3. Les organisations non gouvernementales canadiennes : bilan et perspectives
p. 111-139
Texte intégral
1Le 16 février 2003, au lendemain de la plus grande mobilisation pacifiste connue à ce jour, le New York Times titrait à la une qu’il existait désormais un véritable contre-pouvoir à l’hégémonie américaine, celui de la société civile mondiale1. Bien qu’il soit difficile de soutenir une telle thèse, ce contre-pouvoir reste immensément diffus et hétérogène, il n’en demeure pas moins qu’il existe aujourd’hui une variété d’acteurs non étatiques qui prennent position souvent quotidiennement sur une vaste série d’enjeux qui affectent autant les pays du Nord que ceux du Sud. Parmi ces acteurs, trois grands ensembles, les organisations non gouvernementales internationales (ONG), les réseaux de militants et les mouvements sociaux transnationaux sont particulièrement importants autant par leur capacité de mobilisation que par les liens qu’ils créent à travers les frontières et la compréhension commune qu’ils apportent des grandes problématiques de l’heure : l’environnement, la pauvreté, la souveraineté alimentaire, la condition féminine, les droits de la personne et, évidemment, la paix (Caouette, 2007 ; Tarrow, 2005).
2Les ONG de solidarité internationale constituent souvent la forme la plus institutionnalisée de ce vaste ensemble2. Au Canada, les ONG sont présentes sur la scène politique depuis plus de 60 ans. La formation de l’Unitarian Service Committee (USC-Canada), le 10 juin 1945, peut être considérée comme l’embryon d’un vaste mouvement de coopération internationale qui allait se développer de manière plus intense durant les années 1960 et 1970 (Sanger, 1986 : 40). Les ONG canadiennes de solidarité internationale font partie du secteur des organismes à but non lucratif qui regroupe approximativement
160 000 organisations de toutes tailles œuvrant dans tous les domaines, la coopé ration internationale représentant […] 1 % de leur nombre, 7 % de l’économie canadienne, mais 8,5 % en tenant compte de la valeur des deux milliards d’heures de services bénévoles rendus chaque année. (AQOCI, 2006 : 32)
3Selon Ian Smillie et Ian Filewood (1993), c’est l’un des plus hauts ratios d’ONG par habitant au sein des pays industrialisés. Grâce à un financement assuré bon an mal an par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et un appui généreux et régulier de la population (près de 973 000 000 $ en 2005 et 639 000 000 $ en 20043), les ONG canadiennes mobilisent plus d’un milliard de dollars en ressources financières pour l’appui de projets et d’organismes du Sud, et aussi pour la sensibilisation du public aux enjeux de solidarité internationale (Conseil canadien de coopération internationale, 2005 ; Institut Nord-Sud, 2006).
4Malgré les contraintes et limites associées à un financement étatique limité, les ONG tentent de faire avancer certaines normes et idées tant au Canada qu’à l’international. Ainsi, une de leurs plus grandes contributions ne se situe pas tant sur le plan des projets spécifiques, mais plutôt sur le plan du discours et de l’analyse critique du développement. En 2007, il n’est pas possible de conceptualiser le rôle du Canada sur la scène internationale sans prendre en compte le rôle des acteurs non étatiques au sein des relations transnationales.
5Si les ONG sont un élément bien ancré de la diplomatie non gouvernementale canadienne4, elles soulèvent néanmoins un nombre important de questions : quelle est la nature et quelles sont les caractéristiques les plus importantes de ces organisations ? Les ONG représentent-elles un élément réellement distinct et autonome de la diplomatie canadienne ? Avec l’essor de la mondialisation et l’émergence de grands mouvements sociaux mondiaux, quelle est la place des ONG et quelle est leur pertinence aujourd’hui ?
HISTORIQUE
6Saisir l’essor des ONG au Canada requiert une compréhension de la montée graduelle de l’internationalisme canadien à la suite des deux grandes guerres du XXe siècle. Issu des mouvements missionnaires d’assistance et humanitaires qui émergent en Europe durant la seconde moitié du XIXe siècle, notamment après des conflits tels que les guerres d’indépendance de la Grèce (1821-1830) et de Crimée (1853-1856), l’internationalisme canadien émerge dans la lignée d’organisations telles que Save the Children (créé après le conflit russe en 1919), Plan international (constitué en 1937 dans le contexte de la guerre d’Espagne), OXFAM (Oxford Committee for Famine Relief, initialement fondé en 1942 pour lutter contre la famine), puis CARE (Cooperative for American Remittances in Europe, établie en 1946) (Smillie 1999 : 71). Ainsi, les premières organisations non gouvernementales canadiennes s’inspirent largement de celles qui se mettent en place aux États-Unis et en Europe, mais aussi d’autres organisations internationales à caractère humanitaire5. Actuellement, plusieurs grandes fédérations internationales ont créé une division canadienne, tels OXFAM, Greenpeace, WWF, Médecins sans frontières, CARE et Save the Children6.
7Il faudra attendre les années 1960 et 1970 pour observer une véritable expansion dans le nombre et l’importance des ONG canadiennes. Deux facteurs expliquent largement cette expansion. Le premier, de nature structurelle, est intimement lié à la mise en place de sources de financement stable et récurrent de la part du gouvernement canadien (Spicer, 1966 : 210 ; Smillie, 1985 : 262). Avec la mise en place de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en 1968, en particulier son programme d’équivalence de fonds (matching funds)7, il devient beaucoup plus facile de créer des organisations véritablement canadiennes et québécoises, c’est-à-dire sans affiliation avec les grandes ONG internationales.
8Le second facteur déterminant est que de plus en plus de coopérants laïques et religieux reviennent de séjours à l’étranger et souhaitent poursuivre leur engagement pour le développement. La première génération d’organisations d’origine laïque, par exemple l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), le Canadian University Service Overseas (CUSO), et son pendant francophone le Service universitaire canadien outre-mer (SUCO), contribuera à mieux faire connaître ce qu’on appelle, depuis 1948, les pays en développement (Rist, 2001). De même, plusieurs organisations caritatives religieuses, telles que l’Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix, ainsi que le Primate’s World Relief and Development Fund (PWRDF) de l’Église anglicane, sont d’abord impliquées dans l’acheminement d’aide humanitaire et l’envoi de bénévoles. Ces deux secteurs d’activité caractérisent toujours une portion importante du travail des ONG. À la fin des années 1960, d’autres organisations d’envoi de coopérants, de bénévoles et d’étudiants vont naître, dont Jeunesse Canada Monde (JCM) et Carrefour canadien international (CCI).
LA CONSTITUTION DU SECTEUR DES ONG
9Il faut attendre les années 1970 pour voir se mettre en place ce qui ressemble le plus à la diversité actuelle du secteur des ONG canadiennes. Cette période constituera le début d’une forme d’âge d’or pour les ONG. Sous l’impulsion de l’internationalisme défendu par le premier ministre Lester B. Pearson, puis repris par la suite par Pierre-Elliott Trudeau, le Canada s’engage à s’impliquer de manière importante dans l’aide au développement. Comme le soulignait un rapport récent produit par l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) :
Outre la mise sur pied de l’ACDI en 1968, les fondations du programme d’aide du Canada ont été établies en 1970 avec le dépôt par le gouvernement d’un premier livre blanc en politique étrangère Politique étrangère au service des Canadiens, incluant un fascicule sur le développement international. C’est dans ce contexte que le gouvernement canadien a repris à son compte l’objectif d’allouer 0,7 % de son produit national brut à l’aide au développement. (AQOCI, 2006 : 5)
10Le programme d’aide canadienne prend donc son envol de manière plus significative durant les années 1970, l’aide publique au développement atteignant un sommet inégalé sur le plan du pourcentage du PNB, soit 0,53 % en 1975-1976, l’enveloppe budgétaire totale de l’ACDI dépassant le milliard de dollars pour la première fois en 1977-1978 (AQOCI, 2006 : 5).
11Cet influx de ressources de la part de l’État canadien et une préoccupation croissante de la part de la population canadienne en matière de développement (Smillie, 1998 : 55 ; Lavergne, 1989 : 25) expliquent qu’en 1988, on estimait le nombre d’ONG canadiennes à vocation internationale à près de 220, ce chiffre variant selon les critères retenus (Smillie, 1999 : 72). En utilisant les données sur l’aide canadienne pour 1984-1985, Tim Brodhead et Brent Herbert-Copley estiment que l’ensemble du financement public et privé reçu par les ONG correspond alors à près de 525 000 000 $, ce qui représente à l’époque approximativement 22 % du total de l’aide canadienne au développement (1988 : 24). Selon ces mêmes auteurs, l’augmentation du nombre de nouvelles ONG de 1960 à 1980 est de 530 %, ce nombre passant de 25 à 127 en 20 ans (Brodhead et Herbert-Copley, 1988 : 21, Figure 2.4). De plus, le secteur des ONG prend de l’importance en termes de personnel : pour l’année 1985-1986, environ 2 400 personnes travaillent à temps plein au Canada pour des ONG. Si on y ajoute le nombre de personnes à l’étranger et tous les bénévoles impliqués dans une panoplie d’activités au Canada et à l’étranger, on parle d’environ 35 000 personnes8.
12Sur le plan du financement, un scénario similaire s’observe. Durant la période de l’augmentation de l’APD, soit au cours des années 1970 et 1980, l’ACDI choisit d’appuyer financièrement les ONG non plus seulement sur la base d’une équivalence des fonds, mais plutôt sur une base pluriannuelle et sur la base de programmes plutôt que de projets. Comme le soulignent Brodhead et al., en 1985-1986, près des deux tiers du financement des ONG provenant de l’ACDI s’effectuent sous la forme de financement pluriannuel (1988 : 14). À cette époque, la part de l’APD commence à atteindre un plateau autour de 0,5 % du PNB.
13Autre caractéristique de cette époque : la diversification des activités des ONG. En plus des secteurs traditionnels d’envoi de secours humanitaire d’urgence et d’assistance matérielle, les ONG sont de plus en plus impliquées dans la mise en place de projets de développement, l’envoi de coopérants, ainsi que dans différentes formes de parrainage. Cependant, la mise en place de projets constitue l’activité la plus importante (plus de 58 %), l’envoi de coopérants et de bénévoles venant loin derrière avec près de 13 % et l’aide d’urgence avec 10,5 %. Sur le plan des domaines et des régions géographiques, on peut aussi observer une autre forme de diversification. L’Asie, la première région en importance au cours de la première moitié des années 1960 (Morrison, 1998), recevant autour de 40 % de l’aide des ONG, perd peu à peu de sa prédominance. Dans plusieurs cas, les pays du Commonwealth étaient également favorisés, puis, un peu plus tard, avec la montée du nationalisme québécois et la valorisation de l’idée de la francophonie, les pays africains francophones ont été intégrés à l’aide canadienne. À la fin des années 1980, l’Afrique et l’Amérique latine se partageaient près de 38 % de l’aide publique au développement du Canada.
LA DÉCENNIE PERDUE DES ONG : 1990
14Quoique de nombreux pays du Sud aient connu une série difficile de programmes d’ajustement structurel au cours des années 1980 – qu’on appelle souvent la décennie perdue –, ce sont toutefois les années 1990 qui seront les plus difficiles pour nombre d’ONG canadiennes. Il s’agit en effet de la période où le gouvernement canadien entreprend une série de compressions budgétaires dans son programme d’aide au développement. En effet, l’aide publique au développement, comme les dépenses publiques en général, connaît alors d’importantes compressions dues aux efforts de réduction du déficit public entrepris au début des années 1990 (Smillie, 1998 ; Rath, 2004). À partir de 1992-1993, on assiste au déclin graduel du pourcentage d’aide allouée (Boulanger, 2003 : 53-62), déclin qui se poursuivra pendant près d’une dizaine d’années. Il faudra attendre l’année financière 2002-2003 pour assister à une remontée timide (AQOCI, 2006 : 33).
15Par ailleurs, au cours de cette période, le Canada met de l’avant pour la première fois un énoncé exhaustif sur sa politique étrangère, intitulé Le Canada dans le monde (1995). Ce faisant, le gouvernement canadien tente d’injecter plus de cohérence à l’ensemble de sa politique étrangère dans le contexte de l’après-Guerre froide (Rudner, 1996). Ainsi, le gouvernement note : » [L]’État, principal acteur de la scène internationale, voit certaines de ses fonctions et prérogatives passer à des intervenants infrarégionaux ou supranationaux, à des ONG ou à des sociétés multinationales » (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 1995 : 1)9. Dans ce contexte, le gouvernement canadien affirme vouloir mettre de l’avant trois objectifs centraux :
- la promotion de la prospérité et de l’emploi ;
- la protection de la sécurité du Canada dans un cadre mondial stable ;
- la projection des valeurs et de la culture canadiennes (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 1995 : 12).
16De plus, six secteurs d’intervention prioritaires sont identifiés :
- les besoins humains essentiels ;
- les femmes et le développement ;
- les services d’infrastructure ;
- les droits de la personne, la démocratie et la bonne gouvernance ;
- le développement du secteur privé ;
- l’environnement. (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 1995 : 47-48).
17Comme l’écrit Martin Rudner, à la suite de l’énoncé Le Canada dans le monde, l’ACDI a choisi de financer les ONG qui étaient disposées à mettre en place des projets directement liés aux nouvelles politiques et priorités identifiées dans ce texte de politique extérieure (1996 : 208).
18Avec cet énoncé, l’autonomie relative dont avait bénéficié l’aide publique au développement du Canada, en particulier l’ACDI, va être limitée. En effet, le gouvernement canadien veut ramener l’APD au cœur de la politique extérieure canadienne. L’aide doit donc refléter les priorités de cette politique (Rudner, 1996 : 194). Cet effort disciplinaire survient alors que le pourcentage du PNB canadien consacré à l’aide au développement n’est plus que de 0,4 % comparativement aux sommets atteints dans les années 1970 et 1980, alors qu’il dépassait 0,5 %. D’ailleurs, ce pourcentage ira en diminuant tout au long de la seconde moitié des années 1990 pour atteindre un creux historique en 2000-2001 avec 0,22 % (Tomlinson, 2004 : 207).
19Pour les ONG, cette nouvelle discipline et la réduction du financement auront des conséquences immédiates. Tout d’abord, pour la première fois de son histoire, le Programme du partenariat canadien de l’ACDI, responsable des relations avec les ONG, doit respecter les priorités officielles définies, et ce, de manière explicite dans la gestion de ses transferts financiers aux ONG et au secteur privé (Tomlinson, 2004 : 207). D’ailleurs, les premières « victimes » de ce réajustement majeur de l’ACDI sont les ONG internationales canadiennes. Comme le note à nouveau Rudner, ces organisations ayant leur propre programme souvent non lié aux priorités canadiennes, il est alors facile pour l’ACDI de justifier des compressions très importantes pour ce type d’organisations à la suite des réductions budgétaires de 1995 (Tomlinson, 2004 : 208).
20Ce profond rééquilibrage dans les relations entre l’ACDI et les ONG ne s’est pas limité aux ONG internationales, mais a également affecté les programmes et ONG canadiens, en particulier le programme de participation du public et le programme d’initiative pour les jeunes10. L’AQOCI estime d’ailleurs que, pour l’année financière 1995-1996, les fonds destinés aux ONG étaient près de 60 000 000 $ inférieurs à ceux de l’année 1990-1991 (AQOCI, 2006 : 29). La diminution de fonds provenant de l’État a amené son lot de difficultés pour nombre d’ONG et a forcé la mise en place d’une série de stratégies pour assurer des rentrées d’argent, et ce, non sans susciter de nombreuses interrogations. Ce qui se dessine durant ces années est une diversité de stratégies de survie :
Les organisations qui ont pu traverser cette mauvaise passe ont mis énormément d’énergie à diversifier leurs revenus : collecte de fonds dans le public, une activité qui s’est révélée « payante » surtout pour des groupes qui jouent à fond la carte misérabiliste : liens privilégiés avec certaines fondations ; collaboration avec d’autres bailleurs de fonds (agences et institutions multilatérales, autres agences bilatérales que l’ACDI) ; arrimage avec des ONG internationales ; création de sociétés commerciales dont les profits leur reviennent (commerce équitable, etc.). (AQOCI, 2006 : 29)
21D’ailleurs, certaines pratiques de souscription, loin de faire l’unanimité au sein des ONG, amèneront les organisations membres du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), qui regroupent aujourd’hui une centaine d’ONG canadiennes, à élaborer un code d’éthique. Adopté une première fois en 1995, ce code « établit le minimum de normes éthiques que les membres du Conseil doivent respecter dans le cadre de leurs activités » (CCCI, Code d’éthique11). Mis à jour en 2002 dans la foulée des évènements du 11 septembre, le Code d’éthique précise de grands paramètres communs concernant l’organisation, les finances, l’établissement de partenariat, la gestion, les ressources humaines ainsi que les façons de communiquer avec le public canadien, y compris dans le cadre des activités de souscription. En termes de communication avec le public, le Code spécifie que ces communications doivent s’inscrire dans le respect des valeurs, de la dignité, de la diversité des religions et des cultures, mais surtout elles doivent éviter les messages :
- qui généralisent ou cachent la complexité des situations ;
- qui entretiennent les préjugés ;
- qui donnent l’impression que les pays développés sont supérieurs (sic) ;
- qui suscitent notre pitié par leur ton désespéré au lieu de présenter les personnes comme des partenaires égaux en matière de développement. (CCCI, Code d’éthique, 3.0 Code de conduite).
22Au-delà des défis liés à la diminution des budgets alloués par le gouvernement et ceux liés aux besoins d’augmenter substantiellement les souscriptions, l’ACDI impose également de nouveaux outils de gestion, entre autres celui de la gestion axée sur les résultats. Ainsi, à partir de la seconde moitié des années 1990, l’ACDI impose des dispositifs de plus en plus contraignants quant à la façon dont les ONG doivent présenter leurs résultats. Selon Brian K. Murphy, ce mode de gestion est réducteur, car il impose une linéarité à l’action des ONG et constitue l’expression d’une approche technocratique et mécanistique enracinée dans le « prolongement logique de l’objectivation utilitariste de l’univers, inhérente au Siècle des lumières » (2004 : 4)12.
LES ANNÉES 2000
23Au cours des dernières années, le financement public des ONG est resté fragile. Par contre, du côté des dons privés, la situation est quelque peu plus positive. Dans son étude comparative des revenus d’une soixantaine d’ONG canadiennes membres du CCCI de 1994 à 2004, Brian Tomlinson observe « une croissance importante des revenus des organisations de la société civile impliquées sur le plan international provenant des dons des Canadiens alors que le financement étatique a diminué » (2006a : 2). Cette croissance de l’ensemble des revenus, même si modeste, soit à 3,1 % pour la période s’étendant de 1994 à 2004, est particulièrement significative de 2000 à 2004. En fait, ce sont les dons individuels qui ont le plus rapidement augmenté, leur part de l’ensemble des revenus des 60 organisations prises en compte par l’étude passant de 33 % en 1994 à plus de 57 % en 2000.
24Au même moment, le financement en provenance de l’ensemble des différentes agences du gouvernement canadien diminue de plus de 13 %, tandis que celui de l’ACDI décline de 18 %13. Avec ces changements, la dépendance des ONG face au financement gouvernemental a diminué. En 2004, pour chaque dollar en provenance de l’ACDI, les ONG obtenaient près de 1,56 $ du public canadien alors qu’en 1994, elles n’en obtenaient que 1,26 $.
25Certaines autres tendances méritent d’être soulignées. Tout d’abord, les plus petites ONG, soit celles dont les budgets annuels se situent en deçà de 5 000 000 $, ont connu une augmentation de leurs revenus, tandis que les ONG de taille moyenne (celles dont les revenus se situent de 5 à 25 000 000 $) ont plutôt vu leur budget stagner ou décliner. Par conséquent, ces dernières ont dû réduire une partie de leur programmation. Pour les ONG de taille moyenne, les revenus des dons privés n’ont pas pu compenser les réductions de financement de l’ACDI. D’autre part, les organisations œuvrant dans le domaine de l’enfance sont celles qui ont connu la plus grande croissance en termes de souscription auprès du public canadien, soit une augmentation de près de 43 % de 1994 à 2004 (Tomlinson, 2006a : 10). Cependant, elles dépendent de manière importante de ces dons privés, qui représentent 91 % de leurs revenus totaux. Enfin, dernière tendance notable, les organisations responsables de l’envoi de coopérants et de bénévoles ont connu des réductions de revenus de près de 12 %, leur capacité limitée de souscription auprès du public n’arrivant pas à compenser les réductions de financement de la part de l’État.
26Quelques observations s’imposent. Tout d’abord, les organisations de petite taille (détenant un budget d’exploitation en deçà de 10 000 000 $) deviennent les plus nombreuses. Elles arrivent à compenser en partie les compressions dans le financement de l’État par des souscriptions auprès du public. Ensuite, l’écart s’accroît de plus en plus entre les organisations impliquées dans la souscription autour de l’enfance et le parrainage d’enfants, et les autres ONG. Vision mondiale Canada constitue certainement un cas exceptionnel, avec des revenus totaux excédant 189 000 000 $ en 2004, ce qui constitue une augmentation de 63,2 % comparativement à 1994. On observe aussi que les organisations d’envoi de coopérants sont celles qui ont connu les plus grandes réductions de financement, alors que certains domaines d’intervention semblent avoir du vent dans les voiles, celui de l’enfance, par exemple. C’est aussi le cas des organisations liées à une famille internationale d’ONG : Oxfam Canada, CARE Canada, Save the Children Canada, le Comité central mennonite-Canada, etc. Enfin, il faut aussi préciser que les ONG qui sont associées à des communautés et groupes religieux possèdent également une base de donateurs relativement stable, tandis que celles qui sont membres d’une fédération ou d’une association internationale sont moins vulnérables aux aléas de l’aide publique au développement canadienne. L’accroissement des ONG à caractère religieux pose de nouvelles questions et crée de nouvelles tensions par rapport aux dimensions laïques et civiques de la solidarité et du développement international. Il faut souligner d’importantes différences entre les grandes ONG canadiennes (celles dont les budgets dépassent les 25 000 000 $), telles CARE Canada, Vision mondiale, la Croix-Rouge canadienne, qui gèrent d’importants projets bilatéraux financés par l’ACDI à titre d’agence exécutante et de grandes opérations d’aide humanitaire. Leur personnel est suffisamment nombreux pour mener de manière relativement autonome leur travail de groupe de pression auprès de l’ACDI et du gouvernement canadien, contrairement aux ONG de plus petite taille qui ont tendance à se regrouper pour maximiser leur impact. Enfin, lors de catastrophes naturelles, de l’ouragan Mitch de 1998 au tsunami de décembre 2004, les fonds recueillis sont de plus en plus importants. Dans le cas du tsunami de 2004, par exemple, l’ACDI estime que les revenus générés se chiffraient autour de 85 000 000 $, si l’on exclut la Croix-Rouge canadienne qui, elle, a amassé plus de 100 000 000 $ (Tomlinson, 2006a : 4). Règle générale, cependant, les augmentations de dons privés se chiffrent autour de 16,6 %, alors que les revenus totaux des organisations ont connu un déclin d’environ 15,6 % (voir Tableau 3.1).
27À l’heure actuelle, la situation financière des ONG semble partiellement meilleure qu’à la fin des années 1990, la majorité des organisations ayant réussi à augmenter leur capacité de souscription auprès du public canadien, et ce, suffisamment pour compenser les compressions du financement gouvernemental14.
BILAN
28À la lumière du survol historique de l’évolution du secteur des ONG, il est pertinent de tenter un bilan même sommaire des 50 années de coopération internationale. Comme démontré, les enjeux entourant le financement gouvernemental ont joué un rôle important dans le développement et l’expansion du secteur. De plus, l’ouverture grandissante des Canadiens sur le monde durant les années 1970 et 1980 a également mené à la création d’un grand nombre d’ONG qui varient en taille, en mandat et en manière de faire.
TABLEAU 3.1. Sources de revenus de 60 organisations canadiennes de coopération internationale (avec et sans Vision mondiale Canada, VMC), 1994-2004

* Note : Les autres sources privées incluent les dons des corporations, des autres ONG, des fondations et d’autres sources de revenus.
Source : Adapté et traduit du document préparé par Brian Tomlinson, « Funding International Development : Revenue Trends for 60 Canadian International Civil Society Organizations, 1994-2004 » (2006a, Appendix A : 12).
29La première dimension qui frappe l’observateur, c’est la perspective originale apportée par ces organisations quant aux politiques extérieures du gouvernement canadien15. Depuis les années 1960 et 1970, plusieurs ONG choisissent de devenir la voix des exclus et des plus marginalisés. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine des droits de la personne et celui de la violence faite aux femmes, des enjeux de commerce international, de la finance internationale, en particulier des enjeux de l’endettement. Par ailleurs, les ONG canadiennes constituent un protagoniste de premier ordre pour la définition et la conceptualisation des programmes d’aide sur le terrain, puisqu’elles possèdent souvent une riche expérience de terrain. Dans ce domaine, il importe de souligner le travail de défense des droits, effectué par le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) en particulier, mais également celui des conseils provinciaux, comme l’AQOCI. Au cours des années, l’expertise du CCCI a été de plus en plus reconnue comme en témoignent ses contributions annuelles aux analyses du réseau Reality of Aid16. Déjà en 1987, le rapport du Comité permanent des Affaires extérieures et du Commerce extérieur reconnaissait cette expertise :
Les ONG se sont spécialisées dans les petits projets communautaires dans les sociétés en développement et leur force réside justement dans leur aptitude à répondre directement aux besoins essentiels des populations les plus pauvres qui constituent généralement le segment le plus difficile à atteindre pour les organismes d’aide publics. (1987 : 108)
30Plus récemment, l’ACDI en venait à un constat semblable et soulignait que la société civile et le secteur privé étaient « des agents de changement qui apportent des idées novatrices sur le développement tout en faisant bénéficier directement la population » (2003).
31Les ONG jouent également un rôle primordial dans la construction de ponts entre les sociétés civiles, y compris entre les mouvements sociaux et les différents groupes de défense des droits de la personne sur le plan international. Au cours des années, les ONG canadiennes ont su tisser une multitude de liens avec un nombre important d’acteurs de la société civile au Canada et à travers le monde. Le militantisme citoyen est devenu aujourd’hui une variable significative des relations internationales (Rosenau, 2003). On n’a qu’à penser aux grands rassemblements et aux contre-sommets lors des rencontres ministérielles de l’OMC à Seattle en 1999 ou à Hong Kong en 2005, ou encore au Sommet de Québec en 2001, pour saisir l’importance des actions des organisations de la société civile, y compris des ONG, pour la mise en place d’un discours alternatif sur la mondialisation en général, mais aussi sur le développement (Van Rooy, 2000).
32Un troisième axe, encore peu développé – ou plutôt développé de manière inégale au sein de la communauté des ONG canadiennes –, est la création de la connaissance sur la coopération internationale. Au fil des années, certains praticiens de la coopération internationale sont devenus des références dans le domaine, non seulement au Canada, mais sur le plan international17. Cette expertise est celle non seulement de certains individus, mais aussi de certaines ONG qui interviennent de manière systématique dans les débats sur les enjeux de coopération internationale, par exemple OXFAM, Inter Pares, la Banque canadienne de grains (CFGB), Kairos et USC-Canada. D’autres choisissent de le faire à travers les regroupements régionaux et nationaux, entre autres l’AQOCI, le Manitoba Council for International Cooperation (MCIC), le CCCI, ou encore à travers une variété de coalitions d’ONG regroupées autour d’enjeux régionaux ou spécifiques (le Forum Afrique-Canada, le Groupe de travail sur l’Asie-Pacifique, le Groupe de travail sur l’Amérique latine, KAIROS, le Groupe de travail sur la sécurité alimentaire, etc.) ou par l’entremise de coalitions plus larges regroupant différents types d’organisations (par exemple, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, la Coalition canadienne pour le climat et le développement, ou encore la Campagne « Interdire Terminator »18). De plus en plus, le rôle et l’action des ONG canadiennes s’inscrivent dans une réflexion plus large sur le rôle des acteurs non étatiques au sein du mouvement altermondialiste et des réseaux transnationaux (Fowler, 2000). Il importe d’ailleurs de souligner le travail des grandes ONG internationales, telles OXFAM, CARE, Greenpeace, le Fonds mondial pour la nature (WWF), le Sierra Club qui interviennent non seulement sur le plan national, mais également auprès des institutions multilatérales (Clark et al., 2005).
PERSPECTIVES ET ENJEUX CONTEMPORAINS
33Les activités des ONG canadiennes dépassent donc largement la conception et la mise en place de projets de développement. Opérations d’envoi de secours d’urgence à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, envoi de coopérants et de bénévoles dans les années 1960, appui et dissémination des pratiques des altermondialistes aujourd’hui : l’action des ONG canadiennes s’est grandement complexifiée et diversifiée au cours des 40 dernières années. Aujourd’hui, comme leurs homologues dans la plupart des pays occidentaux, elles constituent des acteurs non étatiques de premier ordre (Boli et Thomas, 1999). Des théoriciens de la perspective transnationale des relations internationales les considéraient déjà comme un objet important d’analyse des relations internationales dès le début des années 1970 (Risse, 2001), et aujourd’hui certains vont même jusqu’à parler de diplomatie non gouvernementale (Rouillé d’Orfeuil, 2006). Par contre, d’autres proposent des perspectives beaucoup plus critiques (Petras, 1997 ; Ransom, 2005) et soulignent le caractère souvent impérialiste et américanocentrique ou eurocentrique inhérent aux interventions des ONG dans le Sud.
34La réalité de la pratique des ONG canadiennes se situerait entre ces deux pôles. D’une part, les ONG canadiennes jouent un rôle significatif, mais non central dans la mise en place de la politique d’aide publique au développement du Canada et agissent comme agences d’exécution de projets, mais également comme protagonistes engagés et critiques face à cette politique. D’autre part, la dépendance de plusieurs ONG à l’égard du financement étatique fait en sorte que certaines d’entre elles sont parfois prudentes dans leurs déclarations par rapport à différents aspects de la politique étrangère canadienne et préfèrent adopter publiquement une attitude plutôt conciliante, notamment en ce qui concerne la gestion par résultats, la participation du secteur privé ou encore la concentration et l’efficacité de l’aide vers certains pays cibles (Advisory Group on Civil Society and Aid Effectiveness, 2007 ; CCCI, 2006). Il s’agit d’un équilibre délicat et fragile qui varie selon les gouvernements en place et les organisations.
35Cet équilibre déjà complexe est loin de s’être simplifié avec la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement adoptée en mars 2005 et le Rapport du Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du Commerce international (2007). Ces deux documents critiques face à l’aide au développement risquent d’occuper les esprits et les énergies des ONG dans les années à venir. Ainsi, dans la Déclaration de Paris, 90 hauts responsables des pays développés et en développement, ainsi que 27 représentants d’organismes d’aide, se sont entendus pour réformer les « modalités d’acheminement et de gestion de l’aide » à travers une meilleure harmonisation, une plus grande coordination, un meilleur alignement sur les stratégies nationales du développement, ainsi qu’une définition commune « de mesures et de normes de performance et de reddition de comptes » (Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, 2005). Dans son rapport, le Sénat canadien s’inquiète des piètres résultats des programmes d’aide au développement à l’Afrique, qu’il qualifie de « lents, mal conçus et dont personne ne rend compte […], y compris l’Agence canadienne de développement international » (2007 : vii).
36Deux récentes études de coalition d’ONG sont révélatrices de l’état d’esprit qui règne actuellement. La première, produite par le CCCI et intitulée Determinants of Civil Society Aid Effectiveness (2006), tente de recentrer la discussion de l’efficacité de l’aide dans une perspective citoyenne et participative du développement. En proposant une telle approche, le CCCI tente de ramener les ONG au cœur du débat sur l’aide au développement, en particulier sur l’efficacité de l’aide internationale, car celles-ci semblent avoir été marginalisées lors de la préparation de la Déclaration de Paris (2006 : 1-2 ; voir aussi Tomlinson, 2006b). Le second document, produit par le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire (GRSA)19, tente également de mettre de l’avant l’efficacité de l’action des ONG et de rappeler l’engagement de l’ACDI envers l’agriculture et le développement durable. En 2003, l’ACDI avait lancé sa politique intitulée L’agriculture au service du développement rural durable, après plus de 10 ans de compressions budgétaires dans le financement des projets agricoles et de développement rural (ACDI, 2003). Quatre ans plus tard, les ONG du GRSA s’inquiètent, car l’ACDI s’éloigne des objectifs financiers annoncés en 2003 (GRSA, 2007 : 4). De plus, les « projections pour l’avenir laissent entrevoir un plafonnement des dépenses actuelles, bien en dessous de l’objectif de 500 millions pour 2007 » (GRSA, 2007 : 4). Au-delà des compressions, le GRSA constate également avec regret que les ONG du Sud comme celles du Nord « impliquées dans le secteur agricole sont coupées du processus d’élaboration des politiques des donateurs et des gouvernements » (GRSA, 2007 : 4). Ces politiques sont plus tributaires des documents de stratégies pour la réduction de la pauvreté (DSRP) et de la nouvelle approche sectorielle promue par les pays donateurs de l’APD20. Ces tendances, réduction du financement du développement rural, pression pour une grande efficacité de l’aide selon des critères définis utilitaristes et marginalisation des ONG dans la mise en place des politiques de développement, sont et constitueront pour quelques années encore des sources de préoccupation au sein de la communauté des ONG. De plus, ces tendances illustrent de manière éclairante la position délicate dans laquelle les ONG se retrouvent. D’une part, elles doivent s’assurer que les priorités et engagements de l’ACDI respectent les besoins identifiés par leurs homologues du Sud et, d’autre part, elles doivent voir à ce que l’ACDI et le gouvernement canadien maintiennent leurs engagements financiers et leur ouverture au dialogue face à elles (Campbell et Hatcher, 2004).
37Bien que la relation État-ONG soit déterminante, l’action des ONG pour le développement soulève un nombre de questions quant aux pratiques, aux principes, aux normes et à la conception du développement sous-jacente à la pratique du développement. Plusieurs de ces questions ont d’ailleurs été soulevées avec acuité par les tenants d’une approche constructiviste et postmoderniste du développement21. Plutôt qu’entreprendre une déconstruction de l’action des ONG, il apparaît ici plus pertinent d’explorer les enjeux auxquels les ONG canadiennes doivent aujourd’hui s’attaquer dans leurs pratiques.
Orientation et allocation des ressources
38En appuyant certains mouvements sociaux ou certains projets, les ONG doivent nécessairement faire certains choix quant à la manière d’allouer leurs ressources. Ces choix nécessitent à tout le moins de vérifier qu’il existe un certain niveau de cohérence entre les activités et programmes mis en place sur différents plans : local, régional, national et transnational. Idéalement, les ONG canadiennes devraient faire écho aux actions et aux demandes de leurs homologues du Sud, qu’il s’agisse de demandes locales ou encore nationales. Par exemple, comme l’ont démontré plusieurs analystes des groupes transnationaux de défense des droits de la personne (Keck et Sikkink, 1998), lorsque les canaux locaux et nationaux de participation et d’expression politiques au sein d’un pays sont bloqués ou lorsque les demandes pour une plus grande équité et justice sociale sont laissées pour compte, l’action des ONG devient cruciale, car elle permet de créer une pression internationale sur l’État récalcitrant. Dans ces situations, l’action des ONG peut être déterminante. Il suffit de penser au travail de plaidoirie des ONG canadiennes face aux violations des droits de la personne en Birmanie, en Colombie, en Haïti, aux Philippines ou encore en Amérique centrale durant les années 1970 et 1980.
Enjeux locaux ou mondiaux
39En raison de l’accélération de la mondialisation de l’économie et des processus d’intégration, les divisions sur les plans local, national et mondial deviennent de plus en plus ténues. Les interactions et les interconnexions qui existent entre les enjeux locaux et internationaux apparaissent de manière de plus en plus claire. Par exemple, les impacts locaux de grands projets hydroélectriques, d’oléoducs, d’exploitations minières ou encore de coupes forestières massives et de grandes plantations de cultures d’exportation ont des conséquences et des effets qui ne sont pas limités à un seul espace ou lieu. Ainsi, il devient impérieux pour les ONG de pouvoir conceptualiser leurs actions, leurs programmes et les interventions selon une perspective de plus en plus pointue qui tienne compte de l’imbrication croissante du monde (Cavanagh et Mander, 2005).
Processus démocratiques et création d’espaces de dialogue
40Le troisième ensemble de considérations sur lequel il importe de se questionner concerne le fonctionnement interne des ONG, ainsi que leurs relations avec leurs homologues du Sud. Tant pour les organisations agissant sur les plans local ou national, les dynamiques de pouvoir, de participation et de modes de décision inclusifs et démocratiques restent au cœur de l’action pour le développement durable, la justice sociale ou encore une plus grande équité économique. Ainsi, il importe de se questionner sur qui décide, qui élabore les programmes et les projets, mais aussi, sur qui parle au nom de qui. Ce sont des questions au cœur du fonctionnement des ONG, mais également au cœur de la manière dont ces organisations établissent des relations de collaboration ou de partenariat. Évidemment, ce ne sont pas des enjeux faciles, mais il semble raisonnable d’avancer qu’au cours des 15 dernières années, un véritable questionnement s’est mis en place.
41Évidemment, que ce soit sur le plan des relations avec l’ACDI ou celui des relations avec les homologues du Sud, il s’agit de questions délicates. Il reste encore beaucoup à explorer de manière empirique quant à la manière dont les ONG canadiennes développent des relations avec leurs homologues du Sud (Bandy et Smith, 2005). Bien entendu, une telle démarche nécessiterait une disposition et une volonté d’introspection importante, car elle impliquerait un effort systématique de recherche pour arriver à explorer les relations de pouvoir sous-jacentes, les mécanismes de transparence et d’imputabilité mutuelle qui existent entre ONG canadiennes et leurs homologues du Sud. Enfin, il est pressant, comme certains l’ont souligné récemment, de s’interroger sur l’éthique, sur la dimension participative et sur les relations de pouvoir horizontales et verticales à l’intérieur de la coopération internationale (Murphy, 2004).
Proposer des solutions ou dénoncer des situations
42Quel est le rôle des ONG dans l’élaboration de la politique extérieure canadienne ? Il ne s’agit pas ici d’une nouvelle interrogation. En effet, depuis leur création, les ONG canadiennes sont constamment placées dans la délicate position d’avoir à solliciter l’appui financier de l’ACDI et d’autres agences gouvernementales et, en même temps, d’avoir à agir à titre de critiques (ou de watchdogs) de la politique extérieure canadienne. Aujourd’hui, la force et la crédibilité des ONG reposent sur leur capacité à proposer des solutions de rechange réalistes aux pratiques dominantes tout en formulant des recommandations concernant la politique étrangère du Canada à partir d’informations et de recherches menées sur le terrain22. Des efforts, tels ceux du GRSA, de documenter « l’efficacité » de certains projets de développement agricoles s’inscrivent dans cette interaction dynamique (GRSA, 2007 ; Caouette et al., 2002). En ce sens, les initiatives en matière de commerce équitable promues par certaines ONG (par exemple Équiterre et OXFAM) ou bien celles sur l’agriculture écologique (USC-Canada) s’inscrivent bien dans cette dynamique propositionnelle et permettent également la mise en place de coalitions opposant le contrôle monopoliste des grandes corporations de semences. À travers ces différentes interventions, les ONG canadiennes déploient souvent de manière fort sophistiquée une approche qui combine la proposition de modèles alternatifs de développement et des dénonciations de politiques ou de pratiques dominantes.
VERS UNE GOUVERNANCE MULTILATÉRALE NORMATIVE
43À la lumière de cette revue de l’action des ONG canadiennes, de leur évolution et des défis qu’elles doivent relever, il convient de réfléchir sur leur avenir et leur durabilité. Le premier élément qu’il convient de rappeler est leur relative longévité, surtout si on considère le milieu du XIXe siècle comme la période d’émergence des ONG, ainsi que le font certains auteurs (Boli et Thomas, 1999 et Rouillé D’Orfeuil, 2005). Leur multiplication depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, surtout depuis les années 1960, laisse présager que ces organisations ont une certaine résilience malgré les soubresauts et les fluctuations de leur financement par l’État. De plus, à la suite des grandes consultations et conférences internationales organisées par les Nations Unies durant les années 1990 (Clark, Friedman et Hochsteler, 2005), de grands réseaux et coalitions d’ONG se sont consolidés. En même temps, à mesure que les processus de mondialisation s’accélèrent, il devient apparent que ces organisations ne sont plus les seules à occuper une place importante à l’intérieur de ce que l’on appelle la société civile mondiale (Lipschultz, 1992). Aujourd’hui, en plus des ONG, les réseaux de militants, les mouvements sociaux trans nationaux et les organisations religieuses transnationales disputent l’espace public mondial aux autres grands acteurs internationaux, les organisations internationales, les firmes multinationales et les États (Sen et al., 2004). On peut donc se questionner sur la place et le rôle des ONG à l’intérieur de cet espace délibératif mondial (Perouse de Montclos, 2007). Au cours des prochaines années, le défi-clé consistera à comprendre quelle place revient à cette forme d’action collective transnationale dans le tableau global des luttes de résistance populaire et des activités de la diplomatie non gouvernementale23.
44En ce qui concerne le Canada, certains souhaitent voir la mise en place d’un « nouveau partenariat » entre l’ACDI et les ONG, et ce, « tant pour relancer la coopération canadienne sur le terrain que pour l’engagement du public et de la promotion d’une citoyenneté mondiale ici même au Canada » (2006 : 36). Certes, les ONG sont en mesure de fonctionner pour encore plusieurs années, mais il reste à évaluer quelle sera leur capacité d’influencer les processus globaux à long terme. Ceci est autant plus important que les pays donateurs s’interrogent sur l’efficacité de l’aide et que le Canada a choisi d’identifier 25 pays de concentration, des pays auprès desquels l’ACDI est appelée à jouer un rôle important (Gouvernement du Canada, 2005). Mais c’est sans doute dans le domaine d’une gouvernance globale normative que les ONG canadiennes pourront le plus apporter en relançant la réflexion sur l’importance d’une mondialisation autre qu’économique et organisée autour de valeurs d’inclusion, de participation, de pluralisme, d’équité des genres et de diversité, de pratiques alternatives et durables, notamment du point de vue environnemental (Murphy, 2000). Ainsi, les ONG canadiennes pourraient contribuer plus largement au renforcement des modes de délibération démocratiques et à la proposition de pratiques de rechange susceptibles d’améliorer les moyens de subsistance des individus tout en participant à l’édification de relations internationales plus éthiques (Wapner et Ruiz, 2000). Également, comme le souligne Tessa Morris-Suzuki :
Souvent ces mouvements incarnent une délicate ambivalence – un désir d’élargir les sphères de la justice sociale, mais limité ou renversé par une tendance à l’autojustification. De quel côté la balance penche dépend de l’interaction embrouillée et débattue entre les sphères gouvernementales et non gouvernementales et la possibilité que cette interaction n’en vienne pas à soutirer l’autonomie des mouvements sociaux. (2000 : 84, traduction libre)24
45Il est donc essentiel, comme certains le soulignent (Petras et Veltmeyer, 2002), de garder un œil critique, car souvent ces organisations deviennent le porte-étendard d’une certaine vision du développement qui correspond aussi aux intérêts de la politique étrangère du gouvernement.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Advisory Group on Civil Society and Aid Effectiveness (2007), « Civil Society and Aid Effectiveness », Hull, Agence canadienne de développement international (juin), <http://web.acdi-cida.gc.ca/cs>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2002), Le Canada contribue à un monde meilleur. Énoncé de politique en faveur d’une aide internationale plus efficace, Ottawa, Ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2003), L’agriculture au service du développement rural durable, Hull, ACDI, <http://www.acdi-cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/vLUImages/agriculture/$file/Agriculture-f.pdf>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2003), Direction générale du partenariat de l’ACDI, Mission et vision, <www.acdi-cida.gc.ca>.
Amoore, Louise (dir.) (2005), The Global Resistance Reader, Oxon, Routledge.
Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) (2006), La coopération internationale depuis 1985 : tendances et perspectives, Montréal, AQOCI.
Bandy, Joe et Jackie Smith (dir.) (2005), Coalitions Across Borders : Transnational Protest and the Neoliberal Order, Lanham, Rowman and Littlefield.
Barr, Gerry, Gordon Peeling et Robert Walker (2007), « Breaking New Ground on Corporate Social Responsibility », Montréal, Comité chrétien pour les droits humains en Amérique latine (mars), <http://www.ccdhal.koumbit.org/spip.php?article242>.
10.2307/j.ctt1t893gd :Bello, Walden (2004), Deglobalization: Ideas for a New World Economy, Londres, Zed Books.
10.1515/9781503617681 :Boli, John et George M. Thomas (dir.) (1999), Constructing World Culture : International Nongovernmental Organizations since 1875, Stanford, Stanford University Press.
Boulanger, Suzie (2003), « La réforme de la politique d’aide canadienne de 1995 : implications pour les organisations de coopération internationale », mémoire présenté comme exigence partielle de maîtrise, Science politique, Université du Québec à Montréal.
10.1515/9780773564695 :Brodhead, Tim et Cranford Pratt (1994), « Paying the Piper : CIDA and Canadian NGOs », dans Cranford Pratt (dir.), Canadian International Development Assistance Policies : An Appraisal, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press : 87-119.
Brodhead, Tim et Brent Herbert-Copley (avec la coll. d’Anne-Marie Lambert) (1988), Ponts de l’espoir ? Les organismes bénévoles canadiens et le tiers-monde, Ottawa, Institut Nord-Sud.
Buchanan, Anne (2001), Poser les bonnes questions : diligence raisonnable dans notre interaction avec le secteur privé, Ottawa, CCCI.
10.3917/rtm.179.0665 :Campbell, Bonnie et Pascale Hatcher (2004), « Existe-t-il encore une place pour la coopération bilatérale ? Réflexions à partir de l’expérience canadienne », Revue Tiers Monde, no 179 : 667-689.
Caouette, Dominique (2007), « Penser et développer le militantisme transnational : l’action globale des citoyens en Asie du Sud-Est », dans Jane Jenson, Bérengère Marques-Pereira et Éric Remacle (dir.), La citoyenneté dans tous ses états, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal : 151-175.
Caouette, Dominique, Stuart Taylor, Cliff Trowell et Daniel Buckles (2002), Établir les corrélations : agriculture à petite échelle, sécurité alimentaire et nutrition. Un document de réflexion, Ottawa, Groupe des ONG sur l’efficacité des programmes de sécurité alimentaire.
Cavanagh, John et Jerry Mander (dir.) (2005), Alternatives à la globalisation économique : un autre monde est possible, Montréal, Éditions Écosociété.
10.1017/S0043887100007772 :Clark, Anne-Marie, Elizabeth J. Friedman et Kathryn Hochsteler (2005), « The Sovereign Limits of Global Civil Society : A Comparison of NGO Participation in UN World Conferences on the Environment, Human Rights, and Women », dans Rorden Wilkinson (dir.), The Global Governance Reader, Londres, Routledge : 292-321.
10.4324/9781849771467 :Clark, John (dir.) (2003), Globalizing Civic Engagement, Londres, Earthscan.
Comité d’aide au développement, Organisation de coopération et de développement économiques (2007), Coopération pour le développement, Rapport 2006, vol. 8, no 1.
Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce extérieur (1987), Qui doit en profiter ?, rapport Winegard, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services Canada.
Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du Commerce international (2007), Surmonter 40 ans d’échec : nouvelle feuille de route pour l’Afrique subsaharienne, Ottawa, Gouvernement du Canada.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2001), « La collaboration des ONG avec le secteur privé en vue d’éliminer la pauvreté : une arme à double tranchant », rapport sommaire d’un Cercle d’études du CCCI, Ottawa, CCCI.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2005), « Renforcement des partenariats avec la société civile : la marginalisation des OSC dans le programme de coopération internationale du Canada », document d’information no 2, octobre, Ottawa, CCCI.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2006), « Determinants of Civil Society Aid Effectiveness : A CCIC Discussion Paper », Ottawa, CCCI.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (s.d.), Code d’éthique, Ottawa, CCCI.
10.4324/9780203975985 :Crush, Jonathan (dir.) (1995), The Power of Development, Londres, Routledge.
Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005), Forum à haut niveau, 28 février au 2 mars, <http://www.aidharmonisation.org/>.
Draimin, Tim et Gerald J. Schmitz (1996), « Effective Policy Dialogue in the North : A View from Canada », dans David Gillies (dir.), Strategies of Public Engagement : Shaping a Canadian Agenda for International Co-operation, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press : 95-137.
10.1515/9781400839926 :Escobar, Arturo (1995), Encountering Development : The Making and Unmaking of the Third World, Princeton, Princeton University Press.
Esteva, Gustavo et Madhu Suri Prakash (1998), « From Global to Local : Beyond Neoliberalism to the International of Hope », Grassroots Post-Modernism : Remaking the Soil of Cultures, New York, Zed Books.
Fowler, Alan (2000) (dir.), NGO Futures : Beyond Aid, numéro spécial de Third World Quarterly, vol. 21, no 4, août.
Fox, Jonathan (2002), « Assessing Binational Civil Society Coalitions : Lessons from the Mexico-U.S. Experience », dans D. Brooks et J. Fox (dir.), Cross-Border Dialogues : U.S. Mexico Social Movement Networking, La Jolla, Center for U.S. Mexican Studies, University of California-San Diego : 341-417.
Gouvernement du Canada, Fierté et influence : notre rôle dans le monde, Énoncé de politique internationale du Canada en quatre parties : diplomatie, défense, développement, commerce, <http://geo.international.gc.ca/cip-pic/ips/overview-fr.aspx>.
Groupe canadien de réflexion sur la souveraineté alimentaire (GRSA) (2007), L’efficacité de l’aide aux petits agriculteurs en Afrique subsaharienne : perspectives de la société civile du Sud, Ottawa, GRSA.
Hutchinson, Moira (2001), La perspective des ONG canadiennes sur la responsabilité et la reddition de comptes des entreprises, Ottawa, Conseil canadien pour la coopération internationale, <http://www.ccic.ca/f/007/pubs_csr.shtml>.
Institut Nord-Sud (2006), Rapport canadien sur le développement, 2007, Ottawa, Institut Nord-Sud.
10.7591/9780801471292 :Keck, Margaret et Kathryn Sikkink (1998), Activists Beyond Borders, Ithaca, Cornell University Press.
10.1057/978-1-137-24345-4 :Kothari, Uma et Martin Minogue (dir.) (2002), Development Theory and Practice. Critical Perspectives, Basingtoke, Palgrave.
Lavergne, Réal P. (1989), « Determinants of Canadian Aid Policy », dans Olav Stokke (dir.), Western Middle Powers and Global Poverty : The Determinants of the Aid Policies of Canada, Denmark, the Netherlands, Norway and Sweden, Uppsala, Scandinavian Institute of African Studies and Norwegian Institute of International Affairs.
Laville, Jean-Louis et Antonio David Cattani (dir.), 2006, Dictionnaire de l’autre économie, Paris, Gallimard.
Lipschultz, Ronnie (1992), «Reconstructing World Politics: The Emergence of Global Civil Society », Millennium: 21: 389-420.
Macleod, Alex, Évelyne Dufault et F. Guillaume Dufour (2004), Relations internationales : théories et concepts, 2e édition, Montréal, Athéna Éditions.
10.2307/4152984 :Mallaby, Sebastian (2004), « Fighting Poverty, Hurting the Poor », Foreign Policy, septembre-octobre : 51-58.
Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) (1995), Le Canada dans le monde. Énoncé du gouvernement, Ottawa, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Moreno, Esperanza et Betty Plewes (2007), Fondations canadiennes et tendances philanthropiques internationales – Ouverture sur le monde, Ottawa, CCCI.
Morris-Suzuki, Tessa (2000), « For and Against NGOs : The Politics of the Lived World », New Left Review, no 2, mars-avril : 63-84.
Morrison, David R. (1998), Aid and Ebb Tide: A History of CIDA and Canadian Development Assistance, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press.
10.1080/09614520050116497 :Murphy, Brian K. (2000), « International NGOs and the Challenge of Modernity », Development in Practice, vol. 10, no 3-4, août : 330-347.
Murphy, Brian K. (2004), « Repenser le développement : promouvoir la justice mondiale au 21e siècle », publications occasionnelles d’Inter Pares, no 6, novembre.
Perouse de Montclos, Marc-Antoine (2007), « La face cachée des ONG », Politique internationale, no 116, été, <http://www.politiqueinternationale.com/revue/article.php>.
10.14452/MR-049-07-1997-11_2 :Petras, James (1997), « Imperialism and NGOs in Latin America », Monthly Review, vol. 49, no 7, décembre, <http://www.monthlyreview.org/1297petr.htm>.
Petras, James et Henry Veltemeyer (2002), La face cachée de la mondialisation : l’impérialisme au XXIe siècle, Paris, Parangon.
10.4135/9781446279083 :Pieterse, Jan Nederveen (2001), Development Theory : Deconstructions/Reconstructions, Londres, Sage.
Prokosh, Mike et Laura Raymond (dir.) (2002), The Global Activist’s Manual : Local Ways to Change the World, New York, Thunder’s Mouth Press/Nation Books.
Rahnema, Majid et Victoria Bawtree (1998), The Post-Development Reader, Londres, Zed Books.
Ransom, David (2005), « The Big Charity Bonanza », New Internationalist Magazine, no 383, octobre, <http://www.newint.org/index.html>.
10.1177/002070200405900408 :Rath, Amitav (2004), «Canada and Development Cooperation», International Journal, vol. 59, no 4: 853-871.
Reality of Aid, Management Committee (2006), The Reality of Aid 2006: Focus on Conflict, Security and Development, Quezon City, IBON Book.
Risse, Thomas (2001), « Transnational Actors, Networks, and Global Governance », dans Walter Carlsnaes, Thomas Risse et Beth Simmons (dir.), Handbook of International Relations, Londres, Sage.
10.3917/scpo.rist.2015.01 :Rist, Gilbert (2001), Le développement : Histoire d’une croyance occidentale, 2e édition, Paris, Presses de Sciences Po.
10.2307/j.ctv1h9djb8 :Rosenau, James N. (2003), Distant Proximities : Dynamics Beyond Globalization, Princeton, Princeton University Press.
10.1017/CBO9780511521775 :Rosenau, James. N. et Ernst-Otto Czempiel (dir.) (1992), Governance Without Government : Order and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge University Press.
Rouillé d’Orfeuil, Henri (2006), La diplomatie non gouvernementale : les ONG peuvent-elles changer le monde ?, Montréal, Éditions Écosociété, coll. « Enjeux Planète ».
10.1080/02255189.1996.9669650 :Rudner, Martin (1996), «Canada in the World: Development Assistance in Canada’s New Foreign Policy Framework», Canadian Journal of Development Studies, vol. 17, no 2: 193-220.
Sanger, Clyde (1986), Lotta and The Unitarian Service Committee Story, Toronto, Stoddart Publishing.
Sen, Jay, Anita Anand, Arturo Escobar et Peter Waterman (dir.) (2004), The World Social Forum, Challenging Empires, New Delhi, The Viveka Foundation.
Smillie, Ian (1985), The Land of Lost Content: A History of CUSO, Toronto, Deneau.
10.3362/9781780446127 :Smillie, Ian (1995), The Alms Bazaar: Altruism Under Fire - Non-Profit Organizations and International Development, Intermediate Technology Pubs.
Smillie, Ian (1998), « Canada », dans Ian Smillie et Henry Helmich (dir.), Public Attitudes and International Development Cooperation, Paris, OECD : 55-59.
Smillie, Ian (1999), « Canada », dans Ian Smillie et Henry Helmich avec la collaboration de Tony German et Judith Randel (dir.), Stakeholders : Government-NGO Partnerships for International Development, Londres, Earthscan Publications : 71-84.
Smillie, Ian et Ian Filewood (1993), « Tendances et questions inhérentes à l’évolution des relations entre les organismes donneurs et les ONG actives dans le développement. Les études de cas : Canada », dans Ian Smillie et Henry Helmich (dir.), Une association pour le développement, Paris, OCDE : 102-119.
Smouts, Marie-Claude, Dario Battistella et Pascal Vennesson (2003), Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz.
10.3138/9781487573928 :Spicer, Keith (1966), A Samaritan State? External Aid in Canada’s Foreign Policy, Toronto, University of Toronto Press.
10.1017/CBO9780511791055 :Tarrow, Sidney (2005). The New Transnational Activism, Cambridge, Cambridge University Press.
Tetrault, Mary Ann et Ronnie D. Lipschutz (2005), Global Politics as if People Mattered, Lanham, Rowman & Littlefield.
Tomlinson, Brian (2000), « Les approches sectorielles dans la coopération au développement : Quels sont les enjeux ? », Ottawa, Conseil canadien de la coopération internationale (CCCI), novembre, <http://www.ccic.ca/f/archives/aid_2000-11_sector_wide_approach_to_dev_cooperation.shtml>.
Tomlinson, Brian (2004), « Canada », dans Judith Randel, Tony German, Deborah Ewing (dir.), The Reality of Aid 2004, Manille et Londres, IBON Books et Zed Books : p. 206-211.
Tomlinson, Brian (2006a), « Funding International Development : Revenue Trends for 60 Canadian International Civil Society Organizations, 1994-2004 », Canadian Council for International Cooperation (septembre).
Tomlinson, Brian (2006b), « The Paris Declaration on Aid Effectiveness : Donor Commitments and Civil Society Critiques », CCIC Backgrounder, mai, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-05_paris_declaration_backgrounder.pdf>.
10.1080/09614520050116479 :Van Rooy, Alison (2000), « Good News ! You May Be Out of a Job : Reflections on the Past and Future 50 Years for Northern NGOs », Development in Practice, vol. 10, no 3-4, août : 300-318.
Wapner, Paul et Lester Edwin J. Ruiz (2000), Principled World Politics : The Challenge of Normative International Relations, Oxford, Rowman and Littlefield.
Notes de bas de page
1 Dans ce chapitre, la notion de société civile se réfère, comme le proposent Alex Macleod et al., au « réseau d’institutions et de pratiques de la société qui sont autonomes par rapport à l’État, et par lesquelles les individus et les groupes se représentent, s’organisent et se mobilisent, souvent en vue d’agir sur l’État et sur les mécanismes de prises de décision » (2004 : 221). Tandis que le concept de société civile mondiale, comme le soulignent Marie-Claude Smouts et al., est « une facilité de langage pour rendre compte des sphères d’autorité nouvelles qui sont apparues et qui échappent à la fois au découpage territorial et à l’initiative de l’autorité souveraine » et qui « sont le fait d’acteurs transnationaux capables d’édicter des normes de comportement qui vont s’appliquer à d’autres acteurs privés, et même parfois aux autorités publiques à travers les frontières » (2003 : 461).
2 Il existe plusieurs manières de définir une ONG. Ici, nous nous référons à la définition proposée dans l’étude de Tim Brodhead et Brent Herbert-Copley publiée par l’Institut Nord-Sud, Bridges of Hope ? Canadian Voluntary Agencies and the Third World, selon laquelle une ONG « réfère exclusivement à toute organisation à but non lucratif impliquée dans le domaine de la coopération internationale, ou dans le domaine de l’éducation et de la plaidoirie par rapport à des enjeux liés au développement international » (1988, traduction libre). Cette définition plus restrictive a l’avantage de permettre de mieux situer notre propos. Récemment, les définitions ont tendance à être encore plus larges. Selon l’Atlas de la mondialisation, les ONG « sont des entreprises non étatiques à but non lucratif qui prônent la solidarité et mettent en avant des valeurs qu’elles considèrent comme universelles » (2006 : 102). Voir aussi Rouillé d’Orfeuil (2006).
3 Selon les chiffres que présente le Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son rapport pour l’année 2006 (2007 : 169).
4 Ici, nous nous référons à la conceptualisation normative de la diplomatie non gouvernementale récemment proposée par Rouillé d’Orfeuil qui précise que cette forme de diplomatie est aujourd’hui un élément constitutif de la diplomatie moderne qui « se définit par son objectif : participer à la construction d’un monde de solidarité, c’est-à-dire construire un monde de droit et de développement durable, et promouvoir un état de droit international, soucieux de tous les citoyens du monde et de la transmission aux générations futures d’un patrimoine préservé » (2006 : 25).
5 Comme le rappelle Henri Rouillé d’Orfeuil, « le pionnier des humanitaires modernes est Henri Dunant qui, horrifié par la boucherie de la bataille de Solferino (40 000 morts le 24 juin 1859), crée une organisation caritative privée et prend pour emblème une croix rouge ». Quelques années plus tard, seize gouvernements et quatorze organisations privées « donnent naissance, en 1863, au mouvement international des Croix-Rouges » (2006 : 19).
6 Il importe de souligner que ces ONG internationales constituent des acteurs collectifs relativement influents par leur importance et leur réseau d’organisations nationales et dont « le passage à une identité internationale est conséquent à la fois au processus de croissance d’une ONG nationale et à une stratégie d’internationalisation » (Rouillé d’Orfeuil, 2006 : 139).
7 Par ce mécanisme, l’ACDI s’engageait à équivaloir selon différentes proportions les fonds amassés par les ONG auprès du public canadien.
8 Certaines ONG, telles que CUSO, SUCO, le CECI, Jeunesse Canada Monde, EUMC, le Comité central mennonite, Développement et Paix, et l’OCSD, ainsi que les œuvres missionnaires, envoient au total près de 5 000 personnes à l’étranger annuellement pour des séjours de durée variée.
9 Ce nouveau cadre mondial, caractérisé par une dispersion du pouvoir étatique sur le plan international, est d’ailleurs devenu un des référents analytiques de l’époque (Tetrault et Lipschultz, 2005 ; Rosenau et Czempiel, 1992).
10 Comme l’explique l’AQOCI, ces compressions ont eu un impact sérieux pour bon nombre d’ONG : « En 1995, l’Agence [l’ACDI] abolissait son programme d’éducation du public au développement international, mieux connu sous le sigle de PPP (Programme de participation du public). Cette mesure a porté un coup fatal à plusieurs petites organisations d’un bout à l’autre du pays, tout en pénalisant les regroupements provinciaux d’ONG, tels que l’AQOCI » (2006 : 33). D’ailleurs, le même rapport observe qu’entre les années 1997 et 1999, 17 ONG, la plupart situées en région, ont dû cesser leurs activités et ce, au Québec seulement.
11 <http://www.ccic.ca/f/007/pubs_ethics.shtml>.
12 Comme l’explique Murphy, qui a œuvré pendant plus de 25 ans au sein d’une ONG canadienne, une telle approche utilitariste engendre son lot de difficultés : « Cela prend forme dans notre travail par la méthode du cadre logique et la gestion axée sur les résultats, des formules imposées par les donateurs internationaux obnubilés par des concepts étroitement réductionnistes – intrants, extrants, effets, indicateurs, etc. » (2004 : 5).
13 Il faut rappeler que l’étude de Tomlinson ne porte que sur un échantillon de 60 ONG, membres du CCCI. Tous les montants cités ont été ajustés en dollars réels pour 2003.
14 Au même moment, le tournant des années 2000 est marqué par un nouveau questionnement entourant les sources de financement, en particulier les effets potentiels du financement en provenance de corporations privées et de grandes fondations philanthropiques (CCCI, 2001). Dans le passé, cet enjeu a fait partie des réflexions entreprises par le CCCI et ses membres (Buchanan, 2001 ; Hutchinson, 2001), parfois conjointement avec le secteur privé (Barr, Peeling et Walker, 2007). Ces questions restent aujourd’hui en suspens et continuent de faire l’objet de réflexions et de recherche (Moreno et Plewes, 2007).
15 Voir, par exemple, les analyses de Murphy, 2000 ; Brodhead et al., 1988 ; Brodhead et Pratt, 1994. Lors de la plus récente consultation sur la politique étrangère canadienne, de nombreuses ONG ont présenté des mémoires et des documents sur l’orientation future de cette politique. Voir, entre autres, les sites Web de l’AQOCI, de Kairos, du Project Ploughshares, et bien entendu du CCCI (2005).
16 Le réseau Reality of Aid existe depuis 1993 et vise à promouvoir des politiques nationales et internationales qui permettent la mise en place de stratégies de lutte contre la pauvreté efficaces, innovatrices et fondées sur la solidarité et l’équité. Ce réseau à but non lucratif constitue un effort de collaboration entre différentes ONG du Nord et du Sud (The Reality of Aid 2006, 2006 : viii).
17 C’est le cas d’Ian Smillie, ancien coopérant et gestionnaire de programme chez Inter Pares, qui est aujourd’hui un consultant reconnu mondialement en tant qu’expert de la coopération et fréquent collaborateur aux études du Centre de développement de l’OCDE. Bien qu’il soit sans doute le plus connu, d’autres, tels Brian Tomlinson, Clyde Sanger, Brian Murphy, Tim Brodhead ou encore Tim Draimin et Betty Plewes, ont également contribué et contribuent encore aujourd’hui à la réflexion sur les enjeux de coopération internationale et en particulier sur la place et le rôle des ONG.
18 Cette tendance à travailler en coalition avait déjà été observée dès le début des années 1980 et encouragée par l’ACDI (Brodhead et Pratt, 1994 : 108-110).
19 Ce groupe de travail comprend plusieurs des ONG les plus importantes dans le domaine du développement rural et l’aide alimentaire ; voir <http://www.ccic.ca/f/003/food.shtml>.
20 Pour mieux comprendre le contenu des approches sectorielles, voir Tomlinson, 2000.
21 Ces perspectives proposent différentes manières de s’interroger sur le « projet du développement », dans le sens où il s’agit d’une construction idéologique et d’un discours articulés autour de valeurs normatives souvent américanocentriques ou eurocentriques et qui déterminent ce qu’est le progrès, la science et la modernité, la pauvreté, et qui sont les « pauvres ». Voir, entre autres, Crush, 1995 ; Escobar, 1995 ; Esteva et Prakash, 1998 ; Pieterse, 2001 ; Rahnema et Bawtree, 1998 ; Kothari et Minogue, 2002.
22 L’effort de systématisation des pratiques novatrices des ONG et des réseaux transnationaux dépasse le cadre canadien. Voir par exemple Prokosch et Raymond, 2002 ; Cavanagh et Mander, 2005 ; Bello, 2004 ; Rouillé d’Orfeuil, 2006.
23 Les travaux récents de Jonathan Fox (2002) et de John Clark (2003) constituent un premier pas. Voir aussi deux ouvrages plus généraux portant sur les nouvelles propositions citoyennes (Laville et Cattani, 2006) et sur les formes contemporaines de résistance (Amoore, 2005).
24 Voir aussi la réflexion de Sebastian Mallaby (2004).
Auteur
Professeur adjoint depuis 2004 au Département de science politique de l’Université de Montréal, où il enseigne les relations internationales. Il s’intéresse particulièrement aux acteurs non étatiques et aux dynamiques transnationales en Asie du Sud-Est, ainsi qu’aux études du développement. Avant d’occuper ce poste, il a été chargé de cours à l’Université d’Ottawa et a travaillé pendant plus de cinq ans avec Inter Pares, une ONG canadienne, à titre d’agent de programme de l’équipe Asie. Il détient un doctorat de l’Université Cornell ainsi qu’une maîtrise en affaires internationales de l’Université de Carleton.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'éducation aux médias à l'ère numérique
Entre fondations et renouvellement
Anne-Sophie Letellier et Normand Landry (dir.)
2016
L'intégration des services en santé
Une approche populationnelle
Lucie Bonin, Louise Belzile et Yves Couturier
2016
Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé
Jean-Christophe Bélisle Pipon, Béatrice Godard et Jocelyne Saint-Arnaud (dir.)
2016
La détention avant jugement au Canada
Une pratique controversée
Fernanda Prates et Marion Vacheret (dir.)
2015
La Réussite éducative des élèves issus de l'immigration
Dix ans de recherche et d'intervention au Québec
Marie McAndrew (dir.)
2015
Agriculture et paysage
Aménager autrement les territoires ruraux
Gérald Domon et Julie Ruiz (dir.)
2014