Premier établissements juifs de l’époque contemporaine
p. 93-133
Texte intégral
LE RETOUR DES JUIFS DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE (1860-1930)
1C’est dans la seconde moitié du xixe siècle que s’ébauche le phénomène de retour des juifs en Espagne, une immigration qui met fin à près de quatre siècles d’interdiction officielle du judaïsme dans ce pays.
Les années 1860-1914
2Elles voient l’arrivée de quelques centaines de personnes d’origine juive, réparties en trois groupes hétérogènes : – du Maroc : des réfugiés de la guerre d’Afrique ; – de France et d’Allemagne : un petit nombre de financiers venus contribuer à l’industrialisation du pays ; – de Russie et d’Europe orientale à la suite de pogroms : des Judéo-espagnols bénéficiant de l’asile promis par le gouvernement de Sagasta. Ces petits flux vont constituer les premiers établissements israélites de l’époque contemporaine.
3En 1859, le déclenchement de la guerre dans le nord du Maroc, conduit plusieurs centaines de juifs de la région, et notamment de Tétouan, à se réfugier dans les zones limitrophes : Ceuta, Oran et Gibraltar. Ils seront quelque 3 000 à être accueillis sur le Rocher, avec l’aide du consulat britannique de Tanger. D’autres, 600 personnes environ, arrivent sur le territoire ibérique via Algéciras et Tarifa, après que des personnalités séfarades influentes de Londres (M. Lindo) ont obtenu la protection officielle du gouvernement d’Isabelle II. Ce dernier leur octroie une aide économique et accepte de les laisser pratiquer librement leurs rites religieux. Un an plus tard, la majorité retourne au Maroc mais un petit nombre choisit de demeurer en Espagne, principalement dans la zone côtière. En mai 1862, le départ des troupes espagnoles de Tétouan entraîne dans son sillage une nouvelle émigration parmi ceux qui ont « coopéré », par crainte des représailles. Celle-ci se fixe dans différentes localités d’Andalousie1.
4Un voyageur ayant visité Séville en 1889 signale la présence de plusieurs dizaines de familles juives dans cette ville, disposant d’une boucherie casher2 et d’un mohel3 pour les circoncisions. Il note encore que ces personnes se réunissent régulièrement dans une maison privée pour prier4. Au tout début du xxe siècle, la communauté sévillane, composée de trente cinq familles, apparaît comme la seule communauté juive organisée de la péninsule Ibérique.
5Dans son ouvrage Españoles sin patria, publié en 1905, Angel Pulido, sur la base d’informations fournies par différents correspondants en Espagne, résume ainsi la réalité juive sévillane :
6« À Séville, tous les juifs sont originaires de la Côte du Maroc : l’un vient de Mogador, l’autre de Rabat, deux ou trois de Tanger et tous les autres de Tétouan. […] La personne le plus anciennement installée à Séville y vit depuis quarante ans. » Ces juifs se consacrent à la fabrication de fruits confits, de nougat, de chaussures, à l’achat et à la vente d’objets précieux, généralement dans les foires d’Andalousie et d’Estrémadure. Certaines familles ont établi, à petite échelle, des relations commerciales avec les Hébreux de Tétouan et de Tanger, lesquelles reposent sur l’achat et la vente de matières grasses, huile, miel et dattes. Les juifs habitent un même quartier – à l’extrémité de la Alameda de Hércules – un lieu où les loyers sont modestes. Ils s’entraident abondamment de sorte que tout le monde a de quoi se nourrir. Les chefs de famille remettent chaque mois une somme au rabbin qui la redistribue parmi les nécessiteux. Ils observent leur religion et se rassemblent les jours de fêtes dans un petit temple.
7Depuis la création de l’état civil, les naissances et décès sont enregistrés, et l’habitude se généralise de se marier civilement conformément aux lois du pays. Ils parlent l’espagnol ou le judéo-espagnol, leur langue d’origine, et consacrent une heure par jour à enseigner l’hébreu à leurs enfants. Il est fréquent qu’ils soient rapidement naturalisés.
8Le même auteur ajoute encore, apportant une dernière touche de respectabilité à ce portrait de groupe de la première communauté juive du pays : « Ils sont monarchistes, et il n’y a guère plus de trois ou quatre individus au sein d’une même famille qui soient républicains. Ils sont peu enclins à extérioriser leurs idées politiques mais, en général, les jours d’élections, ils vont voter ». A. Pulido signale enfin que les Autorités n’ont jamais eu à intervenir pour un quelconque délit « commis par un individu de la Colonie, depuis l’époque où sont arrivées les premières familles5 ».
9Dans son Histoire de la juiverie de Séville, rédigée quelques années plus tard, et largement inspiré du livre précité, Mario Méndez Bejarano insiste sur les bonnes relations qui règnent entre les nouveaux venus et la population andalouse : « À Séville, il n’y eut pas le moindre signe d’hostilité ». Il évoque par ailleurs le faible niveau socio-culturel de la petite communauté juive : « Chaque samedi, ils se réunissent dans la maison de l’un d’entre eux pour faire leurs prières et ils observent rigoureusement la fête du shabbat. Les plus instruits communiquent leurs connaissances religieuses aux autres mais sans grands résultats, car la colonie ne se compose ni d’exégètes ni de talmudistes mais plutôt de modestes commerçants et entrepreneurs6 ».
10En 1904, la petite communauté s’associa avec enthousiasme à l’accueil du roi Alphonse XIII dans la ville. Les balcons décorés où se rassemblèrent les membres de la communauté pour acclamer le monarque déployaient plusieurs banderoles en espagnol et en hébreu « Vive le Roi Alphonse XIII » ; « Vive la Reine Doña Maria Cristina fondatrice des centres d’allaitement pour les enfants assistés de Madrid » ; « La Colonie hébraïque à Don Alfonso »… Un quotidien de Séville, décrivant l’événement, mentionne les noms de 70 hommes et femmes de la communauté juive qui avaient participé à la réception. Il est probable que le nombre de juifs de Séville n’était pas de beaucoup supérieur7.
11Cette résurgence d’une expression juive dans l’espace public ne passe pas inaperçue aux yeux des catholiques intégristes, comme l’indique un pamphlet antisémite de Joaquín Girón y Arcas, professeur de droit canon à l’Université Pontificale de Salamanque. Ce dernier demande que les juifs ne soient pas autorisés à revenir en Espagne puisque « nous nous sommes délivrés en 1492 de cette ‘lèpre immonde’ et souhaite que l’on interdise à ceux qui sont ici, comme les juifs de Séville, de s’exprimer publiquement comme ils l’ont fait pour souhaiter la bienvenue à Alphonse XIII, mais aussi d’avoir un cimetière à eux et de consommer des aliments casher8 ». En écho, les « impressions de voyage » d’Abraham Shalom Yahuda, au retour de son premier séjour en Espagne, apportent une toute autre perception du climat entourant la jeune communauté juive sévillane : « Les sphères gouvernementales leur ont, à diverses reprises, donné des témoignages de leur sympathie : c’est ainsi que le gouvernement civil, le maire, l’ancien ministre De la Borbolla et d’autres notables ont assisté à la fête de la Bar Mitsva9 du neveu du président de la communauté, M. David Pilo10 ».
12Bien avant cette immigration juive en Andalousie, et en dépit d’une législation hostile à toute présence israélite sur le sol espagnol, rappelée en diverses occasions – ce qui donne à penser que la règle était couramment enfreinte (ainsi, l’Ordonnance royale de 1819, se référant à des Hébreux en provenance de Gibraltar, Tétouan et d’autres lieux qui accostent dans les ports andalous et se signalent au Tribunal de l’Inquisition, stipule qu’ils n’ont le droit sous aucun prétexte de se rendre à terre et de résider en Espagne) – différents récits de voyageurs attestent de la circulation de personnes d’origine juive venues chercher fortune dans la Péninsule. Julio Caro Baroja nous dit que « Certains étaient des hommes pauvres, servant de guides aux touristes qui visitaient Grenade par exemple. D’autres, des commerçants aux ambitions modestes ».
13Par ailleurs, l’histoire espagnole conserve le souvenir de personnalités de premier plan d’ascendance juive ou supposée telles. On citera le banquier A. M. Aguado (1785-1842), né à Séville, au sein d’une famille aristocratique dont l’origine juive portugaise est établie. Il participa à la fondation de la Banque de San Fernando, à la création des entreprises du canal de Castille et de l’assèchement des maremmes du Guadalquivir, jouant également un rôle de mécène dans le monde des arts, avant de finir sa vie en France. Un autre personnage célèbre est le politicien Mendizábal (1790-1853), né à Cadix. Son nom est principalement associé à la Loi de desamortización de 1836, une mesure de confiscation et mise en vente des biens du clergé, visant à désendetter l’État. Bête noire des conservateurs, Mendizábal fut souvent caricaturé par ses ennemis doté d’une longue queue, un attribut que l’imaginaire populaire imputait aux juifs. Il termina son existence dans un relatif anonymat. À l’époque, il se disait dans les chancelleries que la chute de Mendizábal était en grande partie due à sa qualité de juif qui indisposait la régente Marie-Christine de Bourbon-Sicile11.
14Plus généralement, même après l’abolition définitive du Tribunal de l’Inquisition en 1834, le décret d’expulsion des juifs demeurait toujours en vigueur. Tout juif arrivant en Espagne devait solliciter une autorisation temporaire de résidence et se voyait soumis à un contrôle rapproché.
15En réalité, un premier noyau de juifs étrangers s’était déjà établi de façon permanente en Espagne au milieu du xixe siècle. Il s’agissait de Français originaires des communautés juives de Bayonne et de Bordeaux, qui vivaient à Madrid et dans plusieurs villes du Golf de Biscaye. Une tolérance de fait concernant l’entrée des juifs sur le territoire avait permis le développement d’échanges commerciaux impliquant ces israélites du sud-ouest de la France et des Espagnols du Pays Basque, Bayonne constituant pour la Péninsule un lieu important d’approvisionnement en produits européens et coloniaux. Dans le cadre de cette activité économique, des liens personnels s’étaient noués au fil du temps. Henry Léon, affirme dans son Histoire des Juifs de Bayonne écrit en 1893, que durant les guerres carlistes, nombre d’Espagnols trouvèrent refuge de l’autre côté de la frontière, dans des familles juives de la localité française.
16Au début des années 1840, pour éviter les nouvelles taxes douanières instaurées sur les importations, plusieurs entreprises appartenant à des juifs de Bayonne – A. Léon et fils, I. Léon fils, Delvaille et Atias – s’établissent en Espagne, et notamment à Saint Sébastien. En 1843, d’autres commerçants – Frois, Silva et Blanc – fondent à Vergara une fabrique de tissus. En 1855, Silva frères en ouvre une autre à Villabona. Rodriguez et Salzedo créent une entreprise textile à Tolosa et une autre de papier à Irun. Ces Français ne dissimulent pas leur judaïsme ; ils respectent le shabbat en fermant leurs établissements le samedi, et les plus religieux importent de la viande casher à la vue de tous. Leurs activités vont s’étendre progressivement à l’ensemble de la Péninsule. C’est ainsi par exemple que, depuis son magasin principal de Madrid, l’entreprise Jules Gommes commercialise la vente de tissus français jusqu’en Andalousie12.
17À la même époque, les grandes dynasties européennes de la banque et de l’industrie commencent à investir en Espagne, intervenant directement dans la modernisation du pays. À partir de 1848, la banque Rothschild ouvre des représentations à Madrid dirigées par des correspondants étrangers d’origine juive comme les Weissweiler ou les Bauer d’Autriche. Cette même banque est le principal actionnaire de la compagnie des Chemins de fer de Madrid à Saragosse et Alicante, la MZA, fondée en 1857. Elle contrôle également des gisements de cuivre (Río Tinto) et de mercure (Almadèn). En 1864, les frères Péreire, séfarades d’origine bordelaise, fondent la Société Générale du Crédit Mobilier Espagnol. Ces ingénieurs participent à la construction de la voie ferrée Madrid-Irun. En 1878, Isaac Salzedo crée une filiale de sa banque dans la capitale, dirigée par son fils Alberto. Le comte Abraham Camondo, célèbre collectionneur d’art à la tête de la banque éponyme, est en relation d’affaires avec la Commission des Finances d’Espagne à Paris et la Banque des Hypothèques d’Espagne. Son groupe finance des exploitations minières (la Société des Phosphates de Caceres) et la compagnie de Chemins de fer de la ligne Madrid-Lisbonne. Les Péreire et les Lafitte possèdent également des succursales dans les provinces basques, à Saint Sébastien et à Irun. Enfin, un noyau juif encore plus restreint, constitué de personnes venues principalement de France et d’Allemagne, est également signalé à Barcelone.
18Quelques dizaines de familles juives résident donc à Madrid et dans plusieurs villes du nord de l’Espagne. Les nouveaux résidents, généralement peu religieux, ne se soucient guère d’insuffler une vie communautaire. À défaut d’une terre consacrée, ceux qui décèdent sont dans leur majorité enterrés de l’autre côté de la frontière, au Pays basque français. Ces Israélites fortunés évoluent au sein de la haute société et certains n’hésiteront pas à s’unir à l’aristocratie catholique. Sous la Restauration, Mme Bauer tient salon dans le palais familial de la rue San Bernardo à Madrid, recevant les personnalités les plus en vue de l’époque : hommes politiques, philosophes, et gens d’église. En 1865, à la demande du Consistoire Israélite de France, la colonie juive madrilène obtient du gouvernement espagnol l’autorisation d’acquérir des terrains pour édifier un cimetière (à l’instar de ce qu’avaient obtenu les protestants en 1855), sous réserve qu’il n’y ait pas de construction de synagogue13.
19On a vu précédemment que les Cortes de 1854 s’étaient prononcées en faveur de la tolérance religieuse et que la Constitution de 1869 avait entériné le principe de la liberté de culte en direction des protestants et juifs étrangers – sans toutefois abroger explicitement le décret d’Expulsion de 1492. Sept ans plus tard, en 1876, le Parlement de la Restauration réaffirmait la suprématie du catholicisme en tant que religion d’État, en interdisant toute expression publique des autres cultes. Ce contexte politique, incertain et non dépourvu d’ambiguïté, allait cependant permettre la reconstruction d’une vie juive en Espagne avec l’arrivée de petits flux juifs en provenance d’Afrique du Nord, de France et d’Allemagne.
20Selon Haïm Avni, vingt cinq juifs auraient reçu la citoyenneté espagnole sous la Première République (1869-1875). À en juger par leurs patronymes, ils étaient presque tous séfarades et originaires du nord de l’Afrique14. Au recensement de population de 1877, 406 personnes – 276 hommes et 130 femmes – distribuées sur 21 localités différentes, se déclaraient juives. Le collectif le plus nombreux, composé de 209 personnes, vivait à Cadix. Peu de juifs résidaient officiellement dans les grandes villes : 31 à Madrid et 21 à Barcelone. En dehors de ces trois cités et de Séville, existaient encore quelques foyers isolés à Malaga, Algéciras, Tolède, Alicante, Saint Sébastien, Irun, Huelva et Rio Tinto notamment. Ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité car, à l’évidence, bien des juifs considéraient préférables de ne pas s’identifier comme tels. Sous la Restauration toujours, on se souvient que l’appui apporté aux Séfarades, victimes de pogroms en Russie et en Europe orientale, s’était soldé par l’arrivée de 51 familles de Constantinople à Barcelone en 1881 et l’accueil de quelques dizaines de personnes nécessiteuses reçues à Madrid en 1887 au Centro Español de Inmigración Israelita, nouvellement créé.
21En 1886, un voyageur de passage à Madrid écrivait que les juifs de la capitale manquaient du plus élémentaire pour une synagogue : un Sefer Torah15, des livres de prières et une personne capable de lire l’hébreu, ajoutant que les prières n’étaient dites qu’à l’occasion de Yom Kippour16. Aussi les Hébreux venus de Gibraltar, Tanger et Tétouan avaient-ils coutume de retourner dans leurs communautés d’origine pour célébrer les grandes fêtes religieuses en famille17. De même, la communauté juive de Barcelone, composée entre autres de Français, d’Allemands, et de Turcs, était trop éclatée pour disposer d’un lieu de culte. Cependant, un certain nombre de familles continuaient à arriver sporadiquement du sud de la France ou d’Afrique du Nord (Algérie et Maroc), à la recherche d’une vie meilleure18. Dans les premières années du xxe siècle, A. Pulido estimait qu’il y avait en Espagne environ 2 000 Hébreux19. En 1909, le roi Alphonse XIII fit supprimer l’article 2 de la Constitution qui interdisait la construction de synagogues. Ceci allait permettre à la communauté juive sévillane de se constituer légalement. Celle-ci, affaiblie après qu’un incendie eut détruit complètement, en 1904, son modeste lieu de culte situé au numéro 9 de la rue Lumbreras20, était sur le point de disparaître en tant que structure organisée lorsque la visite d’A. S. Yahuda, en septembre 1913, parvint à mobiliser les énergies et surtout les donateurs pour obtenir la présence permanente d’un rabbin et la création officielle de la Communauté Israélite de Séville. En 1917 et 1818, les entités juives de Madrid et Barcelone allaient accéder à leur tour à une reconnaissance légale.
22À diverses reprises, entre 1881 et 1887, alors que les libéraux se trouvaient aux commandes de l’État en Espagne, plusieurs leaders du judaïsme européen tentèrent d’obtenir des autorités espagnoles une déclaration formelle d’abrogation du décret d’expulsion de 1492. Haïm Guedalla, l’un des membres les plus éminents de la communauté hispano-portugaise de Londres, demanda en 1881 au président du gouvernement P. M. Sagasta de confirmer aux juifs que l’édit d’Expulsion avait bien été abrogé. La réponse de Sagasta fut quelque peu alambiquée : se basant sur l’article 1er de la Constitution de 1876, qui ne faisait aucune distinction entre les étrangers en matière de religion, celui-ci affirmait qu’une législation ou déclaration particulière était inutile. Bien au contraire, ajoutait-il, la promulgation d’une loi spécifique pourrait mettre en doute les interprétations libérales données de la Constitution, avant de conclure : « Tous vos coreligionnaires qui le désirent, peuvent venir en Espagne sans le moindre obstacle et vous pouvez être assuré que le gouvernement, se faisant l’interprète de l’opinion du pays, les recevra avec bienveillance et sympathie ». Interrogé à nouveau sur la liberté religieuse, Sagasta renvoya ses interlocuteurs à l’article 11 de la Constitution, qui permettait aux non catholiques d’avoir leurs propres lieux de culte et cimetières. En février 1887, aux Cortes cette fois, le même Sagasta répétait cette argumentation, en précisant encore que l’article 2, stipulant que les étrangers étaient libres de s’établir dans le pays et d’y exercer leurs activités, se référait aux juifs comme à tous les adeptes des autres religions.
23Cette interprétation de la Constitution espagnole, fut généralement bien reçue dans la presse juive occidentale. Toutefois, le chef du Board of Deputies of British Jews jugea de son devoir de déclarer que tant que l’Espagne n’aurait pas décrété l’abolition de toute entrave à la liberté religieuse à travers un amendement constitutionnel, l’avenir des juifs demeurait incertain dans ce pays. Le rabbin Philippson adopta une position plus tranchée : d’après lui, les propos de Sagasta selon lesquels l’article 1er de la Constitution annulait l’édit d’Expulsion n’apportaient pas de garantie suffisante, et aucun juif ne devait se sentir en sécurité en Espagne21.
24En résumé, la connaissance des premiers établissements juifs de l’époque contemporaine est lacunaire. Les communautés identifiées ne présentent pas de réelle continuité dans le temps. On ignore ce que sont devenus la plupart de leurs membres ainsi que leurs descendants. À travers le recoupement des témoignages, quelques échos de presse ou encore divers ouvrages émerge une représentation fragmentaire permettant tout au plus de reconstituer le parcours de personnalités notoires, de repérer certains évènements prenant valeur de symbole dans l’histoire du judaïsme renaissant et enfin de cerner les conditions générales dans lesquelles se sont réalisées ces « retours » en Espagne.
La période 1914-1930
25Le déclenchement de la Première Guerre mondiale ouvre une nouvelle étape dans les relations hispano-juives en provoquant un afflux de réfugiés en Espagne.
26Après la révolution des jeunes Turcs en 1908, de nombreux juifs de l’Empire ottoman ont émigré vers l’Europe et l’Amérique, fuyant les nouvelles conditions de vie qui leur sont faites dans leur pays : conscription obligatoire et engagement dans les guerres balkaniques (1912-1913) ; difficultés quotidiennes en rapport avec leur statut de minorité. Beaucoup d’entre eux, déjà francisés dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, se sont naturellement dirigés vers la France. Mais la Grande guerre et son jeu des alliances rattrape ces arrivants qui avaient conservé pour la plupart leur nationalité turque : ils deviennent ressortissants d’un pays ennemi. En 1916, l’État français ordonne aux résidents allemands et turcs d’abandonner le territoire sous peine d’internement dans un camp de travail. Aussi, les juifs levantins, et notamment ceux qui se sont établis à Marseille, voient dans l’Espagne voisine, neutre de surcroît, une solution transitoire pour attendre la fin des hostilités. La ligne de transports maritimes qui unit Marseille à Barcelone facilite l’arrivée de plus de cent vingt personnes sur le sol ibérique. Un an auparavant, une quinzaine de leurs coreligionnaires en provenance de Salonique, profitant d’un marché commercial concédé à l’Espagne afin de ravitailler les troupes de l’alliance stationnées en Macédoine et, là encore, d’une ligne de navigation existant entre le Pirée et Barcelone, avaient rallié la métropole catalane pour se consacrer à des activité d’import-export22. La guerre mondiale, toujours, aggrave la situation d’autres collectifs juifs d’Europe orientale et des Balkans se trouvant à l’étranger : les ressortissants russes qui ne souhaitent pas rentrer pour servir dans l’armée du tsar, et ceux de l’Empire austro-hongrois, peu désireux de retourner dans leur pays d’origine. Nombre d’entre eux vont, à leur tour, se diriger vers la péninsule Ibérique, le roi Alphonse XIII accordant des laissez-passer à tous ceux qui se présentent à la frontière espagnole. On estime finalement que la neutralité de l’Espagne durant le conflit mondial a permis à quelque deux mille juifs de se réfugier dans ce pays entre 1914 et 1918, principalement à Barcelone, mais aussi à Madrid.
27Sous l’effet de ces arrivées en nombre, la vie juive en Espagne va connaître une impulsion nouvelle. D’autant que les nouveaux venus comptent parmi eux des personnalités de renom du monde politique et intellectuel. En 1915, le professeur Abraham S. Yahuda a été sollicité par le gouvernement espagnol pour occuper une chaire de langue et de littérature rabbiniques, nouvellement créée à son intention à l’Université de Madrid. Il y retrouve le penseur et dirigeant sioniste Max Nordau qui, en tant que citoyen autrichien, s’est vu contraint d’abandonner la France, en septembre 1914. On doit à ces personnes et à quelques notables juifs obstinés, la fondation des Communautés Israélites de Madrid et Barcelone.
28Dans la capitale espagnole, la communauté naissante regroupe cinquante sept membres, venus de dix huit pays différents : (la France, la Turquie, la Russie, l’Empire austro-hongrois… mais aussi l’Argentine, le Mexique et la Perse). Ceux-ci ont pris l’habitude, depuis des années, de se rassembler chez le banquier Salzedo pour réciter les prières de Kippour. Ce dernier, et d’autres personnalités influentes comme José Farache qui sera nommé peu après président de la Casa Universal, et le jeune Ignacio Bauer, petit-fils du représentant de la maison Rothschild en Espagne obtiennent, en 1917, l’autorisation de se constituer en organisation religieuse. La première synagogue ouverte à Madrid depuis l’Expulsion est inaugurée le 3 février 1917, en présence des autorités locales et de représentants des ambassades britannique et française. Peu après, le nouveau lieu de culte – qui reçoit le nom d’Isaac Abravanel en mémoire de l’illustre philosophe et homme d’État – célèbre une Bar Mitsva comme premier acte liturgique. Ce jour-là, Max Nordau, descendant direct d’Abravanel (il confiera avoir appris le judéo-espagnol durant son enfance, au sein de sa famille séfarade) accepte l’honneur, bien que non croyant, de porter les rouleaux de la Torah jusqu’au tabernacle, en signe de solidarité envers « la pauvre communauté des exilés23 ». Le local qui héberge la synagogue est situé dans un appartement au n ° 5 de la rue Príncipe, propriété de la famille Bauer. Tous les frais d’aménagement et de décoration de l’oratoire ont été pris en charge par cette dernière ainsi que par Alberto Salzedo. Les statuts de la première Communauté Israélite de Madrid (CIM) sont déposés à la Direction Générale de la Sécurité le 15 mai 1920. Leur rédaction s’inspire de ceux de la Communauté de Barcelone, légalisée deux ans auparavant. Ainsi constituée légalement, la CIM sera présidée par Ignacio Bauer jusqu’à la Guerre civile.
29Il convient de souligner le rôle joué par ce dernier dans la renaissance du judaïsme espagnol contemporain et la vie intellectuelle de son temps en général. Ignacio Bauer y Landauer jouit d’une position sociale et politique singulière dans la société madrilène. Libéral, il est élu député aux Cortes en 1923. Il dispose d’un vaste réseau d’amitiés de divers bords idéologiques, y compris parmi les proches du roi Alphonse XIII. Il appuiera avec générosité – jusqu’à la ruine de sa famille, après la crise de 1929 – tant la campagne d’Angel Pulido que les efforts d’A. Yahuda pour structurer la vie religieuse. Dans l’édifice de la rue Príncipe sont concentrées les organisations juives et philoséfarades de la capitale : la Communauté Israélite, la synagogue, la Casa Universal de los Sefardíes, la Federación Sionista Hispánica, etc. À l’importante activité éditoriale de la Compañia Ibero Americana de Publicaciones déjà évoquée, s’ajoute la publication de plusieurs périodiques El Heraldo de Marruecos, La Revista de la Raza et La Gaceta Literaria.
30En 1922, signe d’une présence juive stabilisée, un rabbin originaire de Tétouan, León Jalfón, rejoint la Communauté madrilène. Parallèlement, le cimetière juif, prévu de longue date, entre en fonction la même année.
31L’origine de la Communauté Israélite de Barcelone est antérieure à la première Guerre mondiale. Il est possible, dès 1912, de localiser dans la ville quelques industriels d’origine allemande, se consacrant principalement au commerce textile. Des personnes comme les frères Edmundo et José Metzger, Alberto Alazraki ou encore Enrique Talaveritz vont jouer un rôle actif dans la structuration de la communauté juive catalane. Mais surtout, à ce noyau d’origine ashkénaze, s’ajoutent les « Turcs » (le terme est dès cette époque couramment employé pour désigner l’ensemble des Séfarades de la Méditerranée orientale – des Balkans à l’Orient ottoman), que leur ferveur religieuse a rapidement conduit à se réunir régulièrement, au domicile des personnes les plus fortunées, pour célébrer le culte et les fêtes. La population totale israélite est alors estimée à quelque trois cents personnes.
32Après le déclenchement de la Grande guerre, de nombreux juifs affluent vers Barcelone, cité portuaire, proche de la frontière française, qui offre de multiples débouchés en termes de survie économique. De sorte que coexistent dans la métropole catalane des Israélites de provenances aussi diversifiées qu’à Madrid mais avec un poids numérique tout autre. En ces années, la ville rassemble environ cinquante familles russes et une centaine de juifs venus de Turquie. À ce collectif prédominant, s’ajoutent un petit nombre d’Allemands, généralement de condition aisée, ainsi que des européens de différentes nationalités.
33De la rencontre entre anciens résidents et nouveaux migrants va naître la volonté de fonder une communauté permanente et officielle. Lorsque la guerre mondiale se termine, en novembre 1918, certains réfugiés rentrent dans leur pays d’origine mais d’autres arrivent, et la dynamique enclenchée va déboucher sur la légalisation de la Communauté Israélite de Barcelone (CIB) Ses quinze membres fondateurs, se basant sur la Loi d’Association de 1887, ont soumis au gouverneur civil, le 31 décembre 1918, les statuts de la nouvelle communauté juive, lesquels sont approuvés et enregistrés le 6 mai 1919. Edmundo Metzger est élu premier président de la CIB, qui s’enorgueillit donc d’être la première communauté juive officiellement reconnue sur le territoire espagnol depuis 1492. Un local loué en plein coeur de l’Ensanche barcelonais, à l’angle des rues Provenza et Balmes, réunit dans le même espace le centre communautaire et la synagogue. Cette dernière est consacrée lors d’une cérémonie à laquelle assistent le maire et le gouverneur de Barcelone. Bientôt, le petit local s’avère trop réduit pour l’affluence de Yom Kippour. En 1923, les activités juives s’étendent à l’ensemble de l’édifice24.
34Parmi les activités déployées an sein des trois communautés juives organisées de Séville, Madrid et Barcelone, le militantisme sioniste occupe une part non négligeable.
35On rappellera qu’après la publication, en 1896, de l’ouvrage de Théodore Herzl, L’État des Juifs, qui affirme la nécessité de créer un État national juif, en réponse à la résurgence de l’antisémitisme en Europe, l’idée sioniste va se structurer en un mouvement de vaste amplitude, mobilisant des milliers de personnes juives de par le monde. Dès 1897 est organisé le premier Congrès Sioniste de Bâle, qui sera suivi d’autres congrès rassemblant de très nombreux intellectuels juifs.
36Au déclenchement de la guerre de 1914-18, Max Nordau, co-fondateur du mouvement sioniste avec Théodore Herzl, s’est réfugié en Espagne où il résidera jusqu’à la fin des hostilités. La Déclaration Balfour du 2 novembre 1917, qui propose la création d’un Foyer national juif en Palestine (lequel deviendra, en mai 1948, l’État d’Israël) surprend donc le leader sioniste à Madrid. Chez lui défilent les penseurs juifs les plus importants de l’époque dont les futurs dirigeants de l’État hébreu fondé après la Seconde Guerre mondiale : Vladimir Jabotinsky, Chaïm Weizmann, etc. Dans ce climat d’effervescence intellectuelle et idéologique, de petits noyaux sionistes se constituent au sein des communautés juives. En 1920, Isaac Bauer et José Farache créent la Federación Sionista Hispánica. Cette même année, A. Yahuda la représente à la Conférence Sioniste de Londres. Deux ans plus tard, le regroupement devient une entité officiellement reconnue par les autorités espagnoles : la Federación Sionista Ibero-Marroquí, suffisamment dynamique pour éditer une brochure Beth Israel. Ignacio Bauer est le président de la nouvelle fédération et Manuel L. Ortega en est le secrétaire général25.
37Toutefois, ces activités juives et sionistes vont disparaître rapidement à la fin de la Première Guerre mondiale. La plupart des réfugiés juifs s’en retournent dans leur pays d’origine, tandis que d’autres s’embarquent pour l’Amérique. Max Nordau regagne Paris en 1919. A. S. Yahuda, qui est la cible de nombreuses attaques de la part des courants religieux intégristes, hostiles à sa nomination à la chaire de langue et littérature rabbiniques, part en congé pour Londres avant de démissionner en 1921. Bien que l’intéressé se soit efforcé de minimiser l’importance de cet épisode, la façon dont M. Nordau relate la réaction antisémite : « Certains bulletins du clergé s’acharnèrent sur Yahuda comme des chiens enragés, exprimant une réaction politique et religieuse de la pire espèce » rappelle le climat conflictuel dans lequel s’est réalisée la résurgence d’une vie juive en Espagne26. A. S. Yahuda parti, personne ne sera désigné pour occuper sa chaire professorale laissée vacante. Le déclin des communautés israélites d’Espagne s’avère tel que la congrégation de Barcelone, la plus importante, dut solliciter l’appui financier de la Jewish Colonization Association (JCA), une association créée pour encourager la colonisation agricole des juifs et aider les immigrants en difficulté.
38En 1923, la Turquie qui venait de se proclamer république laïque avec Mustafa Kemal Atatürk décida d’intégrer les différentes minorités non musulmanes (juive, grecque, arménienne…) qui coexistaient depuis de siècles avec les Ottomans. Elle dénonça le Traité de Lausanne et le régime des Capitulations accordant aux résidents étrangers la protection des grandes puissances extérieures, obligeant dorénavant toute personne née sur le territoire à devenir citoyen turc. Comme on l’a vu précédemment, les anciens protégés espagnols, déstabilisés par ce processus d’assimilation forcée, se tournèrent vers Madrid. La réponse politique donnée à leur inquiétude fut la promulgation du décret de Primo de Rivera, daté de décembre 1924, permettant aux Séfarades d’acquérir la nationalité espagnole, sous certaines conditions.
39Dans les faits, l’application de ce décret se révéla délicate. D’une part, parce que seules étaient concernées les personnes juives qui avaient bénéficié dans le passé de la protection espagnole et qui avaient tous leurs papiers en règle. D’autre part, parce que dans les consulats et représentations espagnoles, l’administration en place se montra très pointilleuse (voire hostile comme en Roumanie) à l’heure d’accorder des actes de naturalisation. Face aux nombreux obstacles rencontrés pour l’obtention de la nationalité espagnole à l’étranger, les communautés séfarades envisagèrent l’immigration en Espagne. En 1929, soit un an avant que ne prenne fin le délai stipulé dans le Décret de 1924, cette éventualité est sérieusement développée tant dans la presse juive occidentale à Londres, Paris et New York, que dans celle des pays balkaniques. Dans un tel contexte, le gouvernement de Primo de Rivera, redoutant un afflux migratoire important, difficile à assumer économiquement et aux répercussions politiques imprévisibles, entreprit de définir une ligne politique protectionniste, sous forme de consignes confidentielles envoyées aux représentants espagnols et consuls permanents dans vingt huit pays d’Europe et d’Amérique. La Real Orden Circular Reservada 570-bis, précise trois points principaux : – Il est imprudent d’encourager l’immigration séfarade en Espagne ; – Le pays a politiquement intérêt à maintenir les groupes de naturalisés espagnols hors des frontières, ces derniers pouvant contribuer à accroître l’influence de l’Espagne à l’étranger ainsi que les relations culturelles et commerciales ; – Inversement, il n’est pas souhaitable d’impulser des regroupements d’Israélites en Espagne, car ces derniers, en raison de leurs particularismes, risquent de perturber le fonctionnement normal des institutions, économiques, commerciales, etc. Aussi la circulaire conseille-t-elle de faciliter les déplacements temporaires des Séfarades en Espagne, mais d’empêcher de façon discrète la venue de ceux qui prétendraient s’y installer durablement. Enfin, elle insiste sur le fait que la vigilance s’impose afin d’éviter l’entrée en Espagne d’agents de propagande bolchévique27.
40Ainsi, la politique du gouvernement de Primo de Rivera envers la diaspora séfarade apparaît-elle plus complexe que le laisse a priori supposer le décret de 1924. Sa bienveillance affichée à l’égard du monde judéo-espagnol se limite finalement à la régularisation du statut des anciens protégés de l’Espagne et à un appui mesuré aux Séfarades de l’étranger susceptibles d’être utilisés à des fins commerciales et culturelles. Le non dit officiel, tel qu’il transparaît dans la circulaire de La Real Orden Circular Reservada 570bis, envoyée le 24 janvier 1930 par Emilio de Palacios aux représentations espagnoles de par le monde est sans ambiguïté : les juifs sont indésirables en Espagne.
41Cependant, durant les années 1920, la crise économique est telle dans des pays comme la Grèce et la Turquie, qu’une nouvelle vague migratoire va se diriger vers la péninsule Ibérique, et notamment Barcelone. Elle est composée d’Israélites de condition modeste qui se consacrent à la vente ambulante, au petit commerce de mercerie et bonneterie sur les marchés de la ville ou encore représentent des entreprises industrielles à travers l’Europe : France, Allemagne, Suisse, Luxembourg, Belgique, etc. Les rejoignent également des familles antérieurement établies à Paris. Le nombre de ces nouveaux venus, entre 1920 et 1923, semble compris entre 100 et 150 personnes. L’année 1921 voit l’arrivée de juifs ukrainiens ayant fui les sanglants pogroms qui se déroulent dans cette région de l’Union Soviétique. En l’absence d’information précise relative à cette immigration, on peut supposer qu’elle fut importante puisque les juifs russes représentent alors le groupe le plus nombreux dans la cité catalane, après les Turcs et les Grecs. À la fin de 1928, la population juive de Barcelone atteint le chiffre de 2000 personnes. En 1929, la CIB obtient de la municipalité l’autorisation d’avoir son cimetière, qui sera inauguré en 1932.
42Sur l’ensemble de la période qui vient d’être évoquée, plusieurs aspects majeurs caractérisent les premiers retours juifs en Espagne, qui valent d’être soulignés. Tout d’abord on est ici face à un collectif majoritairement étranger, en situation précaire. Si l’on excepte le petit noyau d’Israélites fortunés, lié au monde des affaires et de la banque, les nouveaux arrivants sont des réfugiés, principalement séfarades, qui trouvent dans la Péninsule des possibilités de survie pour eux-mêmes et leur famille. Leur départ du pays d’origine s’est souvent effectué sous la pression d’évènements dramatiques : guerre d’Afrique, pogroms en Europe orientale, Première Guerre mondiale, dislocation de l’Empire ottoman et révolution turque… Dans la recherche d’une terre d’accueil, l’Espagne a été choisie en fonction de critères familiaux, linguistiques et des opportunités d’y gagner sa vie. Toutes motivations qui relèguent à l’arrière plan le cliché courant d’une prétendue nostalgie de Sefarad. Au demeurant, le renouveau contemporain du judaïsme en Espagne voit dialoguer, dès le départ et dans une cohabitation étroite, les deux branches – séfarade et ashkénaze – de la diaspora juive.
43Par ailleurs, les communautés se forment et… se défont. Parce que les réfugiés repartent (Séville après 1860 ; Madrid et Barcelone en 1918), parce que l’appui financier fait défaut (la ruine de la famille Bauer après la crise de 1929), ou encore comme on va le voir parce que l’instabilité politique en Espagne interdit tout projet à long terme. Même au sein des trois communautés structurées, le petit nombre des membres affiliés, l’isolement de la minorité israélite dans un environnement catholique plus ou moins hostile la condamnent à la discrétion extrême et à une totale dépendance vis-à-vis des communautés étrangères : acquisition des objets du culte ; approvisionnement en pain azyme pour la Pâque ; recours aux rabbins du sud de la France et d’Afrique du nord, etc.
44Enfin, dès cette époque, la population juive d’Espagne se révèle dans son extrême diversité : en termes d’origines et d’appartenance sociale, mais également traversée de courants idéologiques contradictoires, de sensibilités contrastées à l’égard de la religion ou du sionisme par exemple. Des clivages que certains inscriront en actes à partir des années trente.
LA VIE JUIVE DANS L’ESPAGNE RÉPUBLICAINE
45L’avènement de la Seconde République, en avril 1931, loin de remettre en cause la politique pro-séfarade d’Alphonse XIII, va au contraire dessiner un contexte des plus favorables au rapprochement hispano-juif. En effet, un des premiers actes de la République espagnole est l’adoption d’une nouvelle Constitution qui instaure la séparation de l’Église et de l’État et la liberté de culte (articles 3 et 17). À ce qui constitue, pour les juifs, la garantie d’être considérés en Espagne comme des citoyens de plein droit s’ajoute la disposition de l’article 23 qui prévoit la promulgation d’une loi visant à faciliter l’acquisition de la nationalité aux personnes d’origine espagnole résidant à l’étranger.
46Pour les instances dirigeantes du judaïsme, la gauche au pouvoir et le philosémitisme affiché du nouveau gouvernement laissent envisager une immigration significative. Laquelle impose que la vie communautaire, sur place, s’organise. En juillet 1931, une conférence des communautés israélites d’Espagne décide de mobiliser sans retard les énergies. Il est ainsi prévu : — de nommer une commission chargée de rechercher dans les centres de documentation et les archives nationales tous les documents relatifs à l’histoire et à la littérature juives ; – de créer un fonds spécial pour l’étude de la civilisation hispano-juive ; – de rendre l’ancienne synagogue de Tolède du Transit au culte israélite ; – et enfin de financer une mission exploratoire dans les colonies séfarades d’Orient28.
47À Madrid, la petite colonie israélite, qui compte une quarantaine de familles de condition modeste, a obtenu en janvier 1931 l’autorisation d’ouvrir une synagogue et de se doter de statuts provisoires lui permettant de se constituer en communauté. Celle-ci est présidée par le banquier Ignacio Bauer y Landauer, qui représente également son principal soutien financier. L’Univers Israélite décrit ainsi le nouveau lieu de culte : « L’oratoire est du style des synagogues séphardites. Il se trouve dans une maison située an centre-ville. Dans une pièce attenante à l’oratoire, il y a une petite bibliothèque et une vitrine où sont exposés des objets d’art religieux provenant des musées de l’État et de collections privées29 ». Dans l’incapacité de subvenir à l’entretien permanent d’un ministre du culte, la jeune communauté a recours, en cas de nécessité, au Grand Rabbin de Tétouan. En juin 1931, est célébré le premier mariage juif autorisé officiellement en Espagne depuis l’Expulsion30. Cependant, la communauté de Madrid demeure relativement réduite : en 1934, elle ne regroupe que 125 membres affiliés.
48À Barcelone, le chiffre officiellement avancé n’est guère plus élevé. Des quelque 2 000 personnes dont il avait été fait état pendant la décennie antérieure, la communauté organisée est passée à 200 membres en 193531. Entre 1920 et 1930, des arrivants de France et d’Allemagne ont rejoint les réfugiés russes, turcs et grecs de la vague antérieure. Désormais, et contrairement à Séville ou Madrid, la communauté israélite de Catalogne est majoritairement ashkénaze.
49À l’extérieur des frontières ibériques, la proclamation de la Seconde République a suscité l’enthousiasme au sein du monde juif. Parmi les communautés séfarades de Turquie, de Grèce ou encore d’Europe orientale confrontées aux incertitudes politiques et à la grande crise économique, l’événement a engendré l’espoir d’un retour possible à l’ancienne patrie. La presse juive commente abondamment les propos ciblés de différents membres du gouvernement espagnol (le président Alcalà-Zamora, Indalecio Prieto, Fernando de los Ríos, Alejandro Lerroux) et autres intellectuels républicains qui assurent leurs interlocuteurs que les Séfarades seront bien accueillis en Espagne. L’un de ceux qui a le mieux exprimé cette conviction est Américo Castro. Ce dernier, alors ambassadeur à Berlin, affirme dans une lettre datée du 13 juin 1931, adressée au professeur L. Landau, représentant de la Judische Telegraphen Agentur : « Les Israélites du monde entier, et en particulier les Séfarades d’origine et de langue espagnoles, doivent avoir à l’esprit que le gouvernement espagnol est composé d’hommes qui ont médité et ressenti les problèmes historiques de l’Espagne […] Il est établi aujourd’hui que l’absence des Israélites (du territoire) a été une perte incalculable (pour la nation). La République espagnole dit aux juifs de sa race : “Soyez les bienvenus dans votre patrie.32”»
50Du côté des communautés juives en difficulté, l’espérance de voir l’Espagne républicaine devenir une terre d’asile pour les descendants des expulsés de 1492 se lit dans tout le bassin méditerranéen. En mai 1931, le quotidien de Smyrne Le Levant affirme « Les juifs parlant espagnol pourront retourner en Espagne », évoquant la mise en oeuvre d’une politique d’incitation à l’émigration des juifs de Turquie vers la péninsule Ibérique. Une thèse analogue est développée, à partir du mois de juin, dans la presse égyptienne33.
51Ce flot de réactions et l’ampleur des attentes suscitées appellent une clarification rapide de la position officielle espagnole. À Smyrne, le consul en poste Federico Galbaldón adresse une lettre au Levant qui précise : « Le gouvernement de mon pays n’a adopté aucune mesure pour favoriser l’immigration des Israélites séphardites qui sont soumis pour leurs entrée et séjour en Espagne aux mêmes dispositions que n’importe quels autres étrangers ». Au Caire Rodríguez Gortázar, Consul général d’Espagne, dément à son tour dans El Heraldo Español les rumeurs existantes, en spécifiant que l’attitude protectrice de la République envers les Hébreux espagnols « ne saurait s’interpréter comme un encouragement à une immigration massive des Séfarades en Espagne imaginée comme un nouveau foyer juif, car les conditions actuelles du pays ne s’y prêtent pas34 ».
52Au demeurant, diverses personnalités juives rejoignent publiquement la position républicaine au nom du réalisme politique. L’Univers Israélite reprend les paroles d’Ignacio Bauer confiant à un correspondant de l’Agence Télégraphique Juive : « On ne devrait pas en ce moment encourager une immigration juive. L’Espagne comme les autres pays d’Europe, souffre depuis longtemps d’une crise économique, que les récents évènements ont encore aggravée ». Le Comité directeur de l’Alliance Israélite Universelle estime « qu’un tel projet ne serait pas viable économiquement ». Plus tard encore, en janvier 1934, L’Univers Israélite reproduit une interview d’Abraham Shalom Yahuda accordée à un quotidien madrilène sous l’intitulé : « Le professeur Yahuda n’est pas partisan du retour de tous les Juifs sépharadis en Espagne35 ».
53On a vu précédemment que, dans le cadre du décret royal du 20 décembre 1924, plusieurs centaines de juifs avaient acquis la nationalité espagnole avant le 31 décembre 1930 et que l’Espagne avait, par ailleurs, prolongé le statut des « protégés espagnols » de Grèce et d’Égypte. Deux semaines après la proclamation de la République, un décret signé de Fernando de los Ríos simplifie les conditions d’obtention de la nationalité espagnole pour les étrangers résidant en Espagne et les personnes « originaires de la Zone marocaine sous Protectorat espagnol », cette périphrase désignant principalement les Judéo-espagnols.
54À la fin de l’année 1931, le ministère des Affaires étrangères, informé de la lenteur des procédures d’application du décret de 1924 et, par conséquent, de la précarité juridique dans laquelle se trouvent encore de nombreux Séfarades à l’étranger, notamment en France et en Égypte, décide de proroger les délais d’obtention de la naturalisation espagnole. Trois ordonnances successives, accordant un temps supplémentaire – les circulaires 1208 du 16 octobre 1931, 1240 du 5 avril 1932 et 1285 du 1er novembre 1932 – s’avèreront nécessaires pour apurer les questions en attente avant la date butoir du 1er février 1933.
55Le 27 février 1933 enfin, est promulguée une ordonnance qui prévoit d’octroyer la nationalité aux personnes d’origine espagnole résidant à l’étranger. Toutefois, cette ouverture politique en direction du monde séfarade ne parviendra pas à se concrétiser, en raison du contexte international. La Turquie et l’Égypte, au nom du nationalisme, s’opposent au maintien sur leur sol d’une population juive naturalisée espagnole. La France, qui redoute l’influence de l’Espagne en Afrique du Nord, se déclare également hostile à une telle législation36.
56La Seconde République à peine proclamée, le nouveau gouvernement a reçu une avalanche de demandes de passeports et de visas d’entrée en Espagne émanant de Turquie (Smyrne, Istanbul), de Grèce (Corfou, Salonique) ou encore d’autres pays de l’Europe balkanique. Dans la continuité de sa politique passée, l’Espagne adopte une position bienveillante, en accordant de nouvelles naturalisations à certaines catégories de Séfarades et en ouvrant ses frontières à ceux qui désirent s’établir dans la Péninsule. À partir de 1933 cependant, l’arrivée de Hitler au pouvoir et la montée de l’antisémitisme en Allemagne modifient la donne, faisant craindre une immigration massive aux répercussions incontrôlées. Si le ministre d’État Luis Zulueta s’affiche devant la Société des Nations en ardent défenseur de la cause juive face à la politique du Reich, dans le même temps, le gouvernement espagnol s’attache à restreindre, aussi discrètement que possible, le flot de réfugiés juifs allemands sur le sol ibérique, dès lors que les intéressés ne disposent pas de moyens de subsistance adéquats. La Circulaire 1318 du ministère des Affaires étrangères rétablit l’obligation d’un visa avec l’Allemagne dans lequel il est exigé de mentionner les ressources du demandeur pour éviter, selon les directives officielles « un afflux possible d’étrangers indésirables et principalement de personnes susceptibles de contribuer à augmenter la crise de l’emploi ».
57À la même époque, Salvador de Madariaga ambassadeur en poste à Paris, lors d’une interview accordée au journaliste Georges Bernhard, résume ainsi l’attitude du gouvernement républicain face à l’éventualité d’une immigration massive de juifs allemands dans la péninsule Ibérique : l’Espagne n’est pas un pays antisémite : la Constitution et la législation en vigueur ne prévoient aucune limite à l’admission des juifs ; il existe au sein des organisations ouvrières et dans divers milieux professionnels une tendance au protectionnisme économique bien naturelle dans le contexte du moment, laquelle ne vise pas spécifiquement les juifs mais toute invasion étrangère ; un afflux considérable et remarqué de juifs en Espagne pourrait réveiller l’antisémitisme latent de certains noyaux monarchistes37.
58Finalement, la politique des autorités républicaines concernant l’accueil des réfugiés juifs se révèlera plus réservée que la rhétorique officielle n’aurait pu le laisser supposer. La crainte d’un développement de l’antisémitisme dans le pays, susceptible d’être capitalisé politiquement par les ennemis de la République, et l’absence de ressources économiques suffisantes pour accueillir une immigration juive importante expliquent une telle attitude. Aux multiples difficultés que connaît l’Espagne des années 1930, le gouvernement républicain ne souhaite pas ajouter un facteur supplémentaire de déstabilisation.
59Toutefois, l’aggravation de la situation internationale et surtout la montée du péril antisémite en Europe vont prévaloir sur la prudence des élites politiques. Si quelques groupes juifs de Salonique et des Balkans continuent à s’établir dans la péninsule Ibérique, dorénavant l’Espagne républicaine se trouve principalement confrontée à l’arrivée de plusieurs milliers d’exilés fuyant l’Allemagne nazie. Entre 1933 et 1935, la Péninsule reçoit environ 3 000 réfugiés juifs venus de France, d’Allemagne, de Pologne, d’Autriche, de Roumanie… qui s’installent pour la plupart à Barcelone, principal centre économique du pays. Un petit nombre de ces arrivants vient s’établir à Madrid et d’autres encore choisissent des villes comme Saint Sébastien, Bilbao, Malaga, Valence, Alicante, Séville, Grenade ou Palma.
60Ces juifs d’Europe centrale obtiennent le droit d’asile mais trouvent difficilement du travail. Par tradition, beaucoup se consacrent au commerce. Certains créent des entreprises dynamiques comme la Iberia Film à Barcelone, fondée par les meilleurs techniciens du cinéma allemand, ou encore les magasins Sepu à Madrid. Tous ne disposent pas de capitaux à investir. Les restrictions légales relatives à l’emploi des étrangers freinent leur intégration économique. Selon une loi promulguée le 8 septembre 1932, il est exigé des étrangers salariés qu’ils soient en possession d’un permis de travail concédé annuellement par le ministère du Travail. L’obtention de ce permis dépend de la bonne volonté des syndicats du secteur concerné. Démunis, de nombreux arrivants se voient contraints de recourir aux sociétés de bienfaisance. Dès 1933, leur sort est, en grande partie, pris en main par des organisations internationales de secours telles que la Jewish Colonisation Association (JCA) et la Hebrew Immigrant Aid Society (HIAS), lesquelles à travers l’HICEM38, une agence destinée à faciliter l’immigration, apportent un appui systématique aux réfugiés juifs en Espagne. À cet effet, deux sociétés philanthropiques appelées Ezra (aide en hébreu) sont fondées à Madrid et Barcelone, qui reçoivent la totalité de leur budget de l’HICEM. Jusqu’au début de 1935, 900 juifs immigrés, en majorité allemands, percevront une aide de ce type.
61En ces années 1930, la vie communautaire juive à Madrid est des plus limitées. Selon le témoignage d’un journaliste qui visite la capitale espagnole à la fin de 1934, la minuscule congrégation se compose de 45 membres et la synagogue, toujours située dans un appartement en location, demeure déserte presque tous les jours de l’année. Néanmoins, l’arrivée de différentes personnalités en provenance d’Allemagne, relance l’activité sioniste, en réactivant le Fonds National Juif, créé pour faciliter l’établissement d’un foyer juif en Palestine. En avril 1936, renaît la Fédération Sioniste Ibéro-marocaine, qui avait été officiellement autorisée en 1921. Une cinquantaine de personnes, originaires pour la plupart d’Allemagne et d’Europe Centrale, s’associent à la dite Fédération afin de diffuser les idéaux sionistes, en coordination avec l’Université Hébraïque et la Bibliothèque nationale de Jérusalem. La Fédération Sioniste tient des réunions régulières et édite un bulletin d’information. À la veille du soulèvement militaire de juillet 1936, quelque 150 familles juives résident à Madrid.
62Le contexte est tout autre à Barcelone, car cette ville portuaire constitue un pôle d’attraction indiscutable pour les réfugiés. La communauté israélite en tant que telle ne compte que 350 personnes affiliées en 1934 (et seulement 162 chefs de famille en 1936) ce qui est peu au regard des 5000 juifs résidant dans la cité catalane. Mais l’attachement de la plupart de ses membres aux traditions permet à la congrégation d’organiser chaque jour la prière dans la synagogue, de maintenir une petite école hébraïque animée par un couple venu de Palestine, et de s’attacher enfin les services d’un rabbin – Bechor Yitshak Nahum – qu’elle a fait venir de Smyrne en 1930. Lors des fêtes de Hanoucca39 ou de Purim40, l’assistance nombreuse déplace les célébrations vers un salon réservé au centre ville. Dès le départ, la CIB s’est caractérisée par une fusion totale entre Séfarades et Ashkénazes. En 1926, cependant, une association dénommée Agudad Ahim (Union fraternelle), composée exclusivement de Judéo-espagnols originaires de Turquie et d’autres pays balkaniques s’est formée autour de résidents juifs désireux de vivre leur judaïsme sur un mode familier. Presque tous demeurent aux abords du quartier populaire de Pueblo Seco, où ils exercent différents métiers liés au petit commerce. Le groupe a pour habitude de se réunir dans un café du Paralelo, et s’est aménagé un oratoire. Il s’est choisi son propre rabbin – Nissim Gambay, originaire d’Istanbul – qui assure les principales fonctions rituelles. Agudad Ahim ne constitue pas une communauté dissidente de la CIB, à laquelle elle reverse par ailleurs l’intégralité des dons reçus. Elle fonctionne plutôt comme une société d’aide mutuelle des Séfarades orientaux41.
63En dépit de sa solidarité, la population israélite de Barcelone se caractérise aussi par de fortes disparités sociales. Tandis que les plus aisés se regroupent dans la partie haute et résidentielle de la ville, la majorité des immigrés récents se concentrent dans la zone proche du port, où les loyers sont modiques et où des compatriotes déjà installés, avec leurs lieux de sociabilité (cf. le fameux café Cómico), facilitent leurs premiers pas dans la capitale catalane42.
64Fin 1934 est créée la Fédération des Communautés juives d’Espagne, signe d’une étape nouvelle dans la structuration et la reconnaissance du judaïsme espagnol.
65Les documents qui nous renseignent sur le vécu des immigrés juifs dans la Péninsule sont peu nombreux. À cet égard, les témoignages recueillis par Martine Berthelot auprès des anciens de la Communauté Israélite de Barcelone nous restituent les conditions de vie des années 1930 au coeur de la capitale catalane. On y découvre la gamme des professions de l’artisanat et du commerce auxquels s’adonnent les arrivants israélites, qui reproduisent les savoir-faire des pays d’origine, en même temps que des différences sociales bien réelles. Les nouveaux venus exercent toutes sortes de métiers dans le secteur de l’habillement : tailleurs, couturières, brodeuses, cordonniers, maroquiniers, fourreurs… et de ses branches dérivées comme la mercerie, la bonneterie, la bijouterie de fantaisie, la droguerie ou les parfums. Les activités ne sont pas uniquement commerciales ; elles englobent également la fabrication dans de petits ateliers, la représentation de firmes étrangères et l’importation de matières premières. À côté des rares propriétaires d’ateliers et de commerces, s’activent une multitude d’employés gagnant péniblement leur vie en tant que colporteurs et vendeurs ambulants. S’ajoutent encore des représentants de commerce en articles divers : quincaillerie, petit matériel industriel, produits manufacturés, denrées alimentaires… L’importance de l’industrie textile en Catalogne, mais aussi la présence sur place de sociétés allemandes, françaises ou suisses favorisent l’insertion professionnelle des nouveaux venus. Quant aux artisans et boutiquiers établis à leur compte, ils côtoient au quotidien les autres commerçants barcelonais dans les mêmes rues et quartiers du centre ville43.
66L’augmentation rapide de l’immigration juive et sa diversité engendrent une effervescence politique nouvelle au sein de la judaïcité espagnole. Car les arrivants importent dans la péninsule Ibérique les débats idéologiques – et les inquiétudes – qui agitent le monde juif en ces années tourmentées.
67Les communautés israélites de Madrid et Barcelone relancent leurs activités sionistes, lesquelles associent vétérans et nouveaux venus. Mme Gerzon rassemble autour d’elle un groupe de femmes allemandes, qui s’affilient à la WIZO (Women International Zionist Organisation). Des mouvements de jeunesse voient le jour. À l’initiative d’Ernst Necheles, originaire de Hambourg, un appel pour le Fonds National Juif lancé en 1934 obtient des résultats jamais égalés. En 1934 est fondée la Fédération Sioniste Espagnole. Sous la conduite du journaliste berlinois Walter Goldstein, qui projette une immigration en Palestine, un collectif de sympathisants sionistes d’origine allemande, composé de soixante-dix membres, se constitue. Certains, parmi les plus jeunes, créent une cellule locale du mouvement pionnier He-haluts dont l’objectif est la fondation de nouvelles implantations en Palestine. En 1936, les mêmes lancent une collecte de fonds pour l’achat d’une propriété rurale destinée à leur formation agricole avant le grand départ. Au début de 1936, le FNJ en Espagne s’est doté d’un secrétaire permanent en la personne de Jules Gerzon et un comité sioniste a été créé à Bilbao. Maurice Stern, arrivé en Espagne en avril 1936, coordonne le 6 juin une réunion au cours de laquelle est fondée la Fédération Sioniste de Barcelone44. Les aspirations de ces militants rencontrent un écho auprès des secteurs nationalistes catalans comme en témoigne la publication du livre de Pere Voltas, El sionisme o la qüestio nacional hebraica45.
68Parmi les milliers de Juifs allemands, autrichiens, roumains, polonais rassemblés à Barcelone existent d’autres noyaux fortement politisés. On trouve ainsi une section du Jüdischer Kulturbund, un mouvement juif de gauche qui milite pour l’établissement d’une zone autonome juive en Union Soviétique. Il est soutenu par une partie de la gauche catalane. Toujours à propos de cette effervescence politique, on citera cette évocation de David Diamant : « Parmi les centaines de Juifs installés à Barcelone, il y avait un groupe de progressistes qui avaient réussi dès le début à prendre contact avec les organisations ouvrières. […] Sur le modèle de la grande “Ligue Culturelle” de Paris, ils organisèrent une “Union Culturelle” à Barcelone. Là, des travailleurs de langue yiddish et de traditions progressistes venaient souvent à des réunions et des conférences ». Vivant à Barcelone depuis 1934, parlant l’espagnol pour la plupart, les leaders de ces organisations juives se sont rangés aux côtés du Front populaire avant même qu’éclate la rébellion militaire46.
69Le 22 juillet 1936 doivent se dérouler dans la cité catalane des « Olympiades du sport et de la culture », conçues comme une réplique démocratique à la tenue des Jeux Olympiques dans l’Allemagne nazie. Participent à l’évènement des délégations sportives des syndicats et partis antifascistes, principalement communistes, du monde entier. Les associations juives ouvrières, très actives en Pologne, en France et en Belgique notamment, s’y sont engagées à fond. Avant même l’arrivée de tous les athlètes en Espagne, éclate le putsch des généraux, de sorte que ces Spartakiades sont annulées. Elles fourniront les premiers volontaires étrangers qui se soient portés au secours de la République. Alors, 6 000 Juifs résident sur le territoire ibérique.
L’ESPAGNE EN GUERRE : 1936-1939
70Le soulèvement de l’armée espagnole contre la République marque le début de la Guerre civile. L’insurrection éclate dans la soirée du 17 juillet 1936 à Melilla et dans la nuit du 17 au 18 à Larache. Les troupes proclament l’État de siège, occupent les administrations et les lieux publics. Avant même que Franco ne monte dans l’avion pour Tétouan afin d’aller prendre la tête de l’armée d’Afrique, les militaires ont déjà pris le pouvoir sur toute l’étendue du Protectorat. En quelques jours la rébellion triomphe dans les présides marocains, aux Canaries, dans certaines villes comme Séville, Saragosse ou Oviedo ainsi que dans les provinces occidentales d’Espagne. Elle échoue à Madrid, Barcelone mais aussi à Valence, dans les provinces du nord et toute l’Andalousie orientale qui restent acquises à la République. Dès lors, ce qui devait être un pronunciamiento conduisant au renversement rapide du régime républicain se transforme en une division du pays en deux camps antagonistes et une guerre meurtrière de trois ans47.
71Le Protectorat marocain connaît les premiers troubles de la Guerre Civile et va être le lieu des premières exactions contre les Juifs. Des nouvelles alarmistes et contradictoires en provenance du Maroc espagnol font état du climat de panique qui règne dans les villes occupées par les rebelles, d’un pogrom ayant éclaté contre la population juive de Tétouan, de dures contributions touchant les commerçants juifs ainsi que d’assassinats de masse décimant la minorité israélite.
72L’hebdomadaire Jewish Chronicle de Londres, informé de près des évènements, affirme, le 21 août 1936, que des membres de la communauté juive de Melilla ont été emprisonnés et qu’à Tétouan les Juifs ont été obligés de contribuer financièrement à la rébellion, mais que la vie communautaire semble se poursuivre : « Suite à un rapport de la Jewish Telegraphic Agency en provenance de Casablanca, il est maintenant établi qu’aucun des membres de la communauté juive de Melilla (Maroc espagnol) qui avaient été arrêtés par les forces rebelles n’a été tué. […] Cependant, les communautés juives du Maroc espagnol ont dû payer de très lourdes ‘contributions volontaires’ aux finances des rebelles ; ainsi la communauté de Tétouan a été imposée de 500 000 pesetas. Il va sans dire que les huit communautés juives du Maroc continuent leurs activités48 ».
73Dans une note, rédigée le 1er septembre 1936, le Consul de France à Tétouan rapporte à son ministre de tutelle : « La Phalange s’est installée d’autorité dans la maison d’un Israélite espagnol très riche, qui avait fait fortune à Melilla et se nomme Sicsu. La presse n’a pas encore publié la lettre par laquelle cette maison a été offerte généreusement49 ».
74Selon la Jewish Chronicle Agency, « Un grand nombre de Juifs du Protectorat espagnol […] cherchent refuge dans la zone internationale de Tanger, mais la plupart d’entre eux n’y sont pas admis. Ainsi, ils sont obligés de rejoindre leurs foyers, où ils sont menacés de représailles. Cette interdiction faite aux Juifs de s’installer à Tanger est attribuée au Consul italien, qui est le Président du comité diplomatique de Contrôle50 ».
75L’Univers Israélite du 25 décembre 1936 écrit que : « Le général Franco, chef des insurgés, mettant en pratique les méthodes des nazis, a demandé au Sultan du Maroc de destituer les citoyens juifs de leurs droits civils ». Il ajoute que l’Italie et l’Allemagne, puissances alliées au soulèvement de Franco ne sont pas étrangères à cette vague antisémite qui s’étend sur le territoire nord marocain. Mais le même périodique produit, quinze jours plus tard, un démenti :
76« Dans notre numéro du 25 décembre 1936, nous avons publié un télégramme d’agence, relatant des faits qui, soi-disant, s’étaient passés au Maroc espagnol. Des renseignements de la source française la plus sûre nous permettent aujourd’hui de démentir formellement ces assertions.
77La Communauté juive de Tétouan n’a pas été inquiétée. Melilla, Ceuta et Tanger ravitaillent abondamment la zone espagnole et ce sont les Juifs eux-mêmes qui sont chargés de surveiller l’approvisionnement. Si le général Franco, comme le prétendait la dépêche que nous avons publiée, avait voulu priver les citoyens juifs d leurs droits civils, il n’aurait pas demandé au Sultan de le couvrir de son autorité. Aucun rabbin n’a été arrêté ni fusillé.
78Les seuls éléments de désordre sont ces “phalangistes” et les “requetes”, groupements à tendance fasciste, que les autorités surveillent encore. Il est exact que les autorités nationalistes ont imposé de lourdes contributions aux communautés juives, mais il n’y a eu ni émigration en masse, ni arrestations, ni exécutions51.»
79Le ton rassurant du texte et ses curieuses formulations ne permettent pas d’écarter l’hypothèse d’un rectificatif « sous influence ».
80D’autres dépêches encore rendent compte de la confusion qui règne en Afrique du nord. Ainsi le Jewish Chronicle, se basant sur l’enquête d’un correspondant du Times à Melilla, assure que « les jeunes Allemands qui séjournent ici ne sont pas des civils mais bien des militaires très entraînés. Lorsque les Allemands ont occupé l’Hôtel National, poursuit l’envoyé spécial, le portier et les grooms juifs ont été très vite renvoyés52 ».
81Ce même Jewish Chronicle reproduit le 26 février 1937 le témoignage d’un certain A. N. Lévy : « Un de mes amis résidant en zone espagnole m’écrit que tout est mis en œuvre pour faire des difficultés aux marchands juifs, et la peur de la prison pèse fortement chez tous les Juifs. Toutes sortes de dénonciations les conduisent directement en prison ; et la vie devient progressivement comme en Allemagne, où personne ne sait qui dénonce qui53 ».
82Le harcèlement des commerçants israélites par les forces rebelles du Protectorat est dénoncé maintes fois dans la presse. Par ailleurs, dès août 1936, M. Bonjean, Chargé d’affaires de France à Madrid, a reçu de Tétouan une note de renseignement où il y est fait allusion en ces termes : « Le boycottage du commerce juif va s’intensifiant. Les phalangistes ne sont plus en mains. Benolol, marchand de chemises ayant refusé de baisser ses prix de chemises bleues, a vu prendre sa marchandise. Puis un grand trou a été creusé devant son magasin pour empêcher les clients d’entrer54 ».
83Ces mêmes phalangistes, dit-on, rallient une partie de la population musulmane à leur propagande anti-juive au point que : « Des groupes espagnols et musulmans ont créé des organisations phalangistes spéciales qui provoquent sans cesse des incidents anti-juifs. Même des cortèges funèbres juifs sont attaqués dans les rues, de sorte que les Juifs doivent enterrer leurs morts de nuit55 ».
84Enfin, on apprend, de source juive, qu’un contrôle des correspondances a été instauré. Un bulletin de l’Association Hispano-Hebrea indique : « Les fascistes menacent continuellement les Juifs de la zone espagnole qui utilisent les courriers anglais ou d’autres procédés pour échapper à la censure car les fascistes ne veulent pas que leurs activités soient connues à l’extérieur56 ».
85Soixante ans plus tard, différents travaux historiques et témoignages permettent de mieux cerner les évènements de 1936-1937 au Maroc espagnol. Ainsi l’enquête menée à Melilla par Jesus F. Salafranca fournit-elle des informations essentielles quant à l’engagement politique des Israélites du préside aux côtés de la République et à la répression de l’été 1936. L’auteur établit que sur les quelque 4 500 juifs résidant dans la place durant les années 1930, plusieurs dizaines étaient affiliés à diverses loges maçonniques de Melilla. A l’Ayuntamiento, l’Union Républicaine Socialiste comptait plusieurs conseillers municipaux d’origine juive. Enfin, au sein des partis politiques (dont les archives ont été détruites, vraisemblablement par les intéressés, durant les premiers jours de la Guerre civile), un certain nombre de responsables ou militants juifs sont nominalement identifiés au Parti Républicain Radical Socialiste (PRRS), à la Jeunesse Républicaine, à la Gauche républicaine, au Parti Socialiste Ouvrier espagnol et aux Jeunesses Socialistes (JJSS). Les douze membres connus des trois dernières formations ont été fusillés entre le 19 juillet et le 25 août 193657. Selon Gonzalo Álvarez Chillida, s’ajoute à ces assassinats l’arrestation de trois cents personnes, qui furent presque tous libérées quatre mois plus tard. Les synagogues furent fermées durant six mois et le collège hébreu se trouva réquisitionné par la Phalange… jusqu’en 1948. Les juifs furent expulsés du Casino (principal cercle culturel de la ville) et les nouvelles autorités obligèrent les familles juives à déclarer leurs biens.
86À Ceuta, résidaient en juillet 1936 cinq cents Israélites, très bien intégrés dans la place. Lors du soulèvement militaire, une centaine d’entre eux se réfugièrent à Tanger. Parmi ceux qui n’avaient pas pris la fuite, vingt-deux furent fusillés, tous militants de gauche ou francs-maçons. Malgré la violence de la répression, la synagogue resta ouverte sans problème58. José Antonio Lisbona rapporte que les groupes phalangistes et carlistes se rendaient de maison en maison, rackettant les Juifs en fonction de leurs besoins, et recherchant ceux qui ne s’étaient pas ralliés au Soulèvement. Beaucoup parmi ces derniers furent contraints d’ingurgiter de l’huile de ricin au cours de « promenades patriotiques » et/ou se virent confisquer tous leurs biens. Parmi eux se trouvait José Alfón, qui avait été maire de Ceuta aux temps de la République, et qui allait mourir des suites de ces sévices59.
87De façon générale, les Juifs de Ceuta, Melilla et du Protectorat espagnol (250 000, toujours selon les estimations de J. F. Salafranca) n’eurent guère la possibilité de choisir leur camp et furent durement traités. Certains furent emprisonnés, sous divers prétextes, puis rançonnés pour obtenir leur libération. Les jeunes d’âge militaire se retrouvèrent enrôlés dans l’armée nationale. Tant les Juifs du Protectorat, ressortissants marocains sur le territoire contrôlé par le Sultan, que ceux des deux enclaves espagnoles furent mis à l’amende ou contraints d’apporter d’énormes contributions « volontaires » aux mutins.
88Les exemples abondent quant aux procédés employés durant les premiers jours du Soulèvement militaire pour recueillir des fonds et, plus largement, l’adhésion juive au Mouvement. Des amendes sont imposées à différents propriétaires de magasins juifs, sous l’accusation d’une élévation indue des prix. Le quotidien britannique Daily Mail diffuse, en avril 1937, la nouvelle qu’à Tétouan le rabbin León Jalfón, président du Tribunal religieux de la ville, a été emprisonné, accusé de fomenter un complot contre la cause nationale, mais qu’il a été rapidement remis en liberté après qu’il a été établi qu’il est un partisan fervent du Soulèvement. Un an plus tard, le 19 avril, ce même rabbin adresse à l’armée insurgée un message de félicitations pour la prise de Lérida, dans lequel il exprime son espoir « d’un triomphe final du Mouvement National ». Le 23 juin 1938, alors que la campagne anti-juive au Maroc espagnol semblait s’être calmée, on apprend qu’à Larache quatorze hommes d’affaires israélites ont été arrêtés, soupçonnés d’avoir aider six officiers républicains à s’échapper au Maroc français. Ils seront libérés contre rançon par les autorités.
89Une façon plus systématique d’alimenter les caisses de l’armée insurgée est le recours aux souscriptions populaires en usage tout au long de la guerre. En août 1936, on trouve ainsi huit collectes simultanées en cours sur le territoire marocain : une « Souscription en hommage à l’Armée espagnole » ; une « Quête pour remédier au chômage, selon les orientations patriotiques du Mouvement national espagnol anti-marxiste » ; une « Souscription pour la fourniture de tenues et d’équipements aux forces de choc des Milices Nationales Civiques Militaires » ; une « Souscription pour les victimes du bombardement de Tétouan » ; une « Souscription en faveur de la Phalange » ; une « Souscription publique pour financer les dépenses occasionnées par le Soulèvement national » ; une « Souscription pour accueillir les soldats et volontaires et récompenser leurs actes héroïques » ; et encore une « Souscription spéciale pour reconstituer l’or de la Banque d’Espagne, misérablement dérobé par les hordes communistes, et restaurer l’économie nationale », cette dernière s’avérant particulièrement productive parmi les israélites de Ceuta, Melilla et du Maroc en permettant de rassembler une énorme quantité d’or et d’argent. Les plus réticents à l’égard de la cause nationale donnèrent quelques anneaux, breloques ou bracelets pour éviter d’être signalés à la vindicte des nouvelles autorités60. Les listes de dons sont publiées dans la presse locale et dans toutes, les israélites, aisément identifiables par leurs patronymes, s’y révèlent des bienfaiteurs d’une exceptionnelle générosité. Cette « générosité » juive est bien sûr à mettre en rapport avec les menaces à peine voilées lancées en direction des communautés israélites. À la radio et dans les quotidiens du territoire, les autorités sollicitent les familles aisées, leur enjoignant de ne pas « être avares » et de soutenir généreusement « l’Armée qui donne tout ». Les mêmes médias font savoir que l’on procèdera à un examen minutieux des contributions en relation avec la fortune des donateurs. D’où l’empressement des Juifs ainsi interpellés à participer aux collectes plutôt que de tomber sous l’accusation de marxisme, d’appartenance à la franc-maçonnerie ou encore de marché noir.
90Dans l’ensemble de la zone occupée par les forces rebelles, les autorités taxent aussi collectivement les communautés juives. Les responsables militaires de Ceuta exigent de la Communauté Israélite de la place une somme de 900 000 francs. Le Conseil de la Communauté de Tétouan doit verser 500 000 pesetas aux mutins. En janvier 1938, le général Queipo de Llano soutire 138 000 pesetas à la petite communauté hébraïque de Séville – une somme considérable pour cette population modeste, la menaçant de représailles en cas de non paiement61.
91Dans la zone contrôlée par les forces franquistes, la droite nationaliste appelle à la croisade contre les « rouges » et la « conspiration judéo-maçonnique ». En Andalousie, Queipo de Llano précisément, chef des forces armées de la région et fasciste notoire, s’illustre par des conversations radiophoniques d’une rare violence antisémite. Ses diatribes sur Radio-Séville, également captées sur le territoire marocain, sont singulièrement malvenues alors même que le général Franco est en train de négocier des emprunts auprès des banquiers juifs du Protectorat. Le 15 août 1936, Franco adresse une lettre personnelle au Conseil de la Communauté Israélite de Tétouan, lui demandant de n’accorder aucune importance aux émissions sévillanes. Les propos de Queipo de Llano soulèvent une telle indignation à l’étranger que le service de presse du généralissime se voit contraint de publier un communiqué réfutant l’antijudaïsme du Mouvement National. Dans le même sens, le Daily Telegraph publie une déclaration du Caudillo, affirmant son attachement à la liberté de culte : « en vertu de l’esprit traditionnellement tolérant de notre peuple, la prière doit être possible à l’église, à la mosquée et à la synagogue62 ». Plus tard, Franco fera interdire les émissions de Queipo de Llano.
92Par-delà les contributions obligatoires précédemment évoquées, demeure la question opaque et controversée du financement par des juifs du Soulèvement militaire de 1936. Plusieurs familles israélites importantes du Protectorat passent pour avoir ouvertement appuyé les mutins. En l’absence de preuve écrite quant à cette implication et face au silence des personnes mises en cause, le recoupement de témoignages réalisé par J. A. Lisbona au cours d’une enquête effectuée avec l’aval de la Comisión Nacional Judía Sefarad 92, apporte une vision crédible de cette page ambiguë des relations hispano-juives. Cet auteur se fonde notamment sur le récit d’une audience concédée le 15 juillet 1953 au président de la Communauté Israélite de Madrid, Daniel François Barukh, au cours de laquelle Franco aurait relaté la façon dont les juifs tétouanais l’avaient aidé. Le lendemain, Barukh écrit à son cousin Elie Eliachar, président de la Communauté Séfarade de Jérusalem : « Son Excellence le Généralissime m’a dit comment la population séfarade de Tétouan a financé sa marche triomphale sur l’Espagne63 ». Lisbona se réfère également à des notes manuscrites de Franco, datées de 1956 et destinées à la rédaction de son autobiographie, dans lesquelles il est indiqué : « Opération blanc seing des juifs = Beigbeder64 ».
93En effet, le colonel Juan Beigbeder, chef du Soulèvement à Tétouan, apparaît comme une figure centrale dans les négociations financières engagées avec les banquiers et hommes d’affaires du Protectorat. Il nomme José I. Toledano, commerçant fortuné et ancien directeur de la Banque Hassan à Tétouan, délégué pour les relations avec les juifs et il lui aménage à cet effet un bureau au siège même du Haut Commissariat. La Banque Hassan, dont le siège social est à Tanger, a son agence principale à Tétouan. Jacobo M. Benmaman, son directeur, collabore directement ave le Généralissime et gère la négociation de prêts à l’étranger. Les Banques Hassan et Pariente, cette dernière propriété de la famille Abenzur, soutiennent économiquement le coup d’État militaire. Dans chacune d’elles, le Mouvement dispose de comptes bien approvisionnés. À Gibraltar, les familles Benholta et Bentolila, propriétaires d’un commerce important de tissus à Tanger, apportent également leur soutien au Soulèvement. Enfin, c’est à l’intervention directe de Jacobo J. Salama, homme influent et concessionnaire de la firme Shell à Melilla, que l’armée rebelle doit son premier approvisionnement en carburant le 17 juillet 1936, alors même qu’un pétrolier venu de France s’apprêtait à dévier de sa route à l’annonce du putsch militaire65. Certains de ces négociants fortunés seront récompensés durant la guerre, et surtout après, en se voyant attribuer l’approvisionnement en matières premières et denrées de première nécessité de la zone nationale, puis des licences d’importation leur accordant un monopole sur différents produits66.
94Cet appui financier apporté à Franco par quelques banquiers juifs du Maroc, y compris Tanger, ne se fait pas au nom d’affinités idéologiques mais dans la continuité des relations personnelles qui les lient à certains hauts gradés de l’armée d’Afrique depuis la guerre du Rif. On rappellera que Franco est l’un des militaires espagnols les plus prestigieux au Maroc et que les Israélites de la région ont toujours considéré l’armée comme leur protectrice. Peut-être faut-il également voir dans cette adhésion au Movimiento la mise en œuvre d’un vieux réflexe de survie ? Au cours de la longue histoire diasporique des persécutions anti-juives, les membres fortunés des communautés menacées ont souvent acheté au prix fort, auprès des puissants du moment, leur propre sécurité ainsi que celle de leurs coreligionnaires.
95Le 29 septembre 1936, l’ensemble des chefs insurgés groupés dans la Junte de Burgos a désigné Franco chef du gouvernement de l’État espagnol. En janvier 1938, alors que la victoire se profile, celui-ci forme son premier gouvernement qui représente désormais l’Espagne nationaliste.
96Au plan extérieur, il est décidé de marquer un coup d’arrêt à l’arrivée de juifs « indésirables « en Espagne. Toutefois, les autorités de la zone nationale se doivent d’honorer les législations antérieures – du régime de Primo de Rivera à la République – qui avaient accordé la citoyenneté espagnole à nombre de Séfarades d’Europe centrale et des Balkans. Le contexte international des années 1936-39 est alors si chaotique et l’avenir si menaçant pour les juifs, qu’en dépit de la guerre civile, les naturalisés espagnols aspirent à trouver refuge sur le territoire ibérique. Les agents gouvernementaux en poste à Sofia, Bucarest, Athènes, Berne…, ne sachant comment répondre aux demandes qui leurs sont adressées, réclament des instructions à leur autorité de tutelle. Plus spécifiquement, la question des Allemands réfugiés dans les pays frontaliers appelle un traitement particulier, compte tenu des alliances. La section Europe (via l’ordonnance du 30 juin 1938) opte pour une solution pragmatique en considérant d’une part que les juifs « expulsés » d’Allemagne sont en principe suspects de non adhésion aux orientations du Nouvel État, mais qu’ils sont d’autre part en droit d’obtenir des papiers d’identité accrédités du fait qu’ils ont acquis la nationalité espagnole conformément à la législation précédemment en vigueur. Burgos décide par conséquent d’accorder des documents en règle aux juifs présentant des garanties politiques suffisantes. Quant aux autres, la consigne donnée est de confisquer leurs papiers en échange d’un passeport uniquement valable pour l’Espagne. En juillet 1938, l’Ordonnance circulaire 35 fixe la nouvelle ligne officielle. Elle stipule qu’en raison de la guerre, tous les Espagnols sont en situation de belligérants, et donc que les personnes ayant pris parti pour le camp ennemi ne peuvent plus prétendre à l’aide des légations nationales à l’étranger. Leur droit se limite à l’obtention d’un passeport, valable un mois, pour se rendre en Espagne. Cette même circulaire demande aux représentants du gouvernement de faire connaître au Ministère les antécédents des individus en cause. Les informations qui remontent depuis la Grèce, la Turquie, la Roumanie, la Yougoslavie ou encore la Bulgarie font état d’un appui massif des communautés séfarades à la République. Aussi trois nouvelles dispositions – les Ordonnances circulaires 70 et 85 des 8 août et 2 septembre 1938 ; l’Ordonnance circulaire 143 du 7 septembre 1938 – viendront trancher définitivement la question, précisant que ne seront pas considérés comme Espagnols les juifs ouvertement « hostiles au Mouvement67 ».
97Dans le camp demeuré fidèle à la République, la peur et la confusion se sont installées à la suite du soulèvement militaire de juillet 1936, en même temps que s’organisait la résistance. En quelques heures le pouvoir central s’est effondré après que le gouvernement a accepté d’armer les milices constituées par les partis politiques et les syndicats. Dans la plupart des grandes villes du pays, dont Madrid et Barcelone, les autorités en place ont perdu le contrôle de la situation ; elles sont remplacées par des « comités » locaux qui organisent la lutte et tirent leur légitimité des victoires remportées contre les forces rebelles. Jusqu’à l’automne 1936, l’Espagne républicaine est en proie à une déferlante révolutionnaire. La violence anticléricale (églises brûlées, prêtres et religieuses assassinés) se déchaîne à l’encontre d’une Église perçue comme alliée des puissants et symbole de l’injustice faite au peuple. La chasse aux « fascistes », accompagnée d’exécutions sommaires, inclut non seulement les opposants déclarés au Front populaire mais tous ceux qui sont assimilés à la répression d’État. Parallèlement s’enclenche un processus de collectivisation de l’économie, notamment en Catalogne et en Aragon où dominent les anarchistes. À Barcelone, la Généralité adopte un décret en ce sens concernant les industries, le secteur énergétique et les transports. Dans les zones rurales, sous la pression des fédérations paysannes, certaines terres sont collectivisées pour être dirigées par des coopératives. À partir de septembre 1936, cependant, la nécessité de maintenir la continuité de l’État républicain parvient à s’imposer, ce qui met un terme aux violences incontrôlées. Le socialiste Largo Caballero forme un gouvernement qui rassemble des socialistes, des communistes et plus tard des anarchistes. La Généralité de Catalogne, présidée par Lluis Companys, se dote elle aussi d’un gouvernement d’union. Désormais, le combat de la République contre les forces nationalistes se fera de façon coordonnée68.
98Notre propos n’est pas de retracer l’histoire de la Guerre d’Espagne, mais plus simplement de restituer le contexte général dans lequel se sont trouvées immergées les communautés juives du pays entre 1936 et 1939. Sur l’évolution ultérieure du conflit, ses enjeux, ou encore les luttes internes dans chacun des deux camps en présence jusqu’à la victoire finale de Franco, on renverra le lecteur aux différents ouvrages historiques sur la question, en ne retenant ici que les éléments nécessaires à la compréhension des relations hispano-juives69.
99Car les Israélites établis en zone républicaine réagissent aux évènements en fonction de la réalité immédiate qui les entoure. De façon globale, les communautés juives en Espagne et dans le monde entier se sont massivement prononcées en faveur de la République menacée. En premier lieu, parce que la politique philosémite conduite par le gouvernement espagnol depuis 1931, en termes de liberté de culte et de soutien aux Juifs en difficulté, avait engendré un courant de sympathie envers l’Espagne républicaine. Mais, plus encore, parce que les informations alarmistes en provenance des territoires contrôlés par les nationaux ne laissaient guère d’illusion quant aux exactions antisémites en cours et à l’antijudaïsme du Movimiento. Enfin, l’évolution de la conjoncture internationale était suivie avec la plus grande inquiétude dans les milieux juifs, toutes tendances confondues. À cet égard, certaines déclarations de leaders américains rapportées par Arno Lustiger sont a posteriori confondantes de lucidité. Ainsi, trois semaines après le déclenchement de la Guerre civile, Roger Bramy, président d’une communauté juive séfarade des États-Unis, écrit dans le Jewish Journal : « Si les rebelles l’emportaient, nous serions confrontés à une crise dont on chercherait vainement l’équivalent dans l’histoire mondiale. Non seulement l’agresseur nazi doublerait ses forces, non seulement le nouveau gouvernement espagnol lancerait une politique de persécutions mais en outre le dernier rempart qui protège les Juifs d’Europe des poursuites serait rompu ». On relèvera encore ces phrases extraites du numéro d’août 1937 de la revue communiste new-yorkaise Najleben : « Une victoire de Franco en Espagne serait le signal de l’embrasement du monde. Cela signifierait la damnation de millions de gens qui font partie des minorités nationales de différents États européens. Cela signifierait la mort et la ruine de millions de Juifs. Franco ne peut l’emporter !70 ».
100Toutefois, au sein des communautés juives de Madrid et Barcelone, la précipitation des évènements marquant le début de la Guerre civile : le pouvoir abandonné à la rue, les actes de barbarie perpétrés contre les religieux et les rumeurs de confiscation des biens effrayèrent les Israélites les plus fortunés qui s’enfuirent, interrompant du même coup le soutien qu’ils avaient apporté depuis toujours aux organisations communautaires. Dans le même temps, de nombreux juifs étrangers, parmi ceux qui étaient arrivés au cours des années antérieures et n’avaient pas eu le temps de s’intégrer, optèrent pour un retour dans leur pays d’origine : Turquie, Roumanie, Bulgarie, Autriche, Allemagne… Les réfugiés allemands, exposés au soupçon en raison de leur origine, se trouvèrent dans une situation singulièrement inconfortable. Certains acceptèrent l’aide du Consul d’Allemagne qui se chargeait de rapatrier les ressortissants allemands. Malgré la promesse obtenue qu’ils seraient traités de la même façon que les citoyens « aryens », ces juifs allemands à leur arrivée en Allemagne furent soumis à un ultimatum : abandonner le territoire du Reich sous quarante huit heures ou être placés dans des camps d’internement. Ceux qui restèrent en Espagne étaient si démunis que les organisations juives caritatives se virent dans l’obligation de leur porter secours. Une cantine pour les nécessiteux fut instituée, avec l’aval des autorités, et tout fut entrepris pour évacuer ces réfugiés. Avec l’aide de l’HICEM, un comité mis sur pied aida quelque 400 personnes à quitter le pays entre 1936 et 1938. Plus spécifiquement, une centaine d’enfants furent confiés à des familles juives de France, de Suisse et de Belgique pour toute la durée du conflit. Enfin, un dernier groupe de juifs allemands disparut en tant que tel, en choisissant la conversion au catholicisme71. Seuls, quelques patronymes à consonance germanique ou est-européenne rappellent aujourd’hui dans la Péninsule la trajectoire de ces familles totalement assimilées.
101Finalement, les deux principales communautés israélites d’Espagne, privées de leurs leaders, fragilisées et désorganisées, se replièrent sur elles-mêmes. Ceux qui étaient demeurés sur place appartenaient aux couches les plus pauvres, gagnant péniblement leur vie comme vendeurs ambulants, petits commerçants ou artisans. Ils ne se sentaient en rien menacés par la politique du gouvernement républicain. Ce dernier, qui essayait tant bien que mal de maintenir la normalité en situation de guerre, continua à manifester sa solidarité envers les juifs, en cohérence avec son idéologie anticatholique et antifasciste. Ainsi, en application de la liberté de conscience qu’il avait proclamée, le gouvernement républicain publia le 26 juin 1938, au Journal Officiel un décret autorisant l’observance des différents cultes dans les armées.
102Lorsque la lutte s’intensifia aux abords de Madrid, la communauté juive se dispersa. Cependant, le bedeau en charge de la synagogue, Yomtov Strounza, demeura à son poste, veillant à la préservation des lieux. À l’été 1938, il se replia avec sa famille sur Murcie, emportant dans un convoi militaire un coffre contenant les précieux rouleaux de la Torah. Pour les mettre à l’abri de tout acte de vandalisme, le maire de Murcie, Antonio Segura, fit déposer les objets rituels de la synagogue madrilène, en tant que patrimoine artistique national, dans une annexe du Musée Provincial, aux côtés du trésor de la cathédrale72.
103À Barcelone, malgré la fermeture de la synagogue, la CIB demeura soudée. Les offices religieux, interrompus pour un temps, reprirent un peu plus tard, avec l’accord des autorités. Selon différents témoignages, la vie juive était encore active en 1937, alors même que les effectifs de la communauté avaient considérablement diminué. Les fidèles avaient coutume de se réunir dans l’appartement du rabbin Menachem Kinstlinger, pour la prière du shabbat, les mariages et les circoncisions. Les activités quotidiennes se concentraient aux alentours de la calle San Pablo qui regroupait de nombreux magasins israélites : boutiques de confection, bijouteries… et même une boucherie casher. La CIB (où des élections renouvelant le Comité directeur eurent encore lieu le 29 juin 1938) est la dernière communauté israélite du pays à s’être maintenue sur le sol républicain. L’un de ses derniers offices religieux, célébré en décembre 1938, fut consacré à la lecture de prières pour les juifs allemands soumis aux persécutions antisémites. À cette époque, 400 familles juives environ vivaient encore dans la cité catalane73.
104Comme on l’a vu, résidaient aussi en Espagne des réfugiés juifs fortement politisés, sans relation avec les communautés israélites organisées. Dès l’annonce du soulèvement militaire, beaucoup s’engagèrent dans la lutte aux côtés des républicains. Tels ce groupe progressiste de la Kultur Liga déjà mentionné, et cet autre proche du Yask74, qui s’associèrent aux préparatifs de résistance des milices ouvrières. Les témoins évoquent le cas du libraire Siegfreid Mayer, qui participa à Madrid à l’assaut de la caserne de la Montaña, et s’enrôla comme soldat dans le premier bataillon international ou encore le rôle d’un dénommé Calef à Barcelone, qui mit son imprimerie au service de la Compagnie Botwin (cf. infra), pour la réalisation de son bulletin en yiddish. Parmi les délégations sportives présentes à Barcelone, dans le cadre des préparatifs des Olympiades populaires, la mobilisation de certains athlètes fut immédiate. Ils se retrouvèrent sur les barricades, luttant au coude à coude avec les ouvriers catalans contre les militaires insurgés. Certains émigrés politiques résidant dans la cité catalane rejoignirent une milice formée à l’initiative du PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne). Nombre d’entre eux étaient des Juifs allemands et polonais. Dix huit de ces miliciens se constituèrent en unité autonome qu’ils baptisèrent « Groupe Juif Thaëlmann », du nom du dirigeant communiste allemand alors interné à Buchenwald, affirmant par là leur double identité, juive et communiste. Le 23 juillet 1936, ce groupe était déjà en partance pour le front d’Aragon. Ainsi les premiers défenseurs étrangers de la République furent des antifascistes qui s’étaient réfugiés en Espagne au cours des années 1933-36 et de jeunes sportifs du mouvement ouvrier international présents dans le pays au déclenchement des hostilités75.
105Enfin, c’est essentiellement au sein des Brigades internationales que des juifs volontaires vont apporter leur soutien à la République espagnole. Dès la fin juillet 1936, l’intervention des puissances étrangères dans le conflit avec le concours des aviations italienne et allemande offert aux forces insurgées est une réalité. Le pacte de non intervention signé par les grandes puissances européennes (après que le gouvernement de Léon Blum, hésitant, a cédé aux pressions du Foreign Office) – et auquel ont adhéré l’Allemagne et l’Italie – s’est révélé, pour reprendre une expression d’E. Témime, une immense duperie, chacun des camps belligérants parvenant à contourner l’embargo officiel pour s’approvisionner en matériel de guerre et recevoir les spécialistes militaires dont il a besoin. Mais surtout, Staline opère dès octobre 1936 un véritable retournement politique. Face à l’évidence de l’appui logistique accordé aux rebelles par l’Italie et l’Allemagne, à la menace d’un effondrement rapide de la République et au risque de voir s’établir en Espagne un régime fascisant, allié du Troisième Reich, Staline va offrir une aide substantielle au gouvernement de Madrid. C’est d’URSS qu’arrive désormais l’essentiel des armes utilisées par les troupes républicaines76.
106Conjointement, l’arrivée en Espagne des Brigades Internationales contribue au renforcement des effectifs militaires de la République. La création des Brigades a été acceptée par le Komintern dans le courant du mois de septembre, à la suite d’une décision de l’Internationale communiste. C’est donc bien d’une démarche communiste qu’il s’agit, même si nombre de volontaires n’appartiennent pas au mouvement communiste. Dès le 13 octobre 1936, les premiers contingents internationaux arrivent à la base d’Albacete, où ils sont accueillis par les responsables : André Marty et Vital-Gayman. Deux semaines plus tard, ils rejoignent le front pour la défense de Madrid. Les brigadistes seront jusqu’à leur départ de la Péninsule, en octobre 1938, engagés dans les secteurs les plus exposés : dans les combats de la cité universitaire à Madrid, sur la route de Guadalajara, à Brunete, dans la bataille de l’Ebre… et ils subiront de très lourdes pertes.
107On estime à 32 000 le chiffre des volontaires étrangers ayant combattu dans les Brigades Internationales77. Parmi ces hommes (et femmes) de toutes nationalités se trouve un nombre important de brigadistes juifs – 4 000 à 6 000 selon les calculs les plus vraisemblables. Durant longtemps, le décompte réalisé par Josef Toch, avançant un total de 7 758 internationaux juifs, a fait référence en la matière78. Cette estimation est aujourd’hui contestée et revue à la baisse. Ainsi G.E. Sichon considère que la fluctuation des effectifs au sein des Brigades Internationales (pertes, disparitions, désertions), une documentation incomplète et d’inévitables erreurs de noms et données rendent illusoire tout chiffre précis. À partir de différents recoupements et extrapolations, il estime à 3 500-4 000 le nombre global des Juifs parmi les volontaires étrangers79. Toutefois, d’autres acteurs des évènements (Léon Azerrat Cohen ; Alex Szurek) ou chroniqueurs plus tardifs (Arno Lustiger) convergent vers un effectif probable de 6 000 brigadistes juifs80.
108Au départ, les Brigades furent organisées sur une base nationale, les responsables s’efforçant de regrouper les volontaires étrangers selon l’origine et la langue dominante. Mais ce caractère national s’avéra tout relatif. On trouvait des Espagnols dans la plupart des unités ; dans la Brigade allemande combattaient aussi des Hongrois ; dans la Brigade polonaise, des Ukrainiens, des Biélorusses… Par ailleurs, ces structures combattantes furent constamment remaniées, tant les pertes étaient lourdes. La plupart des unités adoptèrent le nom d’un personnage révolutionnaire ou d’un évènement évocateur. Il y eut ainsi des brigades La Marseillaise, Thaelmann, Abraham Lincoln, Dimitrov, Garibaldi, Dombrowski…, des bataillons appelés Commune de Paris, Tchapaiev, Louise Michel, Henri Barbusse, etc. Les Juifs se trouvaient dispersés dans ces différentes brigades mais certaines telles la Brigade anglo-américaine Lincoln ou encore la Brigade polonaise Dombrowski, concentraient des effectifs d’origine juive sensiblement plus importants que d’autres.
109L’engagement juif dans les Brigades Internationales est symbolisé par la « Compagnie juive Botwin », créée en décembre 1937, au sein du Bataillon Palafox de la XIIIe Brigade Dombrowski. Ainsi dénommée en hommage à un jeune communiste juif polonais exécuté dans son pays pour avoir abattu un policier, la Compagnie Botwin avait son hymne, ses commandements et un bulletin d’information en yiddish. Sur son drapeau figurait la devise « Pour votre liberté et la nôtre ».
110L’idée d’une unité militaire spécifiquement juive avait été lancée dès septembre 1936. En effet, de nombreux combattants juifs aspiraient à être représentés en tant que groupe national, à l’instar des autres volontaires, afin d’incarner la participation directe du peuple juif à la lutte anti-fasciste. Albert Nahumi (Arié Weitz), membre de la section juive du parti Communiste Français, était intervenu en ce sens auprès de Luigi Longo (Gallo) inspecteur des Brigades internationales, qui relate l’épisode dans sa préface au livre de Gina Medem Les Juifs volontaires de la liberté : « Je me rappelle le camarade qui est venu me voir pour me proposer la création d’une unité juive. Il m’a dit : “Les fascistes insinuent que nous sommes des lâches ; nous leur montrerons qu nous ne le sommes pas” ». Mais A. Nahumi mourut au combat, et dans un contexte peu propice à la réalisation d’une telle initiative – l’hiver 1936-1937 fut entièrement consacré à la défense de Madrid et toute l’activité des Brigades resta conditionnée par cette grande bataille – la question demeura en suspens. Elle fut reprise en 1937. Selon G. Medem, après un an de combat, la direction communiste juive de France avait acquis la conviction que l’héroïsme des engagés juifs méritait d’être concrétisé sous la forme d’une unité indépendante. Le projet fut relayé par différents responsables de la base d’Albacete, avec le soutien des dirigeants polonais de la Brigade Dombrowski qui souhaitaient donner une visibilité accrue – via deux unités subalternes – aux deux grandes minorités de Pologne : l’ukrainienne et la juive. À l’automne 1937, la brigade polonaise prit sa forme définitive, en devenant la XIIIe Brigade Internationale. À la Compagnie ukrainienne Chevtchenko déjà existante, vint s’ajouter quelques semaines plus tard la Compagnie Botwin81.
111La création de celle-ci fut officiellement proclamée dans une tranchée, le 12 décembre 1937, par les représentants de l’état-major de la Brigade Dombrowski (Mietek) et de la base (D. Bogen, de son vrai nom Gerson Doua). Mietek lut l’ordre du jour en yiddish, qui fut immédiatement traduit en espagnol et en polonais. Ce texte est ainsi rédigé :
ÉTAT-MAJOR DE LA XIIIe BRIGADE DOMBROWSKI SUR LE FRONT D’ARAGON
ORDRE DU JOUR
Camarades soldats, officiers et commandants de la Brigade Dombrowski ! Camarades volontaires juifs ! Aujourd’hui 12 décembre 1937, vient s’ajouter à notre glorieuse et grande famille des combattants antifascistes, la Compagnie juive Naftali Botwin. […]
La lutte commune, le sang commun versé, nous ont tous rapprochés davantage et nous ont appris à nous estimer et à nous aimer.
Antifascistes, sans distinction de nationalité et de convictions politiques, nous sommes décidés à fournir encore un grand effort : à lutter contre le fascisme le racisme et l’antisémitisme, à lutter pour une Espagne populaire libre, pour la libération de l’humanité de l’esclavage de la bestialité fasciste.
Dans la lutte pour votre liberté et la nôtre, les antifascistes de tous les pays se sont donnés la main.
Parmi les volontaires des Brigades internationales, et tout spécialement dans la Brigade Dombrowski, les volontaires juifs se sont toujours distingués par leur héroïsme, leur combativité et leur dévouement dans la lutte contre le fascisme.
Près de Madrid, à Guadalajara, à Brunete, à Saragosse, partout où notre Brigade s’est trouvée engagée dans la lutte contre l’ennemi mortel de l’humanité : le fascisme, les volontaires juifs se sont trouvés au premier rang, donnant ainsi l’exemple de l’héroïsme et de la conscience antifasciste.
En soulignant le grand nombre et l’importance des volontaires juifs dans la Brigade Dombrowski afin de commémorer aussi la mémoire des combattants juifs tombés pour la liberté, nous décidons que la Deuxième compagnie de l’héroïque bataillon polonais Palafox devient une Compagnie juive du nom de Naftali Botwin. […]
Le commandant de la XIIIe Brigade Dombrowski :
Janek BARVINSKI
Le commissaire politique de la Brigade internationale Dombrowski :
Stach MATUSZAK82
112Le premier commandant de l’unité juive fut Karol Gutman, tué au combat en février 1938. Léon Rubinstein lui succéda avant d’être gravement blessé et remplacé par Michal Sapir, lequel mourut dans un hôpital militaire en 1938. Son successeur Israël Halbersberg fut tué en 1938. Le commandant suivant, Emanuel Mink, fut blessé à son tour et remplacé par Albert Szerman, auquel succédèrent Tadeusz Szlachta et Samuel Alkalai. Tous deux furent tués dans la dernière bataille de l’Ebre. Ainsi, sur les neuf mois d’existence de la Compagnie Botwin, six officiers du commandement moururent au combat ou des suites de leurs blessures. Ne survécurent que Mink et Szerman, ce qui est dû au fait que le premier avait été blessé et hospitalisé, et que le second s’était trouvé affecté à une autre unité83. Un tel bilan rappelle le lourd tribu payé par les membres de la Compagnie Botwin à la défense de leurs idéaux révolutionnaires et universalistes.
113Une compagnie des Brigades Internationales comptait environ 120-150 hommes avant de monter au combat. On peut en déduire que le nombre global de Juifs ayant appartenu à la Compagnie Botwin n’est pas très élevé au regard d’une armée internationale composée de plusieurs dizaines de milliers d’hommes. L’impact exact de la compagnie Botwin durant la Guerre civile est difficile à évaluer. Sur le terrain, ainsi que l’explicitait l’ordre du jour annonçant sa création, il s’agissait d’incarner le combat des Juifs contre le fascisme. À l’étranger, la Compagnie Botwin a permis aux dirigeants communistes de mobiliser plus facilement les populations juives, en leur offrant la possibilité de s’identifier avec les évènements d’Espagne84.
114L’engagement juif dans la guerre d’Espagne déborde très largement le rôle de la Compagnie Botwin. Car c’est par milliers que des volontaires européens et américains d’origine juive se sont portés au secours de la République menacée. Cette importance numérique est illustrée de façon significative par une intense activité culturelle en langue yiddish. On notera que durant les années 1937-1938, Radio Barcelone réalisait des émissions en yiddish autour de textes politiques et sur fond de chants populaires juifs. Deux journaux : l’un mural Der Frayhayts Kemfer (Le combattant de la liberté), et l’autre imprimé Botwin, qui parut sept fois en Catalogne, existèrent avant cette période. Après la défaite, les ex-brigadistes de langue yiddish regroupés dans les camps de concentration français de Saint-Cyprien et de Gurs allaient encore produire un bulletin mural Tzu Hilf puis, en 1939, un autre périodique, Hinter Shtehl-Drotn (« Derrière les barbelés85 »). Voilà qui atteste d’une présence ashkénaze aux côtés de l’Espagne républicaine que la dictature franquiste, puis l’exaltation de Sefarad dans la démocratie retrouvée ont contribué à reléguer dans l’oubli.
115Comment comprendre cette forte représentation juive parmi les internationaux des Brigades (environ 15 % du total des effectifs), largement supérieure à la proportion des juifs dans leurs pays respectifs ? On peut, certes rappeler que la majorité des militants juifs qui partent pour l’Espagne sont communistes et que les partis communistes développent alors une intense propagande en faveur de la République espagnole. Mais c’est une génération juive entière, radicalisée par la crise économique et la répression politique dans différents pays, qui est disponible pour l’action révolutionnaire86. Militants du mouvement communiste ou de partis juifs comme le Bund ou le Poale Zion87, ouvriers ou intellectuels idéalistes, tous ont la conviction prémonitoire que l’avenir de l’Europe se joue en Espagne. La plupart éprouvent un fort sentiment d’appartenance juive : le yiddish est alors la langue maternelle de l’immense majorité des personnes originaires d’Europe centrale ; ils se sont personnellement heurtés aux discriminations touchant leur minorité en Russie et en Pologne ; le péril antisémite les hante et ils sont à la recherche d’une solution collective. Mais il convient de ne pas se méprendre sur la nature de leur engagement. C’est au nom de la solidarité antifasciste et d’un rêve révolutionnaire internationaliste que les brigadistes, juifs et non juifs, sont venus combattre dans la Péninsule. L’élan qui pousse les juifs d’Europe et d’Amérique vers l’Espagne ne touche pas que les communistes organisés ; il concerne aussi d’autres marxistes, des socialistes, des sans parti… qui rejoignent les militants trotskistes dissidents du POUM ou les anarchistes de la CNT-FAI88. Ce pluralisme idéologique existant en 1936 parmi les internationaux est difficile à restituer en raison de l’élimination physique, à partir de 1937, de ceux que Staline considérait comme ses adversaires, mais également de par l’écriture d’une histoire officielle des Brigades Internationales laissant peu de place à la « dissidence » non communiste.
116Soixante ans plus tard, en novembre 1996, c’est avec une intense émotion que quelque 350 survivants des Brigades Internationales se sont déplacés en Espagne pour y recevoir l’hommage de la nation et la citoyenneté espagnole à titre honorifique89. Car l’engagement des brigadistes dans la guerre d’Espagne a constitué pour ces derniers une sorte d’expérience initiatique, prélude à d’autres combats, aux souffrances et désillusions d’un siècle agité. Pour les anciens des Brigades Internationales, l’Espagne des années 1936-1938 incarne le lieu où ils ont, pour la première fois, risqué leur vie, vu tomber leurs camarades au service d’un idéal dont la justesse n’a jamais été démentie, en même temps qu’un moment magnifié de leur jeunesse, illuminé par la solidarité internationale et la fraternité des compagnons de lutte.
117L’intervention des volontaires étrangers prend officiellement fin le 21 septembre 1938. Leur retrait, réclamé avec insistance par le Comité de Londres, a été négocié par le gouvernement de Juan Negrín pour obtenir celui des forces italo-allemandes, portugaises et marocaines présentes aux côtés des insurgés. En réalité, près de 5 000 brigadistes resteront jusqu’à la fin de la guerre. Ils partageront le sort des derniers combattants républicains, acculés à traverser les Pyrénées lors de la Retirada et ils subiront le même internement dans des camps aménagés à la hâte côté français. Plus tard, beaucoup de ces anciens d’Espagne, libérés ou évadés, s’impliqueront dans de nouveaux combats. Certains joueront un rôle actif dans la résistance à l’occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale, en France et dans différents pays européens, l’expérience militaire acquise durant la guerre d’Espagne les propulsant à des fonctions d’encadrement. Nombre d’entre eux connaîtront la déportation dans les camps de concentration nazis. Après 1945, plusieurs d’entre eux occuperont des postes de premier plan dans leur pays : dirigeants des partis communistes ou socialistes occidentaux, responsables politiques des nouvelles démocraties populaires. Marqués au fer rouge par leur engagement aux côtés de l’Espagne républicaine, les Internationaux dénoncés comme « cosmopolites » deviendront les victimes ciblées des purges staliniennes. Enfin, dans les bouleversements de l’après stalinisme, au terme de l’éclatement du bloc soviétique et de la perte des illusions, beaucoup d’anciens des Brigades Internationales se vivront comme doublement vaincus par l’histoire.
118Pour en revenir à la fin de la Guerre d’Espagne, la situation a basculé à partir du printemps 1938 au profit des forces franquistes. La supériorité de ces dernières – appuyées par des unités italiennes et l’aviation allemande – s’est imposée. Après avoir coupé le territoire républicain en deux, les troupes nationalistes ont gagné la bataille de l’Ebre puis pénétré en Catalogne. Barcelone tombe le 26 janvier 1939, Madrid puis Valence en mars. Les hostilités cessent officiellement le 1er avril. La victoire de Franco est totale. Durant les quatre journées qui suivent l’entrée des nationaux dans Barcelone, le général Yagüe donne « pleine liberté » aux forces paramilitaires phalangistes, ainsi qu’à ses troupes marocaines, lesquelles se livrent à toutes sortes de débordements. La synagogue de la rue Provenza est mise à sac selon, semble-il, un scénario organisé. Ses archives, sa bibliothèque, son mobilier, tous les livres et objets sacrés sont détruits ou volés. Quelques semaines plus tard, les nouvelles autorités prétendront avoir trouvé, dans la perquisition des caves de la Communauté Israélite de Barcelone, une quantité importante de « propagande révolutionnaire et républicaine90 ».
119Au terme de la Guerre civile, il ne reste plus dans le pays qu’une centaine de familles juives, concentrées à Madrid et Barcelone. La vie communautaire passe à la clandestinité – une situation qui se prolongera jusqu’en 1946.
Notes de bas de page
1 Leibovici Sarah « Le temps des retrouvailles » et Chronique des juifs de Tétouan (1860-1896), op. cit.
2 Casher : conforme aux prescriptions religieuses en matière d’alimentation (cashrout).
3 Mohel : homme en charge du rituel de la circoncision, qui marque l’appartenance des nouveaux-nés au judaïsme.
4 Sarah Leibovici dans l’ouvrage précité note 61, p. 224 se réfère à un article de J. Sanua, dans L’Univers Israélite du 16 janvier 1890 estimant qu’il y avait trente familles à Séville.
5 Pulido Fernandez Angel, Españoles sin patria y la raza sefardi, op. cit., p. 340-352.
6 Méndez Bejarano Mario, Histoire de la juiverie de Séville, Madrid, 1922, p. 231-238 ; réédité en espagnol, Séville, ed. Castillejo, 1993.
7 Pulido Fernandez Angel, Españoles sin patria y la raza sefardi, op. cit., p. 343-344.
8 Girón y Arcas Joaquín, La cuestión judáica en la España actual, Salamanca, Andres Iglesias imp., 1906, repris dans Gonzalo Álvarez Chillida, El Antisemitismo en España, op. cit., p. 275.
9 Bar Mitsva : cérémonie qui marque pour tout garçon juif, lorsqu’il atteint l’âge de treize ans, son accès à la majorité religieuse.
10 Yahuda A. S., « L’Espagne et les Juifs », L’Univers Israélite, 8/5/1914.
11 Caro Baroja Julio, Los Judíos en la España Moderna y Contemporánea, op. cit. ; tome 3, p. 200-207.
12 Léon Henry, Histoire des Juifs de Bayonne, Paris, Durlacher, 1893, p. 351-362 ; repris dans Julio Caro Baroja, ibid., p. 207-210.
13 Avni Haïm, España, Franco y los judíos, op. cit., p. 37-39 ; Aronsfeld Caesar C., The Ghosts of 1492 : Jewish Aspects of the Struggle for Religious Freedom in Spain, 1848-1976, New York, Columbia University, 1979, p. 4 ; Berthelot Martine, Cien años de presencia judia en la España contemporanea, Barcelona, editorial KFM, 1995, p. 70-71.
14 Avni Haïm, ibid., p. 37-47. L’auteur se base sur l’ouvrage de José Amador de los Ríos, Historia social, politica y religiosa de los judíos de España y Portugal, op. cit., p. 568 et 855 qui indique les noms et provenances de 16 juifs, naturalisés entre 1869 et 1875, et sur la thèse doctorale de Joseph Jacob Lichtenstein, The Reaction of West European Jewry to the Reestablishment of a Jewish Community in Spain in the 19th Century, Yeshiva University, 1962, p. 162, qui à partir de la presse juive, fournit les noms de 9 autres juifs. Comme les patronymes ne coïncident pas, Avni considère que les deux listes peuvent s’ajouter (note 57, p. 224).
15 Sefer Torah : rouleaux de parchemin contenant le texte hébreu du Pentateuque à des fins liturgiques.
16 Yom Kippour : Jour du Pardon, qui tombe dix jours après Rosh Hashana, le Nouvel An juif. C’est la fête la plus importante du calendrier religieux. Marqué par un jeûne, ce jour qui met fin à une période de repentance, est consacré à la prière et à la méditation.
17 Jewish Chronicle, 16/11/1877, p. 7 ; Die Jüdische Presse, 29/9/1886, p. 384.
18 Saladrigas Robert, Las confesiones no católicas de España. Barcelone, ed. Peninsula, 1971.
19 Pulido, Españoles sin patria, op. cit., p. 340.
20 Mendez Bejarano Mario, Histoire de la juiverie de Séville, op. cit., p. 237-238.
21 Jewish Chronicle, 8/7/1881 p. 10, 9/9/1881, p. 5 et 16/9/1881, p. 5 ; Allgemeine Zeitung des Judentums, 9/8/1881, p. 529 et 16/8/1881, p. 544 ; Loeb Isidore, « L’Espagne et les juifs », Bulletin de l’Alliance Israélite Universelle, série 2, no 12 (1887), p. 89 ; repris dans Avni Haïm, España, Franco y los judíos, op. cit., p. 10-12 et notes 11 et 12 p. 221.
22 Lisbona José Antonio, Retorno a Sefarad. La politica de España hacia sus judios en el siglo XX. Riopiedras/Quinto Centenario/Comision Nacional Judia Sefarad 92, Barcelona. 1993, p. 27-43.
23 Jewish Chronicle, 2 mars 1917, p. 10 ; Aronsfeld Caesar, The Ghosts of 1492, op. cit., p. 29-30.
24 Avni Haïm, España, Franco y los judíos, op. cit., p. 40-41 ; Lisbona José Antonio, Retorno a Sefarad., op. cit., p. 30-31.
25 Report of the Executive of the World Zionist Organization to the 12th Zionist Congress, vol. 3, p. 170 ; American Jewish Year Book, vol. 21, 1919-20, p. 299.
26 Nordau Max, « Dr Yahuda and the Madrid University », Jewish Chronicle, 9/04/1920.
27 Marquina Antonio, Ospina Gloria, España y los judios en el siglo XX, op. cit., p. 60-79. L’Ordonnance 570-bis fut envoyée aux représentations espagnoles à Berlin, Bruxelles, Buenos Aires, Lisbonne, Londres, Paris, Rome, Washington, Athènes, Belgrade, Berne, Bucarest, Budapest, Le Caire, Caracas, Constantinople, Copenhague, Stockholm, La Haye, Helsinki, Montevideo, Oslo, Prague, Riga, Rio de Janeiro, Sofia, Varsovie et Vienne.
28 L’Univers Israélite, Paris, 3/07/1931 : « Renaissance de la vie juive ».
29 L’Univers Israélite, Paris, 2/01/1931 : « Fondation d’une communauté israélite à Madrid ».
30 American Jewish Year Book, vol. 33, 1931-1932, p. 73-74, repris dans José Antonio Lisbona, Retorno a Sefarad, op. cit., p. 48.
31 Universal Jewish Enciclopaedia, New York, vol. 9, p. 693 ; L’Univers Israélite, « Fondation d’un communauté israélite à Madrid », Paris, 1931, p. 498.
32 González Isidro, Los judíos y la segunda república 1931-1939, Madrid, Alianza Editorial, 2004, p. 99.
33 Le Levant, Smyrne, 12/5/1931 et 14/5/1931 ; The Egyptian Gazette, « Les juifs espagnols à l’étranger : Déclaration de la Légation », 16/6/1931 ; La Bourse égyptienne, « Autour du Décret d’Expulsion des juifs d’Espagne. Un Communiqué de la légation d’Espagne au Caire », 11/6/1931 ; L’Aurore, « L’Espagne et les juifs », 11/6/1931 et « Le président Zamora s’explique sur la question des sépharadims », 18/6/1931 ; repris dans Gonzalez Isidro, « Los judios y la Segunda Republica, », op. cit., p. 81-97.
34 Levant du 18/5/1931 ; El Heraldo Español, « À propos de l’Espagne et des juifs séfarades », 15/6/1931.
35 L’Univers Israélite no 35, 15 mai 1931, p. 215 ; L’American Jewish Year Book, vol. 34, 1932-1933, p. 61 ; L’Univers Israélite, no 20, 26 janvier 1934, p. 607.
36 Marquina Antonio, Ospina Gloria Inés, España y los judios en el siglo XX, op. cit., p. 87-94.
37 Paris, 26 avril 1933, repris dans Antonio Marquina, Gloria Inés Ospina, ibid., p. 110-114.
38 L’HICEM a été créée par différentes organisations juives d’aide aux émigrants et immigrants, qui éprouvèrent la nécessité de se coordonner après la fermeture, en 1924, des frontières des États-Unis à la libre immigration. Etablie en 1927 à Paris, son nom se compose des sigles combinés des trois principales agences qui la formèrent (HIAS, JCA et Emigdirect). Repris de Israel Garzon Jacobo, Macias Kapon Uriel, La comunidad judía de Madrid. Textos e imágenes para una historia 1917-2001, op. cit., note 28, p. 34.
39 Hanoucca commémore la victoire des Maccabées dans leur lutte contre l’occupation et la politique d’héllenisation forcée d’Antiochos. Dite parfois « fête des lumières », elle se caractérise par l’allumage, chaque soir, d’une bougie du chandelier à sept branches. C’est une célébration joyeuse au cours de laquelle les enfants reçoivent des présents.
40 Purim : la « fête des sorts », commémore le salut des Juifs de l’Empire perse au ve siècle avant notre ère, par l’intervention de la reine Esther parvenant à déjouer le projet d’anéantissement de son peuple. Sa célébration a un aspect carnavalesque.
41 Les archives de la société Agudad Ahim ont été retrouvées par l’auteure, en novembre 2005, (Inventario del Archivo del Centro Israelita Agudad Ahim de Barcelona, Cote 30 E) dans un fonds de l’Archivo General de la Guerra Civil de Salamanque. Cette documentation, qui porte sur la période 1926-1938, est notamment constituée des registres annuels des membres, indiquant leurs dons à l’occasion de Rosh Hashana, et d’une correspondance relative à l’organisation de la vie religieuse. Elle devrait permettre de redécouvrir en partie l’histoire de la communauté de Barcelone.
42 Avni Haïm, España, Franco y los judíos, op. cit., p. 42-44 ; Lisbona José Antonio, Retorno a Sefarad., op. cit., p. 54-58.
43 Berthelot Martine, Memorias Judías (Barcelona 1914-1954). Historia oral de la Comunidad Israelita de Barcelona, Barcelona, Fundación Baruch Spinoza,/ Riopiedras ediciones, 2001, p. 203-331.
44 Central Zionist Archives, Jérusalem, lettre circulaire no 1, mai 1936 ; KKL5B, boîte 949, lettre de Stern au bureau de Jérusalem, 6 juin 1936, repris dans AVNI, op. cit., p. 42-44.
45 Voltas Pere, El sionisme o la qüestio nacional hebraica, Barcelone, Biblioteca de la Paraula Cristiana, 1929.
46 Diamant David, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, Paris, Renouveau, 1979, p. 19-20 et 24.
47 Maurice Jacques, Serrano Carlos, L’Espagne au xxe siècle, Paris, Hachette, 1992, p. 24-26 ; Vilar Pierre, La Guerre d’Espagne 1936-1939, Paris, PUF/Que sais-je ?, rééd. 1997, p. 34-44.
48 Jewish Chronicle, 21.08.1936, p. 24.
49 MAEF, Série Maroc-Tunisie (1917-1940), no 603 (Intérêts espagnols 1934-1939), p. 181, repris dans Blin Pascale, Franco et les Juifs. Paroles et actes. Thèse de doctorat, 2 Vol. Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris III, 1992.
50 Jewish Chronicle, 28.08.1936, p. 25.
51 L’Univers Israélite, no 18, 8 janvier 1937, p. 284.
52 Jewish Chronicle, 22.01.1937., p. 20.
53 Jewish Chronicle, 26.02.1937, p. 35.
54 Bulletin no 26, daté du 25 août 1936, dans MAEF no 603, op. cit., p. 176.
55 Jewish Chronicle, 10.09.1937., p. 17.
56 Voz de llamada a nuestros hermanos israelitas, 1938, repris dans Pascale Blin, Franco et les Juifs, op. cit.
57 Salafranca Ortega Jesus F., La población judiá de Melilla (1874-1936), Caracas, Centro de Estudios Sefardies, 1990, p. 244-246 ; p. 338-365. Voir également Levy León, « Algo más sobre los judíos españoles : Melilla », Raices no 3-4, 1987, p. 29-30.
58 Álvarez Chillida Gonzalo, El Antisemitismo en España, op. cit., p. 366-368.
59 Lisbona José Antonio, Retorno a Sefarad, op. cit., La Guerra civil (1936-1939), p. 63-70.
60 Lisbona José Antonio, ibid., « Aides volontaires et aides financières », p. 65-68 ; Heraldo de Marruecos, 22 juillet 1936 ; Heraldo de Marruecos, septembre 1936.
61 American Jewish Year Book, vol. 39 (1937-1938), p. 324-325 ; vol. 40 (1938-1939), p. 188 ; Jewish Chronicle, 30/4/1937, p. 24.
62 American Jewish Year Book, vol. 39, op. cit. ; L’Univers Israélite, vol. 92, 14 mai 1937, p. 564.
63 Lettre de Daniel François Barukh à Elie Eliachar, 16 juillet 1953, Archives Elie Eliachar, dans José Antonio Lisbona, op. cit., p. 68.
64 Lisbona José Antonio, ibid. reprenant Manuscritos de Franco p. 6. Docl. Notas para una biografía Leg. 30 n ° 49 et 50. AFF et Luis Suarez Fernández, Apéndice documental de la obra Franco. La historia y sus documentos, Francisco Franco Bahamonte, Apuntes personales del Generalísimo sobre la República y la Guerra Civil.
65 Lisbona José Antonio, ibid., p. 69-70 : témoignages de membres de la famille et de proches des personnes citées ; également Lipschitz, Franco, Spain, the Jews and the Holocaust, New York, Publishing House INC, 1984, p. 16.
66 Lisbona José Antonio, ibid., p. 70 : témoignages directs de certaines de ces personnes et L’Univers Israélite, 8 janvier 1937.
67 Marquina Antonio, Ospina Gloria Inés, España y los judios en el siglo XX, op. cit., p. 132-137.
68 Luis Jean-Philippe, La guerre d’Espagne, op. cit., p. 38-45 ; Vilar Pierre, La Guerre d’Espagne (1936-1939), op. cit., p. 64-77 et 91-100.
69 Vilar Pierre, ibid. ; Temime Émile, La Guerre d’Espagne, un évènement traumatisme, op. cit. ; Broue Pierre, Temime Émile, La Révolution et la Guerre d’Espagne, Paris, éditions de Minuit, 1961 ; Thomas Hugh, La Guerre d’Espagne. Paris, Robert Laffont/Bouquins, 1961. Rééd. 1997 ; Beevor Antony, La Guerre d’Espagne, Paris, Calmann-Lévy, 2006.
70 Lustiger Arno, « Shalom Libertad ». Les Juifs dans la guerre d’Espagne 1936-1939, Paris, les éditions du Cerf, 1991, p. 57-59.
71 Jewish Chronicle, 14 août 1936, p. 16 et 4 septembre 1936, p. 29 ; Archives HIAS-HICEM, YIVO (Institute for Jewish Scientific Research,) New York, Spain 12/1, rapport sur les activités de l’HICEM en Espagne, juillet 1936-avril 1938 ; JCA, Rapport de la direction générale, 1937, p. 174 ; L’Univers Israélite, « Assistance aux enfants Juifs d’Espagne », no 93, 18 mars 1938), p. 679 repris dans Haïm Avni, España, Franco y los judíos, op. cit., p. 46-48.
72 Israel Garzon Jacobo, Macias Kapon Uriel, La comunidad judía de Madrid. Textos e imágenes para una historia 1917-2001, op. cit., p. 34-36 ; Lisbona José Antonio, Retorno a Sefarad, op. cit., p. 83-87.
73 « Lettre de Barcelone » du journaliste S. L. Schneidermann, envoyé spécial de journaux polonais en Espagne, à destination des lecteurs de L’Univers Israélite, no 21, 29 janvier 1937, p. 325-326.
74 YASK : Yiddisher Arbeiter Sport Klub, club ouvrier sportif communiste.
75 Diamant David, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, op. cit., p. 19-20 ; 50 et 194 ; Douvette David, « “Pour votre liberté et la nôtre”. Les Juifs dans les Brigades internationales », Matériaux pour l’histoire de notre temps no 3 et 4, juillet-décembre 1985, BDIC, p. 71-74 ; Lustiger Arno, Shalom Libertad. Les Juifs dans la Guerre Civile d’Espagne 1936-1939, op. cit., p. 25-39.
76 Temime Émile, La Guerre d’Espagne, un évènement traumatisme, op. cit., p. 89-94.
77 Ce chiffre est celui auquel aboutit Rémi Skoutelsky dans : L’espoir guidait leurs pas. Les volontaires français dans les Brigades internationales 1936-1939, Paris, Grasset, 1998, « Les brigades internationales en chiffres », p. 327-341. L’auteur reprend les estimations connues – des plus excessives (Ricardo de la Cierva dans Leyenda y tragedia de las Brigadas internacionales, editorial Prensa España, 1971, avance le chiffre de 100 000 volontaires étrangers) aux plus crédibles (Hugh Thomas ; Pierre Broué et Emile Témime, op. cit. ; Artur London dans Espagne…, éditeurs français réunis, Paris, 1966 se situent dans une fourchette entre 25 000 et 40 000 brigadistes), à la lumière d’un rapport de la Commission militaire internationale de la Société des Nations, daté du 16/1/39 et des fonds du CRCEDHC (Centre de recherche, de conservation, d’étude et de documentation en histoire contemporaine ; ex Institut du marxisme-léninisme) consultés après l’ouverture des Archives de Moscou.
78 Toch Josef, « Juden im Spanischen Krieg 1936-1939 », Zeit Geschichte, Salzburg, 1974, Heft 7, p. 157-170. L’auteur classifie ainsi la participation des Juifs venus de 53 pays :
Pologne | 2250 |
États-Unis | 1236 |
France | 1043 |
Grande-Bretagne | 214 |
Palestine | 267 |
Hongrie, Autriche, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Canada, Italie, Scandinavie, Allemagne | 1093 |
Union soviétique | 53 |
Autres pays | 1602 |
Total | 7758 |
D’autres travaux reprennent ses conclusions, notamment Fernandez Alberto, « Judíos en la guerra de España », Tiempo de Historia n ° 10, Madrid 1975 et Prago A., « Jews in the International Brigades », Jewish Currents, février-mars 1979, New York.
79 Sichon G. E., « Les volontaires dans la Guerre Civile en Espagne. Chiffres et enjeux », Les Temps Modernes no 507, octobre 1988, p. 46-61. Sichon se réfère principalement au livre de Gina Medem, Los judíos voluntarios de la libertad : Un año de lucha en las Brigadas Internacionales, Madrid, Comisariado de las Brigadas Internacionales, 1937 (dans lequel l’auteure signale la présence de 15 % de juifs dans le Bataillon Dombrowski) et à une brochure intitulée Szesc miesiecy bojow kompanii Mickiewicza (Six mois de lutte de la compagnie Mickiewicz), Madrid, 1937, où il est indiqué que la compagnie polonaise Mickiewicz comptait 15,5 % de juifs.
80 Azerrat Cohen Léon (Ben Krimo) dans la revue Catalans du 30 juin 1937 ; Szurek Alex dans le bulletin Mir Gedenken, New York, été 1939, (repris dans Diamant David, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, op. cit. ; p. 128) ; Lustiger Arno, Shalom Libertad. Les Juifs dans la Guerre Civile d’Espagne 1936-1939, op. cit., p. 65-74.
81 Medem Gina, Los judíos voluntarios de la libertad : Un año de lucha en las Brigadas Internacionales, op. cit., p. 143 ; Sichon G. E., « Les volontaires juifs dans la guerre civile en Espagne : chiffres et enjeux », op. cit.
82 Cet ordre du jour fut intégralement publié dans le bulletin no 1 de Botwin-Journal des tranchées no 1 ; il est repris dans Diamant David, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, op. cit., p. 145.
83 Lustiger Arno, « The Jews and the Spanish Civil War », dans Uriel Macías, Yolanda Moreno Koch, Ricardo Izquierdo Benito (eds), Los judíos en la España contemporánea. op. cit., p. 183.
84 Zaagsma Gerben, « Jewish Volunteers in the Spanish Civil War : the Botwin Company », 7th Congress of the European Association for Jewish Studies, Amsterdam, 25/07/2002 ; Brossat Alain, Klingberg Sylvia, Le Yiddishland révolutionnaire, Balland, 1983.
85 Diamant David, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, op. cit., p. 43-44 ; et du même auteur, « Prensa idish en el frente de guerra español », Raices 28, 1996.
86 Brossat Alain, Klingberg Sylvia, Le Yiddishland révolutionnaire, op. cit., p. 126-133.
87 Le Bund est l’abréviation sous laquelle est connue l’Union Générale des Travailleurs de Lituanie, Pologne et Russie, parti socialiste juif fondé à Vilna en 1897. Recrutant ses membres au sein de la classe ouvrière, il prône à la fois l’agitation de masse et l’émancipation pour les Juifs, en accordant une place centrale à la langue et à la culture yiddish.
Le Poale Zion (« Les Ouvriers de Sion ») est un mouvement prolétarien qui s’efforce de combiner sionisme et socialisme. Il défend la création d’un Erertz Israël socialiste, tout en mettant l’accent sur la nécessaire reconnaissance des droits civiques et nationaux des Juifs de la diaspora. Son aile gauche rejoint après 1922, le mouvement communiste mondial.
88 POUM : Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, né en 1935 d’une fusion entre des membres du Parti Communiste Catalan et une branche trotskiste dissidente du Parti Communiste Espagnol. Ses dirigeants furent la cible privilégiée des attaques staliniennes durant la guerre d’Espagne. Cf. l’assassinat d’Andrès Nin dans une prison clandestine du NKVD, au début de l’été 1937. CNT : Confédération Nationale du Travail, centrale syndicale d’inspiration anarcho-syndicaliste, très puissante, notamment en Catalogne, dans les années 30. FAI : Fédération Anarchiste Ibérique.
89 Une mesure votée un an auparavant à l’unanimité par un Congrès des députés à majorité socialiste, venant concrétiser la promesse faite en 1938 par Juan Negrín, chef du gouvernement de la République d’accorder la nationalité espagnole à ces volontaires étrangers. La cérémonie du 6 novembre au Parlement de Madrid, fut quelque peu ternie par le refus du Président des Cortes Federico Trillo et du premier Vice-Président Enrique Fernández de la Miranda de s’associer à la réception des anciens d’Espagne. Entre ces deux dates en effet, les élections législatives de mars 1996, gagnées par le Parti populaire de José Maria Aznar, avaient changé la donne politique.
90 Revue ASPA du 16 février 1939, repris de Pascale Blin, Franco et les Juifs. Paroles et actes, op. cit., p. 141 ; Menorah, no 30, CIB, 25 juillet 1952, p. 5.
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