Autour d’une grammatica
La question des femmes et de l’éducation dans le monde romain depuis le livre de H.-I. Marrou
p. 319-330
Texte intégral
1La découverte d’une inscription funéraire, lors de la fouille, en 1992, d’une des nécropoles de Cherchell (Algérie), ancienne capitale de la Maurétanie Césarienne, a été l’occasion d’apporter un élément nouveau à l’histoire, particulièrement fragmentaire, de la place des jeunes filles et des femmes dans le système éducatif romain, que celles-ci soient élèves ou bien enseignantes. Cette inscription nous a incitée à rassembler les témoignages littéraires et épigraphiques concernant « l’éducation au féminin » et à relire dans le même temps l’ouvrage de H.-I. Marrou afin de voir ce qu’il était aujourd’hui possible de dire sur ce sujet.
L’INSCRIPTION DE CHERCHELL : VOLUSIA TERTULLINA, INCOMPARABILIS GRAMMAT(ICA)
2Texte de l’inscription1 :
DMS
VOLVSIAETERTVLLINAEMARITAE
CASTAEETINCOMPARABILIGRAMMAT
QVAEVIXANXLIIIMIIIDIEVQVAECVM
MARITOFECITANXXMIDIESXIIII
DOMITFLAVIANVSINCOMPA…
3Développement proposé : D(iis) M(anibus) s(acrum).| Volusiae Tertullin’ae’ marit’ae’ cast’ae’ et incomparabili grammat(icae), | qu’ae’ uix(it) an(nos) XLIII m(enses) III die(s) V, qu’ae’ cum | ‘ma’rito fecit an(nos) XX m(ensem) I dies XIIII | Domit(ius) Flauianus incompa(rabili) […].
4Traduction proposée : Consacré aux Dieux Mânes. A Volusia Tertullina, épouse chaste et incomparable grammatica, qui vécut quarante-trois ans, trois mois, cinq jours, qui passa, avec son mari, vingt ans, un mois, quatorze jours, Domitius Flauianus, à son incomparable (épouse ?)…
5Datation : au plus tôt iie s. ap. J.-C. en raison de la présence de la formule dms. iie-ive s. ap. J.-C. ( ?).
6L’épitaphe trouvée dans l’antique Césarée de Maurétanie mentionne que la défunte, Volusia Tertullina, fut marita casta et incomparabilis grammat (ica), l’abréviation grammat ne permettant, à notre avis, aucun autre développement possible. En outre, il faut comprendre que Volusia était une incomparabilis grammat(ica), le terme grammatica étant ici un substantif. En effet, il est peu probable, sur le plan syntaxique, qu’il faille comprendre que cette femme fût marita casta et incomparabilis, grammat(ica), c’est-à-dire « épouse chaste et incomparable, (et) lettrée » : l’expression semble davantage être fondée sur un chiasme, les deux adjectifs et les deux substantifs se faisant écho. Un second argument favorable à notre interprétation se fonde sur l’analyse du vocabulaire signifiant « lettré, érudit » en latin : si l’adjectif grammaticus, a, um est bien attesté en littérature dans ce sens, il est absent des inscriptions où on lui préfère les termes doctus, litteratus, eruditus, (sôphrôn en grec)2. Enfin, et ce sera le troisième argument, l’on connaît un membre de la même gens Volusia – Volusius Iunior –, à Cherchell, qui aurait été grammaticus Latinus (cil VIII 21107)3. Évidemment, il peut s’agir d’un hasard ; mais dans la mesure où les références à des « grammairiens » sont peu fréquentes, on peut se demander s’il n’aurait pas existé une tradition de grammatici, y compris pour les femmes, dans la gens Volusia de Cherchell. L’on connaît en effet d’autres exemples de femmes exerçant la même profession intellectuelle que leur père ou époux : ainsi à Apollonia, en Mysie, une inscription datée des iie-iiie s. ap. J.-C. rappelle que « Magnilla, philosophe, était fille de Magnus, philosophe, et femme de Menius, lui aussi philosophe4 ».
7Mais quelle signification peut-on alors donner à ce substantif ? Grammaticus en tant que substantif n’a que deux sens possibles : soit il s’agit de la profession « d’enseignant du second degré », au sens où Suétone entend le terme dans son ouvrage De grammaticis ; soit il s’agit d’un otium litteratum, et l’on dit ainsi de Varron, César, Pline l’Ancien ou Aulu-Gelle qu’ils furent des grammatici, des « grammairiens » non professionnels, des amateurs éclairés, des théoriciens de la langue, auteurs d’ouvrages concernant la science de l’expression5. Si Tertullina avait été une « grammairienne » de renom, dans ce second sens, son épitaphe aurait certainement développé cet aspect ; son mari ne se serait pas contenté de l’évoquer comme incomparabilis grammatica. D’autre part, si l’on prend en considération les données épigraphiques contemporaines, l’on constate que le substantif grammaticus – ou grammatikos en grec – désigne essentiellement « l’enseignant du second degré » : il s’agit cette fois d’une profession, d’un negotium largement attesté à Rome depuis le ier s. av. J.-C., mais aussi à travers tout l’Empire pour les siècles suivants6.
LES FEMMES ET L’ENSEIGNEMENT DANS LE MONDE ROMAIN : ÉTAT DE LA DOCUMENTATION
Des femmes enseignantes ?
8L’interprétation la plus plausible conduit donc à considérer Tertullina comme une enseignante, interprétation qui ne va pas sans poser de problème puisqu’il s’agit de la seule attestation explicite que nous ayons actuellement du substantif au féminin. Le seul parallèle que nous puissions proposer pour cette inscription est une épitaphe d’Augusta Emerita (Mérida)7, en Lusitanie :
DMS
LVTATIALVPATAANNXVI
LVTATIASEVERA
ALVMN
HSESTTL
9Développement proposé : D(iis) M(anibus) s (acrum).| Lutatia Lupata ann(orum) XVI.| Lutatia Seuera | alumn(ae).| H(ic) s(ita) e(st). S(it) t(ibi) t(erra) l(euis).
10Traduction proposée : Consacré aux Dieux Mânes. Lutatia Lupata, âgée de seize ans. Lutatia Seuera à son élève. Elle repose ici. Que la terre te soit légère.
11Datation : inconnue (au plus tôt iie s. ap. J.-C., cf. la formule dms ?).
12Puisque Lutatia Lupata était l’élève (alumna) de Lutatia Seuera, il faut en déduire que cette dernière était donc son professeur. L’âge de la jeune fille, 16 ans, a conduit certains commentateurs à conclure que Lutatia Seuera était grammatica. L’hypothèse est plausible, mais elle n’est pas contraignante car alumna peut aussi désigner celle qu’elle a nourrie et dont elle s’est occupée quand elle était enfant8 : dans ce cas, Lutatia Seuera serait plutôt l’ancienne nutrix de Lutatia Lupata. En l’absence de tout terme désignant une profession de l’enseignement, la prudence s’impose, d’autant plus que les deux femmes possédaient le même nom : un lien de parenté les unissait, à moins que Lutatia Seuera ne fût l’affranchie de la famille dont l’un des enfants avait pour nom Lutatia Lupata. Si Lutatia Seuera fut grammatica, elle semble n’avoir dispensé son enseignement que dans la sphère privée de la familia : méritait-elle alors le titre de grammatica ou celui-ci ne s’employait-il que dans le cas où l’enseignante avait plusieurs élèves et recevait un traitement pour son travail ? Autant de questions auxquelles on ne peut répondre en l’absence de témoignages plus nombreux et détaillés.
13À ces deux inscriptions qui ont été trouvées – fait notable – dans des capitales de provinces (Maurétanie Césarienne, Lusitanie), il faut ajouter un texte provenant de Delphes qui livre un exemple de femme orateur : Auphria fut honorée à Delphes, au iie s. ap. J.-C., pour les « nombreux discours, beaux et agréables » qu’elle a prononcés à l’occasion des jeux pythiques et qui ont « donné un aperçu de tous les aspects de sa culture ». Outre les honneurs habituels, les Delphiens lui accordèrent le droit, assez exceptionnel, d’ériger une statue9. En dehors de ces exemples, la documentation épigraphique reste silencieuse sur la présence des femmes dans le corps enseignant, ce que viennent corroborer les textes : il n’existe pas de femme litterator, ni magistra ludi10, et encore moins rhetor. Au mieux trouve-t-on des paedagogae, activité qui, d’après les témoignages épigraphiques, s’exerçait essentiellement dans le cadre privé de la domus. En effet, les petites filles et les petits garçons des classes sociales moyennes et aisées, après avoir été confiés à des nutrices11 ou à des altrices12 durant les premières années de leur vie, passaient ensuite aux mains du « pédagogue », qui était généralement un paedagogus, car les inscriptions ne livrent que quelques exemples de paedagogae, principalement à Rome13 : il s’agissait d’esclaves, au mieux d’affranchies, qui « travaillaient » dans des familiae.
14Deux inscriptions mentionnant des paedagogae sont connues hors de Rome. La première provient de Nîmes14. Bien que la paedagoga Porcia Lada portât les duo nomina, Lada, nom d’origine grecque, incite à voir en elle une affranchie15, dont Epafra, citée dans l’inscription, était la « compagne d’affranchissement » (conliberta) : l’inscription suggère que Porcia Lada apprenait à lire et à écrire à plusieurs membres, esclaves et affranchi(e) s, de la familia à laquelle elle appartenait. Un autre exemple, provenant de Corfinium (reg. II), évoque une Benigna Restituta, paedagoga16.
15En quoi consistait la tâche de ces paedagogae ? Elles devaient accompagner les enfants à l’école quand ils suivaient des cours à l’extérieur et, à la maison, leur servir de « gouvernantes » et « assumer leur formation morale17 » ; dans le meilleur des cas, elles les aidaient peut-être dans leur apprentissage des connaissances élémentaires. Les paedagogae s’occupaient-elles uniquement des petites filles ? Aucune recommandation n’est formulée dans ce domaine. Dans les rares cas où sont associés une paedagoga et un paedagogus18, on peut effectivement supposer que la première enseignait aux petites filles de la domus et le second aux petits garçons. Mais une telle répartition devait être rare. La domus Liuiae ne possédait ainsi que des paedagogi, qui s’occupaient indifféremment des garçons et des filles de leurs maîtres : l’esclave Malchio était le paedagogus de Drusus19, l’esclave Hymnus était celui de « Iulia, fille de Germanicus20 », et M. Liuius Prytanis, affranchi de Livie, était celui de Drusus, le fils de Livie21 (?). Paedagogi et paedagogae étaient parfois aussi chargés de l’éducation des esclaves de la domus et des enfants de ces derniers22.
16En dehors des paedagogae, esclaves et affranchies, qui exerçaient leur activité dans la familia à laquelle elles appartenaient et dans des conditions similaires aux ornatrices, lanipendae ou sarcinatrices dont nous avons maints témoignages23, l’on trouve très rarement des femmes enseignantes dont l’activité est libre et rémunérée24. En effet, dans deux cas seulement, il semble que l’on ait affaire à une véritable profession et non à une activité domestique spécialisée : Cornelia Fortunata et Benigna Restituta, respectivement paedagogae à Thugga25 (Dougga, Proconsulaire) et à Corfinium26 (Italie, rég. II), étaient manifestement des ingénues qui exerçaient donc librement leur activité.
17L’extension de la recherche à la documentation iconographique n’est guère plus évocatrice. Sur les sarcophages dits à curriculum uitae27, où sont représentées les scènes marquantes de la vie du défunt ou de la défunte, le temps de l’éducation est presque toujours signalé par la présence d’un maître « grec », drapé dans un himation et assis sur un diphros. Dans une seule de ces scènes d’enseignement, l’on voit une petite fille recevoir son enseignement d’une maîtresse voilée dans sa palla28. Quant aux femmes que l’on aperçoit au second plan de ces sarcophages, tenant un masque, un rouleau de papyrus ou un stylus pointé sur un globe, aucune ambiguïté n’est possible : ce sont des Muses qui incarnent allégoriquement les connaissances enseignées au jeune garçon ou à la petite fille.
18Si la présence d’une femme dans le corps enseignant était théoriquement possible, – puisque aucun texte législatif romain ne s’y opposait –, elle se révèle rarissime au regard des témoignages épigraphiques, ce que corroborent la littérature et l’iconographie antiques. Durant l’Antiquité tardive, avec la reconnaissance du christianisme comme religion officielle, la place de la femme dans l’enseignement public est claire : elle s’en trouve exclue, puisque les Écritures interdisent aux femmes de prendre la parole en public29 et d’enseigner30. La femme peut, au mieux, servir de préceptrice aux petites filles, comme le conseille saint Jérôme (fin ive-début ve siècle ap. J.-C.) à la jeune Pacatula, à qui il adresse une de ses épîtres31 : cette magistra et paedagoga devait évidemment être choisie pour ses grandes qualités morales.
Des femmes éducatrices ?
19Le rôle joué par les parents, et surtout par les mères, dans l’éducation de leurs enfants semble évident même si peu de témoignages l’attestent : l’on touche ici au domaine de la vie privée qui, on le sait, échappe en grande partie à l’histoire32. Ce cas de figure devait même être le plus fréquent : il concernait tous les parents qui n’avaient pas d’esclaves capables d’enseigner de telles connaissances et/ou ceux qui n’avaient pas les moyens de payer à leurs enfants des cours, dans une schola, ni l’assistance, à domicile, d’un paedagogus, d’un litterator et d’un grammaticus rémunérés. Mais sur ce sujet, les sources écrites sont malheureusement muettes : celles-ci n’ont retenu que les quelques exemples de pères qui ont éduqué eux-mêmes leurs enfants – toujours des garçons –, non par nécessité économique, mais par choix idéologique. Atticus apprit ainsi de son père, « qui aimait les lettres », « toutes les disciplines auxquelles le jeune âge doit se consacrer33 », et Caton l’Ancien, bien qu’il eût parmi ses esclaves un grammatistès renommé, Chilon, « préféra se charger lui-même d’apprendre à son fils à lire (edidaske grammata) », « lui enseigna les lettres, lui apprit le droit et fut son maître de gymnastique », car « il n’admettait pas que […] son fils fût redevable à un esclave d’un bienfait aussi précieux que l’éducation34 ».
20Les sources littéraires parlent fort peu du rôle éducatif des mères à l’égard de leurs enfants : quand, au détour d’un paragraphe, elles sont mentionnées, on les voit en train d’allaiter, de laver et d’emmailloter le bébé35, comme si leur rôle se limitait aux premières années de la vie de leur progéniture. Le passage le plus détaillé concernant leur rôle est aussi le moins fiable : à la « nonchalance de la jeunesse, la négligence des parents, l’incapacité des maîtres et l’oubli des mœurs antiques36 » qui semblent marquer son époque, Vipstanus Messala oppose, « en matière d’éducation et de formation des enfants, la discipline et la sévérité des ancêtres » : « Dans chaque famille, le fils né d’une mère chaste était élevé […] dans le giron et dans les bras d’une mère, dont toute la gloire était de garder la maison et de se faire l’esclave de ses enfants37.» Mais ce modèle de la matrone vertueuse éducatrice de ses enfants relève avant tout d’un idéal de l’époque impériale qui aspirait à renouer avec les mœurs des premiers siècles de la République. Comme on le voit, cette « atmosphère de haute tenue morale et de sévérité38 » est celle dans laquelle les jeunes garçons romains auraient dû être élevés au ier s. ap. J.-C., mais manifestement ne l’étaient plus. Il s’agissait, non pas d’un enseignement, mais d’une éducation, ancrée dans la tradition familiale et l’idéologie de l’antique Rome : la mère, ou la parente qui tenait ce rôle39, était censée inculquer à l’enfant des principes, et non des connaissances : disciplina ac seueritas40. Mais cette reconstitution quasi mythique des mœurs de la République atteste davantage le sentiment de décadence morale dans lequel vivaient certains intellectuels du ier siècle ap. J.-C. que la rigueur de l’éducation républicaine ou la dégradation de celle du Haut Empire.
21À notre connaissance, il n’existe aucun témoignage littéraire concernant l’éventuel rôle de « pédagogue domestique » des mères romaines auprès de leurs enfants : aucun texte ne les évoque en train d’apprendre à lire, écrire et compter à leurs fils ou à leurs filles. Au mieux les voit-on représentées, sur quelques sarcophages, en train de donner des leçons (de morale ?) à leurs petites filles41. Faut-il vraiment s’étonner d’un tel constat ? Certes non : ce n’est qu’avec la fin du xxe siècle que le travail des mères au foyer a commencé à être reconnu et à faire l’objet de discours.
LES FEMMES ET LE SYSTÈME ÉDUCATIF ROMAIN : DE MARROU À AUJOURD’HUI
22Comme on le voit, il a été rapide de dresser le tableau de la place et du rôle des femmes dans le système éducatif romain. En dehors de quelques témoignages épigraphiques mis au jour durant les dernières décennies, l’ensemble de la documentation sur le sujet avait déjà été rassemblée par H.-I. Marrou et discutée par lui avec prudence en raison même de son aspect lacunaire. Dans son passage en revue des différentes catégories d’enseignants42, à aucun moment il ne mentionne de femmes : la question de leur existence éventuelle n’est pas même soulevée. Il est également significatif qu’aucun chapitre, ni même sous-chapitre, de son Histoire de l’éducation ne soit consacré à l’éducation des jeunes filles, alors qu’un sous-chapitre spécifique évoque par exemple l’éducation des esclaves43. Les petites filles et les adolescentes ne sont évoquées qu’au détour de certains paragraphes, de façon pointilliste, et toujours parce qu’il a d’abord été question de l’éducation des jeunes garçons auxquels les filles sont comparées. Quand H.-I. Marrou parle de l’enfant en général, il s’agit presque toujours du seul petit garçon : faute de documents, ses constatations ne peuvent avec certitude s’étendre aux petites filles. En cela, l’étude de Marrou reflète parfaitement l’impression qui naît de la lecture des textes antiques, où il n’est fait mention que des garçons – très rarement des filles –, du rôle éducatif des pères, et presque jamais de celui des mères.
23Les rares fois où H.-I. Marrou parle de l’éducation des filles, les précautions oratoires qu’il emploie montrent assez son embarras face à une documentation si fragmentaire qu’il est difficile d’en tirer des principes généraux. Citons par exemple ce qu’il dit de « l’école primaire » : « Les fillettes, semble-t-il, la fréquentaient au même titre que les garçons, quoique pour elle le préceptorat privé ait pu être plus utilisé44.»
24Et l’on comprend ses hésitations : la documentation concernant l’accès des jeunes filles romaines à l’enseignement oscille entre le silence et l’anecdote. Dans l’ensemble de la littérature, l’histoire de la participation des jeunes filles au système éducatif – et plus généralement des femmes à la vie intellectuelle – se limite en effet à l’énumération de cas d’exception bien connus, montrant des jeunes filles et des femmes, cultivées et pleines d’esprit, mais toujours issues des grandes familles romaines : Cornelia45, la mère des Gracques, tirait orgueil d’aller chercher ses fils à l’école, Sempronia, la mère de Brutus, était réputée pour être « également versée dans les lettres grecques et latines46 » et de Pompeia, la fille de Pompée, il nous est dit qu’elle reçut, en même temps que ses deux frères Cnaeus et Sestus, l’enseignement privé de l’érudit grec Aristodème de Nyse47.
25Si la tradition rapporte qu’Auguste enseigna lui-même à ses petits-fils (Caius, Lucius et Agrippa) « l’alphabet, la cryptographie ou d’autres connaissances élémentaires48 », l’on constate que les filles de la domus Augusti ne bénéficièrent pas du même traitement : en place d’un apprentissage de la lecture et de l’écriture, on leur montra comment travailler la laine et leur éducation fut avant tout morale49.
26Il serait vain, à partir de ces quelques anecdotes, d’essayer de se forger une idée d’ensemble de l’enseignement que recevaient les jeunes filles romaines. Seul l’historien Musonius Rufus affirmait que les femmes devaient recevoir la même éducation que les hommes, mais cette position théorique ne renseigne en rien sur une réalité qui pouvait être tout autre50.
27H.-I. Marrou ne pouvait donc aborder le sujet de front, ce que ne purent faire non plus les auteurs qui, après lui, proposèrent des synthèses sur l’éducation romaine : tel fut le cas de S. F. Bonner51 ou, plus récemment, de L. Canfora52, dont l’article ne concède qu’un court paragraphe à l’éducation des filles, alors que, là aussi, des chapitres spécifiques débattent de l’éducation des esclaves à la maison ou de celle des soldats à l’armée. Depuis le livre de S. B. Pomeroy53 jusqu’à celui dirigé par Pauline Schmitt Pantel54, la même difficulté anime les ouvrages consacrés à « l’histoire des femmes » : seules quelques pages, parfois seulement quelques lignes évoquent l’éducation des jeunes filles. Dans la collecte des témoignages antiques, force est de constater qu’il n’était guère possible à H.-I. Marrou, ou à ses successeurs, d’aller au-delà des hypothèses qu’ils ont avancées.
28La recherche est-elle condamnée à rester sur le plan des hypothèses ou à conclure – aussi abrupt que cela puisse paraître – que les femmes n’enseignaient que fort rarement car, enfants, leur éducation avait été sommaire et réduite à des préceptes moraux ? Certes, même si toute synthèse sur l’histoire des femmes dans l’éducation serait pour le moins difficile à réaliser, le dossier ne mérite pas pour autant d’être clos, et ce pour plusieurs raisons.
29L’argument a silentio n’est que partiellement valide. Bien que les témoignages concernant la place des jeunes filles et des femmes dans l’éducation soient rares, il serait hâtif de conclure que celles-ci bénéficièrent peu d’un enseignement ou que, si les femmes enseignèrent, ce ne fut que de façon exceptionnelle. De cette rareté des témoignages, en particulier des témoignages littéraires, l’on peut surtout conclure au « silence des femmes » dans l’histoire55, en particulier des femmes dans l’Antiquité. La littérature antique étant écrite par des hommes et pour des hommes, grand est le risque que ces ouvrages reflètent davantage la façon dont les hommes voyaient les femmes, ou souhaitaient les voir, que leur véritable rôle domestique, en particulier dans l’éducation des enfants. Si l’on garde à l’esprit la fonction et la destination des ouvrages anciens qui traitent de pédagogie – qu’il s’agisse de l’Institution oratoire de Quintilien ou de l’Éducation des enfants attribué à Plutarque, deux traités de la fin du ier siècle –, il ne faut pas être surpris de voir que les filles n’y sont pas évoquées. L’idéal de l’éducation était en effet de former le jeune garçon au seul métier digne d’un homme libre : le métier de citoyen, avec ses responsabilités sociales et politiques. Ce n’est que si les mères participaient à cette formation que les auteurs anciens jugeaient bon de rappeler leur rôle : on sait ainsi qu’Atia supervisa la vie sociale du jeune Octave56 et que la mère d’Agricola, comme celle de Néron, gardèrent leur fils d’un intérêt excessif pour la philosophie57.
30En outre, il est nécessaire de replacer le sujet de notre étude dans son double contexte, celui du travail des femmes dans l’Antiquité et celui de l’accès des habitants de l’Empire à l’alphabétisation et à la culture.
31Notons avant tout que les références épigraphiques à des femmes exerçant une profession sont, dans l’ensemble, plutôt rares58, même si la prise en compte de la documentation iconographique59 ou l’étude spécifique des graffiti et des inscriptions de Pompéi60 sont venues ponctuellement nuancer ce tableau. En outre, il s’agit le plus souvent d’activités spécialisées domestiques plutôt que de professions librement exercées. Le manque de témoignages concernant des femmes enseignantes n’est donc pas étonnant : le nombre de ces attestations ne doit pas être mis en regard avec celui des hommes exerçant cette même profession, mais plutôt avec des témoignages concernant d’autres activités professionnelles exercées par des femmes. Le nombre de femmes enseignantes apparaît par exemple moindre que celui de femmes medicae, obstetrices ou iatromeae61. On ne peut donc imputer le silence des témoignages à la spécificité des métiers de l’enseignement qui auraient exigé des connaissances que seul un homme aurait pu apprendre. Les métiers de la santé ne demandaient certainement pas moins de connaissances. On ne peut non plus suggérer que les femmes n’enseignaient pas car elles ne savaient ni lire ni écrire : l’on trouve plusieurs témoignages, épigraphiques et iconographiques, de femmes scribes/copistes (librariae) ou secrétaires (amanuenses), qui savaient lire, écrire et certainement aussi compter62.
32D’autre part, la rareté de nos témoignages devient moins saisissante si l’on se demande combien de femmes savaient assez bien lire et écrire pour pouvoir en faire leur profession. En effet, l’histoire de l’éducation recoupe en partie le thème plus général du niveau d’alphabétisation des populations de l’Empire. Ce sujet est trop délicat pour être abordé ici en quelques lignes. Mais il est important de rappeler qu’il ne faut pas surévaluer la capacité des habitants de l’Empire romain à savoir lire et écrire63. De même, l’idée d’une égalité possible des hommes et des femmes devant l’alphabétisation, et plus largement devant la culture, est certainement un leurre, et ce, sans vouloir particulièrement faire preuve d’anti-féminisme64. Toutes les fois où l’on a cru pouvoir tirer d’un ensemble de données la preuve que les femmes savaient lire et écrire, les arguments se sont rapidement révélés non recevables. C’est ainsi que l’on crut jadis pouvoir se servir de l’exemple des 51 notices électorales de Pompéi qui émanaient de femmes pour prouver que les Pompéiennes qui appartenaient même aux classes inférieures de la société savaient lire et écrire65 : or, l’on sait maintenant qu’aucune d’entre elles n’écrivit de sa main son affiche, car ces réalisations, peintes avec soin, étaient effectuées par des peintres professionnels, les scriptores66. Si l’on considère désormais les 153 tablettes de cire du célèbre financier L. Caecilius Iucundus de Pompéi, il a été admis depuis longtemps que les clients qui n’avaient pas écrit les reçus, mais s’étaient fait aider par des intermédiaires, étaient certainement illettrés67. Or, sur les cinq femmes « créditrices » recensées dans ces tablettes, aucune n’a écrit elle-même son reçu68. Même si on ne peut se permettre d’avancer des statistiques à partir de ces exemples, il semble qu’un très faible pourcentage des femmes pompéiennes du ier siècle de l’Empire étaient alphabétisées, et que ce pourcentage était, en tout cas, très inférieur à celui des hommes69.
33En conclusion, si le travail de H.-I. Marrou ne saurait être fondamentalement remis en question sur le sujet des femmes et de l’éducation, il apparaît désormais nécessaire de se tourner vers les sources épigraphiques, iconographiques et papyrologiques, plus « neutres » et plus parlantes que les témoignages littéraires : des épitaphes romaines et italiennes parlent ainsi de paedagogae inconnues des textes. En outre, l’utilisation de ces sources vient souvent nuancer la vision trop « romanocentriste » des synthèses écrites par les historiens : à ce titre, l’Histoire de l’éducation de H.- I. Marrou, qui privilégiait les attestations littéraires d’auteurs romains de la fin de la République et du ier siècle ap. J.-C., dresse un tableau qui reflète peu la situation des provinces de l’Empire70, en particulier les spécificités du monde oriental hellénophone. Or, outre d’autres exemples de paedagogae, l’épigraphie provinciale livre des exemples de grammaticae, de femmes orator71 ou philosophe72. Malgré cela, le « silence des femmes » reste pesant et les quelques inscriptions que nous avons ici rassemblées parviennent difficilement à lever un pan du voile jeté sur les activités intellectuelles et pédagogiques des femmes romaines.
Notes de bas de page
1 Une photo du bloc et des notes critiques concernant l’inscription ont déjà été publiées : S. Agusta-Boularot, « Les références épigraphiques aux grammatici et grammatikoi de l’Empire romain (ier s. av. J.-C.-ive s. ap. J.-C.) », dans Mélanges de l’école française de Rome – Antiquité (ci-dessous mefra), 106, 2, 1994, p. 653-746 ; ead. et M. Bousbaa, « Une inscription inédite de Cherchell (Caesarea Mauretaniae) : Volusia Tertullina grammat(ica) », L’Africa Romana 11. Atti dell’XI convegno di studio, Cartagine, 15-18 dicembre 1994, 1996, p. 163-173 ; ead. et M. Bousbaa, Inscriptions récemment découvertes à Cherchell (Algérie), dans Bulletin du Comité des Travaux Historiques, 24, 1997, p. 101-128.
2 H. Grundmann, Litteratus, illitteratus, dans Archiv für Kulturgeschichte, 40, 1958, p. 1-65.
3 S. Agusta-Boularot, loc. cit., dans mefra, 106, 2, 1994, p. 710, pour la photo de cette inscription.
4 H.W. Pleket, Epigraphica II, no 30 : Ma[g]nilla[n philo]| sophon Magn[ou]| philosophou thu[ga]| tera, Mènio[ou philo| soph] ou gu[naika].
5 Cl. Moussy, « L’étude de l’enseignement de la grammaire à Rome : otium et negotium », Les loisirs et l’héritage de la culture classique. Actes du XIIIe Congrès de l’association G. Budé (Dijon, 27-31 août 1993), éd. par J.-M. André, J. Dangel et P. Demont, (Coll. Latomus, 230), Bruxelles, 1996, p. 258-267.
6 S. Agusta-Boularot, loc. cit., dans mefra, 106, 2, 1994, p. 725, où nous proposons une carte de répartition des attestations recensées.
7 A. García y Bellido, Estela emeritense de Lutatia Lupata, dans Archivo Español de Arqueologia, 30, 1957, p. 242-243 ; J. Vives, Inscripciones latinas de la España Romana, Barcelone, 1971, n ° 5747 ; L. Sagredo San Eustaquio, S. Crespo Ortiz de Zarate, La enseñanza en la Hispania Romana, dans Hispania Antiqua, 5, 1975, p. 121-134, en particulier p. 127-128 et 131-132 ; F.H. Stanley Jr, Roman Education : Observations on the Iberian Experience, dans REA, 93, 1991, 3-4, p. 299-320, en particulier p. 309.
8 TLL, t. I, col. 1797, s. v. « alumna ».
9 FD, III, 4, 79.
10 Les quelques inscriptions mentionnant des magistrae ne nous paraissent pas faire explicitement référence à des « institutrices », mais plutôt à des servantes du culte : cil III 1963 et 1971 ; cil V 758, 814 et 847 ; cil IX 805.
11 Cette activité, essentiellement féminine, est largement attestée dans les inscriptions.
12 TLL, t. I, s. v. « altor ».
13 Nous n’avons pas opéré de recensement exhaustif des membres de cette profession : notre impression se fonde sur l’inventaire du seul cil VI, où nous avons 54 (ou 55 ?) paedagogi (cil VI 2210, 4718, 6327 à 6330, 7011, 7290, 7657, 8012, 8965 à 8990, 9739 à 9757, où 9756 est peut-être une femme ( ?)) pour seulement 3 paedagogae : cil VI 6331 (du monumentum Statiliorum) : [St] atilia T(iti) l(iberta) Tyranis | paedagoga | Statiliaes (première moitié du ier s. ap. J.-C.) ; cil VI 9754 : C(aius) Sulpicius C(aii) l (ibertus) | Venustus, | Sulpicia C(aii) l(iberta) Ammia, | Sulpiciae C(aii) f(iliae) Galbillae | paedagogis suis ; cil VI 9758 : Vrbana | paedagoga | u(ixit) an(nis) XXV. D’autres cas sont incertains car il est difficile de savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme : cil VI 4459 (du monumentum Marcellae) : Philocrate | Messalinae paed(- agoga (ou) – agogus) | Accae Helpidis… ; et peut-être aussi cil VI 9756 ( ?) : […]agae | [pae] dagog(-ae (ou)– i) |[…]nt.
14 cil XII 3832 : D(iis) M (anibus) | Porciae Lade et | Optati ser(ui).| Epafra conlibert(a) | Syntyche Anatole ser(uae) | paedagogis piissimis | u(iuae) p(osuerunt). Traduction proposée : Aux Dieux Mânes de Porcia Lada et d’Optatus, esclave. Epafra, compagne d’affranchissement, Syntychè et Anatolè, esclaves, ont dressé (cette sépulture) de leur vivant à leurs très pieux paedagogi.
15 En raison de sa nomenclature, il est difficile de voir dans ce personnage une esclave comme le fait A. Pelletier, La femme gallo-romaine, Paris, 1984, p. 65-66.
16 cil IX 6325 : Beni[g] nae | Restitutae | paedago[g (ae)] | Faustus coniux.
17 H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. 2. Le monde romain, éd. du Seuil, Paris, 1981, p. 65 : tous les passages cités par la suite font référence à cette réédition.
18 cil VI 9754 et cil XII 3832 : cf. n. 13 et 14 de cette étude.
19 cil VI 3999 : Malchio Drusi | paedagogus… Drusus était-il le fils de Livie ou celui de Germanicus (Drusus III) ? Cf. S. Treggiari, Jobs in the Household of Livia, dans PBSR, 43, n. s. 30, 1975, (p. 48-77), p. 56 et p. 69, n. 109.
20 cil VI 3998 : Hymnus | paedagogus | [I] uliae Germanici | filiae. Il s’agit de Iulia V Liuilla.
21 cil VI 33787 : M (arcus) Liuius | Augustae lib(ertus) | Prytanis | Liuiae Drusi paedag(ogus). À moins qu’il ne s’agisse d’une Livia, fille de Drusus ( ?).
22 Cela semble être le cas des deux pédagogues de l’inscription nîmoise cil XII 3832, citée n. 14. S. Treggiari (loc. cit., dans pbsr, 43, n. s. 30, 1975, p. 56) rappelle à ce sujet l’exemple d’un esclave de Tibère et de Livie qui offre une olla à son paedagogus, Q. Lollius Philargurus (cil VI 8989) et d’un pedisequus, Thamyris, qui fait le même don à son magister, lui aussi esclave de Livie (cil VI 4006).
23 S. Treggiari, « Questions on Woman Domestics in the Roman West », Schiavitù, manomissione e classi dipendenti nel mondo antico. Atti del colloquio internazionale tenuto a Bressanone/Brixen, 25-27 nov. 1976, Rome, 1979, p. 185-201 : à l’intérieur d’une familia, le nombre de métiers occupés par des femmes est peu élevé, du moins en ville : ornatrix, lanipenda, sarcinatrix ou encore nutrix sont les activités les plus répandues, loin devant la paedagoga.
24 S. Crespo de Zarate, L. Sagredo San Eustaquio, Las profesiones en la sociedad de Hispania Romana, dans Hispania Antiqua, 6, 1976, p. 53-78, qui ont recensé dans leur article l’ensemble des inscriptions de la péninsule ibérique mentionnant des enseignants (grammatici, paedagogi, ludi magistri, oratores, educatores, etc.), n’ont trouvé que l’exemple de Lutatia Seuera.
25 cil VIII 1506 : Cornelia | Fortunata | paedagoga | p(iissima) u(ixit) a(nnis) LXX.| H(ic) [s(ita) e(st)]. Traduction proposée : Cornelia Fortunata, paedagoga, femme très pieuse, vécut 70 ans. Elle repose ici. Datation : inconnue.
26 cil IX 6325, citée n. 16.
27 Cf. les catalogues proposés par H.-I. Marrou : mousikos anhr. Etude sur les scènes de la vie intellectuelle figurant sur les monuments funéraires romains, Rome, 1964. On en trouve également quelques exemples dans N. Kampen, Image and Status : Roman Working Women in Ostia, Berlin, 1981, cat. no 21 à 28, p. 37 et p. 146-148.
28 H.-I. Marrou, ibid., p. 41.
29 1 Corinthiens, 14, 34-35, verset 1.
30 « Que la femme apprenne en silence, en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre autorité sur l’homme, mais de demeurer dans le silence » (1 Timothée, 2, 11-12).
31 Jérôme, Ep., 128, 4, 4 : Sit ei puellae magistra comes, paedagoga, custos non multo uino dedita, non […] otiosa atque uerbosa sed sobria, grauis, lanifica, et ea tantum loquens, quae animum puellarem ad uirtutem instituant (« Qu’elle ait une maîtresse pour compagne, une pédagogue-gardienne qui ne soit pas fort adonnée au vin, ni paresseuse, ni bavarde, mais sobre, sérieuse, habile aux travaux de la laine, ne parlant que pour former une âme de jeune fille à la vertu »).
32 W. V. Harris, Literacy and Epigraphy, I, dans zpe, 52, 1983, (p. 87-111), p. 95.
33 Cornelius Nepos, Att., 1 : Hic (= pater), prout ipse amabat litteras, omnibus doctrinis, quibus puerilis aetas impertiri debet, filium (= Atticum) erudiuit.
34 Plutarque, Cato Maior, 20, 5-6.
35 Plutarque, Cato Maior, 20, 4-5.
36 Tacite, D., 28, 4 :… desidia iuuentutis et neglegentia parentum et inscientia praecipientium et obliuione moris antiqui.
37 Ibid. : si prius de seueritate ac disciplina maiorum circa educandos formandosque liberos pauca praedixero. Nam pridem suus cuique filius, ex casta parente natus, […] in gremio ac sinu matris educabatur, cuius praecipua laus erat tueri domum et inseruire liberis.
38 Pour reprendre l’expression de H.-I Marrou à propos de ce passage : Histoire de l’éducation, p. 15.
39 Tacite, D., 28, 5.
40 S. Dixon, The Roman Mother, Londres-Sydney, 1988, a rassemblé l’ensemble de la documentation sur le sujet : le rôle de la mère, qui passe toujours après celui du père, est avant tout d’être un modèle de rigueur morale (p. 2-10).
41 H.-I. Marrou, mousikos anhr, p. 33, no 8.
42 H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation, p. 63 sq.
43 Ibid., p. 64-65.
44 Ibid., p. 65, d’après Martial, IX, 68, 2 et Pline, Ep., V, 16, 3.
45 Valère Maxime, IV, 4, pr.
46 Salluste, Cat., 25, 2.
47 Les autres exemples célèbres de la littérature sont recensés par H.-I. Marrou (Histoire de l’éducation, p. 15), qui en conclut que « l’influence de la mère marquait l’homme pour la vie » : effectivement, on parle fort peu des jeunes filles !
48 Suétone, Aug., LXIV, 4 : Nepotes et litteras et notare aliaque rudimenta per se plerumque docuit.
49 Ibid. : « Elles furent élevées avec tant de sévérité qu’il (Auguste) les habitua même au travail de la laine » : en outre, elles ne devaient pas « cacher la moindre de leurs paroles ou de leurs actions » et éviter tout contact avec des étrangers.
50 Musonius Rufus, dans son 4e sermon, et aussi Plutarque, dans un ouvrage perdu : A.N. Sherwin-White, Letters of Pliny. Historical and Social Commentary, Oxford, 1966, p. 347.
51 S.F. Bonner, Education in Ancient Rome. From the Elder Cato to the Younger Pliny, London, 1977.
52 L. Canfora, « L’educazione », Storia di Roma, 4, Torino, 1989, p. 735-770.
53 Goddesses, Whores, Wives and Slaves. Women in Classical Antiquity, New York, 1976, t. II, p. 170 sq. sur l’éducation.
54 Histoire des femmes, sous la dir. de G. Duby et M. Perrot, t. I : L’Antiquité, éd. par P. Schmitt Pantel, Paris, 1991.
55 Pour s’en convaincre, l’on relira l’avant-propos de l’Histoire des femmes, sous la dir. de G. Duby et M. Perrot, t. I : L’Antiquité, éd. par P. Schmitt Pantel, Paris, 1991.
56 Nic. de Damas, Aug., VI, 10.
57 Tacite, Agric., 4 et Suétone, Nero, 52.
58 Dans le cil XIV sur Ostia et les environs de Rome, l’on ne trouve presqu’aucune information sur des femmes exerçant des métiers. Du corpus formé par l’ensemble des épitaphes des villes de Tyre et de Corycus, en Asie Mineure, on ne peut tirer aucune inscription mentionnant une femme exerçant un métier, alors que les exemples masculins sont nombreux : W. V. Harris, loc. cit., dans ZPE, p. 94. Sur le sujet en général, cf. J. Le Gall, « Métiers de femmes au Corpus Inscriptionum », Mélanges Marcel Durry, (= rel, 47 bis), Paris, 1970, p. 123-130 ; S. Treggiari, Jobs for Women, dans American Journal of Ancient History, 1, 1976, p. 76-104.
59 L’étude de N. Kampen (op. cit.) montre que, d’après l’iconographie, les métiers exercés par des femmes étaient multiples et ne se cantonnaient pas à l’espace domestique, à la différence de l’impression que l’on tire à la lecture des textes : dans le catalogue de reliefs établi par l’auteur, l’on trouve une femme marchande de fruits et de légumes (cat. no 44, p. 154), une autre serveuse de taverne (cat. no 48, p. 155) ou encore une autre cordonnier (cat. no 5, p. 139), autant de métiers qui ne s’exercent qu’à l’extérieur d’une familia.
60 M. D’Avino, La donna a Pompei, Naples, 1964 : sur la base du travail épigraphique (inscriptions et graffiti) de M. della Corte, l’auteur a dressé un tableau des professions féminines là aussi plus varié que celui offert par la littérature, car l’on voit au travail des esclaves et des affranchies, mais aussi des plébéiennes.
61 N. Kampen, op. cit., p. 116-117 (témoignages littéraires et épigraphiques) et cat. no 52, p. 157 (exemple iconographique d’une femme medica à Metz). Ces femmes « médecins » étaient aussi le plus souvent des esclaves ou des affranchies : telle est la constatation à laquelle arrive par exemple B. Rémy concernant l’ensemble des medici attestés dans les provinces hispaniques (19 en tout), au nombre desquels il faut compter deux medicae (Les inscriptions de médecins dans les provinces romaines de la péninsule ibérique, dans Revue des Études Anciennes, 93, 1991, no 3-4, p. 321-364).
62 Rien que dans le cil VI, l’on trouve neuf femmes exerçant de telles tâches : cil VI 8882, 37802, 7373, 9301, 9541, 37757, 9525, 9540, 3979. Elles étaient dans leur majorité esclaves ou affranchies, et reçurent leur éducation dans la familia d’un empereur ou d’une familia aisée : N. Kampen, op. cit., p. 118. Un exemple iconographique provient de Rome (ibid., p. 157, no 53 et fig. 45), où l’on voit une femme assise en train d’écrire sur des tablettes.
63 W. V. Harris (loc. cit., p. 87-88) s’élève contre l’idée, pendant longtemps admise, d’une alphabétisation de masse du monde antique.
64 H. C. Youtie, agrammatos : an Aspect of Greek Society in Egypt, dans Harvard Studies in Classical Philology,, 75, 1971, (p. 161-176), p. 170 : « No ancient could possibly have been shocked by a woman who was unable to write. Illiteracy in women was traditional at all levels of society, and therefore acceptable ». S.G. Cole, « Could Greek Women Read and Write ? », Reflections of Women in Antiquity, éd. par H.P. Foley, New York, 1981, p. 233-238 et S. B. Pomeroy, « Women in Roman Egypt », ibid., p. 309-316.
65 Hypothèse de S. B. Pomeroy, Goddesses, Whores, Wives and Slaves, New York, 1975, p. 201.
66 F. Bernstein, « Pompeian Women and the Programmata », Studia Pompeiana et classica in honor of W. F. Jashemski, New Rochelle-New York, 1988, (p. 1-18), p. 2.
67 Comme le suggérait déjà Th. Mommsen, Die pompeianischen Quittungstafeln des L. Caecilius Iucundus, dans Hermes, 12, 1877, p. 104-105.
68 cil IV, suppl. I, 3340, tab. no XXII, XXIV, XXV, XXXIV, XL.
69 W. V. Harris, loc. cit., p. 107-108.
70 Nous étions arrivée à une conclusion similaire concernant les grammatici (S. Agusta-Boularot, loc. cit., dans mefra, 106, 2, 1994, p. 738-739), où l’étude des références épigraphiques sur l’ensemble de l’Empire permettait de dresser de cette profession une vision plus diversifiée et plus nuancée que celle proposée par H.-I. Marrou.
71 À Delphes, au iie s. ap. J.-C. : fd, III, 4, 79.
72 Apollonia de Mysie, au ii-iiie s. ap. J.-C. : citée à la n. 4.
Auteur
Université de Provence, mmsh, Aix-en-Provence
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