Seigneurs et paysans
Dans le bassin méditerranéen vers 950 - vers 1050
p. 273-290
Texte intégral
1S’interroger sur les relations existant entre paysans et seigneurs revient d’abord à se demander comment et dans quels cadres la production s’est organisée durant la phase de croissance qui marque la période considérée de part et d’autre de l’An Mil, à s’efforcer aussi d’identifier les détenteurs de l’initiative économique qui se trouvent à l’origine de la croissance1. On prendra ici pour hypothèse que l’accroissement de la production s’est opéré concurremment par une extension des surfaces mises en valeur et par une intensification du travail humain, cela avant même que la productivité puisse être améliorée de façon décisive : les progrès technique, ceux de l’outillage n’interviennent que de façon secondaire et sans doute tardive dans le processus2. C’est à une population plus nombreuse, mieux encadrée, travaillant mieux et davantage, que l’on doit l’essor de la production. Plus que l’outillage, les façons sont en cause, et notamment le nombre des labours et les soins confinant au jardinage apportés aux cultures. En définitive, on mettra davantage en cause l’organisation générale de la production et du travail que les progrès techniques ou leur diffusion qui n’apparaissent pas véritablement déterminants.
2La seigneurie, avec ses agents, ses moyens d’encadrement, de pression et de répression joue-t-elle un rôle dans ce qui apparaît aussi comme un progrès concret et général de la civilisation matérielle ? A-t-elle, par la force, contraint les paysans à se plier à de nouveaux modes d’organisation de la production ou a-t-elle simplement rationalisé, exploité et en fin de compte cueilli les fruits de développements qui se sont produits en dehors d’elle ? La part de l’action spontanée, incontrôlée, ou encadrée seulement de loin, des paysans doit être évoquée dans le processus d’enrichissement, d’accumulation et d’investissement qui caractérise l’Europe occidentale à partir du xie siècle. Est-il au bout du compte nécessaire de penser l’expansion en termes d’antagonisme et de contrainte, en attribuant un rôle décisif ou majeur à la pression opérée sur la paysannerie ? Il est également possible de raisonner en fonction d’accords et de négociations intervenus entre les différents intervenants Autrement dit, la brutalité de la seigneurie n’est sans doute pas une condition nécessaire et suffisante à l’établissement et au maintien d’une croissance agraire durable. Il n’est au demeurant pas certain que les seigneurs aient eu toujours et la force et le désir d’encadrer de façon très stricte les populations dépendant d’eux. L’efficacité d’un contrôle réellement oppressif n’est pas nécessairement assurée face à une population réticente. La négociation et l’établissement d’un consensus ou d’un accord ont sans doute également joué un rôle non négligeable et doivent être considérés comme d’un meilleur rendement que la pure et simple oppression : il vaut mieux amener les hommes à se laisser faire plutôt que de devoir en permanence briser leur résistance. Il apparaît comme infiniment préférable de faire désirer et aimer sa propre oppression au gouverné et de lui faire aussi accepter les contraintes en les intériorisant que de déployer en permanence une force militaire prête à la répression. Le surcroît de coût qu’implique le maintien sur la longue durée d’un régime strict d’oppression et de sujétion, avec ce que cela entraîne comme risques de résistances, a pu aussi être considéré.
3L’un des principaux points soulevant débat et faisant effectivement difficulté est en effet celui de l’intensité de la violence seigneuriale : il s’agit moins ici de s’interroger sur la chronologie, celle-ci est désormais bien connue, que sur sa fonction à l’intérieur d’un système3.
4Une conjecture est normalement et habituellement faite : les seigneurs prennent tout ce qu’il leur est possible de prendre sans mettre en péril de façon durable la reproduction de la force de travail paysanne. La question de la limite apportée au prélèvement est bien évidemment essentielle, parce que le fait de laisser au producteur un peu plus que de quoi assurer sa survie, et notamment de quoi procéder aux investissements nécessaires à l’amélioration de son fonds, est un facteur essentiel de maintien et d’accélération de la croissance. Il n’est pas sûr que les calculs seigneuriaux n’aient pas intégré cette variable, celle de la valorisation de l’expérience paysanne, et qu’ils aient cherché à empêcher de façon systématique l’enrichissement de leurs dépendants. Ils se seraient privés à terme de la possibilité d’en profiter eux-mêmes en prélevant leur part des surplus apparus.
5D’autre part, la paysannerie n’est pas, il s’en faut, un objet inerte. Elle a parfois dès le xe siècle – en Catalogne et en León davantage qu’en Italie –, une indépendance certaine. Maîtrisant les incultes, capable de se doter d’institutions ou suffisamment puissante pour obtenir une charte de franchise, voire, en Catalogne, pour plaider contre le comte avec succès4, elle est susceptible d’une action économique autonome, et est à tout le moins capable d’opposer une résistance aux évolutions qui lui nuisent. Il n’est pas évident que les solutions de violence aient pu être imposées partout facilement, tout simplement du fait des résistances auxquelles elles ont sans doute donné naissance. Quelque dure qu’ait été la condition paysanne au xie siècle, elle comportait des marges de manœuvre et des possibilités d’amélioration. Je ne pense pas enfin qu’une croissance sur le long terme ait pu se produire à l’intérieur de structures si oppressives qu’elles en fussent devenues désespérantes.
L’INITIATIVE ÉCONOMIQUE : RÉORGANISATION DES TERROIRS ET HABITAT RURAL
6La première interrogation venant à l’esprit concerne l’identité des détenteurs de l’initiative économique : qui entreprend et qui décide ?
7D’emblée, et comme une évidence, une première réponse s’impose : les seigneurs, parce qu’ils sont les détenteurs du sol, et cela avant même qu’entre en considération la question de leur pouvoir politique. À cette réponse, il faut aussitôt apporter un correctif : l’aristocratie n’est pas toujours et partout en position hégémonique. Elle n’accapare pas toujours et partout la totalité du sol disponible. Ses membres sont, ou peuvent être, en concurrence d’abord entre eux, puis avec d’autres propriétaires fonciers de toute taille et notamment avec les propriétaires exploitants qui, par leur nombre et par l’importance des surfaces qu’ils détiennent, forment contrepoids. Quelle qu’ait pu être son extension, la grande propriété n’écrase pas partout un spectre de la distribution du sol infiniment plus large que ce que nous serions amenés à penser si nous ne disposions, comme documentation que des polyptyques. Ainsi, dans les Abruzzes où les très grandes propriétés foncières, constituées d’un seul bloc, sont rares, et où la petite et la moyenne exploitation paysanne occupe une place considérable, à côté de domaines à la structure au demeurant éclatée5. De même, dans la région de Lucques, la place des petits propriétaires exploitants est telle et la cohésion du groupe qu’il forme est si grande que la seigneurie ne peut y éclore que fort tardivement et n’y prend jamais le caractère de brutalité que l’on peut observer dans le Latium6.
8Ces réserves émises, il faut toutefois rappeler qu’il y a des régions ou des situations où la question du leadership seigneurial ne se pose même pas, tant la prédominance foncière du groupe aristocratique est écrasante. Les conditions concrètes de l’incastellamento tel qu’il s’est déroulé dans le Latium en fournissent la meilleure illustration.
9L’exemple le plus classique et le plus lumineux qui puisse être donné est l’accord passé en 946 entre Léon, évêque de Velletri et Démétrius « duc et consul »7. Deux seigneurs se mettent ici d’accord pour rassembler des hommes, édifier un habitat nouveau et remembrer les terroirs jusque là éclatés qui désormais doivent en dépendre. Les profits sont partagés entre les deux personnages en fonction d’un critère simple, l’accord prévoyant la rémunération de la dominatio (pro dominatione dit le texte) de l’évêque de Velletri et celle du labor du promoteur et des ses descendants (quatenus laboratores). Dans ce cas, la charte est l’un des éléments de la reprise en main des patrimoines fonciers par l’aristocratie latiale qui accompagne le principat d’Albéric entre 932 et 954 et lui donne toute sa signification. La prise de conscience par l’aristocratie latiale des périls encourus par elle au début du xe siècle, et l’espèce de sursaut volontariste qui s’en est suivi durant le gouvernement de Théophylacte et le principat d’Albéric a entraîné la définition de politiques vigoureuses et efficientes8. Il s’agissait de prendre des mesures de remise en ordre après des décennies d’abandon et de désordres provoqués par l’effondrement, dans le Latium, de toutes les structures publiques à la fin du ixe siècle. Les paysans sont ici les grands absents : ils sont des sujets que l’on contraint et il n’est en aucune manière question d’aménager pour eux les structures du prélèvement. Il s’agit de remembrer ou de réorganiser une zone où les hommes ne semblent pas manquer : il n’est pas question de faire venir des hommes d’ailleurs, mais simplement de rassembler une population (congregare populum). Le but de l’opération est l’optimisation de l’exploitation seigneuriale – et rien d’autre.
10En Italie du nord, les conditions sont quelque peu similaires à celles du Latium, quoique les initiatives seigneuriales y aient été peut-être moins spectaculaires ou plus difficiles à distinguer des nécessités, réelles ou simplement proclamées, de la défense9. En tout cas, il semble bien que la distribution du sol y ait été telle que l’ensemble des leviers de commande ait été immédiatement entre les mains du groupe aristocratique. Les seigneurs cherchent ainsi, à partir des années 950, à renforcer les centres de production dans un contexte fait tout à la fois de conquête agraire, de défense militaire des terres, et de protection offerte aux paysans. Cela débouche, à moyen terme, sur la transformation des anciennes curtes en seigneuries territoriales par un processus complexe, fait de tâtonnements, d’échecs et de semi-réussites10. Les opérations de consolidation s’effectuent sur une période assez longue et passent d’abord par des remembrements, c’est-à-dire par la division d’exploitations démesurées et pour cette raison ingérables.
11Dans un second temps, une fois effectuées les opérations de réorganisation foncière, les centres d’exploitation et de gestion, les case dominice, sont renforcées par l’adjonction d’un appareil militaire destiné autant à défendre le territoire qu’à résumer le pouvoir que le détenteur du sol prétend désormais posséder et exercer. Établissant de la sorte un lien entre la fonction militaire et la détention de la terre, c’est-à-dire entre un élément de puissance publique et le sol, les seigneurs sont en mesure d’altérer très profondément la nature du pouvoir qu’ils exercent sur les choses et sur les gens. La présence du castrum à côté de la curtis et à côté aussi de la villa conçue ici comme une agglomération villageoise, devient la norme dans le courant du xe siècle11. La présence militaire et la revendication de pouvoir qui l’accompagne et qu’elle signifie entraînent une modification de l’organisation de l’habitat et, à terme, un déclassement des anciens centres.
12L’apparition de l’appareil militaire marque le début d’une rupture topographique majeure qui fait se rapprocher l’habitat seigneurial et l’habitat paysan. L’un et l’autre sont proches. Mais, contrairement à la structure de l’habitat latial, le village n’intègre pas automatiquement de palatium ou de rocca12. Autrement dit, si, dans la version lombarde de l’incastellamento, habitat paysan et résidence seigneuriale demeurent disjoints, les fonctions militaire, d’échange et d’habitat se sont retrouvées finalement rassemblées en un même lieu, à la suite là aussi de politiques seigneuriales tout à fait délibérées et planifiées, moins brusques et moins spectaculaires qu’en Italie centrale mais ayant eu des résultats analogues.
13L’exemple de Velletri ou celui des politiques foncières mises en œuvre par l’aristocratie lombarde sont des cas extrêmes et remarquables d’efficience seigneuriale et d’affirmation du pouvoir détenu par les possesseurs du sol. L’ampleur de la crise sociale de la fin du ixe siècle en Italie, de même que la gravité des troubles politiques survenus à l’époque du règne de Bérenger Ier n’ont trouvé de solution satisfaisante que par la reconstruction systématique et la réorganisation des patrimoines fonciers13.
14Au même moment, vers 950, plus au sud, en Campanie ou dans le Molise, sur les terres du Mont-Cassin et celles de Saint-Vincent au Volturne, les abbés promoteurs de la reconstruction ont dû pour leur part négocier avec des communautés paysannes déjà structurées ou favoriser la consolidation de communautés préexistantes pour assurer le succès d’entreprises de peuplade extrêmement ambitieuses14. Les conditions de fondation du castrum de Sant’Angelo in Theodice dans les années 950 sont, de ce point de vue, éclairantes15. L’abbé Aligerne négocie avec un groupe de paysans représentés par deux personnages apparemment qualifiés, c’est-à-dire dont l’autorité est reconnue par leurs compagnons. Les conditions qui leur sont faites peuvent être considérées comme extrêmement favorables. Leur liberté juridique est reconnue et protégée : ils peuvent s’en aller librement du castrum. De même les droits qu’ils peuvent avoir sur les biens meubles et immeubles en leur possession sont garantis. L’abbé octroie aux nouveaux habitants une parcelle dans le castrum, construit aux frais de l’abbaye, et une tenure à cens fixe, ce qui implique la stabilité de leurs propriétés foncières. Enfin, les redevances qu’ils doivent sont lourdes mais tout de même limitées. La communauté doit solidairement 12 deniers d’argent au monastère et une quote-part au demeurant très importante du vin, puisqu’ils en doivent les 2/5e. Rien n’est dû sur les blés, ce qui est tout à fait exceptionnel, même dans un contexte de peuplement. L’abbé du Mont-Cassin semble avoir fréquemment procédé de la sorte, c’est-à-dire avoir négocié avec des groupes déjà constitués de paysans16. L’abbé de Saint-Vincent-au-Volturne, de son côté, œuvrant dans un contexte similaire propose des réponses identiques et négocie directement avec des communautés paysannes déjà structurées.
15À l’autre bout de la période, dans une autre zone du bassin méditerranéen et dans un autre contexte économique, celui du défrichement du Comminges, deux seigneurs, l’abbé de Lézat et un personnage du nom de Raymond Garsia, fondent ensemble à Berat, vers 1070, une sauveté en transformant le statut d’un alleu et en le munissant d’une église17. Aucune communauté paysanne ne semble préexister à la fondation de la sauveté, bien que le territoire soit déjà en partie peuplé par des paysans dont les possessions doivent avoir pris la forme de « gagnages », de défrichements individuels, aboutissant à la constitution de lots. Il devait y avoir là un agrégat d’écarts et de hameaux non hiérarchisés, dispersés çà et là sur un territoire en cours de défrichement et de peuplement. Les habitants de la sauveté doivent être de petits alleutiers qui se regroupent sans doute spontanément et se placent sous la sauvegarde de l’Église, qui les protège et leur octroie des conditions d’exploitation assez favorables, analogues à celles concédées un siècle auparavant aux incastellatores de S. Angelo in Theodice. Le point commun de ces chartes est qu’elles garantissent la liberté personnelle des habitants dans son aspect le plus concret, qui est la liberté d’aller et de venir, et qu’elles limitent le montant des cens. Bien qu’il s’agisse ici de documents réglant les relations entre les seigneurs, ils laissent deviner tout un contexte de négociations et de tractations avec les paysans.
16On pourrait multiplier les exemples. Ce serait inutile : il suffit de souligner ici que, dans de nombreuses circonstances, l’entreprise seigneuriale ne peut fonctionner et avoir quelque chance de succès que si les paysans font plus que consentir à des initiatives dont l’intérêt doit leur paraître manifeste. En particulier, il n’est pas nécessaire d’imaginer que les opérations de regroupement des populations se soient toujours effectuées dans un contexte de violence : les circonstances où, comme dans le Latium, il est possible de ne tenir aucun compte d’intérêts paysans ou de situations antérieurement acquises par la paysannerie n’épuisent évidemment pas la gamme typologique des entreprises de peuplement.
17Se pose d’autre part la question du poids, du rôle et des droits des communautés paysannes installées dans des zones de peuplement ancien et comme de ceux des communautés de pionniers. Les premières sont repérées au xe siècle en León18. Elles se caractérisent par la généralisation de la propriété individuelle et, surtout, par l’utilisation en commun des incultes. Elles sont moralement soudées par la possession et la gestion d’églises privées comme par l’exploitation de ces biens communs. Ces communautés se multiplient au fur et à mesure que progresse le peuplement. En même temps, elles sont atteintes par un processus de différenciation sociale qui, dès les années médianes du xe siècle, fait apparaître, à l’intérieur de la communauté, un clivage entre milites et rustici, c’est-à-dire une opposition sociale se cristallisant autour de deux fonctions, la production et la guerre, et préludant à leur désintégration.
18Dans les zones pionnières ou en cours de repeuplement, la restriction du champ de l’arbitraire apparaît comme une donnée fréquente, sinon absolument constante. Il existe une négociation permanente entre les communautés d’habitants et les détenteurs du pouvoir et ce dialogue, quelles que soient les formes qu’il prend, permet de promouvoir des actions qui favorisent l’accroissement de la production.
LE PRÉLÈVEMENT
19Comment dans ces conditions le prélèvement s’organise-t-il et comment se structurent profit seigneurial et revenus paysans ? Il faut, là encore faire la part de la géographie et distinguer l’Italie et la Péninsule ibérique. En Italie, la différenciation essentielle, lisible déjà dans les polyptyques du ixe siècle, est celle qui existe entre tenures coutumières, sur lesquelles est assis un prélèvement lourd et tenures livellaires. La distinction entre massari, c’est-à-dire exploitants coutumiers et livellarii bénéficiant d’un contrat est essentielle, mais il est toujours possible de glisser d’une catégorie à l’autre, le bénéficiaire d’un livello pouvant même espérer que l’inattention du détenteur du sol lui permette à terme de passer pour propriétaire de son fonds19. L’important est que, à l’intérieur de cette organisation, les contrats de livello aient permis la limitation de la ponction opérée sur les tenures soumises à contrat.
20Les tenures à cens fixes – non proportionnels à la récolte – forment la majeure partie des exploitations documentées par les livelli. Elles ne semblent pas grevées de charges exorbitantes, encore que la signification économique exacte des versements soit d’appréciation difficile. Au xe siècle, le poids relatif des cens tend même à diminuer jusqu’au moment précis de l’incastellamento20. Le contrat livellaire présente ainsi un inconvénient économique majeur pour le seigneur : il ne permet pas de tirer immédiatement profit de l’accroissement de la production par ajustement de la valeur du prélèvement, celui-ci ne pouvant se produire que lors du renouvellement, c’est-à-dire une fois tous les trente ans ou, ce qui est la norme abruzzaise et sabine, toutes les trois générations. La perception de droits d’entrée en tenure est normalement considérée comme un moyen d’ajustement périodique. Il me semble toutefois que leur exigibilité est trop irrégulière et trop soumise aux différents aléas de la conjoncture politique locale pour qu’ils puissent être considérés autrement que comme un revenu extraordinaire sur lequel il est difficile de faire fonds pour construire un budget21. Il suffit que les administrateurs monastiques se montrent inattentifs ou peu prévoyants pour que le renouvellement du livello ne soit pas effectué et que soit perdue l’occasion de réclamer l’entratura. En réalité, si les grands monastères avaient fait reposer leur rente uniquement sur des censives livellaires et sur les entrages périodiquement redemandés, ils auraient été bien en peine de bénéficier pleinement de la période de croissance. Une part essentielle de leurs revenus doit provenir des tenures coutumières, celles sur lesquelles nous n’avons aucun renseignement direct précis pour les xe-xie siècles.
21Quelques renseignements sont tout de même disponibles sur ce que les seigneurs ecclésiastiques attendent des tenures de ce type en Italie centrale. Certains contrats agraires sont parfois éclairants, par la maladresse de leur rédaction. Ainsi, dans une charte abruzzaise du Mont-Cassin, l’abbé Aligerne réclame le 1/5e des grains. En plus de cette redevance partiaire, qui ne reçoit pas de nom particulier, il exige en cens le don de deux paires de poulet, l’une à Pâques et l’autre à Noël. Dans d’autres contextes, on aurait appelé ces redevances fixes en petit bétail exenia ou ammisceres et elles seraient venues s’ajouter au cens. Il est patent que, dans ce cas, le cens est accessoire et que la redevance non nommée s’apparente, dans l’esprit des autorités du Mont-Cassin à un terrage22. Celui-ci, s’élevant au quint des récoltes en grain auquel vient s’ajouter le tiers ou le quart du vin, selon l’année, doit être considéré comme lourd. Dans un autre cas, c’est du tiers de la récolte céréalière et du quart du vin qu’il s’agit, une paire de poulet faisant office de cens23. Il est à parier que ce niveau de taxation se rapproche de celui des tenures coutumières.
22Les chartes de franchise octroyées aux communautés rurales de Campanie à partir des années 1060 permettent de préciser quelque peu le propos24. La charte de Suvio, par exemple, concédée en 1079 aux habitants de cette localité par l’abbé Didier, nous donne des indications sur la structure de ce prélèvement que les livelli, par définition ne peuvent documenter ou ne documentent que de façon indirecte et incertaine25. Une distinction est d’abord opérée par le document entre le propre des paysans et ce qu’ils détiennent parce que cela leur a été concédé. Sur la première partie de l’exploitation – et cela désigne aussi bien les éventuels alleux que les tenures livellaires – rien n’est exigible. Le terraticum est en revanche perçu sur les terres qui sont tenues, dit le texte, per pubblicum, ce qui renvoie à un autre mode de saisine que le contrat. Autrement dit, alleux et terres livellaires sont immunes de taxe seigneuriale et le terraticum désigne le prélèvement non limité ou non défini par la teneur d’un livello, c’est-à-dire tout prélèvement n’entrant pas dans la catégorie des cens ; il n’est exigible que sur les terres appartenant au monastère, et non pas sur celles qui, étant incluses dans la seigneurie territoriale qu’il constitue, ne relèvent pas de ses biens propres.
23Nous en savons un peu plus. Selon le témoignage de Léon d’Ostie, qui écrit à la fin du xie siècle, les cens prévus dans les livelli du xe siècle concédés par l’abbé Aligerne prévoient un niveau de prélèvement du 1/7e des grains : on a vu plus haut, avec l’exemple abruzzais, que ce n’était pas tout à fait exact26 : en réalité, le niveau de taxation des terres semble avoir été très variable au xe siècle et s’être échelonné, selon une rationalité qu’il n’est pas encore possible de reconstruire, entre le 1/3 et le 1/5e du grain et du 1/3 ou du 1/4 du vin, dès lors que l’on est en présence de contrats écrits à parts de fruit. Le chroniqueur affirme de plus que cette proportion du 1/7e est toujours celle en usage de son temps : il n’y a pas de raison de ne pas ajouter foi à son propos. On retrouve encore cette proportion dans le dernier tiers du xiiie siècle, lors des grandes enquêtes réalisées par l’abbé Bernard Ier Aygler, sous le nom de terraticum27. Je pense que Léon d’Ostie devait ici opérer une confusion, volontaire ou non, entre les cens pesant sur les livelli et les terrages, effectivement homogénéisés et stables sur le long terme, mais ne concernant que les tenures coutumières. Il attribuait alors à Aligerne l’organisation du prélèvement qu’il connaissait bien pour être quotidiennement en contact avec elle.
24Cela étant posé, il faut également rappeler que la période la plus active de l’incastellamento correspond à une hausse de la valeur des cens exigés, c’est-à-dire, à un accroissement du montant de la rente foncière et de son taux, du moins pour les tenures alors créées ou renouvelées. Ce réajustement n’a pu être pleinement efficace que s’il est accompagné d’une hausse des revenus provenant des terrages, soit qu’ils aient été alourdis soit, de façon plus vraisemblable, qu’ils aient alors été institués. Le succès des politiques foncières seigneuriales, d’une part et la valorisation extraordinairement rapide des terres ayant fait l’objet de l’intégration dans un finage castral de l’autre seraient autrement incompréhensibles. Les opérations d’incastellamento ont été particulièrement profitables, même à court terme, peut-être grâce aux entrages obtenus des tenanciers voulant profiter des terres monastiques libérées dans le cadre d’opérations de remembrement, mais plus sûrement encore grâce aux terrages exigés des paysans chasés sans contrat28.
25L’Espagne, et en particulier la Catalogne, nous propose des situations analogues, sinon tout à fait identiques à celle que l’on trouve au même moment en Italie centrale : il semble bien que la condition des paysans catalans ait été légèrement meilleure que celle des paysans de l’Italie centrale. Les chartes de peuplement concédées à des groupes en cours de consolidation imposent en effet une structure de prélèvement presque identique à ce que l’on trouve en Italie au même moment, mais un niveau sensiblement plus bas.
26Ainsi, en 954, Witard, le promoteur du peuplement du castrum de Fontanet concède à un groupe de 15 paysans des terres cultes et « ermes » au comté de Barcelone, à charge pour eux de construire des maisons et de mettre en culture les terres « ermes ». Le prélèvement est limité au quint du vin, là où l’on cultive la vigne mais comporte une tasca pour les autres productions : on sait que la tasca s’élève alors au 1/11e de la récolte des céréales, ce qui est apparemment plus favorable que les meilleures conditions italiennes. Le seigneur impose également l’exécution du service, le même que celui qui est exigé des hommes du comte pour leur alleu29. Les habitants de Fontanet sont des dépendants insérés dans une seigneurie certes relativement peu exigeante, mais il n’empêche, ce ne sont pas des alleutiers : ils sont au même niveau social et peut-être économique que les habitants astreints au terrage des communautés de la terre du Mont-Cassin. Leurs redevances ne peuvent passer pour lourdes.
27Au xe siècle, donc, que l’on soit en Catalogne ou en Italie centrale, les conditions faites aux paysans semblent encore favorables. Au cas où le seigneur accepte ou choisit de limiter son prélèvement par le biais du contrat ou par celui des chartes attribuées à des collectivités, les exploitants conservent évidemment plus que de quoi reproduire leur force de travail. La tenure permet alors la constitution d’une épargne. Le faible niveau de la tasca catalane (1/11e) ou du terraticum d’Italie centrale (peut-être 1/7e) permettent l’amélioration du sort même de ceux qui sont les moins bien placés juridiquement ou économiquement. En revanche, les conditions mêmes de cette économie reposant soit sur des contrats à longue durée difficilement renégociables soit sur une coutume favorable aux paysans sont dans l’ensemble peu intéressantes pour les détenteurs du sol qui ne tirent pas de leur terre le revenu maximal qu’ils pourraient en tirer. La volonté d’accroître les revenus en détruisant un ordre social qui répartit d’une façon trop favorable aux paysans les bénéfices de l’accroissement de la production agricole est l’une des causes des politiques de violence attestées en Catalogne, en France du sud, en Lombardie, mais aussi en Italie centro-méridionale à partir des années 1020-103030. En tout cas, en Campanie comme dans les Abruzzes, les seigneurs cessent tout à fait de concéder des contrats livellaires à partir de ce moment précis. Les chartes de franchise campaniennes attestent pour la plupart de l’existence d’une phase d’excès et de surimposition qui dure à peu près jusqu’au règne de Roger II31. Quant à la documentation abruzzaise, elle est muette, ou à peu près, sur le régime seigneurial entre 1050 et 1220. Lorsqu’elle reprend à ce moment, elle montre un régime seigneurial dans sa maturité et extrêmement dur32.
LES FACTEURS DE COHÉSION DES COMMUNAUTÉS RURALES
28Quelle que soit cependant leur capacité à organiser et à planifier, et quel que soit leur désir d’accroître leurs revenus, les seigneurs ne doivent en aucun cas cependant être considérés uniquement comme des acteurs économiques rationnels, c’est-à-dire comme des acteurs ne cherchant qu’à optimiser le rendement de leurs possessions ou de leurs investissements selon une logique comptable. D’autres gains, non quantifiables, sont pour eux importants, peut-être autant que les gains économiques tangibles, et parmi eux, bien sûr, la simple expression de leur pouvoir social à travers l’attribution onéreuse ou non de terres ou de tout autre moyen d’existence : c’est là l’une des raisons d’être des contrats de livello. On ne peut les interpréter avec une clef de lecture qui serait uniquement économique, même si les sommes mises en jeu d’une part, et les indications qu’ils donnent sur le système agraire de l’autre, font que l’interprétation doit aussi être économique33.
29Cet état d’esprit, qui contraint à écarter toute logique exclusivement comptable dans les facteurs d’explication, est en grande partie partagé par les membres de la communauté paysanne dont le comportement présente des caractéristiques originales.
30Scrutant le marché foncier de petites communautés paysannes de Toscane, C. Wickham a repéré des comportements singuliers au regard d’une attitude dont une simple analyse économique rendrait intégralement compte34. Les ventes de terre entre égaux, de même que les dons faits à des établissements religieux ou que les livelli reçus d’eux, n’y ont que secondairement une signification économique. La vente et l’achat de terres à l’intérieur de la communauté sert d’abord à resserrer les liens d’amitié existant entre voisins. En vendant un bien, les acteurs font un geste analogue à celui du don, dans la mesure où ils contribuent à la satisfaction du désir exprimé par l’acheteur de posséder ce bien. Dans ces conditions, le prix versé n’est que l’un des éléments de la transaction, la reconnaissance d’une forme de dette morale accompagnant nécessairement le transfert de propriété.
31Les relations entre seigneurs ecclésiastiques et paysans fonctionnent de façon analogue. Le transfert de terres par le don oblige littéralement le donataire à intégrer le donateur dans sa clientèle et à le faire bénéficier de sa protection matérielle ou politique autant que spirituelle. Celle-ci peut s’exprimer par la concession d’une terre qui, en retour, oblige le paysan à la fidélité et à l’obéissance sans que la contrainte soit une nécessité. Les relations d’autorité et de pouvoir peuvent ainsi s’établir en dehors même du cadre contraignant de la seigneurie. En ce qui concerne la Toscane, cela a au moins une incidence très nette. Une organisation sociale hiérarchisée et socialement différenciée peut y ignorer la seigneurie banale au xie siècle, en grande partie parce que les communautés rurales y sont trop fortes. En partie aussi parce que l’absence de tout grand propriétaire placé en position de monopole rend impossible l’émergence d’une quelconque forme de seigneurie : à Moriano, dans la plaine de Lucques, C. Wickham considère que l’évêque est un propriétaire hégémonique parce qu’il détient entre 15 et 20 % du sol du village, en concurrence avec d’autres gros propriétaires fonciers et avec les alleutiers paysans35. L’imbrication des propriétés rend d’autre part toujours possible la mise en concurrence des différents compétiteurs aspirant à une position politique hégémonique et empêche, en tout état de cause, qu’un seul individu parvienne à s’emparer de la totalité du pouvoir, qu’il soit originaire du groupe ou qu’il lui soit extérieur. La distribution plutôt égalitaire du sol et l’extrême intrication d’intérêts souvent contradictoires rendent ainsi possible, dans une situation tout de même exceptionnelle, le maintien de communautés rurales fortes, existant sous forme de réseaux sociaux solides avant même que le village ne soit matériellement constitué.
32En Catalogne, les communautés du xe siècle ont pu fonctionner de la sorte. Les franchises qui nous sont parvenues montrent que leurs membres ont parfaitement conscience du double péril qui les menace, celui de la différenciation sociale et celui des pressions exercées de l’extérieur par les seigneurs. Celle de Cardona est à cet égard tout à fait significative, même en tenant compte du caractère d’exception d’un tel privilège36. Les dispositions prises sur la justice pénale ainsi que les mesures prises à l’encontre des orgueilleux qui voudraient s’élever au-dessus des autres constituent les points les plus originaux et les plus intéressants du texte : Et si quis vult inter vos maior fieri, sit sicut iunior. En clair, aussi bien le comte Borell que les habitants de Cardona se défient de ceux que leur aisance matérielle mettrait à même de dominer politiquement le groupe de pionniers très composite et plutôt coloré qui habite le castrum et dont les droits comme les privilèges sont extrêmement étendus, puisqu’ils ont la possibilité de s’organiser en milice défensive. Les exemptions fiscales, toutefois, sont limitées quoique non négligeables. Par exemple, les habitants doivent payer les 3/4 du tonlieu, mais remettre la totalité de la dîme de celui-ci au monastère de Saint-Vincent. Ils doivent d’autre part des prestations à ce monastère. Protégés par la puissance publique, ils ne sont pas pour autant déliés de tout devoir, que ce soit à l’intérieur de la seigneurie à laquelle ils appartiennent (ils ont un patron, le monastère de Saint-Vincent) ni de toute charge en relation avec leur statut, puisqu’ils sont astreints à la corvée pour l’entretien de leur castrum. Les habitants de Bell-lloch, pour leur part, semblent, à la fin du xe siècle, bénéficier de conditions bien plus favorables, puisque leur franchise exclut toute forme de prélèvement public, excepté l’obligation de participer à la construction ou à l’entretien de leur fortification37.
VIOLENCES, SURPRÉLÈVEMENTS ET RÉSISTANCES PAYSANNES
33L’image qui s’élabore ou se construit des relations entre paysans et seigneurs au xe siècle est ainsi quelque peu complexe voire contradictoire. La seigneurie est tout d’abord le lieu des initiatives économiques majeures, qu’il s’agisse de réorganiser les immenses grands domaines de la Lombardie en les fractionnant pour les mettre effectivement en valeur, de remembrer la campagne romaine, de restructurer les territoires abruzzais ou d’organiser la peuplade en Catalogne. C’est également un organisme suffisamment souple pour parvenir à ne pas contrarier les développements intervenus spontanément. En Catalogne, le pouvoir économique et social des grands apparaît très clairement comme une menace contre laquelle il est nécessaire que, appuyés sur le comte, les membres de la communauté paysanne luttent. Sans aller nécessairement jusque à des situations de cette nature, il est clair que la seigneurie n’est pas partout violemment oppressive, et qu’elle a, ou peut avoir, dans son fonctionnement quotidien le plus coutumier un caractère volontiers bonasse comme l’écrit F. Menant, pour la période postérieure, il est vrai38 : le régime ne se durcit réellement qu’à la fin du xiie siècle ou au début du xiiie siècle. En Catalogne, certaines franchises ont résisté à la crise des années 1020-1060 et, même dans l’Italie normande, des communautés d’habitants ont bénéficié de nouvelles chartes ce qui, à tout le moins, signifiait une limitation à l’oppression.
34Il serait cependant artificieux de nier ce que la seigneurie contient de violence sociale latente ou exprimée avec clarté. Du Rhône à la Galice un climat de violences et d’illégalités accompagne et accélère des processus de changement social à l’œuvre à partir des années 1020. L’arbitraire et l’excès ne sont jamais loin dans les rapports existant entre seigneurs et paysans.
35Il a été amplement démontré que, en Catalogne et dans le sud-ouest de la France, la déréliction des structures publiques d’encadrement avait favorisé un assaut frontal contre les libertés paysannes, ce qui doit s’entendre dans un sens extrêmement matériel et concret39. L’enjeu, c’est d’abord la petite propriété libre existant à côté des grands blocs de terre appropriés par les membres de l’aristrocratie laïque ou ecclésiastique. L’alleu paysan est menacé par la pression violente qu’exercent les seigneurs et qui peut prendre bien des formes. Les années médianes du xie siècle voient, en Catalogne, s’opérer un important transfert de propriété qui vient couronner et parachever une phase de concentration foncière. Les incultes, jusque-là appropriés et gérés collectivement, sont eux aussi confisqués, de même que les équipements d’infrastructure comme les moulins construits et gérés par les communautés rurales. L’usage illimité de la violence et de la terreur, sans que le pouvoir comtal ne puisse plus désormais intervenir en faveur des paysans, ou ne veuille le faire, lamine la société paysanne intégrée de force dans la seigneurie banale. Ces phénomènes s’accompagnent d’une hausse brutale du prélèvement opéré sur les tenures paysannes et par la multiplication des pratiques arbitraires.
36Il faut cependant apporter des nuances. Paul Freedman a souligné, voici déjà une dizaine d’années, que, si les obligations paysannes sont réorganisées et si la seigneurie est à ce moment précis redéfinie, la logique de la situation n’est pas poussée à son terme et la sévérité de la surpression exercée sur les paysans n’empêche pas le maintien de tenures favorables, c’est-à-dire subissant un prélèvement égal à celui que l’on observe au xe siècle. Seule une minorité est soumise en effet, au xiie siècle, au paiement de la quarta. Ainsi, Freedman, se fondant sur un recensement de 209 tenures, rappelle que seules 66 paient la quarta ou plus, 60 la traditionnelle tasca du 1/11e, 72 un cens purement recognitif, et 11 diverses taxes allant du 1/8e au 1/5e40. L’ampleur de la restructuration des pouvoirs de l’aristocratie et du comte n’a donc pas entraîné le nivellement total des statuts paysans et leur alignement sur une condition uniformément humiliée ou rabaissée. Cela revient à dire in fine que le servage n’apparaît pas en Catalogne au xie siècle et que, malgré les apparences, les limitations apportées à la liberté paysanne sont rares41.
37La société paysanne résiste. D’abord, les mauvaises coutumes, celles qui vont au-delà des prélèvements habituels, sont peut-être tolérées, mais elles ne sont pas légalisées, du moins pas à ce moment. D’autre part, la paix et la trêve de Dieu offrent, à partir de la fin des années 1020, quelques protections aux paysans qui utilisent à leur profit les différentes mesures prises en faveur des espaces sacrés. L’insagreramento catalan du xie siècle est une réponse apportée spontanément aux difficultés rencontrées par les communautés42. Il permet le renforcement des solidarités de village contre les abus seigneuriaux. La sagrera est une institution de résistance minimale à l’oppression. Elle est le signe tangible de l’existence d’une marge de manœuvre restreinte mais réelle des groupes paysans.
38Une dichotomie apparaît finalement, qui oppose les villages bénéficiant de franchises à ceux qui n’en bénéficient pas, les communautés privilégiées aux autres. Cela est vrai en Catalogne comme en Italie où, dans certaines régions où la seigneurie est forte, des franchises sont octroyées de façon précoce à des communautés villageoises. Elles nous montrent surtout, comme en Campanie du temps de l’abbé Didier dans les années 1060-1070, une situation extrêmement articulée. À Suvio, par exemple, la population est divisée en deux. Il y a d’abord ceux qui prêtent le serment de fidélité à l’abbé et les autres. Ces derniers doivent le service rustique, au demeurant plus symbolique que réellement pesant, puisque limité à trois jours par an. Ils se trouvent dans une situation humiliée par rapport au reste de la population et, s’il est difficile de les imaginer totalement exclus du bénéfice de l’ensemble des dispositions de la charte, il n’en demeure pas moins qu’on les voit mal pleinement associés aux institutions villageoises en train d’émerger. L’ensemble de la population bénéficie de larges garanties, d’abord sur la propriété de ses biens meubles et immeubles. Elle peut et doit désigner un juge en son sein, qui règlera les litiges en fonction de la coutume locale. Ceux qui le veulent (et qui le peuvent) pourront effectuer le service militaire à cheval, l’abbé s’engageant à effectuer le restor en cas de perte de la monture. Ces hommes ne sont pas appelés des milites et l’on peut supposer qu’ils effectuent un service subalterne. Ils le font cependant d’une façon qui les distingue du reste de la population. Des remarques analogues peuvent être faites pour l’Italie lombarde à partir de la charte de Guastalla, de 110243. Ceux qui viennent à cheval pour défendre leur propre liberté, dit le texte, tiennent leurs terres en fief et sont clairement opposés aux simples paysans qui font des corvées et versent des redevances coutumières. Il existe au demeurant, dès ce moment, à Guastalla, une procédure de délégation et de désignation de représentants qualifiés. En Castille, où l’opposition entre maiores et minores, que refusent les habitants de Cardona, est pertinente dès le xe siècle, après l’An Mil, la division fonctionnelle et sociale essentielle est celle qui oppose les infanzones aux villani44. Le processus de différenciation sociale s’accompagne ici d’un progressif assujettissement des producteurs aux membres de l’aristocratie militaire. Dans le cas de fondations comme S. Angelo in Theodice, il est possible que, dès le départ, cette scission du groupe paysan soit à l’œuvre, et que les nombreux colons mentionnés dans le document ne constituent qu’une partie de la population, celle qui est privilégiée, par opposition à celle des dépendants de toute nature qui suivent le mouvement de concentration et appartiennent à la clientèle des incastellatores : le texte prévoit explicitement en effet que ceux-ci viennent avec leurs familles, leurs animaux et leurs commenditi : il existe donc en tout état de cause une population qui n’est concernée par la charte, que grâce à la médiation de ses patrons45.
39Le processus de différenciation sociale qui s’opère à l’intérieur des habitats ruraux s’appuie parfois sur l’organisation féodale de la société, un certain nombre de catégories juridiques prenant toute leur importance à l’intérieur du nouveau cadre. On pense, en Italie, aux hommes de masnada qui sont attachés à leurs seigneurs par un lien de sujétion extrêmement puissant. Ils en tirent avantage pour consolider leur position à l’intérieur et au-dessus du groupe paysan auquel ils continuent d’appartenir. Ils constituent, comme l’a rappelé récemment Piero Brancoli Busdraghi, l’ossature de la familia seigneuriale46. Ils sont également l’instrument tout à fait normal de la coercition seigneuriale. Placés dans une situation intermédiaire, ils exercent des fonctions qui les placent au-dessus des villani tout en continuant parfois eux-mêmes à être des agriculteurs. Ce groupe « socialement modeste et subalterne » administre la population paysanne et a la possibilité d’effectuer une ascension sociale à travers le service. De même, en Castille, les homines de benefactoria, ou de behetria, qui peuvent à la fois choisir librement leur seigneur et disposer de leurs biens, sont placés à part et au-dessus des simples dépendants47. Dans ces cas, sujétion et protection sont inextricablement mêlés et le fait d’être dépendant est même alors un atout.
40Dans certaines circonstances, enfin, l’élite villageoise a suffisamment de marge pour pouvoir choisir son propre destin. Alors que, très évidemment, une partie de ses membres cherche à intégrer les franges inférieures de l’aristocratie en mimant son comportement et, surtout, en effectuant le service à cheval, une autre partie choisit délibérément de se placer à la tête du village et de consolider sa domination sociale en demeurant sur place. C’est ce que font, dans la plaine de Lucques, les premiers membres du consulat de Moriano. Mais c’est également ce que font, à Sacco, les arimanni qui parviennent en 1055, par leur action politique, à annuler les gains acquis par la violence de l’évêque de Padoue48.
CONCLUSION
41Les relations entre paysans et seigneurs, déterminées par les dynamiques économiques installées depuis le xe siècle, et les conditions de celles-ci varient selon les régions. Les solutions imaginées pour promouvoir la croissance l’ont été en grande partie par les seigneurs fonciers qui ont organisé le mouvement et l’ont encadré, s’efforçant d’en tirer le meilleur profit. Elles n’ont cependant pu être mises en œuvre que parce que la paysannerie y a consenti et a été convaincue de coopérer, dans une atmosphère qui excluait le recours systématique à la violence. La crise des années médianes du xie siècle, qui est indubitable, même si ses effets ne sont pas identiques selon les régions considérées, n’a pas altéré partout le statut paysan et n’a pas détruit immédiatement les libertés acquises au siècle précédent. Jusqu’à un certain point, par exemple, le castrum protège la population qui s’y installe. On peut même avancer qu’il a été édifié en partie pour renforcer les positions d’un groupe paysan déjà dominant et que, de ce point de vue, sur le long terme (cela signifie au moins jusqu’au xiiie siècle), il a été parfaitement fonctionnel, puisqu’il a permis aux différenciations sociales que l’on devine à grand peine au xe siècle de se renforcer aux siècles suivants. De même, la paysannerie catalane, agressée violemment par une aristocratie un moment frustrée de ses espoirs d’enrichissement, trouve encore en elle les ressources morales et économiques nécessaires pour entreprendre les opérations d’insagreramento, en dépit de la violence, comme moyen de lutte et de résistance. Enfin, il ne faudrait pas négliger le fait que, dans bien des endroits, le peuplement est loin d’être achevé et que l’intérêt immédiat de la seigneurie est alors de continuer à favoriser la consolidation de la propriété paysanne et les capacités d’enrichissement de celle-ci, tout simplement pour qu’il y ait quelque chose à prélever : il faut, dans ces conditions, maintenir un niveau assez bas d’exigences et offrir des garanties qui soient, elles, maximales en matière de liberté et de propriété afin que la population paysanne accepte de jouer un jeu dont elle doit être à terme bénéficiaire.
Notes de bas de page
1 Mises au point récentes concernant l’ensemble de la partie occidentale du bassin méditerranéen dans la série d’ouvrages collectifs édités sous la direction de C. Violante : G. Dilcher et C. Violante éd., Strutture e trasformazioni della signoria rurale nei secoli x-xiii, Bologne, 1996 ; A. Spicciani et C. Violante éd., La signoria rurale nel medioevo italiano, vol I, Pise, 1998 et vol. II, Pise, 1998. Pour l’Italie, la référence fondamentale demeure P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine, du ixe au xiie siècle, Rome, 1973 (BEFAR 221), comme pour la Catalogne, P. Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, 1975-1976 [éd. abrégée et sans note : La Catalogne au tournant de l’an mil, Paris, 1990. Les études régionales se sont multipliées depuis le milieu des années 1980 : M. Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité (xe-xive siècle), Paris, 1987 ; J.-M. Martin, La Pouille du vie au xiie siècle, Rome, 1993 (cefr, 179) ; F. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du xe au xiiie siècle, Rome, 1993 (befar, 281) ; J.- P. Delumeau, Arezzo, espace et sociétés, 715-1230. Recherches sur Arezzo et son contado du viiie au début du xiiie siècle, Rome, 1996 (cefr, 219) ; L. Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale du ixe au xiie siècle,, Rome, 1998 (befar, 300) ; J.J. Larrea, La Navarre du ive au xiie siècle. Peuplement et société, Paris-Bruxelles, 1998 (Bibliothèque du Moyen Âge, 14).
2 Il n’est en effet plus possible d’admettre sans restriction l’idée d’un haut Moyen Âge presque totalement dépourvu en fer que, à la suite de G. Duby, on a sans doute un peu trop aisément acceptée sans tenir bien compte des nombreuses nuances de sa position. G. Duby, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Paris, 1962 p. 71-79. Voir, contra, Un village au temps de Charlemagne. Moines et paysans de l’abbaye de Saint-Denis du VIIe siècle à l’An Mil, (Catalogue de l’exposition organisée au Musée des arts et traditions populaires du 28 novembre 1988 au 30 avril 1989), Paris, 1988.
3 C’est l’un des points théoriques importants opposant D. Barthélemy à P. Bonnassie. De ce débat, je ne citerai que les textes qui le fondent : P. Bonnassie, « Du Rhône à la Galice : genèse et modalités du régime féodal », dans Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (xe-xiiie siècles). Bilans et perspectives de recherches (Actes du colloque international organisé par le cnrs et l’efr, 10-13 octobre 1978), Rome, 1980, p. 17-55. D. Barthélemy, « La mutation féodale a-t-elle eu lieu ? Note critique », dans aesc , 1992, p. 767-777. Voir sur ces questions, et notamment sur celle de l’intensité de la violence – mais concernant spécialement le Latium – la très remarquable mise au point de S. Carocci : S. Carocci, « La signoria rurale nel Lazio », dans La signoria rurale nel medioevo italiano, I, A. Spicciani et C. Violante éd., Pise, 1997, p. 167-198.
4 P. Bonnassie, La Catalogne au tournant de l’an mil, p. 94.
5 L. Feller, Les Abruzzes…, cit., p. 190-209 ; P. Toubert, « L’Italie rurale aux viiie-ixe siècles. Essai de typologie domaniale », dans Sett. di Spoleto, 20, 1973, p. 95-132. [Études sur l’Italie médiévale (ixe-xive siècles), Londres, 1976 (Variorum Reprints)].
6 C. Wickham, The Mountains and the City. The Tuscan Appennines in the Early Middle Ages, Oxford, 1988 ; id., Comunità e clientele nella Toscana del xii secolo. Le origini del comune rurale nella Piana di Lucca, Rome, 1995 [trad. fr. Communautés et clientèles en Toscane au xiie siècle. Les origines de la commune rurale dans la région de Lucques, sl., 2001 (Bibliothèque d’Histoire Rurale, 2)]. Id., « La signoria rurale in Toscana », dans Strutture e trasformazioni della signoria rurale nei secoli x-xiii, G. Dilcher et C. Violante éd., Bologne, 1996, p. 343-409.
7 E. Stevenson, « Documenti Storici et topografici del Medioevo tratti dagli Archivi di Velletri, illustrati da Enrico Stevenson », dans Archivio della R. Soc. Romana di St. Patria,, 12, 1889, p. 73-80. Voir le commentaire dans P. Toubert, Les structures…, p. 337.
8 P. Toubert, Les structures…, p. 954-998.
9 Voir là-dessus le maître-livre de A.A. Settia, Castelli e villaggi nell’Italia padana. Popolamento, potere e sicurezza fra ix e xiii secolo, Naples, 1984 sp. p. 155-188.
10 Cf. P. Toubert, « Il sistema curtense : la produzione e lo scambio interno in Italia nei secoli viii, ix e x », dans Economia naturale, economia monetaria, Turin, 1983, (Storia d’Italia Einaudi, Annali 6), p. 5-63. Mise au point historiographique dans : G. Andenna, « Dal regime curtense al regime signorile e feudale. Progetti di signoria territoriale di banno di un ente ecclesiastico : il capitolo cattedrale di Novara (sec. x-xii) », dans La signoria rurale nel medioevo italiano, II, p. 207-252. Voir aussi, S. Carocci, « La signoria rurale nel Lazio », cit. à la note 3.
11 F. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du xe au xiiie siècle, Rome, 1993, (befar 281) p. 64-69.
12 F. Bougard, E. Hubert et G. Noyé, « Du Village perché au castrum : le site de Caprignano en Sabine », dans Structures de l’habitat et occupation du sol dans les pays méditerranéens. Les méthodes et l’apport de l’archéologie extensive (Actes du colloque de Paris, 12-15 novembre 1984), G. Noyé éd., Rome-Madrid, 1988, p. 433-465.
13 P. Toubert, Les structures…, p. 321-328. Voir la mise au point de Sandro Carocci, Carocci, « La signoria rurale nel Lazio… » cit. à la note 3.
14 C. Wickham, Il problema dell’incastellamento nell’Italia centrale : l’esempio di San Vincenzo al Volturno. Studi sulla società degli Appennini nell’alto medioevo. II., Florence, 1985.
15 L. Feller, « La charte d’incastellamento de Sant’Angelo in Theodice. Édition et commentaire », dans Liber Largitonius (Mélanges offerts à Pierre Toubert) D. Barthélemy et J.-M. Martin éd., Paris, 2004, (sous presse).
16 P. Toubert, « Pour une histoire de l’environnement économique et social du Mont-Cassin », dans crai, 1976, p. 689-702.
17 Cartulaire de l’abbaye de Lézat, éd. E. Magnou-Nortier, P. Ourliat, doc. no 285, p. 222-223 et 289, p. 224-225. P. Ourliac, « L’abbaye de Lézat vers 1063 », dans Moissac et l’Occident au xie siècle (Actes du colloque international de Moissac, 3-5 mai 1963), Toulouse, 1964, p. 167-177. P. Ourliac, « Les sauvetés du Comminges. Études et documents sur les villages fondés par les Hospitaliers dans la région des côteaux commingeois », dans Recueil de l’Académie de Législation, t. xviii (1947), p. 23-147.
18 J. A. Garcia de Cortazar, « Les communautés villageoises du nord de la péninsule Ibérique au Moyen Âge », dans Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps Modernes. Flaran 4, 1982, éd., Auch, 1984, p. 55-77 ; id., La sociedad rural en la España medieval, Madrid, 1988 p. 25-36.
19 C. Violante, « La signoria rurale nel contesto storico dei secoli x-xii », dans Strutture e trasformazioni…, p. 7-56. : p. 28.
20 L. Feller, Les Abruzzes…, p. 408-418.
21 Sur les entrages, voir P. Toubert, Les structures…, p. 521 sv.
22 Voir Archivio dell’Abbazia di Montecassino, caps. 112, fasc.4, no 25 (a. 965).
23 Ibid., caps. 98, fasc. 2, no 13 (a.993).
24 La plus ancienne d’entre elles, à ma connaissance, date de 1061 et concerne Traietto : L. Fabiani, La terra di San Benedetto. Studio storico-giuridico sull’Abbazia di Montecassino dall’viii al xiii secolo, Montecassino, 1965-1968 (Miscellanea Cassinese, 33 et 34), I, no 1, p. 421-422. Il s’agit non pas à proprement parler d’une franchise mais d’un engagement pris par l’abbé, alors Didier, lors de l’acquisition du quart de la ville de maintenir le statu quo existant sous son précédent seigneur, le comte Marino. Il s’agit donc d’une mise par écrit d’une coutume précédemment instituée et existant déjà au moment où l’abbé prend possession du castrum.
25 Ibid. I, p. 422-424.
26 Voir par exemple mgh ss xxxiv, Chronica Monasterii Casinensi, éd. H. Hoffmann, II, 3, p. 171 : quam cum eis quos ipse conduxerat libellari statuto, ut de tribus totius eiusdem terre reditibus, hoc est tritici et ordei ac milii, partem septimam, de vino autem tertiam annualiter monasterio darent, cetera in suis suorumque usibus possiderent, quod usque hodie stabiliter ac perenniter observatur.
27 Regesti Bernardi I abbatis casinensis, fragmenta ex archivio casinensi, Anselme Marie Caplet éd., Rome (Vatican), 1880 : p. 42, texte rappelant, en 1270, le montant du terrage à S. Angelo in Theodice. L’antique coutume prévoyait le 1/7e sur le blé, l’orge et le mil. L’enquête rappelle que le prélèvement a été ramené récemment au 1/10e sur ces productions.
28 Sur la valorisation rapide des terres et l’évolution de la rente foncière, L. Feller, Les Abruzzes…, p. 405 sv. On ne trouve aucune mention de terrage dans la documentation abruzzaise, sauf dans le contexte très particulier du viiie siècle. Il me semble maintenant que seule l’hypothèse d’un ajustement portant sur les terrages imposés à des tenures coutumières est à même de rendre compte de l’augmentation de la valeur des terres intervenue à partir des années 950 et jusqu’en 1025.
29 J. Font Rius, Cartas de Poblacion y Franquicia de Cataluña, Madrid-Barcelone, 1969, no 5, p. 9-10. Voir la définition du niveau de la tasca dans P. Bonnassie, La Catalogne au tournant de l’an Mil, p. 113 sv.
30 P. Bonnassie, La Catalogne… p. 289-310.
31 L. Fabiani, La terra di San Benedetto… p. 424 : charte de Cervaro (a. 1142), dont les dispositions décrivent en creux un régime d’oppression sévère dont la franchise libère précisément les habitants.
32 L. Feller, « Casaux et castra dans les Abruzzes : San Salvatore a Maiella et San Clemente a Casauria (xie-xiiie siècle) », dans mefrm, 97, 1, 1985, p. 145-182.
33 L. Feller, « Précaires et livelli : les transferts patrimoniaux ad tempus en Italie », dans Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, viiie-xe siècle (I) (Actes de la table ronde de Rome, 6, 7, 8 mai 1999), Rome, 1999 [= Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 111, 1999/2]), p. 725-746.
34 C. Wickham, « Vendite di terra e mercato della terra in Toscana nel secolo xi », dans Quaderni Storici, 65, 1987, p. 355-377 ; id., The Mountains and the City… ; id., Comunità e clientele…
35 C. Wickham, Comunità e clientele… p. 21-55.
36 J. Font Rius, Cartas de Poblacion y Franquicia de Cataluña, p. 15-18, no 9 (a. 986).
37 Ibid. p. 19-20, no 10 (a. 990).
38 F. Menant, Campagnes lombardes… p. 425-447.
39 P. Bonnassie, La Catalogne …, p. 289 sv., A. Catafau, Les celleres et la naissance du village en Roussillon (xe-xve siècles), Perpignan, 1998.
40 P. Freedman, The origins of peasant servitude in medieval Catalonia, Oxford, 1991 p. 73 sv.
41 Sur les problèmes liés à l’esclavage et au servage, voir la publication récente dans un même volume des Mélanges de l’École Française de Rome de deux colloques : Les formes de la servitude : esclavages et servages de la fin de l’Antiquité au monde moderne (Actes de la table ronde de Nanterre, 12 et 13 décembre 1997), Rome 2001 [= mefrm, 112, 2, 2000, p. 493-631] et La servitude dans les pays de la Méditerranée occidentale chrétienne au xiie siècle et au-delà : déclinante ou renouvelée ? (Actes de la table ronde de rome, 8 et 9 octobre 1999) [= mefrm, 112, 2, 2000, p. 633-1085].
42 P. Bonnassie, « Les sagreres catalanes : la concentration de l’habitat dans le “cercle de paix” des églises (xie siècle) », dans L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales, (Actes du iiie congrès international d’archéologie médiévale, Aix-en-Provence, 28-30 sept. 1989), M. Fixot et É. Zadora-Rio éd. (DAF 46), 1994, p. 68-70. A. Catafau, Les celleres… p. 56-82.
43 F. Menant, Campagnes lombardes… p. 490-492.
44 J.A. Garcia de Cortazar, La sociedad rural… cit.
45 L. Feller, « La charte d’incastellamento… » : Et si quiscumque ex nobis omnibus supra nominatis aut ex nosris heredibus de supradictum castellum exire uoluerimus, licentiam et potestatem habeamus ex eodem castellum exire, cum uxoribus et filiis, nurus atque nepotibus nostris et cum familiis et animaliis et omnibus causis nostris, tam nostris quam et commenditiis que ibi abuerimus…
46 P. Brancoli Busdraghi, « Masnada e boni homines come strumento di dominio delle signorie rurali in Toscana (secoli xi-xiii) », dans La signoria rurale nei secoli xi-xii, G. Dilcher et C. Violante éd., Bologna, 1996, p. 287-342.
47 C. Estepa, « Proprietà, evoluzione delle strutture agrarie e trasformazioni sociali in Castiglia (secoli xi-xii) », dans Strutture et trasformazione della signoria rurale nei secoli x-xiii, G. Dilcher et C. Violante éd., Bologne, p. 411-443.
48 G. Rippe, « Dans le Padouan des xe-xie siècles : évêques, vavasseurs, cives », dans ccm, 1984, p. 141-150 ; A. Castagnetti, « Arimanni e signori dall’età postcarolingia alla prima età comunale », dans Strutture e trasformazioni della signoria, p. 169-285.
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