Chapitre III. Phalaris ou la renommée qui venait des confins
p. 165-177
Texte intégral
1Descendant en ligne directe, parent éloigné, cousin par alliance… les ramifications de l’arbre généalogique des bruits publics sont-elles assez étendues et cohérentes pour rassembler toutes les rumeurs et les renommées relevées dans nos sources en une seule famille, dont les racines remonteraient à l’Iliade et à l’Odyssée ? Le doute est permis, ne serait-ce parce qu’Homère évite de mentionner de méchants bruits. Les rumeurs dénonçant les matricides, les parricides ou même les aventures d’une jeune vierge n’ont sans doute pas leur place dans une épopée1 qui réserve la parole des aèdes au chant des exploits héroïques.
2L’absence de mauvaise renommée épique interdit-elle pour autant l’existence dans l’œuvre homérique de personnages repoussoirs ? Non, car le roi Échétos hante déjà l’Odyssée. À l’inverse du « roi parfait » de l’Odyssée, incarné par Pénélope, il fait preuve d’une telle cruauté que ses sévices sont envisagés comme les pires des châtiments. Les prétendants promettent de la sorte de punir Iros s’il perd son duel contre Ulysse : « Je t’envoie à la côte, au fond d’un noir vaisseau, chez le roi Échétos, fléau du genre humain ! D’un bronze sans pitié, il te tailladera le nez et les oreilles, t’arrachera le membre, pour le jeter tout cru, en curée, à ses chiens »2. Le scholiaste précise encore : « On dit qu’il était tyran de Sicile. Il pillait les habitants de toutes les façons possibles, il pillait et faisait disparaître les étrangers. Il en était arrivé à un tel degré de vilenie que même à l’égard des vieux habitants, quand il voulait vraiment se venger de quelqu’un et le condamner à mort, il le bannissait. Il inventa nombre de différentes sortes d’outrages. Le peuple ne put plus supporter cette cuisante tyrannie, et on le lapida. Cette histoire se trouve chez Mnaséas et chez Marsyas »3.
3Le tableau est irrévocable, le rôle attribué : on lit dans la figure d’Échétos comme dans un miroir princier au négatif. Implanté aux confins du monde grec, dans une Grande Grèce à qui l’on prête tous les excès, il se distingue pourtant par des défauts partagés par un grand nombre de rois de l’Odyssée. Comme la plupart, il est injuste4. Comme certains, il se montre cruel5, inhospitalier et impie6. Il est cependant le seul à cumuler l’ensemble de leurs défauts. À la différence du Cyclope dont l’altérité est trop radicale pour être imitée par les héros homériques, Échétos est redoutable car il est précisément le pire des Grecs.
4Le risque est de se comporter comme cet homme des marges géographiques et éthiques, c’est-à-dire d’oublier les valeurs placées au cœur de l’identité et de l’humanité grecques pour se perdre dans des comportements excessifs propres aux hommes des confins. Les rois de l’Odyssée ne sont pas les seuls exposés au danger. Avec Échétos, on entre dans l’histoire des représentations politiques inscrites dans la longue durée. Les contre-modèles agités pour inviter à la modération les dirigeants des époques classique et hellénistique présentent un profil comparable au sien. C’est notamment jusqu’au portrait odysséen d’Échétos que les racines de l’exécrable renommée de Phalaris semblent remonter.
PHALARIS, FILS CACHÉ D’ÉCHÉTOS
5La Première Pythique est, en 470, l’occasion pour Pindare de célébrer Hiéron7, tout en lui faisant entendre de discrets conseils pour qu’il puisse se conduire comme un souverain parfait. Il prend pour cela deux hommes en référence, Crésus et Phalaris : « Qu’il t’échappe une imprudence légère, on la tient pour grave, venant de toi. Tu administres une grande cité. Nombreux sont ceux qui peuvent rendre un témoignage fidèle de tes actes, quels qu’ils soient. Garde en sa fleur ton noble caractère (…). Livre ta voile au vent, comme un bon pilote (…). Le bruit de la renommée (doxa), qu’on laisse après soi, révèle seul aux orateurs et aux poètes comment vécurent ceux qui ne sont plus. Le souvenir ne meurt pas, de Crésus et de sa bienfaisance et celui qui, d’un cœur impitoyable, faisait brûler ses victimes dans le taureau d’airain, Phalaris, garde partout une renommée (phatis) exécrée. Jamais, sous nos toits, les doux chants des enfants ne mêlent son nom aux accents des lyres »8.
6La présence de Crésus paraît à sa place dans une Pythique, quand on se rappelle l’importance de ses offrandes à Delphes, tandis que celle de Phalaris9 s’explique dans une ode adressée à Hiéron. Sicilien comme ce dernier, le tyran d’Agrigente de la première moitié du vie siècle apparaît pour la première fois dans la littérature grecque chez Pindare et prend figure de symbole au début de l’époque classique. Connu par tous, il endosse le même rôle qu’Échétos. Figure du mauvais dirigeant, il sombre dans les mêmes travers et se distingue, comme lui, par une étonnante capacité à synthétiser les défauts prêtés aux pires souverains de son époque. À sa différence cependant, la renommée de Phalaris est directement prise par Pindare comme repoussoir pour guider l’action politique de son protecteur, Hiéron.
7Stigmate d’un esprit probablement peu réfléchi10, la mauvaise phatis de Phalaris dénonce surtout la dureté de son âme (nèleès noos). Trait de caractère dominant de Zeus tyran dans le Prométhée enchaîné11, la dureté est utilisée par Pindare comme critère pour distinguer les bons des mauvais dirigeants. Incapable de se comporter avec bienveillance à l’égard de son peuple, Phalaris s’oppose à Hiéron qui est considéré comme « plein de douceur pour les citoyens, sans jalousie pour les bons, admiré comme un père par les étrangers »12.
8La dureté de Phalaris se manifeste par des crimes atroces. Dépassant en cruauté ceux de son prédécesseur Échétos, leur souvenir est durablement13 transmis par une mauvaise phatis commune. Phalaris conçoit notamment un taureau d’airain dans lequel il fait brûler ses victimes. De ce supplice, Polybe offre une description plus détaillée que celle de Pindare : « Venonsen au taureau de bronze que Phalaris avait fait fabriquer à Acragas et dans lequel il faisait introduire des gens, avant de faire allumer du feu dessous. Le supplice qu’il infligeait à ses sujets était le suivant : le métal devenait brûlant, le patient, grillé et carbonisé de tous côtés, périssait et, quand il poussait des cris sous l’effet d’une souffrance intolérable, le bruit en parvenait aux oreilles des spectateurs tout semblable à un mugissement sortant de cette machine. Or ce taureau, lorsque la ville fut tombée au pouvoir des Carthaginois, fut transporté d’Acragas à Carthage. Il avait encore, entre les épaules, la trappe par laquelle on y faisait descendre les condamnés »14.
9Lorsqu’il associe la mauvaise phatis de Phalaris à l’atrocité de ses crimes, Pindare fait écho à une réputation d’un genre nouveau, dont la valeur symbolique prend sens quand elle est replacée dans le contexte culturel de la première moitié du ve siècle. Plus encore qu’Homère ou Hésiode, les auteurs de cette période témoignent d’une sensibilité particulière à l’égard des supplices atroces et font d’eux la marque de fabrique des tyrans les plus cruels. On trouve, chez Hérodote, des tyrans sanguinaires15 qui mettent à mort sans jugement16. Tel est le cas de Périandre qui aurait, selon les dires de Diogène Laërce, brûlé vives ses concubines17. Si le tyran Égisthe18 envisage, chez Eschyle, de supplicier ses opposants19, il faut surtout s’attarder sur le châtiment infligé par Zeus tyran à Prométhée. Fruit de son âme dure20 et capricieuse21, ce dernier se révèle particulièrement atroce22 et infamant23. Dans le prologue de la pièce, Eschyle reprend la description hésiodique du supplice24 et la développe pour en souligner toute l’horreur. Héphaïstos avoue lui-même qu’il manque de courage pour « enchaîner de force un dieu, [son frère], à ce pic battu des tempêtes (…). (à Prométhée) Je vais te clouer à ce roc désolé dans des nœuds inextricables d’acier. Là tu ne connaîtras plus ni voix ni visage humains, mais, brûlé des feux du soleil, tu sentiras la fleur de ton teint se flétrir ; avec joie, toujours, tu verras la nuit dérober la lumière sous son manteau d’étoiles (…), sans que la douleur d’un mal toujours présent jamais cesse de te ronger, car nul libérateur n’est encore né pour toi (…). Tu vas sur ce rocher monter une garde douloureuse, debout toujours, sans prendre de sommeil ni ployer les genoux. Tu pourras alors lancer des plaintes sans fin, des lamentations vaines »25. Si le châtiment diffère de celui de Phalaris, on retient cependant quelques points communs. Dans les deux cas, la victime pousse, sous l’effet de brûlures mortelles, de terribles lamentations. Les deux châtiments font surtout l’objet d’un spectacle ignominieux. D’après Polybe, les hurlements des victimes sont entendus par des spectateurs. Exposé aux regards de ses visiteurs, Prométhée est quant à lui hanté par l’idée qu’il devient l’objet d’un spectacle infamant26.
10Tyran archaïque de Grande Grèce, Phalaris est placé, si l’on suit les analyses de P. Schmitt Pantel, aux marges spatio-temporelles de la cité classique27 et aux confins éthico-politiques de la démocratie athénienne qui se construit, au ve siècle, contre le régime tyrannique. Les mœurs brutales de Phalaris l’éloignent de l’idéal démocratique de modération et ne font, inversement, que confirmer sa proximité avec le monde des Barbares28. Ed. Lévy et J. de Romilly estiment que la cruauté est un de leurs traits caractéristiques alors que la douceur doit être considérée comme une vertu propre aux Grecs29. À l’image de leur médecine30, les supplices des Barbares sont si terribles qu’Hérodote ose à peine les décrire31. Comme l’affirment quelques bruits (logoi) mentionnés par l’historien, les Barbares se montrent peu respectueux de la vie humaine32. Ils se prêtent volontiers aux mutilations corporelles qui consistent le plus souvent à couper le nez, les oreilles et à taillader le corps33. Ils n’hésitent pas non plus à castrer34, à décapiter35, à empaler36, à enterrer vivant37 tout comme à écorcher vif38.
11L’opposition établie par Pindare entre le bienveillant Crésus et l’impitoyable Phalaris incite à examiner sa phatis également sous un angle religieux. Autant la piété exceptionnelle de Crésus le range, chez Pindare, aux côtés des héros les plus renommés39, autant l’impiété classe Phalaris parmi les hommes exécrables, dont les atrocités souillent aussi bien leur propre personne40 que les espaces dans lesquels ils choisissent de les commettre41. La mauvaise renommée de Phalaris doit être appréciée dans le contexte historique de la première moitié du ve siècle. Paradigme des méchantes renommées politiques, celle de Phalaris répond en écho à la rumeur (phatis) qui disqualifie les dirigeants coupables d’hybris dans les œuvres des Tragiques athéniens.
12Ainsi, chez Eschyle, Agamemnon est-il la proie d’une rumeur malveillante (phatis) qui l’accuse d’avoir trop fait couler de sang lors de la guerre de Troie42. Responsable de la mort de nombreux soldats, il commet aussi un acte sacrilège en sacrifiant sa fille, Iphigénie, pour couronner de succès son expédition militaire43. À Troie, il continue d’agir en impie « en détruisant les autels et les temples des dieux »44 et en se livrant à de « sacrilèges pillages »45. Les crimes de ce redoutable « destructeur de ville »46 qui, sous la conduite d’Arès, viole tout ce qu’on révère47, font écho aux horreurs vécues par les spectateurs dans le cadre des Guerres Médiques. Le public d’Eschyle se souvient, par exemple, de l’incendie de Sardes et du sanctuaire de la grande déesse locale48, qui servit de prétexte aux Perses pour brûler à leur tour les cités et les temples grecs d’Asie mineure et ceux d’Athènes49.
13La mauvaise rumeur (phatis) courant sur Créon, dans l’Antigone de Sophocle, présente un profil comparable aux bruits précédents. Parti en guerre contre Thèbes50, Polynice se voit interdire par Créon toute sépulture et tout honneur funéraire51. Résolu, le tyran52 estime que la ville doit se plier à ses ordres pour ne pas sombrer dans l’anarchie53. Devant l’intransigeance de son souverain qui condamne fermement la désobéissance d’Antigone, Thèbes gronde. Hémon rapporte ainsi à Créon : « Père, la raison est un don des dieux aux hommes, et de tous les biens sans doute est-ce le plus grand. Qu’en parlant comme tu le fais, tu ne parles pas suivant la vérité (…). J’entends Thèbes gémir sur le sort de cette fille : “Entre toutes les femmes, elle est sans doute celle qui mérite le moins de périr dans l’ignominie, pour des actes qui font sa gloire ! Elle n’a pas voulu qu’un frère tombé au combat disparût sans sépulture, proie des oiseaux, des chiens voraces : n’est-elle pas digne, au contraire, de l’honneur le plus éclatant ?”. Voilà la rumeur (phatis) obscure qui sans bruit monte contre toi »54. Comme les phateis, la rumeur dénonce ici l’atrocité du supplice réservé à Antigone. Créon la condamne effectivement à une mort misérable55 : « Je la mènerai en un lieu délaissé par les pas des mortels et l’enfermerai toute vive au fond d’un souterrain creusé dans le rocher »56. Conscient de l’impiété de son crime, Créon assure que la nourriture laissée à Antigone préservera Thèbes de toute souillure57. Alors qu’il cherche probablement ici à se convaincre qu’il n’a commis aucune faute envers les dieux, il sait cependant pertinemment qu’en frappant Antigone, il entre en conflit avec le Zeus de la maison, Zeus Herkeios, dont l’autel s’élève dans la cour du palais58.
14L’exécrable renommée de Phalaris, tyran cruel et impie, présente une vertu politique certaine que Pindare cherche à exploiter pour orienter la politique de Hiéron. Comme les Tragiques athéniens59, le poète estime qu’il est du devoir d’un dirigeant de se mettre à l’écoute des bruits publics pour mener une politique conforme à l’intérêt général. Grâce à la mauvaise phatis de Phalaris, Hiéron prendra ainsi conscience des erreurs à éviter et pourra alors mener à bien un projet cher à Pindare : la mise en place d’une société aristocratique pacifique et respectueuse du peuple. À l’image de Pisistrate qui était plus apprécié60 et moins autoritaire que ses fils61, Hiéron assurera, grâce à ce respect, la tranquillité (hèsuchia) civile, indispensable pour protéger la cité des discordes et des haines vindicatives62. Mis en œuvre, ces conseils lui garantiront une belle renommée. Félicitant Hiéron pour avoir confié à son fils la nouvelle cité d’Etna, le poète rappelle ainsi : « Zeus, qui mène toutes choses à leur terme, que toujours, le long des eaux de l’Aménas, la voix publique (logos anthrôpôn), décerne à bon droit, aux citoyens comme aux rois, le même éloge ! Grâce à toi le prince, avec son fils pour lieutenant, doit savoir traiter avec honneur le peuple et le former à la concorde pacifique »63.
AGATHOCLÈS ET NABIS, REJETONS DE PHALARIS
15Mélange inextricable de caricature politique, de faits réels et d’attaques personnelles, les renommées d’Agathoclès d’Alexandrie et de Nabis se distinguent, parmi tous les bruits relevés chez Polybe, par leur caractère exécrable. Coïncidence troublante, elles présentent les mêmes structures que la renommée de Phalaris qui elle-même semble forgée à partir du personnage d’Échétos de l’Odyssée. L’intention est probablement volontaire. Pour stigmatiser Nabis et Agathoclès, Polybe cherche sans doute, dans une relecture personnelle de la tradition, à placer leur renommée dans le prolongement de la terrible phatis de Phalaris. Hommes des confins du monde grec ou bien individus mis en contact avec des étrangers venus de ses marges, ils s’illustrent tous deux par leur cruauté et leur impiété, deux défauts largement entretenus par leur méchant entourage. Des tortures de Phalaris aux supplices de Nabis et d’Agathoclès, il n’y a sans doute qu’un lien : la haine de Polybe pour des hommes qui bafouent, en se laissant dominer par la passion du gain ou de la débauche, les valeurs identitaires du monde grec.
16La rumeur (phèmè) annonçant en 204 la mort de la reine Arsinoé64 est, selon Polybe, alimentée par la haine des Égyptiens à l’égard de l’un de ses meurtriers, Agathoclès d’Alexandrie : « Quand la nouvelle de sa mort avait été rendue publique, on s’était demandé comment elle était morte. Comme on n’avait fourni aucune explication à ce sujet, lorsque la rumeur (phèmè) exacte des faits se fut répandue dans le public et bien qu’il subsistât encore un certain doute, la vérité finit par s’imposer dans tous les esprits, ce qui provoqua un émoi considérable (…). On se rappelait l’époque où elle n’était qu’une orpheline ; on évoquait les outrages et les mauvais traitements qu’elle avait subis depuis le début de son existence, et il y avait maintenant cette fin lamentable (…). Pour les esprits clairvoyants, cette désolation était moins révélatrice de l’affection qu’avait inspirée Arsinoé que de la haine que l’on éprouvait pour Agathoclès »65.
17Homme aux pratiques brutales et arrogantes66, Agathoclès d’Alexandrie ne recule devant aucune violence et n’hésite pas à exposer les femmes à des traitements indignes. Les beuveries sont propices à ses déchaînements de violence. Il n’y épargne « aucune femme, qu’elle fût dans sa maturité, jeune ou mariée ou jeune fille. Il se livrait à ces débauches avec une ostentation absolument odieuse »67. Son comportement à l’égard de la belle-mère de Tlépolémos suscite une grande indignation : il la fait arrêter dans le sanctuaire de Déméter, traîner nue dans les rues puis jeter en prison68. Polybe estime même qu’il songe établir un pouvoir despotique après avoir égorgé tous ses opposants69.
18Les mauvais bruits courant sur Agathoclès sont manifestement alimentés par de tels actes de cruauté. Avec une grande sévérité, Polybe estime qu’ils sont le fait d’un homme dénué de qualités naturelles : « Dans les choses de la guerre, il ne se fit remarquer ni par le courage ni par la capacité ; dans la conduite des affaires, il ne fut jamais bien inspiré et ne saurait être pour nous un modèle (…). À la mort de [Ptolémée IV], il eut toutes les facilités pour se maintenir à la tête des affaires, mais par sa veulerie et son indolence (rhathumia), qui attirèrent bientôt sur lui la réprobation générale, il perdit à la fois le pouvoir et la vie »70. L’indolence, défaut qu’il partage avec les Égyptiens71, le conduit à sombrer dans des débauches odieuses72. Elles nuisent à sa vigueur intellectuelle73, morale et sans doute physique74, de la même manière que le goût pour le vin75 et la bonne chère fait sombrer les Galates, réputés pour leur manque de réflexion76, dans la mollesse et le manque d’endurance77. Tel est également le risque encouru par les habitants de Capoue, de Sybaris et de Crotone, dont la renommée (phèmè) stigmatise le faste et la mollesse (truphè)78.
19La fréquentation de la cour des Lagides par Agathoclès a sans doute encouragé sa perte. C’est une habitude de Polybe que de dénoncer la mauvaise réputation des hommes qui ont perdu leurs qualités propres en y travaillant. Alors même qu’ils sont doués d’une fougue et d’une industrie propres aux Grecs avant leur arrivée en Égypte79, l’Argien Polycratès, officier au service de Ptolémée IV, et l’Arcadien Ptolémaïos, ambassadeur d’Agathoclès, se sont laissés entraîner dans leur vieillesse à des débauches semblables, ce qui leur valut la mauvaise renommée (phèmè) d’hommes dépravés80. Ils ont tous partagé le mode de vie de Ptolémée IV81 dont l’impopularité82 comme le manque de réflexion83 s’expliquent par son goût indigne84 pour ce genre de pratiques.
20À l’inverse d’Agathoclès et de Phalaris, Nabis, tyran spartiate de la fin du iiie siècle, vit au cœur du monde grec. Les origines de sa renommée semblent marquées du sceau de cette différence. Alors que les méchants bruits courant sur les hommes grecs des confins sanctionnent la dureté de leur âme et leur manque de réflexion qui les font irrésistiblement sombrer dans les mœurs de leurs voisins barbares, la renommée de Nabis est décrite comme le fruit d’une stratégie politique délibérée. En prenant sous sa protection des criminels sanguinaires, « il montrait ainsi clairement qu’il avait l’intention de faire longtemps parler de lui et de son gouvernement impie (echein tèn ep’asebeia phèmèn kai dunasteian) »85. L’attaque de Polybe vise ici deux objectifs. Il cherche, d’une part, à diaboliser un homme qu’il déteste86 en tant que révolutionnaire et adversaire de Philopœmen87. D’autre part, il espère faire de Nabis un véritable tyran88, dont le propre est de régner par la crainte89 et la cruauté90. Polybe oppose ainsi le pouvoir tyrannique au pouvoir royal : « Il appartient à un tyran de faire le mal pour forcer les gens à lui obéir par crainte et de vivre ainsi détesté de ses sujets en les détestant lui-même […]. Il est d’un roi d’étendre ses bienfaits à tous et, en gagnant par sa bonté et son humanité l’affection de ses sujets, d’exercer souverainement son autorité sur un peuple consentant »91. C’est à la lumière de la conception polybienne du pouvoir tyrannique que l’exécrable renommée de Nabis doit être lue.
21Cultivée à des fins politiques, elle se nourrit des terribles forfaits qu’il a volontairement commis92. Outre les vols et les pillages, les bannissements de Spartiates, les affranchissements d’esclaves à qui il donne pour femmes les filles ou les épouses de leurs anciens maîtres, il n’hésite pas à commettre « le pire des crimes » en assassinant des citoyens93 ou en leur infligeant de terribles supplices. Cette pratique indigne et impie94, qui consiste à étouffer une victime grâce à un mannequin de femme hérissé de pointes de fer95, le rapproche de Phalaris mais aussi de tyrans comme Agathoclès96 et Aristomachos97.
22Outre la nécessité politique qui le contraint à se comporter cruellement, Polybe place à l’origine de la mauvaise renommée de Nabis l’influence néfaste de son entourage. En plus de sa femme, complice zélée et violente de ses crimes98, il s’associe à des scélérats sans foi ni loi99 qui ont su attiser sa férocité impie et encourager ses passions criminelles : « Il avait, à travers tout le Péloponnèse, des pilleurs de sanctuaires, des voleurs de grand chemin, des tueurs, qui partageaient avec lui les profits tirés de leurs brigandages et qui, grâce à lui, trouvaient à Sparte une base pour leurs opérations et un refuge »100. Parmi eux, on rencontre notamment des Crétois101 qui pâtissent, chez Polybe, d’une mauvaise image. Il les décrit comme des menteurs et des fourbes102, particulièrement féroces et belliqueux lorsqu’il s’agit de satisfaire leur avidité103. Les Crétois ont pu l’encourager à suivre une passion qui le domine tout entier : la cupidité. Présenté par les Anciens comme un tyran avide et cruel104, Nabis n’a manifestement pas retenu les leçons de l’éducation spartiate qui consiste précisément à supprimer l’appétit des richesses pour garantir la concorde civile105. Comme Agathoclès de Syracuse106, il torture pour extorquer des richesses ; il embauche des voleurs de grand chemin et sa femme pour procéder à des levées d’argent et s’approprier les bijoux des Argiens107… Ce sont autant de défauts qui le rapprochent d’hommes aux mœurs barbares situés aux marges du monde grec : les Étoliens108 ou bien encore l’épirote Charops qui serait le personnage le plus féroce et le plus malfaisant de tous les temps109. Pour satisfaire son avidité110, il agit comme Nabis : il se montre cruel, impie et injuste111, s’entoure de scélérats112 et fait de sa mère une complice violente et zélée113.
23Comment fonctionne la fabrique des bruits publics ? Les exemples précédents pourraient laisser entendre que le procès de production des rumeurs et des renommées en Grèce ancienne prend la forme d’une histoire cyclique qui, sur la longue durée, fait régulièrement réapparaître des bruits hérités de l’épopée homérique. Proposés surtout aux dirigeants politiques comme modèle à suivre ou à rejeter par les auteurs lyriques, tragiques, comiques ou même par les historiens, ils constitueraient une sorte de patron à partir duquel les rumeurs et les renommées de chaque époque se forgeraient. L’argument est tentant, mais la réalité est plus complexe. L’histoire des bruits publics n’est en aucune façon une histoire répétitive.
24Si une majorité des bruits relevés dans les sources classiques et hellénistiques présente un lien de parenté avec leurs prédécesseurs homériques, quelques rumeurs décrites dans les chapitres précédents, à l’instar de celles dénonçant les débauches sexuelles de Timarque114 ou les dépenses extravagantes de Callias115, ne trouvent pas de précédents dans l’Iliade ou l’Odyssée. Par ailleurs, l’hypothèse ne tient pas compte de la complexité de reproduction des rumeurs et des renommées. L’exemple d’Alexandre le Grand montre ainsi qu’un seul et même homme peut s’inspirer de plusieurs renommées homériques (Achille, Ulysse, Agamemnon…) pour bâtir sa propre gloire, qui elle-même devient modèle à suivre pour les dirigeants de l’époque hellénistique.
25En outre, la renommée d’Alexandre fait figure d’exception dans l’histoire des bruits publics. Rares sont les hommes qui ont cherché à reproduire au plus près la geste d’un héros homérique. Le plus souvent, les renommées des héros homériques agissent comme une invitation à l’action glorieuse ou servent de clef de lecture laudative d’un événement militaire ou politique. Les hommes de lettres ont souvent l’habitude d’honorer, par une comparaison homérique, un homme audacieux qui a réussi à briller en faisant sienne les valeurs les plus appréciées à son époque. À l’inverse, la renommée des hommes qui les bafouent se calque sur celle des personnages présentés, à l’instar de Phalaris, comme des repoussoirs.
26Si l’on ne peut nier l’importance décisive des renommées homériques dans l’histoire thématique des bruits publics en Grèce ancienne, il est plus prudent de les considérer comme un cadre dans lequel se font, se défont et se refont librement les rumeurs et les renommées classiques et hellénistiques. L’histoire des bruits publics s’apparente davantage à une histoire palimpseste, élaborée à partir d’un support majeur, Homère, dont la première écriture a été partiellement grattée pour laisser la place à des bruits propres à chaque époque.
27De cette dépendance littéraire, la fabrique des bruits publics en Grèce ancienne ne semble pouvoir se défaire. La remarque est d’importance car elle conditionne notre compréhension du phénomène. Présentés et orientés par les hommes de lettres, les bruits publics portent les stigmates de leurs origines littéraires jusque dans leurs rapports aux autres catégories sociales, depuis les membres de l’élite politique jusqu’aux femmes et aux esclaves. Aux foules qui croient savoir après s’être en fait laissées persuader ou manipuler par des rumeurs sans fondement répondent ainsi les hommes de lettres qui prétendent avoir le monopole de l’enregistrement et de la mise en circulation des bruits légitimes et véridiques.
Notes de bas de page
1 Le traitement homérique du matricide d’Oreste est à cet égard significatif (supra, p. 137-139). Par ailleurs, les méchantes renommées évoquées dans l’œuvre homérique relèvent davantage du possible que du réel. Phoenix refuse ainsi de tuer son père pour éviter d’être disqualifié par une terrible renommée (phatis) (Homère, Iliade, IX, 434-465). Nausicaa se contente d’imaginer la rumeur (phèmis) sans douceur qui courra sur son compte si elle est vue en compagnie d’un étranger (Homère, Odyssée, VI, 259-288).
2 Homère, Odyssée, XVIII, 84-87. Voir aussi Homère, Odyssée, XVIII, 116 et XXI, 308.
3 Scholies à Homère, Odyssée, XVIII, 85. Apollonios de Rhodes, IV, 1092-1095 garde encore le souvenir d’un homme particulièrement cruel : « L’infâme Échétos ayant enfoncé des pointes de fer dans les yeux de sa fille, l’enferma dans une obscure prison où elle s’efforce en vain de broyer des graines de cuivre sous une meule pesante ».
4 Homère, Odyssée, IV, 691 présente l’injustice comme une habitude de la plupart des rois.
5 La douceur est une qualité royale appréciée dans l’Odyssée (Homère, Odyssée, II, 47, 230 et 234 ; V, 8 et 12). Voir J. de Romilly, La douceur dans la pensée grecque, Paris, 1979, pp. 19-22.
6 Tel est le cas des prétendants, supra p. 90.
7 Sur les rapports entre Pindare et Hiéron : R. Stoneman, « The Ideal Courtier : Pindar and Hieron in Pythian II », The Classical Quaterly, 34, 1984, pp. 43-49 et G. Schade, « Die Oden von Pindar und Bakchylides auf Hieron », Hermes, 134, 2006, pp. 373-378. Voir aussi L. R. Farnell, Pindar, A Commentary, Amsterdam, 1965.
8 Pindare, Pythiques, I, 87-98 (traduction A. Puech).
9 Sur Phalaris : N. Luraghi, Tirannidi arcaiche in Sicilia e Magna Grecia. Da Panezio di Leontini alla caduta dei Dinomenidi, Florence, 1994, pp. 21-49 ; O. Murray, « Falaride tra Mito e Storia », in L’Incidenza dell’Antica. Studi in memoria di Ettore Lepore, II, Naples, 1996, pp. 165-180 et V. Hinz, Nunc Phalaris doctum protulit ecce caput. Antike Phalarislegende und Nachleben der Phalarisbriefe, Münich, 2001, pp. 19-126.
10 Alors qu’il estime que « les sages (sophoi) savent soutenir mieux que les autres le pouvoir que les dieux leur donnent » (Pindare, Pythiques, V, 12-13), Pindare, Pythiques, II, 65-66 célèbre Hiéron pour ses sages desseins. Eschyle, Agamemnon, 1344-1371 donne le kleos aux personnes qui réfléchissent avant d’agir… ce qui n’est pas le cas de Clytemnestre qui se précipite pour assassiner Agamemnon. Hérodote imagine quant à lui que les atrocités sont le fait d’hommes irréfléchis (Hérodote III, 36 et VII, 194).
11 Eschyle, Prométhée enchaîné, 34-35 ; 184-186 ; 323-324.
12 Pindare, Pythiques, III, 70-71.
13 Au début du iiie siècle, le tyran de Syracuse, Agathocle, s’en inspire pour fabriquer un lit d’airain dans lequel il fait brûler vives ses victimes (Diodore de Sicile, XX, 71).
14 Polybe, XII, 25, 1-3 (traduction D. Roussel). Voir aussi Diodore de Sicile, XIII, 90, 4-7.
15 Hérodote, V, 92.
16 Hérodote, III, 80.
17 Diogène Laërce, I, 94.
18 Eschyle, Agamemnon, 1633.
19 Eschyle, Agamemnon, 1619-1624.
20 Eschyle, Prométhée enchaîné, 29-35.
21 Eschyle, Prométhée enchaîné, 257-262.
22 L. Gernet, Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1968, p. 305 pense que le supplice de Prométhée pourrait être l’apotumpanismos : « C’est un supplice atroce. Le condamné, nu, est attaché par cinq crampons à un poteau dressé sur le sol ; défense d’approcher pour lui apporter secours ou allègement en quoi que ce soit : on attend que mort s’ensuive. Traitement qui n’est pas sans rapport avec celui de la crucifixion ». Pour les supplices : Du châtiment dans la cité : supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Table ronde organisée par l’École française de Rome, Rome 9-11 novembre 1982, Rome, 1984 et à M. Halm-Tisserant, Réalité et imaginaire des supplices en Grèce ancienne, Paris, 1998.
23 Eschyle, Prométhée enchaîné, 93, 167, 195, 227, 256, 989.
24 Hésiode, Théogonie, 521-523 et 616.
25 Eschyle, Prométhée enchaîné, 12-34 (traduction P. Mazon).
26 Eschyle, Prométhée enchaîné, 92-93, 118-119, 140, 155-159, 244-246, 298-299, 302-303, 540-541, 553-554, 1093.
27 P. Schmitt Pantel, « Histoire de tyran ou comment la cité grecque construit ses marges », Cahier Jussieu, 5, 1979, pp. 217-231 (en particulier p. 220).
28 Le sacrifice humain fonctionne comme un seuil culturel. En brûlant des hommes dans son taureau, Phalaris passe du côté des Barbares et reprend une pratique en vigueur chez les Carthaginois qui n’hésitaient pas, selon Diodore de Sicile, XX, 14, à brûler des enfants dans les bras de la statue de Moloch. Une scholie à Platon, République, 337a précise encore : « Clitarque dit que les Phéniciens, et surtout les Carthaginois, vénéraient Cronos ; et quand ils allaient entreprendre quelque chose d’important, ils utilisaient un de leurs enfants pour interroger le dieu et le sacrifiaient à la divinité. Avec un Cronos de bronze debout devant eux, les mains tendues au-dessus d’un four de bronze, ils faisaient brûler l’enfant. La flamme du brasier s’empare du corps, les membres se contractent et la bouche s’ouvre tout grand comme un rire, jusqu’à ce que le corps contracté glisse dans le four » (traduction. J. Auberger).
29 Voir ainsi Ed. Levy, « Hérodote philobarbaros », L’étranger dans le monde grec, II, R. Lonis (dir.), Actes du Deuxième Colloque sur l’Étranger, Nancy, 19-21 septembre 1991, 1992, Nancy, pp. 193-244 (en particulier p. 211) et J. de Romilly, « Les Barbares dans la pensée de la Grèce classique », Phœnix, 4, 47, 1993, pp. 283-292 et « Cruauté barbare et cruautés grecques », Wiener Studien, 107-108, 1994-1995, pp. 187-196.
30 Hérodote, III, 129-130.
31 Hérodote, III, 125.
32 Un logos affirme que Xerxès, pour sauver sa propre vie, aurait demandé à ses hommes de se jeter du navire à la mer (Hérodote, VIII, 118-119).
33 Hérodote, II, 61, 162 ; III, 118, 154, 157 et IX, 112.
34 Hérodote, III, 92 ; VI, 32 ; VIII, 105.
35 Hérodote, III, 79 ; IV, 103 ; VI, 30 ; VII, 35, 238 ; VIII, 65 ; VIII, 90, 118. Voir aussi Eschyle, Les Perses, 369-371.
36 Hérodote, I, 128 ; III, 132, 159 ; IV, 43.
37 Hérodote, III, 35 et VII, 114.
38 Hérodote, V, 25 et IV, 64.
39 Tel est le cas de Pélée l’Éacide (Pindare, Isthmiques, VIII, 31-40 [phatis]) et du roi légendaire Kinyras de Chypre (Pindare, Pythiques, II, 14-24 [phèmè]).
40 Hérodote, VI, 91 et VIII, 106.
41 À la fin du ive siècle, la Sicile porte encore l’empreinte des crimes de Phalaris : « La colline Ecnomos [littéralement : « hors norme »] fut, à ce qu’on raconte, un fortin de Phalaris. C’est là, dit-on, que le tyran avait installé, le fameux taureau d’airain qui servait à torturer les suppliciés grâce au feu qui brûlait sous l’installation. Et c’est cette conduite impie vis-à-vis des victimes qui avait valu à cette colline le nom d’Ecnomos. De l’autre côté, Agathocle occupait un autre fortin de Phalaris, le Phalarion, qui portait son nom. Et, entre les deux camps, il y avait un fleuve qui servait à chacun des ennemis de rempart contre l’autre. De vieilles rumeurs (phèmai) couraient selon lesquelles ce lieu devait voir périr une multitude d’hommes, lors d’une bataille » (Diodore de Sicile, XIX, 108, 1-2 ; traduction F. Bizière).
42 Eschyle, Agamemnon, 429-474 et 1455 sq. Voir G.-P. Ouellette, « La mort à la guerre dans l’Agamemnon d’Eschyle », REG, 1971, 84, pp. 297-313.
43 Eschyle, Agamemnon, 218-227.
44 Eschyle, Agamemnon, 527-528.
45 Eschyle, Agamemnon, 341-343.
46 Eschyle, Agamemnon, 474 et 783.
47 L’expression est tirée d’Eschyle, Les Sept contre Thèbes, 344.
48 Hérodote, V, 102.
49 Hérodote, VI, 19, 96, 101 ; VIII, 33. Pour l’incendie d’Athènes : Eschyle, Les Perses, 809-814.
50 Sophocle, Antigone, 198-210.
51 Sophocle, Antigone, 21-32.
52 C’est ainsi qu’il est qualifié par Tirésias (Sophocle, Antigone, 1056).
53 Sophocle, Antigone, 666-680.
54 Sophocle, Antigone, 683-723 (traduction P. Mazon).
55 Sophocle, Antigone, 58-60.
56 Sophocle, Antigone, 773-774. Voir aussi Sophocle, Antigone, 883-890.
57 Sophocle, Antigone, 775-776.
58 Sophocle, Antigone, 486-489.
59 Sur ce point, voir les analyses du chapitre II de la première partie supra pp. 50-52.
60 Alors qu’il tient en piètre estime la tyrannie, Aristote assure à son sujet : « Dans son gouvernement, il ne gênait en rien le peuple : il lui assurait toujours la paix et veillait à sa tranquillité (hèsuchia). Aussi, répétait-on souvent avec éloge que la tyrannie de Pisistrate, c’était la vie sous Cronos » (Aristote, Constitution des Athéniens, XVI, 7 ; traduction G. Mathieu et B. Haussoulier). Voir aussi Hérodote, I, 59 et Thucydide, VI, 54.
61 Par exemple, Thucydide, VI, 59.
62 Pindare, Hyporchèmes, 3. Voir aussi Pindare, Pythiques, V, 64-83 et P. Demont, La cité grecque archaïque et classique et l’idéal de tranquillité, Paris, 1990, pp. 59 sq.
63 Sur l’ensemble du passage : Pindare, Pythiques, I, 61-71.
64 Arsinoé est la sœur de Ptolémée IV Philopatôr.
65 Polybe, XV, 25 a, 6-8 (traduction D. Roussel).
66 Polybe, XV, 25 a, 23-24 et 27.
67 Polybe, XV, 25 a, 25.
68 Polybe, XV, 27, 1-3.
69 Polybe, XV, 27, 5.
70 Polybe, XV, 34, 3-5.
71 Polybe, XXXIX, 7, 7.
72 Polybe, XV, 25 a, 25.
73 Polybe, XV, 29, 7.
74 Telle est, selon Polybe, la conséquence d’une vie tournée vers les plaisirs et la bonne chère. Cette conception oriente son analyse du déclin béotien (Polybe, XX, 4, 7) et le conduit à féliciter Hiéron qui n’a perdu, grâce à la maîtrise de ses passions, aucune de ses capacités physiques et mentales alors même qu’il vécut dans le luxe et l’opulence (Polybe, VII, 8, 7-8).
75 Polybe, II, 19, 4 ; XI, 3, 1.
76 Polybe, II, 21, 1-3 ; 30, 4 ; 35, 3.
77 Polybe, III, 79, 3-4. ; II, 35, 6 ; V, 78, 1-2.
78 Polybe place ces deux défauts à l’origine de leur faiblesse militaire (Polybe, VII, 1, 1). Tite-Live constate de même que l’armée carthaginoise manque de force et de courage après s’être laissée séduire par les plaisirs de Capoue (Tite-Live, XXIII, 18, 14-15). La truphè de la Grande Grèce est sans doute un topos : Suidas, s. v. Subaritikais ; Timée, FGH, 566 F 9, 44 et 47-51 ; sur la dépravation des gens de Capoue : Tite-Live, XXIII, 2, 1 et 4, 4-5. Sur le concept de truphè : A. Passerini, « La truphè nella storiografia ellenistica », SIFC, XI, 1934, pp. 35-56 qui montre que la truphè n’est pas seulement un topos historiographique mais aussi un moment essentiel de l’évolution des régimes politiques vers la ruine et le déclin ; J. Tondriau, « La Tryphè, philosophie royale ptolémaïque », REA, 50, 1948, pp. 49-54 et U. Cozzoli, « La truphè nella interpretazione delle crisi politiche », in Tra Grecia e Roma : Temi antichi e metodologie moderne, M. Pavan et alii, Rome, 1980, pp. 133-146.
79 Polybe, V, 64, 4-5.
80 Polybe, XVIII, 55, 5-8.
81 Justin, XXX, 1, 2-3.
82 Polybe, V, 34, 10 ; V, 40, 1.
83 Sa vie indolente et dépravée nuit à sa réflexion (Polybe, V, 87, 3 ; Plutarque, Vie de Cléomène, 34, 2).
84 Polybe, XIV, 12, 5. Justin, XXX, 1, 7-10 ; XXXIV, 2.
85 Polybe, XIII, 6, 5 (traduction D. Roussel).
86 Ed. Lévy, Sparte, Paris, 2003, p. 293. Tite-Live, XXXIII, 44, 8-9 et Plutarque, Vie de Flamininus, 13, 1 le condamnent également. Les historiens contemporains lui sont en général plus favorables, à l’image de P. Cartledge qui le considère comme l’un des hommes les plus importants de l’histoire de Sparte (P. Cartledge et A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta. A Tale of Two Cities, Londres, 1989, p. 67). Voir aussi Cl. Mossé, La tyrannie dans la Grèce antique, Paris, 1969, rééd. 2004, p. 187.
87 Homme d’État originaire de Mégalopolis (250-182), Philopœmen réorganise l’armée achaïenne en tant qu’hipparque et lutte contre Nabis. Considéré comme le dernier grand Grec, Polybe lui consacre une biographie dans laquelle il loue ses exploits militaires (Polybe, X, 21 sq).
88 Sur la question de la nature royale ou tyrannique de son pouvoir : Ed. Lévy, op. cit., pp. 294 sq.
89 Sur la crainte des Achéens pour Nabis : Tite-Live, XXXII, 19, 6-8.
90 Polybe dépeint souvent les tyrans comme des êtres cruels : Moagétès, le tyran de Kibrya (Polybe, XXI, 34, 1), Aristomachos, le tyran d’Argos (Polybe, II, 59-60), Phalaris, Apollodôros, Hiéronymos (Polybe, VII, 7, 1-6) et Agathoclès, le tyran de Syracuse, qui s’est illustré par sa cruauté et son impiété au début de son règne avant de s’adoucir (Polybe, IX, 23, 2 ; XII, 15, 1).
91 Polybe, V, 11, 6. Pour cette conception du pouvoir royal : Polybe, VI, 4, 2 et VI, 6, 11.
92 Pour l’ensemble de ces forfaits : Polybe, XIII, 6, 1-7, 11 et XVI, 13, 1-2.
93 Polybe, II, 56, 15 ; Tite-Live, XXXV, 13, 1.
94 Polybe, II, 59, 1-2.
95 Polybe, XIII, 7, 1-11.
96 Pour les meurtres d’Agathoclès : Diodore de Sicile, XIX, 65, 6 et 107, 4. Pour les tortures sans fin inventées par ce tyran à Utique (Diodore de Sicile, XX, 54) et à Égeste (Diodore de Sicile, XX, 71) : membres disloqués, hommes catapultés ou brûlés vifs sur un lit d’airain semblable au taureau de Phalaris ; les femmes ont les seins coupés, les talons serrés avec des tenailles, le ventre écrasé sous des briques amoncelées…
97 Polybe, II, 59, 6-9.
98 Polybe, XVIII, 17, 1-5. Tite-Live, XXXII, 40, 10-11.
99 Polybe, XVI, 13, 2.
100 Polybe, XIII, 8, 2.
101 Polybe, XIII, 6, 8 et 8, 2.
102 Polybe, VI, 47, 5 ; VIII, 16, 4 et XXXIII, 16, 4-6. Voir aussi Callimaque, Hymne à Zeus, 8.
103 La Crète connaît régulièrement de féroces guerres intestines (Polybe, XXIV, 3, 1 ; IV, 53, 5 ; XXVIII, 14, 1-2) le plus souvent motivées par l’avidité (Polybe, VI, 46, 1-3 et 7 ; VIII, 16, 7).
104 Tite-Live, XXXII, 38, 4-9 et XXXIII, 44, 6-9. Quelques allusions permettent de supposer qu’il vit dans le luxe : le mannequin hérissé de pointe de fer est revêtu d’habits somptueux (Polybe, XIII, 7, 2). La mise en vente des biens de Nabis aurait rapporté cent vingt talents (Plutarque, Vie de Philopœmen, 15, 6).
105 Polybe, VI, 46, 7 ; VI, 48, 2-4 ; VI, 48, 6-49, 6. Polybe, XXIV, 7, 1-8 sous-entend qu’une basse éducation conduit le spartiate Chairon au crime et à une mauvaise gestion des fonds publics.
106 Diodore de Sicile, XX, 71.
107 Polybe, XIII, 7 et 8 ; XVIII, 17.
108 Considérés comme des « mixobarbares » (Euripide, Les Phéniciennes, 138 ; Polybe, XVIII, 5, 7), les Étoliens sont chez Polybe représentés comme des êtres belliqueux (Polybe, II, 46, 3), guidés par une férocité irraisonnée et sacrilège (Polybe, XXX, 11, 1-6 ; IV, 18, 8-11), esclaves d’une avidité naturelle qui les fait vivre comme des fauves (Polybe, IV, 3, 1 et 5).
109 Polybe, XXX, 12, 3.
110 Polybe, XXXII, 5, 11-13.
111 Polybe, XXXII, 5, 5 ; XXX, 12, 2.
112 Polybe, XXXII, 5, 8.
113 Polybe, XXXII, 5, 13-14.
114 Eschine, I, Contre Timarque, 130.
115 Andocide, I, Sur les mystères, 130.
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