Précédent Suivant

Chapitre I. La matrice épique

p. 73-94


Texte intégral

1« Pour [les héros homériques], tout tourne autour d’un unique élément d’honneur et de vertu : la force, la bravoure, le courage physique, la vaillance (…). Aucune obligation envers rien ni personne : seulement l’affirmation de sa propre vaillance, sa propre marche à la victoire et au pouvoir ». Ce constat formulé par M. I. Finley dans son ouvrage aujourd’hui classique Le monde d’Ulysse1 sonne comme une règle générale qui appelle peu la contradiction. Indéniablement, le kleos s’obtient chez Homère d’abord et avant tout à la guerre. Assurément, les héros doivent, sous les murs de Troie, s’armer de vaillance et de courage physique pour emprunter le chemin qui mène à la gloire. Et pourtant la belle renommée homérique se montre capricieuse et sort en partie des sentiers que M. I. Finley semble lui ouvrir. À titre d’exemple, le kleos d’Agamemnon comme celui d’Ulysse, tels qu’ils sont décrits dans l’Odyssée, ne semblent pas relever d’un héroïsme égoïste ni même dépendre de leurs seules prouesses guerrières.

2Aux Enfers, l’ombre d’Achille déplore ainsi la triste fin réservée par Égisthe à l’Atride : « Qu’il t’aurait mieux valu subir la destinée et mourir en Troade, au milieu des honneurs, en plein commandement ! Car les Panachéens auraient dressé ta tombe (tumbos), et quelle grande gloire (kleos) tu léguais à ton fils ! »2. C’est également en ces termes que Télémaque regrette le sort de son père qui a disparu et qu’il croit mort : « Sa mort me serait moins cruelle, si je savais qu’il eût péri avec ses gens, au pays des Troyens, ou la guerre finie, dans les bras de ses proches ; car, des Panachéens, il aurait eu sa tombe (tumbos), et quelle grande gloire (kleos) il léguait à son fils ! »3.

3Si la renommée des deux héros semble d’abord conditionnée par leur mort au combat, l’ombre d’Achille suggère que le kleos d’Agamemnon puisse encore être grandi par la puissance de son autorité politique et militaire. La remarque de Télémaque sur son père invite à s’intéresser à l’existence du kleos en temps de paix. Ne peut-il naître que de l’affrontement guerrier comme Achille le laisse entendre, dans l’Iliade, en préférant une courte vie glorieuse à une longue existence paisible sans renom4 ? Faut-il envisager la possibilité d’une renommée née des exploits réalisés par Ulysse lors de son retour à Ithaque ? Les valeurs nourrissant les bruits de l’Odyssée sont-elles différentes de celles sur lesquelles reposent les rumeurs et les renommées de l’Iliade ? Le discours sur l’horreur de la mort, même porteuse de kleos, tenu par Achille aux Enfers, dans l’Odyssée5, paraît confirmer cette éventualité. Il sera dès lors question pour nous de comprendre la complexité du registre des bruits publics, qui ne relèvent pas exclusivement du domaine militaire, et d’en percevoir les évolutions possibles entre l’Iliade et l’Odyssée.

4Par ailleurs, Homère insiste sur l’importance de la communauté dans la célébration du kleos. Elle seule peut garantir une renommée éternelle aux héros, à condition toutefois qu’ils meurent en son sein. Loin de tous, Ulysse risque de disparaître, enlevé, sans renommée (akleiôs), par les Harpyes6. S’il espère voir l’Achaïe chanter son kleos7, c’est au milieu des siens ou auprès des Panachéens, faisant le siège de Troie, qu’il doit mourir. De la même façon, Agamemnon aurait eu une belle renommée s’il avait perdu la vie entouré par ses troupes. Si le kleos est avant tout ce que l’on dit d’un geste héroïque et de son auteur, il faut s’interroger sur le rapport à l’exploit entretenu par la communauté qui en assure la publicité.

5On mettra enfin en lumière les médias par lesquels la renommée des héros entre et vit dans la mémoire collective : objet de discussions et de chants poétiques, elle s’inscrit également dans le paysage de la communauté grâce à l’édification de tertres8. C’est une condition indispensable à la survie de la renommée d’Agamemnon et d’Ulysse. Nombre de héros espèrent obtenir un tombeau pour rappeler aux générations futures leur existence malheureuse9 ou leurs exploits héroïques10. La célébration des jeux funèbres sert elle aussi de caisse de résonance au kleos en assurant sa remémoration. Par les prouesses athlétiques qu’elle occasionne tout comme par la richesse des prix donnés aux vainqueurs, la renommée du héros célébré marque les mémoires. Tout se passe comme si des preuves matérielles (tertre, prix de valeur) étaient indispensables à la survie du kleos. S’il faut voir pour se souvenir, il faut peut-être également montrer à tous des richesses et du butin, gagnés à force de vaillance, pour impressionner la communauté et ainsi acquérir plus de renommée.

UN KLEOS À CONQUÉRIR PAR LA FORCE DES ARMES

Renommée et qualités guerrières

6Au combat, la distinction glorieuse s’acquiert d’abord par le maniement de la lance11. Ce geste guerrier fait appel à des qualités de premier ordre, qui sont susceptibles de renforcer la renommée d’un héros. Pour percer la cuirasse d’un adversaire, il faut posséder des bras puissants12 et un courage certain13. C’est précisément grâce à sa fougue (menos) et à son audace (tharsos) que Diomède pourra « se distinguer entre tous les Argiens et remporter une noble gloire (kleos esthlon) »14. Le menos insufflé ici par Athéna donne au héros force et puissance, qui lui sont utiles pour massacrer ses adversaires grâce à la pique15. Cette fougue dynamise certainement ses bras, qui deviennent alors redoutables et meurtriers16. L’audace (tharsos) rend, quant à elle, le guerrier muni d’une pique aussi pugnace qu’une mouche « qui, quelque soin qu’on prenne à l’écarter, s’attache, pour la mordre, à la peau de l’homme et trouve son sang savoureux ». Comme la fougue ou la force (biè), elle est insufflée par Athéna dans la poitrine de Ménélas pour lui permettre d’abattre Podès de sa lance17.

7Comme le suppose P. Carlier18, le prestige qu’un héros tire de ses qualités guerrières est susceptible d’asseoir son autorité. Dans les vœux qu’il formule pour son fils Hector, Priam associe en effet étroitement la vertu guerrière à la royauté : « Que mon fils, comme moi, se distingue entre les Troyens, qu’il montre une force égale à la mienne et qu’il règne, souverain, à Ilion ! Et qu’un jour l’on dise de lui : “il est encore plus vaillant que son père” quand il rentrera du combat »19. Si la popularité d’un prince, fondée notamment sur sa force guerrière, peut indirectement déterminer son accession à la royauté, il est légitime de supposer que la renommée distinguant les meilleurs au combat joue un rôle politique. En célébrant la fougue, l’audace et la vaillance d’un héros, le kleos rappelle non seulement quelles qualités déterminent la position d’un héros dans la société mais aussi, en assurant la publicité de ses exploits militaires, lui confère un prestige certain qu’il peut faire valoir pour prendre et conserver le pouvoir20.

8On comprend dès lors que tout héros recherche activement le kleos. Pour cela, il se doit d’être le meilleur et surtout de le montrer. C’est par une action visible, connue du plus grand nombre, que le héros doit faire connaître sa valeur (arétè). La guerre est propice à ce genre de démonstration. Au chant XIII de l’Iliade, Idoménée évoque, par exemple, la réunion de tous les aristoi « pour une embuscade là où se distingue (diaeidetai) le plus l’arétè des hommes, là où apparaît clairement (exephananthè) quel homme est lâche (deilos) et qui est vaillant (alkimos) »21.

9Se montrer courageux au combat… sans toutefois céder à un emportement imprudent. Le kleos est à rechercher de façon lucide et mesurée. Si l’exploit guerrier repose sur des qualités personnelles et permet l’obtention d’une renommée individuelle, il ne doit jamais perdre de vue l’intérêt de la communauté. Ce devoir est impératif chez les Achéens comme chez les Troyens. Alors qu’Ajax rappelle aux Argiens que la renommée (kleos) revient seulement aux braves qui sauvent la vie des leurs au front22, Hector redoute d’être la cible de méchants on-dit qui dénonceraient son incapacité à protéger les siens23 : « Et maintenant que j’ai, par ma folie, perdu mon peuple, j’ai honte en face des Troyens, des Troyennes aux robes traînantes. Je ne veux pas qu’un moins brave que moi aille dire un jour : “Pour avoir eu trop confiance en sa force, Hector a perdu son peuple”. C’est là ce qu’on dira »24. Ni lâche25 ni téméraire, le héros glorieux œuvre pour le salut de la communauté, en préservant l’une de ses richesses fondamentales : ses gens26. Dans l’Iliade, les bruits publics prennent régulièrement comme cible les héros incapables de s’acquitter de cette tâche. Perdre des hommes contribue probablement à saper l’autorité d’un basileus27, à affaiblir sa puissance militaire28 et à ternir sa renommée. Au chant II de l’Iliade, Agamemnon remarque ainsi que son échec devant Troie risque de le déconsidérer durablement : « Amis, guides et chefs des Argiens ! Zeus, fils de Cronos, m’a terriblement su prendre dans les rets d’un lourd désastre (…) : le voilà qui m’invite à rentrer à Argos chargé du déshonneur (dusklea) d’avoir fait périr tant d’hommes »29.

Tuer et prendre les armes de son ennemi

10Au chant VII de l’Iliade, Hector fixe ainsi les règles du duel à mort qu’il propose à l’un des Achéens : « Eh bien ! Que celui d’entre eux [les Achéens] que son cœur invite à combattre contre moi vienne ici s’offrir, en champion de tous contre le divin Hector. Et voici ce que je déclare (…). Si c’est lui qui de moi triomphe avec le bronze à longue pointe, qu’il me dépouille de mes armes et qu’il les emporte aux nefs creuses ; mais qu’il rende mon corps aux miens (…). Si c’est moi au contraire qui triomphe de lui, si Apollon m’octroie la gloire, ses armes, je l’en dépouillerai, je les emporterai dans la sainte Ilion, je les suspendrai aux murs du sanctuaire de l’archer Apollon ; mais son cadavre j’irai le rendre aux nefs aux bons gaillards (…) ; et l’on dira encore parmi les hommes à venir (…) : “Voilà la tombe d’un homme mort jadis, d’un preux que tua l’illustre Hector”. C’est là ce qu’on dira, et ma gloire (kleos) jamais plus ne périra »30. Hector reconnaît ici clairement que son kleos dépend de preuves matérielles. En plus des chants épiques qui assureront sa transmission, il sera rendu visible par les armes confisquées, offertes aux dieux et affichées dans un sanctuaire, puis ensuite rappelé aux générations suivantes par le tombeau.

11Les visées d’Hector sont les mêmes au chant XVII de l’Iliade. Il tient à s’emparer des armes sur le cadavre de Patrocle pour obtenir un grand kleos dans sa communauté. Il ne s’agit pas de les conserver chez lui mais bel et bien de les montrer à tous en « les donnant à des Troyens, qui les porteront vers la ville, où elles lui seront sujet de grande gloire (kleos) »31. S’emparer des dépouilles ennemies n’est cependant pas tâche aisée. Il faut montrer une grande valeur pour arracher des mains d’Ajax le corps de Patrocle. Hector propose notamment de donner la moitié des armes de Patrocle à celui qui saura tirer son corps jusqu’aux rangs troyens et de conserver l’autre moitié pour lui-même. Reflet de la valeur égale des deux guerriers au combat, le partage des dépouilles doit être équitable et assurer de cette façon une renommée identique à l’un et à l’autre32.

Être expert à l’arc

12Dans un monde qui accorde ainsi la bonne renommée aux hommes qui combattent au corps à corps, à armes égales et à découvert, est-il possible d’imaginer que des archers puissent être gratifiés ? L’éventualité paraît ténue. En portant la mort de loin, il leur est plus difficile de s’approprier les dépouilles ennemies et ainsi d’obtenir les preuves matérielles de leur exploit. Par ailleurs, ils utilisent une arme qui semble pâtir d’un réel discrédit dans la société homérique. Si l’on se fie aux insultes lancées à Alexandre par Diomède, l’arc est considéré comme l’arme des faibles et des lâches : « Ah ! L’archer ! L’insulteur ! L’homme fier de sa mèche ! Le beau lorgneur de filles ! Si tu venais tâter face à face, en armes, ce n’est plus ton arc, ta provision de flèches qui te serviraient de rien »33.

13Dans l’Iliade, l’archer Pandare est pourtant, chez les Troyens, objet d’une belle renommée (kleos). Agamemnon regrette effectivement : « Quelqu’un a blessé [Ménélas] d’une flèche, un guerrier expert à l’arc, un Troyen ou un Lycien, pour sa gloire (kleos), à lui, pour notre deuil, à nous »34. Les Achéens portent également de la considération à leurs meilleurs archers. Dans l’Odyssée, Ulysse se flatte notamment d’être battu par le seul Philoctète lors des concours à l’arc organisés par les troupes achéennes sous les murs de Troie35.

14Les chemins menant au kleos se distinguent, chez les Troyens comme chez les Achéens, par leur diversité. L’admiration pour les archers tient non pas à leur courage guerrier mais à la précision36 et à l’efficacité de leur geste. Au combat, elle leur permet de modifier le cours de la guerre. Capable de manier l’arc qu’Apollon lui a confié37, Pandare est susceptible, comme Teucros38, de saper les fondements de la puissance adverse en abattant de nombreux ennemis ou bien en blessant de grands héros39. Abandonné par les Achéens sur l’île de Lemnos en raison de ses terribles souffrances40, Philoctète sera, quant à lui, le seul à permettre aux Achéens de prendre Troie grâce à l’arc d’Héraclès dont il est le dépositaire41. C’est bien, en outre, grâce à son arc qu’Ulysse massacre les prétendants42 et reconquiert son trône à Ithaque.

15Glorieux car décisifs, leurs exploits reposent sur des qualités habituellement placées au fondement du kleos homérique. Pour tirer sur un ennemi, il faut ainsi à Pandare de l’audace43, de la force44 et même de la fougue (menos)45. À Ithaque, l’épreuve de l’arc permet à Ulysse d’éprouver, devant les prétendants, la puissance de ses bras46 comme de démontrer la vigueur de sa fougue (menos)47.

16On notera enfin que les exploits des archers peuvent être récompensés par de splendides présents. Ce sont autant de preuves matérielles en mesure de soutenir leur belle renommée. Athéna convainc ainsi Pandare de tirer sur Ménélas : « Voudrais-tu m’en croire, brave fils de Lycaon ? Oserais-tu à Ménélas décocher un trait rapide, et acquérir ainsi la faveur et la gloire auprès des Troyens, et, avant tout autre, du roi Alexandre ? C’est de lui, d’abord, que tu obtiendras de splendides présents, le jour où il verra Ménélas, le preux fils d’Atrée, dompté par ta flèche et monté au bûcher funèbre »48. Cette fois-ci, ce ne sont pas les dépouilles de l’adversaire qui soutiennent le kleos du guerrier, mais les splendides présents donnés par le roi à l’un de ses hommes comme gratification du service rendu.

Espionner pour gagner le kleos

17Les missions d’espionnage assurent, elles aussi, une grande renommée à leur auteur. Au chant X de l’Iliade, avant la Dolonie49, Nestor s’adresse ainsi au Conseil : « Amis, n’est-il pas un guerrier qui s’assure assez en son cœur hardi pour aller, au milieu des Troyens magnanimes, voir s’il peut s’emparer de quelque ennemi sur leur ligne avancée, ou bien encore saisir quelque rumeur (phèmis) au milieu des Troyens sur ce qu’ils méditent en leur âme (…). Qu’il s’informe de tout cela, puis revienne à nous sain et sauf. Grande alors sera sa gloire (kleos), sous les cieux, parmi tous les hommes. Il recevra en outre un cadeau de prix : tous les héros qui commandent nos nefs, tous, sans exception, lui donneront chacun une brebis noire – une mère avec un agneau sous elle ; point de présent qui vaille celui-là. À tout jamais, il trouvera sa place dans les festins et les banquets »50. Nous retrouvons encore ici les différents éléments à même d’accorder la belle renommée. L’exploit individuel de l’espion, qui repose sur des qualités personnelles comme la fougue (menos)51 et la hardiesse (thrasos, tolma)52, est récompensé par des cadeaux dignes des héros de marque : une brebis noire et une place dans les banquets53. Reconnaissance collective de l’utilité du geste accompli pour la communauté, ces présents garantissent la manifestation matérielle, la circulation et la perpétuation de sa renommée. Ils pallient sans doute en cela l’absence de dépouille ennemie.

UN KLEOS À ACQUÉRIR PAR LA FORCE DE L’ESPRIT

18Si l’on ne recense dans l’œuvre homérique aucun kleos qui célèbre l’intelligence de Nestor, il n’en est pas de même pour Ulysse qui partage pourtant avec lui le privilège d’être un conseiller très écouté. À Troie, ils brillaient tous deux, à l’Assemblée ou au Conseil, car ils avaient le même cœur et parlaient en s’aidant de la raison et de la prudente réflexion54. La faculté de prononcer de sages avis assoit la renommée d’Ulysse (kleos) qui, selon les mots de Télémaque, célèbre autant « sa force au combat que sa prudence au Conseil »55. Qualité reconnue dans le camp achéen, l’intelligence l’est tout autant chez les Troyens. Elle assure un beau renom à Priam56. La qualité et l’utilité de Polydamas l’avisé sont également soulignées par Homère, qui voit en ses propositions de « parfaits avis »57.

19La prudente réflexion (epiphrôn boulè) est une vertu propre aux hommes doués de mètis. Les ruses, fruits de la prudence avisée (mètis)58, définissent si bien Ulysse qu’il les place au fondement de son identité59 et les associe à sa renommée (kleos). Au début du chant IX, Ulysse l’avisé (polumètis) se présente ainsi à Alkinoos : « C’est moi qui suis Ulysse, oui, ce fils de Laërte, de qui le monde entier chante toutes les ruses (dolos) et porte aux nues la gloire (kleos) »60.

20L’efficacité pratique des ruses, tout comme des prudents avis, explique qu’ils puissent être objets de kleos. Comme le rappellent J.-P. Vernant et M. Detienne, la capacité intelligente que désigne mètis s’exerce dans des domaines d’action très divers. L’homme avisé s’illustre aussi bien en tant qu’artisan que grâce à des tours magiques et à des tromperies61. Les belligérants ont également recours à la mètis pour tramer des ruses, comme le rappelle Nestor à Télémaque au sujet de la Guerre de Troie : « Neuf ans, sans desserrer notre cercle d’embûches (doloi), nous leur avons cousu pièce à pièce les maux : neuf ans, avant que Zeus nous quittât le succès ! Devant ton père, alors, le plus ingénieux (mètis) se déclarait vaincu ; il l’emportait sur tous, en ruses (doloi) infinies, cet Ulysse divin »62. Ces ruses assurent au guerrier une bonne renommée, comparable à celles précédemment évoquées. Comme la fougue et l’audace, elles permettent effectivement de dominer l’adversaire et de protéger la communauté.

21Souvent opposées à la force63, la mètis et la ruse (dolos) sont nécessaires pour venir à bout d’un puissant adversaire et pour s’emparer de ses armes. Dans l’Odyssée, face au Cyclope réputé pour sa vigueur64, Ulysse, dont la mètis l’égale à Zeus65 et lui vient d’Athéna, doit recourir à un sage avis (boulè)66 et tramer une ruse67. Vaincu par Ulysse, le Cyclope s’avoue victime de l’intelligence rusée du héros. Au chœur qui l’interroge : « Polyphème, pourquoi ces cris d’accablement (…) ? Serait-ce ton troupeau qu’un mortel vient te prendre ? Est-ce toi que l’on tue par la ruse (dolos) ou par la force ? », il réplique : « La ruse, mes amis ! La ruse (dolos) ! Et non la force ! Et qui me tue ? Personne ! »68.

22L’utilisation de la mètis permet également à Ulysse de l’emporter sur de nombreux adversaires. En demandant à Démodocos de chanter, parmi les klea andrôn, l’épisode du cheval de Troie, Ulysse espère faire connaître aux Phéaciens la ruse qui lui a permis de venir à bout de Troie : « Dis-nous l’histoire du cheval de bois, que fit avec Épeios Athéna, et comment le divin Ulysse introduisit ce piège (dolos) dans la ville avec son chargement des pilleurs d’Ilion »69. Avant le massacre des prétendants, Ulysse, secondé par Télémaque et Athéna, « la bonne conseillère »70, s’en remet à la prudente réflexion pour pallier leur infériorité numérique. En le voyant s’enquérir du nombre des prétendants et de leur valeur, Télémaque remarque que son père se montre à la hauteur du kleos qu’il a acquis à Troie71.

23Au Conseil ou à l’Assemblée, les héros homériques rivalisent d’émulation en avançant chacun des avis utiles à la protection de la communauté72, comme Nestor73 ou Ulysse74 l’ont souvent fait pour les Achéens. Encore une fois, l’homme avisé s’attache à garantir la survie d’un grand nombre d’hommes. Dans son discours sur le partage divin des qualités entre les hommes, Polydamas rappelle ainsi à Hector : « Sous prétexte que le ciel t’a plus qu’à tous accordé l’œuvre de la guerre, tu prétends aussi au Conseil en savoir plus que les autres. Tu ne peux cependant avoir, seul, pris tout pour toi. À l’un, le ciel accorde l’œuvre de guerre, à tel autre la danse, à tel encore la cithare et le chant ; à tel enfin Zeus à la grande voix met dans la poitrine un bon esprit (noos) qui fait le profit, le salut de beaucoup, et dont qui le possède, le premier, reconnaît le prix »75. Nestor, dont l’avis semble toujours le meilleur (aristè boulè), ne fait pas autrement lorsqu’en tramant les fils de son projet (mètis), « sagement, il prend la parole et dit : “Atride, et vous, preux du camp panachéen, beaucoup sont morts déjà de nos Achéens chevelus (….). Bâtissons vite un rempart élevé pour mettre à l’abri nos nefs et nous-mêmes (…). Creusons un fossé profond, qui tiendra loin de nous guerriers et chevaux et qui empêchera de s’abattre sur nous l’attaque des Troyens altiers” »76. L’utilisation de la ruse sur le champ de bataille tend au même objectif. Contre la fureur meurtrière d’Achille, Apollon use d’un stratagème pour épargner la vie des nombreux Troyens en fuite. Sa ruse (dolos) consiste à dérober Agénor des mains du Péléide et, tout en prenant les traits de ce Troyen, à entraîner Achille au loin77.

SE DISTINGUER, DE PHÉACIE À ITHAQUE

De l’Outopia à l’Eutopia78 ou les bruits publics en Phéacie

24À quel monde appartiennent les bruits publics des Phéaciens ? Si l’Iliade et l’Odyssée célèbrent volontiers la belle renommée des héros capables de se distinguer, au combat par une force physique exceptionnelle ou bien encore par une l’intelligence rusée, force est de reconnaître que les klea célébrés par les Phéaciens s’intéressent à des exploits bien différents de ceux que les héros homériques pouvaient accomplir sous les murs de Troie. Laodamas, fils d’Alkinoos, rappelle ainsi combien les Phéaciens estiment les vainqueurs des épreuves sportives79 : « À ton tour, maintenant, l’étranger, notre père ! Viens t’essayer aux jeux auxquels tu t’entraînas : tu dois bien en connaître ! Est-il en cette vie une [renommée] (kleos) plus grande que de savoir jouer des jambes et des bras ? Allons, viens essayer… »80. Entre l’Iliade et l’Odyssée, les changements sont importants et affectent directement le répertoire des bruits publics odysséens. Ils sont d’abord d’ordre littéraire, puisqu’il n’est plus question, dans l’Odyssée, de chanter la geste guerrière des Achéens et des Troyens, mais le retour d’Ulysse à Ithaque. Ils sont aussi probablement de nature historique si l’on considère que, composé plus tard que l’Iliade, l’Odyssée se fait l’écho des mutations politiques et sociales du viiie siècle81. Si les rumeurs et les renommées de l’Odyssée se distinguent, pour une partie d’entre elles, des bruits de l’Iliade par des thématiques nouvelles, forment-elles toutes pour autant un ensemble homogène ?

25Répondre par l’affirmative reviendrait à nier d’emblée la diversité des mondes de l’Odyssée82 et la possibilité de croiser, au fil de la lecture, des bruits qui leur sont spécifiques. Les routes empruntées par Ulysse lors de son retour à Ithaque le conduisent effectivement à traverser le monde réel des humains, mais aussi des mondes mythiques, qui se font supra-humains lorsque, sur l’île de Calypso, on lui offre la divinité, ou infrahumains lorsque chez Circé, il risque de tomber dans l’animalité83, ou bien encore l’univers des Phéaciens, qui ont choisi de mener, en bon accord, une existence prospère et pacifique84, à l’écart des mortels85. De la nature même que l’on veut bien prêter à la société phéacienne dépend directement la singularité des bruits qui la parcourent.

26Que recouvre l’épisode phéacien dans l’Odyssée ? Le souvenir d’un âge héroïque lointain86 ? Une utopie87 ? L’expression idéalisée d’une réalité historique88 ? Plutôt que de chercher en vain à localiser l’île de Phéacie en Méditerranée ou dans l’Océan atlantique89, il est sans doute plus fécond d’interroger l’histoire des représentations, de resituer la cité imaginaire des Phéaciens dans son contexte littéraire90 pour en comprendre la fonction dans l’Odyssée et ainsi apprécier la spécificité de ses bruits. Les perspectives ouvertes en 1962 par C. Segal91 permettent de comprendre que l’île des Phéaciens est placée à la croisée du monde mythique des errances méditerranéennes d’Ulysse et du monde réel d’Ithaque. S’ils vivent dans un monde à l’écart des mortels, les Phéaciens n’en demeurent pas moins des passeurs professionnels92, qui permettent à Ulysse de regagner son royaume et ainsi faisant sa condition humaine93. Espace de contact entre les deux univers odysséens, l’île de Phéacie est un monde par lequel transitent non seulement Ulysse mais aussi les bruits publics qu’il a choisis de rapporter dans le monde réel.

27La considération est d’importance car elle permet de relativiser l’originalité des bruits phéaciens, qui ont, semble-t-il, une nature et des fonctions comparables aux autres bruits odysséens. En souhaitant qu’Ulysse se fasse, auprès des siens, le porte-voix du kleos de leur valeur sportive, Alkinoos montre ainsi que la belle renommée phéacienne peut être entendue par les mortels et constitue, comme les autres bruits homériques, un vecteur de premier ordre pour faire reconnaître leur existence et affirmer leur identité dans le monde grec : « Il est temps de sortir et de nous mettre aux jeux ! Rentré en son logis, je voudrais que notre hôte [Ulysse] pût dire à tous les siens qu’à la boxe, à la lutte, au saut comme à la course, nous sommes sans rivaux »94.

28Dans une perspective comparable, la belle renommée à acquérir lors des jeux athlétiques organisés en Phéacie semble reposer sur les mêmes fondements que les autres bruits homériques. Mis au défi par un des fils d’Alkinoos, Euryale, Ulysse souhaite montrer (phainemen) son arétè en concourant devant tous les Phéaciens95. Comme à la guerre, il cherche à livrer une démonstration concrète de sa valeur, susceptible de le démarquer des autres concurrents. Il y parvient grâce à un lancer de disque exceptionnel96. Cette épreuve prend ici sans doute une signification symbolique. Comme le remarque C. P. Segal97, le séjour chez les Phéaciens offre l’occasion à Ulysse de rappeler à tous sa valeur héroïque. Le chant de Démodocos met en exergue ses prouesses guerrières. Les épreuves sportives illustrent, quant à elles, sa combativité et ses qualités physiques, qu’il aura à démontrer encore une fois face aux prétendants lors de l’épreuve de l’arc.

29Qu’elles soient organisées en Phéacie ou bien encore à Ithaque, les épreuves physiques dans l’Odyssée entretiennent d’étroits rapports avec les bruits publics. Source de gloire pour les vainqueurs en Phéacie, elles sont, pour les vaincus d’Ithaque, à l’origine de mauvaises rumeurs, surtout s’ils sont humiliés par un étranger qui n’est pas de leur rang. Eurymaque n’exclut pas totalement cette possibilité si les prétendants laissent Ulysse s’essayer au concours de l’arc proposé par Pénélope98. Impressionné par sa belle démonstration de force lors du combat contre Iros, le prétendant se confie ainsi à Pénélope : « Jamais nous n’avons cru qu’il pourrait t’emmener ! C’est si peu vraisemblable ! Mais nous [aurions une mauvaise renommée (phatis)] si les hommes et les femmes et jusqu’au moins vaillant des Achéens nous disaient : “Ah ! Ces gens sans vigueur ! D’un héros éminent, ils recherchent l’épouse et ne peuvent bander son arc aux beaux polis, alors qu’un mendiant qui passe, un vagabond, tend sans peine la corde et traverse les fers !”. Voilà ce qu’on dirait pour notre déshonneur »99. Le parallèle entre les jeux phéaciens et l’épreuve d’Ithaque mérite d’être poursuivi, car la réussite d’Ulysse à l’épreuve de l’arc doit encore témoigner du maintien de la valeur qui assurait sa prééminence à Ithaque avant la Guerre de Troie et ainsi constituer une épreuve d’habilitation à la royauté. Il lui faut pour cela réitérer le geste qui impressionnait auparavant les Achéens100 et persuadait les jeunes aristocrates d’Ithaque de sa supériorité101. La facilité avec laquelle Ulysse réussit l’épreuve retient l’attention. Il ne s’agit pas tant, pour lui, d’être le meilleur en tendant l’arc que de montrer sa supériorité sur les prétendants. Après l’épreuve, Ulysse se félicite non seulement d’avoir réussi là où les prétendants ont échoué mais aussi de la façon dont il y est parvenu. Alors que tous les autres, manquant de valeur et de force102, se sont déconsidérés par des gestes vains et laborieux, lui seul a montré une grande aisance. Il rappelle précisément à l’issue de l’épreuve : « Fait-il rire de toi, Télémaque, cet hôte assis en ton manoir ? Ai-je bien mis au but ? Et, pour tendre cet arc, ai-je fait trop d’efforts ? Ah ! Ma force (menos) est intacte, quoique les prétendants m’aient pu crier d’insultes »103. On notera enfin que les prix accordés au vainqueur lors des épreuves sportives constituent, comme les armes dépouillées sur le corps de l’adversaire terrassé, autant de preuves matérielles assurant la publicité de l’exploit et du kleos. À l’épreuve de l’arc, on promet ainsi Pénélope aux prétendants104, des habits et des armes à Ulysse mendiant105.

30Quel statut accorder dès lors aux bruits publics phéaciens ? Ils ne semblent se distinguer ni par leur nature des bruits homériques ni par leur thématique des bruits odysséens. Occupent-ils cependant, à l’image de la cité imaginaire dont ils sont issus, une place privilégiée dans l’Odyssée ? L’hypothèse reste envisageable, car les bruits parcourant le monde réel de l’Odyssée semblent tous avoir un modèle phéacien, qu’il s’agisse des klea célébrant les hommes opulents ou ceux vantant les qualités d’un roi parfait.

L’opulence dans l’Odyssée : de nouveaux bruits publics ?

Nisos l’opulent

31Nisos serait-il le premier héros homérique à être gratifié, pour son opulence, d’une belle renommée106 ? Dans l’Iliade, on relève des on-dit sur l’argent ou de belles réputations pour les rois les plus riches, mais jamais de kleos pour les hommes opulents. Avant la Guerre de Troie, les très grandes richesses de Priam alimentent les conversations dans le monde entier107, sans lui valoir pour autant une belle renommée (kleos). De la même façon, Tydée ne peut se prévaloir que d’une bonne réputation chez les Achéens : « À Argos, il prit pour femme une des filles d’Adraste, et il vivait dans une demeure opulente (aphneios). Il avait là force terres à blé, sans compter des arbres fruitiers en innombrables rangées, et d’innombrables moutons. Il excellait aussi parmi les Achéens au lancer de la javeline. Tout cela – vous devez l’avoir entendu dire – n’est que pure vérité »108.

32L’absence de kleos portant sur l’opulence des héros iliadiques pourrait-elle tenir au sujet de l’œuvre ? Dans un monde en guerre, la célébration de ce genre de kleos semble moins à propos que dans l’univers odysséen. Quelques indices laissent cependant supposer que, d’une œuvre à l’autre, les regards portés par la communauté sur l’opulence des héros se modifient sensiblement. On semble passer d’une opulence reconnue et appréciée dans l’Iliade à une opulence qui suscite, dans l’Odyssée, davantage l’admiration de la communauté, plus encline à la célébrer par le kleos109. Alors que l’Iliade affirme seulement que les hommes riches sont aimés (philoi)110, l’Odyssée rappelle à plusieurs reprises qu’en plus d’être aimés, ils sont honorés et respectés par la communauté111. Vieillir dans l’opulence, entouré des siens, constitue même désormais, dans cette œuvre, un gage de bonheur et de vie idéale. Telle est en tout cas l’impression laissée à la lecture des regrets d’Achille au sujet de sa mort précoce au combat112 et à celle de la célébration par Ménélas de la vie de Nestor : « Heureux en son épouse, heureux en ses enfants, le ciel donne à Nestor, pour la fin de ses jours, de vieillir sous son toit, dans le luxe, entouré des fils les plus prudents et maîtres à la lance »113. Il faut peut-être retenir cette différence de conception, aussi minime soit-elle, pour expliquer l’absence de tels bruits dans l’Iliade et, à l’inverse, leur présence dans l’Odyssée. Une certitude demeure quoi qu’il en soit : la belle renommée des êtres opulents est un phénomène courant dans l’Odyssée, qui trouve, avec Nausicaa, son pendant merveilleux dans le monde des Phéaciens.

Une opulence à voir ou la belle renommée (phatis) de Nausicaa

33Au chant VI de l’Odyssée, consciente de la grande attention portée par la communauté à l’apparence des aristocrates, Athéna conseille à Nausicaa de laver son linge pour obtenir une bonne renommée (phatis) : « Tu dors, Nausicaa (…) ! Tu laisses là, sans soin, tant de linge moiré ! Ton mariage approche ; il faut que tu sois belle et que soient beaux aussi les gens de ton cortège ! Voilà qui fait courir [la belle renommée] (phatis), pour le bonheur d’un père et d’une auguste mère ! Vite ! Partons laver dès que l’aube poindra (…). Tu n’auras plus longtemps, je crois, à rester fille : les plus nobles d’ici, parmi nos Phéaciens dont ta race est parente, se disputent ta main… »114. L’objectif pour Nausicaa est, lors de son mariage, de tenir son rang face à tous. Telle est la condition pour que ses parents puissent se réjouir d’une fille qui sait se montrer digne de leur excellence sociale.

34Nausicaa appartient effectivement à une famille royale, qui compte parmi les plus riches de Phéacie. Alkinoos tient en sa possession tout ce qui rend opulent : un splendide manoir, qui se démarque des autres grâce à son seuil en bronze, ses portes en or, ses murailles comme ses chambres magnifiques, un grand et riche verger ainsi que de nombreuses servantes. À Nausicaa dès lors de puiser, au cellier, dans le trésor de son père, de riches atours pour se distinguer du commun des mortels lors de ses noces115.

35Ainsi parée, elle espère focaliser l’attention de l’assistance, qui pourra constater que son apparence est en adéquation avec son rang social. La beauté comme l’éclat des vêtements est un signe distinctif des riches aristocrates : Alkinoos doit lui-même, pour tenir son rang, porter des vêtements sans tache lorsqu’il se rend au Conseil avec les autres rois116. La renommée de Nausicaa comme celle de ses proches, qui s’appuie concrètement sur leur belle apparence, ne fait en réalité qu’exprimer le jugement de la communauté sur leur capacité à tenir leur rang.

36Tel est sans doute le rôle social des bruits publics : sanctionner ou louer les personnes aptes à suivre un code de conduite implicite, propre à leur catégorie sociale. Ce dernier va même jusqu’à conditionner les règles vestimentaires : aux héros riches et puissants, une belle apparence et de beaux vêtements117 ; aux pauvres des haillons118. Seront objets de renommées flatteuses les personnes de haut rang, qui savent faire montre de leur statut, grâce notamment à ces « marqueurs sociaux » que sont les vêtements. À l’inverse seront condamnées par de méchants bruits toutes celles qui en sont incapables ou bien qui ne respectent pas ce code de conduite, à l’image de Pénélope qui sera décriée par les Achéennes si elle ne fournit pas un suaire à l’opulent Laërte119.

37La remarque est d’importance car elle permet d’apprécier le statut des bruits publics courant sur les femmes dans l’Odyssée. Si, comme les hommes, Nausicaa et Pénélope peuvent être objets de renommée, cette dernière ne se comprend qu’en étant rapportée à celle de leur tuteur masculin. Si le kleos de Pénélope, qui repose sur des fondements semblables à celui de son époux120, dépend de sa capacité à maintenir Laërte dans son rang le jour de ses funérailles, la belle renommée de Nausicaa doit conforter celle de ses parents et assurer leur prééminence sociale. Dans l’Odyssée, il est surtout question de son mariage au cours duquel il lui faut honorer sa noble famille par sa prestance comme par le choix de son époux, qui ne doit pas être désobligeant à l’égard de l’aristocratie phéacienne121.

Une opulence généreuse ou la belle renommée des hommes hospitaliers

38Comme les qualités guerrières, l’opulence ne doit pas profiter à son seul détenteur. C’est un principe reconnu dans l’Iliade comme dans l’Odyssée. Au chant VI de l’Iliade, une hospitalité généreuse vaut à Axyle d’être aimé dans sa communauté : « [il] habite sa bonne ville d’Arisbé. Il y vit dans l’opulence (aphneios) ; mais les gens l’aiment parce que sa demeure est au bord de la route, et qu’à tous il fait aimable accueil »122. On ne relève pourtant, dans l’Iliade, aucun exemple de bruit célébrant cette générosité. Dans l’Odyssée, la richesse permet en revanche aux hommes généreux d’acquérir une grande renommée.

39Les exemples sont légion et trouvent encore leur modèle en Phéacie. Ulysse souhaite que le kleos d’Alkinoos « vole éternellement sur la terre au froment »123, car les Phéaciens sont des hôtes exemplaires, qui savent recevoir généreusement grâce à leur opulence124. Ulysse ne peut que leur être reconnaissant de l’avoir hébergé, de l’avoir honoré comme un dieu et de lui avoir promis de le reconduire chez lui avec plus de bronze, d’or et de vêtements qu’il n’en aurait rapporté de Troie125. Pénélope estime par ailleurs que sa renommée (kleos) dépend des largesses offertes à un hôte. Contre l’attitude condamnable des prétendants, elle prend la sage décision de réserver bon accueil à Ulysse mendiant et de suivre ainsi le devoir d’hospitalité que sa noble condition lui impose. À leur différence, elle comprend tous les bénéfices qu’elle tirera en lui offrant un bain, le gîte ainsi qu’une place au festin. Choyé, son hôte pourra garder souvenir de ses biens matériels et diffuser à travers le monde la renommée (kleos) de cette femme noble, généreuse et avisée126.

40L’hospitalité est effectivement une occasion importante de faire montre de sa noblesse et d’asseoir sa renommée. Si elle permet aux hommes opulents d’impressionner par leurs richesses et de se montrer utiles à autrui, elle est également pour eux l’occasion de s’illustrer par leur sagesse. Accepter un hôte chez soi est le propre de personnes réfléchies, conscientes du bénéfice qu’elles ont à tirer de la démonstration de leur opulence généreuse et des bruits publics qui en résultent. C’est pourquoi, Pénélope s’indigne que Télémaque puisse permettre « qu’un hôte dans leur demeure soit maltraité » sans se soucier de ce qu’on pourra en dire « parmi les hommes ». En ignorant ainsi le pouvoir des bruits publics, il fait preuve de bien peu d’esprit et compromet tant sa renommée que son avenir127.

De l’utilisation politique de l’opulence ou les on-dit sur le retour d’Ulysse

41Les nombreux bruits courant sur le retour d’Ulysse suggèrent que les gens d’Ithaque accordent une grande importance aux richesses comme fondement de l’autorité royale. En effet, ils ne cherchent pas seulement à savoir si Ulysse est encore en vie. Les on-dit parvenus aux oreilles d’Eumée par l’intermédiaire d’un Étolien s’intéressent également aux richesses qu’il pourrait ramener de son périple128. Ulysse délivre des informations du même genre à Eumée129 comme à Pénélope. Il confie notamment à sa femme : « Ulysse va rentrer : j’en ai eu la nouvelle non loin d’ici, au bon pays de Thesprotie. Il vit ; il vous ramène un gros butin de prix, quêté parmi le peuple »130. La récurrence même du thème du butin dans ces bruits trahit les préoccupations politiques des gens d’Ithaque et l’importance de l’opulence dans la restauration du pouvoir royal d’Ulysse.

42Tout au long de l’Odyssée, l’attitude d’Ulysse comme celle de bien d’autres héros semble guidée par la volonté de s’enrichir. Après un long voyage, il leur faut revenir chez eux chargés d’un gros butin131. Ce souci les pousse à faire des détours pour accumuler des richesses. Il en va ainsi de Ménélas132, de Télémaque133 tout comme d’Ulysse, qui souhaite en tirer un grand profit134. L’opulence lui vaudra amour et déférence de la part de son peuple. C’est précisément pour cette raison qu’il estime avoir intérêt à accepter les dons des Phéaciens : « J’aurais tout avantage à revenir, les mains mieux garnies, au pays : car mon peuple pour moi n’aurait que plus d’amour et plus de déférence le jour qu’il me verrait reparaître en Ithaque »135. Cet avis est largement partagé. Les hommes de son équipage pensent également qu’Ulysse est aimé (philos) et respecté (timios) partout où il se rend grâce à l’importance de son butin136. Ulysse crétois estime même qu’un butin imposant vaut à son détenteur le respect de son peuple et sa crainte137.

43À l’inverse, on comprend que de nombreux bruits puissent courir dès que l’opulence des héros est sévèrement mise à mal. Ils témoignent encore une fois de l’intérêt porté par la communauté aux luttes de pouvoir. Des on-dit sur le sort malheureux réservé à Télémaque par les prétendants parviennent ainsi à Pylos. Ils sont connus de Nestor qui s’étonne de la passivité du jeune homme : « on dit (phasi) que les nombreux prétendants de ta mère usurpent ton manoir et conspirent ta perte ; c’est de plein gré, dis-moi, que tu portes le joug ? »138. Ces prétendants impies139 s’acharnent à dévorer les biens d’Ulysse pour ruiner et détruire son oikos140. Il s’agit pour eux de mettre sa maison au pillage, de la même façon que des guerriers victorieux s’acharnent sur les biens de leurs adversaires. Grâce à leur nombre, ils dilapident rapidement tout ce qui fonde la richesse de la maison. Ils sapent ainsi les fondements même de l’autorité politique d’Ulysse et de Télémaque sur le peuple d’Ithaque. Pour restaurer son pouvoir royal, Ulysse devra alors tout à la fois se débarrasser de ses adversaires et retrouver ses richesses, notamment en demandant une compensation des biens dilapidés141.

44Constate-t-on de nouveau, à ce sujet, une réelle différence entre l’Iliade et l’Odyssée ? Dans l’Iliade, l’autorité politique des basileis repose déjà en partie sur leurs richesses142. L’opulence de Priam lui permet notamment de renforcer sa puissance militaire en achetant des alliances143. On relève cependant dans cette œuvre moins de on-dit sur les richesses des basileis que dans l’Odyssée. Par ailleurs, il n’est pas mentionné explicitement qu’elles leur apportent respect et déférence du peuple. Les différences de traitement de la renommée d’Agamemnon dans l’Iliade et dans l’Odyssée pourraient être à cet égard révélatrices. Dans l’Odyssée, sa belle renommée (kleos) est associée au pillage de Troie144. Ce n’est pas le cas dans l’Iliade. En effet, Homère n’utilise pas ce terme ni même l’un de ses dérivés pour évoquer le déshonneur qu’il aurait à revenir sans butin de la guerre de Troie : « Je rentrerai la honte au front dans l’Argolide altérée (…). Et, parmi les Troyens orgueilleux, tel ou tel dira en sautant sur la tombe du glorieux Ménélas : “Ah ! Puisse donc Agamemnon toujours décharger son courroux de la même manière qu’il a mené ici l’armée des Achéens – pour rien ! Le voilà qui rentre chez lui, aux rives de sa patrie, avec ses nefs vides, et abandonne ici le vaillant Ménélas !”. C’est là ce que chacun dira. Ah ! Que pour moi alors s’ouvre la vaste terre ! »145.

La belle renommée du « roi parfait » ou le portrait du « bon roi » dans l’Odyssée

45S’il est délicat d’établir une distinction nette entre l’Iliade et l’Odyssée pour ce qui concerne les bruits sur l’opulence des héros, les données du problème paraissent plus simples lorsqu’il s’agit des bruits portant sur le caractère irréprochable des basileis. Seuls les rois de l’Odyssée peuvent être célébrés par un kleos vantant aussi bien leur perfection que leur piété et leur sens de la justice. La renommée de Pénélope, qui est traitée comme un roi dans l’Odyssée, est en cela très différente de celle des rois de l’Iliade qui ne peuvent se prévaloir d’autant de qualités146. Ulysse en effet lui assure que : « Ô femme ! Est-il mortel, sur la terre sans bornes, qui te pourrait blâmer ? Non ! Ta gloire (kleos) a monté jusqu’aux champs du ciel ! Et l’on parle de toi comme d’un roi parfait qui règne sur un peuple et nombreux et vaillant, qui, redoutant les dieux, vit selon la justice. Pour lui, les noirs sillons portent le blé et l’orge ; l’arbre est chargé de fruits ; le troupeau croît sans cesse ; la mer pacifiée apporte ses poissons, et les peuples prospèrent »147. Si l’on retrouve dans ce passage des thèmes déjà évoqués dans l’Iliade, notamment celui assurant que la puissance d’un roi dépend du nombre de ses sujets, la nouveauté réside dans l’association de qualités qui n’étaient pas auparavant objets de kleos. C’est notamment grâce à sa piété comme à son sens de la justice que Pénélope est supposée assurer, comme en Phéacie, la prospérité de la communauté. Le kleos dépend donc des bienfaits concrets qu’un chef est capable de procurer à son peuple.

46Comparée à un roi parfait, Pénélope tirerait une belle renommée de sa capacité à agir sur son peuple (laoi)148 et à rendre efficace sa valeur (arétè)149. La prospérité des gens d’Ithaque, qui trouve son expression concrète dans la productivité des arbres, des troupeaux et des poissons de la mer, semble dépendre effectivement des qualités de Pénélope. À la différence de Tydée, qui fonde, dans l’Iliade, son opulence sur les mêmes biens agricoles mais qui ne se voit pas célébré par un kleos150, le roi parfait paraît œuvrer pour son peuple. Sa renommée pourrait traduire la reconnaissance de la communauté, qui voit ses richesses croître et ainsi son existence protégée. Dans un monde où règne la précarité, la prospérité est considérée comme essentielle151. À l’instar de la belle renommée des héros opulents, qui tient en partie à leur capacité à garantir l’existence de leur famille grâce aux biens matériels, celle de la communauté se fonde sur l’abondance de ses productions agricoles152.

47On comprend alors que le véritable bienfait procuré par le roi parfait à ses gens est de les autoriser, en temps de paix, à bien faire ce qu’ils ont à faire153, condition indispensable pour leur permettre d’exploiter le potentiel de l’île. Dans ce passage assez proche des conceptions hésiodiques, le sens de la justice est nécessaire pour bien gouverner. Le bon roi est, comme Alkinoos154, celui qui vit avec son peuple en bon accord et dans un respect mutuel. Il doit adopter, à l’égard de ses gens, une attitude douce et bienveillante155, dictée par son sens de la justice. Tel semble avoir été le cas d’Ulysse, dont le bon gouvernement suscite les louanges et l’admiration de Pénélope156.

48De piété, Pénélope fait preuve en offrant l’hospitalité à Ulysse, contre l’avis des prétendants impies157. Comme le sens de la justice, la piété permet d’assurer une protection divine à la communauté. Si les faveurs divines sont utiles pour mener à bien les travaux agricoles, en garantissant notamment une alimentation régulière en eau de pluie, la piété du roi parfait est indispensable pour écarter toute menace de la communauté. On apprend effectivement dans l’Iliade que les rois manquant à leurs devoirs religieux mettent en péril leurs gens. Pour faire cesser la peste envoyée par Apollon, Agamemnon offre deux hécatombes aux dieux158. Alkinoos ne fait pas autrement lorsqu’il décide de sacrifier douze taureaux à Poséidon pour calmer sa colère159. À l’abri de ces colères divines et des fléaux, la communauté apprécie particulièrement la piété de Pénélope et n’hésite pas à la célébrer par un kleos.

49Dans l’Iliade comme dans l’Odyssée, les rumeurs et les renommées positives se focalisent sur les héros doués de fougue, d’audace et d’intelligence avisée ou rusée. Ces qualités sont nécessaires au héros pour se distinguer et obtenir une belle renommée à même de lui assurer une reconnaissance sociale et politique. Les meilleurs guerriers, à l’image d’Hector, peuvent profiter de leur renommée militaire pour prétendre à la royauté. Un échec à l’épreuve de l’arc apporte aux prétendants une mauvaise renommée (phatis) qui diminue leur prestige. Les on-dit sur le butin d’Ulysse laissent quant à eux entendre que ses richesses sont suffisantes pour restaurer son autorité. Dans le monde héroïque de l’Iliade et de l’Odyssée, les premiers rôles semblent ainsi revenir à ceux dont le nom alimente les conversations comme le chant des aèdes grâce à leur valeur guerrière, à leur vitalité physique et, dans l’Odyssée, à leurs richesses.

50Les bruits homériques naissent d’actions visibles. Pour obtenir une renommée, il faut agir au vu et au su de tous. Il en va ainsi des guerriers qui dominent leurs adversaires sous les yeux de leurs troupes, des athlètes qui s’illustrent devant un public, de la riche Nausicaa qui doit apparaître sous son meilleur jour dans le cortège de son mariage ou bien encore du roi parfait décrit dans l’Odyssée qui est en mesure de garantir une prospérité éclatante à ses gens. Dans une société de l’oral et du visuel, les armes, les tertres ou bien encore les prix athlétiques prennent toute leur importance. Véritables preuves matérielles de l’exploit réalisé, elles peuvent être exhibées pour assurer sa publicité et de cette façon ancrer durablement, dans la communauté, la renommée de son auteur. Elles jouent un rôle comparable à celui du chant des aèdes qui est chargé de perpétuer le kleos héroïque en faisant revivre à l’auditoire la geste qui en est à l’origine.

51La communauté joue à chaque fois un rôle moteur dans la diffusion des bruits homériques. La renommée ne tient pas seulement à l’accomplissement d’un exploit extraordinaire mais aussi à sa reconnaissance publique. On comprend alors que les exploits réalisés pour servir les siens occupent une place majeure dans le répertoire des bruits publics. À l’inverse, les on-dit malveillants dénoncent généralement les personnes incapables de protéger leurs richesses matérielles et humaines. Le code de conduite héroïque impose à chacun de rivaliser d’ardeur pour être le meilleur sans oublier de servir autrui. Sur le champ de bataille, si le héros refuse la lâcheté et met un point d’honneur à s’illustrer dans la lutte, il le fait souvent pour protéger les siens. On attend des hommes opulents une hospitalité généreuse. Le roi parfait de l’Odyssée doit quant à lui assurer la protection de ses gens grâce à sa piété et à son sens de la justice. La fougue comme l’intelligence avisée permettent certes de réaliser un exploit personnel mais qui ne peut être inutile.

52Ces remarques valent pour les bruits publics de l’Iliade comme de l’Odyssée. Les incontestables points communs qui les unissent ne doivent pourtant pas gommer toute évolution affectant les rumeurs et les renommées entre les deux œuvres. En prenant sans doute la Phéacie comme modèle, le répertoire thématique des bruits odysséens se structure autour de qualités nouvelles, comme la justice et l’opulence, et reflète de ce fait un changement probable des représentations sociales. La différence est nette dans le cas d’Ulysse. Dans l’Iliade, il se distingue entre tous les Argiens par son intelligence et sa ruse. Dans l’Odyssée, son fils assure que son kleos célèbre autant sa force au combat que sa sagesse au Conseil. Il en va de même pour Pénélope : son kleos tient à sa capacité d’être un roi parfait, juste et pieux, régnant sur un peuple nombreux et prospère. On retrouve ici la distinction établie par P. Carlier entre les rois de l’Iliade qui sont imparfaits et ceux de l’Odyssée qui peuvent être doués de toutes les vertus160.

53Il convient enfin d’insister sur la longue et féconde réception des bruits publics homériques dans la littérature grecque classique. Chez Sophocle, Ajax est un grand guerrier dans la tradition de l’Iliade qui compte sur son audace161, sa vaillance162 et sa puissance physique pour réaliser de nombreux exploits163, égaler les faits d’armes de son père164 et ainsi remporter un noble kleos. Il sera d’ailleurs condamné par Athéna pour avoir envisagé de l’obtenir sans l’aide des dieux165. Afin de rendre grandioses les exploits grecs réalisés lors des Guerres Médiques, Hérodote s’attache lui aussi à leur donner une dimension héroïque. Les rumeurs sur les faits d’armes en portent la marque. C’est, en effet, grâce à des vertus déjà appréciées dans les textes homériques (courage166, audace167) que les meilleurs s’illustrent au combat, reçoivent des prix récompensant leur bravoure168 et voient leur nom cité après chaque grande bataille169. Chez Pindare et Bacchylide, la renommée (kleos) athlétique se situe à la jonction entre le monde de l’épopée et celui de la cité. Acquise grâce au soutien divin et à des qualités déjà démontrées par les héros homériques, elle rejaillit autant sur la famille du vainqueur que sur sa cité170.

Notes de bas de page

1 M. I. Finley, Le monde d’Ulysse, Paris, 1978, rééd. 1986, pp. 31-32. Sur les valeurs et la morale homériques : A. A. Long, « Morals and Values in Homer », JHS, 90, 1970, pp. 121-139 ; A. W. H. Adkins, « Homeric Gods and the Values of Homeric Society », JHS, 92, 1972, pp. 1-19 et « Values, Goals and Emotions in the Iliad », Classical Philology, 77, 1982, pp. 292-326 ; G. Nagy, Le meilleur des Achéens, la fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque, Paris, 1979, rééd. 1994 ; C. Fuqua, « Proper Behaviour in the Odyssey », ICS, 16, 1991, pp. 49-58 ; Ed. Lévy, « Arétè, timè, aidôs et némésis : le modèle homérique », Ktèma, 1995, pp. 177-211.

2 Homère, Odyssée, XXIV, 30-33.

3 Homère, Odyssée, I, 236-240. Sur ce passage : F. Hartog, Mémoire d’Ulysse. Récits sur la frontière en Grèce ancienne, Paris, 1996, pp. 41-42.

4 Homère, Iliade, IX, 410-416.

5 Homère, Odyssée, XI, 482-491.

6 Homère, Odyssée, XIV, 371.

7 Homère, Odyssée, V, 311.

8 J.-P. Vernant, « La belle mort et le cadavre outragé », in L’individu, la mort, l’amour, Paris, 1996, pp. 41-79 (p. 70).

9 Elpénor demande à Ulysse de lui dresser un tombeau sur la grève écumante pour dire son malheur jusque dans l’avenir (Homère, Odyssée, XI, 72 sq).

10 Hector pense que le sèma d’un ennemi dont il aura triomphé au combat rappellera cet exploit aux hommes de la postérité (Homère, Iliade, VII, 91).

11 Homère, Odyssée, XVI, 241-242.

12 Voir aussi H. Monsacré, Les larmes d’Achille, héros, femme et souffrance chez Homère, Paris, 1984, rééd. 2010, pp. 47-58.

13 Sur cette notion : É. Smoes, Le courage chez les Grecs, d’Homère à Aristote, Bruxelles, 1995.

14 Homère, Iliade, V, 1-3.

15 Homère, Iliade, V, 121 sq ; Homère, Iliade, X, 482 sq. Sur la notion de menos : E. Barra-Salzédot, En soufflant la grâce, Âmes, souffles et humeurs en Grèce ancienne, Grenoble, 2007, pp. 28-43.

16 Homère, Iliade, V, 506 ; VI, 500-502 ; XII, 165-166 ; XIII, 105-106, 287, 318 ; XIV, 73 ; XVII, 638.

17 Homère, Iliade, XVII, 567-581.

18 P. Carlier, La royauté avant Alexandre, Strasbourg, 1984, p. 188.

19 Homère, Iliade, VI, 477-480. Une remarque d’Achille adressée à Énée pourrait aussi aller dans ce sens : « Énée, pourquoi viens-tu te poster si loin en avant des lignes ? Serait-ce que ton cœur te pousse à me combattre dans l’espoir de régner sur tous les Troyens dompteurs de cavales, avec le rang qu’a aujourd’hui Priam ? » (Homère, Iliade, XX, 178-182).

20 La royauté homérique pourrait à cet égard prendre une dimension charismatique telle qu’elle est conçue par M. Weber, Économie et société. Les catégories de la sociologie, I, Paris, 1995, pp. 320-336.

21 Homère, Iliade, XIII, 276-278.

22 Homère, Iliade, XV, 561-564.

23 Bien des Troyens perdent la vie au chant XX et XXI de l’Iliade.

24 Homère, Iliade, XXII, 103-108.

25 C’est bien, selon Agamemnon, l’incapacité des fuyards à protéger les leurs au combat qui leur interdit de prétendre au kleos (Homère, Iliade, V, 529-532).

26 Homère, Iliade, IX, 480-484.

27 Le nombre de sujets est considéré comme un des fondements de l’autorité des rois homériques. Lors de la dispute entre Achille et Agamemnon, Nestor le retient pour expliquer la supériorité d’Agamemnon sur Achille (Homère, Iliade, I, 276-281). Dans l’Odyssée, le kleos de Pénélope tient à sa capacité à se comporter comme « un roi parfait qui règne sur un peuple nombreux et vaillant » (Homère, Odyssée, XIX, 108-111).

28 Les basileis les plus puissants sont ceux capables de conduire le plus de laoi. À Troie, l’avantage revient normalement à l’armée achéenne, dont le nombre est considéré comme un signe décisif de supériorité (Homère, Iliade, II, 798-801).

29 Homère, Iliade, II, 110-115.

30 Homère, Iliade, VII, 74-91.

31 Homère, Iliade, XVII, 130-131.

32 Homère, Iliade, XVII, 229-232.

33 Homère, Iliade, XI, 385-387.

34 Homère, Iliade, IV, 196-197.

35 Homère, Odyssée, VIII, 213-220.

36 Homère, Iliade, XXIII, 870-883.

37 Homère, Iliade, V, 171-173.

38 Au chant XV de l’Iliade, l’archer Teucros s’en prend ainsi à Hector dans l’espoir de contrer l’assaut troyen (Homère, Iliade, XV, 458-460).

39 Homère, V, 174-176 et 206-208.

40 Homère, Iliade, II, 721-725.

41 Sur cette légende, consulter la pièce Philoctète de Sophocle.

42 Homère, Odyssée, XXIV, 179-182.

43 Homère, Iliade, IV, 93-95.

44 Homère, Iliade, V, 169.

45 Homère, Iliade, V, 296.

46 Homère, Odyssée, XXI, 281-284.

47 Homère, Odyssée, XXI, 425-427.

48 Homère, Iliade, IV, 92-99.

49 Sur cet épisode : A. Schnapp-Gourbeillon, Lions, héros, masques : les représentations de l’animal chez Homère, Paris, 1981, pp. 104-130.

50 Homère, Iliade, X, 204-217.

51 Homère, Iliade, X, 366.

52 Homère, Iliade, X, 221, 231-232.

53 D’après P. Carlier, op. cit., p. 154, participer à un banquet permet de s’affirmer et d’être reconnu par tous comme « un roi ou un héros de marque », qui a démontré sa valeur au combat.

54 Homère, Odyssée, III, 126-128.

55 Homère, Odyssée, XVI, 241-242.

56 Homère, Iliade, XXIV, 201-202.

57 Homère, Iliade, XIII, 748 ; XVIII, 252.

58 M. Detienne et J.-P. Vernant, « La course d’Antiloque », in Les ruses de l’intelligence, la mètis des Grecs, Paris, 1974, pp. 17-31. Voir aussi P. Pucci, « Les figures de mètis dans l’Odyssée », Mètis, 1, 1986, pp. 7-28.

59 Homère, Odyssée, XXIII, 124-125. Sur l’intelligence d’Ulysse : P. Pucci, Ulysse polutropos : lectures intertextuelles de l’Iliade et de l’Odyssée, Lille, 1995 et J. Barnouw, Odysseus, Hero of Practical Intelligence : Deliberation and Signs in Homer’s Odyssey, New York, 2004.

60 Homère, Odyssée, IX, 19-20. Hélène insiste également sur ces caractéristiques lorsqu’elle le présente (Homère, Iliade, III, 200-202).

61 M. Detienne et J-P. Vernant, op. cit., p. 17.

62 Homère, Odyssée, III, 118-122.

63 Homère, Iliade, XXIII, 315-316.

64 Homère, Odyssée, IX, 213-215.

65 Homère, Iliade, II, 169, 407, 636 et X, 137.

66 Homère, Odyssée, IX, 318.

67 Homère, Odyssée, IX, 475-476.

68 Homère, Odyssée, IX, 403-409.

69 Homère, Odyssée, VIII, 492-495.

70 Homère, Odyssée, XVI, 281-282.

71 Homère, Odyssée, XVI, 241-242.

72 Par exemple Homère, Iliade, IX, 74-78.

73 Homère, Iliade, X, 18-20.

74 Homère, Iliade, II, 272-273.

75 Homère, Iliade, XIII, 727-734.

76 Homère, Iliade, VII, 323-343.

77 Homère, Iliade, XXI, 595-607.

78 Nous reprenons ici des termes utilisés par P. Carlier, op. cit., p. 205 au sujet de la Phéacie : « Le terme d’utopie, depuis Thomas More, évoque à la fois une société parfaite (Eutopia) et une société qui n’existe nulle part, qui est l’envers des sociétés réelles et qui est souvent irréalisable (Outopia). Dans le domaine politique, la Phéacie n’est pas une utopie si on la compare au reste du monde homérique, car le modèle phéacien n’a rien d’inaccessible (…). La Phéacie n’est pas un monde à l’envers. Contrairement aux utopies d’un Thomas More ou d’un Fourier, la description homérique de la Phéacie ne vise pas à une critique radicale des sociétés existantes ».

79 Sur les jeux athlétiques dans le monde homérique, voir notamment V. Visa, « Les compétitions athlétiques dans l’Odyssée : divertissement, mise à l’épreuve et jeux funèbres », BAGB, 1994, pp. 31-40 et M. Durand, La compétition en Grèce antique. Généalogie, évolution, interprétation, Paris, 1999.

80 Homère, Odyssée, VIII, 145-149.

81 Pour un résumé des enjeux essentiels de la question homérique, consulter J. de Romilly, Précis de littérature grecque, Paris, 1980, rééd. 2002, pp. 13-37.

82 Sur ce point, consulter G. Germain, Genèse de l’Odyssée, Paris, 1954, pp. 511-582, C. P. Segal, « The Phaeacians and the Symbolism of Odysseus’ Return », Arion, 1/4, 1962, pp. 17-63 et F. Hartog, Mémoire d’Ulysse. Récits sur la frontière en Grèce ancienne, Paris, 1996, pp. 31-34.

83 Voir ici P. Vidal-Naquet, « Valeurs religieuses et mythiques de la terre et du sacrifice dans l’Odyssée », Annales ESC, 25, 1970, pp. 1278-1297, et en particulier p. 1283 (article repris dans P. Vidal-Naquet, Le chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris, 1981, pp. 39-68).

84 Voir ici P. Carlier, op. cit., p. 205.

85 Notamment Homère, Odyssée, VI, 204-205. Voir F. Hartog, op. cit., pp. 39-40.

86 U. Bianchi, « “Il” prima e l’“altrove”. Variazioni sul tema del rapporto tra dei e uomini nella religione greca antica », Kernos, 1988, I, pp. 9-12 et F. Hartog, op. cit., p. 32.

87 Tel est l’avis de C. G. Vlachos, Les sociétés politiques homériques, Paris, 1974, pp. 55-69. Voir aussi M. I. Finley, Le monde d’Ulysse, Paris, 1954, rééd. 1986, p. 123, « Utopianism Ancient and Modern », The Critical Spirit (Mélanges H. Marcuse), Boston, 1967, pp. 3-20 et P. Vidal-Naquet, op. cit., p. 1297.

88 V. Bartoletti, « Aristocrazia e monarchia nell’Odissea », SIFC, 1936, 13, pp. 213-265 pense que l’auteur de l’Odyssée a projeté dans l’État phéacien la réalité de sa polis. C. Mossé, « Ithaque ou la naissance de la cité », AION (archeol), 1980, II, pp. 7-19 voit dans la description homérique des cités d’Ithaque et de Phéacie des signes annonciateurs de la cité grecque du viiie siècle.

89 Parmi les historiens qui ont alimenté le débat historiographique sur la localisation géographique à donnerà l’île des Phéaciens : A. D. Fraser, « Scheria andthe Phaeacians », TAPhA, 1929, pp. 155-178 estime qu’il faut la situer à Chypre ; M. Landmann, « Vulcano, paese dei Ciclopi. Lipari, paese dei Feaci », RSA, 1978, 8, p. 161-169 préfère la confondre avec Lipari ; R. Henning, « Neue Erkenntnisse zur Geographie Homers », RhM, 1926, pp. 266-287, place les Phéaciens à Tartessos ; C. Fries, « Zu v 128 ff », PhW, 1936, pp. 254-256 établit un parallèle entre les Phéaciens et les Phéniciens ; J. P. Droop, « Scheria-Santorin », in Studies Robinson, I, Saint Louis, 1951, pp. 52-53 compare l’île de Phéacie avec Santorin ; V. Bérard, Les navigations d’Ulysse, Paris, 1927-1929, vol. IV, W. Klinger, « À propos de la biographie de Tibulle. Les Phéaciens et les Illyriens », Eos, 1961, 51, pp. 101-107, P. B. S. Andrews, « Was Corcyra the original Ithaca ? », BICS, 1962, 9, pp. 17-20, R. Dion, « Le pamphlet contre Corinthe dans les récits d’Ulysse », BAGB, 1970, pp. 87-117 et P. G. Kalligas, « Corcyra, colonization and epos », ASAA, 1982, 44, pp. 57-68 la rapprochent de Corcyre. H. Herter, « Platons Atlantis », JVA, 1928, pp. 28-47 montre quant à lui que la représentation de la Phéacie dans l’Odyssée a influencé la description de l’Atlantide chez Platon.

90 Telle est la démarche de J. Peigney, « La Phéacie, terre poétique », in F. Jouan et B. Deforge (éds.), Peuples et pays mythiques. Actes du ve Colloque du centre de recherches mythologiques de l’Université de Paris X, Chantilly, 18-20 septembre 1986, Paris, 1988, pp. 47-56 et de C. Cousin, « Le séjour d’Ulysse chez les Phéaciens : débuts et fins dans l’Odyssée 5-13 », in B. Bureau et C. Nicolas, Commencer et finir : débuts et fins dans les littératures grecque, latine et néolatine, Paris, 2008, pp. 291-304.

91 C. P. Segal, op. cit.

92 S. Rabau, « Les Phéaciens sont des passeurs d’hommes », Uranie, 1997, 7, pp. 91-114.

93 C. P. Segal, op. cit et C. Fantazzi, « Courtly Odysseus », in International Homeric symposium, Athènes, 1970, pp. 33-37.

94 Homère, Odyssée, VIII, 101-103.

95 Homère, Odyssée, VIII, 237-240.

96 Homère, Odyssée, VIII, 195-198.

97 C. P. Segal, op. cit., pp. 17-63.

98 Pénélope projette effectivement un concours (aethlon) pour désigner parmi les prétendants son futur époux (Homère, Odyssée, XXI, 73-78).

99 Homère, Odyssée, XXI, 321-329.

100 À Troie, il compte parmi les meilleurs archers achéens (Homère, Odyssée, VIII, 215-225).

101 Homère, Odyssée, XXI, 90-95.

102 Homère, Odyssée, XXI, 184-187.

103 Homère, Odyssée, XXI, 424-428. En Phéacie, Ulysse surclasse ses concurrents au lancer du disque avec la même facilité (Homère, Odyssée, VIII, 186-188 et 202-203).

104 Homère, Odyssée, XXI, 106 sq.

105 Homère, Odyssée, XXI, 331-342.

106 Ulysse dit ainsi : « Vraiment, Amphinomos, tu me parais très sage et digne de ce père, dont à Doulichion, j’entendais célébrer la renommée (kleos), ce Nisos si bon, si opulent (aphneios) » (Homère, Odyssée, XVIII, 125-127).

107 Homère, Iliade, XVIII, 288-289 ; XXIV, 543-547.

108 Homère, Iliade, XIV, 121-126.

109 Ce constat pourrait conforter l’hypothèse de J.-C. Riedinger suivant laquelle « l’honneur (timè) peut être attribué, dans l’Odyssée, à l’homme riche, ce qui est inconnu dans l’Iliade » (J.-C. Riedinger, « Remarques sur la timè chez Homère », REG, 89, 1976, pp. 244-264 et en particulier p. 247). Appréciée dans l’Iliade, l’opulence pourrait gagner en importance et être retenue, dans l’Odyssée, comme un des fondements du prestige social et politique en temps de paix.

110 Homère, Iliade, VI, 12-17.

111 Au chant XIV de l’Odyssée, Ulysse crétois rapporte au sujet de son père : « Mon père était fort riche (aphneios) (…). Il me traitait pourtant comme un fils de sa femme, ce Castor l’Hylakide, dont le sang fait ma gloire et que le peuple, en Crète, honorait comme un dieu pour ses succès, ses biens et ses valeureux fils » (Homère, Odyssée, XIV, 202-206). Voir aussi Homère, Odyssée, I, 392-393.

112 Homère, Odyssée, XI, 482-491.

113 Homère, Odyssée, IV, 208-211.

114 Homère, Odyssée, VI, 25-35.

115 Le mariage est l’occasion pour la famille de la mariée comme pour celle de l’époux de faire étalage de leurs richesses (Homère, Odyssée, XVIII, 275-279).

116 Homère, Odyssée, VI, 57-64.

117 Homère, Odyssée, XIV, 503-506.

118 Par exemple Homère, Odyssée, IV, 244 ; XVII, 203, 338 ; XVIII, 41 ; XXIII, 115-116 ; XXIV, 158.

119 Homère, Odyssée, II, 96-102.

120 Sur ce point, consulter les analyses sur le kleos de Pénélope, infra pp. 144-145.

121 Tel est l’enseignement tiré de la mauvaise phèmis qui s’interroge sur sa décision de prendre Ulysse comme époux (Homère, Odyssée, VI, 259-288). Alors même qu’elle est courtisée par la fine fleur des Phéaciens, elle rejette leurs propositions dans l’espoir de trouver un homme d’une qualité supérieure à la leur. En leur préférant Ulysse, héros semblable à un dieu, elle pourrait déconsidérer les siens pour ne satisfaire que ses seuls désirs.

122 Homère, Iliade, VI, 13-15.

123 Homère, Odyssée, VII, 332-333.

124 Homère, Odyssée, VIII, 389 sq. Ce n’est pas un hasard si les devoirs envers l’hôte sont définis par Alkinoos (Homère, Odyssée, VIII, 546) et que Nausicaa insiste sur la piété et la générosité inhérentes au devoir d’hospitalité (Homère, Odyssée, VI, 207-208).

125 Homère, Odyssée, V, 36-40.

126 Homère, Odyssée, XIX, 325-334.

127 Homère, Odyssée, XVIII, 215-225.

128 Homère, Odyssée, XIV, 385-385.

129 Homère, Odyssée, XIV, 321-325.

130 Homère, Odyssée, XIX, 268-273.

131 Telle est notamment l’une des préoccupations de Néoptolème (Homère, Odyssée, XI, 533-537).

132 Homère, Odyssée, III, 301-302.

133 Homère, Odyssée, XV, 82-85.

134 Homère, Odyssée, XIX, 283-286.

135 Homère, Odyssée, XI, 355-361.

136 Homère, Odyssée, X, 38 sq.

137 Ulysse crétois évoque ainsi les succès de ses expéditions de piraterie : « Un énorme butin m’en était revenu ; je prélevais d’abord une prime à mon choix, puis je tirais ma part. Aussi, de jour en jour, ma maison s’accroissait ; elle m’aurait valu quelque jour le respect des Crétois et leur crainte » (Homère, Odyssée, XIV, 230-234).

138 Homère, Odyssée, III, 211-214.

139 En ne respectant pas la maison du héros, les prétendants font preuve d’impiété (Homère, Odyssée, XXIV, 458-460).

140 S. Saïd, « Les crimes des prétendants, la maison d’Ulysse et les festins de l’Odyssée », Études de littérature ancienne, PENS, 1979, pp. 9-49 (notamment pp. 10-11) et F. Bader, « L’art de la fugue dans l’Odyssée », REG, 89, 1976, pp. 18-39 (p. 20). Voir aussi P. Carlier, « À propos de Pénélope », Ktèma, 27, 2002, 27, pp. 283-291.

141 Homère, Odyssée, XXIII, 355 sq.

142 Homère associe souvent la richesse au pouvoir politique. Tel est le cas au sujet de Pélée (Homère, Iliade, XXIV, 534-536), de Ménélas (Homère, Odyssée, IV, 78-99) et d’Ulysse (Homère, Odyssée, I, 231-233 et XIV, 96 sq).

143 Homère, Iliade, XVIII, 291-292.

144 Homère, Odyssée, IX, 263-266.

145 Homère, Iliade, IV, 171-181.

146 P. Carlier, La royauté avant Alexandre, Strasbourg, 1984, pp. 195-201 (en particulier pp. 200-201 : « Aucun héros de l’Iliade ne brille également par la valeur guerrière et par l’intelligence. Cette règle du partage des qualités fondamentales vaut pour les chefs comme pour les autres personnages (…). [Dans l’Iliade], on se trouve en présence d’une véritable théologie de l’imperfection royale : le roi, ayant reçu des dieux l’honneur du sceptre, est nécessairement privé de certaines qualités essentielles (…). L’idéologie royale exprimée dans l’Iliade, qui souligne les défauts du roi et en attribue l’origine à la volonté des dieux, est aux antipodes des conceptions orientales ou hellénistiques du roi “miroir de toutes les vertus” »).

147 Homère, Odyssée, XIX, 107-114.

148 R. Descat, « L’idéologie homérique du pouvoir », REA, 81, 1979, pp. 229-240 (notamment p. 237 : « Le laos signifie un groupement fondé à partir de liens personnels entre les individus (…) inséparables de leur être social, l’oikos. Ces liens définissent des rôles sociaux autour de situations diverses : besoins, clientèle, acquisition de biens… Par extension, c’est aussi la masse des individus dans un État. Dans le portrait du bon roi que dessine Ulysse (…), les laoi sont un des éléments parmi d’autres [bétail, végétation], sur lesquels agit la fonction royale »).

149 Consulter ici Éd. Lévy, op. cit, pp. 177-211, notamment p. 179.

150 Homère, Iliade, XIV, 121-125.

151 Dans l’Archéologie, Thucydide considère encore les richesses comme un fondement majeur de la puissance (Thucydide, I, 4 sq).

152 À Ulysse qui reconnaît avoir entendu célébrer la richesse d’Ithaque jusqu’en Crète, Athéna explique que le grand renom de l’île tient non pas tant à ses dispositions naturelles qu’à l’efficacité de son exploitation agricole (Homère, Odyssée, XIII, 239-249).

153 Éd. Lévy, op. cit., p. 179.

154 Notamment P. Carlier, op. cit., pp. 145 sq et 205.

155 J. de Romilly, La douceur dans la pensée grecque, Paris, 1979, pp. 19-22.

156 Homère, Odyssée, IV, 687-693.

157 Bien recevoir un étranger est un acte religieux, un signe de respect pour les dieux (M. Ndoye, « Hôtes, thètes et mendiants dans la société homérique », in M. M. Mactoux et E. Genty (éds.), Mélanges Pierre Lévêque, Annales littéraires de l’Université de Besançon, Besançon, 463, 1992, pp. 261-271, en particulier p. 262).

158 Homère, Iliade, I, 308-317.

159 Homère, Odyssée, XIII, 172-184.

160 P. Carlier, op. cit., pp. 195 sq.

161 Sophocle, Ajax, 364-366.

162 Sophocle, Ajax, 118-120.

163 Notamment Sophocle, Ajax, 1272-1279.

164 Sophocle, Ajax, 462-465.

165 Sophocle, Ajax, 767-769.

166 Par exemple Hérodote, I, 79, 103.

167 Hérodote, VII, 9.

168 Tel est le cas après la bataille de l’Artémision (Hérodote, VIII, 11).

169 Ainsi après la bataille de Platées (Hérodote, IX, 71).

170 Par exemple Bacchylide, Épinicies, II, 1-4 et Pindare, Olympiques, IX, 11-18.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.