, ces mesures pesaient peu face à la nécessité pour le calife de triompher de ses adversaires sur le champ de bataille ou de les rallier à sa cause. En effet, les mises en scène de leur pouvoir ne purent prémunir les Almohades des divisions internes et des guerres civiles où s’affrontèrent, à partir de 1224-1225, plusieurs prétendants à qui l’on venait de prêter serment d’allégeance. On accordait une grande importance au caractère formel des deux bay‘a-s, protocoles à respecter car ils attribuaient rang et statut aux membres de la sphère dirigeante. En dépit du caractère solennel de ces cérémonies, on éprouva le besoin de les réitérer à de multiples reprises : les victoires les plus éclatantes, ainsi que la réalisation de projets architecturaux grandioses, voire même la venue du calife, constituaient des événements assimilés dans les chroniques à des renouvellements de bay‘a.
65Généralement, le point central de la cérémonie était le moment où les participants venaient embrasser la main du calife. Pour les Almohades, le besoin de renouveler autant de fois que l’on était en mesure de le faire le serment d’allégeance témoigne de son manque d’efficience. Ce renouvellement relativement fréquent illustre la difficulté pour le cérémonial d’ordonnancer durablement la société. En dépit du caractère solennel de la cérémonie, elle n’était sans doute pas perçue comme un engagement irréversible. De facto, le prétendant au trône devait gagner les guerres, intéresser les membres de la classe dirigeante en leur redistribuant prébendes et postes aussi prestigieux que lucratifs et assurer la sécurité des sujets. Si ces conditions n’étaient pas réunies, alors à coup sûr des Almohades de naissance remettaient en cause le pouvoir du calife. Pour se maintenir au pouvoir, les Mu’minides généralisèrent les pratiques de dons et, dans la lignée des Almoravides, cherchèrent à s’imposer en menant une politique de prestige servant de modèle au reste de la société.
Tableau 3 – Les dignitaires qui intronisèrent les califes et leurs qualités.
Califes intronisés | Grands qui intronisèrent ces califes et leurs qualités |
‘Abd al-Mu’min | Les Dix (cheikhs almohades) |
Abū Ya‘qūb | Le sayyid Abū Ḥafṣ Ibn ‘Abd al-Mu’min |
Al-Manṣūr | Le sayyid Abū Zayd Ibn Abū Ḥafṣ Ibn ‘Abd al-Mu’min |
An-Nāṣir | Le cheikh Abū Mūsā Ibn Muḥammad Ibn Abū Ḥafṣ ‘Umar al-Hintātī |
Al-Mustanṣir | Le sayyid Abū Mūsā ‘Īsā Ibn ‘Abd al-Mu’min |
‘Abd al-Wāḥid | Le cheikh ‘Uṯmān Ibn Ǧāmi‘ |
Al-‘Ādil | Le sayyid Muḥammad Ibn Idrīs Ibn Yūsuf Ibn ‘Abd al-Mu’min |
Al-Ma’mūn | Les cheikhs almohades |
Yaḥyā b. an-Nāṣir | Idem. |
Ar-Rašīd | Kānūn b. Ǧarmūn as-Sufyān |
Šu‘ayb al-Haskūrī | |
As-Sa‘īd | Le cheikh Abū Muḥammad Ibn ‘Abd Allāh Ibn Wānūdīn |
Al-Murtaḍā | Le cheikh Abū ‘Abd Allāh Muḥammad b. ‘Abd Allāh al-Ganfīsī |
Abū Muḥammad ‘Abd al-Wāḥid | Les Mu’minides et les cheikhs almohades sans autre précision |
Notes de bas de page
1 Afin de mettre en perspective l’importance de ce personnage dans la vie spirituelle du Maghreb, on peut se référer à Dermengheim E., Le Culte des saints dans l’islam maghrébin, Gallimard collection Tel, Paris, 1954.
2 At-Tādilī, p. 220.
3 Cet ouvrage a été pour la première fois publié, annoté et traduit en français par É. Levi-Provençal sous le titre de Documents inédits d’histoire almohade (1928). Il fit l’objet d’une réédition en arabe en 1971 par ‘A. Ibn Manṣūr, sous le titre de Aḫbār al-Mahdī Ibn Tūmart, Rabat, Dār al-Manṣūr, 1971 (Cf. Sources : al-Bayḏaq).
4 Dozy R., Supplément aux dictionnaires arabes, Leyde, 1881, p. 24.
5 Voir Jean-Pierre Molénat, « Contacts linguistiques dans la péninsule Ibérique médiévale », Les Échanges culturels au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 111.
6 Schiaparelli, C., Vocabulista in arabico publicato por la primera volta sopra un codice della biblioteca riccardiana di Firenze, Florence, tipografia dei successori Le Monnier, 1871, p. 16.
7 Van den Boogert N., « Medieval Berber Orthography », Études berbères et chamito-sémitiques : Mélanges offerts à K-G Prasse, dir. S. Chaker, Paris-Louvain, Peeters, 2000, p. 360.
8 Oubahli M., p. 50.
9 Voir, à ce sujet, Pierre Guichard, Structures sociales orientales et occidentales dans l’Espagne musulmane, Paris–La Haye, Moutons, 1977.
10 Marcy G., p. 61-77.
11 Van den Boogert N., p. 359.
12 É. Levi-Provençal affirme, dans le glossaire des Documents inédits d’histoire almohade (1928), que ce mot serait employé à Salé avec l’acception de « grand plat de terre », dans lequel on place les peaux destinées à être tannées. Nous n’avons pu recouper ces informations.
13 Jordan A., Dictionnaire Berbère-Français, Rabat, Omnia, 1934, p. 106.
14 A. Bounfour, à partir des renseignements qu’il a nous a aimablement communiqués, ce dont nous lui sommes très reconnaissant.
15 Marcy G., p. 73.
16 Al-Bayḏaq, Aḫbār al-Mahdī Ibn Tūmart, p. 33, note 50.
17 Al-Buḫārī, Ṣaḥīḥ al-Buḫārī, éd. et trad. M. Chakroun, Paris, Al Qalam, 2005, p. 408
18 Arkoun M., Pour une critique de la raison islamique, Paris, Maisonneuve & Larose, 1984, p. 97. Pour cet auteur, Ibn Tūmart est l’exemple type du réformiste qui chercha à imiter la sīra muḥammadienne.
19 Ibn Baṭṭūṭa, Les Voyageurs arabes, éd. et trad. P. Charles-Dominique, Paris, Gallimard (Collection de la Pléiade), 1995, p. 810.
20 Voir Van Staëvel J-P. et Fili A., « “Wa-waṣalnā ‘alā barakat Allāh ilā Īgīlīz” : à propos de la localisation d’Igīlīz des Harġa, le ḥiṣn du Mahdī ibn Tūmart », p. 153-194.
21 D’après Ibn Qaṭṭān et Abū Isḥāq aš-Šāṭibī, c’est à Aġmāt qu’Ibn Tūmart aurait définitivement dénoncé le serment d’allégeance contracté en faveur des Almoravides, marquant ainsi dans l’ancienne capitale des Maṣmūda son entrée en révolte.
22 Dans le cadre d’un texte pro-almohade, le terme arabe nās (les gens) renvoie aux personnes qui ne sont pas, ou qui ne sont pas encore, intégrées à la sphère de pouvoir almohade.
23 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 73.
24 Ce passage n’est d’ailleurs pas sans évoquer une réflexion de Friedrich Nietzsche qui, à propos du Christ et de la transsubstantiation du pain et du vin, déclare que « tout ce qui a trait à la nature, au temps, à l’espace, à l’histoire, ne lui étant que signes, occasions de parabole », avec l’idée sous-jacente que le Messie a utilisé des éléments importants de la civilisation matérielle locale préexistante, à savoir les aliments issus du triptyque méditerranéen : blé, olivier et vigne.
25 At-Tādilī, p. 220.
26 Ibn Razīn at-Tuǧībī, Faḍālat al-ḫiwān fī ṭayyibāt aṭ-ṭa‘ām wa-l-alwān, éd. M. Benchekroun, Rabat, 1984, p. 89.
27 Bolens L., L’Andalousie du sacré au quotidien ( xiie-xiiie siècles), Londres, Variorum reprints, 1990.
28 Sur cette épineuse question, voir Benhima Y., 2011, « Quelques remarques sur les conditions de l’islamisation du Maġrib al-Aqṣâ : aspects religieux et linguistiques », Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval ( viie-xiie siècle), éd. D. Valérian, Paris, Publications de la Sorbonne (Bibliothèque historique des pays d’islam), p. 315-331.
29 Il s’agissait d’une des plus importantes tribus maṣmūda d’un point de vue démographique. Une partie des Hazmīra résidait dans le Haut Atlas occidental et l’autre dans la plaine connue aujourd’hui sous le nom de Haouz. C’est sur son territoire que l’on construisit la ville de Marrakech. « Hazmīra » est l’arabisation du nom « Izīmmarān », qui signifie « les béliers » ou « les moutons ». De fait, les ethnonymes à noms d’animaux n’étaient pas rares au Maghreb.
30 L’auteur anonyme du Kitāb al-ansāb précise que « Banū Izīmmar » correspond au berbère « Ayt Izīmmar » ou « Idā w-Izīmmar ». Cette tribu résidait au nord de l’Oued Sūs.
31 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 52.
32 Ibid., p. 231 du glossaire.
33 Ibid., p. 34.
34 Il serait plus exact de dire « se pratiquait ». En effet, Jacques Berque et Paul Pascon sont retournés chez les Seksawa dans les années 1970 et ont constaté la dégénérescence, voire l’agonie, de ces rites naguère si importants.
35 Frairie où se rencontrent deux groupes.
36 Agapes accompagnées de palabres entre groupes.
37 Berque J., Structures sociales du Haut-Atlas, Paris, PUF, 1955, p. 279.
38 Hammoudi A., La Victime et ses masques : essai sur le sacrifice et la mascarade au Maghreb, Paris, Seuil, 1988, p. 84.
39 Tout à la fois vallée et nom d’une localité du Haut Atlas située près de l’actuelle bourgade d’Aoulouz.
40 Hintāta était l’une des plus puissantes et des plus importantes tribus du Haut Atlas. Elle contrôlait le col stratégique du Tizi n’Test et donc les passages entre le Sūs et le Haouz, axe vital du Maroc ancien. Elle joua un rôle de premier plan d’un bout à l’autre de l’histoire de la dynastie, d’où l’importance de la scène de ralliement ainsi conclu.
41 Ibn al-Qaṭṭān, p. 134-135.
42 Voir Nevil Barbour « La guerra psicológica de los Almohades contra los Almorávides », Boletín de la asociación española de orientalistas, 11, 1966, p. 117-130.
43 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 116.
44 At-Tādilī a consacré une notice biographique à un homme du même nom (p. 381). D’après A. Toufiq (note 185), ce nom signifie « celui qui les a secourus ». Cela indique la présence d’un réseau de significations, qui parlait aux contemporains des événements relatés par al-Bayḏaq, mais que nous sommes à peine en mesure de pressentir.
45 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 116.
46 Ibn al-Qaṭṭān, p. 139.
47 Ibn ‘Iḏārī, éd. Colin et Lévi-Provençal, t. 4, p. 21.
48 Dozy R., Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les arabes, Leyde, 1960 (1re éd. 1845), p. 73-80.
49 Cette scène rappelle ce que dit C. Lévi-Strauss dans La Pensée sauvage : « Les repas dits totémiques instaurent la contiguïté, mais seulement en vue de permettre une comparaison, dont le résultat escompté est de confirmer les différences. »
50 La notion d’impeccabilité ne cessa jamais de poser des problèmes aux musulmans.
51 Ibn Abī Zar‘, p. 227.
52 Laroui A., « Sur le mahdisme d’Ibn Tumart », p. 12.
53 En fonction du contexte, on peut déterminer qu’il s’agit d’une localité qui se situait à l’est de Melilla, non loin de l’actuelle frontière algéro-marocaine. Mis à part al-Bayḏaq, Jean-Léon l’Africain est le seul à avoir évoqué al-Mahdiyya.
54 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 93.
55 Ibid., p. 153.
56 Huici Miranda A., Historia política del imperio almohade, t. 1, Grenade, Universidad de Granada, rééd. 2000, p. 64 et 222.
57 Norris H.T., The Berbers in Arabic literature, Londres, Longman Group, 1982, p. 170.
58 Les Gazūla dominaient toute la partie sud-est du Sūs ainsi qu’une partie de la vallée du même nom. Cette confédération existe encore aujourd’hui sous le même nom.
59 Huici Miranda A., op. cit., p. 220-221.
60 Ibn Ṣāḥib aṣ-Ṣalāt, p. 411 et 434.
61 Al-‘Umarī, Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār, éd. et trad. M. Gaudefroy-Demombynes, Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār, I, L’Afrique moins l’Égypte, Paris, Paul Geuthner, 1927, p. 126-127.
62 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 57.
63 Lui-même était originaire de la tribu des Gūmiya, qui se trouvait localisée dans les environs de Tlemcen. Il était donc un étranger pour les Maṣmūda. Cette thématique a été traitée, entre autres, dans un article de Hamès C., « De la chefferie tribale à la dynastie étatique. Généalogie et pouvoir à l’époque almohado-hafside (xiie-xive siècles) », dir. P. Bonte, E. Conte, C. Hamès, A. W. Ould Cheikh, Al-Ansāb. La quête des origines. Anthropologie historique de la société arabe, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1991, p. 101-137.
64 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 118-119. Al-Marrākušī, p. 164-165. Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 47-48, 50-51 et 52.
65 Telle est la traduction que nous suggérons pour « maz kkeġ wer aneġ tefisem, neġ yucek wa n di ikker-aneġ id-wen yes-nn ilkemen ? » G. Marcy (p. 70) proposait quant à lui la version suivante : « Si je triomphe, vous n’observerez point à notre égard le même silence ; celui qui s’est levé pour vous aurait-il donc mis en doute que le but poursuivi puisse être atteint ? »
66 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 57.
67 Voir Hamès C., « Le pouvoir dynastique almohade entre parenté berbère, arabe et islamique », Los Almohades problemas y perspectivas, dir. P. Cressier, M. Fierro et L. Molina, Madrid, CSIC, 2005, pp. 425-450.
68 Ce que prouvent les événements qui suivirent l’assassinat de ‘Abd al-Wāḥid († 1224) et les dix ans de guerre civile qui s’ensuivirent et qui virent éclater l’empire.
69 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, p. 163.
70 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 171, 265 et 269.
71 Ibid., p. 236.
72 Documents inédits d’histoire almohade, éd. et trad. française Lévi-Provençal, 1928, p. 131-132.
73 Muḥammad, le prophète de l’islam, était réputé n’avoir pas désigné explicitement un héritier.
74 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, p. 54-155.
75 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 171.
76 Ibid., p. 298.
77 Ibid., p. 300.
78 Ibid., p. 386-387.
79 Ibid., p. 467-468.
80 Ce que fit l’un de ses frères, gouverneur de Bougie.
81 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 359.
82 Ibid., p. 388.
83 Ibid., p. 359.
84 Brunschvig R., La Berbérie orientale sous les Hafsides, des origines au xve siècle, Éditions Adrien Maisonneuve, Paris, 1940-1947, p. 18.
85 Lewis B., p. 92.
86 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 359.
87 Ibid., p. 388-389.
88 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, p. 164.
89 Al-Marrākušī, p. 276. Quand il accéda au trône en 621/1224, il avait dans les 70 ans. Il avait depuis des décennies exercé divers gouvernorats en al-Andalus et au Maġrib al-aqṣā.
90 Huici-Miranda A., Historia política del imperio almohade, t. 2, p. 453.
91 Ibn Abī Zar‘, p. 301, 326, 328, 330, 339 et 341.
92 Ibn ‘Abd al-Malik, p. 192.
93 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 301.
94 Ibid., p. 44.
95 Ibid., p. 275.
96 Ibid., p. 449.
97 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 366.
98 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 44. Salé était alors sans conteste le premier port atlantique du Maghreb. Sa suprématie lui fut sans doute constestée durant la période almohade par la montée en puissance des ports d’Azemmour et de Safi.
99 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 92-111.
100 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 236.
101 Al-Marrākušī, éd. Ibn Manṣūr, 1998, p. 193.
102 Ibn Ṣāḥib aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 225.
103 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 270.
104 Ibid., p. 284-286.
105 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 276 et 360.
106 Ibn Ṣāḥib aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 340.
107 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 44.
108 Ibid., p. 360.
109 Dans un contexte almohade, il faut entendre qarāba par « membres de la famille du calife ».
110 Coran, IX-111, LX-12, XLVIII-10, II-282, II-254, XIV-31, XXIV-37, LXII-9, XXII-40.
111 Aṭ-Ṭabarī, Les Quatre Premiers Califes, éd. et trad. H. Zotenberg, Sindbad, rééd. 1989, t. 2, p. 226.
112 Nous pouvons à ce titre nous en référer à Plutarque qui mit bien en lumière, à travers la vie d’Alexandre le Grand, le conflit essentiel entre l’ancienne conception de la monarchie macédonienne, celle des « semblables (hómoioi) », et celle orientale qui conférait au souverain un caractère divin. La pierre d’angle du système monarchique perse était sans nul doute constituée par la proskynèse qui scandalisa les Grecs.
113 Sanders P., p. 13.
114 Brunschvig R., La Berbérie orientale sous les Hafsides, des origines au xve siècle, Éditions Adrien Maisonneuve, Paris, 1940-1947, p. 33.
115 Hammoudi A., Maîtres et disciples, p. 176.
116 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 340.
117 Al-Marrākušī, éd. Ibn Manṣūr, 1998, p. 163.
118 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 237.
119 Azzaoui A., p. 380.
120 Al-Marrākušī, éd. Ibn Manṣūr, 1998, p. 138.
121 De son vivant, il jouit d’une célébrité sans pareille, et bien que Berbère monolingue et illettré, il attira une foule de disciples, y compris parmi les couches les plus lettrées de la population. Il est encore aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands saints du Maroc actuel.
122 At-Tādilī, p. 216.
123 Ibid., p. 306.
124 C’est peut-être ainsi qu’il faut interpréter la présence de mains peintes dans les maisons, attestées au Maghreb depuis au moins l’époque punique. De même, le nom d’Ibn Taḫmīsat, le fils des cinq doigts de la main, peut être recensé dans le corpus hagiographique de at-Tādilī. On observera que les rois au Maghreb ne furent nullement des rois thaumaturges, comme leurs homologues anglais et français. On peut trouver trace d’une capacité à guérir par les mains dans un stade antérieur à la transformation en État-dynastie, ce que prouve le cas d’Ibn Tūmart, mais également celui de la mère de l’un des rois fondateurs de la dynastie mérinide.
125 Nous suivons la graphie donnée par A. Toufiq (at-Tādilī, p. 94, note 36).
126 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, 1987, p. 340.
127 Ibid., p. 334.
128 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et alii., p. 44.
129 Azzaoui A., p. 444 et 449. Comme le remarque judicieusement A. Azzaoui, il se pourrait que cette requête s’explique par la volonté qu’avaient les Almohades de faire face aux Mérinides.
130 Al-Marrākušī, éd. Ibn Manṣūr, 1998, p. 233.
131 Brunschvig R., op. cit., 1940-1947, p. 39.
132 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 359.
133 Ibid., p. 44.
134 Al-Marrākušī, Histoire de l’Afrique du Nord sous les Almohades par ‘Abd al-Wāḥid al-Marrākušī, éd. et trad. E. Fagnan, Alger, Adolphe Jourdan, 1893, p. 282.
135 Ibid., p. 233.
136 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 267.
137 Azzaoui A., p. 316-318.
138 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 265.
139 La concurrence entre différents poètes de cour était devenue sans doute proverbiale, comme celle qui opposa pendant des décennies al-Ǧarrāwī à Ibn Ḥarbūn. C’est ainsi que chez At-Tādilī, on trouve un écho de cette lutte feutrée pour la prééminence honorifique de meilleur poète d’Occident. On demanda à un saint personnage quel était, des deux poètes susmentionnés, le meilleur. Preuve de son détachement du monde, jugé corrompu, le saint s’abstint de donner son avis pour ne pas médire de l’un ou de l’autre.
140 Ce qui était dû au fait que les chroniques se présentaient comme des anthologies littéraires. Or, on ne pouvait faire fi de l’émulation suscitée par un pouvoir puissant, aux moyens conséquents, et qui était disposé à employer le talent des meilleurs versificateurs en lice.
141 Azzaoui A., Lettres à propos de l’allégeance à Abū Ya‘qūb 17, 18, 19 et 20, p. 110-114 ; ou à ‘Abd al-Wāḥid, p. 353-356.
142 Ibid., p. 353-356. Il s’agit d’une missive rédigée dans un style remarquable par les habitants de Valence au nouveau calife almohade.
143 Ce qui explique pourquoi on retrouve bon nombre de ces missives relatives à la bay‘a dans des anthologies littéraires.
144 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et ali., p. 468.
145 On ne s’empressa pas non plus chez les Hafsides de prendre un surnom honorifique.
146 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 468.
147 Ibn Ḫaldūn, Kitāb al-‘Ibar, t. 6, p. 270. Histoire des Berbères, t. 2, p. 237. Cet auteur rapporte l’histoire du gouverneur de Ceuta, qui aspira au califat et prit le titre d’al-Mu’ayyad sans jamais parvenir à s’emparer de la capitale almohade.
148 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 236.
149 Ibid., p. 360.
150 Azzaoui A., p. 340-346.
151 Nous entendons par calife l’ensemble des Almohades qui régnèrent de façon officielle sur Marrakech.
152 Il n’existe pas à notre connaissance de cas de fils de calife qui se souleva contre son père à la différence des Mérinides.
153 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 230-231.
154 Urvoy D., Pensers d’al-Andalus, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1990, p. 174.
155 Azzaoui A., p. 348-349.
156 Ibid. Ce fut tout particulièrement lors de la très sévère crise de subsistance qui affecta l’ensemble du Maġrib al-aqṣā en 617/1220.
157 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, 1987, p. 164.
158 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 174.
159 Ibid.
160 Ibid.
161 Ibid., p. 173.
162 Ibn Ṣāḥib aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, op. cit., p. 164.
163 Ibid., p. 179.
164 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 174.
165 Ibid., p. 173.
166 Ce qui pose le problème de la difficulté des États musulmans à se placer résolument sur le terrain de l’accumulation dans le temps de capital symbolique, et de ne pas céder à la tentation d’établir une rupture avec le règne de son prédécesseur, avec pour motivation principale l’idée de se conformer au message prophétique.
167 Ibn ‘Iḏārī, éd. M. Kattānī et al., p. 449.
168 Azzaoui A., p. 521.
169 Al-Marrākušī, éd. Ibn Manṣūr, 1998, p. 197-198.
170 Ibn Ṣāḥīb aṣ-Ṣalāt, éd. At-Tāzī, 1987, p. 266.
171 Ibn Ḫaldūn, Kitāb al-‘Ibar, t. 6, p. 261. Histoire des Berbères, t. 2, p. 237.
172 Il s’agissait du frère du fameux ‘Umar b. Ūqārīṭ, que nous avons précédemment évoqué.
173 Les Almohades avaient déporté les Sufyān au Maġrib al-aqṣā.
174 nous suivons la retranscription adoptée par ibn ‘Iḏārī (éd. M. Kattānī et al., p. 388), mais il serait plus juste de retranscrire « Azalmād », qui signifie en berbère « le gaucher ».
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