Vicomtes et vicomté de Narbonne des origines au début du xiiie siècle
p. 47-60
Texte intégral
1Depuis la fin de l’époque carolingienne jusqu’à l’aube des Temps modernes, vicomtes et vicomté de Narbonne jouent un rôle important dans l’histoire méridionale jusqu’à ce que le roi de France lui-même, déjà « duc de Narbonne » suite au traité de Meaux-Paris de 1229 acquière le titre vicomtal narbonnais en 1507. C’est l’histoire lointaine de ces personnages et de cette institution que nous voudrions développer ici.
ORIGINES DES VICOMTES
2La première mention d’un vicomte (vicecomes) pouvant être rattaché à Narbonne remonte au 29 avril 8781. Dans la convocation par le pape Jean VIII à un synode devant se tenir à Lyon, sont stigmatisés trois individus se livrant à diverses exactions in terram Septimaniae contre les hommes du « glorieux marquis Bernard2 ». L’un d’eux, Lindoin, vicomte, ravage tout particulièrement le diocèse de Narbonne (i.e. le comté de Narbonne et celui du Razès) le tout administré par l’archevêque de Narbonne, Sigebode.
Des vicedomini aux vicecomites (fin VIIIe-fin IXe s.)3
3Pourtant avant cette date un certain nombre de personnalités sont tenues par d’aucuns pour des vicomtes de Narbonne. En effet, entre 791 et 873, on voit intervenir dans la région de Narbonne des personnages qui, le plus souvent, sont nommés par des dirigeants qualifiés de comtes (avec parfois la précision « de Narbonne ») ou encore de marquis (avec parfois la précision « de Gothie-Septimanie »). Mais il faut souligner qu’ils sont appelés non pas vicomtes (vicecomites), mais vicedomini, terme qu’il ne faut pas traduire ici par vidame (avoué), mais bien plutôt par proto-vicomtes, tant il est vrai que dans le Midi les vicedomini préfigurent les futurs vicomtes comme le soulignait F.L. Ganshof dès 19654.
4Le premier de ces vicedomini apparaît anonymement dans un document du 5 décembre 791-7925. Il s’agit d’un envoyé de « Magnarius, comte de Narbonne », successeur du comte Milon6. Viennent ensuite Algibert (mars 821) et Étienne (août 833)7 pour lesquels il n’est pas précisé au nom de qui ils agissent, mais que l’on voit, l’un et l’autre, tenir leurs assises dans une église située à l’intérieur des murs de la cité de Narbonne. Le second, Étienne, juge d’une affaire où est rappelé le rôle qu’ont joué dans le territoire contesté trois personnages considérés généralement comme « comtes de Narbonne », à savoir Sturmion (c. 800-810/811,) peut-être le successeur de Magnarius, Adhémar (812-833) et Leibulf (à partir de 833). Ce même Étienne, en octobre 8498, bénéficie d’un diplôme de Charles le Chauve où lui sont concédés, comme « fidèle » du roi, des biens in pago narbonense. En septembre 852, lors d’un plaid tenu dans le territoire de Narbonne pour juger d’une affaire concernant des biens qui y sont situés9, le comte Udalric (nouveau marquis de Gothie : 852-857), est accompagné par deux vicedomini, Alaric et Francon, dont on peut penser qu’ils sont plus particulièrement concernés par cette zone territoriale. En 862 et 87310, c’est un dénommé Isembert qui intervient directement ou indirectement lors de deux plaids dans le Narbonnais. Le premier (862) se tient à Narbonne même, dans la cité ; Isembert n’est pas qualifié de vicedominus mais c’est un missus du comte Humfrid. On constate les attaches de cet Isembert avec la région de Narbonne dans un diplôme de Charles le Chauve, du 20 juin 859, où le roi gratifie de biens in pago narbonense celui qu’il appelle « notre fidèle » ; le souverain précise que, ce faisant, il agit à la prière de « son très cher comte et marquis Humfrid » dont on sait qu’il a remplacé Udalric à la tête de la Gothie depuis 857. Néanmoins, en décembre 875, c’est en Roussillon qu’on retrouve ce même Isembert, au cours d’un procès en faveur de l’église d’Elne ; il agit là en tant que missus du « comte Bernard », c’est-à-dire le successeur d’Humfrid comme marquis de Gothie (vers 865)11.
5De tout ce qui précède, il ressort que ces vicedomini, ou encore missi, recensés dans le Narbonnais de 791 à 873 ne sont pas, bien que désignés par eux, des représentants permanents des comtes-marquis de Gothie-Septimanie qui, durant cette période, dirigent entre autres le comté de Narbonne. Ils sont seulement des délégués temporaires, chargés tout particulièrement des affaires judiciaires. Il n’est pas exagéré, néanmoins, de voir en eux l’origine des futurs vicomtes.
6Portant cette fois le titre vicomtal, le vicecomes Lindoin, dont il a été question plus haut, jouit peut-être de davantage de pouvoir, mais rien dans les documents conservés ne permet de se prononcer. Il apparaît en tout cas, en cette année 878 où nous le découvrons, en lutte avec le représentant du roi, Bernard de Gothie, lui-même révolté contre le souverain. Le Carolingien l’emporte finalement puisqu’en août 878, le concile de Troyes prononce la déchéance du rebelle. Dès lors se met en place dans les terres méridionales la domination des Guillelmides en la personne de Bernard Plantevelue (878-886)12. Le roi Carloman lui-même fait reconnaître l’autorité du nouveau marquis à Narbonne qu’il visite vers 880-88113.
Les premiers vicomtes (fin IXe-fin Xe s.)
7C’est dans cette conjoncture nouvelle que naît vraiment et se structure l’institution vicomtale narbonnaise.
8Entre 778 et 918-919, dans l’orbite des Guillelmides, se met en place une première lignée de vicomtes héréditaires. En effet, vers 885-88614, le pape Étienne V annonce à l’évêque d’Uzès qu’il a notifié l’excommunication de l’évêque de Nîmes, Gerbert, à l’archevêque de Narbonne, Théodard, « ainsi qu’au comte Richard » (sic) et « au vicomte de ce dernier Albéric ». L’affaire en cause (des menaces contre Saint-Gilles) concernant une partie de la province ecclésiastique de Narbonne ainsi que l’évêque métropolitain, on peut supposer que ce vicomte Albéric est le représentant du marquis de Gothie, Bernard (et non Richard) Plantevelue, tout particulièrement à Narbonne où, nous l’avons vu, le pouvoir de ce dernier est reconnu depuis au moins 880-88115. Or, lors du plaid présidé dans cette ville le 18 novembre 862 par Isembert (ci-dessus et n. 10), on remarque, parmi les judices, un certain Albéric. Par ailleurs, dans le texte d’une donation faite, le 15 juin 911, à l’église Saint-Paul « près de la cité de Narbonne », par l’archevêque Arnuste, on apprend que l’alleu concédé à ladite église, se situe in pago narbonense et a été acquis par le métropolitain « des enfants du vicomte Maïeul et de l’épouse de celui-ci Raimonde » à savoir Walcharius et son frère, Albéric, vicomte. Il est tentant de faire de ces deux personnages, qualifiés de vicomtes, des « vicomtes de Narbonne ». Dans cette hypothèse, on pourrait conjecturer qu’au premier, Maïeul, aurait succédé son fils Albéric et que, lui-même, serait fils du vicomte Albéric mentionné dans la lettre pontificale de 885-886 étudiée ci-dessus.
9Se seraient donc succédés à Narbonne, trois vicomtes (Albéric-Aubry I, Maïeul, Albéric-Aubry II) jusqu’à ce que, les héritiers de Plantevelue ayant cédé le marquisat de Gothie au comte de Toulouse, vers 918, le second Albéric quitte Narbonne pour Mâcon où il épouse, vers 920, la fille du comte de cette ville auquel il succède, vers 934 (Annexe II).
10Alors commence, à partir de 918-919, sous l’égide toulousaine cette fois, une nouvelle lignée de vicomtes dont nous suivrons l’évolution dans un premier temps jusqu’à la fin du Xe siècle16.
11Le point de départ est un document du 20 décembre 919, un peu sujet à caution sans doute, mais riche d’informations. On y voit ester Eudes-Odon, « par la volonté de Dieu vicomte17 » qui, à l’instar de chacun de ses successeurs dans le futur, peut être qualifié de vicecomes narbonensis dirigeant « la ville de Narbonne18 ». Il apparaît ainsi comme le premier dont le pouvoir soit centré sur la cité archiépiscopale. Son épouse se nomme Richilde dont on sait, par ailleurs, qu’elle est la fille unique de Guifred II Borrell, comte de Barcelone, et de Garsinde d’Ampurias19. Eudes, d’après le texte, a plusieurs frères mais ceux-ci, dont le nombre n’est pas précisé, ne sont pas nommés ; on peut néanmoins supposer que le premier signataire laïque de l’acte, Vulveradus, est l’un d’eux. L’alleu, situé « dans le comté de Narbonne », qu’il donne lui vient de ses parents, Francon et Ersinde20, l’un et l’autre décédés ; ces derniers l’avaient eux-mêmes reçu de Charles (le Simple), fils du roi Louis (le Bègue). C’est très certainement à ces trois mêmes personnages, Francon (qualifié cette fois de vicecomes) et son épouse Ersinde d’une part et, d’autre part, le vicomte Eudes-Odon, qu’il est fait allusion dans une donation consentie par l’évêque d’Elne et le comte de Roussillon-Ampurias, le 10 avril 931, bien que ne soit pas indiqué le lien de filiation entre le troisième et les deux premiers21. Nous avons rencontré en outre, dans le texte de septembre 852, un vicedominus répondant lui aussi au nom de Francon. On pourrait voir en ce dernier, le père (ou grand-père) du géniteur d’Eudes (Odon) lui aussi appelé Francon mais portant, lui, le titre de vicomte et au sujet duquel on peut se demander s’il n’a pas précédé son fils Eudes-Odon dans la charge vicomtale narbonnaise, ne serait-ce que quelques mois en 918-919.
12Pour en revenir à Eudes-Odon, on lit dans le texte de 919 que ce vicomte est très lié au comte (de Toulouse) Pons, princeps narbonensium22 et aussi marquis (de Gothie), qu’il appelle son senior. Il faut souligner de plus que les deux hommes sont apparentés : (Raimond III) Pons est le petit-fils du comte de Toulouse, Eudes (disparu vers 913-918)23, lui-même oncle maternel d’Eudes-Odon de Narbonne. Ce dernier, semble avoir vécu au moins jusqu’au 19 mars 93224, date à laquelle figure parmi les exécuteurs testamentaires de l’évêque de Béziers un personnage nommé Eudes, qualifié de vicecomes sans plus, mais dont on peut penser qu’il s’agit du vicomte de Narbonne bien que celui-ci ne soit nommé dans aucun autre document (notamment narbonnais) entre 919 et 933.
13Pendant cette période, en revanche, on rencontre dans ces mêmes documents, en 920 et 921, un certain Vulveradus qui se dit in Dei nomine… vicecomes dans le premier cas et simplement vicecomes dans le second25. Or nous avons vu plus haut que l’un des frères du vicomte Eudes-Odon pourrait se nommer Vulverad. On peut donc songer à une gestion collégiale de la vicomté. Temporaire d’ailleurs, suite à la disparition rapide de Vulverad qui, en 921, soussigne l’acte aux côtés de Richilde (sa belle-sœur dans notre hypothèse), elle-même accompagnée de la comtesse Widinildis (Guinedilde), sa grand-mère paternelle. Richilde s’intitule ici, vicecomitissa, comme elle le fait par la suite à plusieurs reprises et ce jusqu’à sa mort, avant le 13 mai 962, date à laquelle ses exécuteurs testamentaires lui donnent encore ce titre26. Nous avons là le signe (dès 921), d’une patrimonialisation déjà avancée de l’honor vicomtal narbonnais.
14Son hypothétique beau-frère (Vulverad) puis son époux (Eudes-Odon) disparus, Richilde exerce apparemment les prérogatives vicomtales pendant encore un certain temps : ainsi, en 933 et 955 lors de plaids tenus à Narbonne en présence de l’archevêque auquel s’ajoute dans le premier cas, le comte et marquis Pons (c’est-à-dire Raimond III Pons de Toulouse)27. Pourtant, dès le 10 novembre 952, il semble que le successeur de Richilde soit déjà en place ; en effet, quand à cette date le couple Matfred et Adalaidis achète une villa dans le comté de Narbonne, le premier est qualifié de « vicomte » et la seconde de « vicomtesse28 ». On a toutes les raisons de penser qu’il s’agit du fils et de la belle-fille de la vicomtesse douairière. Ainsi, en octobre 936, lorsque cette dernière vend un de ses biens propres, situés en Roussillon29, l’acte est signé immédiatement après elle par deux personnages nommés Matfred et Francon dont on peut penser qu’il s’agit de ses fils nés de son mariage avec Eudes-Odon, le second portant le prénom du père de son feu mari (Annexe IV). Plus probant encore, parmi les exécuteurs testamentaires figurant dans l’acte de mai 962 (note 26) apparaissent, à la suite de l’archevêque de Narbonne, Aimeric, un dénommé Matfred et une dénommée Adalaiz, sans autre précision il est vrai, mais qui ne peuvent être que le « vicomte » et la « vicomtesse » qui estent ensemble en novembre 952. Il faut également, parmi les exécuteurs testamentaires de Richilde, en 962, relever la présence d’une certaine Gersindis (Garsinde) comitissa, qui ne peut être la mère de la vicomtesse, Garsinde d’Ampurias, morte avant octobre 936 mais plutôt, bien que cela ne soit pas précisé, sa fille (la sœur de Matfred), veuve de Raimond III Pons et, de ce fait « comtesse » douairière de Toulouse (Annexe IV). Dans ses dernières volontés, Richilde qui repose, in turre de civitate Narbona, in suo lectulo exprime le désir d’œuvrer au salut de son âme et anime Odonis, viri sui. En somme, tous les membres de la proche famille de la défunte vicomtesse apparaissent dans ce texte, à des titres divers, mais sans que jamais soient expressément indiquées leurs relations de parenté. Notons au passage, que Francon, l’hypothétique frère de Matfred semble absent encore que, dans le groupe de témoins constitué de sacerdotes, figurent deux personnages dénommés Franco dont l’un est archidiacre.
15Quoi qu’il en soit, apparemment unique héritier, le vicomte Matfred est, dès lors, présent, seul ou avec son épouse, comme acteur ou comme témoin, dans divers actes des années 958-959, 96330, 966 enfin où les deux conjoints font rédiger un bref testament à l’occasion de leur départ en pèlerinage à Rome31 ; il s’agit pour eux de léguer plusieurs biens situés en « Septimanie » et en « Aquitaine », notamment un alleu ayant appartenu à la vicomtesse Richilde (très probablement la mère de Matfred). Sont nommés dans ce texte les trois enfants du couple : Ermengaud, qui est clerc et pour qui est espérée l’accession ad honorem episcopalem, Raimond et Trutgarde.
16Matfred disparaît peu après, semble-t-il, mais Adalais (alias Adalaidis), sa veuve, n’en conserve pas moins un rôle éminent et ce, bien que lors de l’exécution du testament de l’archevêque Aymeric, en juin 977, ses fils portent l’un, Raimond, le titre de vicomte et l’autre, Ermengaud, celui d’archevêque, tandis qu’Adalais s’intitule vicecomitissa Narbone32. Notons qu’à cette occasion, on relève des legs du prélat pour le repos de l’âme de « Matfred, vicomte », « Eudes-Odon, vicomte » et « Richilde, vicomtesse », sans que, une fois encore, les liens de parenté entre ces divers personnages soient évoqués. Avant et après cette date, Adalais intervient dans plusieurs affaires, notamment en 96933 et 97234, en compagnie de sa belle-sœur, la comtesse Garsinde, veuve de Raimond III Pons. Par deux fois, elle rédige son testament : en octobre 978 d’abord, puis le 28 mars 99035, où on la voit s’intituler in Dei nomine… vicecomitissa et prendre des dispositions concernant, non seulement un vaste patrimoine foncier de villae, mais aussi l’honor vicomtal lui-même. En effet à cette occasion, celle qui quelques jours plus tard (le 1er avril 990) se présente comme domina Aladaicis, gratia Dei vicecomitissa Narbonensis36 déclare léguer ipsum vicecomitatum de Narbona seu Narbonense à son fils Raimond alors que ce dernier est déjà qualifié de vicecomes depuis au moins 977.
GENÈSE ET ÉVOLUTION DE LA « VICOMTÉ »
Des vicomtes à la vicomté
17En la personne d’Adalaidis, à la fin du Xe s., il semble que l’on soit arrivé au terme d’une évolution qui a vu, par le biais d’une patrimonialisation rapide, se développer le pouvoir des vicomtes de Narbonne, héritiers des vicedomini des VIIIe et IXe s.
18Alors seulement est mentionnée pour la première fois dans le second testament d’Aladaidis en 990, la « vicomté de Narbonne et du Narbonnais », puisque ici, comme chez les Trencavel, « les vicomtes ont précédé les vicomtés37 ». Le double qualificatif géographique, lui donne d’emblée une esquisse d’assise spatiale résultant de la territorialisation croissante du pouvoir vicomtal tout au long du Xe s. Se dessine également un contenu juridique : l’honor vicomtal que lègue Adalaidis à son fils est constitué de fiscs, de droits banaux et de cens avec pour fondement une importante assise foncière bien évidemment.
L’individualisation de la vicomté (fin Xe-début XIIIe s.)
19Bien que le terme « vicomté » soit finalement assez peu utilisé, l’entité géographique et juridique représentée par ce vicecomitatus de Narbona seu Narbonense se structure et s’étoffe tout au long des XIe et XIIe s. On peut suivre cette évolution à travers un certain nombre de documents.
20Après le 30 juillet 1067, date de la dernière mention connue du vicomte Bérenger38, on assiste à un projet de partage de son héritage entre deux de ses fils Raimond (alias Raimond-Bérenger ou Bérenguier) et Bernard (alias Bernard-Bérenger ou Bérenguier)39. Cet héritage est de constitution ancienne puisque Bernard précise, en s’adressant à son frère Raimond, qu’on y trouve englobé tout ce qu’avaient possédé « notre aïeul Raimond et sa femme Ricarde » ainsi que « notre père Bérenguier et notre mère Garsinde40 ». Le cœur de cet héritage est la ville de Narbonne : la Cité d’une part où s’exercent des droits banaux militaires (fortifications) économiques (leudes, péages) et judiciaires, mais aussi des droits fonciers (usages, cens) avec en outre une allusion particulière au pouvoir exercé sur la communauté juive qui y réside, lui aussi partagé ; le Bourg, d’autre part41, où sont possédés des censives et d’autres droits non précisés. Le plat pays environnant est aussi concerné par le partage des usages, rentes et autres droits détenus par la famille vicomtale « tant sur la mer que sur les étangs » avec entre autres le droit de naufrage42. Objet du partage également « le droit sur l’élection des archevêques de Narbonne » dont on sait par ailleurs qu’il est exercé de concert avec la branche rouergate de la famille Raimondine : en effet, le donum de 100 000 sous versé vers 1016 par le comte de Cerdagne pour assurer à son fils, Guifred, le siège archiépiscopal à la mort d’Ermengaud, fils du vicomte Matfred a été divisé entre le vicomte de Narbonne frère dudit Ermengaud et le comte de Rouergue43. Bernard Bérenguier s’engage en outre à céder à Raimond, son frère, ainsi qu’au fils de ce dernier, Bernard Pelet, la moitié de « tous les fiefs, rentes et seigneuries que leurs ancêtres ont possédés par foi44 ou aucuns pour eux (leurs vassaux) au comté de Narbonne, excepté le château neuf ( ?) et ses appartenances ». Soulignons que le mot employé n’est pas « vicomté » mais « comté » de Narbonne, sans doute parce que l’une et l’autre correspondent peu ou prou à l’ancien comté carolingien de Narbonne (amputé néanmoins du Minervois vers l’an 1000). Le partage concerne enfin tout ce qui a appartenu dans le passé aux grands-parents et aux parents des deux frères dans les comtés de Béziers, Nîmes, Lodève, les lieux de Beaucaire (Ugernum) et d’Argence, dans le Razès, dans le comté de Carcassonne, dans le Roussillon et la châtellenie de Peyrepertuse, dans le comté de Gérone45, dans les comtés d’Albi, du Rouergue, du Gévaudan ainsi que dans « l’évêché de ce dernier pays46 ».
21On peut donc conclure que les vicomtés et comtés ne sont pas des circonscriptions territoriales homogènes puisqu’on y rencontre des pouvoirs concurrents. Ainsi, si les vicomtes de Narbonne possèdent des droits à l’intérieur de plus d’une dizaine de comtés extérieurs à leur vicomté, dans cette dernière ils ne sont pas les seuls maîtres. Nous avons vu que, dans la ville même de Narbonne et ses environs, ils partagent, à partir du milieu du XIe s., le pouvoir avec les archevêques, mais il faut savoir qu’il en est de même dans le reste de la vicomté où ces derniers détiennent un tiers des castra. Les uns et les autres peuvent être concurrencés par les comtes ou vicomtes voisins : ne voit-on pas, en effet, en mai 1118, Bernard Aton IV, vicomte de Carcassonne, léguer à son fils Roger I Trencavel tout ce qu’il possède in Narbonensi vicecomitatu quod pertinet ad dominium de Carcassona et de Terme47.
22Il n’en reste pas moins que la vicomté « narbonnaise » ainsi qualifiée correspond forcément à une zone géographique plus ou moins définie avec des limites, parfois fluctuantes, remontant aux temps carolingiens. Cette notion d’espace transparaît dans un certain nombre de documents. Ainsi en mars 1204 n.s. quand Aymeric, Narbonensium vicecomes prête hommage à Raimond (VI) comte de Toulouse, il reconnaît tenir en fief de ce dernier Narbonne et tout ce qu’il possède, ou doit posséder, en personne ou d’autre en son nom in toto vicecomitatu Narbonensi excepté ce que (dans cette vicomté) il tient de l’Église Saint-Just (i.e. de l’archevêque, seigneur temporel)48. De même lorsque ce même Aymeric, en mars 1213, concède à l’abbé de Fontcaude la « faculté d’acquérir et posséder des biens sur toute l’étendue de la vicomté à l’exception de places fortes ou châteaux49 ».
23Mais la « vicomté » n’est pas seulement une circonscription, elle est aussi une fonction, un honor. Ainsi voit-on, vers 1119, dans sa narration des vexations subies par lui, l’archevêque évoquer l’époque d’Aymeric I qui tunc Narbonensem vicecomitatum tenebat puis le moment où, ce dernier étant mort, son fils nommé comme lui (Aymeric II) in vicecomitatu successerat50… Celui qui détient cette fonction, le vicomte, exerce son pouvoir non seulement dans sa circonscription vicomtale, mais aussi, éventuellement, en dehors des limites de celle-ci. C’est ce qui ressort de l’acte par lequel, le 28 avril 1194, Pierre (de Lara), comte (de Molina) et vicecomes Narbonensis institue son fils Aymeric (III) heredem et successorem atque dominum carnalem in Narbona et in Narbonensi vicecomitatu et in Bitterensi et in omnibus aliis ubique locis subditis et pertinentibus vicecomitatui Narbonae51…
24Une des composantes de cet honor, dont il n’a été relevé nulle mention dans les documents étudiés jusqu’ici, c’est le droit de battre monnaie. Il s’agit d’un droit ancien puisque la première mention textuelle connue de son existence remonte à 990 dans le testament du vicomte d’Agde-Béziers où est enregistré un don de solidos CCC de denarios Narbonenses52. Cet aspect est détaillé dans l’annexe VII. Disons pour terminer que c’est évidemment pour garantir l’indépendance de leur monnayage que les vicomtes (notamment la vicomtesse Ermengarde) se sont efforcés d’assurer leur mainmise sur un certain nombre de mines de plomb argentifère de la région53.
LE TEMPS DE L’AFFERMISSEMENT ET DE LA STRUCTURATION
25Ancré sur des fondements anciens, le pouvoir vicomtal narbonnais se renforce de manière accélérée à partir du milieu du XIe s.
Hérédité et hiérarchisation des pouvoirs
26À l’origine représentants des Raimondins dans le « comté » de Narbonne, les vicomtes s’émancipent bientôt par le biais de l’hérédité. Tout au début, on assiste à une courte période de gestion collégiale avec les vicomtes Eudes et Vulverad sans doute frères. Ensuite, de Matfred (c. 933-c. 966/69) jusqu’à Bérenger (mort après le 30 juillet 1067), c’est le système de l’héritier unique, par ordre de primogéniture masculine, qui paraît s’imposer. Volonté délibérée ou hasard, il n’est pas possible de trancher. On voit par exemple que Bérenger avait un frère aîné nommé Ermengaud ; mais, celui-ci ayant apparemment disparu prématurément, le problème d’une collégialité éventuelle (ou d’un partage) ne s’est pas posé. On constate aussi que, très souvent, ceux des cadets qui nous sont connus sont clercs, ce qui leur laissait l’espoir de devenir archevêques de Narbonne, surtout au temps où les vicomtes s’étaient assurés une mainmise sur l’episcopatus de la ville capitale de leur vicomté54.
27Le projet de partition prévu en 1067 entre les héritiers de Bérenger, aurait dû aboutir à une cogestion égalitaire tant les droits concernés étaient imbriqués, mais il n’a pas été suivi d’effet, l’aîné, Raimond II ayant finalement été évincé au profit du plus jeune, malgré l’appui du vicomte Trencavel55. C’est l’aboutissement d’une lutte fratricide ayant opposé le premier, qui se dit vicomte dès la mort du père (Bérenger) après le 30 juillet 1067, à sa mère et ses deux frères puînés, Pierre (évêque de Rodez depuis au moins 1053) et Bernard qui lui aussi s’intitule vicomte (ainsi le 6 octobre 1067). Ce dernier, resté seul maître disparaît assez rapidement semble-t-il. Commence alors une longue minorité sous la tutelle de son frère l’évêque Pierre, son fils aîné Aymeric étant apparemment mineur. En effet, lorsque celui-ci intervient en 1071 dans un plaid organisé à Carcassonne, il n’est pas qualifié de vicomte mais est simplement appelé domnus Aymericus de Narbona56. De même, quand, le 8 avril 1074, on voit « Pierre, évêque (de Rodez), fils du vicomte Bérenger » faire une donation en faveur de Fontfroide « avec Aymeric et Bérenger, ses neveux », ces deux derniers ne portent aucun titre57. Il faut d’autre part remarquer la rédaction ambiguë de l’acte par lequel, vers 1076-1078, Raimond de Saint-Gilles promet à la veuve de Raimond Bernard Trencavel de lui venir en aide contre Pierre Bérenger (ci-dessus Pierre), et contre Aymeric le neveu de ce dernier, et contre « tous les vicomtes de Narbonne58 ». L’évêque Pierre (Bérenger) et son neveu sont-ils alors co-vicomtes, ou bien est-ce que seul le premier porte le titre vicomtal ou aucun des deux à ce moment ? Sans équivoque, en revanche, est la situation lors de l’assemblée générale du 7 mai 1080 où Pierre se proclame archevêque élu et « vicomte de Narbonne » tandis qu’estent à ses côtés, sans aucun titre, son neveu Aymeric et les frères de ce dernier Ugo et Bérenger59. En 1080 le pape Grégoire VII annonce la nouvelle de sa déposition ainsi que la nomination d’un nouvel archevêque dans une lettre adressée à vicecomiti Aymerico nec non universo populo Narbonensi60.
28Aymeric (I), petit-fils de Bérenger et fils de Bernard Bérenger est alors, sans conteste, vicomte à part entière. Il épouse bientôt (vers 1083-1085) la veuve de Raimond Bérenger III, comte de Barcelone, mort assassiné en décembre 1082. Dès lors et jusqu’à la fin du XIIe s. (et au-delà), la dévolution du pouvoir vicomtal en revient à la règle du choix de l’aîné comme héritier unique ou encore héritière lorsque à sa mort, en 1134, Aymeric II n’a que deux filles. L’aînée Ermengarde, dépourvue de descendance, choisit pour successeur le fils aîné de sa sœur, puis celui-ci étant mort, le fils cadet. S’il y a eu des troubles au début et à la fin du « règne » de l’illustre vicomtesse, ce n’est pas à la suite d’une remise en cause de cette règle, mais parce que, dans le premier cas, le comte de Toulouse a tenté, profitant de la jeunesse de l’héritière, de s’emparer de la vicomté, et dans le second cas, le neveu normalement désigné a prétendu remplacer sa tante avant le décès de cette dernière61.
29Malgré ces vicissitudes, c’est en effet en se fondant sur l’hérédité de leur fonction que les vicomtes de Narbonne ont su pendant toute cette période se construire une autonomie grandissante face aux « puissants » qui se disputent le Midi.
30Des liens privilégiés unissent les premiers vicomtes aux comtes de Toulouse qu’ils tiennent pour leur senior. À partir du XIe s., l’influence raimondine se voit concurrencée par celle des comtes de Barcelone dont certains sont, à leur tour, qualifiés de senior par l’un ou l’autre des vicomtes. Ainsi, en février 1067, dans une adresse du vicomte Bérenger à domno Raymundo Berengarii seniori nostro gratia Dei Barchinonensium comiti atque marchioni… Ou encore, en février 1157 n.s., quand la vicomtesse Ermengarde prête serment de fidélité au comte de Barcelone Raimond-Bérenger IV, son cousin issu de germain62. Mais en réalité, faire allégeance (momentanément) à l’une de ces deux maisons rivales, ce n’est pas tant se soumettre à elle que prendre ses distances avec l’autre par une habile politique de bascule63. Celle-ci est complétée, à l’époque d’Ermengarde, par un rapprochement avec le roi capétien en la personne de Louis VII : ainsi, dans diverses lettres adressées au souverain en 1164, la vicomtesse se qualifie de fidelis et devota femina de celui qu’elle nomme ailleurs « son unique seigneur64 ». Avec l’hommage d’Aymeric III à Raimond VI, en mars 1204 n.s., Toulouse semble l’emporter finalement. Pas pour longtemps, néanmoins, car cette apparente soumission qui n’engageait d’ailleurs qu’à peu de chose bénéficie bientôt au roi de France à la suite du traité de Meaux-Paris (1229) puis de celui de Lorris (1243). Mais ce dernier se montre peu à peu bien plus exigeant. Alors commence le progressif recul de l’autonomie vicomtale.
Les signes d’émancipation
31Avant d’en arriver là, l’émancipation progressive des vicomtes se manifeste par un certain nombre de signes montrant leur volonté de s’affirmer.
32Voilà qui est très vite évident dans l’évolution de leur titulature. Très tôt, les vicomtes n’hésitent pas à utiliser leur titre vicomtal dans la plupart de leurs actes, rapidement rejoints (921) par leurs épouses. S’y ajoute une spécification géographique dès 977 qui se répète çà et là tout au long des XIe et XIIe s. pour devenir quasiment systématique au XIIIe s. L’invocation de la « grâce de Dieu », utilisée très précocement au début puis à la fin du Xe s. (d’où la question d’une éventuelle interpolation), réapparaît au XIIe s. avec Aymeric I (avril 1104 n.s.) et Ermengarde (mars 1188) puis s’impose dans la majorité des actes au XIIIe s.65. Avant cela, le vicomte Bérenger se qualifie de « proconsul » (vers 1059) et même de princeps Narbonae (en avril 1066), titre réservé au comte de Toulouse au début du Xe s. (Annexe VI).
33Autre nouveauté, qui n’est sûrement pas le fruit du hasard, c’est le choix, au milieu du XIe s., d’un nom inaccoutumé pour l’héritier du vicomte Bernard, Aymeric66, totalement étranger à ceux des familles de Toulouse-Rouergue et de Barcelone. Il s’est agi là de mettre en place un anthroponyme « dynastique » porté par six vicomtes jusqu’en 138867, en alternance à trois reprises, à partir de 1238, avec celui d’Amalric par référence au fondateur de la branche des Narbonne-Lara, l’époux d’Ermessinde, sœur d’Ermengarde, Manrique alias Almanric ou Amalric (Annexe IX).
34Forts de leur prestige, frappant monnaie à leur nom depuis la fin du Xe s., les vicomtes, dans la seconde moitié du XIIe s., s’autorisent en outre l’usage d’un sceau (Annexe VIII). Les premières mentions apparaissent sous la forme de clauses de corroboration en fin de chartes dues d’abord à Ermengarde (août 1176 et mars 1193), puis à son neveu Pierre et au fils de celui-ci Aymeric III. On rencontre également des descriptions de sceaux, aujourd’hui disparus, pour les années 1182 (Ermengarde) ainsi que 1225 et 1232-33 (Aymeric III), les deux dernières faisant état de sceaux équestres. Au milieu du XIIIe s., on trouve enfin trois sceaux en assez bon état de conservation : sceaux équestres à l’avers également avec, au revers, « un écu plain de gueules » et, sur les deux faces, entre deux cordons, le nom du vicomte (Amalric) et sa titulature, par la grâce de Dieu dominus et vicecomes de Narbonne (novembre 1254 et février 1257). Depuis le début du XIIe s., en effet, les vicomtes se qualifient de temps à autre de dominus, appellation ensuite systématiquement revendiquée, à partir d’Ermengarde, par elle-même (ainsi en mai 1184 : venerabilis domina Ermengardis vicecomitissa Narbonae)68 et par ses successeurs, au grand dam des archevêques qui dénient aux vicomtes le droit de s’approprier le titre de « seigneur » de Narbonne dans leurs actes et sur leurs sceaux69, ce que ces derniers continuent à faire néanmoins.
35Le développement de l’autonomie vicomtale entraîne bien évidemment la complexification des problèmes de gestion. En conséquence, la cour des vicomtes, d’abord essentiellement judiciaire, se diversifie progressivement et, d’itinérante qu’elle était, se fixe de plus en plus dans le palais vicomtal de la cité de Narbonne, au bord de l’Aude, sur « la porte Aiguière » face au palais archiépiscopal. Petit à petit le personnel curial s’étoffe (Annexes X, XI, XII) : au bayle (qui peut être juif) s’ajoutent un viguier, un juge, un chancelier, un chapelain, des scribes dont certains se font appeler notaires70…
***
36On en arrive ainsi, dans le courant du XIIIe s., à un réel apogée pour la vicomté de Narbonne. Mais dès lors celle-ci marque le pas, à l’instar de sa rivale la seigneurie temporelle archiépiscopale, bridées qu’elles sont toutes deux, de plus en plus, par le pouvoir du roi d’une part et, d’autre part, par celui des consuls. Il n’en reste pas moins qu’elle est une des seules « principautés » nées dans le Midi sur les ruines de l’Empire carolingien à se perpétuer jusqu’à la fin du Moyen Âge, le titre de « vicomte de Narbonne » demeurant alors encore assez attractif, pour que le roi lui-même, comme nous l’avons vu, désire en faire l’acquisition.
Notes de bas de page
1 J.-P. Migne, Patrologie latine, 221 vol., Paris, 1844-1864 (= PL), CXXVI, 772-773.
2 Bernard, marquis de Gothie (865-878).
3 Annexe I.
4 Dans « Charlemagne et les institutions de la monarchie franque », Karl der Grosse, Düsseldorf, 1965, vol. I, p. 378.
5 Dom Cl. Devic, Dom J. Vaissète, Histoire générale de Languedoc (= HGL), nouvelle éd., Toulouse, 1872-1892, II, 57-58.
6 Comte goth laissé en place par Pépin le Bref après sa victoire sur les musulmans en 759.
7 HGL, II, 134-135 et 185-187 (original aux Arch. départ. Aude, G 6).
8 E. Magnou-Nortier, A.-M. Magnou, Recueil des chartes de l’abbaye de La Grasse, t. I, Paris, 1996, p. 69, no 41. Également, HGL, II, 281-282.
9 HGL, II, 287-288.
10 HGL, II, 331-336 ; HGL, II, 370-372 et Gallia christiana (nouvelle édition), t. VI, Paris, 1739, 2e partie, Instrumenta (= GC, VI, Instr.), 9-10.
11 HGL, II, 308-310 (20. VI. 859) et 382-384 (17. XII. 875). Sur Udalric, Humfrid et Bernard de Gothie, voir M. Aurell, Les Noces du comte, Paris, 1995, p. 39 et ci-dessus, la n. 2.
12 J. Hefele, H. Leclercq, Histoire des conciles d’après les documents originaux (nouvelle traduction française à partir de la deuxième édition allemande), Paris, 1907-1921, IV, 2e partie, p. 666-678.
13 F. Grat, J. de Font-Réaux, R.-H. Bautier, Recueil des actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, p. XLIX et LXXIV (d’après HGL, V, 28). C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges du VIIIe au XIe s. La fin du monde antique ?, Le Puy, 1987, p. 55.
14 PL, CXXIX, 804 no XIV et HGL, V, 1706.
15 Pour la lecture Bernard et non Richard, J.-P. Poly, La Provence et la société féodale (879-1166), Paris, 1976, p. 19 et n. 70. D’aucuns sont favorables au maintien de la leçon Richard arguant qu’il s’agirait de Richard le Justicier, duc de Bourgogne, dont le pouvoir s’étendrait sur la Septimanie, selon G. Besse, Histoire des ducs, marquis et comtes de Narbonne, Paris, 1660, p. 156-157.
16 Annexes III et IV. Nous pensons que la cession de la Gothie par les Guillelmides aux Toulousains s’est faite pacifiquement en 918-919 (C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne…, p. 74) et non en 924 comme l’écrit J.-P. Poly, op. cit., p. 24.
17 Nutu Dei : utilisation étonnamment précoce à retenir avec prudence.
18 Il s’agit pour le futur d’obtempérer à l’injonction vicecomitis Narbonensis qui, illo tempore, eidem urbi praefuerit…
19 Dans un document du 19. X. 936 (cf. note no 29. Voir également M. Aurell, Les noces…., p. 53, 126-127 et p. 46, 244 sur sa grand-mère Guinedilda.
20 J.-P. Poly, La Provence, p. 24 en fait une Toulousaine fille de Raimond I ou bien d’Eudes.
21 HGL, V, 157. Sur la parenté entre les vicomtes de Narbonne et les comtes d’Ampurias voir T. Stasser, « La maison vicomtale de Narbonne aux Xe et XIe s. », Annales du Midi, cv, 1993, p. 489-507. Notons que selon M. Aurell, Richilde, l’épouse d’Eudes, est fille de Garsinde d’Ampurias alors que T. Stasser fait de cette dernière une Toulousaine.
22 La formulation est ambiguë et l’on pourrait aussi comprendre que c’est le vicomte qui est qualifié ainsi. Après avoir nous-même hésité, nous pensons qu’il s’agit bien du comte de Toulouse. Sur cette question voir Cl. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, t. I, L’Aristocratie languedocienne du Xe au XIIe s., Toulouse, 2001, p. 75 et n. 117.
23 La généalogie des comtes de Toulouse est l’objet de bien des controverses. Voir J.-P. Poly, « L’autre nom du comte Raimond », La Catalogne et la France méridionale autour de l’an Mil, Barcelone, 1991, p. 66-95. Nous proposons pour notre part de situer la mort d’Eudes de Toulouse vers 913-918, et celle de son fils, Raimond II, en 919 (après le 7 juillet), date à laquelle (Raimond III) Pons, né en 900 selon J.-P. Poly, deviendrait comte de Toulouse et marquis de Gothie.
24 HGL, V, 161-163 : il est aux côtés de Teudon, vicomte de Béziers (cf. Cl. Duhamel-Amado, op. cit., p. 16 et n. 18).
25 HGL, V, 150-151 : 11 décembre 920 (et non 925) car 28e année de Charles le Simple ; HGL, V, 151-153 : 28 septembre 921 (et non 926) car 29e année de Charles le Simple.
26 E. Junyent i Subira, Diplomatari de la catedral de Vic (segles IX-X), Vic, 1980, p. 290-292.
27 HGL, V, 160-161 et 222-223. Voir Annexe III.
28 HGL, V, 215 et 1551.
29 HGL, V, 1510 : P. de Marca, Marca hispanica, Paris, 1688 (= MH), 847, n. 72 : à cette occasion, Richilde nomme ses défunts parents (filia Borrelli, comitis, et Garsindis, comitissae). M. Aurell, op. cit., p. 126 et n. 3.
30 Anno Incarnationis 959 (10 des kal. de mai = 22 avril) mais anno 4 regnante Lothario (= 958) : HGL, V, 228-229 : vente d’un bien in comitatu Narbonense à l’archevêque Aymeric par Matfredus vicecomes et son épouse Adalaiz. À noter parmi les signataires Volveradus (éventuellement un fils du vicomte Vulverad frère d’Eudes-Odon lui-même père de Matfred ?). Anno nono regnante Lothario 15 kal. maii (= 17 avril 963) : HGL, V, 251-253 : donation à l’archevêque (parmi les signataires : Matfred, vicomte).
31 HGL, V, 255-257 : Matfredus vicecomes et uxoz sua Adalaiz.
32 GC, VI, Instr., 19-20. Adalais appartiendrait à la branche rouergate de la famille Raimondine. D’aucuns pensent que l’archevêque serait apparenté à la famille vicomtale de Narbonne où le nom Aimeric apparaît à la fin du XIe s. Les noms du frère et des neveux du prélat cités dans son testament ne plaident pas en faveur de cette hypothèse : Udalgerius, princeps, frater suus, Bernardus Grammaticus (alias Filogramus), nepos…, Geiro honorabilis princeps, nepos… defuncti…
33 HGL, V, 259-260 : donation de l’abbé de Saint-Pons-de-Thomières en faveur de l’Église de Narbonne consentie par Garsinde, comtesse (douairière de Toulouse), Adalais, vicomtesse et cunctis satellitibus civitatis Narbone.
34 HGL, V, 272 et 274-279 : donation de Garsinde avec mention d’Aladaidis vicomtesse et des deux fils de cette dernière sans mention d’aucun titre.
35 HGL, V, 284-288 (4 des kal. d’avril, i.e. le 28 et non le 29 mars) : mention de l’époux de la vicomtesse, Matfred, de ses trois sœurs Arsindis, Ermesindis et Garsindis, de ses deux fils. HGL, V, 320-324 : mention de son époux, ses sœurs, ses deux fils, sa belle-fille (épouse de Raimond), Ricarde, et du fils de cette dernière (petit-fils de la vicomtesse douairière) Ermengaud qui disparaît sans doute prématurément (Annexe IV).
36 G. Mouynès, « Rapport sur une charte d’Adalaïs, vicomtesse de Narbonne datée de l’an 990 », Mémoires de la Société des arts et sciences de Carcassonne, IV, 1878-79, p. 93-103 (il s’agit d’une copie du XIVe s.) : donation à Saint-Pons-de-Thomières : propter remedium et salutem anime mee et… specialiter pro anima domini (sic) mei Matfredi (c’est la vicomtesse qui s’exprime).
37 H. Débax, La Féodalité languedocienne XIe-XIIe s., Toulouse, 2003, p. 41. À noter que nous avons traduit seu par et plutôt que par ou.
38 BM Narbonne ms. 259, fol. 107 : 1067 (3 des kal. d’août) : donation en faveur de Fontfroide par Bérenger, vicomte et Garsende, son épouse.
39 G. de Catel, Mémoires de l’histoire du Languedoc, Toulouse, 1633, p. 581-582 : traduction en vieux français. Voir Débax, La féodalité…, p. 51 et n. 183.
40 Sur la filiation controversée de Raimond II Bérenger, J. Caille, « Origin and development of the temporal lordship of the archbishop in the city and territory of Narbonne (9th-12th Centuries) », Medieval Narbonne. A City at the Heart of the Troubadour World, Aldershot (G.-B.), Burlington (USA), 2005, V, p. 21 et n. 123, ainsi que p. 22 et n. 126, p. 25 et 34. Nous avons désormais acquis la conviction que Raimond est bien le fils de Garsinde comme les deux autres enfants de Bérenger, Pierre et Bernard (Annexe V).
41 Narbonne est une ville double comprenant une Cité antique flanquée de deux faubourgs médiévaux sur la rive gauche de l’Aude et un Bourg se développant à partir du premier tiers du XIe s. sur la rive droite.
42 Notons que pour ce qui concerne Narbonne et le plat pays, la famille vicomtale, bien qu’il n’en soit rien dit, doit tenir compte de la seigneurie archiépiscopale déjà très fortement implantée : J. Caille, « Origin… », p. 21, 25 et les cartes et plans p. 2, 6, 40-41. Le 25 octobre 1112 (HGL, V, 829-831), l’archevêque de Narbonne et ejusdem civitatis vicecomes Aymericus renoncent ensemble au droit de naufrage.
43 J. Caille, « Origin… », p. 16-17 et 20.
44 Sur les serments : H. Débax, La féodalité…, p. 99 et suivantes, p. 143 et suivantes.
45 Nous n’avons pas suivi totalement l’ordre du texte pour regrouper jusqu’ici les possessions situées dans l’ancienne Septimanie (Gothie).
46 Ces biens se trouvent cette fois en Aquitaine. Dans le testament de Matfred et d’Adalaidis aussi, en 966, les biens légués son situés en « Septimanie » et en « Aquitaine ».
47 Première version du testament du 7 mai 1118 : HGL, V, 866.
48 HGL, VIII, 489-490.
49 Arch. départ. Hérault 13 H 1 : Livre secret des titres de Fontcaude : analyse moderne.
50 HGL, V, 860-865 et GC, VI, Instr., 28-30.
51 G. de Catel, Mémoires, p. 594.
52 HGL, V, 316-319.
53 J. Caille, Medieval Narbonne, Index ad verba Mint, minter (monnaie, monnayeur) et Mines.
54 Jusqu’au troisième quart du XIe s. (Ermengaud 966-977 et Pierre vers 1079-80) mais aussi, après la perte de cette emprise (Bérenger accède à l’archevêché en juillet 1156, quelques mois après que sa nièce, Ermengarde, ait renoncé au « droit de dépouille » des archevêques en janvier 1155). Annexes IV et VI et J. Caille, Medieval Narbonne…, V, p. 33 et n. 189-192.
55 H. Débax, La féodalité…, p. 51-52 et n. 189.
56 Au sujet de cet acte dont l’original est conservé aux Arch. départ. Aude H 155 voir, H. Débax, La féodalité…, p. 74 et n. 322.
57 BM Narbonne, ms. 259 fol. 71v : analyse du XVIIe s. Il faut noter que Pierre est parfois nommé Pierre Bérenger.
58 HGL, V, 635 qui date sans preuve « vers 1077 ». Voir Débax, La féodalité…, p. 75 et n. 327.
59 BNF, Doat, LV, 113-118 et Baluze 82 fol. 155-158 ; HGL, V, 656-658 : domnus Petrus, electus atque patronus ejusdem ecclesie (ecclesia sanctorum Justi et Pastoris) et vicecomes Narbone…
60 PL, CXLVIII, 701-702, no LII qui date de 1080, cette lettre parfois datée de 1082.
61 Sur tout cela voir J. Caille, « Ermengarde vicomtesse de Narbonne. Une grande figure féminine du Midi aristocratique », La Femme dans l’histoire et la société méridionales, LXVIe Congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon (Narbonne, 1994), Montpellier 1995 (traduction en anglais avec addenda et corrigenda dans Medieval Narbonne, X).
62 HGL, V, 546-547 (1067) et F.J. Miquel Rosell, Liber feodorum major, 2 vol., Barcelone, 1945-47, II, no 810-811.
63 J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne dans le conflit Toulouse-Barcelone au XIIe s. », Annales du Midi, XCVII, 1985, p. 227-244 et Medieval Narbonne, IX, et Addenda, p. 5-8.
64 Dom Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, nouvelle éd., Paris, 1869-1879, XVI, p. 90-91, no CCXXV et CCLXXX (à Louis… domino unico suo, Ermengardis… ejusdem specialis femina…).
65 Annexes III et VI.
66 Nom qui aurait alors joui d’un prestige particulier en Septimanie : R. Lejeune, « La question de l’historicité du héros épique Aimeri de Narbonne », Mélanges Perroy, Paris, 1973, p. 50-52.
67 Auxquels il faut ajouter deux autres « Aymeric » disparus prématurément : le frère aîné d’Ermengarde et l’aîné de ses neveux qui l’un et l’autre étaient destinés à être vicomtes.
68 BNF, Doat, LXI, 304-306v. Dès 990, la vicomtesse douairière Adalais se serait qualifiée de domina voir note 36).
69 Particulièrement G. de la Broue au milieu du XIIIe s. : J. Caille, « La seigneurie temporelle de l’archevêque de Narbonne », Cahiers de Fanjeaux 7, Toulouse, 1972, p. 171 et Medieval Narbonne, VI et Addenda, p. 2-3.
70 Cette évolution se poursuit tout au long du XIIIe s. : M. Gramain, « La composition de la cour vicomtale à Narbonne aux XIIe et XIIIe s. », Annales du Midi, LXXXI, 1969. À noter qu’il ne faut pas confondre le viguier vicomtal avec les personnages appelés aussi viguiers qui tiennent, l’un au nom du vicomte, l’autre au nom de l’archevêque, la viguerie héréditaire du bourg de Narbonne.
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