1. L’agence canadienne de développement international : bilan et perspectives
p. 45-79
Texte intégral
1Depuis sa création par le premier ministre Trudeau en 1968, l’Agence canadienne de développement international (ACDI)1 a été le principal mécanisme institutionnel par lequel le Canada a su fournir son aide au développement. Au cours des dernières années, l’ACDI a déboursé environ 80 % de toute l’aide publique au développement (APD)2 canadienne budgétée. Par conséquent, les tendances des politiques de l’ACDI et l’octroi de son aide jouent un rôle fondamental pour définir la collaboration internationale du Canada avec plusieurs pays en voie de développement.
2Pour analyser l’ACDI, cet article utilise la notion d’« internationalisme humanitaire » comme cadre normatif (Pratt, 1994). Selon cette approche, la politique étrangère du Canada appliquée aux pays en voie de développement devrait être guidée par des obligations éthiques, basées sur le respect des droits de la personne, afin de réduire la pauvreté mondiale en exprimant concrètement une véritable solidarité avec les millions d’individus vivant dans ces pays marginalisés par la pauvreté, l’inégalité et l’injustice. Pour reprendre les mots de Cranford Pratt, l’internationalisme humanitaire implique que l’ACDI
mette l’accent principal sur la réduction de la pauvreté [et] exclue de son agenda l’intrusion des politiques commerciales, internationales et autres objectifs d’ordre public qui reviennent légitimement à d’autres ministères et qui dispersent le centre d’intérêt de l’agence d’aide tout en faisant considérablement diminuer sa nature humanitaire. (Pratt, 2003)
3Ce chapitre tentera d’examiner si les réformes des 10 dernières années au sein de l’ACDI ont été influencées par des politiques de développement d’internationalisme humanitaire, ou si elles confirment les perspectives analytiques plus pessimistes selon lesquelles l’ACDI, en tant qu’expression potentielle de ces valeurs, demeure submergée par l’influence des intérêts canadiens et de ceux des donateurs en ce qui a trait au développement de leurs marchés, à la protection des ressources et à la diminution des menaces que peuvent constituer la pauvreté, le terrorisme international, la propagation des maladies contagieuses et l’intensification de la dégradation environnementale.
ÉTABLIR LE CONTEXTE : LES PRESSIONS MONDIALES EXERCÉES POUR RÉFORMER L’AIDE CANADIENNE
4Les politiques de l’aide canadienne sont passées par des initiatives périodiques de réforme, qui portaient particulièrement sur la coopération technique, l’atteinte des besoins humanitaires de base et l’appui pour un ajustement structurel des économies des pays les plus pauvres3. Mais dans les années 1990, en dépit de plus de 30 années de coopération d’aide et de développement, les conditions des populations pauvres et marginales dans la plupart des pays en voie de développement se sont nettement détériorées. De 1992 à 1995, les Nations Unies ont organisé une série de conférences mondiales qui accordaient une attention sans précédent aux problèmes liés au développement durable, à la sécurité alimentaire, aux droits de la personne, incluant le droit au développement, à l’égalité des femmes et au développement social pour les populations pauvres et marginalisées. Dans les plans d’action proposés par ces conférences, tous les gouvernements se sont apparemment mis d’accord pour dire que le progrès dépendait de leur appui aux politiques qui pourraient engendrer un ordre mondial plus équitable et qui aborderaient des obstacles majeurs tels que la croissance non réglementée, l’endettement insoutenable, l’aide inefficace, les pratiques commerciales injustes et les institutions financières internationales antidémocratiques. Plutôt que d’adopter toute cette gamme d’engagements proposés par le plan d’action de l’ONU, au printemps 1996, les ministres de l’Aide internationale des 22 pays donateurs se sont rencontrés au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. Agissant sans avoir consulté leurs partenaires des pays en voie de développement, ils se sont entendus sur un plan d’action plus limité décrit dans un important document qui s’intitule Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle (CAD, 1996).
5Ce document établit un consensus exceptionnel parmi les pays du CAD qui les engage à améliorer l’efficacité de leur aide en atteignant les objectifs des conférences de l’ONU. Il propose sept objectifs de développement social et des objectifs connexes dérivés des résultats des conférences de l’ONU, et qui, selon les donateurs, contribueraient sensiblement à réduire la pauvreté dans les pays en voie de développement. Ces buts ont subséquemment été adoptés par le soutien de l’ONU au Sommet du millénaire de septembre 2000 et forment la base des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et leurs objectifs essentiels à atteindre d’ici 20154.
6En mars 2002, les OMD sont devenus le centre d’intérêt pour le partenariat entre les donateurs et les pays en voie de développement lors du Sommet mondial de l’ONU sur le financement du développement qui s’est tenu à Monterrey, au Mexique. Ce partenariat pour le développement, aussi connu sous le nom du consensus de Monterrey, implique l’engagement des donateurs pour appuyer les politiques permettant d’atteindre les OMD, ainsi que l’engagement des pays en voie de développement de poursuivre les principes de bonne gouvernance et d’établir un contexte de politique économique et sociale permettant l’implantation des OMD. La plupart des engagements des donateurs étaient reliés à une aide accrue et efficace. Que ce soit lors du consensus de Monterrey ou dans l’établissement des OMD, on a toutefois noté l’absence d’objectifs assortis de délais précis et d’engagements stratégiques de la part des pays donateurs en ce qui a trait à l’annulation de la dette, à l’implantation du commerce équitable, à la mise en place d’échéances pour atteindre l’objectif de l’ONU de verser 0,7 % du produit national brut (PNB) pour l’aide, ou à la création de réformes démocratiques dans les établissements multilatéraux – tous des engagements économiques et globaux pris lors des conférences de l’ONU à partir des années 19905.
7Fait étonnant à remarquer, en dépit des discours répétés des donateurs sur « l’amélioration des partenariats avec les pays en voie de développement », cette amélioration n’a aucunement influé lors de l’établissement des objectifs des donateurs dans Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle. Les pays en développement n’ont jamais été invités à négocier des objectifs mesurables, convenus d’un commun accord et basés sur ce qu’ils considèrent comme des domaines essentiels au progrès. Ces processus politiques multilatéraux et asymétriques, dans lesquels les lignes d’action politiques et économiques du donateur sont mises en priorité, ont continué de miner la crédibilité des promesses faites par les donateurs depuis l’élaboration du Rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle en 1996, et le Sommet du millénaire en l’an 2000 pour faire progresser la réduction sensible de la pauvreté mondiale (Tomlinson, 2005a ; Trocaire, 2005).
8Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle a été élaboré par des donateurs comme une déclaration de principes sur la coopération au développement ; ils prévoyaient ainsi renverser l’appui à la baisse de l’aide en se concentrant sur l’amélioration de ses insuffisances perceptibles pour réduire efficacement la pauvreté. Les donateurs du CAD ont convenu qu’il existait quatre grands secteurs dans lesquels ils pourraient parvenir à un consensus basé sur leur propre expérience. Ils ont donc reconnu que la qualité et l’efficacité de l’aide se sont considérablement améliorées :
là où il y avait une coordination étroite entre les donateurs ;
lorsque les pays partenaires en développement établissaient des priorités basées sur le développement, et par conséquent proposaient et dirigeaient des programmes auxquels l’aide pouvait contribuer ;
lorsque les donateurs se concentraient sur un nombre limité de secteurs-clés dans les pays affichant une bonne performance ;
lorsque les gouvernements bénéficiaires avaient adopté des politiques socioéconomiques efficaces et exerçaient des pratiques démocratiques (CAD, 1996).
9Depuis 1996, de plus en plus de donateurs ont adopté ce programme en matière d’efficacité de l’aide, particulièrement depuis que les améliorations de l’efficacité de l’aide sont liées à l’accroissement des budgets, tel qu’il a été établi lors de la conférence de Monterrey en 2002. En mars 2005, après une décennie de discussions et de révisions de leurs politiques, les donateurs (et un certain nombre de pays bénéficiaires) ont adopté par acclamation la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide lors d’une réunion ministérielle de haut niveau du CAD. La Déclaration de Paris est un consensus de grande envergure pour réformer la livraison et la gestion de l’aide. Elle propose que d’ici 2010, les donateurs alignent leurs programmes d’aide sur des stratégies opérationnelles de développement produites par des pays partenaires, comptent sur les systèmes de gestion de l’approvisionnement et de gestion financière des pays bénéficiaires (déliant sensiblement leur aide), harmonisent leurs propres pratiques et demandes en matière d’aide face à leurs partenaires bénéficiaires (incluant une augmentation très significative des approches-programmes6 – appui au budget et approches sectorielles impliquant des fonds communs des donateurs), évaluent le progrès en termes de résultats convenus mutuellement, et entreprennent une évaluation mutuelle des engagements des donateurs pour l’efficacité de l’aide (CAD, 2005).
10Ces réformes visent à « augmenter l’impact de l’aide […] en réduisant la pauvreté et l’inégalité, en augmentant la croissance, en créant des capacités et en accélérant l’accomplissement des OMD » (CAD, 2005 : 1). Tous les donateurs, incluant l’ACDI, ont accepté d’être évalués selon les engagements établis dans la Déclaration et les indicateurs de progrès qui ont été présentés par le CAD et la Banque mondiale. Parmi les donateurs, l’ACDI a tardé à implanter les réformes dans le contenu et les modalités de son programme d’aide. De telles réformes dans les pratiques de l’aide canadienne sont devenues indispensables vers la fin des années 1990. Les pressions pour la réforme exercées sur les plans international (au début, avec Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle) et local, provenaient aussi d’un vaste éventail de médias, d’ONG, de centres de recherches, d’églises et d’universités. Les compressions budgétaires initiées par le gouvernement Mulroney, et considérablement précipitées par le ministre libéral des Finances Paul Martin de 1995 à 1997, ont réduit l’aide canadienne de plus de 30 % de 1992 à 1999. Ces compressions sont parmi les plus importantes qui ont été décidées par les donateurs au cours des années 1990. L’évaluation du Canada prévue par le CAD en 1998 par ses donateurs homologues a été étonnamment franche dans son appréciation :
En cette fin des années 1990, on note donc un paradoxe dans l’attitude du Canada face aux affaires internationales, lequel tout en restant déterminé à intervenir dans un très large éventail de domaines et à entretenir des relations avec des partenaires et des organismes multilatéraux aussi nombreux que possible a réduit le budget de l’aide de 29 pour cent en six ans. Ce paradoxe amène à s’interroger, au plan intérieur aussi bien qu’extérieur, sur l’aptitude du Canada à remplir le rôle qu’il souhaiterait jouer dans le monde. (CAD, 1998 : 9)
11La plupart des compressions budgétaires effectuées dans les années 1990 n’ont pas été basées sur des priorités politiques, mais ont plutôt été appliquées en parts égales à toutes les branches et programmes de l’ACDI (à l’exception notable des compressions de 100 % imposées aux organismes canadiens impliqués dans l’éducation publique portant sur des problématiques globales au Canada, et des attributions fixes aux établissements multilatéraux qui étaient régis par les engagements de partage des charges du donateur [Morrison, 1998 : 412-420]). Ainsi, vers la fin de la décennie, l’ACDI a été évaluée par des analystes en matière d’aide et par des stratèges, et tous en sont venus à la conclusion qu’elle réalisait des centaines de projets individuels de façon inefficace, impliquant un nombre équivalent de partenaires canadiens et de pays en développement dans un vaste éventail de pays et de priorités de secteurs, tout en se laissant guider par un mandat si large qu’il permettait une telle diversité de réflexion à propos de l’ACDI et son impact sur la réduction de la pauvreté (Morrison, 1998 : chap. 10 ; CCCI, 1999).
12Plus de 30 personnalités canadiennes se sont jointes au CCCI en réponse à cette crise dans une lettre ouverte au premier ministre en mars 1999, dans laquelle ils réclamaient un fort leadership du gouvernement pour renouveler les efforts canadiens en matière d’aide et s’assurer que la réduction de la pauvreté soit l’objectif central de l’aide canadienne. L’énoncé de politique étrangère de 1995, Le Canada dans le monde, déclarait que l’aide canadienne atteindrait trois objectifs établis : accroître la prospérité canadienne, contribuer à un monde plus sécuritaire et diffuser les valeurs canadiennes dans le monde. Tandis que l’ACDI développait une variété de politiques relatives à la réduction de la pauvreté et six priorités de programme exposées dans l’énoncé, les ONG ont conclu que les politiques étaient largement distinctes des pratiques et des tendances en matière d’aide :» Ensemble, elles n’offrent aucun cadre stratégique global pour des interventions de l’ACDI, et individuellement, elles ne visent que les plans plus généraux pour la mise en œuvre » (CCCI, 1999).
13Cette absence d’objectifs et de direction stratégique a été définie par le CCCI dans un texte où il critique fortement les dépenses de l’ACDI en matière d’aide vers la fin des années 1990 (CCCI, 1999) :
Seulement 55 % des dépenses de l’ACDI en matière d’aide dans les années 1990 ont été attribuées aux pays à faible revenu, le reste ayant été assigné aux pays à revenu intermédiaire (contrairement au Royaume-Uni [74 %], à la Norvège [75 %] et au Danemark [78 %]).
L’aide accordée aux 40 pays les moins avancés a brusquement chuté de 33 % au milieu des années 1990 (comparativement à une baisse de 21 % pour l’aide canadienne en général).
L’aide de l’ACDI versée à l’Afrique subsaharienne a été réduite de près de 35 % de 1990 à 2000 (en dollars de 1999), et ce, malgré le fait que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté ait augmenté au cours des années 1990 dans cette région.
En dépit de l’importance reconnue aux services de base en éducation et en soins de santé primaires pour la réduction de la pauvreté, les attributions de l’ACDI aux besoins humains fondamentaux et durables n’ont augmenté que très légèrement au cours des années 1990, passant de 13 % au début des années 1990 à 17 % de l’APD canadienne totale en 1996-1997.
Malgré le fait que les deux tiers de la population pauvre vivent dans les secteurs ruraux, l’aide au renforcement de ses moyens de subsistance par le développement agricole à petite échelle et à la promotion de la sécurité alimentaire a nettement chuté au cours des années 1990 (non seulement pour le Canada, mais pour tous les donateurs). Une étude par l’ACDI à cette époque affichait une situation alarmante : 1991-1992 à 1996-1997, les dépenses générales liées à l’appui des projets pour la sécurité alimentaire ont diminué de 58 %, tandis que celles consacrées exclusivement à cet objectif ont chuté de 87 % (Strachan, 1998 : 9).
Les efforts visant à renforcer les capacités des pays en voie de développement en ce qui a trait aux droits de propriétés locales pour développer des priorités liées à l’aide canadienne ont été contredits par les modalités pour fournir cette aide. Les projets d’aide canadienne sont demeurés très liés à l’utilisation de marchandises et de services canadiens pendant cette période. Par exemple, en 1996, 68,5 % de l’aide bilatérale canadienne était liée, situant le Canada au 15e rang parmi 17 donateurs sur le plan de l’aide liée7. De plus, la dépendance qu’a connue l’ACDI en 1996-1997 vis-à-vis des 7000 experts (dont seulement 800 provenaient de pays en voie de développement) dans la livraison de son programme d’aide a été un indicateur de la structure de l’exécution de l’aide canadienne au cours de la décennie.
Finalement, l’ACDI a apparemment abandonné toute prétention à appuyer systématiquement la participation des Canadiens qui cherchent à comprendre les enjeux internationaux et à agir en tant que citoyens du monde. Au printemps 1995, le gouvernement a réduit tous les fonds pour le développement communautaire des programmes éducatifs. L’année suivante, seulement 0,5 % du budget de l’ACDI a été consacré au petit Programme d’information sur le développement (PID) et aux efforts en matière de relations publiques.
14Vers la fin de la décennie, peu de preuves démontraient que l’ACDI avait su relever les défis pour la réforme de l’aide établis par les donateurs du CAD dans Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle. L’ACDI n’a pas envisagé d’ajuster ses pratiques en matière d’aide lorsqu’elle a imposé des compressions majeures dans ses programmes dans la seconde moitié des années 1990. Elle a également choisi de ne pas accorder la priorité aux régions et aux secteurs qui auraient pu lui permettre de renforcer son objectif d’améliorer les conditions de vie et les droits des peuples démunis et marginalisés.
15Par ailleurs, il semblerait que le gouvernement n’ait pas utilisé l’aide comme ressource stratégique pour établir les priorités de la politique étrangère canadienne. La plupart des initiatives de politique étrangère, telles que le processus d’élimination des mines antipersonnel et le programme d’action en matière de sécurité humaine du ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, ne reposaient pas sur l’aide. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) n’a su intégrer les ressources de l’ACDI dans le dispositif de ses priorités en matière de politique étrangère. Selon l’analyse d’Axworthy portant sur ses propres tentatives, en tant que ministre, de favoriser une approche pangouvernementale en matière de sécurité humaine,
[i]l y avait trop de ministères à impliquer, trop d’intérêts locaux à considérer, et trop peu de ressources disponibles. À cet égard, nous avons payé le prix de la fragmentation de l’appareil gouvernemental, et particulièrement de la division entre l’ACDI et le MAECI. Si les deux avaient fait partie de la même boîte politique, il aurait pu être possible de tisser des liens plus étroits entre la politique de développement et notre cadre de sécurité humaine. (Axworthy, 2003 : 327)
L’ACDI DANS LE NOUVEAU MILLÉNAIRE : MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFORME
16La nomination de Maria Minna comme ministre de la Coopération internationale, et celle de Len Good comme président de l’ACDI à l’automne 1999 ont marqué un point tournant pour l’Agence. La ministre a procédé à une évaluation majeure des priorités de l’ACDI et a entrepris des consultations importantes sur les plans national et international concernant les nouvelles priorités, les centres d’intérêt et les stratégies pour améliorer l’efficacité de l’acheminement de l’aide. Le gouvernement a ainsi donné suite à une attention internationale accrue concernant l’importance de la réduction de la pauvreté dans la politique étrangère canadienne vis-à-vis des pays en voie de développement, ainsi qu’au programme de réformes du CAD pour améliorer l’efficacité de l’aide8.
Donner la priorité à la réduction de la pauvreté et au développement social
17En septembre 2000, à la veille du Sommet du millénaire des Nations Unies, la ministre Minna a lancé le document Priorités de développement social : un cadre d’action, qui a mis en œuvre un plan d’action pour orienter d’importantes ressources de l’ACDI vers les besoins prioritaires des peuples démunis. La première phrase de ce texte reconnaît que « l’objectif principal de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) est de réduire la pauvreté », et qu’en dépit des progrès effectués, « la pauvreté demeure un défi majeur » (ACDI, 2000a : 1). Le Cadre d’action présente un plan pour accorder la priorité à quatre domaines importants du développement social qui peuvent participer à la réduction de la pauvreté : la santé et la nutrition, l’éducation de base, la lutte contre le VIH/sida et la protection de l’enfance. Le Cadre d’action a réitéré le rôle central de l’égalité entre les sexes dans le développement social, soulignant l’importance incessante des droits, non seulement pour la protection de l’enfance, mais également pour la stratégie de l’ACDI en matière d’éducation de base9.
18Se distinguant des rapports annuels de l’ACDI des années précédentes, le Cadre d’action a fixé des objectifs financiers précis pour accroître les investissements sur une période de cinq ans (jusqu’en 2005) dans chacune des quatre priorités mentionnées, pour un total de près de 380 000 000 $ consacrés aux nouvelles ressources pour ces priorités. À cette époque, le CCCI a calculé que ce plan d’investissement représentait une possibilité de transférer 40 % aux priorités de développement social dans les ressources bilatérales des priorités de 2000 (CCCI, 2000 : 12)10. Le ministre a tenu sa promesse en organisant des consultations exhaustives et éloquentes avec les acteurs du développement de la société civile canadienne pour la mise en œuvre de stratégies individuelles d’implantation de l’ACDI pour chaque priorité.
19Le Cadre d’action et la mise en œuvre des stratégies se sont révélés efficaces pour faciliter le changement dans le secteur d’intervention des programmes bilatéraux de l’ACDI. En 2002, les dépenses de l’ACDI consacrées aux quatre priorités de développement social représentaient plus de 25 % de ses dépenses totales annuelles, la plupart d’entre elles provenant des programmes bilatéraux. Par exemple, les fonds pour l’éducation de base dégagés par les programmes bilatéraux de l’ACDI et les directions générales du partenariat canadien ont plus que doublé de 1996 à 2002, et les ressources pour les soins de santé primaires ont augmenté de 40 % au cours de cette même période. En avril 2005, un cadre supérieur de l’ACDI a mentionné dans un discours non publié sur l’éducation de base que l’ACDI avait consacré plus de un milliard de dollars à ces programmes au cours des cinq années précédentes. Le rapport au Parlement sur le rendement 2004-2005 de l’ACDI déclarait que l’Agence avait effectivement surpassé ses objectifs de nouveaux investissements de l’an 2000 dans les quatre priorités de développement social (investissant un total de 3,2 milliards de dollars sur un objectif de 2,8 milliards) (ACDI, 2005).
20L’une des critiques émises au sujet de l’attention portée aux priorités du développement social reposait sur le fait que le progrès effectué dans ces secteurs ne pouvait se maintenir pour les populations pauvres si on ne portait pas plus d’attention à leurs moyens de subsistance, et ce, particulièrement pour la majorité d’entre elles qui vivaient toujours dans des secteurs ruraux. En 2002, un remaniement ministériel a entraîné la nomination de Susan Whelan comme ministre de la Coopération internationale. Cette dernière accorda un intérêt particulier au déclin dramatique de l’appui des donateurs au développement agricole et rural constaté dans les études antérieures effectuées par l’ACDI au sujet de la sécurité alimentaire. Après des consultations quelque peu précipitées et limitées, l’ACDI a publié en avril 2003 sa politique sous le titre de L’agriculture au service du développement rural durable (ACDI, 2003a).
21Bien qu’elles aient critiqué certains points de vue sur la modernisation agricole soulevés dans la politique, les organisations de la société civile (OSC) canadiennes ont généralement appuyé la stratégie menée par l’ACDI en vue d’améliorer les moyens de subsistance des personnes pauvres par l’embauche et le soutien de petits et moyens agriculteurs. Comme pour les priorités de développement social, la ministre a établi des objectifs financiers précis : les investissements de l’ACDI dans le secteur agricole devaient passer d’environ 95 000 000 $ en 2002-2003 à 150 000 000 $ en 2003-2004, et à 225 000 000 $ en 2004-2005, visant ainsi un objectif de 500 000 000 $ en 2007-2008 (ACDI, 2003a : 18). L’arrivée de la nouvelle ministre Aileen Carroll en 2004-2005 a toutefois semblé ébranler l’intérêt de l’ACDI pour ce secteur. Les dépenses de l’ACDI pour le développement agricole ont été inférieures de 46 000 000 $ par rapport aux prévisions effectuées pour cette même année, et on s’attendait à ce qu’elles soient inférieures de 62 000 000 $ l’année suivante, soit en 2005-2006 (CCCI, 2006a).
22En 2005, le gouvernement libéral publiait son Énoncé de politique internationale du Canada, longuement attendu. La section de ce rapport portant sur la coopération internationale mettait encore l’accent sur la santé, incluant le VIH/sida et l’éducation de base. Bien qu’une moindre importance ait été accordée à la protection de l’enfance, les thèmes de la gouvernance, de l’environnement et du développement du secteur privé ont toutefois été ajoutés à la liste des priorités (Gouvernement du Canada, 2005). Malheureusement, l’intérêt renouvelé pour l’agriculture et le développement rural qui avait été mis de l’avant deux ans plus tôt par l’ancienne ministre s’est s’affaibli. Le nouveau gouvernement conservateur, arrivé au pouvoir au début de 2006, n’a toujours pas annoncé ses propres priorités sectorielles en ce qui a trait à l’aide, bien qu’il ait jusqu’ici poursuivi les priorités libérales établies dans l’Énoncé de politique internationale du Canada.
Réformer les modalités de prestation de l’aide de l’ACDI
23Le cadre d’action de septembre 2000 a soulevé des inquiétudes sur l’approche de l’ACDI pour distribuer ses ressources d’aide. Bien qu’il ne se soit pas engagé explicitement à mettre en œuvre le programme de réformes du CAD, le cadre a suggéré que l’ACDI « adopte une approche plus stratégique et centrée sur la programmation – qui se concentre moins sur des projets séparés et davantage sur des approches générales et coordonnées » (ACDI, 2000a : 43). Il a reconnu l’importance du principe de « la prise en charge locale » pour accroître l’efficacité de l’aide canadienne, qui exige « d’accorder la priorité au pays en voie de développement » grâce à la coordination avec des programmes de développement à l’échelle de chaque pays dans un nombre limité de pays (ACDI, 2000a : 44-45).
24En réponse aux inquiétudes concernant l’efficacité de l’aide canadienne fournie, la ministre Minna a lancé en 2001 une série de consultations publiques détaillées et accompagnées de recherches internes effectuées par l’ACDI sur des stratégies visant à améliorer l’efficacité de l’aide canadienne11. Les ébauches des documents de consultation ont fait allusion au besoin pour l’ACDI de chercher l’atteinte de résultats pour réduire la pauvreté, d’améliorer la prise en charge locale des stratégies de développement et de se concentrer sur la portée sectorielle et géographique de l’Agence pour atteindre ces objectifs. Les OSC (organisations de la société civile) ont bien accueilli l’adoption par l’ACDI de ces principes importants. Tandis que l’ACDI préparait ses stratégies finales, de nombreuses OSC invitées aux consultations ont toutefois souligné que l’ACDI faisait une analyse critique du programme du CAD. Elles ont proposé que l’ACDI adopte une approche canadienne complémentaire face à la réduction de la pauvreté qui soit basée sur sa propre compréhension des déterminants de la pauvreté et des acteurs impliqués dans la réduction de la pauvreté dans le Sud, qu’elle développe, d’une part, une compréhension des limites des stratégies de lutte contre la pauvreté de chaque pays qui évolue au gré de la réduction de la dette, et d’autre part, une appréciation des divers rôles et contributions des OSC dans l’appui des droits des peuples démunis et marginalisés, tant au Nord qu’au Sud12.
25En septembre 2002, Susan Whelan, nouvelle ministre de la Coopération internationale, publie Le Canada contribue à un monde meilleur : énoncé de politique en faveur d’une aide internationale plus efficace (ACDI, 2002). Cette stratégie, qui adopte sans discernement la position du CAD à l’égard de la réforme et de l’efficacité de l’aide, a fortement influencé l’évolution ultérieure de la pratique de l’aide canadienne :
Les programmes de l’ACDI doivent répondre aux initiatives de développement définies et dirigées par des contreparties du Sud. En agissant de la sorte, on a établi les cadres stratégiques de la lutte contre la pauvreté (CSLP) qui serviront à définir toutes les priorités des programmes bilatéraux de l’ACDI (à condition que « l’ACDI considère que ce processus implique une approche participative légitime » [ACDI, 2002 : 8]). Les cadres subséquents de programmation-pays ont ainsi adopté à l’unanimité les CSLP du pays concerné comme point de repère pour les priorités nationales de l’ACDI.
La politique a établi que les ressources d’aide devaient se concentrer sur un nombre plus limité de pays et sur des secteurs stratégiques pour la réduction de la pauvreté, incluant les priorités de développement social, en s’attachant toutefois davantage au développement rural et agricole (ce qui a, plus tard, mené à la politique décrite ci-dessus). En décembre 2002, le gouvernement a annoncé qu’il acheminerait de nouvelles ressources bilatérales d’aide dans neuf pays prioritaires pour améliorer l’impact de ses ressources d’aide. L’Énoncé de politique internationale d’avril 2005 a augmenté le nombre de pays prioritaires à 25 et annoncé que les deux tiers de l’aide bilatérale seraient consacrés à ces pays d’ici 2010 (elle représentait 42 % en 2005)13.
L’intervention stratégique dans un nombre limité de pays, la plupart d’entre eux comptant parmi les plus pauvres, a été accompagnée d’une critique des dernières approches programmes. Dorénavant, l’ACDI devrait insister sur des approches programmatiques (approches sectorielles ou appui budgétaire plus général) où elle coordonnerait et combinerait ses ressources avec d’autres donateurs en dialogue avec les ministères des pays en voie de développement et fonctionnaires des Finances (ACDI, 2002 : 9-14)14. La Direction générale de l’Afrique s’est fixé comme objectif qu’en 2006-2007, 60 % de son programme bilatéral serait réalisé par des approches-programmes. Ainsi, en 2006-2007, environ 23 % des dépenses bilatérales devraient être transférées aux approches-programmes (principalement dans les secteurs sociaux de la santé et de l’éducation), avec une plus grande concentration en Afrique subsaharienne où elle excédait les 40 %(environ 325 000 000 $) (Lavergne, 2006). L’Énoncé a souligné la nécessité de vérifier de quelle façon d’autres directions générales de l’ACDI, en particulier la Direction générale du partenariat canadien pour les programmes spontanés avec les OSC canadiennes, pourraient être intégrées dans cette approche plus ciblée15.
Le Canada contribue à un monde meilleur a également passé en revue les politiques du Canada concernant le déliement de l’aide. Ce texte a indiqué que le Canada adopterait la définition de l’aide non liée proposée par le CAD,» qui repose sur la capacité d’autres pays en développement de rivaliser pour des projets financés par des pays donateurs » (ACDI, 2002 : 21), indépendamment du pays en voie de développement. Ainsi, la politique du CAD sur le déliement de l’aide appuie la libéralisation des contrats d’aide parmi les pays donateurs, plutôt qu’un choix plus efficace pour des partenaires des pays en voie de développement. Le Canada avait déjà mis en œuvre un accord limité du CAD visant à délier complètement l’aide pour les pays les moins avancés, accord qui excluait l’aide alimentaire et une grande partie de l’assistance technique. Avec l’Énoncé de 2002, le gouvernement a abandonné les règles du pourcentage pour le déliement de l’aide, laissant le degré de déliement à l’entière discrétion du ministre, à l’exception de l’aide alimentaire, qui est demeurée liée à 90 % aux achats canadiens, jusqu’à l’annonce en septembre 2005 d’une politique réduisant ce pourcentage à 50 %, à condition que l’approvisionnement provienne des ressources régionales dans les pays en voie de développement. Bien que le taux d’aide liée demeure élevé, les mesures prises par le Canada concernant l’aide non liée ont amélioré la situation : le CAD a signalé que l’aide bilatérale canadienne était liée à 43 % en 2004 (à l’exception de l’aide alimentaire et de l’assistance technique), comparativement à 68 % en 1996. Ce taux de déliement a probablement baissé davantage avec l’intervention de l’ACDI visant à appuyer les fonds communs des donateurs pour les approches-programmes.
Enfin, il est important de mentionner les secteurs de l’aide canadienne qui n’ont pas été pris en compte dans l’établissement des politiques pour améliorer l’efficacité de l’aide canadienne. En dépit des multiples discussions tenues lors des consultations de 2001 sur les rôles de la société civile dans la réduction de pauvreté, l’Énoncé a largement ignoré ces acteurs du développement. Les stratégies pour l’efficacité de l’aide canadienne se sont concentrées exclusivement sur la coordination de l’engagement des donateurs dans les relations gouvernementales bilatérales. Dans la mesure où on faisait mention des acteurs de la société civile, on laissait entendre que ces programmes devaient s’harmoniser avec les stratégies gouvernementales pour réduire la pauvreté. En réponse à l’Énoncé, les OSC canadiennes sont intervenues pour aider à renforcer les gouvernements des pays en développement afin de répondre aux besoins de leurs citoyens. Les OSC ont toutefois été profondément déçues que l’ACDI n’ait pas envisagé des façons de renforcer son appui et son efficacité face aux procédés de développement démocratiques, aux visions alternatives, à l’initiative et l’innovation communautaires et aux rôles indépendants joués par les OSC pour développer les capacités des populations pauvres afin qu’elles puissent se prévaloir de leurs droits. (CCCI, 2002a ; CCCI, 2002b).
Réinvestir dans l’aide canadienne
26Au début de l’exercice financier 1997-1998, les compressions budgétaires majeures dans l’aide canadienne ont commencé à se stabiliser, tandis que les budgets fédéraux annuels commençaient à accumuler des excédents croissants. Le rendement de l’aide canadienne, mesuré comme pourcentage de son produit national brut, a toutefois atteint son taux le plus bas en 2000 avec 0,25 % du PNB, alors qu’il était à 0,45 % en 1990, et atteignait un sommet à 0,49 % en 1991-1992. Ce n’est que lors du budget fédéral de décembre 2001, et après la promesse faite par le premier ministre Chrétien lors de la Conférence de l’ONU sur le financement du développement en mars 2002 de doubler l’aide canadienne d’ici 2010, que les niveaux d’aide ont nettement commencé à se rétablir de façon régulière. Le budget de décembre 2001 établi quelques mois plus tôt s’était engagé à augmenter les nouvelles ressources d’aide de un milliard de dollars au cours des trois années suivantes, incluant une attribution de 500 000 000 $ à un fonds d’affectation spéciale pour l’Afrique (qui a ensuite été nommé le Fonds canadien pour l’Afrique). Puis, en marge de la conférence de Monterrey de mars 2002, le premier ministre s’est engagé à suivre un échéancier pour augmenter l’aide canadienne d’au moins 8 % annuellement, de 2001-2002 à 2010-2011. Plus tard cette année-là, lors du Sommet du G-8 de Kananaskis, le premier ministre a alloué au moins la moitié de ces augmentations de l’aide canadienne à l’Afrique subsaharienne (en plus du Fonds canadien pour l’Afrique de 500 000 000 $).
27En dépit des fortes pressions exercées par les OSC canadiennes pendant la campagne Abolissons la pauvreté pour que le gouvernement s’engage à respecter un calendrier pour atteindre 0,7 % du PNB d’ici 2015, le gouvernement Martin n’a pas modifié les augmentations de 8 % prévues par Chrétien pour l’aide canadienne lors de son premier budget d’avril 2005 et lors de sa mise à jour budgétaire de novembre. Son gouvernement a toutefois fait accélérer l’approvisionnement de ressources accrues pour l’Afrique d’environ 30 % en promettant de doubler l’aide en Afrique subsaharienne de 2003-2004 à 2008-2009 (de 1,1 milliard de dollars en 2002, à près de 2,8 milliards en 2008) (Tomlinson, 2005b). Le gouvernement conservateur, au pouvoir depuis janvier 2006, a déclaré qu’il honorerait les engagements libéraux pour augmenter l’aide canadienne, mais il n’a fait aucune annonce au sujet de ses propres intentions pour accroître ses investissements sur le plan de l’aide16.
28Depuis 2002, les divers gouvernements canadiens s’en sont tenus à ces promesses sur le plan de l’aide, en allouant des augmentations d’une année à l’autre pour offrir des attributions spéciales et uniques pour le VIH/sida, l’Afghanistan et le soutien aux efforts de secours à la suite du tsunami de 2004. En fait, l’allocation budgétaire du gouvernement pour l’aide a augmenté de plus de 8 % au cours des années précédant le budget conservateur de mai 2006 (voir le Tableau 1.1 pour les projections actuelles et futures de l’APD canadienne)17.
29Bien que ces augmentations de l’aide aient été très bien accueillies, les OSC canadiennes ont rapidement indiqué que les engagements étaient loin de correspondre à la juste part du Canada en ce qui a trait aux ressources nécessaires pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et qu’ils n’avaient même pas réussi à atteindre le rendement de l’aide canadienne de 1990, sans parler de l’objectif de l’ONU de verser 0,7 % du PNB. Le CCCI a estimé que le rendement de l’aide canadienne en 2010 devrait s’élever à environ 0,33 % du PNB du pays, ce qui ne représente même pas la moitié de l’objectif de l’ONU (Tomlinson, 2006a). Les OSC canadiennes ont plaidé en faveur d’un programme visant à atteindre l’objectif de 0,7 % d’ici 2015, avec des augmentations annuelles d’environ 15 à 18 %.
TABLEAU 1.1. NIVEAUX DE L’APD CANADIENNE 2000-2010

+ L’APD pour 2003-2004 est en fait de 2 725,1 millions de dollars, mais le tableau ci-dessus ne tient pas compte du remboursement par l’Inde de 430 millions de dollars en prêts au cours de cette même année afin d’offrir un tableau plus précis des efforts canadiens pour l’aide.
* Estimations du CCCI. Les autres chiffres sont basés sur les Rapports statistiques de l’ACDI pour l’année en cause.
Les ratios du rendement de l’aide canadienne pour 2005-2006 et 2006-2007 ont chuté de 0,30 % chaque année lorsqu’une grande radiation de la dette pour l’Irak a été supprimée des évaluations pour l’EAI au cours de ces années.
L’augmentation moyenne de l’aide de 2000-2001 à 2005-2006 est de 11 %.
30Le profil de pauvreté pour les déboursements de l’aide canadienne s’est amélioré depuis 2000. Les améliorations générales concernant les attributions du secteur social et de l’agriculture ont déjà été mentionnées. Selon les statistiques du CAD, l’aide canadienne attribuée à l’Afrique subsaharienne a plus que doublé de 2000 à 200418. L’engagement libéral de doubler l’aide dans cette région d’ici 2008 prévoyait que plus de 50 % des décaissements de l’APD seraient attribués au sous-continent. Le nouveau gouvernement conservateur semble toutefois avoir abandonné cet engagement pour l’Afrique. Tout porte à croire que les ressources d’aide canadienne sont de nouveau détournées vers les intérêts de la politique étrangère canadienne. La distribution sectorielle de l’aide en Afrique subsaharienne s’est également améliorée, passant de 37 % de tous les déboursements africains en 2000 à un peu moins de 50 % en 2003 (Tomlinson, 2005b), et ce, grâce à des déboursements dans le domaine de la santé, de l’agriculture et de l’éducation, soit des secteurs-clés pour la réduction de la pauvreté. Grâce à la politique visant à se concentrer sur des pays prioritaires, l’intérêt porté aux pays à faible revenu s’est également amélioré, atteignant 67 % des dépenses d’APD en 2003-2004 (CAD, 2006 : tableau 26). L’aide liée canadienne demeure élevée, mais elle a diminué si on la compare avec les sommets atteints au cours des années 1990 pour s’établir à 43 % en 2004 (CAD, 2006 : tableau 23).
31D’autre part, le CCCI a indiqué que l’exécution des réformes de l’aide visant à appuyer les approches-programmes s’est soldée par la marginalisation des acteurs de développement de la société civile lors des récentes dépenses d’aide de l’ACDI. Selon les calculs du CCCI, les versements bilatéraux canadiens effectués par les organismes de la société civile chargés de l’exécution ont diminué, passant de 35 % en 1999-2000 à environ 20 % en 2004-2005, principalement en raison de la transition vers les approches-programmes. La part globale des organismes de la société civile dans l’exécution du programme d’APD de l’ACDI a diminué de plus de 10 % au cours de cette période (CCCI, 2005a).
32Tout bien considéré, le bilan de l’aide canadienne depuis 2000 est discutable. L’ACDI s’est concentrée davantage sur la pauvreté dans ses interventions d’aide. Les priorités du développement social et la stratégie de développement agricole et rural ont été particulièrement importantes. Les niveaux d’aide augmentent après des baisses abruptes au cours des années 1990. L’ACDI a sensiblement contribué à la primauté du Canada pour donner la priorité aux besoins de l’Afrique subsaharienne lors des derniers rassemblements du G-8. D’autre part, il n’existe toujours qu’un faible engagement pour augmenter les budgets d’aide et pour atteindre l’objectif de 0,7 %.
ENJEUX IMPORTANTS POUR L’AVENIR DE L’AIDE CANADIENNE
33Lors du Sommet du millénaire de 2000, la communauté internationale a accepté de « faire tous les efforts possibles » pour réduire davantage et éliminer la pauvreté globale. L’aide devrait être perçue comme une ressource unique, explicitement employée par les gouvernements donateurs pour atteindre cet objectif. L’atteinte des OMD exigera de l’aide de qualité supérieure accordée en priorité à l’amélioration des moyens de subsistance des personnes pauvres et vulnérables, à la gouvernance démocratique et aux droits politiques, ainsi qu’à l’avancement des droits économiques, sociaux et culturels pour tous les citoyens. Malheureusement, l’aide est également une ressource flexible que les gouvernements donateurs, incluant le Canada, peuvent facilement aligner sur d’autres intérêts de politique étrangère qui menacent ces objectifs19.
34Le Canada a reconnu et implanté des réformes pour améliorer la qualité de son aide afin de maximiser son efficacité et ainsi atteindre les OMD. Pour évaluer leur efficacité dans un cadre de politique d’internationalisme humanitaire, il est toutefois important de considérer leur impact sur les conditions affectant les pauvres et les personnes marginalisées. À cet égard, quatre enjeux s’avèrent particulièrement pertinents en ce qui a trait à l’avenir de l’aide canadienne :
clarifier son but vis-à-vis de la réduction de la pauvreté et la promotion des droits des pauvres et des personnes vulnérables ;
clarifier la perception de l’ACDI de « la prise en charge locale » en termes de pratiques des donateurs qui continuent de conditionner fortement leur aide en fonction des politiques qu’ils considèrent essentielles pour l’efficacité de l’aide ;
clarifier les rôles de la société civile dans le processus de développement des stratégies de l’ACDI pour améliorer l’efficacité de l’aide ;
clarifier un plan à long terme pour augmenter l’APD canadienne afin d’atteindre nos engagements internationaux.
Clarifier le mandat de l’APD canadienne
35La question d’un mandat clair pour l’APD canadienne a été de façon sporadique à l’ordre du jour politique pendant au moins deux décennies. Les services parlementaires et le vérificateur général ont remis en cause le manque d’intérêt ou l’immense mandat pour l’aide dans divers rapports au cours de cette même période (Morrison, 1998). Au cours de la dernière année, les OSC canadiennes œuvrant par l’intermédiaire du CCCI ont cherché à obtenir une législation canadienne qui définisse l’objectif exclusif de l’aide canadienne en ce qui a trait à sa contribution pour la réduction de la pauvreté, conformément aux engagements des droits de la personne du Canada, et en tenant compte des perspectives des populations pauvres (CCCI, 2006b). Similaire à la législation britannique, un mandat législatif renforcerait certainement l’objectif de réduction de la pauvreté et accroîtrait la responsabilité du ministre de la Coopération internationale. L’ACDI jouerait un rôle principal dans l’accomplissement de ce mandat, mais la législation servirait également de guide dans l’approche du transfert des ressources affectant toutes les principales initiatives canadiennes de politique étrangère dans les pays en voie de développement, et particulièrement ceux qui sont engagés dans un conflit émergent.
36En raison de l’intérêt prédominant accordé à la sécurité et à la « guerre contre le terrorisme » à la suite des événements du 11 septembre 2001, ainsi qu’aux risques accrus de conflits dans diverses régions du Sud, des chercheurs universitaires (Woods, 2005a ; 2005b) et des OSC ont par ailleurs soulevé des inquiétudes et rassemblé des preuves internationales indiquant que l’aide serait de nouveau détournée, cette fois pour protéger les intérêts de sécurité des pays donateurs du Nord :
Les auteurs de The Reality of Aid qui ont contribué à ce rapport […] sont profondément consternés de constater que les récentes tendances de l’aide globale depuis 2001 indiquent un retour des priorités de l’aide basées sur les priorités de politique étrangère des donateurs dans la guerre contre le terrorisme. Les politiques et les sommes attribuées à l’aide se sont concentrées sur l’expansion de l’ordre du jour portant sur la sécurité dans le Sud, accompagnées par des déviations explicites des ressources d’aide vers les deux régions du monde qui sont perçues comme une menace pour leur sécurité, ou les activités anti-insurrectionnelles dans les zones de conflits. Les guerres en Afghanistan et en Irak ont pris plus d’un tiers des nouvelles ressources d’aide allouées par des donateurs depuis 2001. (The Reality of Aid, 2006 : 40)
37On a déjà remarqué un engagement majeur de l’aide attribuée en Afghanistan et en Irak dans les récentes dépenses de l’aide canadienne. Pendant ce temps, un débat est en cours parmi les donateurs du CAD sur l’expansion des critères de ce qui peut être compté comme de l’APD (déjà très vaste20) afin d’inclure les contributions des donateurs à la sécurité internationale, en particulier celles qui sont reliées aux aspects militaires et à la sécurité des opérations de paix. On a signalé que le Canada se trouvait parmi les donateurs désirant une telle expansion, alors que d’autres donateurs y résistent toujours (Simpson et Tomlinson, 2006).
38À la suite de l’Énoncé de politique internationale de 2005, un tiers de l’aide bilatérale est réservé aux États en déroute ou défaillants, le ministère des Affaires étrangères ayant assumé un rôle majeur dans la coordination d’une politique pangouvernementale canadienne dans plusieurs de ces pays (par exemple, le Soudan, Haïti et l’Afghanistan). Le gouvernement libéral a également créé deux nouveaux mécanismes au sein du ministère des Affaires étrangères : le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR) ainsi que le Fonds pour la paix et la sécurité dans le monde, le budget fédéral de 2005 lui ayant attribué 500 000 000 $ sur cinq ans. L’ACDI participe au GTSR avec d’autres ministères (dont le ministère de la Défense nationale) dans la coordination de la prévention de conflits propres à certains pays, la consolidation de la paix et des activités sur les opérations de paix.
39L’activité la plus importante amorcée jusqu’à maintenant par le GTRS est l’équipe provinciale de reconstruction (EPR) qui opère depuis janvier 2006 à Kandahar, en Afghanistan. L’EPR est formée de représentants des Forces armées canadiennes, de l’ACDI et des autorités locales afghanes, et vise à assurer la sécurité, une gouvernance efficace et le développement dans le sud de l’Afghanistan. L’attention prédominante accordée aux opérations militaires pour empêcher la résurgence des talibans dans la région affecte toutefois les capacités d’entreprendre des activités de développement. Les OSC craignent également que l’EPR entraîne une dangereuse confusion au sein de la population locale entre les acteurs ayant des objectifs humanitaires de développement (l’ACDI et les OSC), ceux qui ont des objectifs militaires (l’OTAN) ou encore ceux qui mènent les opérations antitalibans Enduring Freedom, dirigées par les États-Unis dans la région (Simpson, 2005 ; Simpson et Tomlinson, 2006).
40Tous perçoivent le besoin de coordination gouvernementale et la nécessité que des agences de développement telles que l’ACDI s’engagent efficacement avec des partenaires locaux pour la reconstruction postconflit. Ce potentiel de confusion de mandat, ainsi que les influences prioritaires de la sécurité canadienne et les préoccupations de la défense et de la politique étrangère concernant les allocations de l’aide pourraient faire perdre plusieurs décennies d’expérience à l’ACDI/OSC. Cette dernière s’est concentrée sur des processus sensibles, mais indispensables à l’établissement de la confiance et de partenariats locaux essentiels aux efforts efficaces de consolidation de la paix dont les populations pauvres profiteraient. En l’absence d’un contrepoids légiféré, l’aide canadienne adoptera (si ce n’est pas déjà fait) une orientation de Guerre froide dans laquelle les considérations de la politique étrangère guident les choix politiques.
Clarifier la perception de l’ACDI de « la prise en charge locale »
41Le principe voulant que les priorités de l’aide des donateurs soient formulées par des stratégies du développement déterminées sur le plan local représente le fondement du « consensus » du CAD de 1996 sur l’efficacité de l’aide, tandis que la Déclaration de Paris de 2005 exposait les cibles spécifiques et les indicateurs pour assurer aux donateurs que les partenaires locaux ont bel et bien obtenu une telle primauté. Cependant, le discours des donateurs sur l’importance de la « prise en charge locale » des politiques et des priorités de développement entre malheureusement en conflit avec les dizaines de conditions et de « projets » que ces mêmes donateurs continuent à relier à leurs programmes d’aide. La déclaration ne contient aucun indicateur ou cible portant sur une réduction des conditionnalités et sur des modèles de référence pour débloquer les fonds des donateurs (Tomlinson, 2006c).
42L’ACDI, en collaboration avec d’autres donateurs, a adopté sans formuler de critiques les CSLP comme guide pour aligner ses stratégies d’aide avec la prise en charge locale. Elle s’est ensuite jointe à d’autres donateurs dans le cadre d’approches-programmes visant à appuyer ces priorités. Bien que dans certains pays les CSLP aient offert aux intervenants locaux la possibilité de s’impliquer plus activement, certains observateurs universitaires de la société civile du Nord et du Sud demeurent très sceptiques en ce qui concerne les réalités sur le terrain (Tomlinson et Foster, 2004).
43L’annulation de l’aide et de la dette est fréquemment utilisée par les donateurs, particulièrement par l’intermédiaire de la Banque mondiale et du FMI, dans le but d’imposer leurs propres prescriptions politiques aux gouvernements des pays en développement – privatisation du rôle de l’État dans les secteurs de la santé et de l’éducation, libéralisation des échanges commerciaux et des réglementations des investissements, mise en œuvre de réformes dans les opérations gouvernementales –, ce qui entraîne souvent des conséquences catastrophiques pour la majorité des populations pauvres (Campbell, 2000 ; Christian Aid, 2006 ; Eurodad, 2006). Ces politiques demeurent au cœur des CSLP et constituent plusieurs des engagements continus imposés par les donateurs à des gouvernements de pays en développement à l’aide de conditions et de modèles de référence associés aux approches-programmes. Les conditions en matière de gouvernance exploitent maintenant au maximum les détails des procédés politiques et administratifs du gouvernement dans les pays en voie de développement. Une étude a identifié 82 conditions en matière de gouvernance sur un total moyen de 114 conditions pour chaque accord du FMI/Banque mondiale en Afrique subsaharienne (Kapur, 2000 : 3).
44Des observateurs ont affirmé que le consensus des donateurs de 1996 sur l’efficacité de l’aide avait pour but de mettre à jour un vieil ensemble de politiques datant du Consensus de Washington et qui avaient échoué, et ce, en poursuivant le même but : assurer un système judiciaire, des politiques économiques et sociales ainsi qu’une « bonne » gouvernance qui s’avère essentielle pour un marché libre au profit des investisseurs privés locaux et étrangers (Pratt, 2003). Pratt affirme également que le nouveau consensus du CAD portant sur l’efficacité de l’aide fournit une base idéologique qui combine les intérêts de la mondialisation avec les intérêts des personnes les plus pauvres au monde. La croissance et l’aide servent donc d’ambition commune. En tenant compte de ce point de vue, l’harmonisation des pratiques des donateurs dans les approches-programmes, incluant l’accord conjoint des donateurs sur les conditions de l’aide, pourrait être le moyen le plus efficace d’obtenir des résultats à partir de ces conditions. Les gouvernements des pays en développement les plus pauvres n’ont pas d’autre option que de se conformer à ces ententes des donateurs. Ils agissent ainsi selon le « dialogue politique » et les accords conjoints portant sur des résultats à obtenir. En effet, les donateurs offrent un « front commun » aux bénéficiaires de façon à ce que la proportion d’aide disponible sans ces conditions soit considérablement réduite (Hall et De la Motte, 2004).
45Alors que l’ACDI participe à des approches-programmes de plus en plus nombreuses, en tant que donateur, le Canada se retrouve de plus en plus impliqué dans cet enchaînement de conditions politiques. Bien qu’il n’y ait eu aucun débat politique officiel sur la question de la conditionnalité dans l’efficacité de l’aide au sein de l’ACDI, lors de la Commission pour l’Afrique de 2005, l’ancien ministre des Finances Ralph Goodale a reconnu que l’aide à l’Afrique était accompagnée de nombreuses conditions onéreuses et souvent de valeur douteuse, et que l’utilisation de la conditionnalité de politique reliée à l’aide externe devrait être fortement réduite (Commission pour l’Afrique, 2005). Bien que l’ACDI soit de plus en plus complice dans l’imposition de conditions et de modèles de référence associés aux approches-programmes, un petit donateur de son envergure ne dispose habituellement que d’une mince autorité concernant la négociation des conditions macroéconomiques et la politique structurelle qui se retrouvent liées à ces programmes (Tomlinson et Foster, 2004).
Clarifier les rôles de la société civile dans le processus de développement des stratégies de l’ACDI pour améliorer l’efficacité de l’aide
46Dans la Déclaration de Paris, la concentration des efforts pour améliorer l’efficacité de l’aide de la part des donateurs s’effectue presque exclusivement dans les rapports d’aide de gouvernement à gouvernement. L’ACDI fait à peine référence aux acteurs de la société civile dans son énoncé politique de 2002 Le Canada contribue à un monde meilleur. En se concentrant principalement sur l’amélioration des capacités de l’État dans les pays les plus pauvres, la politique de 2002 et les réformes de l’aide ne prennent pas en considération le rôle des citoyens et des OSC en tant qu’acteurs de développement à part entière, bien que ces derniers possèdent une grande expérience dans le domaine de l’organisation d’initiatives économiques, sociales et politiques au profit des populations pauvres. Le point de vue des citoyens ne correspond peut-être pas toujours à celui du gouvernement, et un processus de prise en charge locale devrait refléter le débat démocratique interne sur les orientations des politiques.
47Lorsqu’il est question des approches-programmes, on croit souvent que les OSC deviennent des sous-traitants pour les gouvernements locaux et régionaux en mettant en œuvre les stratégies des CSLP, et que les OSC canadiennes basent également leurs partenariats en fonction de ces stratégies dans les cadres de programmation de l’ACDI. Cette approche compromet non seulement l’indépendance des OSC locales et internationales, mais elle risque également de menacer les rapports entre les OSC locales et leurs électeurs parmi les peuples pauvres, en plus de les empêtrer dans des politiques clientélistes dans lesquelles elles perdent le droit à la libre expression critique21. Les attentes des donateurs basées sur le fait que ces mêmes OSC pourront alors exiger de leurs gouvernements qu’ils rendent des comptes ne tiennent pas compte du fait que lorsqu’on leur assigne des rôles contradictoires, les politiques de pouvoir et de contrôle entre les ONG et les gouvernements sont présentées de façon à ce que les ONG et la société civile y adhèrent, et ce, à tous les paliers (Actionaid, 2005).
48Comme nous l’avons mentionné précédemment, bien que l’ACDI soit un donateur modeste dans la plupart des initiatives d’approches-programmes, elle devrait appuyer ces efforts en se basant sur ses décennies d’expérience dans le domaine de la programmation avec les organisations de la société civile canadienne et celle du Sud. L’engagement efficace des organismes de la société civile auprès des pauvres et auprès des gouvernements en les pressant à rendre des comptes est non seulement souhaitable d’un point de vue démocratique, mais s’avère également essentiel pour améliorer les capacités des populations pauvres afin qu’elles revendiquent leurs droits. Sans cet engagement, les capacités améliorées des gouvernements n’atteindront pas les personnes démunies dans plusieurs des pays les plus pauvres du monde.
Clarifier un plan à long terme pour augmenter l’APD canadienne
49Les récentes augmentations de l’aide attribuées par le gouvernement libéral depuis 2001 sont insuffisantes pour réaliser les engagements du Canada liés aux OMD ou à l’objectif de 0,7 % de l’ONU. L’estimation du CCCI concernant le rendement de l’aide canadienne en 2005-2006 est de 0,34 % du PNB, mais lorsque l’on exclut l’annulation de la dette de l’Irak, ce ratio chute à 0,30 % (CCCI, 2006c). Lors de son premier budget (mai 2006), le gouvernement conservateur a poursuivi les engagements du gouvernement antérieur, incluant des augmentations uniques de l’aide de 500 000 000 $ sur deux ans qui ont été négociées avec le NPD pour assurer l’adoption du budget fédéral de 2005. Mais jusqu’ici, le nouveau gouvernement conservateur n’a rien indiqué sur ses propres intentions, donc rien sur l’augmentation de 425 000 000 $ d’ici 2010 annoncée pendant la campagne électorale fédérale de janvier 2006. Au cours de cette campagne, les conservateurs ont également promis d’atteindre le rendement moyen des donateurs du CAD d’ici 2010 (qui s’élevait à 0,42 % en janvier 2006) mais ils n’ont présenté aucun plan financier pour y parvenir.
50En réponse aux pressions exercées par la campagne Abolissons la pauvreté de juin 2005, le Parti conservateur s’est joint à d’autres lors d’une assemblée parlementaire pour voter unanimement en faveur d’une motion non exécutoire, revendiquant ainsi un plan pour augmenter le budget de l’aide canadienne de 12 à 15 % annuellement afin d’atteindre un niveau d’aide de 0,5 % du PNB du Canada d’ici 2010, et 0,7 % du PNB du Canada d’ici 2015. Avec les promesses conservatrices actuelles, l’APD canadienne ne devrait atteindre que 0,33 % du PNB d’ici 2010 (CCCI, 2006c).
51Les pressions politiques visant à diriger l’aide vers des objectifs de politique étrangère entraînent un besoin encore plus urgent de recevoir des augmentations significatives de l’aide afin que le progrès réalisé en matière de qualité de l’aide et qui répond aux objectifs de réduction de la pauvreté dans la première moitié de la décennie puisse être soutenu. Le développement agricole et rural ainsi que les augmentations promises pour l’Afrique subsaharienne risquent de perdre de leur importance au profit de l’engagement du Canada auprès des alliés en Afghanistan.
52En réponse aux pressions exercées par la communauté internationale des donateurs ainsi que par les OSC canadiennes, les politiques et pratiques d’aide canadienne se sont améliorées de manière significative après 2000. À bien des égards, l’orientation de ces changements (se concentrer sur des secteurs affectant la réduction de la pauvreté, œuvrer dans les pays les plus pauvres, délier l’aide canadienne) a tenu compte des principes de l’internationalisme humanitaire en déterminant le rôle de l’ACDI dans la politique étrangère canadienne. Des ministres activistes de la Coopération internationale (particulièrement Minna et Whealan), ainsi qu’un président de l’ACDI (Len Good), qui s’est engagé à mettre en œuvre d’importantes réformes structurelles en matière d’organisation et de pratiques de l’ACDI, ont dirigé les politiques vers ces réformes.
53On peut donc dire que les résultats sont positifs, mais mitigés. Dans la mesure où les changements de politiques ont reflété le vaste consensus international des donateurs (Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle et la Déclaration de Paris), les changements en matière de pratique de l’aide sont bien enracinés au sein de l’ACDI. Par exemple, l’ACDI joue maintenant un rôle principal dans les discussions des donateurs du CAD et au sein des groupes de travail des donateurs portant sur des questions liées à l’exécution des approches-programmes. L’ACDI n’a toutefois pas eu autant de succès quand elle a développé des politiques générales visant à faire comprendre que la réduction prolongée de la pauvreté exige des approches complexes et intégrées pour appuyer les moyens de subsistance et les droits des personnes pauvres et marginalisées. Les priorités de développement social et les stratégies pour le développement rural ont entraîné un profond débat ainsi que des variations dans les allocations d’aide. Ces politiques et attributions ont toutefois été modifiées par les caprices des ministres et ont récemment été définies par des allocations d’aide importantes et souvent uniques au cours de la période du budget. La lutte contre le VIH/sida, qui représente l’une des priorités du développement social et un secteur qui a grandement besoin d’un engagement soutenu, en est un bon exemple. Depuis 2005, le gouvernement s’est toutefois concentré sur d’importantes attributions isolées aux fonds multilatéraux, accordant ainsi beaucoup moins d’importance aux investissements à long terme dans les systèmes de santé durables des programmes bilatéraux de l’ACDI qui devraient appuyer une stratégie pour la lutte contre le VIH/sida (Forum Afrique-Canada, 2006).
54L’importance primordiale accordée par l’APD aux objectifs généraux de politique étrangère a été fortement critiquée par les personnes concernées qui croient que ces objectifs nuisent souvent à l’objectif (rhétorique) de réduire la pauvreté22. Les intérêts de politique étrangère, ainsi que ceux d’autres donateurs, qui se sont appuyés sur la gestion de la « guerre contre le terrorisme » depuis 2001 ont une fois de plus placé ces enjeux au premier plan des débats sur la politique d’aide canadienne, et ont ainsi affecté les choix des programmes au sein de l’ACDI. Le lien entre l’intérêt de la politique d’aide étrangère œuvre également sur le plan structurel. Il existe des preuves (incluant certaines contributions à ce volume) indiquant que l’aide continue d’être utilisée comme instrument pour favoriser les politiques stratégiques des donateurs reliées à leurs intérêts en matière de mondialisation. Les conditions de l’aide qui insistent sur des réformes telles que la libéralisation des échanges et des réglementations des investissements, ou la privatisation des services publics reflètent clairement ces intérêts. Tandis que l’ACDI participe activement aux initiatives communes des donateurs qui imposent ces conditions, notre programme d’aide favorise des politiques au profit du secteur privé canadien pour qu’il ait accès aux marchés et aux investissements dans les pays en voie de développement.
55Des initiatives sont en cours au Canada (promotion de la législation de l’aide par les OSC) et sur le plan international (pour réduire et éliminer les conditions imposées à l’aide) pour renforcer la présence de l’internationalisme humanitaire dans les priorités de l’aide canadienne. Même si ces initiatives sont un succès, ceux qui aspirent à un internationalisme humanitaire dans les rapports entre le Canada et les pays en développement continueront sans aucun doute à faire face à des pressions considérables de la part de ceux qui aspirent à des approches dynamiques et pangouvernementales de politique étrangère à l’égard de la « guerre globale contre le terrorisme ».
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Actionaid (2002), A Flavor and Short Analysis of Monterrey, Londres, BOND, <http://www.bond.org.uk/advocacy/ffd/postassessment.htm>.
Actionaid International (2005), Current Procedures and Policies Dominating the Disbursement of Aid: Are They Building Strong Relationships and Enabling NGOs to Meet their Stated Aims? A Summary Report on Research Carried out in Uganda, 2000-2004, Johannesburg, Actionaid International, <http://www.actionaid.org.uk/ngopractice/docs/Wallacesynopsisshort.pdf>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2000a), Social Development Priorities : A Framework for Action, Hull, CIDA.
Agence canadienne de développement international (ACDI), (2000b), Planning and Implementation of SWAps : An Overview Issues Paper, Hull, ACDI, <http://ccic.ca/e/archives/aid_2000-10-10_planning_implementation_of_swaps.pdf>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2002), Canada Making a Difference in the World. A Policy Statement on Strengthening Aid Effectiveness, Hull, ACDI, <http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/En/STE-32015515-SG4>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2003a), Promoting Sustainable Rural Development through Agriculture, Hull, ACDI, <http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/En/REN-2181377-PRU#pdf>.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2003b), CIDA Primer on Program-Based Approaches, Hull, Agence canadienne de développement international.
Agence canadienne de développement international (ACDI) (2005), Departmental Performance Report 2005, Ottawa, ACDI, <http://www.acdi-cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/vLUImages/Publications3/$file/CIDA%20DPR%202004-05%20EN.pdf>.
Axworthy, Lloyd (2003), Navigating a New World: Canada’s Global Future, Toronto, Alfred A Knopf.
10.1080/02255189.2000.9669881 :Campbell, Bonnie (2000), «New Rules of the Game: The World Bank’s Role in the Construction of New Normative Frameworks for States, Martkets and Social Exclusion», Canadian Journal of Development Studies, vol. 21, no 1: 7-30.
Christian Aid (2006), « Challenging conditions : A New Strategy for Reform at the World Bank and IMF », Londres, Christian Aid, <http://www.christian-aid.org.uk/indepth/607ifis/challengingconditions.pdf>.
Comité d’aide au développement (CAD) (1996), Shaping the 21st Century : The Contribution of Development Cooperation, Paris, Organization of Economic Cooperation and Development (OECD), <http://www.oecd.org/dataoecd/23/35/2508761.pdf>.
Comité d’aide au développement (CAD) (1998), Canada, Development Cooperation Review, no 26, Paris, OCDE.
Comité d’aide au développement (CAD) (2005), Paris Declaration on Aid Effectiveness, Paris, OCDE, <http://www.oecd.org/dataoecd/11/41/34428351.pdf>.
Comité d’aide au développement (CAD) (2006), Development Cooperation Report 2005, Paris, OECD, <http://www.oecd.org/document/35/0,2340,en_2649_33721_36052835_1_1_1_1,00.html>.
Commission pour l’Afrique (2005), Our Common Interest : Report of the Commission for Africa, Londres, Her Majesty’s Government, <http://www.commissionforafrica.org>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (1999), A Call to End Global Poverty : Renewing Canadian Aid Policy and Practice, A Policy Background Paper, A CCIC Policy Background Paper, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/archives/aid_1999-03_a_call_to_end_global_poverty.pdf>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2000), CIDA’s Social Development Priorities : A Framework for Action, A CCIC Summary and Analysis, Policy Team, Canadian Aid Briefing Note no 3, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/007/archives_aid.shtml>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2002a), CCIC’s Summary Highlights and Implications Regarding CIDA’s Canada Making a Difference in the World : A Policy Statement on Strengthening Aid Effectiveness, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/007/archives_aid.shtml>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2002b), Letter to Minister Whelan Regarding Canada Making a Difference in the World : A Policy Statement on Strengthening Aid Effectiveness, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/007/archives_aid.shtml>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2005a), Strengthening Civil Society Partnerships : The Marginalization of CSOs in Canada’s International Cooperation Program, Ottawa, CCCI, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-02_paper_2%20marginalization_of_csos.pdf>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2006a), « Briefing Note : CIDA Agricultural Commitments », document non publié pour le groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire, Ottawa, CCCI.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2006b), Briefing Note : A Legislated Mandate for Foreign Aid, Ottawa, document du CCCI, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-03_legislated_mandate_foreign_aid.pdf>.
Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) (2006c), The 2006 Federal Budget : CCIC Pre-Budget Backgrounder, Ottawa, CCCI, <http://www.ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-03_pre-budget_brief.pdf>.
Eurodad (2006), World Bank and IMF Conditionality: A Development Injustice, Bruxelles, Eurodad, <http://www.eurodad.org/uploadstore/cms/docs/Eurodad_World_Bank_and_IMF_Conditionality_ReportFinal.pdf>.
Forum Afrique-Canada (2006), Colloquium Understanding HIV/AIDS in the Context of Development and Poverty in Africa, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/003/acf.shtml>.
Gouvernement du Canada (2005), Canada’s International Policy Statement, A Role of Pride and Influence in the World : Development, Ottawa, ACDI, <http://www.acdi-cida.gc.ca/INET/IMAGES.NSF/vLUImages/IPS_PDF_EN/$file/IPS-EN.pdf>.
Hall, David et Robin De la Motte (2004), Dogmatic Development : Privatization and Conditionality in Six Countries, A Public Service Research Unit Report for War on Want, Londres, War on Want, <http://www.psiru.org/reports/2004-02-U-condits.pdf>.
Kapur, Devesh et Richard Webb (2000), Governance Related Conditionalities of the International Financial Institutions, G-24 Discussion Paper Series no 6, UNTAD, <http://ksghome.harvard.edu/~drodrik/g24-kapurwebb.pdf>.
Lavergne, Réal (2006), The International Aid Effectives Agenda: Substance, Trends and Implications for Civil Society, MS Powerpoint, <http://ccic.ca/e/002/aid.shtml>.
Morrison, David (1998), Aid and Ebb Tide: A History of CIDA and Canadian Development Assistance, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press.
Pratt, Cranford (1994), « Human Internationalism and Canadian Development Assistance Policies », dans Cranford Pratt (dir.), Canadian International Development Assistance Policies : An Appraisal, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press : 334-370.
Pratt, Cranford (2003), « Can Development Assistance Help ? », dans Richard Sandbrook (dir.), Civilizing Globalization : A Survival Guide, Albany, State University of New York Press.
Simpson, Erin (2005), The Post-9/11 Security Agenda and Canadian Foreign Policy: Implications for the Global South, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/docs/002_peace_2005-06_post_911_background_paper.pdf>.
Simpson, Erin (2006), « Canada : Is Anyone Listening ? », dans Brian Tomlinson (dir.) The Reality of Aid Report 2006, Focus on Development, Conflict and Security, Manille, IBON Publishers, <www.realityofaid.org>.
Strachan, Lloyd (1998), A Review of CIDA’s Investment in Food Security, 1986/87-1996/97, Hull, CIDA, Policy Branch.
The Reality of Aid Management Committee (2006), The Reality of Aid Report 2006, Focus on Development, Conflict and Security, Manila, IBON Publishers, <www.realityofaid.org>.
Tomlinson, Brian (2005a), The Politics of the Millennium Development Goals : Contributing to Strategies for Ending Poverty, Ottawa, Canadian Council for International Cooperation, <http://ccic.ca/e/002/aid.shtml>.
Tomlinson, Brian (2005b), « Aid Flows, MDGs and Poverty Eradication : More and Better Aid », dans The North South Institute, Canadian Development Report 2005, Towards 2015, Meeting our Millennium Commitments, Ottawa, NSI : 43-56, <http://www.nsi-ins.ca/english/publications/cdr/2005/default.asp>.
Tomlinson, Brian (2006a), Backgrounder : 2006 Federal Budget, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-03_pre-budget_brief.pdf>.
Tomlinson, Brian (2006b), May 2006 Federal Budget, Ottawa, CCIC, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_federal_budget_may_2006.pdf>.
Tomlinson, Brian (2006c), The Paris Declaration on Aid Effectiveness : Donor Commitments and Civil Society Critiques, Ottawa, CCIC Backgrounder, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2006-05_paris_declaration_backgrounder.pdf>.
Tomlinson, Brian et Pam Foster (2004), At the Table or in the Kitchen ?, CIDA’s new strategies, Developing Country Ownership and Aid Conditionality, Ottawa, CCIC/Halifax Initiative, <http://ccic.ca/e/docs/002_aid_2004-09_at_the_table.pdf>.
Trocaire (2005), More than a Numbers Game: Ensuring that the Millennium Development Goals Address Structural Injustice, Dublin, Trocaire, <http://www.trocaire.org/policyandadvocacy/mdgs/More%20than%20a%20Numbers%20Game.pdf>.
Woods, Ngaire (2005a), Reconciling Effective Aid and Global Security? Implications for the Emerging International Development Architecture, Oxford, Global Governance Program, University College, Working Paper no 19, <http://www.globaleconomicgovernance.org/docs/Woods%20and%20Research%20Team%20_%20Reconciling%20Aid%20and%20Security.pdf>.
10.1111/j.1468-2346.2005.00457.x :Woods, Ngaire (2005b) The Shifting Politics of Foreign Aid, Oxford, Global Governance Program, University College, <http://www.globaleconomicgovernance.org/docs/GEG%20WP%20Shifting%20Politics%20of%20Aid.pdf>.
Notes de bas de page
1 L’auteur travaille actuellement comme analyste des politiques au sein du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI). Cet article est écrit en sa qualité personnelle et ne reflète pas les points de vue du Conseil ou de ses membres. L’analyse et les idées de cet article sont appuyées par ses recherches, qui sont le résultat de plus de 10 ans d’observation attentive et de rédaction sur la politique d’aide canadienne pour le Conseil. Des références plus détaillées peuvent être trouvées dans des articles cités dans ce chapitre et inscris à la section sur l’aide du site Web du CCCI au : <www.ccic.ca>.
2 L’aide publique au développement est une série de concessions et de prêts à des conditions libérales des pays développés pour les pays en voie de développement qui ont un revenu par habitant inférieur à 9 000 $ US. Les critères de ce qui est inclus dans l’APD ont été établis par consensus parmi les 22 donateurs se réunissant au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ces critères dépassent les attributions budgétées annuellement pour des agences telles que l’ACDI. Ils permettent l’inclusion d’un certain nombre de provisions non budgétaires telles que l’élimination de la dette, le soutien des réfugiés au cours de leur première année dans les pays donateurs, et des fonds imputés pour appuyer les étudiants des pays en développement qui étudient dans les pays donateurs. Au Canada, ces récentes provisions non budgétaires ont représenté de 13 à 20 % de l’APD au cours des dernières années. La mesure comparative du rendement du donateur, établie par le CAD, est basée sur le ratio entre l’APD du donateur (incluant les provisions non budgétaires) et le produit national brut (PNB) du donateur.
3 Pour l’historique détaillé de l’ACDI jusqu’à la fin des années 1990, consulter Morrison, 1998.
4 Pour une analyse détaillée des politiques des engagements des donateurs et des stratégies liées à l’accomplissement des OMD, consulter Tomlinson, 2005 et Trocaire, 2005.
5 Pour voir la réaction d’une ONG à la suite des résultats de la conférence de Monterrey, consulter Actionaid, 2002.
6 Les approches-programmes ont été introduites par plusieurs donateurs européens à la fin des années 1990. Elles impliquent la mise en commun du soutien individuel d’un donateur au profit des plans et du budget d’un ministère du gouvernement (« l’approche sectorielle ») ou du soutien plus général pour le budget central du gouvernement au profit de sa stratégie adoptée pour réduire la pauvreté (« l’appui au budget »). Ces programmes sont le résultat de négociations détaillées avec les fonctionnaires, durant lesquelles un accord est conclu sur le plan du financement, des résultats qui doivent être atteints et les politiques et résultats qui déclencheront le dégagement des fonds. Les approches-programmes sont prévues pour réduire les coûts de transaction très élevés pour diriger des projets individuels et pour les centaines de missions des donateurs que les gouvernements des pays les plus pauvres organisent tous les ans. À l’époque de la Déclaration de Paris, la plupart des donateurs principaux (excepté les États-Unis) participaient à diverses formes d’approches-programmes qui étaient souvent contrôlées par des comptes à la Banque mondiale ou par un important donateur. Pour un examen initial des approches-programmes, voir ACDI, 2000b.
7 La politique sur l’aide liée est demeurée inchangée tout au long des années 1990 : l’aide bilatérale vers les pays les moins avancés et l’Afrique subsaharienne était liée à 50 %, alors que le pourcentage s’élevait à 66 % pour tous les autres pays en voie de développement. L’aide alimentaire était liée à 90 % aux sources canadiennes. L’aide fournie par le biais de l’assistance technique, qui est également extrêmement liée aux donateurs experts et aux priorités, n’est pas incluse dans les statistiques du CAD sur l’aide liée.
8 Voir par exemple le Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001 : combattre la pauvreté de la Banque mondiale, et le rapport de 2000 du PNUD sur les droits de la personne et le développement humain.
9 Pour une analyse détaillée des Priorités de développement social de l’ACDI : un cadre d’action, voir CCCI, 2000.
10 Ce changement ne tenait compte d’aucune nouvelle augmentation du budget de l’ACDI annoncée en février 2000. L’année suivante, le gouvernement a toutefois décidé d’augmenter l’enveloppe de l’aide internationale de 8 % par année jusqu’en 2010, un choix qui a permis une transition plus facile pour atteindre les objectifs d’investissement pour les priorités du développement social.
11 Le procédé de 2001 pour développer un document stratégique sur l’efficacité de l’aide en collaboration avec la ministre Minna et Len Good, président de l’ACDI, n’était ouvert qu’à la société civile canadienne (en particulier le CCCI) pour commenter des versions antérieures de cette stratégie. Cette volonté de partager des idées et des enjeux a collaboré aux contributions des sociétés civiles riches et informées des consultations qui étaient organisées à cette époque. Malheureusement, en raison du changement de ministre qui s’est effectué juste avant la finalisation de la stratégie sur l’efficacité de l’aide, la plupart de ces facteurs ont été ignorés dans la version définitive publiée en septembre 2002. Les consultations subséquentes, effectuées en collaboration avec les ministres Whelan et Carroll, pour renouveler la politique agricole de l’ACDI et le rôle du secteur privé dans le développement sont revenues à une pratique plus courante de consultations contrôlées limitant la société civile et basées sur les projets stratégiques déjà bien développés et approuvés par les hauts fonctionnaires de l’ACDI.
12 La plupart des donateurs ont adopté les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) comme base pour revendiquer la prise en charge locale des pays, et ce, en dépit des fortes critiques suscitées par le fait que les CSLP sont majoritairement dirigés par la Banque mondiale et le FMI (dont l’approbation était exigée pour l’acceptabilité à l’allègement de la dette), avec une participation très limitée des pays en voie de développement les plus affectés par la pauvreté.
13 Les pays prioritaires incluaient le Bangladesh, le Honduras, la Bolivie, l’Éthiopie, la Tanzanie, le Mozambique, le Sénégal, le Mali et le Ghana. Dans l’Énoncé de politique de 2005, 16 autres pays ont été ajoutés à la liste : l’Indonésie, le Vietnam, le Cambodge, le Pakistan, le Sri Lanka, le Nicaragua, la Guyane, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Kenya, le Malawi, le Niger, le Rwanda, la Zambie et l’Ukraine. Ces 25 pays n’incluent pas les priorités des efforts de l’aide canadienne auprès des « États en déroute ou défaillants », qui doivent être financés avec le tiers restant de l’aide bilatérale.
14 Pour une explication détaillée des approches-programmes, voir ACDI, 2003b. Le guide provisoire de l’ACDI définit les approches-programmes comme suit : « Une approche-programme est un mode d’intervention qui repose sur le principe de l’appui coordonné à un programme de développement pris en charge localement. L’approche inclut quatre éléments principaux : La prise en charge par le pays d’accueil ou l’organisation concernée ; Un cadre budgétaire et de programmation unique ; La coordination entre donateurs et l’harmonisation des méthodes ; L’adoption progressive de méthodes locales de conception, de mise en œuvre, de gestion financière, de suivi et d’évaluation des programmes. »
15 Les discussions au sujet du rôle joué par la société civile dans un programme plus concentré de l’ACDI sont survenues de façon sporadique au cours des années suivantes, aboutissant à la consultation d’un groupe d’experts intergouvernemental en novembre 2005 qui a donné son opinion sur un cadre pour renouveler les partenariats dans les programmes de l’ACDI. Ces enjeux n’ont toujours pas été résolus à l’heure actuelle, et aucun cadre n’a été publié. Pour plus d’informations concernant ces enjeux, voir le site Web du CCCI et consulter la série de quatre documents portant sur le renouvellement des partenariats avec les organismes de la société civile au <www.ccic.ca>.
16 Pour une analyse détaillée du budget pour l’aide canadienne en 2005 et 2006, voir Tomlinson, 2006a et Tomlinson, 2006b.
17 Les allocations budgétaires du gouvernement pour l’aide sont identifiées à chaque année dans l’enveloppe de l’aide internationale du budget fédéral. Ce sont les composantes de l’aide de l’EAI qui augmentent d’au moins de 8 % par an. L’APD canadienne inclut ces allocations budgétaires ainsi que d’autres composantes non budgétaires qui peuvent affecter l’APD à n’importe quelle année. Par exemple, en 2003-2004, l’Inde a remboursé au Canada la totalité de ses prêts de développement en souffrance, ce qui a réduit l’APD canadienne de 430 000 000 $. En 2005-2006, on s’attend à ce que l’annulation de la dette de l’Irak et d’autres pays africains fasse augmenter l’APD canadienne d’au moins de 500 000 000 $.
18 Basé sur les calculs des Statistiques sur le développement international pour 2000 et 2004, disponible en ligne au <http://www.oecd.org/dataoecd/50/17/5037721.htm>.
19 Pour un débat de longue date sur les forces qui ont été développées et qui devraient l’être, voir le programme d’aide du Canada et sa mise en œuvre (Morrison, 1998 : chap. 11).
20 Les critères du CAD pour l’APD incluent déjà des points controversés tels que l’aide aux réfugiés pour la première année dans les pays donateurs, la valeur imputée des établissements éducatifs des donateurs utilisés par des étudiants des pays en voie de développement, et la valeur nominale de la dette annulée due au pays donateur au cours de l’année de l’annulation.
21 Voir Ansilla Najar, « South Africa Presentation », dans Southern Perspectives on the Management of Aid by NGOs : Changes in Practice and Implications for Devolopment, mars 2003, <http://www.mande.co.uk/docs/workshoppresentationMarch21st.doc> : 2 ; Rosemary Adong, « Current procedures and policies Dominating the Disbursement of Aid : Are They Building Strong Relationships and Enabling NGOs to meet their Stated Aims ? », dans Actionaid International, Kampala, CDRN, 2005 : 9-10 ; Sarah Lister, « The Future of International NGOs : New Challenges in a Changing World Order », BOND, mars 2004 : 14-15.
22 On peut consulter plusieurs rapports de Reality of Aid depuis 1992 pour une critique soutenue du système international d’aide par les ONG internationales. Des rapports récents peuvent être consultés sur le site <www.realityofaid.org>.
Auteur
Coordonnateur de l’unité de recherche de l’Orientation politique sur l’aide au développement au Conseil canadien de la coopération internationale (CCCI). Il est l’auteur d’un grand nombre de publications sur la coopération internationale du Canada, dans lesquelles l’accent est particulièrement mis sur les questions politiques liées à l’aide internationale. Tout récemment, il a représenté le CCCI au Comité d’aide au développement de l’OCDE, dans le cadre d’un groupe consultatif sur la société civile et l’efficacité de l’aide. Monsieur Tomlinson est aussi vice-président du réseau mondial Reality of Aid et avait précédemment travaillé pour le Programme des Amériques du Service universitaire canadien outre-mer (CUSO), ainsi que pour Oxfam en tant qu’agent des affaires politiques.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'éducation aux médias à l'ère numérique
Entre fondations et renouvellement
Anne-Sophie Letellier et Normand Landry (dir.)
2016
L'intégration des services en santé
Une approche populationnelle
Lucie Bonin, Louise Belzile et Yves Couturier
2016
Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé
Jean-Christophe Bélisle Pipon, Béatrice Godard et Jocelyne Saint-Arnaud (dir.)
2016
La détention avant jugement au Canada
Une pratique controversée
Fernanda Prates et Marion Vacheret (dir.)
2015
La Réussite éducative des élèves issus de l'immigration
Dix ans de recherche et d'intervention au Québec
Marie McAndrew (dir.)
2015
Agriculture et paysage
Aménager autrement les territoires ruraux
Gérald Domon et Julie Ruiz (dir.)
2014