De la France du Nord à l’Empire
Réflexions sur les structures de parenté au tournant de l’An Mil
p. 163-184
Texte intégral
1Entre le ixe et le xie siècle, le groupe dirigeant se caractérise par une remarquable stabilité. En Francie comme en Germanie, les princes et les comtes des xe et xie siècles sont pour la plupart des descendants des familles de la Reichsaristokratie carolingienne tandis que les familles châtelaines des xie et xiie siècles descendent pour une grande part des familles de vassi royaux1. Sans doute la mobilité sociale est-elle plus grande au bas de la pyramide aristocratique, en particulier dans les régions d’Empire où se développe la catégorie des ministeriales, mais globalement, et en particulier si l’on se place vers l’An Mil, le groupe aristocratique présente une grande stabilité. Cependant la continuité biologique ne doit pas masquer les transformations profondes dans le mode de transmission du pouvoir et leurs conséquences sur l’organisation des groupements aristocratiques. On a clairement mis en lumière le passage des groupements larges et dispersés du haut Moyen Âge, les Sippen, à des groupements liés au sol et resserrés autour d’une ligne principale, agnatique, qui contrôle la transmission de l’honneur et qui, pour maintenir l’intégrité du patrimoine, instaure la primogéniture et restreint progressivement le mariage des cadets. On admet en général qu’en France, le resserrement lignager s’est fait sur la longue durée, entre le xe et le xiie siècle, du haut vers le bas de la pyramide, depuis les familles princières jusqu’aux familles chevaleresques, avec des accélérations et des ralentissements. Le paradigme veut qu’il soit en relation avec la « radicale mutation sociale » de l’An Mil, l’émiettement et la militarisation des pouvoirs qui conduisent les familles nobles à se resserrer autour de l’aîné des fils, qui détient la force militaire2. En Allemagne, on considère qu’il faut attendre la fin du xie siècle pour que les familles nobles commencent à s’organiser en lignages (Geschlechten) patrilinéaires, ancrés dans le sol d’un château dont ils prennent le nom3. Le décalage de plus d’un siècle s’expliquerait par une meilleure résistance des pouvoirs et le maintien de structures cognatiques.
2Sans revenir ici sur l’importance politique et sociale qu’a pu représenter, en France comme en Allemagne, la multiplication des châteaux, je voudrais m’interroger sur la nature des changements intervenus dans le système de parenté en France du Nord et en Germanie, dans une perspective comparative. Deux problèmes se posent en effet : 1. Si l’on applique les catégories braudéliennes aux phénomènes qui nous occupent ici, les ruptures politiques et le durcissement des normes censées provoquer le resserrement lignager sont liées à l’événement, donc au temps court, tandis que les transformations du système de parenté relèvent du temps long, séculaire et ne peuvent qu’accessoirement être liées à des phénomènes politiques. Il faut donc se demander si les infléchissements liés à la transmission directe de l’héritage et l’application de normes matrimoniales plus strictes transforment radicalement le système de parenté4, s’ils changent le système cognatique en un système patrilinéaire. 2. Expliquer le décalage chronologique entre l’Ouest et l’Est par une meilleure résistance des pouvoirs ne résout rien si on ne la met pas en relation avec la structure de l’honneur aristocratique, et en particulier du patrimoine symbolique qui légitime la domination.
3Pour tenter de répondre à ces questions, qui n’épuiseront évidemment pas un aussi vaste sujet, j’ai donc délibérément choisi de ne pas commencer par étudier les formes de groupements, mais de dégager les caractéristiques essentielles du système de parenté des xe et xie siècles avant d’analyser la mise en place des lignages dans une perspective à la fois globale et comparative.
UN NOUVEAU SYSTÈME DE PARENTÉ ?
4Si l’on suit l’opinion courante, on serait donc passé d’un système cognatique et endogamique à un système patrilinéaire et exogamique : avec la transmission de l’héritage en ligne directe et l’instauration de la primogéniture qui s’ensuit, le cousinage aurait cédé la place à des groupements ancrés dans le sol, resserrés autour de la lignée agnatique, les tendances hypergamiques se seraient renforcées tandis que, sous l’effet des contraintes de l’Église, les familles auraient abandonné leurs pratiques endogamiques pour choisir leurs épouses en dehors de la parenté prohibée5. Même si de tels schémas sont forcément réducteurs, ils constituent une première grille d’analyse des systèmes de parenté.
La filiation
5Le système de filiation détermine la transmission des droits et l’appartenance au groupe. Il s’agit donc d’abord de déterminer si le système de transmission des droits s’est radicalement transformé dans les familles qui semblent déjà être organisées en lignages autour de l’An Mil, et ce qu’il en est dans les autres. On fausserait cependant l’analyse à s’en tenir aux charges publiques qui ne constituent qu’une part de l’héritage. L’hereditas est en effet une notion large et fondamentale qui touche au statut de l’individu et à travers lui à celui de tout le groupe des cohéritiers. À l’époque féodale comme à l’époque carolingienne, la notion d’hereditas est invoquée surtout dans les litiges qui portent sur la possession de la terre6, sans laquelle il n’est pas de liberté ni de puissance possible. Comme par le passé, les héritiers frustrés invoquent les droits sacrés de l’héritage, violés par d’éventuelles donations. La loi réglait en effet les modalités de transmission à l’intérieur du cercle des héritiers et cohéritiers, mais elle autorisait les donations aux églises et permettait de multiples aménagements qui pouvaient ensuite donner lieu à autant de contestations. Stephen White a naguère montré à quel point il était difficile, aux xie et xiie siècles, d’établir le droit en matière de propriété7, en premier lieu à cause de l’enchevêtrement des droits qui circulent en ligne masculine et féminine. Beaucoup de contestations viennent ainsi de cognats – souvent du beau-frère (mari de la sœur) ou du mari de la nièce –, car si les filles ne sont pas exclues de l’héritage foncier, leurs droits sont moins assurés que ceux de leurs frères ou cousins, ce qui relève de la domination masculine et non du système de parenté. Plus profondément, les contestations tiennent à ce que chaque cohéritier conserve un droit sur l’héritage commun, quel que soit l’usage qui en est fait. Dans le système traditionnel en effet, on peut transférer l’usage d’un bien sans que le groupe des cohéritiers perde complètement ses droits sur lui.
6Les familles continuent de développer de complexes stratégies patrimoniales destinées d’une part à limiter les risques d’éclatement du patrimoine foncier liés à la dévolution divergente des biens, d’autre part à renforcer la communauté des héritiers. Du côté occidental, on a utilisé la laudatio parentum qui n’a pas seulement été une tentative pour garantir la stabilité des contrats avec les églises, en engageant un certain nombre de proches du donateur, susceptibles de contester les donations8, mais qui a servi aussi à les rassembler autour du donateur, du bénéficiaire, et du bien commun qui était offert. En Allemagne, en plein xie siècle, on voit encore des groupes de cohéritiers offrir à des églises des terres maintenues en indivision depuis plusieurs générations : entre 1071 et 1080, le comte Rudolf de Rheinfelden, les comtes Otto et son fils Frédéric, le comte Ekbert de Saxe, Ida de Saxe et de Birkendorf, Tuto de Wagenhausen et l’avoué Hezelo de Reichenau offrent communi voto leur domaine de Schluchsee à Saint-Blaise. Tous descendent d’un ancêtre commun, en ligne masculine ou féminine9. Par ailleurs, quand la terre est partagée entre les héritiers directs, ce qui est la norme, on cherche souvent à avantager l’un des héritiers et à rassembler héritage et cohéritiers autour de monastères familiaux : après 959, le comte Eberhard fonde en Alsace un cloître familial sur l’alleu d’Altdorff qui est ensuite partagé entre tous les héritiers d’Hugues III Raucus, mais tous les héritiers offrent les dîmes de leur alleu au monastère10. Les bouclages consanguins peuvent avoir les mêmes conséquences, surtout dans la paysannerie et la petite aristocratie, et d’une manière générale là où la propriété est fortement allodiale. Si les fils sont souvent avantagés par rapport aux filles, la transmission des biens fonciers n’en reste pas moins fondamentalement indifférenciée.
7À l’époque carolingienne, le meilleur moyen de tourner les risques d’éclatement consistait à obtenir du roi des charges publiques qui ne pouvaient être partagées et qui apportaient le surcroît de richesses et de puissance indispensable. On sait que les Carolingiens ont laissé se développer une hérédité large des honneurs qui leur offrait une liberté de choix et de manœuvre essentielle11 et qui soutenait elle-même les groupes familiaux larges. L’existence de tels groupements n’empêchait pas les honorati de chercher à obtenir du roi que leurs fils leur succèdent et les rois carolingiens n’ont pas toujours voulu, ou pu s’y opposer. Dans certains cas en effet, ils avaient intérêt à favoriser de telles pratiques. C’est ainsi qu’en Rhénanie, les Rupertiens se sont succédé à la tête des comtés rhénans, le plus souvent de père en fils, ou d’oncle paternel à neveu, durant plus d’un siècle12, jusqu’à ce que Louis le Germanique les remplace par des hommes à lui. On peut trouver des exemples semblables du côté occidental. Les changements intervenus dans la seconde moitié du ixe siècle dans le mode de transmission des honneurs ont donc été importants, parce qu’ils ont infléchi définitivement la norme, mais ils ne constituent pas une révolution. L’arrêt des guerres de conquête a progressivement limité l’offre de charges nouvelles, alors que le partage de l’empire carolingien en plusieurs royaumes, les invasions et l’affaiblissement du pouvoir royal freinaient la mobilité des grands. Tandis qu’au niveau le plus élevé s’opéraient des regroupements territoriaux et que les familles aristocratiques s’enracinaient, elles réussissaient à imposer progressivement la transmission directe des charges à laquelle elles n’avaient cessé de tendre et, même si le roi continuait à investir l’héritier de sa charge, il avait perdu une grande partie de sa marge de manœuvre.
8Plaçons-nous maintenant vers l’An Mil, du côté occidental. Au sommet de la pyramide des pouvoirs, les familles princières ont patrimonialisé des ensembles de comtés et de charges abbatiales qu’elles transmettent en ligne directe, déterminant ainsi des lignées princières. Citons comme exemples la lignée des comtes de Flandre qui remonte à Baudoin Ier ou celle des princes normands, remontant à Rollon. Beaucoup de lignées comtales sont également déjà en place, comme celles des comtes du Mans13, d’Anjou, de Blois-Chartres ou de Sens. De nouvelles lignées apparaissent autour de nouveaux comtés, comme celle des comtes du Ponthieu. À ce niveau, les conditions sont donc réunies pour que se développe le resserrement des groupements caractéristique du lignage. Au niveau inférieur, certaines familles ont déjà réussi à patrimonialiser des châteaux ou des avoueries, déterminant ainsi des lignées châtelaines (les Rochecorbon dans la Loire moyenne) ou des lignées d’avoués (les Everard à Arques). Cependant, la coutume ne s’est pas encore imposée et les démêlés du duc Guillaume V d’Aquitaine avec ses châtelains poitevins ou de l’évêque de Cambrai avec son châtelain montrent que les tensions sont vives et que les princes usent de leurs prérogatives en matière d’investiture pour jouer de la rivalité entre les puissants et tenter d’empêcher que les familles aristocratiques intègrent complètement les châteaux dans leur patrimoine.
9Dans l’espace germanique, les différences sont importantes, en particulier au sommet de la pyramide des pouvoirs, mais les tendances de fond sont les mêmes. Les empereurs contrôlent en effet de près les fonctions ducales et, s’ils ont laissé se développer la lignée ducale des Billung en Saxe, ailleurs ils imposent la mobilité, ils n’investissent pas nécessairement les fils de la charge tenue par le père et ils n’hésitent pas à destituer les ducs rebelles14. Au niveau comtal en revanche, la transmission directe s’est imposée dans la plupart des cas, comme en Francie : les Eberhardiner se succèdent de père en fils comme comtes du Nordgau, les Folcuin-Folmar en Bliesgau, les Conradins dans le Nahegau et les comtés voisins… La création de nouveaux comtés à partir d’alleux entraîne également la formation de nouvelles lignées et permet en même temps de préserver l’héritage. Des familles réussissent à patrimonialiser et à transmettre en ligne directe des châteaux, comme celui de Zähringen en Souabe15, et très fréquemment les abbatiats et avoueries des monastères familiaux16.
10Les tendances à la patrimonialisation et à la transmission directe des honneurs civils sont donc sensibles dans tout l’espace étudié, avec les nuances importantes qu’impliquent la meilleure résistance du pouvoir impérial par rapport au pouvoir royal d’une part, les différences dans la structure des patrimoines qu’on verra plus loin d’autre part. Dans tous les cas, le mode de transmission du patrimoine réel avantage nettement les fils par rapport aux filles, mais il ne modifie pas fondamentalement le système de filiation. Les droits des filles passent en effet avant ceux des cognats, même si les fonctions sont alors exercées par le mari, et les filles transmettent leurs droits à leurs enfants. En 1019, le comte Eudes II de Blois-Chartres est investi par le roi de l’héritage champenois d’Étienne, petit-fils d’un frère de sa grand-mère paternelle, contre les comtes de Vermandois, qui étaient situés au même degré de parenté que lui, mais en ligne strictement agnatique. La course aux héritières ne pourrait s’expliquer si les règles de transmission étaient devenues patrilinéaires.
11Les honneurs civils ne sont pas les seules dignités que les familles ont cherché à intégrer dans leur patrimoine. Les charges épiscopales constituent un élément important du statut et les familles les plus puissantes sont aussi celles qui réussissent à placer un de leurs fils sur les sièges épiscopaux, ou mieux à imposer une succession d’oncle à neveu, ou de cousin à cousin dans un mode nécessairement cognatique. Le phénomène est particulièrement net dans les pays d’Empire où, jusqu’à la mise en place de l’Église impériale, les fonctions épiscopales constituent un élément important, sinon essentiel, du patrimoine : de 917 à 1047, le siège épiscopal de Metz est occupé par des membres de la famille d’Ardenne17, et jusqu’en 1018, le siège de Liège est tenu par les Baldéric-Ansfrid, apparentés aux comtes de Hainaut. De même, le groupe saxon des descendants de Widukind contrôle depuis la fin du ixe siècle la plupart des évêchés saxons18 et parmi eux, les Billung tiennent les diocèses de Hambourg, de Verden et de Hildesheim, mais ils se heurtent déjà aux évêchés impériaux de Paderborn et de Brême19. Nous verrons que le poids des fonctions épiscopales a certainement contribué à freiner le resserrement lignager dans les pays d’Empire. On a beaucoup souligné le rôle des monastères comme centres de pouvoir. Le contrôle de Saint-Denis et de Saint-Martin de Tours par Hugues Capet, celui de Saint-Bertin ou de Saint-Pierre-de-Gand par la famille flamande ou celui de Marmoutier par la famille de Blois-Chartres constituaient des éléments importants de la puissance familiale et contribuaient à soutenir les prétentions dynastiques des princes. Les réformes monastiques, en accordant la libre élection de l’abbé, ne limitaient que partiellement l’influence des princes sur les monastères qu’ils continuaient à protéger et à faire bénéficier de leurs donations. En Germanie, Gandersheim et Quedlinburg jouent un rôle comparable pour les Ottoniens20, ou Saint-Michel de Lunebourg pour les Billung21. Il n’en reste pas moins que les honneurs ecclésiastiques ne se transmettent pas selon un principe agnatique et que, même s’ils contribuent à légitimer le principe dynastique qui se développe dans les familles les plus puissantes, ils maintiennent au contraire une forte conscience cognatique.
12L’appartenance au groupe qui découle du système de filiation est conforme à ce que l’on attend d’ailleurs d’un système de filiation indifférenciée. La dénomination qui est un indice sûr du mode de représentation de la parenté au haut Moyen Âge confirme le rôle de la ligne maternelle. L’apparition des Stammnamen, souvent invoquée comme indice du renforcement de la patrilinéarité, ne fait nullement disparaître les noms maternels, pas plus qu’elle ne les réduit22. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner la diffusion des noms robertiens chez les Thibaldiens (tableau no 1) ou celle des noms ottoniens au sein de la parentèle ottonienne (tableau no 2) qui, au tournant de l’An Mil, s’étend sur toute l’Europe. Les Stammnamen ottoniens – Otton, Liudolf, Henri –, ou Brunon, nom de clergie, ou encore les noms féminins, Mathilde, Gerberge, Hadwige, se sont largement diffusés dans toutes les branches cognatiques du genus ottonien tandis que les Ottoniens intégraient eux-mêmes des noms venus des branches alliées. En fait, la dénomination oriente désormais plus directement les fils vers les carrières auxquelles on les destine, elle renforce le lien entre nom et pouvoir, comme dans les familles royales, et elle a tendance à hiérarchiser l’unité de filiation, en marquant plus spécifiquement la place de l’aîné.
13Même si la dénomination est un phénomène complexe dont nous ne connaissons pas toutes les règles ni toutes les implications, la transmission des noms maternels confirme que le système de parenté reste fondamentalement indifférencié, cognatique. Il apparaît même que sous l’effet conjugué de la patrimonialisation du pouvoir et de la conjugalisation du modèle familial, une part importante du capital symbolique soit maintenant transmise en ligne cognatique, ce qui nous conduit à examiner les changements intervenus dans les systèmes d’alliance.
L’alliance
14Si l’on suit les anthropologues, le passage d’un système cognatique à un système patrilinéaire s’accompagne d’un renforcement des pratiques endogamiques destinées à garantir l’intégrité du lignage. Les sociétés unilinéaires privilégient en effet les alliances endogamiques et tendent en retour à prohiber les mariages avec des affines. Au contraire, les sociétés indifférenciées, cognatiques, qui sont fondamentalement des sociétés du contrat, pratiquent massivement les renouvellements d’alliance, indispensables pour maintenir réseaux et amitiés, en privilégiant l’affinité. Encore faut-il évidemment s’entendre sur l’extension du champ de la parenté, qui varie considérablement selon les sociétés et selon le mode de comput23. Dans la Catalogne de Martin Aurell, où l’on semble avoir longtemps fréquemment pratiqué des mariages au deuxième degré de consanguinité (entre cousins germains), comme d’ailleurs dans le Languedoc de Claudie Amado, on passe à un système beaucoup plus exogame24, et l’on peut être tenté d’y voir le signe du renforcement des tendances hypergamiques et des contraintes de l’Église25.
15Dans l’espace étudié ici, il en va tout autrement. Je ne nie pas que les familles aient davantage cherché à respecter les interdits, mais je persiste à penser que les modifications sont intervenues à la marge, dans un système qui était largement exogame. Les stratégies matrimoniales correspondent à ce que nous savons des sociétés à systèmes de parenté cognatique, à savoir qu’on se gardait d’épouser à l’intérieur d’un cercle de parenté qui, au ixe siècle, incluait déjà le 3e degré de comput germanique (correspondant au 6e degré romain), mais qu’on pratiquait largement les renouvellements dans l’affinité, malgré les interdits qui avaient été introduits dans la loi, sous l’influence du droit romain. Dès le vie siècle, on avait interdit les mariages avec la veuve du père, du frère, de l’oncle, du fils, ou le lévirat, toutes pratiques servant à renouveler les alliances. Pour réactiver les liens conclus aux générations précédentes et ancrer les parentèles dans la durée, on épousait donc de préférence « au plus proche », c’est-à-dire au-delà du 3e degré, au plus près en 4 : 3, en jouant des demi-parentés, entre le 4e et le 6e degré, sans que l’on puisse définir ces pratiques comme des pratiques endogames. L’extension des interdits, entre le ixe et le xie siècle, au cercle considéré comme épousable, entre le 4e et le 7e degré de consanguinité, ainsi qu’à toute l’affinité et à la parenté spirituelle posa de gros problèmes car elle heurtait les normes reconnues et acceptées par les populations26. Dans cette perspective, les changements sont marginaux et il n’est pas difficile de montrer qu’aux xe et xie siècles, les interdits n’étaient guère respectés, malgré la rigueur de certains prélats. Avec un champ d’interdits aussi étendu et les contraintes homo- ou hypergamiques, les stratégies conduisaient inévitablement à des bouclages consanguins qui pouvaient être dénoncés et condamnés. Le mariage de Robert II le Pieux et de Berte de Bourgogne fut rompu, parce qu’il se situait au 3e degré et que Robert était parrain d’un des fils de Berte ; ceux des Saliens furent dénoncés, parce qu’ils se situaient au 4e ou au 5e degré, mais les époux ne furent pas séparés27 (tableau no 3). De même, les mariages des comtes de Flandre28 transgressaient systématiquement les règles canoniques et se situaient toujours dans la même zone, aux cinquième ou sixième degrés de consanguinité, plus rarement au quatrième, et dans la zone d’affinité du deuxième degré. Certains de ces mariages consanguins n’avaient pas pour but de renouveler une alliance conclue quatre ou cinq générations plus tôt, comme celui de Baudoin VII de Flandre († 1119) et d’Agnès de Bretagne, sa parente au 6e degré, car le calcul prenait en compte un grand nombre de familles avec lesquels les comtes de Flandre n’avaient jamais conclu d’alliances29. Cependant, d’autres étaient des redoublements d’alliance destinés à réactiver des liens importants qui auraient fini par disparaître à cause de l’éloignement des générations. Les comtes de Flandre renchaînèrent deux fois, à cinquante ans d’écart, l’alliance carolingienne conclue par le mariage de Baudoin Ier et de Judith, en épousant des parentes aux 5e et 6e degrés, ils renouvelèrent l’alliance billung par un bouclage consanguin en 3 : 5 (tableau no 4)30 et l’alliance hennuyère par un mariage en 5 : 4. Ils utilisèrent aussi l’affinité, en particulier l’affinité du deuxième genre, pour doubler des alliances, comme dans les mariages normands où l’alliance fut doublée à dix-neuf ans d’écart31 (tableau no 5). De la même manière, les Saliens conclurent une double alliance avec la famille ducale de Souabe par le mariage de Conrad de Carinthie avec Mathilde et celui de Conrad II, neveu du précédent, avec Gisèle, sœur de Mathilde. En outre, ces mariages étaient aussi des bouclages consanguins qui apportaient aux Conradins le surcroît de noblesse qui allait leur servir à obtenir la couronne de Germanie.
16En définitive, les contraintes imposées par l’Église en matière d’interdits de parenté n’ont pas fondamentalement transformé le système d’alliance qui a continué de définir deux cercles au sein de la parenté : celui de la parenté non-épousable et celui de la parenté reconnue, mais épousable. Même si l’Église a gêné les stratégies matrimoniales, si le champ des interdits pratiqués s’est étendu, on a continué de privilégier les renouvellements d’alliance du côté de l’affinité qui caractérisent fondamentalement les systèmes de parenté cognatiques.
17Les systèmes de parenté indifférenciés favorisent le développement de groupes domestiques simples, à deux générations, centrés sur la famille conjugale. Le modèle conjugal s’est imposé dès l’époque mérovingienne, mais la christianisation du mariage et la tendance à la transmission directe des charges ont ensuite conduit à redéfinir la place de l’épouse dans le consortium conjugal32. J’ai montré comment le titre comitissa, apparu dès la seconde moitié du ixe siècle, se diffusait rapidement au début du xe siècle dans les actes diplomatiques et les livres mémoriaux de France du Nord et de Lotharingie, en relation avec le ego gratia Dei comes qu’il accompagne33. La démonstration peut être étendue à la Germanie. Dans le nécrologe de Fulda34, les premières mentions de comitissae sont celle de Glismuot comitissa († 921)35, Gerlint comitissa († 948)36 et Fridarun com († 971)37. Une enquête dans les nécrologes saxons montre que le titre est utilisé en Saxe dans la seconde moitié du xe siècle, avec celui de ductrix/ducissa, féminin de dux,38 comme l’attestent les inscriptions de Judith com († avant 973)39, Cunice com40, Iudith ductrix († après 985)41 au nécrologe de Merseburg et celles de Mathilde com (†1005)42, Ode com43, Berthe com († 983)44, Hildegarth ducissa († 1011)45. Ces titres expriment non seulement l’association plus grande de l’épouse au pouvoir de son mari, mais aussi un changement dans le mode de représentation de la famille, dont témoignent également les entrées par couples dans les livres mémoriaux, les donations conjointes, le consentement de l’épouse aux donations du mari et les fondations monastiques conjointes en Germanie. Un tel mode de représentation est une condition sine qua non pour que se développe une conscience dynastique qui consolide les groupements hiérarchiques organisés autour de la transmission de l’honneur, puisque l’épouse est en même temps la mère des héritiers. Depuis l’époque carolingienne, la conjugalisation soutient donc et renforce l’organisation hiérarchique de la parenté. Avec la patrimonialisation et l’enracinement, apparaissent des groupements verticaux que les historiens appellent lignages. Ils se développent à partir d’une vaste parentèle cognatique avec laquelle la ligne principale et dominante reste étroitement liée, en particulier grâce aux renouvellements d’alliance. En d’autres termes, les lignages ne sont rien d’autres que des formes de groupements, hiérarchiques et verticales, caractérisant les systèmes de parenté cognatiques à tendance patrilinéaire.
L’ORGANISATION LIGNAGÈRE DE LA PARENTÉ
18On a depuis longtemps souligné combien le rythme de mise en place des lignages variait d’une région à l’autre, d’un milieu social à l’autre46. L’enracinement, la transmission directe des honneurs et la nécessité de maintenir l’intégrité du patrimoine posaient en effet la question du sort des cadets et celle des relations avec les cognats. En comparant les diverses solutions adoptées entre la Loire et l’Elbe, on met en lumière d’importantes différences qui tiennent moins au système de parenté qu’à d’autres phénomènes, et en particulier aux structures du patrimoine.
Un modèle occidental ?
19Dans les régions occidentales, le souci de garantir l’intégrité du patrimoine conduit finalement à la primogéniture et à la restriction du mariage des cadets. Cela supposait qu’on considérât le patrimoine comme un tout, qui échappait aux règles normales de l’héritage. Le mode de circulation des honneurs y poussait, mais les choses ont basculé à la fin du ixe siècle, quand on a commencé à représenter le pouvoir princier dans des termes comparables à celui du roi et à considérer l’honneur princier et le royaume comme des biens supérieurs, inaliénables, qui ne pouvaient plus être partagés. Le processus est indéniablement lié à la structure du patrimoine princier, qui s’appuie sur les honneurs et les terres fiscales, ainsi qu’à l’évolution idéologique qui soutient le resserrement lignager. À l’inverse, les freins au resserrement lignager ont été d’autant plus grands qu’augmentait la part du patrimoine constituée de biens allodiaux.
20La primogéniture, souvent considérée comme inhérente au modèle lignager, n’allait pas de soi, car elle posait le problème des cadets. Elle s’est vite imposée dans les milieux princiers et comtaux mais les tensions ont souvent été vives entre les héritiers. Chez les Robertiens, Robert Ier ne laissa à sa mort, en 923, qu’un seul fils, Hugues le Grand, qui hérita de tout l’honneur et dès la génération suivante, on réserva l’héritage au fils aîné, Hugues (Capet), le second étant fiancé à l’extérieur et le troisième orienté vers la cléricature. En revanche, les comtes de Blois-Champagne ont longtemps pratiqué le partage : en 996, à la mort d’Eudes Ier, l’héritage fut partagé entre ses deux fils Thibaud et Eudes. La mort du comte Thibaud en 1004 laissa à Eudes II tout l’héritage, qu’il agrandit en 1019/1021 en recueillant l’héritage herbertien. À la mort d’Eudes II, en 1037, l’héritage fut à nouveau partagé entre ses deux fils Thibaud et Étienne et cette tradition se maintint jusqu’au xiie siècle. En fait, il y avait deux ensembles territoriaux qui constituaient deux honneurs princiers, parfois réunis, parfois séparés. En Flandre, la biologie favorisa le resserrement lignager. À partir d’Arnoul Ier († 964) et jusqu’à Baudoin IV († 1035), les comtes n’ont laissé qu’un seul fils. Mais Baudoin V en eut plusieurs et, s’il transmit l’héritage à son fils aîné, Baudoin VI, il prit la précaution de faire jurer à son fils cadet Robert de renoncer à ses droits sur la Flandre, moyennant une importante somme d’argent, après l’avoir éloigné de la Flandre en le mariant avec la veuve du comte de Hollande47. Baudoin V destinait certainement Robert le Frison à une carrière ecclésiastique, mais la mort du comte de Hollande en 1061 l’engagea à obtenir pour son fils cadet cette riche héritière et avec elle, la sécurité de la frontière septentrionale de la principauté.
21Cependant, la restriction du mariage des fils, devenue par la suite une caractéristique des lignages occidentaux, est encore loin d’être systématiquement appliquée autour de l’An Mil, même dans les familles princières qui réservent l’héritage à un seul héritier. Parmi les fils d’Hugues II, comte du Maine († avant 992), deux d’entre eux au moins ont été mariés : l’aîné Hugues III, qui hérita du comté, et Fulcoin48. Dans la famille des comtes d’Anjou, où la structure lignagère s’est imposée très tôt, avec primogéniture et orientation d’un des fils vers la cléricature, on a marié le comte Maurice († 1031/40), troisième fils du comte Geoffroy Grisegonelle. Il semble avoir été établi dans la principauté, mais mourut de mort violente. Marier les cadets et les établir sur une part de l’héritage, sous le contrôle de l’aîné, était une solution qui permettait de tenir des positions-clé du lignage, et de prévenir les accidents biologiques, mais elle supposait aussi une forte structure hiérarchique qui ne semble pas en place au xie siècle. On destinait donc fréquemment les cadets à une carrière ecclésiastique, qui permettait en outre de capitaliser une part de sacré et de renforcer le pouvoir de la lignée principale : Robert, frère de Richard II de Normandie, devint archevêque de Rouen, une charge qui vint appuyer la fonction ducale de son frère.
22Il est clair que dans les régions occidentales, la mise en place progressive de groupements hiérarchiques conduisait à exclure les cadets de l’héritage et à restreindre le mariage des fils. En revanche, on mariait les filles pour pallier les accidents biologiques, pour créer les amitiés et les alliances nécessaires à la stabilisation du lignage. Il ne peut être question de développer ici les stratégies matrimoniales des princes des xe et xie siècles qui cherchèrent à la fois à garantir la sécurité extérieure de leur principauté, par des relations homogamiques, et à stabiliser les fidélités intérieures en offrant leurs filles ou leurs sœurs à leurs vassaux. Les lignages occidentaux tendent donc à capitaliser leur patrimoine réel dans la ligne agnatique et à ouvrir leur capital symbolique en ligne cognatique. Le système lignager occidental pousse ainsi à l’hypergamie, puisque l’offre de filles à marier dépasse la demande et le mariage se trouve bien au centre du dispositif. La puissance d’un lignage se mesure à sa capacité à négocier ses alliances et à s’organiser hiérarchiquement en rassemblant les cognats autour de la lignée principale49. Un travail idéologique vient ensuite conforter la domination par le développement d’une conscience dynastique qui s’ancre dans les nécropoles familiales – Saint-Bertin et Saint-Pierre de Gand pour la dynastie flamande, Marmoutiers pour la dynastie bléso-champenoise.
23En dehors des milieux princiers, le resserrement lignager n’est qu’à peine esquissé au tournant de l’An Mil. On hésite encore sur le mode de transmission de l’honneur et aucune règle n’est établie avant le xiie siècle. L’indivision a pu être une solution, de même que le partage ou la succession des frères, mais l’une et l’autre conduisaient à des tensions. Le partage inégal entre les deux premiers fils, qui avantageait nettement l’aîné, était une solution fréquemment pratiquée, comme dans le Maine50, mais elle n’empêchait pas les discordes51. En fait, dans la plupart des familles aristocratiques, le resserrement lignager ne s’est pas encore produit au début du xie siècle, la mémoire se coule toujours dans les méandres de la parenté cognatique, elle n’est pas encore ancrée dans un lieu : l’usage du surnom aristocratique fondé à partir du nom de château n’est guère antérieur au milieu du xie siècle et la rupture que constitue l’adoption massive de noms princiers date de la seconde moitié du xie siècle52. Au total, à ces niveaux, les parentèles aristocratiques conservent un caractère cognatique nettement prononcé. L’absence d’une forte organisation hiérarchique de la parenté autour d’une lignée principale et l’incapacité des princes à contrôler directement la circulation des honneurs contribuent à la fragmentation des pouvoirs, à la segmentarisation de la société et empêchent la stabilisation durable des fidélités. À l’inverse, quand il se généralise, au xiie siècle, le système lignager contribue à la stabilisation des relations de fidélités par l’hypergamie et il sous-tend probablement la reconstruction féodale des pouvoirs princiers.
Un modèle oriental ?
24Dans les pays d’Empire, la transmission directe des charges comtales s’est également imposée, mais la hiérarchie des pouvoirs est sensiblement différente. Contrairement à ce qui s’est passé en Francie où les principautés territoriales sont encore, au xe et au début du xie siècle, une collection mouvante de charges comtales et abbatiales, attachée à une personne, les duchés germaniques coiffent les comtés et le duc n’a pas besoin de cumuler lui-même les charges comtales. Les conditions étaient donc en principe favorables au développement de lignages ducaux. Les exemples saxons et lotharingiens montrent cependant qu’il est difficile de dégager un modèle unique, ou même dominant.
25La Saxe du Nord était dominée à la fin du ixe siècle par un groupe familial large, celui des descendants de Widukind, qui exerçait une influence prépondérante sur la région, tenant en particulier les évêchés53. C’est de ce groupe familial que sortent le lignage ottonien, et aussi celui des Billung (tableau no 6). L’ancêtre fondateur du lignage ducal est Hermann Billung, dont l’ascension date de 936, quand le roi Henri Ier le désigne comme princeps militiae, duc en quelque sorte. Ses descendants se succèdent ensuite comme ducs de Saxe de père en fils jusqu’à l’extinction de la lignée agnatique en 1106. Le lignage n’est organisé que dans les années 990, sous Bernard Ier Billung54 car il y eut de vives tensions au sein de la parentèle billung, avant que l’autorité de la branche ducale ne soit acceptée. Selon Widukind de Corvey, la désignation d’Hermann Billung comme duc aurait été ressentie comme une offensio par son frère aîné, Wicmann l’Ancien55. Après la mort de ce dernier, en 967, ses fils se sont d’ailleurs révoltés contre leur oncle, revendiquant leur héritage. Ils ont ensuite systématiquement choisi des camps opposés à ceux des ducs lors des révoltes ou des élections royales. Finalement la branche de Wicmann a perdu ses possessions en Saxe du Nord et s’est recentrée sur la Saxe occidentale. Les deux branches se sont alors réconciliées et le duc Bernard Billung a été choisi comme tuteur des fils de Wicmann III en 101656. À ce moment-là, le lignage ducal billung, centré sur les descendants du duc Hermann Ier est formé et l’on voit fonctionner le modèle lignager allemand, avec ses spécificités : la fonction principale va au fils aîné, selon le principe de la primogéniture, mais les fils cadets sont pourvus d’une charge comtale, par le chef du lignage ou par l’empereur, qui peut les utiliser au loin. Comme dans le modèle occidental, le mariage sert à créer les alliances indispensables et l’on continue à marier un grand nombre d’enfants, y compris les fils cadets. Il y a là une caractéristique du modèle lignager allemand, ou plutôt de l’empire, qui le distingue du modèle occidental57. On marie aussi les filles, mais on respecte l’homogamie et on n’hésite pas à les envoyer au monastère. Le développement d’une conscience dynastique suit l’organisation du resserrement lignager : le lignage ducal est centré sur le château familial de Lunebourg et le monastère privé de Saint-Michel, fondé par Hermann et son fils. Saint-Michel remplit une fonction dynastique et mémoriale : il abrite d’abord les tombeaux de la famille ducale, ceux des ducs, de leurs épouses et de leurs fils cadets, intégrés à la dynastie. Il entretient ensuite la memoria des Billung, qui dépasse largement la dynastie et épouse les contours d’une vaste parentèle intégrant autour de la famille ducale, la branche des descendants de Wicmann l’Ancien d’une part, les familles alliées par mariage d’autre part.
26Ce modèle lignager, qui est aussi celui des Ottoniens, est loin de s’être imposé dans toutes les familles ducales au tournant de l’An Mil, car la création d’un duché ne suffisait pas à provoquer un resserrement lignager. En Haute-Lotharingie par exemple, les descendants de Wigeric et de Cunégonde tenaient de nombreuses charges comtales et dominaient la région avant même la création du duché au milieu du xe siècle, mais ils n’avaient pas rassemblé terres, comtés et abbatiats en une seule main. La lignée ducale, issue de la parentèle wigericienne58, comme les lignées liudolfingienne et billung étaient issues du groupe des descendants de Widukind, ne parvint pas à rassembler autour d’elle cadets et cognats en un ensemble hiérarchique capable de dominer l’espace. Ici, comme dans la Savoie étudiée par Laurent Ripart59, les fonctions épiscopales vers lesquelles les familles orientaient un ou plusieurs de leurs fils ont sans doute constitué longtemps un frein majeur au resserrement lignager en créant des « parentèles épiscopales », de nature profondément cognatique, qui sont devenues le pivot autour desquelles se sont rassemblées les parentèles. Le processus aurait pu être identique en Saxe, mais l’accession à la royauté des Liudolfingiens a changé la donne : les souverains ottoniens ont rapidement cherché à contrôler directement les évêchés saxons, si bien que les familles ont cherché d’autres formes de structuration. En Lotharingie, comme en Savoie, où le fils aîné est orienté vers la cléricature, les parentèles épiscopales se sont maintenues aussi longtemps que les empereurs n’ont pas imposé des évêques allemands sur les sièges épiscopaux. Elles ont contribué à freiner la hiérarchisation et le resserrement lignager.
27D’autres freins ont retardé la mise en place de lignages hiérarchiques en Germanie. Le traitement particulier des cadets, qui ne sont ni exclus de l’héritage ni voués au célibat, sauf s’ils sont destinés à une carrière ecclésiastique, traduit la résistance des formes anciennes de groupements. En Alsace par exemple, les Eberhardiner continuent au xie siècle de dominer extensivement l’espace et tous les fils sont pourvus d’un titre comtal, sans que se constituent de véritables lignages avant la seconde moitié du xie siècle60. En Souabe, les Zähringer, issus de la vieille noblesse alémanique et largement possessionnés dans l’Alémanie intérieure, ne se constituent en lignage autour du château dont ils tirent leur nom qu’à la fin du xie siècle. Cette résistance s’explique probablement par la structure des patrimoines aristocratiques particulière à la Germanie. Il faut rappeler que la terre ne manque pas de ce côté-là du Rhin et que le système des comtés y est d’application récente, puisqu’il n’a été imposé qu’à l’époque carolingienne. Or la mise en place des comtés a laissé subsister dans les Gauen de vastes alleux aristocratiques qui constituaient une part importante du patrimoine aristocratique et sur lesquels les nobles disposaient probablement de pouvoirs sans doute bien plus importants qu’à l’ouest61. Ces terres allodiales ont continué d’être partagées entre les héritiers, ou laissées indivises. La fondation de nombreux petits monastères familiaux, dont les familles se réservaient l’abbatiat ou/et l’avouerie, dans l’une ou l’autre ligne de parenté, contribuait à rassembler les communautés d’héritiers et la propriété éclatée. En même temps, les alleux permettaient de créer pour les fils de nouveaux comtés, des Allodialgrafschaften. En Alsace par exemple, les Eberhardiner ont tenu jusqu’en 1077 le comté du Nordgau, un Amtsgrafschaft, élevé comme comté par l’empereur Arnulf à la fin du ixe siècle à partir de terres fiscales. Mais le groupe appuyait en fait sa puissance sur un vaste patrimoine foncier formé de terres allodiales et fiscales qui continuaient d’être partagées et qui pouvaient ensuite former des Allodialgrafschaften. Les Conradins qui tenaient le duché de Carinthie et des comtés dans la région de Worms ancraient leur pouvoir dans la région forestière autour de Worms et de Spire, et c’est dans la cathédrale de Spire qu’étaient inhumés les ancêtres de l’empereur Conrad II, comme en témoigne sa donation de 1034 où il fait prier pour tous les membres de sa famille inhumés là62. L’empereur ne contrôlait pas les alleux, ni même la transmission des comtés, mais il contrôlait le nomen comitis, et avec lui le pouvoir de ban, si bien qu’il était possible d’obtenir de lui un titre comtal pour des alleux, d’échanger des alleux contre des terres fiscales ou contre un marquisat. Il n’y aurait donc pas eu, ou dans une moindre mesure et plus tardivement, cette restriction du marché des honneurs qui a conduit du côté occidental au topolignage, avec exclusion des cadets de l’héritage et restriction du mariage des fils.
28Le sort des cadets ne peut être distingué de celui des filles. On sait que la surmortalité masculine déséquilibre en permanence le rapport numérique des sexes, malgré une forte mortalité des femmes en couche. Les familles aristocratiques du haut Moyen Âge, qui veillaient à l’homogamie, ont toujours été confrontées à ce déséquilibre et n’y ont pas toujours apporté les mêmes réponses. Il est tentant d’établir un parallèle entre les fondations religieuses féminines et les stratégies matrimoniales puisque les unes et les autres résultent d’un même choix délibéré des familles nobles. La christianisation a en effet offert aux familles nobles le moyen de réguler l’offre de filles en fondant des monastères féminins et en retirant du marché matrimonial un certain nombre de femmes. À l’ouest, on a fondé beaucoup de monastères féminins au viie siècle, mais les fondations ont ensuite cessé et bien des monastères féminins furent même transformés en communautés masculines au xie siècle. Parallèlement, on a l’impression qu’à l’époque carolingienne, les familles cherchaient à marier la plupart de leurs enfants, fils et filles, mais qu’elles ont ensuite eu tendance à restreindre le mariage des fils, ce qui a eu pour conséquence le développement de l’hypergamie, caractéristique des lignages occidentaux. En Germanie au contraire, les fondations féminines ne se multiplient qu’aux viiie et ixe siècles, avec la christianisation plus tardive de ces régions, et restent nombreuses au xe et même encore au xie siècle63. L’entrée massive au monastère diminuait l’offre des filles à marier, et permettait de compenser la surmortalité masculine dont se plaignait Thietmar64. Elle maintenait l’homogamie car il est clair que les familles allemandes répugnaient à marier leurs filles à moins nobles qu’elles65, ce qui freinait l’organisation de groupements hiérarchiques. Les fondations étaient souvent été dues à des veuves qui agissaient avec l’accord de leur parenté66, pour prendre en charge la memoria familiale67, ce qui était aussi une manière de limiter le remariage des veuves et avec lui le risque de voir le patrimoine sortir de la famille68.
29Les monastères féminins apparaissent en effet comme un élément essentiel du patrimoine familial des familles nobles allemandes. Les dizaines de petits monastères féminins fondés en Allemagne, entre le viiie et le xie siècle, permettent de rassembler le patrimoine, et de le protéger. La surmortalité masculine fait en effet tomber bien des héritages entre les mains des filles ou encore des veuves69 et les donations aux monastères ont toujours été un moyen de mettre, au moins provisoirement, le patrimoine foncier à l’abri70. Enfin, dans l’Allemagne des xe et xie siècles, les monastères féminins constituent, comme dans la Francie du viie siècle, le pôle sacré du pouvoir familial, bien davantage que les fonctions épiscopales, de plus en plus étroitement contrôlées par l’empereur, ou que les grands monastères masculins. Beaucoup sont placés sous la protection d’abbayes masculines, d’évêques ou de l’empereur, mais les familles ont souvent pris soin de s’en réserver l’abbatiat, et aussi l’avouerie. Les abbesses restent étroitement liées à leur famille, elle gardent les reliques familiales, prient pour les membres de la famille fondatrice et assurent le maintien de la cohésion familiale en accueillant femmes ou amies de la familles et en suscitant les donations qui soutiennent les réseaux indispensables. Gandersheim et Quedlinburg sont les plus connus d’entre eux parce qu’ils structurent le lignage et la memoria ottonienne, mais il y en a beaucoup d’autres. Dans le regnum teutonicum de l’An Mil, ce sont les femmes qui assument majoritairement la fonction mémoriale qui est celle des moines en France71 et la position des fondatrices et des abbesses est bien plus prestigieuse que celle des abbés dont on ne sait souvent rien. Cependant, les fondations se ralentissent dès le début du xie siècle, en même temps que le contrôle des évêques sur les monastères féminins de leur diocèse se renforce. L’évolution est donc bien différente de ce qu’elle est en France, mais dans l’un et l’autre cas, les hommes confisquent le sacré chrétien par l’intermédiaire des moines-prêtres.
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30Les historiens ont eu raison de souligner l’importance du changement intervenu avec le resserrement lignager sur les groupements aristocratiques qui s’organisent hiérarchiquement, à partir d’un honneur que tient et transmet une lignée dominante. Pour autant, ces changements s’inscrivent dans un système de parenté dont les quelques indicateurs étudiés – il y en a d’autres –, montrent qu’il reste indifférencié : la transmission lignagère des droits n’exclue ni les cadets ni les filles, même quand le fils aîné obtient la jouissance de l’honneur familial ; la conscience lignagère ne fait pas disparaître l’appartenance à des groupements plus larges, qui s’entrecroisent et assurent l’équilibre social ; le système d’alliance continue de privilégier les renouvellements du côté de l’affinité qui caractérisent fondamentalement les systèmes cognatiques.
31Si l’on compare la France du Nord et l’Empire, les différences dans le rythme de mise en place des lignages sont sans doute moins grandes qu’on l’a dit, car vers l’An Mil, du côté occidental, le système lignager n’est qu’à peine esquissé en dehors des milieux princiers et comtaux, et du côté oriental, les tendances à la hiérarchisation ne sont pas absentes. Il serait en outre fortement réducteur d’établir une chronologie à partir d’un modèle lignager occidental, car le souci de maintenir l’intégrité du patrimoine et de rassembler la parenté autour d’une lignée principale n’a pas été décliné sous une seule forme en France et les solutions apportées aux problèmes qui se posaient ont été diverses. Cela étant, le système lignager est fondamentalement lié à l’exercice du pouvoir et à son mode de transmission d’une part ; il suppose une hiérarchie entre les héritiers d’autre part. Au tournant de l’An Mil, dans l’Empire, les conditions n’étaient pas réunies pour qu’en dehors de quelques familles princières, s’opère une forte hiérarchisation de la parenté et un resserrement lignager. Mais il ressort de la comparaison entre France et Empire que le resserrement lignager n’entraîne pas nécessairement l’hypergamie avec la restriction du mariage des cadets et le mariage des filles, qui caractérisent largement les lignages occidentaux. Cela reviendrait d’ailleurs à affirmer que le système de parenté médiéval découle entièrement de la filiation. Dans les pays d’Empire, les lignages ont continué à marier leurs fils autant sinon plus que leurs filles. Renouvellements d’alliance et bouclages consanguins prouvent que l’alliance est la structure portante du lignage et qu’elle en conditionne la survie. Le système lignager s’inscrit en fait dans le contexte de la hiérarchisation des groupements de parenté en marche depuis époque carolingienne, il suppose qu’une lignée dominante, qui a patrimonialisé un honneur, rassemble autour d’elle cadets et cognats en un ensemble hiérarchique qui s’insère dans une vaste parenté cognatique. Ses formes varient ensuite selon les catégories du masculin et du féminin, la structure des patrimoines, les conditions politiques particulières.
Notes de bas de page
1 K.F. Werner, « Untersuchungen zur Frühzeit des französischen Fürstentums I-VI », dans Die Welt als Geschichte (1958), p. 256-289, (1959) p. 146-193, (1960) p. 87-119. Id., « Bedeutende Adelsfamilien im Reich Karls des Grossen », dans Karl der Grosse t. 1 éd. W. Braunfeld, Düsseldorf, 1965, p. 83-142. Id. « Die Nachkommen Karls des Grossen » (1-8 Generation), dans Karl der Grosse t. 4 éd. W. Braunfeld, Düsseldorf, 1967, p. 403-482.
2 M. Aurell, « La parenté en l’an mil », dans Cahiers de civilisation médiévale, 2000, t. 43, p. 125-142 : « Le lignage, issu d’une radicale mutation sociale, se caractérise par son agnatisme, un nouvel accent mis sur la filiation patrilinéaire. Il sédentarise et individualise des lignées familiales autour du château, devenu leur point d’ancrage. Il encourage l’hypergamie et l’avunculat. Enfin cette évolution s’accompagne de l’action menée par le clergé pour christianiser le mariage : indissolubilité et unicité mettent en cause les stratégies matrimoniales et patrimoniales de l’aristocratie ».
3 K. Schmid, « Zur Problematk von Familie, Sippe und Geschlecht. Haus und Dynastie beim mittelalterlichen Adel », dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 105, 1957, p. 1-61, Id., « Neue Quellen zum Verständnis des Adels im 10. Jahrhundert », dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins 69, 1960, p. 185-232. Id. « Heirat, Familienfolge, Geschlechterbewusstsein », dans Il matrimonio nella societa altomedievale, Settimane xxiv, Spolète 1977, p. 103-137.
4 Voir à ce sujet P. Stafford, « La Mutation Familiale : A Suitable Case for Caution », dans The Community, the Family and the Saint. Patterns of Power in Early Medieval Europe. éd. J. Hill et M. Swan, (International Medieval Research), Turnhout, 1998, p. 103-125.
5 G. Duby, « Structures familiales dans le haut Moyen Âge occidental », rééd. dans Id., Mâle Moyen Âge, Paris, 1988, p. 129-138, M. Aurell, « La parenté », cité note 2.
6 R. Le Jan, « Malo ordine tenent. Transferts patrimoniaux et conflits dans le monde franc (viie-xe siècle) », dans Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, viiie-xe siècle, mefrm 111-2, 1999, p. 951-972, sp. 959-960.
7 S.D. White, « Inheritances and legal arguments in Western France, 1050-1150 », Traditio, 43, 1987, p. 89-101.
8 S.D. White, Custom, Kinship and Gifts to Saints, the « laudatio parentum » in Western France, 1050-1250, Chapel Hill et Londres, 1988.
9 Cité par K. Schmid, « Zur Problematik », p. 28-29.
10 Sur les Eberhardiner, F. Legl, Studien zur Geschichte der Grafen von Dagsburg-Egisheim, Sarrebruck, 1998 (Veröffentlichungen der Kommission für saarländische Landesgeschichte und Volksforschung 31), p. 393.
11 R. Le Jan, Famille, p. 251-262.
12 Sur les Rupertiens, K. Glöckner, « Lorsch und Lothringen, Robertiner und Capetinger », dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins., N.F. 50 (1937), p. 301-354, R. Le Jan, Famille, p. 440.
13 K.S. Keats Rohan, « Politique et parentèle : les comtes, vicomtes et évêques du Maine c. 990-1050 », Francia 23/1, 1996.
14 Chez les Conradins, ancêtres des Saliens, Conrad le Rouge avait été fait duc de Lotharingie par son beau-père Otton Ier mais il fut destitué pour avoir suivi Liudolf dans sa révolte contre son frère en 953. Otton, fils de Conrad le Rouge et cousin d’Otton II, fut fait duc de Carinthie en 978. Destitué en 985, il ne retrouva son duché qu’en 995. En 1004, son fils Conrad lui succéda, mais à sa mort en 1011, l’empereur Henri II écarta de la succession son fils Conrad le Jeune qui ne fut investi du duché qu’en 1036, par son cousin Conrad II, devenu empereur. Sur ces événements, voir la synthèse commode de F. Rapp, Le Saint Empire romain germanique d’Otton le Grand à Charles Quint, Paris, 2000.
15 G. Althoff, « Zähringen und die Zähringer », dans Die Zähringer, éd. H. Schadek et K. Schmid, Sigmaringen, 1986, p. 35-37.
16 K. Leyser, Herrschaft und Konflikt, p. 105-106. Par exemple pour Alsleben, fondé par le comte Gero et son épouse Adèle (mgh D.O II, 979, no 190, p. 216-217), pour Vitzenburg fondé par Brun et Adilint en 991 (mgh D O III, 991, no 68, p. 475-476)
17 R. Le Jan, Famille, p. 418-419.
18 C. Caroll, « The bishoprics of Saxony in the first century after Christianization », Early Medieval Europe, 8/2, 1999, p. 218-245.
19 G. Althoff, Adelsfamilien, p. 25-40.
20 Id., « Gandersheim und Quedlinburg. Ottonische Frauenklöster als Herrschafts-und Überlieferungszentren », dans Frühmittelalterliche Studien 25, 1991, p. 123-144.
21 Id., Adelsfamilien, p. 36-49.
22 R. Le Jan, Famille, p. 214-222.
23 Pour une représentation commode des différences entre le comput romain et le comput germanique, devenu canonique, voir M. Aurell, La noblesse en Occident (ve-xve siècle), Paris, 1996, figure 4.
24 M. Aurell, « Stratégies matrimoniales de l’aristocratie (ixe-xiiie siècle) », dans Mariage et sexualité au Moyen Âge. Accord ou crise ? Actes du colloque international de Conques, M. Rouche dir., Paris, 2000, p. 189.
25 Sur le renforcement des contraintes, en particulier en Allemagne, P. Corbet, Autour de Burchard de Worms. L’Église allemande et les interdits de parenté (ixe-xiie siècle), Francfort, 2001.
26 R. Le Jan, Famille, p. 313-326.
27 P. Corbet, Autour de Burchard de Worms, p. 117-123, 128-146.
28 Sur les renouvellements d’alliances des comtes de Flandre, H. Pruvost, Les stratégies matrimoniales des comtes de Flandre (862-1195), Mémoire de maîtrise de l’Université de Lille 3 sous la direction de R. Le Jan, juin 2001.
29 Mariage d’Arnoul Ier et d’Adèle de Vermandois (5 : 6), d’Arnoul II et de Rosala-Suzanna (5 : 6)
30 De même, le renchaînement avec la famille comtale de Hainaut en 1169 conduit à un bouclage en 5 : 4
31 Baudoin V n’étant pas le fils d’Éléanore, mais d’un premier mariage de Baudoin IV, Guillaume et Mathilde étaient des affins du deuxième genre, même s’il y avait entre eux une lointaine parenté consanguine (au 5e degré)
32 R. Le Jan, « L’épouse du comte », repris dans Ead., Femmes, pouvoir et société, Paris, Picard, 2001, p. 26-28.
33 Et l’on sait que le titre est apparu en Toulousain dès 865, en Catalogne en 885
34 Voir K. Schmid dir., Die Klostergemeinschaft von Fulda, II, 1, Munich, 1978.
35 G 56 : épouse du comte de Lahngau Conrad l’Ancien, mère du roi Conrad Ier.
36 G 54 Mater pauperum.
37 G 52, sœur de la reine Mathilde, probablement épouse de Wicmann l’Ancien Billung.
38 Voir G. Althoff, Adels-und Könisfamilien im Spiegel ihrer Memorialüberlieferung. Studien zum Totengedanken der Billunger und Ottonen, Munich, 1984 (Munstersche Mittelalterstudien, 47).
39 Épouse du comte Henri de Stade.
40 Grand-mère de l’impératrice Adélaïde.
41 Épouse du duc Hermann II de Souabe.
42 Fille du duc Hermann Billung, épouse de Baudoin III de Flandre.
43 Épouse du duc Hermann Billung.
44 Épouse du comte Bernard de Borghorst.
45 Épouse du duc Bernard Ier Billung.
46 M. Aurell, « La parenté… », art. cit., p. 133-134.
47 Gualbert de Bruges, Histoire du meurtre de Charles le Bon, éd. H. Pirenne, Paris, 1891, p. 109 et Genealogia comitum Flandriae Bertiniana, mgh SS IX, éd. L.C. Bethmann, p. 306, Hermann, Liber de restauratione monasterii Sancti Martini Tornacensensis, mgh SS XIV, éd. O. Holder-Egger, p. 282.
48 K. Keats-Rohan, « Two studies in North French Prosopography », Journal of Medieval Historiy 20 (1994), p. 17-19.
49 Wicman de Hamaland et Thierri de Westfrise, gendres d’Arnoul Ier, furent successivement comtes de Gand.
50 B. Lemesle, La société aristocratique dans le Haut-Maine (xie-xiie siècles), p. 118-119.
51 Adémar de Chabannes relate la discorde qui opposa trois frères qui avaient hérité de deux châteaux, Marcillac et Ruffec (Chronique III, 60, cité par D. Barthélemy, L’an mil et la paix de Dieu, Paris, 1999, p. 355).
52 Voir à ce sujet, M. Bourin, Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, t. 1, Bilan de l’enquête, Tours 1990, p. 239-246.
53 G. Althoff, Adels-und Königsfamilien, p. 72.
54 Ibid., p. 128 et suivantes.
55 Widukind, Rerum gestarum saxonicarum I
56 G. Althoff, Adels-und Königsfamilen, p. 110-130.
57 Aux xie et xiie siècles, les comtes de Hainaut marient systématiquement leurs fils et leurs filles.
58 Sur la famille d’Ardenne, M. Parisse, « Généalogie de la Maison d’Ardenne », dans La Maison d’Ardenne xe-xie Actes des Journées Lotharingiennes 24-26 octobre 1980, Luxembourg 1981, p. 9-41.
59 L. Ripart, Les fondements idéologiques du pouvoir des comtes de Savoie (de la fin du xe au début du xiiie siècle), Nice, 1999, thèse dactylographiée.
60 Le lignage des Dagsburg-Eguisheim, dont sort le pape Léon IX, est issu du groupe des Eberhardiner.
61 Voir à ce propos l’étude de M. Borgolte sur les nobles alamans au ixe siècle : « Die Alaholfingerurkunden. Zeugnisse von Selbstverständnis einer adligen Verwandtengemeinschaft des frühen Mittelalters », Subsidia Sangallensia I, Saint-Gall 1986, p 287-322.
62 Son arrière grand-père, le duc Conrad (†955), sa grand-mère Judith (†991), son père Henri (†989/1000), son oncle Conrad de Carinthie (†1011), son épouse Mathilde et sa fille Sophie. Adélaide de Metz, sa mère, vivait encore et serait inhumée dans sa fondation d’Öhringen.
63 M. Parisse, « Monastères de femmes en Saxe (xe-xiie siècle) », Revue Mabillon NS 2, 1991, p. 5-48. Id. « Les femmes au monastère dans le Nord de l’Allemagne du ixe au xie siècle. Conditions sociales et religieuses », W. Affeldt et A. Kühn, Frauen in der Geschichte VII ; Interdisziplinäre Studien zur Geschichte der Frauen im frühen Mittelalter, Düsseldorf 1986., p. 311-324. W. Hartung, Adel, Erbrecht, Schenkung : die strutkturellen Ursachen der frühmittelalterlichen Besitzübertragungen an die Kirche, dans F. Seibt, Gesellschaftsgeschichte. Festschrift für K. Bosl zum 80. Geburtstag, t. 1, Munich, 1988, p. 417-438. N. Warlop, Les fondations de monastères féminins saxons du viiie au début du xie siècle, Mémoire de maîtrise sous la direction de R. Le Jan, Lille 2001.
64 K. Leyser, Herrschaft und Konflikt, p. 91-99
65 Selon Alpert de Metz (De diversitate temporum, I, 2) le remariage d’Adèle de Hamaland, veuve en premières noces du comte Immed, apparenté à la famille royale, avec Baldéric, de naissance douteuse, aurait suscité une vive opposition de sa sœur qui l’aurait accusée de « dégénérer » leur famille.
66 Bien que certains récits hagiographiques mettent encore en avant le topos du refus du mariage cf. selon la Fundatio monasterii Schildecensis (source du xiiie siècle, il est vrai mais sans doute écrite à partir d’un noyau dur plus ancien, cf. M. Parisse, « Des veuves au monastère », dans Id. Veuves et veuvage dans le haut Moyen Âge, Paris, 1993, p. 259) Marcswide, riche veuve, aurait dû lutter contre ses héritiers proches avant de réussir à fonder son monastère de Scildesche (mgh SS XV, 2, p. 1046).
67 P. Corbet., « Pro anima sua. La pastorale ottonienne du veuvage », dans M. Parisse éd., Veuve et veuvage au haut Moyen Âge, Paris, 1993, p. 233-254. En parallèle se développe le modèle de la sainte épouse cf. Id., Les saints ottoniens. Sainteté dynastique, sainteté royale et sainteté féminine autour de l’an Mil. (Beihefte der Francia 15), Sigmaringen, 1986.
68 Lorsqu’en 929, le roi Henri Ier constitue pour son épouse Mathilde un accroissement de dot, l’acte précise que la donation ne vaudra qu’à la condition qu’elle ne se remarie pas, si elle devenait veuve : éd. Th. Sickel, Die Urkunden Conrad I, Heinrich I und Otto I, mgh Die Urkunden der deutschen Könige und Kaiser, t. 1, Hanovre, 1879-1884, no 20, p. 55-56.
69 Pour la Saxe, K. Leyser, Herrschaft, p. 100-103.
70 J. Jahn, Tradere ad sanctum : Politische une gesellschafliche Aspekte der Traditionspraxis im agilolfingischen Bayern, dans F. Seibt éd., Gesellschaftsgeschichte. Festschrift für K. Bosl zum 80. Geburtstag, t. 1, Munich, 1988, p. 400-416.
71 P. Geary, La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire, Paris 1996.
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