Chapitre III. Temporalités
p. 57-68
Texte intégral
1On compte très peu de passages dans la littérature grecque ancienne qui décrivent explicitement la mort d’un bruit public. Cette absence relative pourrait a priori laisser supposer que nos sources partagent largement la conception qu’a Hésiode du phénomène de la renommée : « Évite la renommée (phèmè) malfaisante des hommes. La mauvaise renommée (phèmè) se meut légère et s’élève facilement, mais elle est lourde à porter, difficile à déposer. Une renommée (phèmè) ne meurt jamais tout à fait, quand beaucoup de monde l’a répandue. C’est, elle aussi, quelque chose comme un dieu »1. Jamais directement remis en question dans nos sources, le passage suggère quelques pistes de réflexion utiles pour aborder l’étude de la longévité des bruits publics. On retiendra notamment ici deux informations importantes : la surprenante pérennité de phèmè entendue au sens de renommée et la difficulté rencontrée par les hommes quand ils veulent y mettre un terme.
2Les caractéristiques énoncées par Hésiode sont-elles propres à la seule phèmè ou peuvent-elles être partagées par l’ensemble des notions retenues dans cette étude (kleos, baxis, klèdôn, phatis, logos) ? Les bruits publics sont^-ils tous incapables de périr ou bien faut-il considérer que les renommées puissent vivre plus longtemps que les rumeurs ? Si tel est le cas, la fragilité des rumeurs tient-elle aux modalités de leur diffusion ou à la nature des informations qu’elles colportent ? Les rumeurs sont-elles toutes condamnées à une existence éphémère ou bien certaines d’entre elles sont-elles susceptibles de déboucher sur une renommée durable ? Ces questions nous amènent à discerner quatre types de bruits publics en fonction de leur longévité et des mécanismes qui l’assurent.
LES RENOMMÉES IMMORTELLES
3Pour évoquer une renommée immortelle, les auteurs emploient généralement le terme kleos. On relève ainsi chez les poètes archaïques des klea qui ne périssent (ollumai ou apollumai) jamais2. Homère et Simonide recourent également à l’adjectif aphthiton (impérissable, immortel) ou à asbeston, (inextinguible, éternel) pour évoquer la renommée (kleos) immortelle de héros3 tout comme celle des Spartiates tombés au combat4. Les poètes hellénistiques utilisent quant à eux l’expression astembakton kleos (renommée inébranlable, inflexible)5.
4Les prosateurs s’inspirent probablement du modèle épique pour évoquer, dans leurs œuvres, les renommées immortelles. Xénophon attribue à Asclépios un aeimnèston kleos (renommée éternellement mémorable)6. Démosthène utilise la formule athanaton kleos (renommée immortelle) pour célébrer la belle renommée des Athéniens du ve siècle qui se sont illustrés par leurs exploits lors des Guerres Médiques comme par leur concorde civile7. Chez Polybe, les éloges funèbres romains permettent de rappeler régulièrement la belle renommée (phèmè) des bienfaiteurs de la patrie et ainsi de rendre immortels leurs exploits8.
5À ces bruits immortels les hommes de lettres attribuent des caractéristiques exceptionnelles. Kleos est régulièrement qualifié par des adjectifs mettant en exergue sa puissance. Les poètes comme les prosateurs insistent volontiers sur sa grandeur9, sa largeur10, sa hauteur11 et même son gigantisme12. Homère et Aristophane voient même en lui un phénomène capable d’aller jusqu’au ciel13.
6Toutes ces renommées sont guidées par les mêmes mécanismes. Elles doivent leur immortalité à leur capacité à revenir régulièrement au souvenir des nouvelles générations. Si la valeur intrinsèque des exploits qui les fondent joue ici un rôle décisif dans la mesure où il peut marquer longtemps les esprits et susciter de nombreuses discussions, il ne saurait à lui seul suffire. La mémoire nécessite d’être soutenue par des techniques et des espaces de remémoration sur lesquels le temps n’a pas de prise. Telle est l’une des fonctions des monuments funéraires14. Inscrits durablement dans le paysage, ils peuvent être vus comme des lieux de mémoire susceptibles de transmettre le souvenir des grands hommes et ainsi de pérenniser leur renommée15. Cette conception semble partagée par Ménélas qui reconnaît dans l’Odyssée avoir dressé un tertre en l’honneur de son frère pour garder l’éternel souvenir de sa renommée (kleos)16, mais aussi peut-être par Simonide qui certifie : « De ceux qui sont morts aux Thermopyles, glorieux (eukleès) est le sort, noble le destin. Leur tombe est un autel voué à la mémoire des ancêtres, leur trépas est objet de louanges. Un monument funèbre de tels hommes ne se dégradera pas, il ne donnera pas prise au temps qui règne sur toutes choses »17.
7Comme ces monuments, les chants poétiques récités de génération en génération assurent une transmission durable du souvenir des exploits héroïques et permettent aussi à leur auteur d’obtenir une renommée éternelle. Chez Homère, tel est le cas des héros18 mais aussi de Clytemnestre19 ou de Pénélope qui est louée par Agamemnon : « [Sa renommée] (kleos) de vertu ne périra jamais, et les dieux mortels dicteront à la terre de beaux chants pour vanter la sage Pénélope »20. Théognis assure que la poésie permettra à son disciple Cyrnos d’obtenir une renommée (kleos) immortelle21. Pindare reconnaît également que la poésie permet d’inscrire durablement dans les mémoires le souvenir des grands hommes : « Nestor et le Lycien Sarpédon – ces grandes renommées (phatis) nous sont connues par les vers harmonieux qu’ont composés des artistes de génie. Ce sont les chants illustres qui font durer le souvenir du mérite »22.
8Les oraisons funèbres23, les éloges des orateurs et les cérémonies publiques24 jouent un rôle semblable. Tel est l’avis de Lysias dans son Oraison funèbre25 comme celui de Polybe au sujet des discours funèbres prononcés en faveur des bienfaiteurs romains : « l’orateur qui parle du mort que l’on va enterrer (…) évoque successivement les succès et les exploits de tous ceux dont les images sont là, en commençant par les plus anciens. Ainsi la [renommée] (phèmè) qui s’attache à la valeur de ces héros se renouvelant constamment, la gloire (eukleia) des hauts faits reçoit l’immortalité (athanatizetai), en même temps que la renommée (doxa) des bienfaiteurs de la patrie devient familière à la masse du peuple et passe à la postérité »26.
9On notera aussi que la belle renommée des grands hommes est réactivée régulièrement par celle de leurs descendants. En effet, la célébration des exploits d’un homme constitue souvent l’occasion pour les poètes et les orateurs de rappeler au souvenir de leurs auditeurs la belle renommée de ses aïeux. Les exploits d’un homme sont souvent pris comme prétexte par Pindare pour rappeler l’antique renommée de sa famille27. Les éloges funèbres prononcés au ive siècle en l’honneur des soldats athéniens morts au combat font souvent le panégyrique des anciens guerriers, et particulièrement des glorieux héros de Marathon et de Salamine28. Les succès militaires remportés par les Romains en Italie lors de la première moitié du iiie siècle ravivent également selon Lycophron la belle renommée (kleos) de leurs ancêtres29.
DES RUMEURS IMMORTELLES ?
10Les rumeurs peuvent-elles être immortelles ? Les auteurs paraissent en exclure la possibilité en ne les qualifiant jamais ainsi. À la différence des renommées, elles ne semblent pas susceptibles de traverser les siècles car le moteur de leur diffusion se limite le plus souvent à des discussions dont la durée dépend du temps d’appréhension et de réaction d’une population face à l’événement qui les a provoquées. On pourrait alors imaginer volontiers qu’il excède rarement plusieurs jours.
11Aussi séduisante soit-elle, cette hypothèse reflète davantage nos représentations des bruits publics que celles des Anciens. Hérodote envisage explicitement la possibilité, pour une rumeur, de dépasser sa condition éphémère et d’intéresser plusieurs générations. Tel est notamment le cas des bruits lancés à des fins stratégiques par les parents de Cyrus : « Cyrus, de retour dans la demeure de Cambyse, fut reçu par ses parents (…). Ils l’accueillirent avec beaucoup de joie, eux qui le croyaient mort aussitôt né. Ils lui demandèrent comment il avait survécu. Cyrus le leur raconta (…). Il dit qu’il avait été élevé par la femme du bouvier, dont il n’arrêtait pas de faire perpétuellement l’éloge ; et il n’y en avait dans son récit que pour Kyno. Les parents s’emparèrent de ce nom ; et, afin que le salut de leur fils parût davantage aux Perses être l’œuvre de la divinité, ils répandirent le bruit (phatis) que Cyrus, exposé, avait été nourri par une chienne. Tel fut le point de départ de cette légende (phatis) »30. La rumeur remporte un succès considérable aussi bien chez les contemporains de Cyrus que dans les générations suivantes. De simple on-dit, elle accède au statut de légende capable de séduire durablement les Anciens. Fascinante, elle n’est pas pour autant immortelle. Comme le suggère des sources tardives31, ce n’est pas la rumeur en tant que phénomène médiatique qui focalisera l’attention mais l’épisode merveilleux qu’elle colporte.
12Sans être promises à une telle postérité, les autres rumeurs semblent dans l’incapacité de s’éteindre rapidement. Qualifiées, comme les renommées, de megas (grand)32, d’euru (large)33 ou encore de barus (pesant)34, les rumeurs tiennent fermement (katechein)35 ou dominent (kratein)36. Leur force dépend directement de l’ampleur de leur diffusion sociale37. On compte parmi les rumeurs décrites comme les plus puissantes celles qui sont connues et répétées à grands cris par tout un peuple. Il en va ainsi, chez Eschyle, de la rumeur qui pourrait prendre comme cible Agamemnon s’il cède à la tentation de marcher sur des tapis brodés38. Les prosateurs partagent la même conception. Platon considère que la rumeur (phèmè) a un pouvoir merveilleux car elle permet de faire tenir le même langage à tout le monde, esclaves et hommes libres, enfants et femmes et à la cité tout entière39. À l’image de la rumeur (phèmè, klèdôn) sur Hipponicos chez Andocide40, elle devient ainsi la voix de tous et tire sans doute sa puissance de son caractère anonyme, comme le rappelle une glose à Platon, Les Lois, 624 a.
13Répétés par tous, les bruits publics s’enracinent profondément et deviennent de ce fait difficiles à contrarier. Les démentis constituent, par leur inefficacité récurrente, une illustration de l’impuissance des hommes à les contrôler ou à les faire taire. Thucydide, Polybe et Arrien apportent des informations utiles non seulement pour comprendre l’échec de ces démentis mais aussi pour apprécier les mécanismes qui assurent la survie des on-dit politiques lancés à des fins stratégiques.
14D’après Thucydide, les députés envoyés en 411 par les Quatre Cents ne parviennent pas à apaiser l’armée de Samos41. Discrédités en tant qu’ennemis de la démocratie, ils sont incapables de démentir les bruits mensongers colportés par Chéréas : « [celui-ci] revint à Samos où, avec une exagération manifeste, il apprit à l’armée ce qui se passait à Athènes ; d’après lui tous les citoyens étaient battus de verges ; nul n’avait le pouvoir de contredire les membres du gouvernement ; les femmes et les enfants des soldats étaient exposés à l’outrage ; on songeait à arrêter et à jeter en prison les parents de tous les soldats de Samos qui n’étaient pas du parti des Quatre Cents, afin de les mettre à mort, au cas où l’armée de Samos se rebellerait. Ce n’était là qu’un de ses nombreux mensonges »42. Thucydide enchaîne alors : « Les députés déclaraient que le changement de régime n’avait pas pour objet de ruiner la ville, mais de la sauver ; qu’on ne proposait nullement de la livrer à l’ennemi (…) ; dans les Cinq Mille figureraient par roulement tous les citoyens ; les parents des soldats n’étaient nullement exposés à l’outrage, comme Chéréas l’avait faussement déclaré et ils ne supportaient aucun mauvais traitement ; tous continuaient à avoir la libre jouissance de leurs biens. En dépit de ces assurances et d’autres analogues, les soldats ne voulaient rien entendre ; leur irritation était très vive »43. Présent dans l’assistance, Alcibiade parvient à contenir la foule et à la dissuader de marcher contre Athènes. Selon les dires de Thucydide, il rendit alors à sa cité le service le plus important car l’expédition militaire envisagée par les Athéniens de Samos aurait sans doute livré l’Ionie et l’Hellespont à l’ennemi.
15En Égypte à la fin du iiie siècle, Agathoclès ne parvient pas non plus à démentir les bruits lancés par un officier de Ptolémée IV, Tlépolémos, selon lesquels il exercerait une tyrannie aux dépens du jeune roi, Ptolémée V. Alors que les garnisons du pays se soulèvent contre lui, Agathoclès réunit l’élite des troupes égyptiennes (« les Macédoniens »), pour exposer sa propre version des faits. Polybe rapporte ainsi : « il déclara que (…) : “depuis longtemps déjà, il était évident pour ceux qui savaient voir que Tlépolémos aspirait à s’élever au-dessus du rang qui lui revient (…)”, et il invita les Macédoniens à ne pas se fier en cela à ce que Tlépolémos disait, mais de s’en rapporter aux gens qui connaissaient la vérité (…). Ce disant, il introduisit devant l’assemblée Critolaos, qui assura qu’il avait vu de ses yeux [la cérémonie du couronnement du roi]. Tandis qu’on leur parlait ainsi, les Macédoniens, loin de se laisser émouvoir ne prêtaient pas la moindre attention à ce qui était dit. Faisant entendre des grognements et chuchotant entre eux, ils se montrèrent si folâtres qu’à l’issue de cette réunion Agathoclès ne savait pas lui-même comment il s’en était, en définitive, tiré »44. Incapable de convaincre les autres troupes, Agathoclès joue encore de maladresse et finit, à force de brutalités, par provoquer une révolte qui provoque sa perte.
16Arrien livre quant à lui un récit détaillé du démenti à la rumeur selon laquelle Alexandre aurait succombé à ses blessures lors de l’assaut donné en 326 contre la capitale des Malles : « Tandis qu’Alexandre était immobilisé par le traitement de sa blessure, le bruit (logos) se répandit tout de suite dans le camp (…) qu’il avait succombé à sa blessure. Et d’abord ce fut dans toute l’armée des gémissements, tandis que la rumeur (phèmè) se transmettait de l’un à l’autre. Puis les gémissements cessèrent, et ils restaient abattus et désemparés, car ils ne voyaient absolument pas qui pourrait prendre le commandement de l’armée. Et lorsque le bruit (logos) se répandit qu’Alexandre était vivant, ils n’arrivaient pas à y croire ; ils ne croyaient même plus qu’il pût survivre. Même quand il arriva une lettre de lui annonçant qu’il viendrait sous peu au camp, la majorité d’entre eux refusèrent d’y ajouter foi, par excès d’appréhension, et ils pensèrent que la lettre avait été fabriquée par les gardes du corps et les généraux de son entourage ». Pour éviter des troubles dans l’armée, Alexandre décide alors de se montrer. Longtemps sceptiques, ses troupes n’acceptent de reconnaître la vérité qu’après l’avoir vu bouger la main et se déplacer45.
17Ces textes mettent en avant deux éléments jouant un rôle décisif dans le fonctionnement d’un démenti : la durée de propagation de la rumeur et la légitimité des acteurs qui interviennent dans sa diffusion. Les démentis visent à démontrer le caractère mensonger des informations colportées par les on-dit. Ils recourent pour cela à deux moyens. Ils font tout d’abord valoir des témoignages oculaires ou écrits, qu’ils présentent comme des modes de connaissance menant à la vérité. Les députés des Quatre Cents assoient la légitimité de leur discours sur le fait qu’ils ont assisté en personne au changement de régime à Athènes. Les rédacteurs de la lettre qui confirment la survie d’Alexandre appartiennent certainement à son entourage. Agathoclès convoque quant à lui Critolaos, car il aurait vu de ses propres yeux la cérémonie du couronnement de Ptolémée V. Ils s’attaquent en outre à la légitimité des colporteurs des bruits publics. Les députés des Quatre Cents pointent ainsi du doigt les récits mensongers de Chéréas. Agathoclès attaque directement Tlépolémos, sur lequel se portent les espoirs populaires46, en l’accusant de manipuler la foule pour satisfaire ses propres ambitions personnelles47.
18Ces deux tactiques échouent cependant pour plusieurs raisons. Elles font d’une part appel à des arguments rationnels pour contrer un phénomène dont la vitalité est en partie alimentée par un mécanisme relevant de la psychologie collective. Les personnes qui cherchent à démentir les on-dit pâtissent dès lors d’un très fort discrédit et ne parviennent pas à convaincre. Les troupes macédoniennes ne prêtent pas attention à Agathoclès qui est détesté à cause de ses ambitions et de ses débordements48. L’armée de Samos refuse d’écouter les députés des Quatre Cents car ils sont haïs en tant qu’adversaires de la démocratie. Les soldats d’Alexandre le Grand soupçonnent quant à eux les gardes du corps et les généraux de leur mentir.
19Les démentis interviennent aussi souvent trop tard. Ils ne parviennent pas à démonter des bruits qui, longtemps discutés et colportés, ont eu le temps de s’enraciner profondément et de troubler des esprits confrontés à une situation critique : le récit mensonger de Chéréas sur les violences des Quatre Cents avive la haine des soldats de Samos contre les partisans de l’oligarchie49 ; les calomnies lancées au cours de beuveries par Tlépolémos contre Agathoclès renforce sa popularité dans l’opinion publique et dans l’armée qui comptent sur lui pour mettre fin aux violences de ce personnage50 ; transmise d’un soldat macédonien à l’autre, la rumeur sur la mort d’Alexandre signifie pour les troupes la perte d’un chef sur lequel reposent tous leurs espoirs. L’émotion provoquée par de tels événements est propice aux on-dit, les entretient et s’en nourrit. Dans une telle situation, la foule s’en remet effectivement volontiers aux informations aptes à préciser la nature du danger auquel elle est confrontée. Dans la Cyropédie de Xénophon, Cyrus explique à Gobryas les ressorts du comportement d’une foule confrontée à un danger et l’impossibilité de contrarier les on-dit qui l’enfoncent irrémédiablement dans la panique : « lorsque [les hommes] ont peur, plus ils sont nombreux, plus grande est la terreur qui les affole, car elle croît en raison de tous les lâches propos qu’ils entendent, de toutes les contenances lamentables, de tous les visages découragés et défaits qui lui donnent consistance. Aussi est-elle si grande qu’il n’est pas facile de la calmer par des paroles (…) ; plus on les exhorte à se rassurer, plus ils se croient en péril »51.
20On notera enfin que le démenti n’est annoncé qu’une seule fois. Il ne bénéficie donc pas du même mode de diffusion que les on-dit répétés de bouche à oreille. Il est dès lors difficile d’emporter l’adhésion d’une foule qui, déjà subjuguée, s’en remet davantage aux sentiments qu’à la raison.
LES BRUITS INVRAISEMBLABLES, DES « RUMEURS SANS AILE » ?
21À l’image de la rumeur (logos) annonçant la survie d’Alexandre en 326, d’autres bruits et on-dit porteurs d’informations difficiles à croire peinent à s’imposer. Les exemples sont rares et concernent le plus souvent des bruits annonçant des nouvelles militaires extraordinaires.
22C’est avec la plus grande méfiance que le chœur de l’Agamemnon d’Eschyle accueille les nouvelles sur la prise de Troie car elles lui sont transmises par Clytemnestre. Crédule et émotive comme toutes les autres femmes, elle est, selon le coryphée, capable de s’enthousiasmer inutilement pour des rumeurs dont le manque de vraisemblance les condamne à ne pas s’envoler : « Clytemnestre : “les Argiens ont conquis la ville de Priam”. Le coryphée : “comment ? Je comprends mal, tant j’ai de peine à croire (…). Mais de cela, vraiment, as-tu un sûr indice (tekmar) ? (…) Une rumeur sans aile (apteros phatis) te repaît-t-elle d’illusions ?” »52. Il ajoute encore plus tard : « il est bien du gouvernement d’une femme d’applaudir à ses vœux plus qu’à la réalité. Trop crédule en son désir la femme va très vite au-delà des faits ; mais très vite aussi périssent [les rumeurs] (kleos) qu’a proclamées sa voix »53. En pleine Guerre du Péloponnèse, les Syracusains reçoivent avec une perplexité comparable l’annonce de la gigantesque expédition athénienne : « À Syracuse, la nouvelle de cette expédition parvint de tous côtés ; néanmoins, pendant longtemps, on refusa d’y ajouter foi »54. Il en va de même pour la rumeur (logos) invraisemblable annonçant le retour de Philippe VI, le fils de Persée, au début de l’année 149 : « Quant au Pseudo-Philippe, on refusa même, pour commencer, d’ajouter foi à [un tel bruit] (logos) : un Philippe tombé du ciel, qui se présentait en Macédoine, qui se jouait non seulement des Macédoniens, mais aussi des Romains et qui ne disposait d’aucun argument plausible pour se lancer dans une pareille entreprise, puisque l’on savait que le véritable Philippe était mort à Albe, en Italie »55.
23On pourrait imaginer que les bruits considérés comme improbables s’éteignent immédiatement. Il n’en est rien. Si Thucydide et Polybe reconnaissent qu’ils alimentent les conversations56, Eschyle rappelle explicitement que la rumeur (baxis) sur la prise de Troie se diffuse rapidement dans Argos alors même que sa véracité est douteuse57. Pour qu’un bruit circule, il n’est effectivement pas nécessaire que les membres d’une communauté croient tous à son contenu avec la même intensité. Il suffit qu’après avoir semé le trouble dans les esprits, il focalise l’attention. Sa vitalité ne semble tenir ni à la nature de son message, ni à la véracité qu’on lui prête, mais bel et bien à l’émotion qu’il suscite. On pourrait même ajouter que les rumeurs ne semblent jamais aussi fortes que lorsqu’elles sont incertaines. Plus que celles dont la véracité est établie, elles deviennent objet de discussions58 et sont de ce fait appelées à durer.
LES BRUITS PUBLICS SUSCEPTIBLES DE DISPARAÎTRE
24Les analyses précédentes pourraient expliquer l’absence de passages décrivant la mort des bruits publics. Si le moteur de leur diffusion est bien l’intérêt qu’ils suscitent et leur capacité à être répétés, on comprend qu’inversement les bruits qui s’éteignent ne retiennent pas l’attention. Leur mort est précisément vue comme le fruit du désintérêt qu’on leur porte. On s’intéressera ici à deux types de situations susceptibles de condamner les rumeurs à l’oubli.
Le problème de la mort des rumeurs et des on-dit soumis à vérification
25La confirmation d’une rumeur passe par trois voies différentes. Des preuves matérielles peuvent tout d’abord suffire pour établir sa véracité. La fausse rumeur (phèmè, klèdôn) sur la mort d’Oreste trouve ainsi confirmation, dans l’Électre de Sophocle, grâce à une urne funéraire censée contenir les restes du corps du héros59. Des témoignages oculaires ou écrits (dans le cas de la rumeur sur la mort d’Alexandre) peuvent également certifier le caractère véridique de l’information transmise par le bruit public60. Un épisode de l’Anabase rappelle qu’un homme peut confirmer ou infirmer la rumeur dont il est la cible. Tel est notamment le cas de Xénophon qui est contraint, lors de l’expédition des Dix Mille, de reconnaître publiquement ses intentions d’établir une colonie en territoire barbare, alors même qu’un bruit (logos) lancé par Silanos d’Ambracie l’accuse de vouloir mettre en application ce projet sans l’approbation de l’armée et ainsi de retarder le retour des troupes en Grèce61.
26Les confirmations sont-elles pour autant capables de porter un coup d’arrêt décisif à la propagation des bruits publics ? La plus grande prudence est ici de mise. Elles ne conduisent pas forcément à leur disparition immédiate. Ainsi la présentation de l’urne funéraire par Oreste ne fait-elle que confirmer les bruits sur sa mort. Seules les révélations d’Oreste sur sa propre identité paraissent y mettre un terme, car elles convainquent Électre de ne plus leur porter attention. L’oubli semble être le véritable linceul de la rumeur. La meilleure façon de l’enterrer consisterait peut-être à détourner l’attention par une autre nouvelle ou bien même encore par un autre bruit.
Remplacer un bruit par un autre
27L’utilisation de contre-rumeurs remonte au moins au début de l’époque archaïque. Pour contrer la propagation à Ithaque de la rumeur (kleos) sur le massacre des prétendants et ainsi gagner du temps, Ulysse envisage de répandre le faux bruit du mariage de Pénélope. Il demande ainsi à Télémaque : « Allez d’abord au bain et changez-y de robes ! Puis faites prendre aux femmes leurs vêtements sans tache ! Et, pour vous entraîner, que le divin aède, sur sa lyre au chant clair, joue quelque danse alerte. À l’entendre au-dehors, soit qu’on passe en la rue, soit qu’on habite autour, on dira : “c’est la noce !”. Car il faut que la [rumeur] (kleos) de la mort des seigneurs prétendants ne soit connue en ville qu’après notre départ, quand nous aurons gagné notre verger des champs. Là, nous aurons le temps de chercher quel secours Zeus pourra nous offrir »62. D’après Plutarque, le procédé est encore employé à l’époque classique par Alcibiade qui, encore jeune, n’hésite à détourner l’attention de ses concitoyens par des actes de cruauté pour se ménager quelque marge de manœuvre : « Alcibiade avait un chien d’une taille et d’une beauté merveilleuses, qu’il avait acheté soixante-dix mines. Il lui coupa la queue, bien qu’elle fût magnifique. Comme ses familiers l’en blâmaient et lui rapportaient que tout le monde était choqué et le critiquait à propos du chien, il se mit à rire et leur dit : “c’est justement là ce que je veux ; je souhaite que les Athénien bavardent (lalein) à ce sujet, afin qu’ils ne disent rien de pis sur mon compte” »63. La manœuvre est sans doute couronnée de succès. Une fois l’anecdote contée, Plutarque évoque les débuts prometteurs d’Alcibiade dans la vie politique athénienne et souligne combien il a su séduire ses concitoyens grâce à ses qualités personnelles.
28On remarquera que cette stratégie vaut également pour les renommées. Afin de se débarrasser de sa terrible renommée de matricide, Oreste envisage de suivre l’avis machiavélique de Pylade, qui lui propose de la remplacer par une renommée plus glorieuse. Il devra pour cela assassiner Hélène, alors considérée comme la responsable de la sanglante Guerre de Troie : « Oreste : “Tuer Hélène ! C’est donc là le mot d’ordre”. Pylade : “Tu as compris ! Sache combien mon plan est sage. Lever l’épée contre une femme plus honnête serait un meurtre infâme. Mais Hélène étant ce qu’elle est, nous vengerons la Grèce entière, tous ceux dont elle fit mourir les pères et les fils, les femmes par sa faute orphelines de leurs époux. Un cri de joie va retentir (…) ! On nous souhaitera mille prospérités pour avoir fait payer une dette de sang à la femme coupable. Quand tu l’auras tuée, on ne te dira plus le Matricide, car ce nom sera oublié par un autre meilleur, l’Exécuteur d’Hélène, la pourvoyeuse de la mort (…). À supposer qu’Hélène nous échappe, nous mettrons le feu au palais et nous y attendrons la mort. De deux honneurs, l’un du moins nous sera acquis, ou mourir avec [une belle renommée] (kleos), ou avec gloire nous sauver” »64. De l’efficacité du stratagème diabolique, on ne sait rien. Pour couper court à la démence meurtrière d’Oreste, Euripide fait intervenir Apollon qui enlève Hélène et promet au matricide d’être absous au terme d’un procès arbitré par les dieux.
29Plusieurs enseignements se dégagent de cette série d’analyses. On constate tout d’abord que les différents bruits publics retenus dans cette étude partagent globalement les mêmes caractéristiques. Si les renommées peuvent seules prétendre à l’immortalité, les auteurs accordent à l’ensemble des bruits publics une incroyable pérennité et une étonnante faculté à contrer les démentis apportés par d’autres médias comme les écrits et les témoignages oculaires. De fait, les rumeurs et les renommées sont soutenues par les mêmes mécanismes. Considérées comme un régime de vérité à part entière, elles suscitent l’intérêt des foules et provoquent souvent une grande émotion collective qui les conduit à être régulièrement réactivées. Cette répétition est assurée par les conversations quotidiennes mais aussi, dans le cas des renommées, par les récitations poétiques, par les éloges des orateurs et par les monuments funéraires. On perçoit aussi la perplexité des Anciens face à un phénomène instable et fuyant, susceptible de disparaître puis de réapparaître plus avant65. Le contraire d’une rumeur ou d’une renommée n’est pas tant une information confirmée ou démentie que le silence66 et l’oubli67. C’est sans doute pourquoi les exemples décrivant explicitement la mort d’un bruit public sont rares dans nos sources.
Notes de bas de page
1 Hésiode, Les Travaux et les Jours, 760-764 (traduction personnelle).
2 Chez Homère, tel est le cas de la renommée d’Hector et de Pénélope (Homère, Iliade, VII, 90-91 ; Odyssée, XXIV, 195-197). Voir encore Hésiode, fr. 70, 7 ; Hymne homérique à Apollon, 156-157 ; Tyrtée, Élégies, IX, 31-32 ; Théognis, Élégies, 867-868.
3 Homère, Iliade, IX, 411-413 (Achille) ; Odyssée, IV, 581-584 (Agamemnon) ; VII, 331-333 (Alkinoos). Voir E. D. Floyd, « Kleos aphthiton : An Indo-European Perspective on Early Greek Poetry », Glotta, 88, 1980, pp. 133-157 et G. Nagy, « Another Look at Kleos aphthiton », WJA, 7, 1981, pp. 113-116.
4 Simonide, 121, 1 (Diehl).
5 Notamment Euphorion, Fragmenta (Powell), fr. 123, 1.
6 Xénophon, Cynégétique, I, 6, 4.
7 Démosthène, XXII, 77 et XXIV, 185. Platon, Le Banquet, 208c et 209d utilise encore cette expression.
8 Polybe, VI, 54, 2.
9 Pour kleos comme mega, meizon ou megiston : Homère, Iliade, VI, 446 ; X, 212 et XVII, 131 ; Odyssée, I, 240 ; II, 125 ; XIV, 370 ; XVIII, 255 ; Hésiode, fr. 199, 9 ; Hérodote, VII, 220 ; Euripide, Électre, 1084 ; Platon, Les Lois, XII, 969a ; Lysias, II, Oraison funèbre, 5 ; Théopompe, FGrHist 115 F 2b ; Lycophron, Alexandra, 1212-1213 ; 1226-1227.
10 Homère, Odyssée, XIX, 333 (euru kleos). Voir pour cette formule avec kleos compris dans le sens de rumeur : Homère, Odyssée, XXIII, 137.
11 Pour l’expression hupertaton kleos : Bacchylide, 17, 80 (Snell) ; Sophocle, Philoctète, 1347. Pour hupsèlon kleos : Pindare, Pythiques, III, 111 ; Théocrite, XVI, Les Charites ou Hiéron, 98.
12 Pindare, Olympiques, X, 20-21 (pelôrion kleos).
13 Homère, Iliade, VIII, 192 ; Odyssée, VIII, 74 ; IX, 20 ; XIX, 108 ; Aristophane, Les Nuées, 457-460.
14 Il en va de même pour les armes (Homère, Iliade, XVII, 130-131). Chez Hésiode, la grande renommée (mega kleos) d’une femme peut reposer sur les présents qu’elle reçoit d’un prétendant (Hésiode, fr., 199, 9).
15 Voir J.-P. Vernant, « La belle mort et le cadavre outragé », in L’individu, la mort et l’amour, Paris, 1996, pp. 41-79 (p. 70). On remarquera que les vêtements peuvent aussi assurer la remémoration de la renommée, notamment lorsqu’ils chantent en images tissées la glorieuse geste des héros. Au chant III de l’Iliade, Iris trouve ainsi « Hélène en son palais en train de tisser une large pièce, un manteau doublé de pourpre. Elle y trace les épreuves des Troyens dompteurs de cavales et des Achéens à cotte de bronze, les multiples épreuves qu’ils ont subies pour elle sous les coups d’Arès » (Homère, Iliade, III, 125-127). Sur le rôle d’Hélène dans la diffusion du kleos héroïque, consulter H. Monsacré, Les larmes d’Achille, héros, femme et souffrance chez Homère, Paris, 1984, rééd. 2010, pp. 162-165.
16 Homère, Odyssée, IV, 583-584. Voir aussi Homère, Iliade, VII, 89-91 et Homère, Odyssée, XXIV, 80-84.
17 Simonide, 531, 1-5 (Page). Voir également Thucydide, II, 43, 3-6.
18 Homère, Iliade, VI, 354-358 ; IX, 187-189 ; Odyssée, III, 202-204. Disparu lors de son retour à Ithaque, tombé dans l’invisible (aistos) et l’indicible (apustos), Ulysse ne peut plus être chanté par les aèdes et risque de disparaître sans léguer de kleos à Télémaque (Homère, Odyssée, I, 234-243). Hésiode, Théogonie, 31-32 admet quant à lui que les Muses lui ont insufflé une voix merveilleuse pour qu’il puisse glorifier ce qui a été et ce qui sera. Il assure ainsi la transmission dans le temps de la renommée des exploits et comble alors le fossé qui sépare le passé du présent mais aussi du futur.
19 Agamemnon imagine ainsi que toutes les femmes seront la cible d’une chalepè phèmis (renommée difficile à supporter) à la suite des chants dénonçant les forfaits de Clytemnestre (Homère, Odyssée, XXIV, 199-202). Théocrite, XVI, Les Charites ou Hiéron, 51-57 estime qu’Ulysse jouit d’une renommée durable (dènaion kleos) grâce aux chants d’Homère.
20 Homère, Odyssée, XXIV, 196-198.
21 Théognis, Élégies, I, 235-254. Voir aussi Ibycos, 282 (a), 47-48 (kleos).
22 Pindare, Pythiques, III, 112-115 (traduction A. Puech). Voir également Pindare, Pythiques, IV, 37-42. Sur l’immortalité du kleos chez Pindare : B. Currie, Pindar and the Cult of Heroes, Oxford, 2005, pp. 71-84.
23 Sur les oraisons funèbres athéniennes et l’appropriation des anciennes paroles de gloire par le discours civique à l’époque classique, voir N. Loraux, L’invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, 1981, pp. 50-54. N. Loraux, op. cit., p. 51 propose notamment de rapprocher les oraisons funèbres des epinikiai de Pindare et de Bacchylide : « comme la parole du poète, le verbe de l’orateur sauve du néant la valeur des hommes ; comme l’éloge poétique, le discours en prose promet aux guerriers la Mémoire des générations à venir : entre le kleos aphthiton (la gloire impérissable) des aristocrates et l’athanatos mnèmè (le souvenir immortel) civique, la ressemblance est trop évidente pour être fortuite ».
24 Sur les hommages publics aux Athéniens tombés au combat : Platon, Ménexène, 249b. Sur le rôle joué par les fêtes et les rassemblements civiques dans le processus d’immortalisation d’une renommée (kleos) : Sophocle, Électre, 967-989. Voir aussi N. Loraux, « La belle mort spartiate », Ktèma, 2, 1977, pp. 105-120, étude revue et reprise dans N. Loraux, Les expériences de Tirésias. Le féminin et l’homme grec, Paris, 1989, pp. 77-91.
25 Lysias, II, Oraison funèbre, 3 (phèmè) ; 79-80. Organisés régulièrement, ils sont susceptibles, d’après Périclès, d’accorder une réputation éternellement mémorable (doxa aieimnèstos) aux Athéniens tombés au combat pour leur cité (Thucydide, II, 43, 2-3). Voir également Isocrate, V, Philippe, 134 : « Par la louange, les éloges, la renommée (phèmè) et le souvenir qui nous suit à travers les siècles, nous participons à une immortalité qui mérite d’être recherchée » (traduction G. Mathieu et É. Brémond).
26 Polybe, VI, 54, 1-2 (traduction P. Pédech).
27 Il en va ainsi d’Alcimidas d’Égine et la famille des Bassides : Pindare, Néméennes, VI, 28-34. Voir également Pindare, Isthmiques, IV, 19-24.
28 L’Oraison funèbre de Lysias prononcée pour les soldats tombés pendant la Guerre de Corinthe (395-386) revient ainsi sur les luttes soutenues par les ancêtres des Athéniens dont la renommée (phèmè) a transmis le souvenir (voir notamment Lysias, II, Oraison funèbre, 3). Pour N. Loraux, op. cit., p. 157, les batailles de Marathon et de Salamine sont des topoi obligés de l’oraison funèbre athénienne.
29 Lycophron, Alexandra, 1126-1231.
30 Hérodote, I, 122 (traduction Ph.-E. Legrand).
31 Justin, I, 4, 1-14 assure ainsi que Cyrus a été élevé par une chienne, sans mentionner la rumeur à l’origine de la légende.
32 Homère, Iliade, XI, 21-22 (kleos) ; Sophocle, Ajax, 173-174 (phatis) ; Eschyle, Agamemnon, 938 (phèmè).
33 Homère, Odyssée, XXIII, 136-138 (kleos).
34 Eschyle, Agamemnon, 456 (phatis).
35 Euripide, Hippolyte, 1466 (phèmè). Pindare, Pythiques, I, 96 (phatis). Andocide, I, Sur les mystères, 130 (klèdôn).
36 Pour phatis comme sujet de kratein : Sophocle, Ajax, 978. Pour phèmè comme sujet de ce verbe : Polybe, IX, 26, 11 et XXIX, 16, 1.
37 Le constat s’applique aussi aux renommées qui ne sont pas qualifiées d’immortelles. C’est bien parce qu’elle est répandue par beaucoup que phèmè ne meurt jamais véritablement chez Hésiode, Les Travaux et les Jours, 763-764.
38 Eschyle, Agamemnon, 935-938. Voir aussi Sophocle, Électre, 634-659 (baxis).
39 Platon, Les Lois, VIII, 838d.
40 Andocide, I, Sur les mystères, 130.
41 Thucydide, VIII, 72, 1-2.
42 Thucydide, VIII, 74, 3.
43 Thucydide, VIII, 86, 2-4.
44 Polybe, XV, 26, 5-8 (traduction D. Roussel).
45 Arrien, Anabase, VI, 12, 1 – 13, 3 (traduction P. Savinel).
46 Polybe, XV, 25a, 28.
47 Sur les ambitions personnelles de Tlépolémos : Polybe, XV, 25a, 32.
48 Polybe, XV, 25a, 25-27.
49 Thucydide, VIII, 75, 1.
50 Polybe, XV, 25a, 32-39.
51 Xénophon, Cyropédie, V, 2, 33-34 (traduction M. Bizos). Les communautés confrontées à l’attente angoissante d’un événement capital pour leur avenir prêtent volontiers l’oreille aux rumeurs qui en annoncent l’issue finale. Dans l’Agamemnon d’Eschyle, le chœur des vieillards d’Argos, profondément bouleversé par l’annonce de la prise de Troie, questionne longuement Clytemnestre pour savoir s’il peut se fier à la rumeur (phatis) qui aurait colporté cette information de première importance (Eschyle, Agamemnon, 257-287. Sur la diffusion dans Argos de la rumeur (phatis, baxis) sur la prise de Troie : Eschyle, Agamemnon, 1-10 et 475-492). Plusieurs siècles après, Polybe rappelle encore que la rumeur (phèmè) de la défaite carthaginoise sur les bords du Métaure en 207 enflamme la population romaine qui attendait avec angoisse et excitation l’issue de la bataille (Polybe, XI, 1-3 ; voir aussi Polybe, XXXVI, 6, 1-7, 5).
52 Eschyle, Agamemnon, 267-276 (traduction P. Mazon, sauf pour le vers 276 qui est retranscrit littéralement).
53 Eschyle, Agamemnon, 483-487. Voir aussi Eschyle, Les Choéphores, 839-846.
54 Thucydide, VI, 32, 3.
55 Polybe, XXXVI, 10, 1 (traduction D. Roussel).
56 Thucydide, VI, 35. Polybe, XXXVI, 10, 3.
57 Eschyle, Agamemnon, 475-492.
58 Leur caractère incertain suscite des questions que l’on cherche à comprendre en glanant des informations. Des discussions s’engagent alors souvent. Voir Eschyle, Les Choéphores, 838-854 (phatis, klèdôn) ; Euripide, Rhèsos, 653-664 (phèmè) ; Éole, fragment 3 (17 Kn) (phatis) ; Aristophane, La Paix, 102-123 (phatis) ; Sophocle, Œdipe à Colone, 510-533.
59 Sophocle, Électre, 1106-1118.
60 Les sources attribuent souvent ce rôle aux simples témoins de l’événement rapporté, à des hérauts, à des messagers et à des émissaires.
61 Xénophon, Anabase, V, 6, 15-18.
62 Homère, Odyssée, XXIII, 131-140. Sa stratégie fonctionne : Homère, Odyssée, XXIII, 146-152.
63 Plutarque, Vie d’Alcibiade, 9, 1-2 (traduction R. Flacelière et É. Chambry).
64 Euripide, Oreste, 1130-1174 (traduction M. Delcourt-Curvers).
65 L’exemple le plus probant est fourni par Plutarque qui montre que la rumeur (logos, phèmè) sur la victoire romaine de Pydna pourrait ainsi s’évanouir pour mieux resurgir quelque temps après (Plutarque, Vie de Paul-Émile, 24, 4-6).
66 Sur la place du silence dans le monde grec, voir notamment S. Montiglio, The Silence in the Land of Logos, Princeton, 2000.
67 Tel est, selon Théocrite, XVI, Les Charites ou Hiéron, 48-57, le lot des renommées qui ne sont pas chantées par des aèdes.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le bruit qui vole
Ce livre est cité par
- Siron, Nicolas. (2019) Témoigner et convaincre. DOI: 10.4000/books.psorbonne.55158
- Larran, Francis. (2014) Théomnestos au tribunal ou l’injure comme arme du citoyen. Cahiers « Mondes anciens ». DOI: 10.4000/mondesanciens.1241
- Grand-Clément, Adeline. (2015) Le paysage sonore des sanctuaires grecs. Délos et Delphes dans l’Hymne homérique à Apollon. Pallas. DOI: 10.4000/pallas.2698
- Azoulay, Vincent. Damet, Aurélie. (2014) Paroles menaçantes et mots interdits en Grèce ancienne : approches anthropologiques et juridiques. Cahiers « Mondes anciens ». DOI: 10.4000/mondesanciens.1211
Le bruit qui vole
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3