7. Le virage vers les questions de sécurité de l’aide publique au développement
p. 241-263
Texte intégral
Au même titre que le marabout moderne des villes africaines exploite la crédulité […] des individus, le système maraboutique du développement exploite la pauvreté des pays africains et leur croyance […] dans le système qu’ils croient encore maraboutique, alors qu’il est marchand.
Mbaya Kankwenda
1Mbaya Kankwenda, par sa belle métaphore du marabout, soutient qu’il existe actuellement un véritable marché du développement. Tout en partageant cette vision et en la gardant en filigrane de notre analyse du virage vers la sécurité de l’aide publique au développement (APD), il apparaît que ce « système marchand » qui caractérise l’aide a en quelque sorte été constitué ainsi. En effet, la nature du système international, le rôle primordial des grandes puissances et leur poids systémique sur le fonctionnement des organisations internationales et nationales tendent à déterminer non seulement les diverses strates de l’aide au développement en tant que tel, mais aussi l’aide en général1. Suivant cette conjoncture, les intentions prétendument magnanimes des pays donateurs n’ont en fait que rarement été désintéressées, l’APD n’étant pas uniquement le fruit de conceptions philanthropiques de la part des pays développés. Elle est aussi un instrument de promotion et de défense de leurs intérêts, qui s’articule autour de deux grands axes indissociables : la prospérité des pays donateurs et leurs programmes de sécurité nationale et internationale (Alastair, 2005).
2Il n’est guère possible de prétendre à l’exhaustivité d’un sujet particulièrement vaste et complexe tel que l’aide in fine. Nonobstant, afin de pouvoir affirmer que l’aide au développement a pris aujourd’hui un virage vers des questions de sécurité et qu’elle est en quelque sorte devenue un outil dans l’arsenal de la lutte contre le terrorisme international, il est indispensable de retracer brièvement l’historique de cette forme de relation internationale. Une mise en perspective et une contextualisation sont en effet indispensables à une bonne compréhension de cette tendance, celle-ci s’inscrivant dans des idéologies et des pratiques qui ne sont pas foncièrement nouvelles. La philosophie de la coopération internationale s’insère, encore et toujours, dans les objectifs et les intérêts des grandes puissances soulevés précédemment, mais qui se déclinent depuis le 11 septembre 2001 dans une logique du « tout terrorisme » qu’il s’agit de combattre par tous les moyens. Objet d’une inflation sémantique et d’un amalgame conceptuel, l’aide au développement tend aujourd’hui à être enchâssée dans le paradigme du « avec ou contre nous » de la sécurité internationale. Au nom de cette dernière, non seulement les fonds alloués à la défense explosent, mais les militaires puisent également dans des fonds civils et, comme ils remplissent des tâches traditionnellement dévolues à l’aide internationale – à l’instar des Forces armées canadiennes en Afghanistan –, les maigres enveloppes de la coopération internationale sont ainsi détournées afin de lutter contre une menace sournoise et diffuse, reléguant du même coup les Objectifs du Millénaire aux calendes grecques.
3Dans un premier temps, nous ferons un survol de la genèse de l’aide. Ceci nous permettra de comprendre son articulation, qui en fait un produit de « consommation » qui va servir les intérêts économiques, politiques et stratégiques des pays du Nord. Le cadre conceptuel de l’aide au développement ainsi posé, nous analyserons le glissement de l’APD vers le sécuritaire, et nous verrons que la guerre au terrorisme international devient le point d’ancrage des nouvelles stratégies de coopération au développement, comme le préconise, entre autres, le Comité d’aide au Développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Suivant ces réflexions, nous verrons qu’en ce début de XXIe siècle émerge un nouveau consensus : New York, symbole du terrorisme international, accélérateur de ce virage sécuritaire.
L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : UN OUTIL STRATÉGIQUE
4Si l’on considère la genèse historique de l’aide, on constate que, dans un premier temps, des acteurs privés externes se sont attachés à porter secours aux victimes et ont tenté d’atténuer les conséquences immédiates des crises2. Les États, en revanche, seront plus lents à s’impliquer et la pratique de l’aide bilatérale et multilatérale ne se réalisera qu’au début du XXe siècle, l’ONU devenant en quelque sorte le catalyseur de l’action humanitaire et de l’aide au développement3. L’aide au développement émerge donc à la suite de la Seconde Guerre mondiale, d’une part, avec la création des institutions financières internationales issues des accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944, et d’autre part, avec l’élaboration du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe dévastée, mis en œuvre le 5 juin 1947.
5Cependant, le plan Marshall n’est pas magnanime et s’inscrit comme une nécessité économique et politico-stratégique de l’après-guerre. Sur le plan économique tout d’abord, cette reconstruction européenne doit « fournir des débouchés au gigantesque potentiel américain de production qu’il [faudra] reconvertir » (Rist, 1996 : 116). Sur le plan politico-stratégique ensuite, les prétentions soviétiques sur l’Europe font de la reconstruction de l’Europe de l’Ouest un outil essentiel à la lutte contre le bloc soviétique en formation. Cette importance ne fera d’ailleurs que s’accentuer tout au long de la Guerre froide, à tel point que l’aide au développement devient, dès les années 1950, un enjeu de la rivalité entre les deux blocs, bref, « un des instruments de la cohésion des réseaux d’alliances et de maintien des zones d’influence » (Jacquet, 2002)4. En effet, cette déviation était déjà inscrite au programme des institutions financières internationales qui, selon Pierre Mouandjo, visaient à « ouvrir aussi largement que possible la porte des marchés des empires coloniaux au commerce et aux investissements privés du monde occidental qu’elle [la Banque mondiale] a mission de promouvoir exclusivement » (Mouandjo, 2002, tome 1 : 165).
6À la lumière de ce bref retour historique aux sources de l’aide, il n’est donc pas erroné de prétendre que la forme marchande – mise en relief par Kankwenda – se retrouve dans l’esprit même des institutions financières internationales, puisqu’elles « sont totalement inféodées à la théorie du marché et de la concurrence » (Maillard, 1998 : 90). Il est dès lors évident que les relations dites d’aide au développement sont biaisées par la nature même du système capitaliste au sein duquel elles ont vu le jour et qui les contrôle5. L’aide ainsi accordée, sous forme de don ou de prêt, est très souvent exogène pour l’économie des pays récipiendaires, car les dons ou les prêts sont, si ce n’est toujours, du moins dans la vaste majorité des cas, « conditionnés à des livraisons ou des prestations du pays qui aide » (Maillard, 1998 : 107). La déclaration du général de Gaulle résumait bien cette perspective : « Cet argent que nous donnons pour l’aide aux pays sous-développés n’est de l’argent perdu à aucun point de vue. Je considère que c’est un très bon placement » (De Gaulle en 1971, cité par Mouandjo, 2002, tome 2 : 197).
7Et pourtant, les années 1960 furent consacrées au développement : la résolution onusienne 1522 préconisait que le courant de l’assistance devrait atteindre 1 % du total des revenus nationaux (PNB)6. Loin de cet objectif, l’ONU fixe dès 1970 la contribution à 0,7 % du PNB en faveur de l’APD (Pearson, 1969). À partir de cette période, les flux nets de l’APD ont sensiblement progressé, en particulier dans les années 1970 et 1980, pour connaître une forte baisse dans les années 1990, se redressant seulement en fin de période. En valeur nominale, l’APD atteignait 69 milliards de dollars US en 2003, une progression de plus de 10 milliards par rapport à 2002. Toutefois, comme l’indique le CAD, environ 7,9 milliards de dollars US « sont imputables aux effets conjugués de l’inflation et de la baisse de la valeur extérieure du dollar » (OCDE, 2003a). De plus, si en 2005 l’APD dépassait les 100 milliards de dollars US, sur cette augmentation de 26,9 milliards de dollars US par rapport à 2004, pas moins de 85 % étaient consacrés à l’annulation de la dette de l’Irak et du Nigeria, pays éminemment stratégiques pour leurs ressources pétrolières7. Le CAD notait enfin que « la guerre contre le terrorisme a également contribué à gonfler les apports d’aide8 » (OCDE, 2003a).
8Il convient néanmoins de comparer les sommes nettes déboursées par rapport au pourcentage du PNB, car, en termes relatifs, l’aide engagée ne cesse de diminuer. Il en va de même pour le Canada. Ainsi, l’aide canadienne a quasi constamment été en perte de vitesse au cours des dernières décennies, pour passer de 0,53 % en 1975 à 0,45 % en 1990, puis à 0,27 % de son PNB au début du deuxième millénaire. L’objectif du 0,7 % préconisé par l’ancien premier ministre du Canada, Lester B. Pearson, est donc encore loin d’être atteint (voir Tableau 7.1).
TABLEAU 7.1. Aide publique au développement – pourcentage du Produit national brut

Source : OCDE 2003, <http://www.oecd.org/dataoecd/19/51/34352612.pdf>.
LE « CONSENSUS DE NEW YORK » OU LES ENJEUX DE LA SÉCURITÉ
9Le financement de l’aide au développement est, en ce début de XXIe siècle, dans une situation dichotomique : les ressources destinées à l’aide stagnent, voire diminuent dans certaines régions, alors que les besoins humanitaires augmentent. Conséquemment, malgré les milliards injectés dans les pays en développement, on assiste à l’avancée de la pauvreté et non à son recul. À cette situation déséquilibrée et précaire, les attentats du 11 septembre 2001 ont non seulement provoqué des dommages considérables et un choc traumatique important, mais ont également servi de catalyseur et déclenché une armée de mesures répressives sans précédent. Même s’ils relèvent d’une logique radicalement différente de celle du sous-développement, ces attentats terroristes ont ainsi eu pour effet de renforcer « l’importance politique et stratégique de ce thème », et par là même de créer un lien entre ces deux problématiques (Jacquet, 2002 : 124).
10Les actes perpétrés le 11 septembre 2001 au cœur même de l’hyperpuissance mondiale ont fait prendre conscience au monde de la vulnérabilité des États-Unis. Au-delà de ce séisme, ces attaques contre les symboles de l’hégémonie occidentale représentent pour certains experts plus qu’une rupture : elles consacrent le renversement de l’ordre mondial post-bipolaire9. Pour nombre d’Américains, auxquels s’ajoutent des millions d’Occidentaux, le terrorisme est apparu comme une « nouvelle » menace qui peut surgir de n’importe où, contre n’importe qui.
11Mais le choc du 11 septembre découle plus d’une perception de nouveauté que d’une nouveauté en tant que telle : le terrorisme comme forme de violence politique existe depuis fort longtemps. Cette perception, amplifiée par la magnitude des évènements, « a appris à l’Amérique que certaines hypothèses si confortables du monde globalisé n’ont pas cours dans les milieux terroristes » (Kissinger, 2003 : 322). Comme le conclut Thomas Copeland, « les orientations qui se dégagent du terrorisme suivant la fin de l’ordre bipolaire marquent [ainsi] plutôt une évolution qu’une révolution » (cité par Deschênes, 2002 : 22).
12Malgré ce constat, de New York à Bagdad, les États-Unis sont en guerre, aux sens propre et figuré du terme. Ce faisant, tout est envisagé au travers du prisme de la sécurité nationale, et cela tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Usant de leur influence dans les forums internationaux, les États-Unis infléchissent incontestablement l’agenda international et la vision du monde, ce monde en désordre dont il faut se protéger et dont les États défaillants ou en faillite ont une importance qui va largement au-delà des questions humanitaires et de développement. Ainsi, depuis septembre 2001, aux priorités en matière d’aide au développement se sont superposés les intérêts des donateurs en ce qui concerne la sécurité, modifiant conséquemment la liste des pays prioritaires et les sommes allouées. Ceci marque l’avènement du consensus de New York10.
13Du côté canadien, si l’on constate d’emblée un certain consensus sur le concept de sécurité humaine, concept qui fait son chemin tant au MAECI qu’à l’ACDI, force est de constater que la pression en ce qui concerne la sécurité renforce les liens entre les interventions de lutte au terrorisme et les investissements d’aide internationale mentionnés précédemment. Alors que les États-Unis ont refaçonné l’USAID dans le but d’établir des liens plus étroits avec le Département d’État, le Canada n’est pas en reste. C’est ainsi que, depuis 2002, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) a élargi son mandat pour « appuyer les efforts de la communauté internationale en vue de réduire les menaces à la sécurité sur la scène internationale et au Canada » (CCCI, 2006). L’ACDI déclare, entre autres, avoir pour mandat de voir aux « intérêts canadiens » en matière de prospérité et de gouvernance, mais également de sécurité. Par ailleurs, la première Politique de sécurité nationale du Canada, publiée en avril 2004, proposait que l’aide au développement joue un rôle dans la sécurité internationale11,
L’AMALGAME ENTRE SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT
14Paradoxalement, il n’existe pas de définition consensuelle du terrorisme. Les définitions restent des énumérations souvent longues et toujours alambiquées12, ce qui, comme le souligne Smouts, Battistella et Vennensson, traduit l’impossibilité d’appréhender le phénomène « en tant que représentation abstraite et homogène » et dénote une certaine perplexité et d’un désarroi face à ce phénomène (2003). Or, on observe depuis septembre 2001 un glissement du discours vers une logique du « tout est terrorisme ». Ce glissement sémantique n’est pas sans répercussion et, en avril 2003, le CAD a introduit un nouveau « document de référence » intitulé Inscrire la coopération pour le développement dans une optique de prévention du terrorisme qui, dans les termes de son président Richard Manning, se veut être un outil qui devrait permettre de « guider les initiatives prises par la communauté internationale et les gouvernements face au lien entre terrorisme et développement, et donner une idée de la manière dont les programmes des donneurs pourraient être conçus ou adaptés afin d’en tenir compte » (OCDE, 2003b : 3).
15Dans l’atmosphère post-11 septembre, il n’est en soi pas vraiment surprenant de retrouver en bonne place, dans un ouvrage portant sur l’aide au développement, la lutte contre le terrorisme13. Ceci étant, la question qui retient notre attention ici est celle de la construction du lien entre terrorisme et (sous-) développement. Un élément de réponse est d’ores et déjà donné par le CAD lui-même : « Si le terrorisme international a des causes complexes, les motivations de ses acteurs et le choix de ses théâtres d’opérations ne sont cependant pas sans lien avec les problèmes de développement » (OCDE 2003b : 3). C’est donc dans les motivations terroristes et dans les théâtres d’opérations que nous devons nous plonger pour analyser ce lien de cause à effet.
16Abordons tout d’abord la question des motivations. Le terrorisme, en tant que violence politique organisée, a des formes et des idéologies assez clairement identifiables (Wieviorka, 2002 : 30). Nonobstant, et au risque de schématiser un phénomène particulièrement complexe, le terrorisme issu de l’islamisme radical ne semble pas être le vecteur d’une véritable idéologie qui sous-tend un projet politique défini, mais il s’apparente plutôt à un extrémisme dont la vision du monde se réduit à une dichotomie qui passe par l’aliénation de l’autre. Ses disciples sont « animés d’une vision transcendantale exclusive » (Clausewitz, 1999 : 51), qui est à la base de la formation d’une idéologie extrémiste manichéenne, où le rejet du monde occidental est total et la violence suicidaire sans précédent (Heisbourg, 2002 : 28)14. La violence particulièrement dévastatrice ne revêt plus d’aspiration politique, mais devient métapolitique, « portée par des significations qui subordonnent le politique au religieux » et avec un « projet allant bien au-delà de toute tentative de prise du pouvoir […], une croisade, le djihad du bien contre le mal » (Wieviorka, 1999 : 32-37). Cette violence ne s’inscrit donc pas dans une logique que le développement pourrait contrecarrer.
17Un détour par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est très instructif pour aborder le second postulat du CAD : les théâtres d’opérations (2004 : 279). Nous l’envisageons ici dans une double perspective, d’une part, comme constituant le « terreau fertile » où se génère et se développe la vocation terroriste et, d’autre part, comme le lieu où s’exprime et agit le terrorisme. Des 36 pays ayant un faible développement humain selon le rapport du PNUD, 32 sont situés en Afrique15 ; aucun ne se situe dans « l’axe du mal ». Et parmi les quatre pays les « plus pauvres », on retrouve Haïti, le Timor oriental, le Yémen et le Pakistan.
18Suivant cette catégorisation, il est relativement clair que les pays les plus pauvres et les moins avancés ne sont pas les plus grands pourvoyeurs de terroristes, de même que, hormis les attentats perpétrés à Nairobi, Dar Es-Salaam, Aden et Bali, qui visaient au demeurant les intérêts américains et australiens, ces pays ne sont pas non plus les cibles privilégiées des terroristes. Le CAD reconnaît cet état de fait : « Même si la plupart des pays pauvres ne connaissent pas le terrorisme, ne sont pas des pourvoyeurs de terroristes et ne soutiennent pas les terroristes […] il n’en est pas moins essentiel d’unir les efforts de lutte contre la pauvreté et contre le terrorisme » (OCDE, 2003b : 3).
19Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté. La lutte contre la pauvreté et le terrorisme sont en effet des objectifs autant louables que nécessaires. Ceci étant, où est donc le lien entre terrorisme et développement, puisque ce qui est annoncé au tout début du document Inscrire la coopération pour le développement dans une optique de prévention du terrorisme est réfuté ensuite dans l’argumentation ? Comme le souligne Brian Tomlinson, le fait que le terrorisme soit devenu la préoccupation majeure des gouvernements et en premier lieu celui des États-Unis,
semble fondé non pas sur une analyse géopolitique de la menace […] mais sur un ensemble de « jugements moraux » idéologiques et apocalyptiques, issus en grande partie de la vision imposée par une faction très puissante de l’administration américaine actuelle très pressée d’affermir la suprématie des États-Unis dans le monde16.
20Pour les membres du CAD, qui ont endossé ce rapport, « [l] e terrorisme est une forme de conflit violent, or la prévention des conflits fait partie intégrante de la lutte contre la pauvreté » (OCDE, 2003b : 11). C’est donc un lien entre la pauvreté et le terrorisme qui se fait au travers de la notion de conflit. En jonglant avec des concepts et des problématiques fort complexes, le CAD facilite donc la légitimation d’actions multiples menées par les pays donateurs sous le libellé d’aide, alors qu’il s’agit de mesures relevant essentiellement de la sécurité17. Dans un rapport subséquent, le CAD soulignait une nouvelle fois l’articulation entre le développement et la sécurité, cette dernière s’étant « affirmée comme un enjeu décisif pour le développement » (OCDE, 2004 : 2). Mais le lien reste simple :
Se protéger de la violence est fondamental pour pouvoir lutter contre la pauvreté et atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et, de façon plus large, pour instaurer un développement économique, social et politique durable. Un conflit violent qui éclate, que ce soit à l’intérieur d’un pays ou entre plusieurs pays, porte immanquablement un coup d’arrêt au développement. (OCDE, 2004)
21Voilà des raccourcis utiles, mais réducteurs, car, comme le souligne le rapport, il faut en effet « atténuer le risque, bien réel, que l’aide au développement devienne “seulement” un instrument au service d’intérêts géopolitiques et/ou militaires » (OCDE, 2003b : 20). Mais comme nous l’avons vu précédemment, le système étant, dès sa genèse, vicié, il est peu probable que la philosophie libérale qui structure les programmes d’aide au développement, de même que les intérêts des grandes puissances se transforment dans un avenir proche : « Les gestionnaires de l’aide doivent accepter le fait que toute aide revêt un caractère politique » (OCDE, 1999 : 4). Même s’il ne faut pas généraliser sur la base d’un exemple, notons que le CAD lui-même reconnaît, dans le cas de l’Afghanistan (étude qui porte sur 1989-1999), que les tentatives d’utiliser l’aide pour influencer la politique n’ont pas été efficaces, et le rapport de poursuivre : « Ce n’est pas surprenant […] une leçon-clef est que ces fournisseurs d’aide devraient être plus modestes de l’influence qu’ils peuvent espérer exercer sur un conflit par l’aide18 » (OCDE, 2002 : 6).
22Le Canada quant à lui ne fait pas exception. En Afghanistan, par exemple, on observe un programme hybride où les actions humanitaires et militaires sont intégrées : on assiste à une « militarisation » conceptuelle et opérationnelle de l’action humanitaire. À travers cette coopération civilo-militaire (COCIM), les Forces canadiennes, qui en sont responsables, ont entrepris plusieurs interventions à caractère humanitaire et financées par l’ACDI. Cette stratégie du gouvernement du Canada, appelée « démarche 3D », a uni les fronts de la diplomatie, du développement et de la défense par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), de l’ACDI, et du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes (MDN/FC)19. Dit autrement, le champ de bataille du XXIe siècle n’est plus strictement réservé aux soldats et une coopération civilo-militaire améliorée y joue un rôle essentiel. Cette approche est particulièrement critiquée par les ONG qui considèrent que l’intrusion du militaire dans la zone humanitaire nuit à l’impartialité de l’intervention et génère des tensions entre les populations et les fournisseurs d’aide en place.
23Ainsi, sur l’expérience du Canada en Afghanistan, le CCCI expose les risques suivants qu’entraîne la combinaison des rôles des militaires et des civils sous une seule et même structure de commandement20 :
- L’absence d’une distinction claire entre activités militaires et activités de développement met en péril les destinataires de l’assistance aussi bien que les travailleurs humanitaires. En effet, ceux-ci deviennent la cible d’attaques parce qu’une faction les croit de connivence avec le parti adverse.
- Le personnel militaire change tous les six mois. Les soldats ne restent pas assez longtemps sur place pour devenir efficaces dans le domaine du développement local. Les Canadiens ne doivent pas recevoir des informations trompeuses quant à l’incidence qu’ont sur le développement les activités de relations publiques destinées à gagner l’appui des populations canadienne et afghane à l’égard de l’armée.
- L’aide humanitaire est parfois utilisée à des fins militaires, pour inciter la population à rallier l’un des camps en présence. Il arrive même que l’aide se fasse en échange de renseignements. Ce genre d’arrangement peut être tacite ou explicite ; dans un cas comme dans l’autre, la population est mise en danger.
L’AIDE PUBLIQUE (AU DÉVELOPPEMENT) À LA SÉCURITÉ
24Comme postulé précédemment, l’aide a essentiellement été au service des pays donateurs, soit comme instrument stratégique sur la scène géopolitique internationale, soit comme un « système marchand », voire les deux dans bien des cas21. Le virage vers la sécurité post-11 septembre n’est donc pas une transformation fondamentale des objectifs premiers qui la sous-tendaient auparavant. Avec ses lignes directrices, le CAD ne fait que reclasser les multiples priorités de ses membres, le Canada ne faisant pas exception. Ainsi, les objectifs hautement prioritaires de sécurité sont bon gré mal gré partagés par les donateurs et imposés aux pays récipiendaires qui ne peuvent se permettre le luxe d’être ostracisés. Les Objectifs du Millénaire risquent ainsi d’être éclipsés, et les stratégies préconisées pour prévenir et résoudre les conflits, détournées22. En revanche, déjà disproportionnés dans le passé, les budgets alloués à la sécurité nationale et internationale ne semblent pas souffrir de limite, à l’instar de celui des États-Unis (voir Tableau 7.2), et celui du Canada, certes dans des proportions moindres, suivant la même tendance à la hausse (voir Tableau 7.3).
TABLEAU 7.2. Budget des États-Unis, par agence

Source : Budget US FY 2006, <http://www.gpoaccess.gov/usbudget/fy05/sheets/hist04z1.xls>.
TABLEAU 7.3. Remplir nos obligations internationales – objectifs du Canada

Source : Budget du Canada 2005 <http://www.fin.gc.ca/budget05/pdf/bp2005f.pdf>.
25De longue date déjà, le gouvernement américain et, dans son sillage, le Canada et les autres membres du CAD insistent particulièrement sur l’efficacité de l’aide qui est déboursée, une efficacité dont les objectifs sont essentiellement orientés vers l’insertion plus grande des économies nationales au sein de l’économie mondiale. Cette philosophie est aujourd’hui doublée de la lutte contre le terrorisme23. Dans ces termes, le développement dirigé dans la « guerre contre le terrorisme » ne semble pas vraiment s’insérer dans l’objectif de réduction de la pauvreté, mais reste en droite ligne des objectifs stratégiques tels qu’ils ont toujours été envisagés24. Il suffit pour s’en convaincre de mentionner la (nouvelle) philosophie qui imprègne les objectifs de l’USAID, et dont son administrateur, Andrew Natsios, se fait le porte-parole et le défenseur : « La guerre à la terreur a mené à un élargissement du mandat de l’USAID et a poussé l’Agence dans les situations qui vont au-delà de son rôle traditionnel d’aide humanitaire et d’aide au développement25 ».
26Le cas du Canada, directement influencé par son puissant voisin du Sud, est illustratif de ce virage vers la sécurité. Et pourtant, en l’absence de passé colonial, pays riche en matières premières et bénéficiant de conditions géographiques favorables à une production agricole excédentaire, le Canada peut jouer un rôle moteur dans l’aide aux pays en développement sur la scène internationale. La politique du Canada en matière d’aide au développement, son engagement dans les actions d’aide d’urgence et son rôle indéniable de promoteur de normes internationales en faveur du respect des droits de la personne (sécurité humaine, traité d’Ottawa, responsabilité de protéger) confirment cette volonté d’engagement international. La mise en avant de cet avantage comparatif dont peut se prévaloir le Canada lui permet ainsi de réaffirmer son attachement à des valeurs fondamentales de respect des droits de la personne et le positionne ainsi comme garant et promoteur de ces valeurs fondamentales26.
27Le discours magnanime du Canada va cependant au-delà de ses engagements concrets et de ses actions bilatérales et multilatérales dans les domaines de l’aide. Empreint d’humanisme, il donne bonne conscience à l’élite politique en place et conforte la population en général dans son idée que le Canada est « généreux » à l’égard des pays et des populations les plus démunies, alors que sur le terrain, la réalité n’est pas à la hauteur des prétentions canadiennes. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la mise en parallèle des promesses canadiennes ne cache guère la réalité de la question de sécurité internationale et canadienne27.
« AVEC OU CONTRE NOUS »
28Si cette réalité n’est pas en soi nouvelle, le phénomène, qui va s’accentuant, est inquiétant. Ce qui l’est cependant encore plus, c’est l’amalgame que nous avons évoqué précédemment entre la lutte contre le terrorisme, les conflits et le développement. Mais comme si les Tableaux 7.2 et 7.4 ne suffisaient pas à illustrer la nécessité d’une séparation claire entre les allocations à des fins de sécurité et celles à des fins de développement, les administrations justifient aujourd’hui des opérations politico-militaires dans une optique de développement, grugeant au passage des centaines de millions de dollars des enveloppes aux agences qui œuvrent en matière de développement. L’APD est ainsi subordonnée au nouveau paradigme du « avec ou contre nous ». Il ne suffit plus d’être un pays démuni pour attirer la sympathie des pays du Nord, mais il faut encore s’inscrire dans la logique de l’axe du bien luttant contre l’axe du mal. Une suggestion pour le moins laconique du rapport du CAD est particulièrement inquiétante et révélatrice : revoir les critères d’admissibilité à l’APD (OCDE, 2003b : 12 et 22). En 2005, emboîtant le pas, le Canada s’est associé avec d’autres membres du CAD pour inciter ce dernier « à élargir les critères de ce qui peut être considéré comme de l’APD, en particulier en ce qui concerne les aspects militaires et de sécurité des opérations de paix », alors que justement « l’aide militaire et les éléments d’application du maintien de la paix sont explicitement exclus de ces critères » (CCCI, 2006).
29Alors que le Nord pèse de tout son poids sur les gouvernements du Sud et prône la transparence et la bonne gouvernance, les premiers entretiennent un flou artistique bien pratique au sein de leurs budgets. Malgré le manque de clarté dans les prises de décision budgétaires des gouvernements donateurs, les deux exemples les plus significatifs sont sans conteste les opérations internationales en Afghanistan et en Irak (voir Tableau 7.4)28. Le bond de 10 milliards de dollars mentionné précédemment s’explique, entre autres, par les apports d’aide reçus par l’Afghanistan, qui ont été portés de 400 000 000 à 1,5 milliard de dollars US, et l’aide à l’Irak, qui est passée de 100 000 000 à 2,3 milliards de dollars US (OCDE, 2003a).
TABLEAU 7.4. Aide publique au développement ou guerre au terrorisme ?

Source : OCDE <http://www.oecd.org/dataoecd/40/30/34036257.xls>.
30Au Canada, pour le seul budget de l’ACDI, les engagements en Afghanistan et en Irak vont sans conteste affecter les programmes et les objectifs en faveur de la réduction de la pauvreté en Afrique et des « pays privilégiés ». Il ne s’agit pas ici de dénigrer les efforts entrepris pour le bien-être des peuples afghan et irakien, mais bien de montrer que sous le label de l’APD, les États poursuivent les objectifs qu’ils se sont fixés en termes de sécurité et non uniquement de réduction de la pauvreté, prétendu terreau fertile du terrorisme. Nous ne traiterons pas ici de l’efficacité de l’APD au développement dans la lutte au terrorisme, mais comme le souligne Brian Tomlinson, nous ne voyons « aucune affinité apparente entre les stratégies appropriées des donateurs visant à promouvoir la paix, à prévenir les conflits et à encourager la cohésion sociale et politique et les stratégies et pratiques de prévention et de lutte contre le terrorisme29 ».
31Si le terrorisme est une activité criminelle abjecte et répréhensible, force est en effet de constater que la lutte engagée par les pays occidentaux pour tenter de subjuguer ce fléau en vient à se substituer à l’aide au développement. Mais cette pratique est antinomique. En effet, les stratégies d’aide, de l’urgence au développement, préconisent à des degrés divers des mesures et des démarches qui devraient être fondées sur la justice et le respect des droits de la personne, dont l’objectif humaniste est orienté vers la sécurité humaine. En revanche, « la guerre » au terrorisme préconise le renforcement des infrastructures et des moyens militaires et policiers, dont l’objectif est orienté vers la sécurité nationale30. Nous sommes donc dans une situation fondamentalement paradoxale, qui juxtapose la préservation de la sécurité nationale par une utilisation de la puissance militaire, mais dans le cadre de situations de crise, qui requièrent parallèlement des actions orientées vers les causes profondes des conflits ou des déficiences socioéconomiques qui engendrent la pauvreté.
LE POUVOIR DES MOTS
32Selon Gilbert Rist, « l’exercice du pouvoir est lié à l’usage des mots : la rhétorique est l’art de persuader ; mieux vaut convaincre que recourir à la force » (Rist, 1996 : 125). Au tout début du XXIe siècle, cet adage semble avoir été entendu par les décideurs politiques et financiers des pays du Nord. Ils ont en effet entrepris d’élargir la réflexion sur les multiples questions directes et connexes liées à l’aide, en prenant en considération les attentes exprimées par l’opinion publique31.
33Nonobstant, les sceptiques souligneront que cet engouement mondial pour les questions liées à l’aide va rester figé dans des discours bienveillants, sans se concrétiser en actions tangibles et efficaces. En effet, dans les ténèbres de la guerre au terrorisme, l’aide internationale et conséquemment l’aide canadienne passent aujourd’hui par un alignement des pays en voie de développement sur le paradigme du « avec ou contre nous ». Alors que nous sommes déjà dubitatifs sur le bien-fondé des stratégies préconisées par les pays capitalistes pour résoudre les problèmes endémiques de pauvreté, l’atmosphère post-11 septembre est venue assombrir une situation d’ores et déjà complexe et compromise. Malgré le fait qu’il est difficile de décortiquer les lignes budgétaires des donateurs, à l’instar de l’approche pangouvernementale canadienne et du chevauchement des stratégies 3D, les diverses actions des membres du CAD confirment que la guerre au terrorisme ne passe plus uniquement par l’appareil militaire, mais également par son extension : la coopération internationale au développement.
34Dans cette logique, le CAD ne nous a pas convaincu en faisant un lien entre pauvreté et terrorisme au travers des conflits, et le Canada ne peut se référer à une « feuille de vigne humanitaire » pour évoquer des mesures relevant purement de la sécurité. Au contraire, l’amalgame simpliste de situations fort complexes permet aux pays donateurs de poursuivre leurs objectifs stratégiques au nom d’un hypothétique développement.
35L’exercice du pouvoir est donc lié autant à l’usage des mots qu’à celui de la puissance : la rhétorique étant l’art de persuader, et la force celui de convaincre. L’aide constitue ainsi, de gré ou de force, un instrument de promotion des intérêts des donateurs, les deux objectifs indissociables de prospérité et de sécurité nationale restant la priorité des pays du Nord. Le consensus de New York marque ainsi le virage vers la sécurité de l’aide publique au développement, consensus partagé également par le Canada.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Même si ce texte fait essentiellement référence aux grandes puissances capitalistes, l’APD allouée par les pays communistes (l’URSS pendant la Guerre froide, la Chine aujourd’hui) n’est pas dénuée d’intérêts politiques et stratégiques.
2 Apport que nous serions tenté d’appeler « aide d’humanité », d’essence altruiste et philanthropique dans sa version originelle du XIXe siècle.
3 Notons que la notion de développement est évoquée dans le préambule de la Charte de l’ONU, ainsi que dans son article 55. La première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies portant sur la question du développement est la résolution 198 (III) du 4 décembre 1948 : Développement économique des pays insuffisamment développés. Aux États-Unis, la question du développement est entérinée par le président Truman, dans le point 4 de son discours sur l’état de l’Union du 20 janvier 1949. Voir Rist, 1996 : 116-121.
4 Selon Jacquet, trois objectifs sous-tendaient l’aide au développement : 1) la préservation des intérêts géopolitiques ; 2) l’altruisme d’inspiration historique et humanitaire ; 3) la recherche d’avantages commerciaux pour les entreprises nationales (Jacquet, 2002 : 123-139). Le développement n’est finalement qu’un objectif secondaire. Dans l’esprit et les termes de Gilbert Rist, cette idéologie du développement n’est rien d’autre que la poursuite du colonialisme par d’autres moyens ; voir Rist, 1996 : 115 et suivantes.
5 Notons le poids des pays capitalistes dans le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour mieux comprendre qui dirige et impose sa vision. En prenant les membres du CAD (particulièrement représentatifs des lignes imposées en termes de développement), nous voyons la clef de répartition suivante en termes de quotes-parts payées déterminant le nombre de voix attribuées à un pays : Allemagne : 5,99 % ; Australie : 1,49 % ; Autriche : 0,86 % ; Belgique : 2,12 % ; Canada : 2,93 % ; Danemark : 0,76 % : Espagne : 1,40 % ; États-Unis : 17,09 % ; Finlande : 0,58 % ; France : 4,94 % ; Grèce : 0,38 % ; Irlande : 0,39 % ; Italie : 3,25 % ; Japon : 6,13 % ; Luxembourg : 0,13 % ; Norvège : 0,77 % ; Nouvelle-Zélande : 0,41 % ; Pays-Bas : 2,38 % ; Portugal : 0,40 % ; Royaume-Uni : 4,94 % ; Suède : 1,10 % ; Suisse : 1,59 % ; ce qui représente 60,03 % des votes. Les 50 % des quotes-parts, et donc des votes, sont déjà atteints avec les 10 plus grands contributeurs (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada, Pays-Bas, Belgique et Suisse). Voir <http://www.imf.org/external/np/sec/memdir/members.htm>, page consultée le 15 juin 2008.
6 Doc. off. NU 1522 (XV) du 15 décembre 1960.
7 L’annulation de la dette est certes une action favorable aux pays en développement, mais directement comptabilisée dans les sommes déboursées d’APD, elle biaise ainsi la réalité de sommes véritablement allouées.
8 Voir aussi OCDE (2004).
9 Par exemple, Bruce Hoffmann ou François Heisbourg, cité par Deschênes (2002 : 21).
10 Nous avons opté pour le terme de « consensus de New York », par analogie avec deux consensus précédents : le consensus de Washington qui émerge à la fin des années 1980 (Naim, 2000 : 87-103), puis le consensus de Monterrey de 2002 (voir le Rapport de la Conférence internationale sur le financement du développement, Doc. off. NU A/CONF 198/11 [2002]).
11 Voir le document en ligne : <http://www.securitepublique.gc.ca/pol/ns/secpol04-fra.aspx>.
12 Pour un exemple du flou qui entoure les définitions du terrorisme dans les textes internationaux, voir l’Article 2 de la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997, <http://0-untreaty-un-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/English/Terrorism/18-9fr.pdf>. Malgré ce flou entretenu, l’apposition de l’étiquette terroriste à certains actes de violence vise à leur ôter toute légitimité politique. (Münkler, 2003 : 167).
13 Soulignons d’emblée que ce document du CAD a été dirigé par Karin von Hippel, auteure d’un article qui met en doute le lien entre le terrorisme et la pauvreté, alors que ce lien est établi dans ce document du CAD ; voir Karin von Hippel (2002). Il en va de même pour Alan Krueger, cité par le CAD, qui doute aussi du lien ; à ce sujet, voir Alan Krueger et Jitka Malecková (2003). Il est également très intéressant de noter que les auteurs du rapport considèrent que la prise de conscience de l’existence d’un véritable terrorisme international s’est cristallisée avec les événements du 11 septembre 2001, postulant que, par le passé, le terrorisme prenait habituellement une envergure purement nationale ; voir OCDE (2003b : 10 et 22, note 1). Ce postulat est évidement faux. Voir Bruce Hoffman, qui situe l’internationalisation du terrorisme à la fin des années 1960 et au début de 1970 (1999 : 97).
14 Heisbourg parle de « terrorisme messianique universel ».
15 Nous avons choisi l’indice de développement humain (IDH), car il est plus représentatif des multiples facteurs qu’il s’agit de considérer lorsque l’on parle de développement.
16 Brian Tomlinson, Commentaire du CCCI, <http://www.ccic.ca/f/docs/002_aid_2003-11_ccic_commentary_dac_terror_prevention.pdf>.
17 Notons que dès 1999, le CAD suggérait « que l’APD soit étendue à de nouveaux domaines, y compris des secteurs politiquement sensibles comme le judiciaire et la sécurité » (OCDE, 1999 : 5) (nous soulignons).
18 Traduction de l’auteur.
19 Voir <http://www.canada-afghanistan.gc.ca/afghan-brochure-fr.asp>.
20 Voir la note d’information du CCCI, Le Canada en Afghanistan, <http://www.ccic.ca/f/docs/002_peace_2005-04-10_afghanistan_briefing_note.pdf>.
21 Voir par exemple Wolfgang Mayer et Pascalis Raimondos-Moller (1999). En résumé, et malgré l’aspect altruiste du donateur, ce dernier trouve un avantage économique dans son aide et les auteurs de citer un troisième élément : l’aide est déterminée au travers d’un processus politique interne au pays donateur, qui, dans une démocratie directe, pourrait profiter aux électeurs malgré une protection sociale réduite.
22 Objectifs du Millénaire, <http://www.un.org/french/millenniumgoals>. Les travaux au sujet de la prévention/résolution des conflits et du maintien de la paix sont nombreux. Voir le document du CAD de l’OCDE (2001). Voir également les divers travaux de l’ONU : Boutros-Ghali, 1992 ; 1994 ; 1996. Voir aussi l’excellent rapport onusien du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies, 2000, et le dernier rapport de Kofi Annan, 2001, ainsi que l’étude de la Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers, 1997.
23 Notons qu’en 2002, un groupe de sénateurs républicains et démocrates a déposé un projet de résolution recommandant que les États-Unis se servent de l’aide humanitaire et au développement dans leur lutte contre le terrorisme international, et de souligner que pour ce faire, l’USAID et le ministère de l’Agriculture « augmentent fortement leur aide humanitaire, leur aide au développement économique et leur aide agricole en vue de favoriser la paix et la stabilité internationales ». Voir la résolution 204 exprimant la recommandation du Sénat relative à l’importance des programmes d’aide à l’étranger des États-Unis en tant que moyen diplomatique de lutte contre le terrorisme mondial et de défense des intérêts des États-Unis en matière de sécurité, <http://usinfo.state.gov/regional/af/security/french/f2020707.htm>.
24 Dans le sillage de l’hégémonie américaine, et comme le préconise le CAD, les membres de l’OCDE ont également à leur agenda la priorité de la sécurité. Voir Reality of Aid (2004). Voir aussi Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2004), Bilan de l’aide 2004, <http://www.ccic.ca/f/docs/002_aid_roa_2004.pdf>, et le document de discussion du réseau Bond datant de juillet 2004 et intitulé Global Security and Development, <http://www.bond.org.uk/pubs/advocacy/gsdpaper.pdf>.
25 Voir le discours d’Andrew Natsios à Washington le 21 avril 2004, <http://www.usaid.gov/press/speeches/2004/sp040421.html>. En outre, l’objectif général de l’USAID est clairement affiché sur son site Web : « Through its economic assistance programs, USAID plays an active and critical role in the promotion of U.S. foreign policy interests » (<http://www.usaid.gov/locations/>).
26 Ce discours magnanime et avant-gardiste est omniprésent dans les rapports du Canada. Voir par exemple Agence canadienne de développement international (ACDI), 2002.
27 Le mandat de l’ACDI comprend également « [d’] appuyer les efforts de la communauté internationale en vue de réduire les menaces à la sécurité sur la scène internationale et au Canada ». Voir le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI, 2006).
28 Dans le Tableau 7.4, nous illustrons notre propos en mettant en perspective les montants globaux du CAD en faveur de ces deux pays, auxquels nous ajoutons les voisins immédiats (Jordanie et Pakistan, bases arrière militaires), ainsi que la Colombie ; ce dernier pays étant aussi une priorité de la lutte antiterroriste, on construit ici un lien entre drogue et terrorisme. Le cas du Pakistan est à cet égard particulièrement révélateur, non pas que la pauvreté ne soit pas en soi un problème, mais si le CAD souligne dans ces chiffres que l’aide allouée au Pakistan s’est maintenue entre 2 et 3 milliards de dollars en 2002-2004, il faut préciser qu’elle ne représentait que 703 000 000 $ en 2000. En effet, le pays subissait, avant le 11 septembre, une intense pression diplomatique de la part de la communauté internationale en raison du coup militaire de 1999, des violations des droits de la personne et des tests nucléaires. Le président Musharraf, en s’alignant sur les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme, aura en quelque sorte effacé son ardoise. Choyé par Washington, Islamabad peut également compter sur le soutien de l’Union européenne qui a annoncé le 29 avril 2004 une augmentation de son assistance au Pakistan (incluant l’aide au développement) en se référant spécifiquement au fait que le pays soutient l’effort international de lutte contre le terrorisme. Voir Asia 2003 de l’OCDE disponible en ligne à : <http://www.oecd.org/dataoecd/59/45/2352040.pdf>.
29 Brian Tomlinson, commentaire en ligne : <http://www.ccic.ca/f/docs/002_aid_2003-11_ccic_commentary_dac_terror_prevention.pdf>.
30 Nous ne pouvons débattre ici des concepts de sécurité (humaine, sociétale, nationale). À ce sujet, voir David, 2000 ; David et Roche, 2002 ; sur l’ambiguïté du concept de la sécurité humaine, voir Paris, 2001.
31 Nous en voulons pour preuve les Sommets du millénaire (2000), de Doha (2001), de Monterrey (2002), de Johannesburg (2002), qui illustrent l’importance de la réflexion engagée sur ce thème.
Auteur
Délégué du Comité international de la Croix-Rouge et a effectué de nombreuses missions en Afrique et au Moyen-Orient. Il occupe actuellement le poste de chef des opérations adjoint pour le Moyen-Orient. Chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Eric Marclay est titulaire d’une maîtrise en science politique (politique internationale et droit international) et a notamment publié La responsabilité de protéger : un nouveau paradigme ou boîte à outils, Sécurité nationale vs immigration : une violation du principe de non-discrimination.
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