Chapitre premier. Les débuts du monnayage africain : la phase siculo-punique (400-300 av. J.-C.)
p. 41-64
Texte intégral
1Nous avons regroupé sous l’appellation de « monnayages siculo-puniques » un ensemble d’émissions, extrêmement abondantes de manière générale, sur l’origine desquelles les numismates ne sont pas toujours parvenus à une certitude. Si les émissions d’or peuvent, après les travaux de G.K. Jenkins, être attribuées à l’atelier de Carthage, l’origine des monnaies de bronze reste incertaine. On les retrouve en très grandes quantités en divers endroits du domaine contrôlé par Carthage : Afrique du Nord dans sa partie orientale, Sicile, Sardaigne. Elles ont donc circulé très largement, et semble-t-il, de manière indifférenciée, dans cette zone où les échanges commerciaux et culturels créaient une sorte de Koinè unifiant dans une large mesure certains instruments de la vie quotidienne. Les monnaies n’échappaient pas à la règle et ce n’est pas seulement faute de données stratigraphiques africaines que les numismates attribuaient à la seule Sicile les premiers monnayages de bronze de Carthage. En effet, la facture et l’iconographie de ces monnaies rappellent de très près les émissions des cités grecques de Sicile. L’appellation de « monnayages siculo-puniques », si elle correspond à une nécessaire prudence est donc aussi un moyen de définir le milieu dans lequel prend naissance le monnayage de Carthage.
2On a souvent souligné le « retard » avec lequel cette cité adoptait l’économie monétaire. Les premières monnaies de bronze issues de l’atelier de Carthage, celles qui jouent un rôle réel dans les échanges quotidiens en Afrique, n’auraient été émises que dans la première moitié du ive siècle av. J.-C. Longtemps les numismates s’étaient montrés encore plus « pessimistes » puisque G.K. Jenkins proposait de faire débuter ces mêmes monnayages vers 300 av. J.-C.1. On peut y voir un attachement profond de Carthage à une tradition d’échanges qui se passe fort bien de monnaie. Cette dernière, on le sait, n’est pas toujours indispensable aux transactions à grandes distances non plus qu’aux échanges quotidiens. De nombreuses médiations, lieux de marchés, intermédiaires divers, y suppléent facilement. L’adoption de la monnaie, par les Puniques de Sicile d’abord, Carthage ensuite, est donc, semble-t-il, le résultat d’un ensemble de phénomènes « d’acculturation » volontaires ainsi que d’une double nécessité pratique. Il fallait bien disposer d’un moyen de paiement pour les mercenaires grecs, habitués à la monnaie, que Carthage employait en Sicile. D’autre part la concurrence commerciale accrue des Grecs faisait qu’on ne pouvait plus leur laisser l’avantage du souple instrument d’échange différé que constituait la monnaie. Dans ce processus, la Sicile a évidemment joué un rôle essentiel comme lieu d’expérimentation. Pour Carthage, il s’agissait aussi d’y affirmer sa domination politique en s’intégrant, après d’autres cités puniques de l’ïle, aux systèmes d’échanges locaux. En ce sens, la monnaie montre des liens étroits entre Carthage et cette zone italo-sicilienne qui atténuent l’image d’un affrontement entre blocs monolithiques que l’on peut avoir par une approche uniquement littéraire des faits. Cette adoption de la monnaie se fait en étapes successives dont la première est la frappe par les cités puniques de Sicile, de monnaies inspirées de modèles grecs2. L’émission de monnayages par Carthage en Afrique, n’est donc qu’une étape secondaire du phénomène, qui accompagne d’autres faits d’acculturation, comme l’adoption du culte de Déméter.
Les premières émissions de Carthage : les tétradrachmes de Sicile
3Les premières monnaies émises au nom de Carthage sont des tétradrachmes frappés à partir de 410. Nous n’y ferons qu’une allusion, car ils ont été largement étudiés et ne relèvent pas de l’histoire monétaire proprement africaine. Ils forment un groupe très différent des émissions carthaginoises produites en Afrique et sont attribués à des ateliers puniques de Sicile, même si certains numismates donnent à celui de Carthage les exemplaires qui portent la légende qrtḥdšt3. Nous pensons plutôt, à la suite de L.I. Manfredi, que cette légende indique davantage l’autorité émettrice au sens large que l’atelier lui-même, qui devait se situer en Sicile. Tous ces tétradrachmes ont suscité une très abondante bibliographie autour de questions très complexes de datation, d’attribution et d’épigraphie monétaire qui relèvent davantage de la numismatique grecque de Sicile que d’un contexte purement africain. Rappelons-en rapidement quelques traits essentiels, utiles à notre propos.
4D’un point de vue métrologique, ils suivent l’étalon attique en vigueur à Syracuse et non le shekel qui sera utilisé à Carthage pour les émissions d’or. Leur iconographie reste également très tributaire des modèles siciliens, car si quelques thèmes sont d’inspiration sémitique, comme l’effigie d’une déesse à tiare, ou Melqart qu’il faut reconnaître derrière son avatar grec hérakléen, c’est bien une Aréthuse syracusaine coiffée de roseaux qui a servi de modèle à bon nombre de ces émissions. De même, le cheval qui figure au revers de ces monnaies, qu’il soit au pas, au trot, couronné d’une victoire, accosté d’un palmier ou limité à un buste, rappelle stylistiquement des modèles siciliens.
5Le contexte d’émission de ces monnaies reste très débattu, à partir, notamment de leurs légendes. Si certaines mentionnent tout simplement le nom de l’autorité émettrice en général, qrtḥdšt, d’autres font allusion plus directement au camp, mḥnt, à l’armée ou à une assemblée de citoyens sous les armes, <mmḥnt, ou encore à des trésoriers dont la fonction précise ne peut être déduite de leur titre : mḥšbm. Ces légendes ont été abondamment et diversement commentées. Si, à défaut de s’en tenir à une sèche mais prudente traduction des termes puniques, on veut tenter de retrouver la logique qui les unit ainsi que le contexte précis auquel ils font allusion, on peut suivre les réflexions de L.I. Manfredi, tout en gardant à l’esprit leur aspect purement hypothétique. Pour schématiser son propos, développé en plusieurs publications, rappelons que L.I. Manfredi propose de situer ces frappes en deux étapes, 410 et 350-289 av. J.-C., dans un contexte à la fois militaire et religieux. Aux premières émissions caractérisées par l’apposition du nom de Carthage, qrtḥdšt, et de la mention du camp, mḥnt, succèdent des frappes comportant les légendes <mmḥnt, š <mmḥnt et ršmlqrt. L’effigie de Melqart et la légende ršmlqrt seraient une allusion au temple local de cette divinité punique, sanctuaire qui aurait joué un rôle régional non seulement religieux, mais aussi économique et politique. C’est donc tout naturellement que ce temple aurait assumé la frappe des monnaies nécessaires aux troupes puniques de Sicile par l’intermédiaire d’un corps « d’eletti di Melqart », rš-mlqrt, jouissant d’une citoyenneté particulière. La référence au « peuple du camp », <mmḥnt, refléterait l’exercice de la citoyenneté au sein de l’armée en campagne, la mention des « comptables », mḥšbm, intervenant pour un simple recensement des émissions auparavant légitimées par la mention des citoyens et du temple4. Quoi qu’il en soit, sanctuaire ou non, ces légendes monétaires placent les émissions dans un contexte militaire sicilien et non africain. Leur fonction économique reste celle de thésaurisation ou de transfert hors du domaine punique d’une quantité appréciable de richesse, en l’occurrence le financement d’une campagne militaire, en particulier par la paye de mercenaires. Tout cela reste loin de ce qui fait l’objet de notre étude.
Les premiers monnayages d’or
6Le monnayage d’or débute vers 390-360 av. J.-C. avec des monnaies frappées en tout petit nombre, selon l’étalon punique, le shekel de 7,6 g et dont l’incidence sur les échanges dut être négligeable (no 1-3)5.
7En revanche, l’ensemble des émissions d’or suivantes (no 4-14), correspond à une production massive, reflet une période de très grande influence de Carthage. L’étude des coins utilisés pour la frappe des monnaies no 4 montre qu’il s’agissait là de l’une des émissions d’or les plus abondantes du ive siècle méditerranéen, attestant l’existence à Carthage de stocks d’or particulièrement importants6. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ces monnaies no 4, et les suivantes également, dans plusieurs trouvailles effectuées en Sardaigne, Sicile et Afrique7. Ce sont ces trouvailles et des analyses stylistiques qui ont par ailleurs permis d’assigner le début de cette production aux années 350 av. J.-C. et d’établir une chronologie relative de l’ensemble de ces émissions jusqu’à leur fin que l’on place vers 270 av. J.-C., un peu avant le début de la première guerre punique8. Chronologiquement, les plus anciennes de ces monnaies d’or (no 4-11) ont été frappées parallèlement à certains des tétradrachmes évoqués plus haut, mais s’en distinguent radicalement, comme on le verra, par l’iconographie. Au même moment, Carthage émet donc en Afrique une monnaie d’or totalement différente des frappes d’argent qu’elle fait exécuter en Sicile. Ces différences de lieu d’émission et de style sont significatives d’une époque où Carthage n’a pas encore achevé l’unification de son système monétaire.
8G.K. Jenkins voyait dans cette dualité d’ateliers le résultat d’une double provenance des métaux précieux, méditerranéenne pour l’argent, tandis que l’or serait venu d’Afrique noire par les côtes marocaines9. Selon une opinion traditionnelle, en effet, ce métal serait arrivé d’Afrique de l’Ouest par voie maritime jusqu’à Carthage. Cette légendaire route de l’or a même servi à J. Carcopino de base à une célèbre interprétation du Périple d’Hannon comme récit volontairement truqué par les Puniques pour éviter que leurs concurrents ne les suivent le long de ces côtes de l’Afrique occidentale10. Toutefois, J. Desanges, avec des arguments très convaincants, a remis en question cette voie maritime ainsi que l’ampleur des importations d’or africain11. L’or de Carthage venait peut-être en partie de là surtout par voie terrestre, mais de toutes façons en quantités réduites puisque les Romains ne semblent pas avoir repris ce commerce. Il faut donc certainement envisager aussi d’autres provenances. En dehors de l’or qui faisait partie du butin pris sur les Grecs de Sicile, ou qui pouvait s’obtenir plus pacifiquement par le commerce inter-méditerranéen, l’Espagne fut certainement le pourvoyeur essentiel. Les excellents travaux de C. Domergue sur les mines d’Espagne dans l’Antiquité ont bien mis en évidence l’ancienneté et la diversité de cette exploitation de l’or ibérique dès l’époque pré-romaine12. Les Carthaginois ne l’ont sans doute pas directement contrôlé avant l’époque barcide mais y avaient certainement accès, comme d’ailleurs à l’argent, par l’intermédiaire gaditain.
9Ce n’est donc pas une différence de provenance des divers métaux qui explique la dualité des ateliers, mais une différence de contexte d’émission, les frappes d’argent se faisant dans un but militaire en milieu sicilien, les émissions d’or ayant une vocation plus largement commerciale, ce qui explique leur métrologie fondée sur la compatibilité des systèmes.
10Cette dualité se retrouve en effet dans la métrologie des monnaies de métal précieux : les frappes d’argent siciliennes suivent l’étalon euboïco-attique de Syracuse, tandis que toutes les monnaies d’or sont émises selon la métrologie du shekel de 7,6 g, avec ses subdivisions habituelles et d’autres, plus surprenantes, qui s’expliquent par les nécessités d’une convertibilité facile avec la drachme d’argent. On remarque aussi, entre les années 350 et 270 av. J.-C., une dégradation progressive de l’aloi des émissions qui diminue progressivement, passant de 80-100 % d’or à moins de 40 %, ce qui rend extrêmement délicate l’appréciation de leur valeur relative à l’argent13. Il serait intéressant de connaître les raisons et les étapes précises de cette évolution de l’alliage, et, bien sûr, de pouvoir les relier aux faits connus de l’histoire carthaginoise. Les éléments manquent encore pour le faire.
La mise en place de l’iconographie monétaire punique
11Dès les les deux premières émissions d’or à Carthage, on voit apparaître la remarquable fixité de thèmes iconographiques qui ne varieront plus désormais sur l’ensemble du monnayage punique africain que dans le détail et le style, et cela jusqu’à la fin de la cité. Il s’agit, au droit, d’un palmier parfois, mais le plus souvent de l’effigie d’une déesse couronnée d’épis. Au revers figure un cheval représenté aux diverses allures, ou un protomé de cheval. Il y a donc une très nette simplification des motifs iconographiques utilisés sur les tétradrachmes, et une quasi immobilisation des thèmes représentés. Si simples qu’ils paraissent, dans leur origine comme dans leur exécution, ces motifs restent parfois difficiles à expliquer précisément.
12Le thème du palmier se justifie très facilement. C’est un symbole de fécondité bien connu dans l’univers punique et sa présence sur les monnaies s’explique aussi par un calembour possible en Grec puisque « phoïnix » désigne à la fois le palmier et le Phénicien. Le symbole a donc simultanément une valeur religieuse interne à la civilisation punique et une valeur de signe de reconnaissance entre communautés, ce qui en fait un thème excellent pour figurer sur un moyen d’échange.
13Sur les revers, on pourrait à première vue justifier la présence du cheval par un épisode de la légende bien connue de la fondation de Carthage : Didon, cherchant le meilleur endroit pour installer le sanctuaire de la cité, choisit celui où l’on exhuma une tête de cheval, présage favorable pour la fondation d’une ville libre et puissante. La légende expliquerait que les monnayeurs puniques aient retenu comme modèle, dans l’iconographie numismatique syracusaine qui leur servait de référence, le thème du cheval. Ils se seraient ici contentés de simplifier l’image du quadrige surmonté d’une victoire, commun sur les prestigieuses monnaies de la ville sicilienne.
14Mais peut-on utiliser ainsi la légende comme une référence solide ? Les légendes de fondation de Carthage ne sont pas si simples, et à côté d’éléments sémitiques incontestables, se sont glissés des éléments hétérogènes, sans doute grecs, à valeur explicative14. Le nom même de « Byrsa » par exemple, si fondamental dans la légende de fondation, n’a pas reçu encore d’étymologie satisfaisante par le sémitique. Dès lors, le fonds légendaire étant peu sûr et mêlé d’éléments complémentaires grecs, on serait tenté de suivre S. Gsell lorsqu’il suggérait que ce n’était pas la légende qui expliquait les monnaies, mais la présence d’une tête de cheval sur les monnaies de Carthage qui aurait suscité certains épisodes de la légende15 ! On serait même enclin à prolonger le raisonnement de S. Gsell : le nom si mystérieux de « Byrsa », inexpliqué par le sémitique, non attesté par les sources épigraphiques puniques en tant que quartier de Carthage, ne pourrait-il tout simplement venir d’une mauvaise interprétation par un historien grec de l’inscription figurant sur des monnaies puniques de Sicile : b>rṣt, signifiant « (monnaie frappée) dans les territoires (dépendant de Carthage) » ? Il ne s’agit bien sûr ici que d’une pure hypothèse16.
15Si l’on écarte l’explication de la présence du cheval sur les monnaies puniques par une référence à la légende de fondation, il reste à explorer l’hypothèse d’une valeur religieuse du motif. On l’a relié aux divinités maritimes solaires et guerrières, ou plus précisément au dieu de la guerre Hadad17. Ces hypothèses sont séduisantes, et chacune peut s’appuyer sur de nombreux arguments sans pouvoir être prouvée, nous ramenant à des constatations d’évidence. Comme dans le cas du palmier, on doit envisager pour un motif d’iconographie monétaire, une signification commune à l’émetteur et aux divers destinataires. Dans ces conditions, le motif du cheval étant emprunté à un thème syracusain de victoire, c’est sans doute également en ce sens qu’il est récupéré par les Puniques. Par la suite on saisit bien que le motif se connote d’éléments qui inscrivent cette victoire dans un univers mental et religieux ainsi qu’une symbolique puniques, mais sans que l’on puisse préciser l’analyse.
16Au droit des monnaies puniques, on remarque presque invariablement une effigie féminine, coiffée d’épis de blé, et ornée parfois d’un collier simple ou à pendentifs, et de boucles d’oreilles tantôt réduites à un simple anneau, tantôt plus complexes. Quelle est la divinité ainsi représentée ? La Déméter grecque ou la Tanit punique ? La réponse à la question posée telle quelle est évidemment difficile à donner ; mais faut-il justement raisonner de manière si abrupte, compte tenu de la fréquente et consciente polyvalence de l’iconographie monétaire antique ? La divinité figurée perdurera sans partage sur l’ensemble du monnayage punique des origines à la date de destruction de la cité. Il y a donc toutes les chances pour qu’on puisse y voir une divinité poliade. Comme par ailleurs l’épigraphie punique de Carthage cite constamment la « Dame » Tanit en premier lieu parmi les divinités, il est vraisemblable que l’effigie des monnaies a représenté, de manière générale, cette déesse nommée Tanit. Ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que cette représentation de la déesse soit la seule possible ni, inversement, que cette représentation reste l’apanage de Tanit. Si l’on peut se permettre de chercher un parallèle ultérieur à cette adéquation iconographique, malgré la distance chronologique, on remarquera sur les monnayages de la province romaine d’Afrique une Junon couronnée d’épis, spicifera, qui n’est sans doute autre que Junon Caelestis, l’héritière de Tanit18. Ce jeu d’équivalences iconographiques nous autorise sans doute à dénommer effigie « de Tanit » celle qui apparaît sur les monnaies puniques. Cela ne doit pourtant pas masquer une réalité plus complexe. L’identification admissible de l’effigie avec Tanit par le biais du thème de la fécondité n’est pas exclusive d’une identification avec Déméter dont le culte est introduit à Carthage en 396 av. J.-C. Le thème central de la fécondité, autour duquel s’effectue l’emprunt iconographique aux monnayages siciliens, permettait au Punique de reconnaître dans l’effigie aussi bien la traditionnelle Tanit que Déméter, nouvelle venue à Carthage, tandis que pour les Grecs c’est naturellement Déméter qui était figurée. La monnaie, ici, n’est pas seulement un instrument d’échange financier, mais aussi, par l’iconographie, un lieu et un moyen d’échange et de syncrétisme culturels. Vouloir trop précisément « identifier » telle ou telle divinité au droit des monnaies puniques ne correspond peut-être pas du tout à une mentalité accueillante aux syncrétismes et qui paraît avoir bien admis que des attributions semblables se retrouvent chez des dieux différents. Quoi qu’il en soit, l’identification de l’effigie avec Tanit étant possible, c’est le nom de cette divinité poliade que nous utiliserons dans les descriptions monétaires19.
17L. Müller distinguait parmi les diverses effigies de la déesse des têtes au profil « plus matronal », aux cheveux retroussés par derrière, et des têtes plus « gaies et virginales », avec les cheveux retombant sur le cou. Cette distinction n’implique pas qu’il s’agisse de deux divinités, mais relève tout simplement de différences de gravure ou de mode. H.R. Baldus a bien montré, en effet, l’existence d’un style plus classique et d’un autre plus hellénistique et cela même s’il paraît difficile de le suivre dans l’interprétation politique qu’il donne du phénomène20.
18Sur une partie des tétradrachmes apparaissait l’effigie d’Héraklès derrière lequel il fallait, bien sûr, reconnaître, outre l’Héraklès grec, le Melqart de Tyr auquel les Carthaginois ont longtemps rendu hommage par des offrandes annuelles portées en son sanctuaire tyrien21. On sait que ce dieu, à Carthage, cède la primauté à Baal Hammon et à sa parèdre Tanit, et cela même si l’onomastique théophore lui donne toujours une place très importante. Ce rôle secondaire semble bien illustré par son absence des monnayages puniques émis à Carthage même. Il ne réapparaîtra sur les monnaies qu’avec les émissions produites par les Barcides en Espagne à la veille de la seconde guerre punique. Sa personnalité s’est alors évidemment enrichie, pour les Barcides, de la fonction hérakléenne de protecteur des généraux hellénistiques victorieux.
Les premières monnaies de bronze (no 15-17a) : Tanit/Cheval galopant
19La date d’apparition des premières monnaies de bronze à Carthage reste controversée, se déplaçant, suivant les numismates, du début à la fin du ive siècle. Les éléments manquent pour une datation sûre, mais la tendance est actuellement à remonter vers le début du siècle l’apparition des premières émissions de bronze22. Elles seraient ainsi à peu près contemporaines des premières frappes d’or et postérieures aux premières émissions de tétradrachmes.
20La partie la plus ancienne des monnayages de bronze émis par Carthage jusqu’au début de la première guerre punique a souvent été attribuée à la Sicile et rangée pour cela parmi le monnayage « siculo-punique ». On hésitait plus précisément entre une attribution aux Grecs ou aux Puniques de l’île et plusieurs propositions d’ateliers avaient été faites. Les catalogues, de manière générale, ne penchaient guère, de toutes façons, pour une attribution africaine23. Et il en était de même pour une seconde partie, plus récente, de ces monnayages antérieurs à 241 av. J.-C., ceux que nous étudierons dans le chapitre suivant. Ces derniers étaient attribués à la Sardaigne. Il fallait donc admettre l’idée que durant plus d’un siècle après la frappe des premières monnaies d’or à Carthage même, la cité n’avait jamais émis de monnaies de bronze sur son territoire africain. Et ce ne serait qu’au bout de plus d’un siècle d’utilisation effective de monnaies de bronze d’origine sicilienne ou sarde dans les petits échanges à Carthage que l’on se serait décidé à entériner le fait en frappant sur place un numéraire équivalent. Même si Carthage a été réticente à adopter l’économie monétaire, elle aurait ensuite fait preuve d’une singulière lenteur à maîtriser un nouvel état de fait, ce qui ne lui ressemble pas.
21Il faut donc donc revoir une position traditionnelle qui repose surtout sur une grande disproportion entre les données archéologiques siciliennes et africaines. Il en résulte un déséquilibre qui tend à privilégier d’autant le rôle de la Sicile dans l’émission de ces premières monnaies, même si la tendance est actuellement à réévaluer le rôle de Carthage24.
22Ce n’est pas uniquement la vraisemblance qui y engage. Ces frappes (no 15-17a) portent au droit une effigie, sans doute de Tanit, que sa facture peut parfois faire prendre pour une effigie virile dénommée alors, faute de mieux, « tête de Triptolème25 ». Le motif du revers est celui du cheval au galop. Ces monnaies se subdivisent en deux grands groupes : l’un à flan globulaire no 15-17, l’autre à flan biseauté no 15a-17a. Si l’on essaie de reconnaître au sein de ces groupes, et en particulier du second, des espèces divisionnaires d’après le module, il nous semble que l’on peut distinguer trois divisions. La plus haute comporte des monnaies allant de 14 à 21 mm. L’écart peut sembler important pour une même division, mais nous n’avons pu y distinguer de seuil critique indiquant un changement d’espèce divisionnaire. En revanche, tant pour des raisons de taille du motif iconographique que d’épaisseur du flan, un seuil semble se trouver à 13 mm. On aurait alors une seconde espèce divisionnaire, puis, selon les mêmes critères, une plus petite division de 10-11 mm.
23C’est cette plus petite division qui peut fournir des indications d’origine. On sait que les espèces divisionnaires inférieures d’un système sont, de façon générale, celles qui s’éloignent le moins de leur lieu d’émission. Or si les monnaies de 10-11 mm ne se rencontrent pas dans l’abondante trouvaille maltaise de Mqabba par exemple, on en a retrouvé aussi bien parmi le petit nombre de monnaies recueillies dans les fouilles de Kerkouane ou de Carthage que par dizaines dans les réserves du musée de Carthage. Il y avait donc vraisemblablement un atelier à Carthage, même si celui-ci n’était peut-être pas le seul.
24Peut-on justement distinguer le travail de divers ateliers ? On a fait allusion à deux groupes : l’un à flan globulaire, l’autre à flan biseauté. Mais s’agit-il d’une différence d’origine26 ? Il faudrait attendre une étude de répartion des trouvailles pour le dire. S’agit-il plutôt d’une évolution chronologique ? Dans ce cas les émissions globulaires pourraient être les plus anciennes On peut donc conclure à l’existence certaine d’un atelier carthaginois pour ces monnaies, sans exclure pour autant que d’autres aient eu parallèlement une production similaire. La facture parfois maladroite des monnaies no 24, par exemple, peut faire penser à un monnayage d’imitation de localisation et de chronologie indéterminées.
25La métrologie des premières monnaies puniques de bronze est restée longtemps incertaine. Déjà L. Müller avouait sa perplexité, en remarquant tout de même l’importance particulière du module et de la taille du motif dans la distinction des diverses espèces divisionnaires du monnayage punique27. On aura l’occasion de revenir sur ce point à propos de certaines monnaies numides et maurétaniennes, mais nous avons déjà utilisé ces critères pour proposer une répartion en trois divisions des monnaies no 15-17. Ces critères de dimension du flan et du motif n’empêchent évidemment pas l’existence d’un étalon de référence à l’origine, et le poids moyen de 5,5 g. des monnaies no 15 permettrait de les relier à un étalon dénommé « micro-asiatique28 ». Il semblerait donc que les premières émissions de bronze de la Carthage punique n’aient pas été frappées selon le même étalon que les monnaies d’or. Il faudra attendre le iiie siècle pour que l’utilisation du shekel se généralise en s’étendant aux trois métaux.
Les parallèles espagnols
26À peu près au moment où la monétarisation gagne l’Afrique du Nord du côté de Carthage, à l’autre extrémité du domaine contrôlé par cette cité, le même phénomène apparaît en Espagne du Sud. Vers la fin du ive siècle, ou le début du iiie, on voit effectivement apparaître en Péninsule ibérique les premiers monnayages de bronze dans les trois principales villes phénico-puniques de la région : Gades, Ebusus et Malaca29. Et même si les incertitudes chronologiques incitent à la prudence, la simultanéité est ici vraisemblable aux deux extrémités de la zone méditerranéenne contrôlée par Carthage, dans les villes principales, sous l’influence des Grecs les plus proches de chaque région. Carthage, peut-être en vertu de son rôle prépondérant dans le monde sémitique occidental, a inauguré la frappe des monnayages d’argent et d’or à vocation plus largement « internationale », mais lorsque, franchissant une nouvelle étape dans la monétarisation, elle se dote d’un monnayage de bronze, certaines autres villes suivent son exemple en émettant leurs premières monnaies de bronze à usage interne.
27Ce n’est que plus tard, sans doute un peu avant le débarquement d’Hamilcar en 237 av. J.-C. pour les plus anciennes, qu’apparaîtront les monnaies d’argent des cités sémitiques d’Espagne. Ces monnaies semblent obéir à un étalon que l’on retrouve par ailleurs dans les villes grecques d’Emporion et de Rhodé. Il s’agit d’une unité de 4,80 g, qu’à défaut de mieux, et compte tenu du fait qu’elle paraissait spécifique de la région, on a nommée « étalon ibérique ». Faute de parallèles dans les monnayages grecs qui auraient pu servir de modèles, on est amené à penser à un étalon de compromis permettant une conversion commode entre deux autres systèmes métrologiques. Parmi les diverses possibilités, on peut envisager un compromis entre la drachme phocéenne de 3,75 g et l’étalon phénicien tel qu’il est utilisé par les Puniques en Péninsule ibérique, c’est-à-dire un shekel léger de 7,20 g. Ainsi l’étalon ibérique correspondrait à 2/3 de shekel aussi bien qu’à 5/4 de drachme phocéenne. S’il en est bien ainsi, cet étalon ibérique refléterait bien les échanges commerciaux qui se sont établis dans la Péninsule entre Phocéens d’Emporion et Rhodé d’une part, Phéniciens et Puniques d’Espagne de l’autre30.
28Métrologiquement, on peut remarquer certaines similitudes entre tous les monnayages de bronze puniques, tant africains qu’espagnols. Comme à Carthage, nous trouvons à Gades, par exemple, un système comportant trois divisions, l’une de 14-18 mm, l’autre de 12-13 mm, et la troisième de 10-11 mm. Pour ces monnayages, C. Alfaro Asins, qui leur a consacré une étude fondamentale, propose une identification avec une métrologie utilisée plus tard par les Barcides en Espagne. Cette métrologie, bien établie par L. Villaronga, repose sur une unité de 8-9g. L’espèce divisionnaire gaditaine de 18-14 mm, avec son poids moyen de 4,5 g correspondrait à la moitié de cette unité31. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, on ne peut, sans doute, considérer comme une pure coïncidence les similitudes de modules ainsi que l’identité du nombre des espèces divisionnaires des premiers monnayages de bronze de Carthage et de Gades. Et cela même si la différence pondérale entre les espèces supérieures des deux systèmes ne plaide pas en faveur d’une identification absolue.
Le monopole monétaire de Carthage
29On envisage communément les frappes puniques d’Afrique comme si Carthage s’était arrogé une sorte de monopole au détriment des autres cités de la région. Comment les connaissances actuelles permettent-elles d’envisager la question ?
30Rappelons d’abord l’absence de sources écrites qui permettraient d’établir explicitement l’existence en Afrique d’ateliers autres que Carthage. Les documents numismatiques, pour leur part, ne permettent pas encore de déterminer, par des études de circulation monétaire précises, l’activité éventuelle de plusieurs ateliers en terre africaine. L’étude stylistique, la seule possible pour l’instant, serait ici méthodologiquement insuffisante à elle seule. Nos connaissances sont donc largement sujettes à caution. En l’état actuel de la réflexion, il semble bien que, parmi toutes les cités de l’empire punique, Carthage fut la seule à frapper des monnaies d’or, si l’on excepte les rares émissions de l’Espagne barcide32. De même, si des villes puniques, ou sous obédience punique, de Sicile ont frappé de grosses divisions d’argent, le mouvement reste très limité dans les autres cités du monde punique. Il n’y a guère que Gades, Ebusus et dans une mesure très modeste Malaca qui peuvent, à partir du milieu du iiie siècle en faire autant avec de petites divisions d’argent33. Et cela dans une perspective tout à fait régionale comme on l’a vu.
31En ce qui concerne la monnaie de bronze, son cas semble différent, car les monnayages qui se développent dans les trois villes d’Espagne mentionnées sont assez abondants pour que l’on puisse parler d’une véritable et totale autonomie régionale au sens où les émissions sont organisées localement et paraissent suffire quantitativement à la circulation dans les cités émettrices. Leur triple fonction économique, politique et culturelle s’élabore selon des normes locales.
32Tous ces éléments sont en concordance avec ce que l’on croit percevoir par ailleurs du rôle de Carthage dans sa sphère d’influence en cette fin de ive siècle. Non seulement elle en a pris la direction militaire, mais elle a, dans une certaine mesure, fermé le détroit de Gibraltar dont elle contrôle, de manière générale, sévèrement les accès sauf en de brèves périodes de souplesse. Cette fonction militaire que s’arroge Carthage au sein d’une zone bien gardée par les bastions sicilien, sarde et baléare, est doublée d’une fonction commerciale bien précise. Carthage se réserve, en effet, le monopole des plus importantes transactions entre cette chasse gardée et le reste du monde méditerranéen. Le monopole de la monnaie d’or est tout à fait significatif de ce rôle de redistribution que la cité s’est assuré par sa puissance militaire.
33Cela n’empêche évidemment pas les échanges régionaux intercommunautaires à la périphérie de cet ensemble. Ainsi, si l’Afrique du Nord centrale et occidentale ne frappe guère de monnaies et continue de vivre selon des systèmes d’échanges pré-monétaires qui ne nous sont pas encore perceptibles, en revanche, aux différents points de contact avec le monde grec, les échanges politiques, commerciaux et culturels amènent l’adoption de la monnaie, que ce soit en Sicile même, ou en Espagne. Carthage ne pouvait guère contrôler ces échanges locaux dont les monnayages gaditains et ébusitains sont le reflet. Il est en revanche significatif qu’Utique, pourtant mentionnée parmi les alliés de Carthage dans un traité de paix romano-punique et par ailleurs incluse dans une zone largement monétarisée, n’ait pu, jusqu’au iie siècle, frapper monnaie en son nom propre. De même, la Tripolitaine, dont l’accès était jalousement préservé par les traités romano-puniques, facile à contrôler, semble n’avoir connu ses premières frappes qu’à la fin du iie siècle. En somme Carthage n’a toléré de monnayages d’intérêt local qu’aux franges difficilement contrôlables de son empire : en Sicile où les nécessités du contact avec l’hellénisme et le souci de ménager des cités susceptibles de changer de maîtres ne pouvaient être négligés, et en Espagne où les vieilles traditions commerçantes et culturelles de cités phéniciennes plus anciennes que Carthage elle-même, comme Gades, devaient s’accommmoder assez mal de la tutelle, même indirecte jusqu’aux Barcides, de Carthage34.
34Si l’étalon « ibérique », compromis entre les systèmes phocéen et phénicien, était l’aspect métrologique de ces autonomies locales, l’iconographie des monnaies de Gades, Ebusus et Malaca est tout aussi significative. Sur les monnaies gaditaines on trouve, en effet, l’effigie du dieu phénicien Melqart sous les traits de l’Héraklès grec. Des fusions iconographiques très anciennes et des similitudes fonctionnelles avaient permis de longue date des assimilations entre les deux divinités. Or il est intéressant d’opposer ici l’iconographie des monnaies de Carthage d’où Melqart disparaît rapidement pour laisser la place à Tanit, Déméter ou Corè et celles de Gades où le dieu tyrien restera figuré jusqu’à l’extinction, sous Auguste, des monnayages gaditains. L’importance du culte de Melqart à Gades y est bien évidemment pour beaucoup, même si absolument rien ne prouve qu’il s’agisse d’un monnayage émis dans le cadre du temple. Mais il faut souligner la marque d’indépendance à l’égard du panthéon de Carthage qui s’affirme ainsi. De la même façon, la présence du dieu Bès à Ebusus ou d’un dieu à tiare non identifié à Malaca constituent des originalités marquantes par rapport au monnayage de Carthage dont la tutelle était certainement davantage subie que souhaitée.
Les autres émissions siculo-puniques de bronze
35Nous n’avons jusqu’ici traité, pour l’Afrique, que des premières émissions puniques de bronze, celles au revers du cheval galopant (no 15-17a) en envisageant quelques aspects de leur métrologie et de leur iconographie. Mais ces premières émissions ont été accompagnées et suivies de plusieurs autres. L’une des difficultés majeures était d’établir la chronologie relative de tous ces monnayages « siculo-puniques » de bronze. Une excellente étude menée par L.I. Manfredi, a permis d’éclairer la question à partir de l’examen minutieux et systématique des surfrappes, fréquentes à cette époque de mise en place du monnayage punique35.
Les monnaies no 18 : Tanit/cheval accosté d’un palmier
36Tout aussi abondantes que les précédentes auxquelles on les relie de très près, ces monnaies se retrouvent dans la même aire de circulation. Il semble que l’on ne doive pas envisager un remplacement immédiat des unes par les autres. Il se pourrait que les premières monnaies no 18 au cheval flanqué du palmier aient circulé concurremment avec les dernières monnaies au cheval galopant36, peut-être celles qui ont été frappées sur un flan aux rebords biseautés (no 15a-17a). En effet, cette technique caractérisera progressivement l’ensemble des émissions puniques de bronze. La métrologie de ces nouvelles monnaies au cheval accosté d’un palmier n’est pas plus certaine que celle des frappes antérieures au cheval galopant. Il pourrait s’agir d’une métrologie de compromis assurant une transition entre les monnaies antérieures et l’utilisation ultérieure du shekel37. Ce serait donc un jalon important vers la généralisation aux trois métaux de l’utilisation de la métrologie punique. Cela étant, il ne faut pas perdre de vue un point important sur lequel nous reviendrons souvent. L. Müller avait eu, par découragement devant la complexité de la métrologie punique, l’intuition que le module des monnaies avait un rôle essentiel dans la détermination de la valeur relative des monnaies de bronze. Et il est certain qu’avec l’usure consécutive à une longue circulation, ce critère de distinction de la valeur faciale par le module demeurait le seul que retenaient les usagers d’une masse monétaire de plus en plus diverse à mesure que les nouvelles émissions s’ajoutaient aux anciennes non démonétisées. Lorsque nous parlons de « métrologie », il faut donc bien distinguer deux choses : d’une part une métrologie que l’on pourrait appeler « théorique », qui détermine autoritairement les étalons et les alois de référence, et d’autre part une métrologie « pratique », celle qui est établie par les utilisateurs et qui donne avec l’usage et en fonction de critères complexes d’ordre économique mais aussi psychologiques, entre autres, une autre valeur aux monnaies. On peut assez aisément retrouver la métrologie « théorique » des monnaies, intéressante pour l’histoire des autorités émettrices, tandis que la seconde, la métrologie « pratique », beaucoup plus souple, nous échappe plus facilement. Elle est pourtant d’une importance capitale, car c’est elle qui modifie la valeur des monnaies de bronze en fonction du frai, qui détermine l’évolution de la valeur d’une monnaie argentée à mesure qu’elle perd cette argenture.
37Pour en revenir à la métrologie des monnaies au cheval accosté d’un palmier (no 18), il est fort possible, qu’indépendamment de leur métrologie théorique de départ, elles aient ensuite, compte tenu d’un module semblable de 14-18 mm, servi de monnaie divisionnaire équivalente aux émissions antérieures ornées du cheval au galop (no 15). Et cela dès que Carthage commença à émettre en grandes quantités des espèces divisionnaires de bronze de valeur libératoire plus élevée.
38Nos monnaies no 18 se retrouvent en abondance dans la région de Carthage même, ainsi qu’en Sicile-Sardaigne, et en quantités moindres en Espagne. Le volume des émissions et la diversité du style de l’effigie de Tanit indiquent sans doute une pluralité d’ateliers38.
39Même si le critère stylistique reste en partie subjectif et invite donc à la prudence, G.K. Jenkins avait noté des similitudes patentes dans le traitement de l’effigie de Tanit sur nos bronzes et sur les monnaies d’or contemporaines assignées à Carthage. L’origine carthaginoise d’une partie au moins des émissions de bronze est donc certaine39.
Émissions d’origine controversée : Sicile ou Afrique (no 19, 23 et 25)
40Un certain nombre d’émissions monétaires « siculo-puniques » peuvent être rapprochées des monnaies au revers du cheval accosté d’un palmier. Nous les mentionnons brièvement car elles ont été émises en nombre infiniment moindre, et surtout leur origine africaine est soit peu vraisemblable, soit encore incertaine Il s’agit d’abord d’une série de même iconographie mais d’un style très différent, plus maladroit (no 25), que G.K. Jenkins propose, sous réserves, d’attribuer à la Sardaigne40. On la retrouve, rarement, en Tunisie. C’est en revanche à des ateliers siciliens qu’il propose d’attribuer deux autres séries : l’une ornée d’un palmier et d’un Pégase (no 23), l’autre marquée au droit d’une tête masculine flanquée de deux épis et au revers d’un cheval galopant (no 19)41. La première est rare en Tunisie et son origine sicilienne paraît à peu près certaine. La seconde se retrouve parfois en Tunisie, tant sur les sites côtiers (Cap Bon), qu’à l’intérieur des terres (Thuburbo Majus) mais cela ne suffit pas, en l’état actuel de la documentation, pour certifier une origine africaine par ailleurs possible. Quel est le dieu figuré sur ces monnaies no 19 ? G.K. Jenkins y voit Triptolème dont le culte était lié à celui de Déméter42. On peut aussi rapprocher cette effigie de celle d’un dieu couronné d’épis, peut-être un avatar de Melqart, qui apparaît sur des frappes puniques de Sicile datées de la deuxième guerre punique (voir infra, p. 107).
Les monnaies no 20 : Palmier/buste de cheval
41Avec ces monnaies, nous abordons le dernier grand ensemble de monnaies de bronze que nous avons inclus dans le groupe des monnaies « siculo-puniques ». Il s’agit, une fois encore, de monnaies frappées en très grand nombre et circulant essentiellement dans l’aire Afrique-Sicile-Sardaigne sans qu’aucun argument absolument décisif ne permette l’attribution à un atelier précis. Comme dans le cas des monnaies no 15 et 18, la tendance actuelle est toutefois à réévaluer la place de Carthage dans ces émissions. Comme le remarque P. Visona à propos d’une trouvaille maltaise, le nombre de ces monnaies retrouvées en Tunisie, supérieur à celui des occurrences siciliennes, plaide en faveur d’une origine africaine. Et cela même si quelques indices, comme une surfrappe sur une monnaie syracusaine qui aurait eu peu de chances de s’opérer en Afrique, ne permet pas d’exclure totalement l’hypothèse sicilienne. Au total, donc, P. Visona, malgré des différences stylistiques, l’emploi de deux types de flans distincts, globulaires et biseautés, penche pour l’activité d’un seul atelier, Carthage, sur une longue période, ce qui expliquerait à la fois les diversités et l’abâtardissement des émissions43. Pour leur chronologie, le même numismate propose les années 344-317 av. J.-C. à partir de l’analyse des surfrappes, des données de trouvailles et des liens stylistiques avec les monnayages d’or. Ces monnaies seraient donc des émissions massives destinées à prendre le relai des frappes au cheval galopant et au cheval accosté d’un palmier, qui ont d’ailleurs servi quelquefois de flan pour ces nouvelles émissions44. Leur métrologie pose de nombreuses difficultés. Il s’agit d’émissions très abondantes émises sur une longue durée sans véritable différenciation iconographique, ce qui rend très difficile la détermination d’une chronologie interne. De même, il est difficile de savoir si la coexistence d’exemplaires de grand module et de poids lourd avec d’autres exemplaires nettement plus réduits correspond à une échelle divisionnaire mal différenciée ou à la frappe de séries « lourdes » et « légères45 ». On ne saurait dans ces conditions proposer de conclusion métrologique assurée. À la différence d’une importante partie des émissions mentionnées jusqu’ici, on est frappé par la rudesse du style de nombre de ces monnaies no 20. À côté de très belles réussites stylistiques, on a parfois des motifs à peine ébauchés et une technique de frappe maladroite. Quoi qu’il en soit, ces monnaies, par l’ampleur de leur diffusion, ont joué un rôle très important dans la circulation monétaire des cités de l’Afrique punique orientale dans la seconde moitié du ive siècle.
Les monnaies no 21-22 : Palmier/cheval debout
42Il s’agit là d’émissions beaucoup plus réduites que les précédentes, et si on les rencontre parfois en Tunisie, G.K. Jenkins considère que leur attribution reste incertaine46. L’intérêt essentiel de ces monnaies tient au fait que nous avons pour la première fois dans le monnayage « siculo-punique » de bronze, deux espèces divisionnaires parfaitement différenciées par le poids, le module, et l’iconographie. Il y a là un nouveau signe d’une rationalisation du monnayage punique de bronze bien mise en évidence par les numismates italiens. L’espèce divisionnaire inférieure possède un module de 16-18 mm qui la met en situation d’équivalence avec toutes les monnaies précédentes pour le module. Elle est cependant plus lourde et son poids de 3,5 g peut correspondre à 1/2 shekel. La plus grande, que distinguent la position de la tête du cheval, droite et non tournée, ainsi qu’un caducée qui accoste l’animal, atteint, pour un poids de 7 g, un module de 20-22 mm que l’on retrouvera désormais couramment dans le monnayage punique et qui correspond à des monnaies que l’on assimile à des shekels de bronze. Ainsi, c’est avec ces monnaies que l’on verrait en fait une première utilisation bien perceptible du shekel pour le monnayage punique de bronze, avec des frappes correspondant à l’unité monétaire. Cela, sans doute, dans les années 300 av. J.-C.
La diffusion des monnaies « siculo-puniques » en Afrique
43Les études de circulation monétaire pour l’Afrique antique sont pour l’instant extrêmement réduites. À l’époque des premières fouilles, les archéologues étaient très peu sensibles au matériel numismatique, et la situation ne s’est guère améliorée jusqu’à des temps tout récents. Nous manquons donc de données suffisamment abondantes pour mesurer les étapes de la monétarisation du terrritoire africain de Carthage, et nous nous bornerons ici à quelques indications générales en attendant que la multiplication des publications ponctuelles permette un travail de synthèse qui soit réellement significatif.
44Pour cette première étape chronologique du monnayage punique en Afrique, on dispose des éléments généraux suivants : les principales émissions de bronze « siculo-puniques », soit les no 15,18, et 20 sont, on l’a dit, très abondantes en Tunisie. Elles sont en particulier communément attestées sur l’ensemble des sites côtiers, de Lepcis à Utique47. Il n’y a rien là d’étonnant : il est normal que, passant de Sicile à Carthage, la monétarisation se répande assez vite dans toutes les cités de la côte. Et il ne serait même pas surprenant que nous découvrions un jour l’existence d’ateliers secondaires dans l’une ou l’autre des principales de ces villes. En revanche, les indications manquent pour la côte Nord-orientale du Maghreb48 et surtout pour l’intérieur des terres. Des monnaies de bronze de cette époque ont été recueillies en Tunisie centrale par des touristes ou des propriétaires terriens, mais il est très difficile d’obtenir des indications d’origine précises pour ces monnaies de peu de valeur souvent acquises par hasard. Et il reste évidemment impossible de savoir, en l’absence de données stratigraphiques, lors même qu’on arrive à en connaître à peu près la provenance, si elles ont circulé sur place immédiatement après leur émission ou des décennies plus tard. D’après ces données à la fois vagues et précieuses, les premiers bronzes de Carthage sont exhumés communément dans la région du Fahs49, et beaucoup ont été achetés jusqu’à Sbeitla ou El Djem sans que leur provenance précise soit connue. Il est vraisemblable qu’on en retrouvera tout le long de l’axe de la Medjerda et de ses affluents : oued Mellègue, oued Siliana, et dans toutes les zones où une urbanisation punique a préfiguré la romanisation. Les premières fouilles effectuées sur le site de Zama (près de Siliana) laissent en effet entrevoir qu’elles ont pu circuler assez profondément dans l’arrière-pays de Carthage50. Elles constituent donc à la fois des vecteurs et des témoins importants de la punicisation du territoire de Carthage et d’une partie de la Numidie51.
45Les indications manquent pour la Numidie et la Maurétanie. Ces monnaies n’apparaissent pas en tant que telles dans le relevé effectué par P. Salama pour l’Algérie52 et semblent inconnues dans les fouilles marocaines53. Il faut d’ailleurs signaler que pour la rive Sud du détroit de Gibraltar, nous ne savons pas si cette absence est compensée dès cette époque par la présence de monnaies gaditaines qui y seront si communes plus tard. Il semble bien qu’à cette époque la partie occidentale de l’Afrique du Nord n’ait pas connu l’économie monétaire54.
Conclusion
46La première période du monnayage punique, celle que nous avons appelée « siculo-punique », se caractérise donc par la mise en place du système monétaire de Carthage. Les énigmes restent très nombreuses et beaucoup ne sont pas près d’être résolues, à commencer par la question de la chronologie des émissions. Si les tétradrachmes et les monnaies d’or se laissent assez bien dater par les trouvailles et les études comparatives, il n’en va pas de même du bronze où l’on en reste souvent aux hypothèses. La situation est la même pour la détermination des lieux de frappe : les ateliers sont dans l’ensemble connus pour les métaux précieux, mais l’imprécision demeure pour le bronze même si l’on a maintenant tendance à rendre à Carthage un rôle de plus en plus important. Quant à la métrologie une tendance au moins est évidente : le souci progressif de génétraliser l’emploi du shekel. Aux tétradrachmes de poids attique succèderont après 300 av. J.-C. des shekels africains d’argent que nous évoquerons au chapitre suivant ; l’or est émis selon cette même métrologie phénico-punique ; quant au bronze, après des hésitations qui aiguisent l’ingéniosité des numismates, il semble frappé lui aussi, vers la fin de la période envisagée ici, selon le shekel. On a donc, au total le sentiment d’un recentrage des émissions autour de normes puniques. On peut en dire autant de l’iconographie des monnaies : d’inspiration sicilienne au départ puisque l’effigie de « Tanit » comme le cheval ne sont que des modifications ou des simplifications de thèmes gréco-siciliens, elle finit par s’immobiliser dans une situation moyenne assez proche des modèles pour que la parenté reste évidente et en même temps suffisamment éloignée pour que l’on puisse parler d’un style iconographique punique propre.
47Cette ambiguïté qui est une des constantes de la civilisation punique en général n’est pas propre aux monnaies de la région de Carthage. À l’autre extrémité du monde punique, les monnaies d’Ebusus, par exemple, présentent l’image d’un dieu Bès bien attesté dans le panthéon phénico-punique, mais cette présence même atteste un fonctionnement grec de l’iconographie. En effet, il s’agit d’un calembour d’un type banal en numismatique grecque entre le nom du dieu et celui de la cité : >ybšm.
48On mesure ainsi, peut-être, le statut de la monnaie dans le monde punique à cette époque : un moyen d’échange rendu nécessaire par la coexistence avec les Grecs ou un engagement militaire contre eux, mais qui reste avant tout un phénomène d’emprunt qui s’impose lentement : Carthage n’appose pas son nom sur les émissions, imprime sa marque par un « style » plutôt que par une thématique originale. Il serait alors intéressant de mesurer les étapes de la monétarisation du territoire punique à cette époque, de voir les régions, les sociétés qui restent fidèles à d’autres systèmes d’échanges comme le troc à petite échelle ou l’utilisation du métal pesé sur les marchés ruraux, ou encore le fameux « troc à la muette » d’Hérodote (IV, 196) pour les transactions importantes sur la côte africaine.
Notes de bas de page
1 G.K. Jenkins, 1969, no 94-98. Bibliographie très abondante sur un sujet largement et régulièrement traité : voir les recensions successives de la « Rassegna di numismatica punica ». Pour la datation haute et un point de la question L.I. Manfredi, 1990/2, p. 93-96 sqq. La datation haute est généralement retenue dans les derniers catalogues en date.
2 Sur tous ces aspects, un point rapide de la question dans l’ouvrage collectif d’E. Acquaro, L.I. Manfredi et A. Tusa Cutroni, 1991, notamment p. 1-26 et 59-70.
3 Voir planche XIX, A. Pour les autres tétradrachmes, même pl., no suivants. Sur toutes ces émissions, très abondante bibliographie depuis G.K. Jenkins, 1971, 1974, 1977, 1978. Un point de la question : L.I. Manfredi, 1991, p. 11 sqq. et 1995, p. 11, 63, 151 sqq.
4 Abondante bibliographie. Surtout L.I. Manfredi, 1985, p. 55-60. Réserves méthodologiques de C. Bonnet, 1988, p. 268, note 106. En dernier lieu, L.I. Manfredi, 1995, p. 11 et 48 sqq.
5 Pour toutes les datations des monnayages d’or et d’électrum de ce chapitre nous suivons les propositions de G.K. Jenkins, 1963.
6 G.K. Jenkins, 1963, p. 25.
7 G.K. Jenkins, 1963, p. 55 sqq.
8 G.K. Jenkins, 1963, p. 26-34.
9 G.K. Jenkins, 1963, p. 26.
10 J. Carcopino, 1943, p. 73 sqq.
11 J. Desanges, 1978, p. 52-58.
12 C. Domergue, 1990, p. 75 sq., 159-160 et passim.
13 Sur ces points de métrologie, G.K. Jenkins, 1963, p. 13 sqq. et 25 sqq.
14 Sur les remaniements de la légende d’Elissa, voir J. Scheid et J. Svenbro, 1985, p. 328-342.
15 1913, I, p. 384, note 1. Les monnaies puniques à la tête de cheval accompagnée d’un palmier (type G.K. Jenkins, 1969, no 84) auraient suggéré le détail de la légende précisant que la tête de cheval aurait été exhumée au pied d’un palmier.
16 Voir notre article, 1991, p. 6-7. Les monnaies en question : G.K. Jenkins, 1963, pl. 16 et 27-2. Voir planche XIX, F.
17 Respectivement : J. Bayet, 1941 et G. Picard, 1954, p. 52-55 ; J. Ferron insiste sur l’aspect solaire, 1966, p. 41-59.
18 Voir infra, p. 284.
19 Les numismates hésitent sur l’identification de l’effigie. L. Müller, 1860, II, p. 111-114 y voit Cérès et Proserpine adoptées à Carthage en 396 av. J.-C., la distinction des deux types se faisant d’après la coiffure : Cérès se reconnaît à la coiffure retroussée, Proserpine aux boucles retombant sur le cou. G.K. Jenkins, 1963, p. 11, utilise par commodité le terme « Tanit » en admettant que le type fait aussi référence à Déméter comme le voulait L. Müller, puis se rallie (1983, p. 26) à l’appellation de « Korè » que voudrait faire adopter E. Acquaro : 1971, p. 25-32 puis 1988, p. 51-55. On a en fait le choix entre trois positions : garder une prudence méthodologiquement parfaite qui consisterait à ne pas nommer l’effigie mais à la décrire (Effigie féminine couronnée d’épis) ; proposer, sur la base du thème de la fécondité, des rapprochements avec telle ou telle divinité, et dans ce cas on doit choisir entre Tanit et Korè (ou Déméter). On opte pour l’une ou l’autre suivant que l’on veut mettre en évidence l’appartenance formelle du motif à une série iconographique grecque connue (Korè) ou ses liens intrinsèques avec une divinité punique dont la fécondité est une attribution essentielle. Il y a dans les deux cas un risque méthodologique : préjuger du fond par la forme ou inversement.
20 L. Müller, loc. cit. note 15 ; H.R. Baldus, 1988/2, p. 1-14.
21 Sur Melqart à Carthage, C. Bonnet, 1988, p. 165 sqq.
22 P. Visona, 1985, p. 671 sqq les situe dans le deuxième quart du ive siècle. Les catalogues les plus récents indiquent soit la première moitié du ive siècle (M.R. Viola, Coll. Viola, II, no 15-67) soit une double fourchette plus précise : 370/360 et 340/325 av. J.-C. (F. Guido, SNG, Sassari, no 56-115). La datation basse est celle de G.K. Jenkins, 1969 no 94-98 (« Late fourth to early third century »), légèrement remontée (seconde moitié du ive) dans 1983, p. 21 sur la base des trouvailles et des surfrappes.
23 Attribution sicilienne : L. Müller, 1860, II, p. 145, largement suivi par les catalogues ultérieurs. Attribution à Sélinonte des no 15 sqq : A. Tusa Cutroni, 1983, p. 35-42. Dans une perspective de frappes siciliennes, une attribution aussi précise reste sujette à caution : G.K. Jenkins, 1983, p. 23 sqq. On distingue parfois deux provenances, l’une sicilienne, l’autre africaine : R. Calciati, 1988, p. 9-23 : une première série, de frappe sicilienne, serait datable circa 375 av. J.-C. ; une seconde, de frappe africaine serait pos
24 P. Visona, 1985, p. 671-675. E. Acquaro, 1987, p. 30 ; suivi par L.I. Manfredi, 1991, p. 23-24, et 1997, p. 47, sur la base d’analyses métalliques effectuées sur des exemplaires de Tharros.
25 Discussion apud G.K. Jenkins, 1983 p. 25 sqq. La question mérite évidemment d’être posée, mais il existe, à notre avis, suffisamment d’exemplaires où la tête peut difficilement être considére comme une effigie virile pour rendre inutile l’hypothèse d’une divinité masculine figurée sur ces monnaies 15-17. Si c’était le cas, les graveurs auraient vraisemblablement évité les risques de confusion, comme ils l’ont fait sur les monnaies no 19 où une effigie manifestement virile est encadrée, et non coiffée, d’épis. L.I. Manfredi, 1997, p. 55 y voit selon les cas Triptolème ou Korè.
26 G.K. Jenkins, 1983, p. 22-23, et V. Candellieri, 1989, p. 11-14 et 45-46.
27 L. Müller, 1860, II, p. 140.
28 Pour les poids des monnaies de Mqabba : 80 % des monnaies de 14-18 mm pèsent entre 4,5 g et 6,5 g avec un important groupement à 5,5g : G.K. Jenkins, 1983, p. 30 sqq. L’étude principale de métrologie est celle de N. Vismara et R. Martini, 1988, p. 59-61 et 71-73. V. Candellieri, 1989, p. 40 sqq, affine les calculs pondéraux et distingue trois émissions de 5,610 g, 4,852 g, et 3,736 g qu’il rattache au système de la litra, penchant pour une attribution à Sélinonte.
29 Gades : C. Alfaro Asins, 1988 ; Ebusus : M. Campo, 1976 ; Malaca : ead., 1986, p. 139-155. Récemment, C. Alfaro Asins, 1997, p. 66 sqq. et 80 sqq. abaisse la frappe des monnaies d’argent à l’époque de la domination barcide selon deux étalons successifs : 4,63 g puis 3,33 g.
30 Voir notre article 1987, p. 5-29. et plus récemment C. Alfaro Asins, 1997, p. 80 sqq.
31 C. Alfaro Asins, 1988, p. 76 sqq ; L. Villaronga, 1973, p. 101 sqq.
32 G.K. Jenkins, 1963, groupe XII ; L. Villaronga, 1973, p. 126, Clase VI.
33 Gades : C. Alfaro Asins, 1988, p. 74 sqq. ; Ebusus, L. Villaronga, 1979, p. 109 ; Malaca : A. Vila Casas, 1985, p. 73-74 ; voir aussi M. Garcia Garrido, 1986, p. 53-64.
34 Ce monopole de Carthage sur les frappes puniques d’Afrique expliquerait peut-être l’absence de légendes indiquant leur origine : L.I. Manfredi, 1995, p. 154-155.
35 L.I. Manfredi, 1990/2.
36 Sur le lien de ces monnaies no 18 avec celles qui ont été examinées précédemment, voir L.I. Manfredi, 1990/2, p. 22-25 ; datation des années 310-280 av. J.-C. : P. Visona, 1990/2, no 43 sqq. S. Garaffo, 1993, p. 27-54 propose une datation plus basse, du iiie siècle, à partir d’une lecture différente des surfrappes. Sur les liens existants dans la composition métallique de ces diverses monnaies : L.I. Manfredi, 1997, p. 47 sqq.
37 N. Vismara et R. Martini, 1988 : Poids moyen de 2,80 à 3,00 g selon les séries, soit une valeur équivalent à 1/2 des monnaies précédentes et environ 1/3 de shekel (2,50 g).
38 P. Visona, 1990/2, no 43 sqq.
39 G.K. Jenkins, 1963, p. 24. La diversité des ateliers est de plus en plus souvent admise : L.I. Manfredi, 1990/2, p. 25. Il reste le problème de leur localisation. Le style de l’effigie de Tanit varie, rappellant tantôt les émissions d’or contemporaines de l’atelier de Carthage, tantôt certaines émissions sardes ultérieures. L’étude du système de différenciation des émissions par des globules apparaissant au droit et au revers permettrait aussi peut-être de faire progresser la question. : G.K. Jenkins, 1963, p. 24 et 27 ; P. Visona, 1990/2, p. 190.
40 G.K. Jenkins, 1969, no 220 ; P. Visona, 1990/2, no 267 ; L.I. Manfredi, 1995, p. 367, no 68.
41 1969, no 107 et 120. Pour le no 23, attribution à la Sicile et aux années 330-300 av. J.-C. par P. Visona, 1990, no 37-42 ; attribution à la Sicile également : L.I. Manfredi, 1995, p. 50 avec une datation au milieu du ive siècle (p. 328 sqq.) et 1991, p. 24 (la datation de R. Martini : fin iiie-début iie nous paraît improbable). Pour le no 19, souvent surfrappé sur des no 18, voir L.I. Manfredi, 1990/2, p. 94-95 : datation de la première moitié du ive siècle.
42 G.K. Jenkins, 1983, p. 25-26.
43 On retrouve en Tunisie aussi bien des exemplaires d’une frappe exceptionnellement soignée et d’une excellente conservation, que des spécimens d’une gravure rudimentaire et attestant d’une longue circulation. Une distinction d’ordre stylistique qui séparerait une production africaine et sicilienne nous semble donc au premier abord peu efficiente.
44 P. Visona, 1990/2, p. 185 sqq.
45 Comparer notamment, G.K. Jenkins, 1969, no 105 et 106.
46 1969, no 124-127 ; attribution incertaine également, avec datation du début iiie pour F. Guido, Sassari, no 266-268. L.I. Manfredi envisage l’hypothèse de frappes italiques : 1991, p. 43.
47 Pour s’en tenir à quelques sites significatifs : à Carthage, bien évidemment, les témoignages situés archéologiquement abondent depuis P. Gauckler, 1915, I, photo CLII, où l’on reconnaît très nettement des exemplaires du no 15 jusqu’aux fouilles françaises de l’acropole de Byrsa accomplies dans le cadre de l’unesco (publication en préparation). Pour Kerkouane : J.P. Morel, 1969, 10 exemplaires no 15-17, 2 exemplaires no 20 ; M. Fantar, 1986, p. 536 sqq : 5 exemplaires no 15, 7 exemplaires no 18 et 18 exemplaires no 20. Pour Hadrumète : Hannezo, BAC 1889, p. 381 et 387 ; Goetschy, BAC 1900, p. 525-6 ; Pour la Libye, voir les indications de G.K. Jenkins, 1983, p. 21, note 12.
48 Pour Hippo (Regius), J.P. Morel, 1968, signale deux monnaies puniques, p. 67 et 77, mais surtout des monnaies numides. S. Gsell indique que « des monnaies de Carthage (avec le type commun du cheval et du palmier) se rencontrent quelquefois à Tipasa » : 1894, p. 294 ; il s’agit peut-être du no 18.
49 La circulation monétaire d’un site comme Thuburbo Majus est d’un grand intérêt. On y a retrouvé la quasi totalité des types de bronzes puniques, jusqu’aux plus petits modules des premières émissions (no 17) et également quelques petits bronzes siciliens ou cyrénéens, comme à Carthage. On y voit aussi arriver certaines espèces proprement numides comme des « bronzes » de Juba Ier au type du lion (no II/36) ou des unités de Massinissa (no II/18). Comme à Sidi Bou Rouis, un billon de Massinissa et une monnaie argentée de Juba Ier sont attestés (no II/8 et 36). Le site est donc un bon jalon à la fois pour la connaisance de la masse monétaire punique et pour l’analyse des échanges monétaires entre la région et la Numidie.
50 Au cours des fouilles effectuées en octobre 1996 sous la direction d’A. Ferjaoui et auxquelles a participé une petite équipe toulousaine, des monnaies puniques provenant du site et de ses environs ont été apportées par des agriculteurs : sur 59 monnaies de toutes époques il y avait 6 monnaies puniques dont 2 exemplaires du no 15, 2 du no 18, 1 exemplaire du no 105 et 1 exemplaire difficilement identifiable. Par ailleurs, 1 exemplaire du no 15 vient des environs du sanctuaire de Sidi Bou Rouis. Parmi d’autres trouvailles, on signalera un exemplaire du no 15 trouvé près de Dougga dans une nécropole : A. Krandel Ben Younès 1992, p. 204.
51 L’axe Carthage-Cirta est évidemment un lieu d’échanges monétaires privilégiés entre la Numidie et le territoire de Carthage. Les monnaies puniques ont pu y parvenir jusqu’à Cirta même (G.K. Jenkins, 1983, p. 21, note 12) et les monnaies numides l’empruntèrent également en direction du territoire carthaginois puis de la provincia africa. Par ailleurs G. Camps, 1961, p. 43, note 139 signale 5 nécropoles mégalithiques numides ayant livré des monnaies puniques, mais sans précision sur le type monétaire : Dougga, Magraoua et Zouarine en Tunisie, Gastel (Tébessa) et Sila (Cirta) en Algérie.
52 P. Salama, 1979, p. 109-146. Pour cet auteur, « il semble bien que les premières espèces carthaginoises ou siculo-puniques apparaîtront sur le littoral de Maurétanie orientale, dépendant encore de la Numidie, vers la fin du iiie siècle » (p. 111).
53 Deux recensements anciens : le premier, dressé par le Cdt Marmonnier au Musée Michaux-Bellaire de Tanger vers 1960, citant 3 monnaies puniques : type no 22, 57 et 88. La provenance des monnaies semble inconnue. Nous remercions très vivement M. Ponsich pour ces renseignements. Le second, celui de J. Marion, 1967, 1, p. 99 sqq. ne permet pas de reconnaître les monnaies citées. Nous n’en avons pas vu dans les réserves du musée de Rabat.
54 D’après le recensement des trouvailles effectué par C. Alfaro Asins, 1988, p. 119-120, la plus ancienne monnaie gaditaine retrouvée en Afrique date de l’époque barcide. Il s’agit d’un exemplaire isolé recueilli juste de l’autre côté du Détroit (Tanger). Les autres trouvailles (Cirta, Caesarea, Les Andalouses, Sidi Abdessalem, Tamouda, Ceuta, Banasa, Thamusida, Iles Purpuraires) correspondent à des monnaies de la classe V et VI, soit des frappes débutant selon l’auteur (p. 127) à la fin du iiie ou au début du iie siècle av. J.-C.
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