Une fructueuse association (30 juin 1891-juin 1898)
p. 59-214
Texte intégral
1Rien ne préparait Zola à recevoir une proposition d’affaires du fils de son ancien éditeur britannique, surtout après la ruine retentissante de ce dernier, ruine attribuée quasi en totalité aux romans de Zola (voir l’introduction de la présente édition pour les détails de cette affaire). Cette première offre de collaboration, pour la traduction de La Débâcle, fut couronnée de succès pour les deux parties en cause. D’où la poursuite de ce partenariat, qui marque cette première époque de la correspondance entre Zola et Vizetelly : entre juin 1891 et juillet 1898, il est essentiellement question de tractations éditoriales. Mais c’est au cours de ces années que s’installe le curieux lien qui allait unir — presque de loin, a-t-on envie de dire — le traducteur et « son » romancier.
2Après une brève rencontre en septembre 1893, lors du voyage de Zola à Londres à l’occasion du congrès des journalistes anglais, les deux hommes poursuivirent leur collaboration par voie de lettres. On y voit s’élaborer les stratégies de mise en marché utilisées par Ernest Vizetelly, s’y organiser les arguments de vente, tout comme s’y inscrit également le travail de la traduction proprement dite. Les échanges sont marqués par des périodes de silence, puis reprennent avec intensité lors du travail de traduction, de vente des droits et de publication. Peu de correspondance strictement « amicale », sinon quelques vœux de fin d’année. Cette première période comprend soixante-dix-huit lettres, soit presque la moitié de la correspondance totale.
31*
43 Ismalia Road
5Fulham
6Londres S.W.
7Le 30 juin 1891
8Monsieur,
9Je prends la liberté de vous écrire pour vous exposer ce qui suit. Je me suis trouvé en pourparlers avec un Monsieur Juge1, Directeur d’une agence de la presse à Paris, pour traduire votre roman La Débâcle pour un journal de Londres qui offre un prix fort raisonnable pour le seul droit de publier ce roman en feuilletons hebdomadaires, lorsqu’il sera prêt2. Cependant les choses traînent en longueur, le journal demande une solution, et je commence à croire que ce M. Juge ait voulu vendre la peau de l’ours avant de l’avoir. C’est pourquoi je vous écris pour vous proposer de traiter cette affaire directement. Si le journal anglais dont il est question et avec lequel je vous mettrai en rapport si vous êtes disposé à accepter la combinaison que je vais expliquer — si ce journal peut publier La Débâcle en même temps que cet ouvrage paraîtra en feuilleton à Paris, les propriétaires seraient disposés à payer une somme d’environ 5 000 francs — qui devrait comprendre les frais de traduction. Ces frais s’élèveraient à mille ou 1 200 francs selon la longueur du roman et seraient à déterminer exactement entre moi et le journal3. Nous vous offrons cependant à vous une somme nette de 4 000 francs pour le seul droit de publication en feuilletons4. Cette publication terminée, la traduction vous appartiendrait et vos droits anglais, au point de vue de la publication en volume vous étant entièrement réservés, vous n’auriez qu’à traiter avec un éditeur de Londres pour lancer l’ouvrage en forme de livre. Connaissant parfaitement la place de Londres je serais très disposé à vous trouver un éditeur qui se chargerait de faire paraître le volume en vous payant une somme d’au moins 2 000 frs, et peut-être de 3 000. Sans cela je vous demanderais pour mes frais et démarches une remise raisonnable qui serait à déterminer entre nous.
10Enfin en traitant avec le journal, vous vous assurez déjà une somme certaine de 4 000 frs, plus une traduction toute faite ; et il y aurait en outre la possibilité de traiter avec un éditeur qui rachèterait cette traduction avec les droits y adhérants [sic] à un bon prix. Vos droits anglais pour cet ouvrage pourraient donc vous rapporter 6 000 ou 7 000 frs5.
11Le journal demande à pouvoir commencer la publication de la traduction en feuilletons au mois de Février prochain, si faire se peut6 et à avoir en mains, au moment de commencer, la traduction complète7. En recevant la traduction en manuscrit le journal vous verserait immédiatement les 4 000 francs, puis il me paierait mon travail, soit un millier de francs. Le journal dont il est question et avec lequel vous n’avez jamais fait d’affaires est très bien connu ici et ses propriétaires présentent toutes les garanties de solvabilité qu’on puisse désirer8. Si vous acceptez la combinaison il faudrait commencer à m’envoyer des épreuves de l’ouvrage vers la fin de l’année afin que je puisse me mettre à la traduction que je ferais avec grande diligence mais aussi avec le plus grand soin.
12Lorsque les 1ers feuilletons auront paru ici je me mettrai en campagne pour trouver un éditeur qui lancerait l’ouvrage en volume. Règle générale les éditeurs ici ne connaissent que peu le français : il vaut mieux avoir un texte anglais tout prêt à leur montrer, d’autant plus qu’ils se méfient quelque peu de vos livres.
13Je ne crois pas vous avoir écrit personnellement lorsque vous traitiez avec la maison Vizetelly dont je frisais partie cependant, et qui s’est effondrée complètement à la suite des poursuites que vous connaissez9. M. George Moore, le romancier anglais que vous connaissez je crois et que j’ai l’avantage de compter au nombre de mes amis vous donnerait, si vous le désiriez, des renseignements sur mon compte10. S’il vous plaît de me confier cette affaire je vous promets que vous n’aurez jamais l’occasion de le regretter car je m’attacherais à amener une solution qui serait en tous points conforme à vos intérêts.
14Un mot encore : il est entendu n’est-ce pas que La Débâcle ne contiendra rien qui puisse offenser la pudeur britannique11 ?
15Il est bon aussi que vous sachiez que M. Juge voulait obtenir du journal le versement d’un cautionnement d’un acompte quelconque mais le directeur n’a pas voulu accepter cette condition. Du reste, M. Juge n’a jamais passé que 3 ou 4 jours à Londres et il ne savait que vaguement à qui il avait affaire. Je suis persuadé que si un Anglais quelconque débarquant à Paris, allait trouver M. Magnier du Figaro, par exemple, en lui demandant un ou deux billets de mille avant de ne rien livrer il serait promptement éconduit des bureaux de la Rue Drouot. Or le journal avec lequel je désire vous voir traiter appartient à des gens tout aussi riches que ces messieurs du Figaro. N’importe quel journaliste anglais pourrait amplement vous renseigner à cet égard.
16La seule chose qu’on vous demande c’est de livrer au plus tôt des épreuves afin qu’on puisse se mettre à la traduction12. Cela terminé on paiera le tout d’une seule fois. En me confiant des épreuves vous ne courrez aucun risque, non seulement je vous donne ma parole de ne pas communiquer ces épreuves à qui que ce soit, mais par la nouvelle législation franco-anglaise13 on ne peut publier votre livre ici sans votre autorisation et vous pourriez faire payer cher tout abus de confiance.
17Soyez assez bon pour m’envoyer un mot de réponse le plus tôt possible. En attendant je vous prie d’agréer mes bien sincères salutations.
18Ernest A. Vizetelly
19Ancien correspondant spécial de journaux anglais pendant la guerre de 1870 etc., etc.14
20coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
212*
2241 Dymock Street
23Fulham
24Londres S.W.
25Le 5 novembre 1891
26Monsieur,
27Au mois de Juillet dernier vous m’avez fait l’honneur de m’écrire au sujet d’une traduction en langue anglaise de votre roman La Débâcle15.
28M. Juge, qui devait traiter avec vous, n’ayant pas répondu aux lettres qui lui ont été adressées dans ces derniers temps, je viens de nouveau vous demander si vous voulez traiter par mon intermédiaire avec le journal le Weekly Times and Echo de Londres pour la publication d’une traduction de votre roman sur les bases indiquées dans votre lettre du 1" Juillet dernier16.
29Il sera bon peut-être de rappeler ces propositions : M. Zola cèderait au journal le droit exclusif de publier dans toute l’étendue de l’empire britannique ; mais seulement en forme de feuilletons une traduction de son roman, en langue anglaise17. Pour ce droit il serait payé à M. Zola par le journal une somme de quatre mille francs — M. Zola se réserverait le droit de faire publier cette traduction en forme de volume par un éditeur anglais, dès qu’elle aurait paru en feuilleton. M. Vizetelly serait chargé de faire la traduction et ferait tous ses efforts pour trouver un éditeur qui lancerait l’ouvrage en volume, et qui pour obtenir ce droit payerait à M. Zola la somme de trois mille francs.
30Lorsque je vous ai soumis ces propositions au mois de Juillet vous m’avez répondu qu’elles vous convenaient mais que vous ne vouliez pas vous lier par traité avant le mois d’Octobre18. J’ai attendu un peu plus longtemps pour voir si oui ou non M. Juge s’occuperait de cette affaire. Ne pouvant obtenir de réponse de lui le journal m’a chargé de vous écrire et si vous me répondez maintenant d’une manière favorable je vais m’occuper de mettre cette affaire en règle immédiatement.
31Tout d’abord cependant nous désirons être fixés sur un point : Quand commencera <...> à Paris la publication du roman en feuilletons ? Dans votre lettre du 4 Juillet vous indiquiez le mois de Janvier19, en me disant que vous pourriez m’envoyer environ la moitié des épreuves en Décembre20. Cela nous conviendrait fort bien mais certains journaux anglais viennent d’annoncer que La Débâcle ne sera prête qu’au mois de Mai prochain21 ! Cela est-il exact ? Je pense qu’on a voulu désigner tout bonnement le volume, et que les feuilletons paraîtront auparavant. Cependant si la publication en feuilletons doit être ajournée jusqu’au mois de Mai il est important que nous le sachions — si toutefois vous êtes disposé à traiter avec le journal22.
32Je vous serais donc très reconnaissant Monsieur, si vous voudriez me renseigner promptement à cet égard ; et en attendant je vous prie de bien vouloir agréer mes salutations empressées.
33Ernest A. Vizetelly
34L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
353*
3641 Dymock Street
37Fulham
38Londres S.W.
39Le 29 novembre 1891
40à Monsieur Émile Zola à Paris
41Monsieur,
42La lettre que je vous ai adressée il y a quelques semaines au sujet d’une traduction du roman que vous écrivez en ce moment, étant restée sans réponse23 je pense ou qu’il y a du retard dans votre travail ou que vous ne tenez pas à céder le droit de traduction au Journal très honorable dont j’étais l’intermédiaire.
43Quoi qu’il en soit il est, je crois, de mon devoir de vous avertir que le directeur de ce journal (le Weekly Times & Echo) ne pouvant attendre plus longtemps une décision de votre part (et d’après la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire au mois de Juillet dernier24 il y avait lieu d’espérer une décision favorable) se voit forcé à son regret de prendre d’autres arrangements pour le mois de Janvier, afin de ne pas rester sans feuilleton à cette époque.
44Si on avait pu compter sur votre roman on se serait contenté d’insérer quelques courtes nouvelles en attendant l’arrivée de vos épreuves. Mais ne connaissant pas vos intentions, qui peuvent être toutes autres que celles que nous espérons on commencera probablement la publication d’un roman anglais de longue haleine.
45Dans ces circonstances il sera difficile sinon impossible de publier votre ouvrage lorsqu’il sera fait. Toutefois si vous voulez bien me tenir au courant de vos intentions je ferai mon possible pour faire aboutir l’arrangement dont je vous ai entretenu.
46La lettre que je vous écrivais il y a quelques semaines et qui est restée sans réponse vous était adressée à Médan25 : je pense que vous avez dû la recevoir. Il se peut cependant que vous rentrez [sic] à Paris pour l’hiver et pour plus de sûreté je crois bon d’adresser cette lettre-ci à la Société des Gens de Lettres26.
47Si, par impossible, vous n’avez pas reçu ma dernière lettre et si votre roman doit toujours être prêt pour le mois de Janvier et vous êtes disposé à traiter avec nous, on pourrait encore s’arranger mais pour cela il faudrait connaître votre décision de suite — par dépêche télégraphique — ce qui me permettrait de suspendre les autres arrangements qu’on a en vue.
48Vous connaissez nos propositions. Elles se trouvent dans ma lettre du mois de Juillet dernier et dans votre réponse vous les acceptiez en principe.
49Enfin si nous devons commencer la publication de votre roman ici au mois de Janvier prochain il faudrait que vous m’avertissiez de suite par voie télégraphique27.
50Je vous prie d’agréer Monsieur mes très sincères et empressées salutations.
51Ernest A. Vizetelly
52L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
534*
5441 Dymock St.
55Fulham
56Londres [S.W.]
57Le 12 janvier [18]92
58Monsieur,
59J’ai l’avantage de vous informer que je suis autorisé par M. E. Y. Kibblewhite, directeur du journal le Weekly Times qu’il vous prendra [sic] La Débâcle pour publication, en feuilletons seulement, dans son journal au prix de cent soixante livres sterling soit, avec la différence à votre avantage dans le change, un peu plus de 4 000 francs28.
60M. Kibblewhite propose le règlement que voici : si vous voulez lui envoyer votre manuscrit ou vos épreuves en quatre parties à peu près égales, il vous enverra immédiatement, pour chaque partie reçue la somme de Quarante livres sterling. Ou vous pouvez faire adresser votre manuscrit au représentant attitré de la Société des Gens de Lettres à Londres ; ce monsieur n’aura qu’à passer au bureau et toucher l’argent en remettant le manuscrit. À votre choix. Si vous envoyez le manuscrit au journal vous-même vous recevrez chaque fois votre argent par retour du courrier29.
61Le propriétaire du journal est M. Passmore Edwards homme très riche et très probe qui tout dernièrement encore faisait cadeau de 125 000 francs à l’un des hôpitaux de Londres30. Croyez-moi, vous n’avez rien à craindre. Je vous en donne ma parole d’honneur. Demandez à l’un ou l’autre des journalistes anglais que vous devez connaître à Paris — à M. Sherard31 par exemple — tous connaissent au moins de nom M. Passmore Edwards propriétaire de l’Echo et du Weekly Times.
62À la suite de mon entrevue avec M. Kibblewhite, directeur de cette dernière Feuille, il m’a écrit la petite lettre ci-incluse que vous pourrez garder32.
63Vous pouvez adresser dès maintenant si vous le voulez le premier quart ou la première moitié de vos épreuves si elles sont prêtes, au journal en les recommandant et vous recevrez de suite soit 40 ou 80 livres.
64Je pense que cet arrangement vous contentera33. Si vous ne recevez pas votre argent vous n’envoyez plus de copie : c’est tout simple. Mais cela vous n’avez pas à craindre de la part du directeur d’un journal honorablement connu depuis 1847.
65Excusez je vous prie le décousu de cette lettre, que j’écris hâtivement et agréez mes bien sincères salutations.
66Ernest A. Vizetelly
67Si vous voulez rédiger un engagement formel je me charge de le faire signer par M. Kibblewhite. Je vais m’occuper d’un éditeur aussitôt que j’aurai traduit les premiers chapitres — cela va sans dire34.
68L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
695*
7041 Dymock Street
71Fulham
72[Londres] S.W.
73Le 14 janvier 1892
74Monsieur,
75En vous confirmant ma lettre du 12 Janvier35 je viens vous prier, dans ce cas où vous consentez à traiter avec nous, de bien vouloir me faire connaître de suite le nom du journal de Paris dans lequel doit paraître La Débâcle. (Le journal sans doute est en train de faire faire des affiches avec gravure selon l’usage) et le temps pressant, nous voudrions traiter pour avoir un cliché de la gravure qui nous servirait pour nos affiches ici. Cette gravure faite en France serait sans doute plus exacte qu’une gravure faite ici et nous n’aurions qu’à y ajouter un texte anglais36.
76Je m’adresserai directement au journal si vous m’en donnez le nom37.
77Autre question : Le mot Débâcle ne peut se traduire en anglais que par toute une phrase. Nous pensions donc nous servir du mot « Downfall » qui veut dire : chute, effondrement, dégringolade, ou du mot « Crash » qui veut dire : craquement et brisement avec fracas : ce dernier se rapproche davantage du mot débâcle mais on ne l’emploie ordinairement au figuré que pour désigner une débâcle financière. Du reste c’est l’équivalent du mot allemand Krach que vous avez plus ou moins adopté en France. Si je puis employer le mot « Downfall » (chute, effondrement) sans trop m’écarter du sujet du livre, c’est celui que j’adopterai en mettant le titre français, entre guillemets, au-dessous38. L’ennuyeux c’est qu’il me faudra choisir un titre sans connaître le sujet du livre autrement que par des on-dits [sic].
78Vous m’obligeriez beaucoup en me donnant votre appréciation là-dessus.
79Dans l’espoir de recevoir fort prochainement votre réponse définitive je vous prie, Monsieur, d’agréer mes bien sincères salutations.
80Ernest A. Vizetelly
81L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
826
8341 Dymock Street
84Fulham
85Londres [S.W.]
86Le 19 janvier 1892
87Prière de bien vouloir faire connaître votre décision définitive au plus tôt39.
88E.V.
89Copie, coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
907*
9141 Dymock Street
92Fulham
93Londres S.W.
94Le 3 février [1892]40
95au soir
96Monsieur,
97Voici quelques détails sur mon entretien avec M. Heinemann, l’éditeur qui est allé vous voir à Paris, et qui m’avait donné rendez-vous pour hier après-midi41. Par suite de mes occupations je n’ai pas pu vous écrire plus tôt.
98Il m’a dit que lorsqu’il est allé vous voir il ne pensait pas que La Débâcle paraîtrait ici tout d’abord en feuilletons et qu’il trouvait que cela changeait quelque peu les choses42. Cependant il ne renonçait pas au projet de publier l’ouvrage en volume pourvu que les conditions ne fussent pas trop exorbitantes. Enfin, après un petit combat d’avant-postes, je lui ai dit que vous n’accepteriez pas moins de 3 000 frs. & qu’il faudrait y ajouter quelque chose pour mes frais — puisqu’il me faudrait préparer le texte et doubler le manuscrit des derniers chapitres afin que l’on pût procéder au tirage pendant la publication des derniers feuilletons dans le journal de manière à pouvoir lancer le volume à l’époque où il paraîtrait à Paris. J’aurais aussi à revoir les épreuves.
99Enfin, le prix de 3 000 frs. pour les droits, l’a fait regimber mais nous avons continué la conversation et en fin de compte il a été convenu qu’il lirait les 1ers chapitres qui paraîtraient ici et qu’ensuite il me ferait une proposition.
100Je crois qu’il finira par mordre et j’ai l’intention de lui tenir la dragée haute. Du reste je lui ai dit que j’entendai [sic] terminer l’affaire dans le courant du mois de Mars puisque aussitôt que j’aurais quelques épreuves de la traduction des 1ers chapitres j’avais l’intention de les soumettre à quelques éditeurs de ma connaissance. Je lui ai dit en riant que puisqu’il s’était présenté le premier je lui donnerais volontiers la préférence si l’on s’accordait sur la question de prix.
101Vous pouvez être persuadé que je ne perdrai pas de vue cette affaire & que je tâcherai de la traiter au mieux de vos intérêts43.
102M. Heinemann est un allemand devenu anglais. Il est très solvable quoi qu’il n’a [sic] pas grand capital à lui. Détail curieux : Son bailleur de fonds est M. Whistler, le peintre bien connu qui vient d’être promu dans la Légion d’Honneur par suite de la vente du portrait de sa mère au gouvernement français. Whistler est très riche44.
103Agréez je vous prie, Monsieur, mes bien cordiales salutations.
104Ernest A. Vizetelly
105Le Weekly Times commence des annonces & de mon côté j’ai fait paraître des entrefilets au sujet de La Débâcle dans plusieurs journaux avec lesquels j’ai des relations45. Tout cela aidera à la vente du volume.
106L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
1078*
10841 Dymock Street
109Fulham
110Londres S.W.
111Le 1er avril 1892
112Monsieur,
113Je vous écris ces quelques lignes seulement pour vous faire savoir que le journal ayant publié actuellement suffisamment de La Débâcle pour que je puisse donner aux éditeurs une bonne idée du sujet du roman et des soins que j’ai apportés à la traduction, je me suis mis en campagne pour vendre le droit de lancer l’ouvrage en volume et qu’en toute probabilité j’aurai d’ici une huitaine une solution conforme à vos désirs46. Je vous écris donc ces deux mots afin que vous ne pensiez pas que j’aie oublié nos conventions et dans le courant de la semaine prochaine je vous avertirai du résultat de mes démarches.
114J’ai fait la traduction avec beaucoup de soins. J’aborde en ce moment le 4e chapitre de votre 2e partie. Donc si vous avez encore des épreuves prêtes vous pouvez les envoyer au journal47.
115J’ai lu votre travail avec le plus grand intérêt. Tout cela a réveillé en moi une foule de souvenirs personnels car j’étais correspondant de journaux anglais à l’époque de cette malheureuse guerre48. Je crois que vous êtes d’une grande impartialité dans tout ce que vous dites au sujet des allemands et cela ne pourra qu’ajouter à la haute valeur de votre ouvrage.
116Une petite remarque : parmi les causes qui ont permis aux allemands lancés à la suite de l’armée de MacMahon de la rattraper et de la cerner à Sedan il en est une à laquelle jusqu’à présent je ne vous vois pas faire allusion. J’en ai parlé dans une note que j’ai ajouté[e] à la traduction. C’est celle-ci : Tandis que le soldat français mal nourri marchait avec 50 kilogrammes sur le dos, le fantassin allemand ne portait pas de sac. Tous les sacs de l’infanterie allemande étaient empilés dans des voitures — soit des voitures appartenant à l’armée ou des charettes réquisitionnées qui suivaient les régiments. Or il va sans dire que l’homme qui ne porte rien a bien moins de fatigue et peut aller bien plus vite que celui qui traîne 50 kilos. sur le dos et que celui-ci doit à la longue être rattrapé par son adversaire. Je peux vous certifier que les choses se sont passées ainsi. J’ai sous les yeux des correspondances adressées aux journaux anglais à la veille de Sedan qui signalent tous que les français étaient écrasés de fatigue et de faim tandis que les allemands n’avaient pas porté leurs sacs pendant toute cette longue marche ce qui leur donnait un avantage incontestable49.
117J’ai cru utile de vous signaler cela mais peut-être en avez-vous connaissance.
118Je vous écrirai la semaine prochaine dès que j’aurai la solution que j’attends50.
119Agréez, je vous prie, mes bien sincères salutations.
120Ernest A. Vizetelly
121L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
1229
12341 Dymock Street
124Fulham
125Londres [S.W.]
126Le 22 juin 1892
127S’il a tardé à lui écrire, c’est qu’il a éprouvé des difficultés en négociant la vente des droits de volume de la traduction anglaise de La Débâcle51. La crise politique en Angleterre a arrêté les affaires en librairie, et rien ne se publiera avant l’automne, lorsque la nouvelle chambre se constituera52.
128Après des revers dans ses négociations, il a enfin une « proposition sérieuse » d’une maison importante53. Bien que le chiffre, 2 500 francs, ne réponde pas tout à fait aux attentes de Zola, qui avait réclamé la somme de 3 000 francs, il estime qu’ils devraient l’accepter quand même. Avec les 4 000 francs du Weekly Times54, le total de 6 500 francs est « bien supérieur » à la somme que les autres romans ont rapporté pour les droits anglais.
129La maison demande les droits pour la Grande Bretagne et ses colonies, ainsi que la possibilité de vendre sur le continent européen. Il estime que Zola n’y verra pas d’inconvénient, vu que la vente de la traduction anglaise dans les dépôts de la maison en Europe ne peut diminuer la vente de l’original, car il n’y aura que les Anglais qui ne comprennent pas le français qui achèteront la traduction.
130Le volume sera lancé à l’automne55. D’ici là, il reverra sa traduction et on commencera l’impression. Que Zola se repose sur lui en ce qui concerne le règlement : les négociations avec le Weekly Times and Echo lui auront montré que Vizetelly n’engage des relations qu’avec « des gens solides et de bonne foi ».
131Puisque la publication du livre en volume ne lui rapportera que de la réclame et une « bagatelle » pour la correction des épreuves, il sollicite de Zola un « petit cadeau » sur la somme qu’on lui enverra56. Puisque Heinemann ne voulait donner que 2 000 francs, il lui a trouvé 500 francs de plus. Ceci n’est pas excessif, mais il faut se rappeler les ennuis avec les autres romans de Zola, qui ont effrayé de nombreux éditeurs, qui n’osaient pas lancer un ouvrage signé de Zola, de peur d’être poursuivis57.
132Si Zola veut bien accepter les 2 500 francs, ils pourront régler les détails, et il mettra le romancier en rapport avec la maison58. Il le remercie de l’envoi du volume autographié.
133Collection particulière.
13410
13541 Dymock Street
136Fulham
137[Londres] S.W.
138Le 1er juillet 1892
139Il lui rappelle sa dernière lettre, dans laquelle il lui avait dit qu’il avait trouvé un acheteur pour la traduction anglaise de La Débâcle, au prix de 2 500 francs59. Il a vu les messieurs depuis lors et a obtenu une « petite augmentation » de la somme qu’ils se proposaient de lui donner pour la correction des épreuves, de sorte que Zola touchera les 2 500 francs en entier, sans avoir à lui donner de remise.
140Il est nécessaire qu’il lui réponde par retour du courrier60, vu que ses correspondants vont partir dès après les élections à Londres. D’ailleurs il compte partir lui-même dans quelques jours. Si les affaires ne sont pas réglées avant son départ, il va falloir attendre l’automne et, comme il faut un mois ou deux pour la composition et le tirage, la sortie du livre sera remise en hiver. Si Zola lui répond tout de suite, en indiquant qu’il accepte les 2 500 francs, on pourra mettre la copie entre les mains de l’imprimeur tout de suite et publier en septembre61.
141Collection particulière.
14211
143Londres
144Le 4 juillet 1892
145Son mari62 est parti chez son père samedi après-midi63 et ne doit revenir que le soir même, ce qui fait que c’est elle qui a ouvert la lettre de Zola arrivée ce matin-là. Elle était bien contente d’une première lettre de Zola dans laquelle il offrait à son mari la somme de 500 francs. Avec cette somme, elle s’était proposé d’amener ses enfants en France chez ses parents. Mais voilà son projet à l’eau64.
146Elle raconte à Zola la vérité sur l’affaire. Parce qu’il n’avait reçu aucune réponse de Zola, Vizetelly avait cru que son silence provenait du fait que la somme qui lui était offerte, 2 500 francs moins une remise pour le traducteur, ne lui semblait pas suffisante. Vizetelly s’est donc décidé à offrir au romancier la somme entière, sans aucune retenue pour lui. La maison avec laquelle il était en pourparlers lui a offert tout d’abord dix livres (250 francs) pour revoir le texte, corriger les épreuves et écrire « une courte préface ». Ne trouvant pas la somme suffisante, Vizetelly était retourné voir les messieurs et avait obtenu une augmentation, selon laquelle il recevrait 400 francs au lieu de 250. C’était à ce point-là qu’il avait décidé de faire le sacrifice de la remise qu’il avait demandée à Zola65.
147S’il a accepté de travailler sans bénéfices, c’est qu’il a un livre qu’il espère vendre à cette même maison66, mais la vente n’est aucunement assurée67. Il sait toujours faire « de bonnes affaires pour les autres » et rien pour lui. Et c’est pour cela qu’elle se voit obligée de renoncer à un voyage auquel elle tenait beaucoup. Elle voulait quand même dire à Zola « les choses telles qu’elles sont ». S’il peut trouver un moyen de lui faciliter son voyage, elle ne pourra jamais le remercier assez. Qu’il lui pardonne la liberté qu’elle prend en lui écrivant68.
148Collection particulière.
14912
15041 Dymock Street
151Fulham
152[Londres] S.W.
153Le 8 juillet 1892
154S’il n’a pas répondu plus tôt, c’est qu’il est resté plus longtemps que prévu chez son père malade69. Il accuse réception des deux lettres de Zola70. Puisque Zola lui donne la permission, dans la première, de traiter en son nom, il agira pour lui pour les questions de détail. Pour sa sécurité, il lui enverra quand même une lettre de Chatto & Windus par laquelle ils s’engagent à lui envoyer directement un chèque de 2 500 francs71.
155Il a dû, pour les besoins du journal, traduire un peu hâtivement quelques passages du livre. Il les reprendra cependant afin que le volume « contienne bien exactement [son] texte ».
156Le volume sortira vers la fin de septembre72 et il a été entendu entre Chatto & Windus et Vizetelly qu’ils enverront le chèque à Zola à ce moment, dès que le traducteur aura corrigé les épreuves73. Robert Sherard74, ou tout autre correspondant anglais, lui dira d’ailleurs combien la maison Chatto & Windus est bien cotée en Angleterre. Qu’il compte sur Vizetelly, qui connaît trop bien la place de Londres pour traiter avec des gens « qui ne sont pas solvables ».
157Jusqu’ici, rien de sérieux n’a paru dans la presse anglaise sur La Débâcle : les élections préoccupent tout le monde75. Si Zola tient à avoir des notices de quelque longueur, il faudrait envoyer le roman à certains journaux dont Vizetelly lui fournira la liste, entre autres « deux ou trois journaux et revues militaires »76. Il lui propose de traduire en français les notices qui pourront paraître77.
158Collection particulière.
15913
16041 Dymock Street
161Fulham
162Londres [S.W.]
163Le 3 novembre 1892
164Il a sondé « discrètement » les cinq ou six journaux hebdomadaires qui auraient pu publier Le Docteur Pascal en feuilleton78.
165Le Lloyds News79, le premier en importance avec un tirage de 700 000, a déjà pris des arrangements pour son feuilleton de l’année prochaine. Le Weekly Dispatch80, autre journal à grand tirage, ne veut pas publier un roman français et ne s’intéresse d’ailleurs qu’aux « assassinats », aux « scandales » et aux « procès en divorce »81. Le People, qui avait acheté Germinal et L’Œuvre82 trouve le prix de 4 000 francs « exorbitant ». Auparavant, le People s’était indemnisé de ce que la publication des romans de Zola lui avait coûté en revendant les droits de volume, ce qui n’est pas possible pour Le Docteur Pascal. De même, les propriétaires du Reynolds83 trouvent le prix trop élevé. Il reste donc le Weekly Star84 et le Weekly Times (qui a publié La Débâcle)85.
166Le Weekly Star a offert 2 500 francs pour les droits. Lors d’une discussion, Vizetelly leur a fait remarquer qu’il ne pouvait pas accepter moins de 1 000 francs, vu que les livres de Zola demandent « à être traduits avec le plus grand soin ». Le directeur a ensuite offert une somme totale de 150 livres, soit 110 livres (2 750 francs) pour Zola et 40 livres (1 000 francs) pour Vizetelly. Le traducteur n’a ni accepté ni refusé. Il est revenu au Weekly Times, où le directeur, M. Kibblewhite, lui a offert 3 000 francs pour Zola et 1 000 francs pour Vizetelly.
167Il n’a pas pu trouver mieux. Kibblewhite lui a rappelé d’ailleurs que Le Docteur Pascal est plus court que La Débâcle, et qu’en offrant 3 000 au lieu de 4 000 pour Le Docteur Pascal, il paie le même pro rata à peu de choses près. Le bénéfice commercial du roman est pour l’éditeur, qui y mettra moins de papier, moins de composition et moins de tirage, tout en vendant Le Docteur Pascal au même prix que La Débâcle86.
168Si Zola veut traiter, il faut le faire tout de suite. S’il accepte les 3 000 francs, qu’il réponde par retour du courrier87. Avec le Weekly Times, Zola aura l’avantage d’être sûr de son argent. Le mode de paiement sera le même que pour La Débâcle88. Si Zola refuse l’offre de Kibblewhite, Vizetelly fera de son mieux pour trouver un autre acheteur, mais il craint qu’il n’y réussira pas.
169La traduction de La Débâcle se vend bien, et les journaux ont publié des notices flatteuses89.
170Collection particulière.
17114
172Londres
173Le 11 novembre 1892
174Il vient de la part de M. Kibblewhite, directeur du Weekly Times, l’informer que le journal lui achète les droits en feuilleton pour la Grande-Bretagne et ses colonies du Docteur Pascal, au prix de 3 000 francs (120 livres sterling). Les paiements et l’envoi des épreuves se feront de la même façon que pour La Débâcle90.
175Les droits de volume sont réservés à Zola, et Vizetelly négociera la vente de ces droits prochainement91. Cette lettre servira de traité entre Zola, Vizetelly et Kibblewhite92.
176Il ajoute deux observations :
1771. Le livre ne doit rien contenir qui puisse donner lieu à des poursuites judiciaires93.
1782. Zola annoncera dès le 1er janvier la date exacte de la publication du roman. Si Zola pouvait faire connaître la date plus tôt, au mois de décembre, on pourrait annoncer le roman dans le numéro du Weekly Times de Noël, qui a une vente importante. Il lui enverra un rappel à ce sujet du 18 au 20 décembre, mais, si le roman n’est pas encore prêt, on attendra le 1er janvier94.
179L’affaire est donc faite, et il lui écrira prochainement à propos des droits de volume, qu’il compte vendre à la même maison qui a acheté La Débâcle95. La première édition de la traduction a été de 10 000 exemplaires environ, ce qui est « très beau pour une traduction ». La deuxième édition de la traduction est à moitié vendue. Il faut dire que le sujet de la guerre passionne les Anglais96.
180Collection particulière.
18115*
18241 Dymock Street
183Fulham
184Londres [S.W.]
185Le 17 janvier 1893
186Cher Monsieur,
187Les éditeurs anglais de La Débâcle m’envoient la lettre ci-jointe pour vous la transmettre97. Elle est curieuse, et flatteuse et pour vous et pour moi. Je me suis permis d’y ajouter une traduction, car j’ignore absolument si vous connaissez l’anglais ou non98. Enfin vous voilà dans les bonnes grâces des vieilles dames anglaises. Et l’on prétend pourtant que le temps des miracles est passé. Vous savez bien le contraire, sans doute, vous qui avez été à Lourdes99. Votre carte avec un mot de remerciements ferait probablement la joie de cette brave dame, mais je n’ose vous demander de la lui envoyer car je vous avoue que je ne la connais nullement et je pense que vous devez être trop occupé pour donner de l’attention à l’appréciation d’une inconnue. À ce propos, tout dernièrement en causant avec M. Robert Buchanan poëte, romancier et auteur dramatique qui occupe une haute situation dans notre monde littéraire100, il me disait le plus grand bien de La Débâcle. Il trouvait fort belle cette amitié entre Jean et Maurice telle que vous l’avez conçue101 : l’idée, à son avis, était admirable et vous en aviez tiré, disait-il, un effet saisissant.
188Ce monsieur vient de faire paraître ici un poème intitulé « Le Juif Errant » : c’est le Christ qui revient sur la terre et que tout le monde repousse et veut crucifier de nouveau. Personne ne veut de lui ni de ses doctrines et il s’en va, s’écriant que Dieu le père avait raison en condamnant l’humanité à la mort car elle ne mérite pas la vie éternelle. Tout cela a soulevé ici une grande polémique, qui en France aurait déjà donné heu à 5 ou 6 duels. Mais ici nous nous battons à coups d’avocats102.
189J’ai accepté de M. Buchanan le poste de secrétaire de la rédaction d’une nouvelle revue littéraire et sociale qui commencera à paraître ici fin Mars103. Lorsque vous aurez fini avec Le Docteur Pascal j’aurai probablement à vous demander un article pour cette revue — un article sur vous-même. Puis, lorsque vous mettrez la main à votre ouvrage sur Lourdes et Rome je serais content d’en faire paraître une traduction dans cette même publication104. M. Buchanan m’en a dit deux mots l’autre jour. Vous pourrez dès à présent prendre cela en note.
190Je vous prie, cher Monsieur, de bien vouloir agréer mes salutations dévouées.
191Ernest A. Vizetelly
192L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
19316
19441 Dymock Street
195Fulham
196Londres [S.W.]
197Le 21 mars 1893
198Il vient de relire L'Argent, qui, à sa connaissance, n’a jamais été traduit en anglais105. Il comprend que la scène entre Saccard et la baronne Sandorff a pu effrayer ceux qui se seraient proposé de traduire le roman106, étant donné la situation actuelle des œuvres littéraires en Angleterre. Il estime qu’on pourrait éliminer les scènes « qui feraient assurément poursuivre le livre en Angleterre » et qu’il resterait quand même un ouvrage complet, « qui en ce moment avec le Panama, et certaines débâcles financières qui ont eu lieu à Londres » auraient beaucoup d’actualité.
199Les journaux anglais ne veulent pas publier d’anciens romans en feuilleton : il ne traitera par conséquent que pour la traduction en volume. L’affaire n’est pas facile, mais il fera son possible si Zola veut bien accepter un prix « relativement minime »107.
200Jusqu’ici, il n’a parlé de son idée à personne. Si la chose se fait, il remplacera la scène entre Saccard et la baronne par quelques lignes, qui expliquent « à mots couverts » ce qui s’est passé. Il y aura encore quelques petites coupures à faire, mais sur les 450 pages du livre, il en restera bien 420 telles que Zola les a écrites. Vizetelly y touchera « le plus délicatement possible », en ne supprimant que le strict nécessaire pour éviter des poursuites108. Que Zola lui indique son dernier prix.
201Le Docteur Pascal s’annonce bien. Le journal a beaucoup dépensé en publicité, mais il est encore trop tôt pour juger du succès109. Il ajoute, en post scriptum, qu’il pense faire faire un portrait de Zola qui servira de frontispice pour Le Docteur Pascal. Il lui demande le nom et l’adresse du photographe qui a fait son dernier portrait, ou bien le portrait qui lui plaît le mieux. En Angleterre, on ne lui connaît que d’anciennes photos sur lesquelles il a les cheveux en brosse, tandis qu’il les porte longs maintenant « à ce que disent les journaux »110.
202Collection particulière.
20317
20441 Dymock Street
205Fulham
206[Londres S.W.]
207Le 20 mai 1893
208Les journaux s’occupent beaucoup de l’adresse de Zola aux étudiants111. Le Telegraph en a donné « des extraits importants », et partout on lit des commentaires112. Il lui demande le texte complet, parce qu’il croit pouvoir le placer dans une revue anglaise113. Le prix dépendra de la longueur du texte.
209Il est en pourparlers pour Lourdes, et il espère « un bon résultat »114.
210Il ajoute en post scriptum que s’il veut faire quelque chose avec le discours, il faudra le lui envoyer immédiatement.
211Collection particulière.
21218*
21341 Dymock Street
214Fulham
215[Londres S.W.]
216Le 30 mai 1893
217Cher Monsieur,
218Vous ne m’avez pas encore envoyé une épreuve de l’arbre généalogique pour Le Dr. Pascal, ainsi qu’il était convenu115. Si vous en avez une je vous prie de me le [sic] faire parvenir de suite.
219Quand publierez-vous le volume à Paris116 ?
220Ici je compte être prêt pour le 1er Juillet117.
221C’est M. Grove de la New Review qui a la traduction que j’ai faite de votre adresse aux étudiants118. Il va très probablement la publier. Je vous tiendrai au courant.
222Je n’ai encore rien de terminé pour Lourdes. Du reste tout le monde était en vacances la semaine passée. Pour arriver à vous obtenir une assez forte somme je cherche à former un syndicat composé d’un journal de Londres, et de 3 ou 4 des principaux journaux de province, qui publieraient le Lourdes simultanément119. Cela se fait beaucoup ici pour certains romans — notamment ceux de Miss Braddon120, Grant Allen121 etc. — et produit paraît-il un bon résultat. Si je reussis à réunir les adhésions sur lesquelles je compte l’affaire donnerait plus de bénéfice que si l’on se contentait d’un seul journal comme on a fait jusqu’à présent. Enfin j’ai bon espoir et dès que j’aurai des réponses définitives je vous écrirai.
223Agréez je vous prie mes bien cordiales salutations.
224Ernest A. Vizetelly
225Le chapitre où vous décrivez la mort du Dr. Pascal m’a profondément remué, il est je crois d’un très grand effet122.
226L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
22719*
22841 Dymock Street
229Fulham
230[Londres] S.W.
231Le 1er août 1893
232Mon cher Monsieur,
233Enfin, après des délais qui n’ont pas été de ma faute la traduction anglaise de Docteur Pascal a paru en volume et par ce même courrier je vous en envoie un exemplaire123. D’ici peu de jours j’aurai à vous faire parvenir votre argent124.
234Je vous ai dit il y a quelque temps que j’avais traduit votre discours aux étudiants, et que j’avais offert cette traduction à la New Review. Cette publication a accepté ma copie qui a paru dans son numéro d’il y a quelques semaines125. Plusieurs journaux en ont parlé. Avant la publication le rédacteur en chef m’a proposé le prix de cent cinquante francs (six livres) me faisant observer que le discours avait déjà été cité à tort et à travers par toute la presse anglaise, de sorte qu’il n’en aurait pas la primeur ; autrement, il m’aurait offert un prix plus élevé. Bref, j’ai accepté sa proposition ; mais c’est seulement aujourd’hui que j’ai reçu son chèque.
235Mon idée est de partager la somme entre vous et moi. Acceptez-vous cet arrangement ? Dans le cas affirmatif j’ajouterai 75 frs à l’argent que je vais vous envoyer pour le compte du Docteur Pascal126.
236Autre chose : on prétend que vous devez venir ici au mois de Septembre pour prendre part à une espèce de congrès de journalistes anglais au Palais de Crystal et que vous devez même y prononcer un discours à sensation127.
237Dites-moi, je vous prie, lorsque vous m’écrirez s’il y a du vrai dans cette nouvelle. Si vous avez reçu une invitation j’aurais à vous soumettre quelques observations là-dessus mais il est inutile que je vous inflige la peine de lire ma prose sans motif.
238J’ai été très souffrant tous ces temps derniers, sans quoi je vous aurais écrit plus tôt. Pour le moment je n’ai rien à ajouter si ce n’est qu’en toute probabilité l’éditeur qui publie le Docteur Pascal, s’engagera pour prendre L’Argent128. Maintenant que la traduction anglaise de Pascal a paru tout le monde va se remettre à parler de vous et c’est de ce moment que je vais profiter pour terminer définitivement les deux affaires de Lourdes et de L’Argent129.
239Agréez je vous prie mes salutations bien cordiales.
240Ernest A. Vizetelly
241L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
24220*
24341 Dymock Street
244Fulham
245Londres [S.W.]
246Le 7 août 1893
247Cher Monsieur,
248Votre lettre m’est arrivée ce matin Lundi130. Voici tout ce que je connais à propos du Congrès en question. Il paraîtrait que l’invitation que vous avez reçu[e] vous aurait été adressée par la loge de Londres de l’Institut des Journalistes. Cette Société a été fondée il y a peu d’années dans le but d’élever la profession de journaliste, de décerner des brevets de capacité aux reporters etc. ; on n’admet que de vrais journalistes, l’entrée est refusée aux gens tarés ; et bref on cherche par le moyen de cette société de faire du journalisme une profession fermée — quelque chose comme l’ordre des avocats. Ce dernier but ne saurait être atteint, mais enfin nous voyons dans cette société une tentative d’empêcher Pierre, Paul et Jacques de se dire journalistes quand ils ne le sont pas, et de jeter du discrédit sur une profession qui exige avant tout une grande honorabilité131.
249Je n’appartiens pas à l’institut, n’en ayant jamais éprouvé le besoin, mais, certes, il y a des gens très notables et très honorables là-dedans. Cependant lorsqu’on a annoncé ici que vous étiez invité pour le mois de Septembre, cela m’a surpris et pour cette raison : — On ne cesse de vous attaquer dans les journaux ici ; et quoi penser alors de gens qui, tout en daubant sur vous dans leurs feuilles, vous prient de venir prendre part à leurs délibérations et d’accepter leur hospitalité. Cette politique à double face ne me plaît pas, et je dis tout bonnement ceci : Si la presse anglaise, représentée par l’institut des journalistes, désire que vous veniez prendre part à son congrès, il [sic] devrait tout au moins parler de vous avec moins d’aigreur. J’admets que presque tous les journaux ont applaudi à La Débâcle132, mais à part cela 19 de vos livres sont à l’index ici : la condamnation qu’a subi[e] mon père133 a entraîné la défense de vendre ici les traductions anglaises ou américaines de :
La Fortune des Rougon
La Curée
Le Ventre de Paris
La Conquête de Plassans
La Faute de l'abbé Mouret
Son Excellence E[ugène] R[ougon]
L’Assommoir
Page d’Amour
Nana
Pot Bouille
Au Bonheur des Dames
La Joie de Vivre
Germinal
L’OEuvre
La Terre
Thérèse Raquin
Madeleine Férat
Naïs Micoulin
Le Capitaine Burle134
250La Bête Humaine et L’Argent n’ont pas été traduits jusqu’à présent135. Pascal, entre parenthèses, est très discuté — les uns l’approuvent, les autres l’attaquent avec une grande violence.
251Or vous voyez par ce qui précède quelle est votre situation ici. Moi je dis ceci : si la presse anglaise vous veut du bien qu'elle commence par faire lever l’interdit qui pèse sur tant de vos livres136. D’autre part votre présence ici pourrait peut-être amener ce résultat. Je ne sais quels sujets va discuter ce congrès, mais je vais de suite me mettre en rapports avec ses organisateurs. Je les verrai cette semaine et je vous écrirai ce qu’ils me diront. En attendant, je crois que vous devriez différer votre réponse à l’invitation137.
252Chose curieuse, et que je ne m’explique pas : après que l’entrefilet annonçant qu’une invitation vous avait été adressée eut fait le tour de la presse le journal le Star a publié une note disant que tout cela était inexact — qu’aucune invitation ne vous avait été adressée et que par conséquent vous n’aviez ni à refuser ni à accepter. Je connais le rédacteur en chef du Star et je vais lui demander l’explication de cette note138. En attendant faites-moi savoir s.v.p. par qui votre lettre d’invitation est signée139. Évidemment il y a quelque chose dans tout ceci à tirer au clair.
253Je vais m’en occuper de suite et d’ici 2 ou 3 jours je vous écrirai de nouveau. Entre autres je vais consulter M. Georges Moore qui sera peut-être plus au courant que moi140.
254Agréez je vous prie mes sincères salutations.
255Ernest A. Vizetelly
256J’ai écrit cette lettre si hâtivement quelle est remplie de fautes : il faut me les pardonner, je n’ai pas voulu vous faire attendre votre réponse.
257L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
25821*
25941 Dymock Street
260Fulham
261[Londres S.W.]
262Le 10 août 1893 (au soir)
263Cher Monsieur,
264Après bien des démarches j’ai réussi à voir le secrétaire de l’institut des Journalistes avec lequel j’ai eu un long entretien au sujet de l’invitation que vous avez reçu[e]141. Elle est bien authentique.
265Le Congrès s’ouvre le 20 Septembre et se tiendra dans une salle à Londres, appartenant à l’ordre des avocats. Les questions qui y seront discutées n’auront à ce que je vois de l’intérêt que pour la presse anglaise. Je ne trouve dans le programme aucune question présentant un intérêt international. Cependant l’Institut a invité un certain nombre d’étrangers. Deux ou trois français parmi lesquels vous-même142. J’ai voulu savoir les noms de vos compatriotes mais le secrétaire, très aimable mais profondément ignorant des choses françaises, ne pouvait se rappeler leurs noms et a fait d’inutiles recherches dans ses papiers. En outre il y aura des Américains, des Australiens, etc. Parmi les membres du comité de réception il y en a qui parlent français, et qui s’occuperaient spécialement de vous et de vos collègues.
266Réception le Mercredi 20 Septembre143. Séances du congrès le 21, 22, 23 Septembre. Le 21 au soir, Réception à l’institut impérial à laquelle assistera probablement le Duc d’York, en l’absence du Prince de Galles qui sera en voyage en ce moment144.
267Le 22 au soir Réception par le Lord Maire, bal, etc.145
268Le 23. Banquet au Palais de Crystal : c’est ici qu’on voudrait que vous parliez. L’idée du comité est de vous prier de répondre à un toast, dont on me fournira le texte vers le 1er Septembre afin que je puisse vous l’envoyer, ce qui vous permettrait de préparer votre discours avant votre arrivée ici, si vous le désirez. Il y aura plusieurs discours, nécessairement, de sorte que tout en vous laissant la latitude que vous pouvez désirer, on vous prie de ne pas en abuser afin que les invités américains etc, puissent à leur tour prononcer quelques paroles146.
269Le Dimanche 24 Septembre sera jour de repos pour ainsi dire147.
270Le 25 Excursion à Portsmouth, visite aux navires de guerre, déjeuner chez le Maire148. Le soir retour à Londres et réception avec ballet etc au théâtre de Drury Lane149.
271Enfin le 26, excursion au château de Hatfield la propriété du Marquis de Salisbury150.
272Vous pourriez régler votre arrivée comme il vous plairait ; cependant on vous prie d’indiquer à l’avance quel jour vous seriez ici. Si les séances du congrès vous ennuient rien ne vous force à y assister ; du reste vous me permettrez de me mettre à votre disposition pendant votre séjour ici.
273Le secrétaire de l’Institut m’a dit que vous aviez consulté M. Strong, le correspondant du Morning Post à Paris, et si j’ai bien compris, ce monsieur ferait le voyage avec vous151.
274Je lui ai aussi causé de la question, hôtel ; il m’a dit que le quartier général du congrès serait à First Avenue Hotel et que si vous y descendiez vous pourriez être sûr qu’on s’occuperait de tous vos besoins. D’autre part M. Strong lui aurait écrit que vous pensiez descendre à Morley’s Hotel près de Charing Cross152. Cela vaudrait mieux à mon avis, vous seriez moins accaparé, plus en liberté, et tout aussi bien. Du reste, s’il est exact que M. Strong doit venir à Londres avec vous, vous serez en bonnes mains.
275Vous auriez sans doute à retenir votre appartement à l’avance ; si M. Strong s’en occupe tout va bien, sinon, si vous le désirez je passerai à l’hôtel et ferai pour le mieux afin que vous soyiez bien logé pendant votre séjour ici. Dans ce cas faites-moi connaître vos besoins.
276L’invitation étant donc authentique, je ne saurais vous donner un autre conseil que de venir. Il se pourrait qu’on vous prie de parler ailleurs qu’au banquet, mais en tout cas, là pour sûr, vous auriez à prendre la parole. Si vous préparez votre discours à l’avance on en ferait faire des copies, soit des traductions afin qu’un texte bien authentique paraisse dans les journaux153.
277Je crois avoir compris que madame Zola doit vous accompagner — du reste les dames doivent assister à toutes les réceptions, etc.
278Avec les renseignements que je viens de vous donner vous pourrez prendre une décision... Dès que je connaîtrai le toast auquel vous devrez répondre je vous le ferai connaître.
279Enfin je m’arrête : il fait ici une chaleur accablante, depuis 2 jours des orages affreuses [sic]. Je ne sais si nous allons être tous rôtis par une comète comme Camille Flammarion le prétend dans son nouveau roman La Fin du Monde154 mais enfin ça en a l’air. Espérons toutefois que cela n’aura lieu qu’après votre voyage de Londres.
280Votre lettre m’arrive en ce moment même. Celle-ci y répond. Le démenti du Star était un canard155.
281Salutations cordiales.
282Ernest A. Vizetelly
283L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
28422*
285Londres
286Le 25 août 1893
287(soir)
288Cher Monsieur,
289Vous aurez reçu déjà les notes sur l’anonymat que je vous ai envoyées l’autre jour156. Je ne vous avais pas écrit à ce moment parce que j’attendais 2 réponses — l’une au sujet de L’Argent, l’autre au sujet de Lourdes. Prenons L’Argent d’abord — pour celui-là la réponse vient de m’arriver.
290L’Argent. J’ai voulu faire deux choses. 1° publier l’ouvrage dans un journal, 2° en volume. Pour la première chose je n’ai pas réussi : j’ai fait au moins 6 ou 7 journaux (les seuls qui offraient une certaine possibilité de réussite) et tous depuis longtemps avaient leurs feuilletons de pris pour toute l’année. Depuis le mois de Mai je m’en occupe. Impossible de trouver le joint voulu. D’autre part j’ai un [sic] offre pour [le] volume ; il [sic] n’est pas merveilleux, mais dès l’origine je vous avais averti que je ne pourrais trouver grand’chose pour un livre déjà ancien et dont beaucoup d’exemplaires en français se sont déjà vendus ici. Songez, il y a au moins 3 ou 4 ans que cela a paru157. Enfin voici la proposition : Cent vingt livres en tout, vous et moi compris. C’est le mieux que j’ai pu trouver158.
291Or la traduction de ce livre me donnerait assez de travail. Il y a des passages à éliminer, des raccords à faire. Bref deux mois de travail assidu : or vraiment je ne pourrais accepter pour ma part moins de cinquante livres : il vous resterait soixante dix livres (soit 1 750 francs).
292C’est bien peu ; mais d’autre part je crains que le plus on attendrait pour ce livre, le moins on en récolterait. Tout le monde me dit, c’est vieux, nous le connaissons, donnez-nous du nouveau.
293Lourdes. Aussi pour Lourdes je compte les saler. Je ne peux naturellement pas obtenir 20 000 francs comme M. Bennett du New York Herald vous donne159 ; mais je suis en pourparlers avec la Pall Mall Gazette160 sur la base de 300 livres pour les droits de feuilleton seuls, traduction comprise. c’est-à-dire votre part et la mienne. Or pour La Débâcle le Weekly Times vous a donné 160 livres (4 mille francs) pour les droits de feuilleton161. Si je réussis avec la Pall Mall pour Lourdes je vous propose 240 livres soit 6 mille francs. (Je toucherais, moi, 1500 francs et avec toutes mes démarches je crois que je les aurais gagnés162.) La question du volume resterait entièrement chose à part comme pour La Débâcle et Pascal. Je puis ajouter que j’attends d’un jour à l’autre la réponse de la Pall Mall. J’ai eu un long entretien avec le directeur Mardi dernier. S’il prend l’ouvrage il ne voudrait pas dépasser les 300 livres. Personnellement, au point de vue d’ici, et attendu qu’on publie et qu’on lit bien moins de feuilletons qu’en France je trouve que c’est un bon prix163.
294Pour me résumer :
295L’Argent :
296En tout £ 120 soit 3 000 francs dont
1750 à vous
1 250 à moi
3 000
297Lourdes :
298Droits de feuilleton seuls : 7 500 francs dont
6 000 à vous
1500 à moi
299Droits de volume à négocier plus tard peut-être lorsque vous serez ici.
300Pour la Pall Mall il faudrait négocier de suite : le directeur m’a dit que s’il se décidait à prendre le livre il faudrait arriver à une entente sans tarder.
301Votre argent et le mien pour Pascal (volume) vient de m’arriver en un seul chèque. Je vais le passer chez mon banquier et Lundi ou Mardi je vous enverrai le vôtre164.
302Donnez-moi de suite votre avis sur les deux affaires L’Argent et Lourdes.
303À propos du premier il m’est arrivé une drôle d’histoire : On l’a publié en Anglais en Amérique — quelque ‘pirate’ sans doute — et j’ai trouvé là un bonhomme qui vendait cette traduction (fort mauvaise) ici. Je l’ai menacé de dommages-intérêts etc. à payer, lui faisant observer que vos droits sont sauvegardés ici par le traité Franco-Anglais165. Enfin, il n’en avait vendu qu’un petit nombre d’exemplaires ; agissant en votre nom j’ai fait détruire les quelques volumes qui lui restaient166. La Société des Gens de Lettres devrait avoir un représentant sérieux ici167. Il y aurait pas mal à faire à l’avantage des auteurs français. Si on voulait accepter un étranger je m’offrirais volontiers aux conditions que l’on voudrait.
304Cordialement à vous.
305Ernest A. Vizetelly
306L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
30723*
308Le 27 août 1893
309Dimanche après-midi
310Cher Monsieur,
311Après vous avoir écrit j’ai aperçu dans la Pall Mall Gazette un entrefilet du correspondant de ce journal à Paris qui disait être allé vous voir Mercredi dernier à Médan168. Or c’est le Mardi que j’ai vu le directeur à Londres, et l’idée m’est venue qu’on a peut-être envoyé de suite des instructions au correspondant pour qu’il aille vous voir au sujet justement de Lourdes. Si cette supposition est exacte dites-moi je vous prie, lorsque vous me répondez, ce qui s’est passé entre vous169. Il continue à m’arriver des notices sur Pascal les unes bonnes les autres mauvaises170. Ce qu’on reproche au livre c’est la grande différence d’âge entre Pascal et Clotilde ; cependant on passerait assez facilement là-dessus, si encore ils étaient de parenté plus éloignée. Je sais très bien et je l’ai expliqué dans ma préface, que la loi française permet le mariage entre oncle et nièce ; mais par contre, la loi anglaise le défend. De là il arrive que certains critiques, ne s’arrêtant pas à ce que j’ai dit dans ma préface, (qu’ils n’ont peut-être pas pris la peine de lire) s’en vont en guerre pour traiter presque d’inceste la liaison de Clotilde et du Docteur. C’est très bête mais que voulez-vous171 ?
312Aussi, si vous avez complété votre « maquette » pour Lourdes, dites-moi à votre idée quelle sera la longueur de l’ouvrage et le nombre de chapitres si faire se peut. Lors de mon entretien avec le directeur de la Pall Mall nous avons pris pour base la longueur moyenne de vos romans — c’est-à-dire un volume de 400 à 450 pages. Or si Lourdes doit être bien plus long ou bien plus court il est bon que je le sache172.
313Agréez, je vous prie, mes salutations cordiales.
314Ernest A. Vizetelly
315L’anglais se place toujours à son point de vue ; il est, et malgré sa manie de voyager, il reste insulaire. Si la loi de son pays défend une chose il ne peut pas comprendre qu’elle soit permise par la loi d’un autre pays.
316L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
31724*
31841 Dymock Street
319Fulham
320Londres [S.W.]
321Le 2 septembre 1893
322Cher Monsieur,
323Ci-inclus vous trouverez un chèque qui représente deux mille soixante quinze francs pour le compte du Dr. Pascal173. En le signant au dos et le remettant à votre banquier il vous encaissera la somme.
324J’ai signé pour L’Argent et je m’y mets174. Quant à la Pall Mall je devais voir le directeur il y a 2 jours mais en allant au bureau j’ai appris qu’il était indisposé et n’était pas venu à Londres. Ce ne sera je pense qu’un retard de quelques jours175.
325George Moore, lorsqu’il est en ville, reste No 8 King’s Bench Walk, Temple, Londres, E.C. mais j’y suis allé avant-hier et j’ai trouvé porte close. Évidemment, il est à la campagne. Je lui ai donc écrit deux mots, aux soins de ses éditeurs, et ils ont dû lui faire parvenir ma lettre. Je l’ai prié de me donner son adresse actuelle et de vous l’envoyer directement puisque vous me l’aviez demandée. Peut-être vous aura-t-il déjà écrit. S’il me répond à moi, je vous enverrai l’adresse176.
326Agréez je vous prie mes bien sincères salutations.
327Ernest A. Vizetelly
328L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
32925*
330Londres
331Le 5 septembre 1893
332(soir)
333Cher Monsieur,
334La Société des Auteurs Anglais — qui correspond pour ainsi dire à la Société des Gens de Lettres, quoique de fondation plus récente177 — s’est émue de votre visite à Londres, et le secrétaire étant absent en vacances, un de ses principaux membres, M. Walter Besant178, (qui avec George Meredith179 et Thomas Hardy180 se trouve à l’heure actuelle être un de nos trois premiers romanciers) vient de m’écrire pour me charger de vous prier de bien vouloir dîner avec ceux des membres de la Société qui pourront être à Londres à l’époque de votre séjour ici. Il me semble que vous ne pourriez refuser cette invitation. Vous vous rencontreriez avec plusieurs littérateurs — romanciers, poëtes, critiques etc. de valeur, dont un bon nombre sauraient, sans doute, vous causer en français. Nécessairement ce dîner ne pourrait avoir lieu qu’après celui des journalistes181 — qui est fixé pour le 23 Septembre. M. Besant m’a prié de lui donner une date. Or le programme des journalistes finit le 26 Sept. Peut-être pourriez-vous donc dîner avec la Société des Auteurs ce soir-là ou le lendemain 27 Septembre.
335Je vous prie de me faire connaître votre décision de suite afin que ces messieurs puissent faire leurs préparatifs. En recevant votre réponse je verrais le secrétaire de l’Institut des Journalistes et je choisirais celui des 2 jours que j’ai indiqué[s] qui conviendrait le mieux182.
336Dites-moi aussi je vous prie si Madame Zola doit vous accompagner à Londres183. Dans ce cas il me semble qu'elle devrait prendre part à ce dîner et que je devrais en avertir M. Besant.
337Je crois qu’il serait grandement de votre intérêt d’accepter l’invitation. Elle s’imposait en quelque sorte par raison de votre position comme président de la Société des Gens de Lettres.
338M. Besant m’a écrit qu’il ne s’était pas adressé directement à vous parce qu’il croyait pouvoir arranger les choses tout aussi bien par mon intermédiaire ; et il n’a pas voulu fixer un jour lui-même pour ne rien faire qui clocherait avec vos arrangements et ceux des Journalistes.
339Vous trouverez une invitation en règle à votre hôtel en arrivant ici.
340Autre chose. M. Chatto qui a édité La Débâcle m’a aussi prié de vous inviter à dîner avec lui et 2 ou 3 personnes en petit comité184. On conviendrait du jour lorsque vous serez ici. Il m’a invité aussi.
341Pour l’affaire des Auteurs je suis invité également, et j’aurais, si vous acceptez, l’honneur de vous présenter ceux de ces messieurs que je connais personnellement.
342En attendant votre réponse je vous prie d’agréer mes bien sincères salutations.
343Ernest A. Vizetelly
344Autre chose. J’ai promis à un journal la Westminster Gazette de vous interviewer sur vos impressions de Londres lorsque vous aurez été ici quelques jours185. J’espère que vous ne me refuserez pas cela, et que si faire se peut vous me garderez la primeur de vos observations.
345L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
34626*
34741 Dymock Street
348Fulham
349[Londres S.W.]
350Le 8 septembre 1893
351Cher Monsieur,
352J’ai essayé d’arriver à une entente avec les journalistes anglais186, pour fixer une date pour votre dîner avec les Auteurs, mais M. Lucien Wolf s’est formalisé de mon intervention, et je vous écris donc pour vous prier de fixer cette date vous-même, pour un jour quand vos engagements avec les Journalistes seront terminés. Cela vaudrait mieux. Voyez la date de votre dernier engagement avec les Journalistes et prenez le lendemain ou le sur-lendemain pour dîner avec les Auteurs. M. Wolf paraît être à cheval sur sa dignité et une tendance se manifeste de vous accaparer entièrement pendant votre séjour ici. Il me semble cependant que vous voudrez jouir de quelque petite liberté. Ayez donc la bonté de voir ou d’écrire au représentant de M. Wolf à Paris ; c’est me dit-il l’agent de la S[ociété] des Gens de Lettres à Londres ; avec lui vous pourriez convenir du jour où vous dîneriez avec les auteurs. Même si vous ne le consultez pas, signifiez-lui la date que vous aurez choisi[e] pour ce dîner, afin qu’il en avise M. Wolf, car dans les circonstances je ne tiens pas à servir d’intermédiaire187.
353Maintenant, pour ce dîner des auteurs il aurait lieu au Cercle des Auteurs et comprendrait une cinquantaine de couverts. Le président de la Société se rend malheureusement aux Indes et M. Besant188 propose de faire donner ce dîner par le comité du Cercle qui dépend pour ainsi dire de la Société. Ce serait en quelque sorte un dîner ouvert, en ce sens qu’il y aurait parmi les convives des littérateurs appartenant à la Société et d’autres qui n’y appartiennent pas. De cette manière il perdrait quelque peu son caractère officiel, mais par contre il serait bien plus représentatif de la littérature anglaise.
354J’espère que vous pourrez rester à Londres pendant quelques jours après la fin de vos engagements avec les journalistes afin d’assister à ce dîner et aussi de dîner un jour avec moi et M. Chatto l’éditeur189.
355Si faire se peut télégraphiez-moi la date que vous choisirez pour les auteurs, car le temps presse pour les invitations et M. Besant me demande de lui répondre. En même temps vous pourriez me donner par lettre des détails sur vos intentions pendant votre séjour ici190.
356À la hâte pour le courrier.
357Salutations empressées.
358Ernest A. Vizetelly
359L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
36027*
36141 Dymock Street
362Fulham
363[Londres] S.W.
364Le 9 septembre 1893
365Cher Monsieur,
366Étant allé en ville ce matin j’y ai vu une des personnes qui se sont occupées de la question du dîner des auteurs, et ce qu’on m’en a dit m’oblige à vous écrire de nouveau191.
367Par suite du désarroi dans lequel la Société des Auteurs se trouvera à l’époque de votre visite ce dîner n’aurait pas un caractère officiel ; d’abord Sir F. Pollock192 le président effectif sera déjà en route pour les Indes. Meredith193 le président d’honneur est plus ou moins misanthrope et ne prend part à aucune cérémonie ; le secrétaire d’ailleurs ne sera pas de retour avant la fin de ce mois. Cependant les convives comprendraient tous ceux des membres que l’on pourrait réunir, avec d’autres littérateurs bien connus. J’ai fait observer que si l’on vous invitait en votre qualité de président de la Société des Gens de Lettres il fallait faire les choses régulièrement, en écrivant soit à l’agent de la Société à Londres, soit au [sic] Chaussée d’Antin194. Il m’a été répondu ceci, que ne pouvant, par suite de l’absence du président, vous inviter officiellement au nom de la Société des Auteurs, on préférait vous inviter, non pas comme président des Gens de Lettres, mais tout bonnement en votre qualité de littérateur. Et on a ajouté : que si le dîner perdrait [sic] son caractère officiel, par contre il aurait un caractère plus cordial, puisque, laissant de côté votre présidence des Gens de lettres, ce serait un hommage rendu à votre personne et à votre œuvre littéraire.
368Pendant le temps que vous serez l’hôte des journalistes vous resterez M. Zola, président de la Société des Gens de Lettres ; mais le soir où vous viendriez au cercle des Auteurs vous seriez M. Zola, le romancier, l’auteur des Rougon-Macquart.
369On m’a donc prié de continuer les pourparlers avec vous, ce que j’ai consenti à faire. Mais, j’aurais été obligé de refuser si on vous avait invité officiellement comme président de la Société des Gens de Lettres, car dans ce cas, je ne pouvais agir sans prétendre à une qualité que je n’ai pas. Du reste, lorsque j’ai écrit à M. Wolf pour lui faire part des intentions qu’on m’avait manifestées j’ai eu soin de dire que j’agissais officieusement, et non pas officiellement, et dans le seul but d’amener une entente entre les partis. M. Wolf m’a fait savoir comme je vous l’écrivais hâtivement hier, que si une communication à ce sujet devait lui être adressée il aimerait mieux que ce fut par l’intermédiaire de son correspondant à Paris. Cela je le comprends parfaitement. Et puisque ce monsieur est en même temps, paraît-il, le représentant des Gens de Lettres à Londres, dites-lui, je vous prie, que je serais vraiment désolé qu’il pût croire que j’aie voulu empiéter sur ses attributions, car rien n’a été plus loin de ma pensée195.
370Par contre, ce dîner ne devant pas vous être offert en votre qualité de Président des Gens de Lettres, je pourrais si vous le désirez, continuer à m’en occuper à titre privé bien entendu. Du reste, jusqu’à présent j’ai eu soin de dire aux uns ou aux autres que je ne pouvais agir officiellement, n’ayant aucune qualité pour cela196.
371Je ne ferai plus rien sans votre assentiment. Une réponse de votre part est cependant urgente, puisque les préparatifs etc. demanderont un certain temps. Pour la question de date, etc. je confirme ma lettre d’hier.
372Agréez je vous prie mes salutations cordiales.
373Ernest A. Vizetelly
374Si bon vous semble vous pourriez faire voir cette lettre au représentant de la Société des Gens de Lettres à Londres — puisqu’il est actuellement à Paris.
375P.S. : Quoique le dîner ne serait pas [un] dîner officiel (pour les raisons que je vous ai signalées) il serait peut-être bon que le représentant des Gens de Lettres à Londres y fût invité. Dans ce cas si vous voulez bien me faire connaître son nom et son adresse actuelle je lui ferais adresser une communication par les organisateurs du dîner. Il me semble que c’était M. Georges Petilleau qui s’occupait dans le temps des intérêts des Gens de Lettres à Londres, mais je ne sais s’il occupe toujours ce poste197.
376L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
37728*
378Londres
379Le 16 septembre 1893
380Cher Monsieur,
381Vous recevrez l’invitation formelle pour le dîner des auteurs à votre arrivée ici198. M. Petilleau trouvera également une invitation l’attendant chez lui. C’est tout à fait décidé. Veuillez le lui dire. Il reste 2 ou 3 questions de détail à résoudre mais sans importance je crois. Du reste tout sera définitivement réglé à votre arrivée ici.
382Vous m’avez dit que vous arriverez le 20 au soir probablement199. Je ne voudrais pas venir vous importuner le soir même car vous serez sans doute fatigué ; mais si vous le voulez je me présenterai au Savoy Hotel le lendemain matin avant que vous ne sortiez. Je serai très possiblement porteur de l’invitation des auteurs, à moins qu’on ne l’envoie à l’hôtel par la poste.
383Si vous aimez mieux me voir le soir de votre arrivée je serai à votre disposition. Si vous le pouvez envoyez-moi je vous prie un petit mot la veille de votre départ, pour me dire quand je devrai me présenter200. Si je puis vous être utile je viendrais volontiers vous attendre à la gare mais pour cela il faudrait me dire quelle route vous allez prendre afin que je sache l’heure de l’arrivée du train. Vous arriverez sans doute à la gare de Charing Cross.
384On m’a envoyé une carte pour le congrès de sorte que je vous entendrai lire votre étude sur l’anonymat201.
385À la hâte pour le courrier.
386Votre bien dévoué.
387Ernest A. Vizetelly
388L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
38929*
390[Londres]
391Le 21 septembre [1893]
392Mon cher Maître,
393Je vais profiter de la permission que vous m’avez donnée de venir vous voir le matin sur les neuf heures et peut-être pourrais-je vous être de quelque petite utilité si vous recevez des lettres en anglais comme ce matin202.
394Or pouvez-vous faire ceci — donner ordre en bas aux employés de l’hôtel de me laisser monter chez vous sans passer par toutes sortes de formalités. Je n’abuserai pas de la permission et si vous êtes en train d’entretenir quelqu’un je m’abstiendrai de monter. Mais si vous êtes libre je voudrais pouvoir me rendre auprès de vous sans faire antichambre. Un mot de vous aux employés de l’hôtel suffirait.
395La petite femme de ce matin a fait un très bon article dans le Sun, je viens de le lire203.
396Votre tout dévoué.
397Ernest A. Vizetelly
398Un de ces matins je vous amènerai ma femme qui est française comme vous le savez et qui tient beaucoup à vous être présenté[e]204.
399L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
40030*
40141 Dymock Street
402Fulham
403Londres S.W.
404[vers le 24 septembre 1893]205
405Cher Monsieur,
406Sur la feuille ci-jointe vous trouverez vos engagements pour Mercredi et Jeudi etc.
407Veuillez en recevant cette lettre prévenir Petilleau par lettre ou dépêche, si vous pouvez vous rendre au Club français Mercredi ou Vendredi soir. Ces messieurs tiennent beaucoup à vous voir206.
408Tâchez aussi Vendredi ou Samedi de me donner 2 ou 3 heures de votre temps pour aller, avec une personne qu’on met à ma disposition, voir les quartiers pauvres, jeter un coup d’œil sur la misère et la soûlographie de Londres. On vous a dit que Whitechapel n’existait plus : mais nous vous ferons voir des choses très curieuses — pas de chapeau haute forme — toilette simple — m’indiquer votre heure et votre jour quand je vous verrai Mercredi. Ne pas quitter Londres sans avoir vu cela. Ce sera important pour vos souvenirs. Vous n’avez vu jusqu’à présent que les beaux quartiers il faut jeter un coup d’œil sur les autres. Réservez-moi donc 2 ou 3 heures pour cette expédition l’après-midi ou le soir, Vendredi ou Samedi207.
409Votre bien dévoué.
410Ernest A. Vizetelly
411Engagements
412Mercredi : midi Vizetelly chez vous pour correspondance ;
413midi et demi : départ chez Chatto et déjeuner
4144 heures après-midi : Musée Britannique (un des directeurs sera là pour vous montrer la bibliothèque, salle de lecture, etc.)208
415Jeudi : Après dîner aller au Cercle français si vous le pouvez.
4167.30 Dîner des auteurs. Petilleau et moi viendront [sic] vous prendre à 7.15209
417Vendredi : 10.30 matin à la Galerie Nationale voir les Turner (un directeur sera là en toute probabilité210. On m’a dit que ce serait le meilleur moment. J’y suis allé aujourd’hui.)
418(aller dans l’après-midi à Westminster211 et le soir au Cercle français si vous le pouvez.) Samedi après-midi : voulez-vous fixer ce jour pour la visite aux quartiers pauvres : le Samedi étant jour de paie serait peut-être le bon jour. Me donner réponse Mercredi.
419L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
42031*
42116 Chestnut Road
422Raynes Park
423Londres S.W.
424Le 8 novembre 1893
425Cher Monsieur,
426Depuis votre départ nous vivons dans une atmosphère de bataille, et il ne s’écoule guère de jour sans qu’on appelle mon attention sur un article ou un autre qui parle de vous et de vos ouvrages. Deux évêques et plusieurs pasteurs protestants se sont mis à vous attaquer ; et à droite et à gauche on discute le pour et le contre212. Il faut dire que de nombreux journaux prennent votre défense et il devient incontestable que si vous n’avez pas encore bataille gagnée ici, vous avez au moins recruté un grand nombre de partisans.
427J’ai recommencé les négociations pour Lourdes et on me demande les details suivants :
La date, aussi près que possible à laquelle commencera la publication en feuilleton à Paris213.
La durée de cette publication. (3 ou 4 mois ?)214
Aura-t-elle lieu dans un journal quotidien ? Je crois que oui ; n’est pas [sic] le Gil Blas qui va publier le roman ? Dans ce cas il y aura sans doute 7 feuilletons par semaine215 ?
Combien de chapitres. Ici, nous ne publierions le livre que dans un journal hebdomadaire et ainsi que j’ai fait pour Pascal il me faut publier sans doute la moitié d’un chapitre chaque semaine, à moins que les chapitres ne soient plus courts et plus nombreux216.
Pour la longueur totale vous m’avez dit : « quatre-cinquièmes de La Débâcle ». En somme c’est là-dessus que je dois me baser n’est-ce pas217 ?
428On craint ici de ne pouvoir publier dans un seul numéro d’un journal hebdomadaire autant de copie que dans les 7 numeros d’un journal quotidien218. C’est pour cela que je tiens à savoir si le Gil Blas publiera un feuilleton de Lourdes chaque jour. Quelquefois les journaux de Paris ne publient que 5 feuilletons par semaine — les autres jours il paraît une causerie théâtrale ou scientifique. Me dire donc au juste ce que fera le Gil Blas car ici on ne voudrait pas tomber en arrière [sic].
429Je vous prie de me répondre le plus tôt possible car aussitôt que je pourrai fournir ces détails je pourrai conclure l’affaire.
430Je travaille toujours sur L’Argent qui paraîtra à la fin de l’année219. Le livre de Sherard vient de recevoir un très bon accueil de la plupart des critiques220.
431Mes hommages respectueux à Madame Zola.
432Votre bien dévoué.
433Ernest A. Vizetelly
434L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
43532*
43616 Chestnut Road
437Raynes Park
438Londres [S.W.]
439Le 4 janvier 1894
440Mon cher Maître,
441Je n’ai ce soir que juste le temps de vous mettre sous pli les deux chèques ci-inclus s’élevant ensemble à 160 £ soit 4 000 francs221. Mais demain je vous écrirai une lettre détaillée que vous recevrez sinon Dimanche au plus tard Lundi matin222. Je vous écris à votre hôtel à Paris ne sachant si vous êtes là ou à votre maison de Médan.
442Avec tous mes compliments et souhaits de bonne année croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
443Ernest A. Vizetelly
444L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
44533
44616 Chestnut Road
447Raynes Park
448Londres S.W.
449Le 12 février 1894
450S’il n’a pas écrit depuis un moment, c’est qu’il n’avait pas de nouvelles à lui annoncer223. D’ailleurs il a été très occupé lors de la maladie et la mort de son père. Il a dû s’occuper des affaires de ce dernier et veiller aux intérêts de sa sœur, qui est restée avec « une situation très difficile à régler224 ». Il n’a pas cependant négligé l’affaire de Lourdes, qui le désespère, car il n’a pas trouvé d’acheteur pour le feuilleton. Il a cru à un certain moment que l’affaire était faite avec le Pall Mall Gazette, et il a été étonné en recevant un refus225. Il s’est adressé ensuite à tous les grands journaux de Londres qui publient des feuilletons, depuis le Graphic jusqu’à son concurrent, l'Illustrated London News, ainsi que le Weekly Times226, le Lloyds227, le People228, le Weekly Sun229, le Dispatch230, le Black and White231, et beaucoup d’autres.
451Ce n’est pas le prix du feuilleton qui a mis fin aux négociations : c’est le sujet du roman. Presque tous les directeurs lui ont dit que bien que Lourdes soit d’un intérêt incontestable pour un pays catholique, le roman n’aurait pas beaucoup d’attrait en Angleterre, où il n’y a qu’« une infime minorité catholique »232. D’autres n’ont pas voulu traiter pour un roman qui s’occupe des « choses de la religion ». Il estime que certains d’entre eux ont simplement eu peur : en Angleterre, on est « très collet monté » en ce qui concerne la religion et, sachant que Zola est positiviste, on craint une « belle querelle » pour et contre la religion. Certains des directeurs sont très religieux eux-mêmes, tandis que d’autres craignent « un fâcheux effet sur l’esprit de leurs lecteurs, ou même de leurs actionnaires ».
452Il n’a pas perdu tout espoir, car la Westminster Gazette étudie encore la question233. Il a parlé à M. Morley, qui dirige l’édition hebdomadaire du journal, le Westminster Budget, et il attend une lettre de lui. M. Morley doit consulter le bailleur de fonds du journal, « un député très riche », qui sera bientôt de retour à Londres.
453Il a également vu Monsieur Watt, l’agent de Miss Braddon, « la romancière anglaise bien connue »234, qui fait paraître ses romans dans de nombreux journaux de province. M. Watt s’occupe de l’affaire actuellement, et Vizetelly lui rendra visite sous peu. M. Watt a l’habitude de réunir une dizaine de journaux de province et fait paraître le roman qu’il a en main dans tous les dix à la fois. Bien que chaque journal ne donne qu’une somme relativement faible, ces sommes réunies forment « un total considérable »235. M. Watt est très connu et a d’excellentes relations.
454Il est certain que Chatto prendra le volume, bien que le prix ne soit pas encore déterminé. Il a promis de donner un prix plus élevé que pour La Débâcle et les autres romans. Il ne craint pas le côté religieux du roman, et Vizetelly lui a promis que la première offre du volume sera pour lui.
455Son « insuccès auprès des journaux » l’ennuie énormément, bien qu’il ait fait beaucoup de courses et écrit de nombreuses lettres. Son prix minimum pour tous a été de 7 000 francs, soit 6 000 pour Zola et 1 000 pour lui-même. Il compte avoir 4 000 francs de Chatto & Windus, ce qui fera 10 000 francs au total. Zola lui a dit dans une de ses lettres qu’il voulait obtenir « une dizaine de mille francs » pour ses droits en Angleterre236. S’il est obligé d’abandonner la vente du feuilleton, Vizetelly tâcherait d’avoir davantage de Chatto & Windus237.
456Sachant que Zola a vendu les droits de feuilleton de Lourdes aux États-Unis à Gordon Bennett, il veut savoir si Bennett voudrait lui confier la traduction pour son journal. Il se propose d’envoyer à Bennett sa traduction de La Débâcle et du Docteur Pascal comme spécimens, et sollicite une lettre d’appui de Zola238.
457Si Zola a reçu des offres pour le feuilleton de Lourdes, qu’il ne les refuse pas à cause de Vizetelly, qui ne tient qu’à ce que Chatto ait, par courtoisie, la première offre pour le volume.
458L’Argent n’est pas encore prêt, à cause des ennuis de famille de Vizetelly. Il lui reste à traduire les chapitres 11 et 12, ce qu’il fera avant la fin du mois, quand il lui enverra son argent. Vu que c’est le seul travail qu’il a dû négliger un peu, il espère que Zola n’en sera pas trop inquiet239.
459S’il trouve une combinaison pour Lourdes en feuilleton, il lui écrira immédiatement. Si Zola veut qu’il signe avec Chatto & Windus pour le volume, qu’il lui donne son plus bas prix pour le roman.
460Collection particulière.
46134
46216 Chestnut Road
463Raynes Park
464London S.W.
465Le 15 mars 1894
466Il accuse réception des lettres de Zola dans lesquelles le romancier lui communique la date de la publication de Lourdes dans le Gil Blas240. S’il n’a pas répondu, c’est qu’il n’a pas eu de nouvelles : tous ses efforts pour trouver un journal en Angleterre ont été vains et, pour compliquer les choses, une crise politique est venue s’ajouter aux autres difficultés241. Selon lui, il n’y a plus rien à tenter avec les journaux : il n’a nullement envie d’entrer en négociations avec « quelque petite feuille qui ne donnerait qu’un prix dérisoire ».
467S’il doit faire la traduction du volume pour Chatto, il lui faut les épreuves afin de pouvoir terminer son travail au moment où l’original paraîtra à Paris242. Est-ce que Zola veut qu’il arrête un prix avec Chatto ? Qu’il lui dise son idée là-dessus243.
468Il s’occupe depuis quelque temps des anciennes traductions des premiers romans de Zola que la maison de son père avait publiées et qui sont actuellement tombées dans le domaine public, bien que la publication en langue anglaise reste défendue en Angleterre244. Il a cependant trouvé une combinaison pour relancer quelques volumes, tels La Fortune des Rougon et La Conquête de Plassans, ce qui lui permettrait d’envoyer quelque argent à Zola245. Pour ce faire, il va consulter une personne qui habite l’Écosse, un des syndics de la liquidation de la maison de son père, qui sera à Londres dans quelques jours. Il ne peut pas évidemment relancer Nana ou La Terre, mais il lui semble que certains romans de la série des Rougon-Macquart pourraient bien être réédités avec « quelques petites coupures ». En ceci, son avocat est d’accord.
469Il rédige en ce moment une préface pour L’Argent. Il lui reste les épreuves à revoir, mais l’ouvrage sera prêt bientôt. Il veut que L’Argent paraisse au moment de l’arrivée en Angleterre « d’un nommé Belfour, brigand de la finance » dont on parle beaucoup et qu’on essaie de faire revenir de la République Argentine, où il s’était enfui. Il sera question de lui dans la préface qu’il écrit246.
470Que Zola lui communique son avis sur le prix de Lourdes en volume, et il s’en occupera. Il n’entrevoit aucune difficulté : si Chatto ne veut pas lui donner un prix suffisant, il s’adressera ailleurs.
471Collection particulière.
47235
47316 Chestnut Road
474Raynes Park
475Londres S.W.
476Le 19 avril 1894
477(soir)
478Il rappelle à Zola qu’il a obtenu de M. Chatto le prix de 160 livres sterling (4 000 francs) pour la traduction en volume de Lourdes, ce qui représente une augmentation sur le prix de La Débâcle et du Docteur Pascal247. Les 160 livres d’ailleurs sont entièrement acquises au romancier, car Chatto offre à Vizetelly 50 livres pour la traduction. Que Zola lui envoie tout de suite les épreuves, pour qu’il se mette au travail248. Il espère que Zola est content. On est toujours sûr de son argent avec M. Chatto et c’est pour cette raison qu’il a continué avec lui au lieu de s’aventurer avec un autre éditeur. Il est toujours déçu cependant de n’avoir pas pu traiter avec un journal pour la publication du volume en feuilleton.
479La traduction de L’Argent en volume est annoncée pour le 26 avril. Il lui enverra pour cet ouvrage 1 750 francs, prix que Zola avait accepté par une lettre en date du 27 août 1893. Il joint à sa lettre un chèque de mille francs, en demandant à Zola la permission de retenir le restant de la somme (soit 750 francs) « pour une semaine ou deux »249. Avec cet argent, il va s’entendre avec les liquidateurs de la maison de son père afin de leur acheter « toute propriété qu’ils peuvent avoir dans différentes traductions » des livres de Zola. Il revendra ensuite les ouvrages avec bénéfice à Chatto, qu’il a déjà sondé à cet égard, et qui est prêt à les acheter250. De cette façon, Zola pourra récolter quelques bénéfices d’ouvrages qui, jusqu’ici, n’ont rien rapporté pour les droits anglais.
480Il lui enverra très prochainement des détails sur l’affaire, et il compte liquider avec Zola aussitôt que l’affaire sera faite dans quelques semaines.
481Il a entendu dire que Zola doit aller à Rome à l’automne prochain251. Il se peut qu’il s’y trouve en même temps, car il a une invitation d’un de ses beaux-frères qui habite sur la frontière d’Italie.
482Il ajoute en post scriptum que le commerce en général et la librairie en particulier vont très mal en Angleterre252.
483Collection particulière.
48436
48516 Chestnut Road
486Raynes Park
487Londres S.W.
488Le 25 avril 1894
489Vizetelly annonce avoir envoyé un chèque de mille francs à Zola, pour les droits de L’Argent253. Il attend les épreuves de Lourdes, afin d’en commencer la traduction.
490Collection particulière.
49137
49216 Chesnut Road
493Raynes Park
494Londres
495Le 7 juin 1894
496La traduction de Lourdes est un peu en retard parce qu’il a été malade. Et il attend le retour de voyage de M. Chatto pour reprendre « l’affaire de [vos] anciens romans »254.
497Il annonce que l’associé de Chatto255 a reçu la visite d’un représentant de l’Agence Internationale des Traductions, dont le siège est à Paris, et qui dit être le seul agent chargé de la vente des traductions des romans de Zola. Vizetelly veut savoir à quoi s’en tenir et si « ce monsieur est autorisé à traiter en votre nom ». Il apprécierait une réponse rapide, même courte256.
498Sitôt le retour de Chatto à Londres, il reprendra « l’affaire que vous connaissez ».
499Il attend donc le mot de Zola à propos du représentant de l’Agence257, dont les démarches pour les romans à venir lui paraissent « très prématurées ».
500Collection particulière.
50138*
50216 Chestnut Road
503Raynes Park S.W.
504Le 11 juin 1894
505Cher Monsieur,
506Merci pour votre lettre258. Je comprends la situation mais il me serait impossible de surenchérir sur les offres de l’Agence, si l’Agence s’adresse non seulement aux autres maisons mais aussi à celle de M. Chatto, car M. Chatto nous offrirait le même prix à tous les deux. Il me semble que l’Agence aurait dû laisser la maison Chatto de côté, car là vous avez déjà la certitude morale qu’on vous prendra vos livres. M. Marquardt en débarquant à Londres s’en va de suite chez Chatto pour me couper l’herbe sous les pieds. Qu’il s’adresse ailleurs je le veux bien mais il me semble qu’il aurait été plus juste de réserver la maison Chatto. M. Chatto est commerçant, il traitera là où il trouvera son avantage. Une supposition : M. Marquardt lui offre Rome pour 5 000 frs, croyez-vous qu’il donnera 5 500 frs tout bonnement pour que l’ouvrage passe par mes mains ? Non, il traitera avec Marquardt, et à son point de vue il fera bien. Si cependant la maison Chatto m’avait été réservée, j’aurais encore eu une chance. M. Marquardt vous aurait fait ses offres et en dernier ressort nous aurions vu (Chatto et moi) s’il était possible de surenchérir. Mais il va tout droit là où la place est déjà conquise de sorte que pour réussir je devrais moi m’adresser à d’autres maisons et par le fait faire concurrence à Chatto. De là je prevois des complications désagréables.
507Quant à moi je n’aurais désiré qu’une seule chose. Qu’on prenne la place de Londres toute entière sauf la maison Chatto. Malheureusement il est sans doute trop tard pour faire cette réserve.
508D’autre part, Rome n’est pas prêt à paraître et je ne crois pas que l’Agence trouvera quelqu’un pour traiter en ce moment. J’espère aller à Paris au mois d’Août et si vous y êtes j’irai vous voir. Nous pourrons alors causer de tout cela259.
509Votre bien dévoué.
510Ernest A. Vizetelly
511L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
51239*
51316 Chestnut Road
514Raynes Park
515Le 29 juin 1894
516Cher Monsieur,
517Un mot pour vous remercier de l’envoi des dernières épreuves de Lourdes. J’y travaille sans relâche et cela me donne une peine du diable, car, j’ai dû étudier les paroissiens, les bibles catholiques, les rosaires, les litanies, etc. en anglais afin de rendre exactement les passages que vous empruntez au rituel tel qu’il est usité en France. Tout cela était presque terra incognita pour moi — mais je commence maintenant à en savoir presqu’autant qu’un vrai catholique. Ma conversion cependant est encore loin.
518Je trouve le livre très absorbant et très curieux. Reste à savoir quel effet il aura ici en plein pays protestant260.
519À la hâte.
520Votre bien dévoué.
521Ernest A. Vizetelly
522L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
52340*
52416 Chestnut Road
525Raynes Park
526Londres
527Le 11 juillet 1894
528Mon cher Maître,
529Depuis un jour ou deux il paraît dans les journaux de Londres des entrefilets annonçant « sous vos auspices directs » la publication de 12 volumes des Rougon-Macquart par une société qui se dit La Société Lutétienne et dont le promoteur paraît être un certain M. Jean de Mattos, 99 Avenue de Villiers, Paris261.
530Parmi les volumes qui doivent paraître il y en a comme L’Assommoir dont les droits sont périmés mais il y en a dont les droits appartiennent incontestablement aux fidéicommis de la maison Vizetelly, tels que La Terre et Germinal262 — ce dernier acheté par mon père au journal le People à qui vous l’aviez vendu. Cependant la Société Lutétienne prétend publier ces ouvrages avec votre autorisation que vous ne pouviez donner puisque vous aviez vendu vos droits. Or je désire savoir de suite si vous avez donné une autorisation à ce M. Jean de Mattos ou à d’autres personnes de cette société263. Je m’étais déjà entendu en principe avec les fidéicommis de la maison de mon père et si Lourdes ne m’avait pas donné autant de peine je m’en serais occupé davantage mais il était déjà convenu entre moi et Chatto que nous ferions l’affaire dès que Lourdes était fini. Et voilà qu’il nous tombe cette bombe. Je sais très bien que certains livres je ne puis empêcher personne de faire des traductions nouvelles [sic], mais les droits de Germinal ont au moins un an à courir et ceux de La Terre davantage. Les fidéicommis de la maison Vizetelly vont donc assurément intenter un procès à cette société en dommages-intérêts et demande [sic] la saisie de leurs éditions de ces deux livres. Les droits de L’Œuvre aussi ont été achetés par la maison Vizetelly aux propriétaires du journal le People et les droits ne sont pas encore expirés. Le Rêve, L’Argent, La Débâcle, et Pascal sont actuellement à Chatto. Quant à La Bête humaine qui n’a jamais été fait ici, je veux tâcher d’en faire une traduction pour la fin de l’année264.
531Enfin dites-moi je vous en prie si vous avez accordé une autorisation à la société dont je vous parle. Ils annoncent cela à grands coups de tambour. Ils vont publier il est vrai à des prix très élevés265 mais tout cela m’ennuie et pourrait couper court à mes autres négociations.
532Pour terminer cette chose ce n’est que Lourdes qui m’arrête, Lourdes qui est d’un difficile à traduire que je n’ai jamais rien vu de pareil. Du reste Sherard m’écrivait l’autre jour du Cap Breton où il est en ce moment266, me demandant si je ne trouvais pas cela bien difficile.
533J’admire le livre, je trouve cela fort beau, mais si vous saviez comme la langue anglaise se prête peu à certaines tournures de phrases. Enfin j’avance mais je ne puis escamoter le travail, il faut qu’il soit bien fait et pour vous et pour moi. Et je vous certifie que j’y mets tout mon savoir.
534En attendant votre réponse au sujet de la Société Lutétienne je vous prie de croire à mes sentiments bien dévoués.
535Ernest A. Vizetelly
536L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
53741*
53816 Chestnut Road
539Raynes Park
540Londres
541Le 21 juillet 1894
542Mon cher Maître,
543J’ai bien reçu votre lettre et j’ai écrit dans le sens que vous m’avez indiqué aux gens qui font l’affaire dont je vous ai entretenu. Jusqu’à présent je n’ai pas eu de réponse mais cela ne saurait beaucoup tarder267.
544Si je vous écris aujourd’hui c’est parce que j’ai reçu d’un de mes frères une lettre dans laquelle il me dit avoir causé avec l’éditeur Heinemann ici, qui serait disposé à publier vos Contes à Ninon, vos Nouveaux Contes à Ninon et aussi Les Mystères de Marseille (en indiquant bien que c’est un[e] œuvre de jeunesse). Il me semble que ces trois ouvrages sont bien dans le domaine public et que Heinemann pourrait les publier même sans votre consentement. Cependant, selon mon frère, il serait désireux d’avoir votre autorisation et vous donnerait une petite somme en échange268. Mon frère me parle de dix livres par volume, soit 750 francs pour les trois et comme ce sont des livres très vieux maintenant, vous pourriez peut-être accepter. Ils n’ont jamais été publié[s] ici à ma connaissance. Voulez-vous que je dise à mon frère que vous donnerez votre consentement pour les trois ouvrages contre un billet de mille francs ?
545Si Heinemann ne veut pas donner autant on pourrait à la rigueur accepter son offre de 750 frs, mais je dirais à mon frère de demander le billet de mille pour commencer. Ce serait en quelque sorte de l’argent trouvé, si, comme je le pense, les livres sont tombés dans le domaine public. Enfin je vous prie de bien vouloir me faire connaître votre avis de suite269. Je ne veux pas entrer en relations personnelles avec Heinemann mais mon frère traiterait l’affaire avec lui, et si elle se faisait on s’arrangerait pour que Heinemann vous envoie l’argent directement.
546Croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
547Ernest A. Vizetelly
548Post-scriptum
549Je vois que Les Contes à Ninon datent de 1864.
550Les Mystères de Marseille de 1867.
551Les Nouveaux Contes à Ninon de 1874 ( ?)
552Or le traité de Berne a été mis en vigueur ici à la fin de 1887. Son effet rétroactif est limité à 10 ans en Angleterre. Par conséquent les trois ouvrages précités sont, comme je le pensais, bien dans le domaine public.
553L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
55442
555Paris
556Le 26 septembre 1894
557Êtes-vous à Médan désire vous voir faut-il aller Médan demain ? Part [sic] demain soir Adressez réponse 22 rue Poitou Paris270
558Vizetelly
559Télégramme (copie), coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
56043
56116 Chestnut Road
562Raynes Park
563Londres
564Le 2 octobre 1894
565Il a réussi à voir M. Garmeson, agent londonien de la maison Lippincott, « dont les journaux américains ont parlé comme devant éditer en volume la traduction de Lourdes ». M. Garmeson a vu les mêmes entrefilets, mais il a fait remarquer à Vizetelly que les entrefilets ont paru dans des journaux et non dans les annonces de la maison Lippincott. Il va contacter la maison tout de suite, et dès qu’il aura une réponse, il la communiquera à Vizetelly271
566Vizetelly a remis à M. Garmeson une note, faisant état des faits et termes de son traité avec Bennett, que M. Garmeson enverra à Lippincott. Il a mis « un libraire de [ses] amis » sur la piste des éditeurs de la Société Lutétienne, qui publie une édition de luxe des Rougon-Macquart. Dès qu’il aura une réponse, il avertira Zola272.
567Le lendemain, il verra son frère afin de savoir où il en est avec « l’affaire Heinemann ». Vizetelly a écrit à Chatto pour l’avertir qu’il passera chez lui jeudi. Il écrira à Zola après avoir vu son frère273 ou après son entretien avec Chatto274.
568Collection particulière.
56944*
570Le 19 octobre 1894
571Mon cher Maître,
572Votre compte de chez Chatto vous sera envoyé par moi d’ici 2 ou 3 jours275. Quant à l’affaire américaine l’affaire me semble toujours louche et je n’ai pas de réponse satisfaisante276. Cependant j’y travaille sans cesse et j’espère qu’avant le 25 tout sera réglé.
573Hâtivement et bien cordialement à vous.
574Ernest A. Vizetelly
575L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
57645*
57716 Chestnut Road
578Raynes Park
579Londres S.W.
580Le 7 janvier 1895
581Mon cher Maître,
582Vous avez reçu les 2 chèques que je vous ai envoyé [s] et je viens maintenant vous donner quelques détails sur ce qui s’est passé pendant votre absence de Paris277. Je ne connaissais pas votre retour sans quoi je vous aurais envoyé cet argent plus tôt et pendant votre absence je ne savais au juste où vous écrire car vers le moment où je pouvais vous satisfaire je lisais dans les journaux que vous étiez parti pour Naples puis que vous étiez allé à Venise et de ce moment, à ma connaissance du moins, on n’en a plus rien dit.
583Avant mon départ vous avez dû recevoir de mon frère la somme de 1 000 frs pour Les Contes à Ninon et Les Mystères de Marseille ainsi qu’il avait été convenu278. Pour les autres anciens romans voici ce qui s’est passé : — J’en avais commis 3 à lire à Chatto, et, après un examen assez long, il m’a repondu, à ma grande surprise, que toute réflexion faite, attendu qu’il fallait faire dans ces ouvrages des suppressions assez importantes pour éviter des ennuis, et que par contre ces suppressions nuiraient aux livres, il ne pouvait me les prendre279. Même sa lettre semblait indiquer qu’il voulait tout à fait se dédire de la parole qu’il m’avait donné[e] au sujet de ces anciens romans, et j’en étais très [en] colère et très enragé. Sur ces entrefaites mon frère m’apprenait que Testard, éditeur à Paris, préparait une nouvelle édition illustrée, d’Une Page d’amour qui était justement un des 3 livres dont j’avais parlé à Chatto. Je suis donc allé trouver un autre éditeur, Hutchinson, celui qui a acheté Les Mystères de Marseille, et celui-ci, après qu’on s’était procuré des épreuves de quelques-une[s] des gravures de Testard qu’il a trouvé très gentiment faites, a consenti à traiter avec moi pour cet ouvrage280.
584Pour ce qui concerne les gravures de Testard l’affaire est entièrement entre les mains de mon frère : je ne me suis occupé que de ce qui nous concerne, vous et moi. Les gravures ne sont pas toutes prêtes, paraît-il, et l’ouvrage ne pourra être publié ici que vers la fin de Février ou les premiers jours de Mars. J’ai donc convenu avec Hutchinson de le lancer à ce moment-là et je pense même qu’on va en commencer la composition ces jours-ci, puisque je lui ai déjà remis la moitié de la traduction très soigneusement revue et corrigée281. Pour le prix nous nous sommes convenus [sic] de 1 250 francs : et je n’en pouvais avoir davantage, attendu que les droits du livre sont périmés, qu’il s’était anciennement vendu ici, et que même on en débite maintenant une espèce de traduction américaine à bas prix282. À cela je n’y puis rien ; le traité de Berne que j’ai très longtemps étudié ne me permet pas d’intervenir pour empêcher la vente d’une traduction qui se vendait déjà, dans des conditions de légalité, sous le régime précédent283. Et tel est le cas de cette traduction de source Américaine. Enfin, j’ai traité avec Hutchinson et dès que je lui aurai remis la fin de la traduction avec les nombreuses corrections, etc., que j’y fais je toucherai l’argent dont je vous rendrai compte284.
585Mais il y a mieux que cela : j’ai également donné à Hutchinson les 2 autres volumes dont Chatto n’a pas voulu : ce sont Au Bonheur des Dames, et Son Excellence. Le premier est entièrement protégé : vous en aviez vendu les droits dans le temps à un M. Turner et j’ai vos reçus et les siens285. J’en demande 2 500 francs : quant à Son Excellence, qui se trouve dans les mêmes conditions que Page d’Amour, j’en demande 1250 francs286. Hutchinson est très disposé à prendre ces 2 volumes et à les lancer à la suite de Page d’Amour. Même je suis allé chez lui Samedi pour en avoir le cœur net mais il était absent. Son associé m’a dit cependant qu’ils avaient examiné ces livres ensemble, qu’ils étaient très satisfaits des changements à faire que j’avais indiqué[s] en marge, et qu’ils pensaient pouvoir lancer ces ouvrages sans inconvénient dans le courant de la saison. La seule chose c’est le prix : on m’a demandé si je ne pouvais faire une diminution et en fin de compte j’ai promis de revenir voir M. Hutchinson même dans une huitaine de jours pour nous entendre définitivement. Donc, même si je fais une diminution de 500 francs environ on récolterait plus de 3 000 frs sur ces 2 livres, soit 4 500 fis avec Page d’Amour. J’avais même envie de proposer toute la série, ou du moins tous les volumes susceptibles à être édités ici, à cette même maison ; mais ils m’ont fait observer qu’ils ne pouvaient publier plus de 3 à 4 Zolas dans un an, qu’il fallait un certain temps pour l’écoulement des volumes, et qu’ils ne voudraient pas trop s’engager avant de voir si ces anciens ouvrages, déjà connus ici, auraient vraiment un débit rémunérateur. Ce sont là de bonnes raisons, et je n’ai pas insisté.
586Entretemps, par exemple ; Hutchinson m’avait vivement interrogé sur Rome et sur le prix que vous en voudriez. Je lui ai dit que j’avais vos ordres de ne pas m’occuper de ce livre en ce moment, mais que s’il avait une proposition à faire, je vous la transmettrais comme de droit. Il n’en a plus rien dit ce jour-là ; mais Samedi dernier lorsque j’ai vu son associé ce dernier est revenu sur ce sujet et m’a dit qu’ils avaient causé ensemble au sujet de Rome, et qu’ils croyaient faciliter la vente des ré-impressions de vos anciens romans en y ajoutant une nouveauté. J’ai répondu comme auparavant que j’étais sans instructions, et en fin de compte ce monsieur m’a dit que si on pouvait leur céder Rome, traduction comprise dans les 7 000 francs, ils en seraient acheteurs. Vous ne pourrez sans doute rien décider en ce moment, mais vous retiendrez ce chiffre quoiqu’à mon avis il n’est [sic] pas assez élevé car, ainsi que j’ai vu en faisant Lourdes, il faut presque trois mois pour faire une traduction soignée d’un ouvrage aussi long et aussi compliqué, et, pour ma part, je ne veux plus entreprendre un travail aussi considérable pour des prix ordinaires. Je finirai par n’y plus trouver mon compte287.
587Maintenant un dernier mot au sujet de Hutchinson : j’ai convenu avec lui que la traduction de Page d’Amour porterait sur le titre la mention « traduction autorisée par l’auteur » pour la distinguer des espèces de contrefaçons qui sont en circulation et la même convention s’appliquerait à Son Excellence et à Au Bonheur des Dames, de sorte que vous n’autoriseriez plus ces ouvrages pour l’Angleterre.
588Je dois maintenant revenir un peu en arrière. Lorsque Chatto a appris que j’avais traité avec Hutchinson pour Page d’Amour (que lui avait refusé) il a commencé par avoir peur, car naturellement lui aussi guette Rome. Il a donc écrit me dire [sic], que tout en ayant été obligé de refuser les 3 volumes que je lui avais soumis, il serait heureux d’étudier la question de Rome ou de tout autre ouvrage que je pourrais lui proposer. Je lui ai répondu que sans doute son refus dans l’affaire des anciens romans le nuiraient [sic] auprès de vous ; et que pour Rome je ne pouvais absolument rien, étant sans instructions. En fin de compte je suis allé le voir et à la suite de notre entretien je lui ai envoyé des exemplaires de La Fortune des Rougon, Conquête de Plassans, Ventre de Paris et Joie de Vivre. Il les a en ce moment et je compte aller chez lui ces jours-ci pour connaître sa décision. En faisant quelque peu miroiter Rome devant ses yeux je crois que je le ferai venir à composition. J’ai choisi, pour lui, cette fois, des ouvrages où, à mon avis, il y aurait très peu de choses à modifier et s’il ne me les prend pas tous les quatre, sans doute il en essaiera deux288.
589Cela fait je laisserai aller un peu les événements car entre Hutchinson et Chatto (ou un autre) on ne pourrait guère mettre plus de 6 de vos livres sur le marché dans une seule saison.
590Cependant le courrier va partir et j’ai encore plusieurs choses très importantes à vous écrire et qui demanderont du temps. Donc vous recevrez de moi une seconde lettre demain au sujet de l’affaire américaine, de la Société Lutétienne, etc., etc.289
591En attendant croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
592Ernest A. Vizetelly
593Page d’Amour Hutchinson 1 250 francs.
594Au bonheur des Dames 2 500 francs.
595Son Excellence 1 250 francs.
596L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
59746*
598Le 7 janvier [1895]290
599au soir
600Mon cher Maître,
601Je reprends la suite de mon récit291. Vous vous rappellerez cette soi-disante [sic] « Société Lutétienne » qui vous avait demandé l’autorisation de publier une édition à petit nombre de ceux de vos ouvrages qui étaient tombés dans le domaine public — édition qui devait être lancée par souscription, chaque volume étant coté à un prix relativement élevé292. On vous avait promis pour cette autorisation une somme de 1 500 frs que vous m’avez dit ne pas avoir reçu[e], lorsque je vous ai vu à Médan l’automne dernier293. À mon retour à Londres je me suis mis à faire des recherches au sujet de cette affaire et par l’intermédiaire de différents amis j’ai pu réunir plusieurs prospectus de cette Société. Il en est venu de Londres, d’Irlande, d’Écosse, de la province, enfin de partout. Et voici ce que j’y ai trouvé : —
602La Société publie 6 de vos livres, chaque ouvrage en 2 volumes. De chaque ouvrage on imprime 300 exemplaires, et chaque exemplaire est coté à 2 guinées, soit 52 frs. 50c. Le produit donc de chaque ouvrage est de 15 750 francs, et même un peu plus, car de chaque livre il est tiré quelques exemplaires de luxe, à un prix encore plus élevé. Enfin, nous pouvons dire que chaque livre représente en gros 17 000 francs. De cela il faut réduire les frais. La traduction est payé[e] 50 £ soit 1 250 frs par ouvrage (ça je le sais).
Papier, composition, reliure | |
et impression de chaque | |
ouvrage mettons au plus | |
pour 300 exemplaires | 5 000 |
6 250 fr de frais par volume | |
Ajoutons | 500 fr frais généraux par volume |
Produit 17 000 | |
Frais 6 750 |
603Bénéfices : —10 250 frs par chaque livre ; or il y a 6 livres sur la liste ce qui donne : 61 500 frs de bénéfice !
604Or, notez que mes recherches m’ont fait connaître que la société a placé la totalité des souscriptions : on ne peut plus souscrire, la liste est complète. Avec les remises qu’elle peut donner, elle récoltera au bas mot 50 000 frs nets. J’aurais bien voulu, étant éditeur, faire un pareil bénéfice avec 6 ouvrages. Enfin, quand j’ai appris cela, je n’ai plus hésité ; j’ai confié mes intérêts (et en partie les vôtres) à mon avoué ; et voici pourquoi : Les 6 livres que publie la société sont : —
605L’Assommoir
606Nana
607La Curée
608Pot-Bouille
609Germinal
610La Terre
611Pour les 4 premiers je n’ai rien à dire : ils sont tombés dans le domaine public294. Mais mon père vous a acheté La Terre ; et Germinal lui a été cédé par les propriétaires du People de Londres, à qui vous l’aviez vendu. J’ai tous les papiers parfaitement en règle. Or j’ai acheté les droits de La Terre et de Germinal, des gérants de la défunte maison de mon père : ces 2 livres font même partie de notre combinaison, à nous ; et je prétends empêcher la Société de les publier sans mon autorisation. L’acte de vente ayant été fait en mon nom je n’ai pas eu à parler de notre entente à nous ; j’ai dit : « Je suis propriétaire des droits anglais de La Terre et de Germinal et je ne vous donnerai autorisation que contre espèces sonnantes295. » La Société ne peut pas reculer, elle s’est engagé[e] vis-à-vis de ses souscripteurs, elle a fait traduire les 2 livres, l’un d’eux est même en impression296 ; il faut donc qu'elle s’exécute.
612Jusqu’à présent elle a cherché à faire tramer les choses : d’abord elle a nié mes droits, elle a prétendu que vous n’aviez jamais cédé ni Germinal ni La Terre, j’ai dû produire des documents, des attestations des propriétaires du People, des lettres de vous écrites à mon père, vos reçus, et tout le tremblement. Puis mis[e] au pied du mur elle a demandé à vous consulter, et justement vous étiez en Italie — de sorte que les choses sont restées en suspens. Enfin, si elle s’adresse à vous, tout ce que je vous demande est de répondre qu’il est parfaitement vrai que vous avez cédé dans le temps Germinal au People et La Terre à mon père, et que vous aviez lieu de croire que j’en ai acquis les droits. Je me charge du reste — et je prétends saigner quelque peu cette société qui fait de si jolis bénéfices. Nécessairement vous recevrez de moi votre part de la somme que je récolterai, en vertu de notre entente privée, mais il est inutile de parler de cette entente à la société. Les choses étant en mon nom il faut me laisser agir car cela vous évitera la peine de donner des procurations et de figurer au procès s’il y a lieu. J’ai déjà dépensé de 6 à 700 frs en frais de procédure que la société aura à me rembourser en sus de l’indemnité, mais maintenant que Noël est passé je vais pousser les choses rondement. Du reste je vais écrire à mon avoué de suite afin qu’il somme ces gens à s’exécuter297.
613Je ne veux rien demander d’exorbitant ; mais s’ils font 10 000 frs de bénéfice par ouvrage, je veux qu’ils en dégagent 2 000. Ce ne sera que juste. Et je veux contrôler leur tirage, car j’ai appris des choses qui me font soupçonner que ce tirage, jusqu’à présent, a été bien au-dessus des 300 ex. annoncés dans le prospectus.
614Je ne pense pas que vous désapprouverez ce que j’ai fait ; il est certain que j’ai (de concert avec vous) des droits sur La Terre et Germinal, et par conséquent mes demandes sont bien fondées. Une fois cette affaire réglée, je vais tâcher de lancer une édition bon marché de Germinal298, après avoir adouci ou supprimé quelques passages qui pourraient créer des ennuis. De sorte que nous retirerons deux fois de l’argent de ce livre. Pour La Terre je n’ose pas le vendre ouvertement ici299. Cependant je n’accorderai à la Société que le droit de faire tirer 300 ex.
615Maintenant pour l’affaire Américaine, je pense que d’ici peu de jours je pourrai vous envoyer les 5 000 frs que M. Neely avait promis pour Lourdes. Il est arrivé à ce sujet quelques petites mésaventures. Chatto n’ayant pas voulu endosser la traite à Neely [sic] je l’avais renvoyé [sic] à ce dernier et j’ai reçu à la suite, une lettre de son gérant à Chicago me disant que Neely était absent à New York, où il venait d’ouvrir une succursale de sa maison, mais qu’il m’écrirait personnellement. Effectivement j’ai reçu une seconde lettre, puis un rapport de ses banquiers, et un rapport d’une agence de commerce, qui m’ont été communiqués par mes banquiers à moi : ces rapports étaient très favorables et dépeignaient Neely comme un homme très honorable faisant toujours honneur à ses affaires. Neely personnellement m’a écrit une lettre très pressante me conjurant de ne pas céder Lourdes à un autre et s’engageant à payer les 5 000 frs dans le courant de Janvier. De plus il désirait traiter pour Rome et Paris et voulait connaître vos prix. J’ai répondu que s’il voulait s’exécuter pour Lourdes de suite je verrais après pour les autres ouvrages. Il y a eu un peu de retard dans notre correspondance par suite des allées et venues de Neely qui vers la fin de l’année faisait la navette entre Chicago et New York, mais je pense, qu’en ce moment même une lettre de lui doit être en route et sans doute elle contiendra une traite à vue sur Lourdes pour les 5 000 francs convenus300.
616J’ai dit à Neely, qui voulait acheter les droits entiers pour Rome et Paris que cela lui coûterait très cher, car Bennett vous avait payé 20 000 frs pour Lourdes301, mais il m’a dit qu’il avait un syndicat en vue qui fournirait la moitié du prix d’achat au comptant avant même de recevoir le manuscrit. La lettre que j’attends de lui va sans doute contenir une proposition en règle : je vous la transmettrai et si elle est meilleure que celle que vous fera l’agence de la Société des Romanciers vous voudrez bien l’accepter302.
617Maintenant que les fêtes de Noël et du jour de l’an se sont passées [sic] je vais vous tenir régulièrement au courant de tout ce qui se passera. Ainsi que vous m’avez recommandé je ne prendrai aucune initiative au sujet de Rome, mais je ne puis vraiment fermer mes oreilles lorsque d’autres m’en parlent. Je dois aussi vous avertir que si vous désirez essayer de vendre Rome à un journal anglais ça va être le moment de se mettre en campagne, car ici ces choses, quand elle se font, se traitent toujours longtemps d’avance : ainsi, un directeur de journal me causant l’autre jour d’une autre affaire me disait qu’il avait traité pour ses feuilletons jusqu’en 1897 !
618À propos des journaux je ne sais s’il y aura pour Rome autant de difficulté que pour Lourdes, mais je veux bien essayer, si vous voulez m’autoriser. À ce sujet peut-être y aurait-il une combinaison à faire entre moi et l’agence des traductions de la Société des Romanciers : j’ignore si cette agence possède un représentant ici mais je n’en entends jamais parler. Enfin, j’agirai comme vous le désirez, à part ou de concert avec l’agence, mais dans ce dernier cas il faudrait nous mettre en rapport303.
619Dans l’attente de vos nouvelles et en vous assurant de mon bon vouloir je vous prie mon cher maître d’agréer mes très sincères salutations.
620Ernest A. Vizetelly
621L.a.s„ coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
62247*
62316 Chestnut Road
624Raynes Park
625Londres S.W.
626Le 18 janvier 1895
627Rome304
628Mon cher Maître
629Ayant vu M. Hutchinson je ne l’ai pas trouvé très disposé à augmenter le prix de 275£ (6 875 frs) qu’il offrait pour Rome traduction comprise ; mais une autre maison m’a offert environ 7 500 francs — traduction comprise et à la suite de cela, et après avoir vu d’autres éditeurs qui trouvaient même ces prix excessifs, je me suis rendu chez Chatto qui a fini par m’offrir pour les droits du volume la somme de 8 000 francs nets pour vous — plus 1 500 francs pour moi — en tout 9 500 francs.
630Je crois que ce sera là à peu près le plus fort chiffre que nous pourrions atteindre ici mais je vais tâcher d’avoir une petite augmentation pour la traduction, vous laissant la totalité des 8 000 francs305. Chatto s’engagerait à me verser des acomptes au fur et à mesure que je lui fournirais la traduction ; et de cette manière, pendant que le travail se ferait je vous enverrais environ 4 000 francs, et je n’aurais que l’autre moitié à toucher pour vous au moment de la publication du volume. De cette façon nous aurons une garantie vis-à-vis de Chatto. La maison avait subi une secousse l’année dernière par suite de la crise dans les affaires de librairie ici, mais actuellement tout s’est rétabli ; et l’associé de Chatto, M. Spalding étant entré dans la possession d’un legs d’environ un demi-million de francs, on peut avoir parfaitement confiance en eux.
631Voulez-vous m’autoriser donc à prendre par lettre des engagements avec la maison Chatto sur les bases indiquées plus haut. Chatto ayant déjà publié plusieurs de vos livres doit mieux que personne en connaître la valeur commerciale ; tandis que d’autres éditeurs que j’ai vu[s] prétendaient que les succès que j’affirmai [sic], devaient être exagérés. D’autre part j’ai essuyé quelques refus dans les bureaux de journaux mais j’en ai trouvé deux qui se montrent assez disposés à traiter.
632Comme toujours il y a quelques petites difficultés et j’ai besoin de quelques renseignements. Vous seriez donc bien aimable de répondre aux questions sur la feuille ci-jointe et de me la renvoyer le plus tôt possible, par retour du courrier même, si faire se peut afin que je l’aie lundi.
633Je ne crois pas pouvoir obtenir un très fort prix des journaux, et le nombre de journaux auxquels je puis m’adresser étant limité il vaut mieux se contenter d’un prix raisonnable. Si je peux vous avoir 3 000 frs nets de ce côté, les accepteriez-vous306 ? cela vous ferait :
634Naturellement je ne puis garantir la vente à un journal mais je ferai tout mon possible et si je ne force pas trop la note je crois pouvoir réussir.
635D’autre part vous remarquerez que Chatto offre juste le double de ce qu’il offrait pour Lourdes, et je ne crois pas que pour le volume seul, on pourrait trouver un plus fort prix.
636Veuillez je vous prie me répondre le plus tôt que vous le pourrez.
637Votre bien dévoué.
638Ernest A. Vizetelly
Rome 1895307
Questions : Vizetelly | Réponses : Zola |
i) La publication de Rome en feuilleton commencera, dites-vous, vers le 15 octobre. Combien de temps environ durera cette publication en feuilleton en France ? | Trois mois et demi environ, quatre vingt-dix feuilletons sans doute. |
ii) Aura-t-elle lieu dans un journal quotidien ou hebdomadaire ? Combien de chapitres environ ? | Dans un journal quotidien308, Seize chapitres. |
iii) Date approximative de la publication du volume ? | Vingt-cinq janvier 1895 [sic]309. |
iv) Espérez-vous vraiment que Rome sera plus court que Lourdes ? | Oui, un huitième en moins ; mais je ne puis rien affirmer310. |
v) L’ouvrage sera chaste, n’est-ce pas ? | Absolument chaste, quoique très passionné. |
vi) Vous m’avez dit à Médan311 que vous aviez trouvé une donnée très dramatique pour Rome, que l’Abbé Froment en serait un des principaux personnages. Je pourrais donc confirmer cela ? | L’abbé Froment reste la figure centrale du livre. Mais il y a, à côté de lui, un drame passionnel tragique. |
vii) Si vous pouviez indiquer très brièvement la donnée du livre, cela me serait utile — non pas pour la divulguer à tout le monde, mais pour en donner une petite idée aux personnes avec qui je traiterais. | Je ne puis indiquer maintenant la donnée du roman, qui est beaucoup plus complexe. |
viii) J’espère que ce que vous me dites dans votre dernière lettre se confirmera et que le livre contiendra quelques allusions aux progrès que l’église catholique prétend faire en Angleterre et en Amérique312. | Absolument. Mon livre examinera les progrès que le catholicisme prétend faire dans le monde entier, |
639L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
64048*
64116 Chestnut Road
642Raynes Park
643Le 13 février [1895]313
644au soir
645Mon cher Maître,
646Je croyais pouvoir vous écrire ce soir une longue lettre, mais une dépêche me force de sortir et je n’ai que le temps de vous aviser que je suis en négociations avec 2 journaux au sujet de Rome et que d’ici 3 ou 4 jours j’aurai terminé avec l’un ou l’autre314.
647Par contre j’ai terminé avec Chatto dont vous recevrez huit mille francs dans les conditions indiquées dans ma lettre précédente315. Je tâcherai de vous réécrire demain — en tout cas vous aurez des nouvelles à la fin de la semaine316. À la hâte.
648Votre bien dévoué.
649Ernest A. Vizetelly
650L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
65149
65216 Chestnut Road
653Raynes Park
654Londres S.W.
655Le 16 juin 1895
656Il a enfin pu prendre des arrangements avec un hebdomadaire de Londres et un autre à Calcutta, pour la publication de Rome en feuilleton. Avec un ami, il s’est adressé à plus de cinquante journaux et revues, et tous ont refusé pour le même motif : Rome sera forcément un roman qui traite des choses religieuses. Le résultat n’a pas été « tout ce qu’il y a de plus brillant » : ils ont réussi à avoir 5 000 francs pour les droits de feuilleton en anglais, dont 4 000 iront à Zola.
657Il aura également les 8 000 francs de Chatto317 ce qui fera 12 000 francs au total pour les droits anglais. Les mêmes droits pour Lourdes n’ont apporté que 4 000 francs.
658Il faut penser à l’envoi du manuscrit au journal de Calcutta. Le représentant du journal à Londres désire avoir la copie de bonne heure, afin qu’on publie là-bas en même temps qu’en Europe. Il doit donc lui remettre les premiers chapitres traduits en anglais vers le début d’août, pas plus tard que le 15, pour qu’on les ait à Calcutta pour le mois d’octobre318 Il a été convenu que chaque fois que Vizetelly remettra une partie du manuscrit au représentant à Londres, il touchera un acompte sur l’argent.
659Pour commencer, il veut fournir un ou deux chapitres en août319. Le restant peut suivre de quinzaine en quinzaine. Pour le journal de Londres, il fera en tout de trois à quatre livraisons, et il sera payé pour chaque livraison.
660Zola touchera ainsi les 4 000 francs par acomptes, à partir du mois d’août pour le journal de Calcutta et à partir d’octobre pour le journal de Londres. Pour le journal de Londres, Zola pourrait toucher plus tôt en livrant la copie plus tôt ; cependant Vizetelly lui recommande de ne pas livrer sa copie longtemps d’avance à Londres, « crainte d’indiscrétion ». Pour le journal de Calcutta cependant il faut six semaines de voyage, en plus de 8 à 15 jours pour les préparatifs sur place. Que Zola lui envoie un ou deux chapitres vers la fin de juillet.
661Pendant que le journal de Londres publie le roman, Vizetelly fera parvenir de la copie à Chatto, dont il touchera également des acomptes.
662Un grand journal de Manchester a offert 250 livres pour les droits de feuilleton de Paris en anglais, ce qui ferait 6 000 francs pour Zola et 250 francs pour Vizetelly. Il lui recommande d’accepter la proposition320. Pour le volume, il estime que Chatto ira jusqu’à 10 000 francs pour les droits de traduction, « le titre de Paris étant attrayant pour les anglais ». En tout, les droits anglais pourraient aller jusqu’à 16 000 francs ou, dans tous les cas, jusqu’à 14 000, vu que Chatto « ne pourra pas donner moins pour Paris que pour Rome321. »
663Il n’a rien pu avoir de la Société Lutétienne322 à cause d’un « point de droit assez curieux ». La Société prétend que par suite du procès de Henry Vizetelly, il ne peut subsister de droits pour les romans qui ont été associés à ce procès, puisque le jugement qui a condamné Henry Vizetelly a en même temps condamné les romans. Il ne peut y avoir de droits dans une chose défendue par la loi323. Toujours selon la Société, personne n’a le droit de publier en Angleterre les romans qui ont été en cause dans ce procès, et si la Société les publie, c’est qu’elle le fait sub rosa, par souscription. La Société prétend que Vizetelly ne peut pas empêcher la publication puisque ni Zola ni Vizetelly ne peuvent avoir un titre légal dans une chose défendue par jugement des tribunaux.
664Vizetelly maintient que les droits subsistent et que ce qui a été condamné dans le procès de Henry Vizetelly n’a pas été le roman même, mais « la traduction telle qu'elle a été présentée et vendue » par son père. Si l’auteur français a abandonné ces droits à un tiers, ce tiers est en mesure de les revendiquer. Pour le moment, les choses en sont au statu quo, mais Vizetelly va demander l’avis de M. Underdown, l’avocat de la Société des Auteurs anglais, qui a fait la connaissance de Zola lors du dîner des auteurs lors du voyage de Zola à Londres324.
665L’édition anglaise d’Une Page d’amour a été retardé jusqu’à la fin de la saison par suite des retards de M. Testard à livrer des clichés des gravures de son édition du roman. Vizetelly rendra des comptes à Zola lorsque le livre aura paru. Pour Au Bonheur des dames, les mêmes éditeurs ont décidé de le lancer au mois d’octobre, estimant qu’à cette époque-là on parlera beaucoup de Zola et de Rome325.
666Chatto est dégoûté du fait que Vizetelly ait pu vendre deux des anciens romans de Zola qu’il avait refusés. Il parle maintenant d’en prendre un pour l’automne. Vizetelly lui a donné plusieurs volumes à lire, dont Le Ventre de Paris, et il estime qu’ils feront affaire326.
667Il résume la partie « finances » de sa lettre. Il garantit absolument 12 ooo francs pour les droits anglais de Rome, soit 4 000 francs pour le feuilleton et 8 000 francs pour le volume. De son côté, il touchera 3 000 francs, soit 2 000 francs de Chatto et 1 000 francs des journaux. Il a eu 200 à 300 francs de frais et il donne une petite somme à l’ami qui l’a aidé, ce qui lui laisse 2 250 francs. Il a pris des précautions pour ne lâcher la traduction que « contre espèces sonnantes ». L’envoi des premiers chapitres pour le 25 juillet est d’une importance capitale : que Zola n’envoie que le premier s’il veut mais, à partir d’août, il faudra faire des envois assez rapprochés l’un de l’autre.
668Collection particulière.
66950
67016 Chestnut Road
671Raynes Park
672Londres
673Le 25 juin 1895
674Il accuse réception de la lettre de Zola, par laquelle celui-ci accepte les 12 000 francs pour les droits anglais de Rome327. Vizetelly a dit aux journaux que la publication du roman en feuilleton commencerait à Paris au mois d’octobre, selon la date que Zola lui avait donnée. Maintenant, Zola lui dit que l’on ne pourra commencer que « vers le 15 décembre ». Pour ratifier les arrangements, on exige de Vizetelly une date fixe, à deux ou trois jours près. Il lui faut savoir par conséquent « à quelle époque le journal de Paris commencera la publication en feuilleton ».
675Qu’il lui envoie un mot signé qui indique la date à laquelle on pourrait commencer la publication du roman à Londres328.
676Pour le journal de Calcutta, il faut qu’il reçoive les chapitres 1 et 2 deux mois à l’avance, c’est-à-dire le 15 octobre, pour qu’on commence la publication le 15 décembre. Cela lui donnera entre deux et trois semaines pour la traduction et l’envoi du texte329.
677Collection particulière.
67851
67916 Chestnut Road
680Raynes Park
681Londres S.W.
682Le 5 octobre 1895
683Il aura besoin des deux premiers chapitres de Rome vers le 15 octobre afin d’en envoyer la traduction aux colonies330. Il pourrait se contenter du premier chapitre à cette date, pourvu que Zola lui envoie le deuxième dans la huitaine suivante. À partir du 15, qu’on lui envoie une partie des épreuves tous les quinze jours. Lorsque Zola lui fera le premier envoi, qu’il lui dise le nombre de chapitres de l’ouvrage. Il espère que la date du premier feuilleton reste fixée au 21 décembre, ainsi que Zola l’a écrit. Qu’il le prévienne en cas de changement.
684Il craint que de nouveaux retards compromettent les arrangements qu’il a pris pour l’ouvrage. Déjà à la suite de la première remise (d’octobre en décembre), un journal s’est retiré, et Vizetelly a eu du mal à trouver un remplaçant331. Il veillera à ce qu’on ne commence pas la publication du roman en feuilleton à Londres avant qu’on ne commence à Paris332.
685Collection particulière.
68652*
687Londres
688Le 21 octobre 1895
689Mon cher Maître,
690J’ai bien reçu votre lettre et le paquet d’épreuves333 : j’agirai absolument comme vous me l’indiquez. Personne ne verra les épreuves ; et le commencement de la traduction ne sera livré au journal ici que dans la 1ère quinzaine de Décembre avec défense de publier avant le 28334. Mais, ainsi que je l’ai expliqué dans une lettre précédente335, il y a la question des colonies, et ayant perdu un journal de province ici je l’ai remplacé par un journal des colonies. J’ai donc actuellement affaire à 2 journaux des colonies l’un le Times of India à Bombay et l’autre un journal de la Nouvelle Zélande près de l’Australie, c’est-à-dire au bout du monde. Or, pour y arriver il faut calculer 8 semaines. J’enverrai le 1er chapitre vers la fin de ce mois et le second vers le 8 Novembre. Ils recevront le 1er vers le 1er Janvier le second vers le 8 Janvier. Pour commencer je leur dirai de faire durer ces 2 chapitres le plus longtemps possible ; mais ce serait beaucoup à désirer que vous puissiez me faire un nouvel envoi, ne fut-ce que d’un seul chapitre, vers le 8 ou 10 Novembre. Pour le journal ici j’ai convenu de livrer le manuscrit en 3 parties, 2 de 5 et le dernier de 6 chapitres — or je devrais livrer les 1er 5 d’assez bonne heure en Décembre : je toucherai alors le 1er tiers de l’argent336. Ci-contre je vous donne des dates approximatives qui me conviendraient337.
691Je vais me mettre à l’œuvre de suite. J’ai déjà feuilleté les épreuves : le livre me semble devoir être très curieux.
692À la hâte.
693Votre bien dévoué.
694Ernest A. Vizetelly
695L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
69653*
69716 Chestnut Road
698Raynes Park S.W.
699Le 22 novembre 1895
700Mon cher Maître,
701Je vous envoie un colis contenant un des 100 ex. grand papier d’un volume de moi qui vient de paraître338. C’est une étude sur le « Chevalier d’Éon » qui au siècle dernier se fit passer pour femme pendant une bonne partie de sa vie. Le volume contient des gravures dont quelques-unes fort curieuses, mais on m’a gâché ça en y mettant de très mauvais portraits des deux impérateurs [sic] de Russie et du Duc de Nivernais : ce sont de vieilles planches, mal retouchées et affreusement mal imprimées : j’ai essayé de les retoucher quelque peu sur l’exemplaire que je vous envoie afin de les rendre quelque peu présentables.
702Sans doute vous ne pourrez lire cet ouvrage. Cependant je crois bon de vous l’envoyer. Par goût je suis surtout porté vers l’histoire, et dans le livre en question je prétends pour la première fois rétablir entièrement les faits de cette vie si curieuse du Chev. D’Éon. C’est en partie une réplique à ce qu’en a dit le Duc de Broglie dans son ouvrage Le Secret du Roi339, et aussi à la biographie du Chevalier qui fut écrit[e] il y a longtemps par Gaillardet340. J’ai lu tout ce qu’on a écrit sur le Chevalier d’Éon, j’ai fait des recherches moi-même et le résultat a été un travail d’ensemble, où tout en citant ce que j’ai trouvé de bon dans certains auteurs français et anglais j’ai donné pas mal de renseignements nouveaux.
703Si par hasard M. Charpentier ou M. Fasquelle vous rend visite vous seriez bien aimable de leur faire voir ce livre. Je crois qu’il aurait un certain succès en France puisque le personnage est Français341. Je leur enverrais (s’ils le désiraient) un exemplaire petit format avec les gravures en noir. Toutefois dans une édition française je serais partisan de supprimer les 3 mauvais portraits qu’on pourrait facilement remplacer par d’autres. Je crois que je pourrais moi-même en préparer une traduction française, si je pouvais trouver une personne qui se chargerait de revoir mon manuscrit pour le corriger par-ci, par-là, afin d’éviter des fautes de grammaire et de style. Toutefois je ne pourrais m’y mettre que lorsque Rome sera terminé. En ce moment je suis tout à cette traduction et par le fait une édition française de mon livre sur D’Éon n’est pas chose pressée. Enfin si l’occasion se présente vous pourriez faire voir le volume à MM. Charpentier et Fasquelle, et s’ils pensent qu’il y aurait quelque chose à en faire je leur enverrai des renseignements détaillés.
704Votre bien dévoué.
705Ernest A. Vizetelly
706Ce livre n’a paru que depuis une semaine ou deux : cependant il se vend très bien : on n’en a tiré que 100 ex. grand papier et 500 petit papier : ces derniers à 15 shillings (environ 19 frs) l’exemplaire. J’ai eu plusieurs excellentes critiques dans la presse342.
707L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
70854
70916 Chestnut Road
710Raynes Park
711Londres
712Le 25 novembre 1895
713Il a reçu la veille la visite de M. Hawley, représentant de maisons américaines, qui lui avait déjà parlé à propos de Rome. M. Hawley aurait déjà écrit à Zola, qui lui a répondu343. Vizetelly n’a pas vu la lettre de Zola, mais il a compris que Hawley devait faire une offre pour Rome344, et il voulait savoir, dans le cas où il s’arrangerait avec Zola, si Vizetelly voulait lui céder sa traduction de Rome, et quel en serait son prix.
714Vizetelly lui a dit qu’il était libre en ce qui concernait la vente de sa traduction, vu que ses arrangements avec Chatto ne portaient que sur l’Angleterre et les possessions britanniques. Il fallait cependant une entente préalable avec Zola, ce que M. Hawley a compris.
715Ayant réfléchi longuement à ce qu’a dit M. Hawley, Vizetelly demande à Zola si la traduction qu’il fait en ce moment ne pourrait pas suffire partout où une traduction anglaise est nécessaire. Sans que ce soit une condition, Zola pourrait faire savoir aux personnes avec qui il traite que Vizetelly fait en ce moment « une traduction très soignée de Rome », et qu’il est prêt à la vendre aux États-Unis au prix de 1 500 francs. L’acheteur y trouverait son compte — avec une traduction très soignée et du temps gagné345.
716Puisqu’il il doit fournir de la copie à trois journaux, il a commencé par faire recopier le premier chapitre par la machine à écrire, mais cela a coûté très cher — une trentaine de francs. Il a donc fait composer sa copie typographiquement et en a fait tirer des épreuves. La composition typographique servira pour le volume. Il a fait mettre en pages du format voulu et, pour ne pas immobiliser trop de types pendant trop longtemps, il fera stéréotyper le tout lorsque quatre ou cinq chapitres seront prêts. Ceci a été fait « avec la plus grande discrétion ». L’imprimeur Spottiswoode346 ne laisserait pas sortir des épreuves de chez lui sans autorisation, pas plus qu’un imprimeur français ne le ferait.
717Il lui donne cette explication pour que Zola sache que, s’il le désire, Vizetelly peut lui envoyer le deux premiers chapitres de Rome en épreuves imprimées, que Zola pourrait ensuite remettre à son acheteur américain, s’il veut se servir de la traduction de Vizetelly.
718Ayant indiqué le prix de 1 500 francs, il cèderait sa traduction au prix de 1 000, bien que son premier prix ne soit nullement exorbitant. Si Zola ne veut pas s’occuper de ce côté des négociations, il n’a qu’à donner le nom et l’adresse de Vizetelly à son acheteur. Il ne livrera rien à personne sans un mot écrit de Zola.
719Que Zola lui indique s’il désire les épreuves des deux premiers chapitres. Si l’acheteur américain prend la traduction, il pourra lui envoyer les chapitres 3 et 4 directement plus tard et ainsi de suite, jusqu’à la fin du roman. Il répète qu’il ne fera absolument rien sans l’autorisation de Zola.
720Collection particulière.
72155*
722Alma Tavern
723499, York Road
724Wandsworth S.W.
725[Le 9 décembre 1895]347
726lundi
727Mon cher Maître,
728J’ai bien reçu votre lettre ce matin348 et je me suis rendu à Wandsworth où j’ai trouvé M. Hawley absent. Ensuite je suis allé à Londres et je me suis informé de ce qu’il faut faire pour protéger le livre en Amérique : Or je me suis bien renseigné, j’ai lu le traité entre l’Angleterre et les États-Unis d’où il est certain que pour protéger un volume en anglais là-bas il faut non pas le déposer mais le faire composer typographiquement là-bas. C’est-à-dire que pour chaque chapitre de Rome il me faudrait le faire composer là-bas — et ensuite en faire le dépôt349.
729Certes je pourrais faire cela mais ça représenterait de la monnaie. Y a-t-il convention littéraire entre la France et les États-Unis350 ? Je l’ignore. Pour l’Angleterre on ne nous protège qu’à la condition de faire imprimer là-bas. C’est monstrueux mais c’est comme cela !
730Je suis revenu à Wandsworth mais M. Hawley n’est pas rentré : Je vais l’attendre et entre temps je vous écris ce mot d’un cabaret de l’endroit351. Il paraît certain que je ne pourrais rien pour sauvegarder Rome en Amérique à moins d’y faire composer typographiquement au moins les 1ers chapitres : faut-il le faire ?
731En rentrant ce soir ou demain matin je vous écrirai de nouveau352.
732Bien sincèrement à vous.
733Ernest A. Vizetelly
734Vous penserez à m’envoyer de nouvelles épreuves : je vais livrer au journal ici vers Lundi prochain, les 4 premiers353.
735L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
73656*
73716 Chestnut Road
738Raynes Park
739Londres S.W.
740Le 9 décembre [1895]354
741lundi, au soir
742Mon cher Maître,
743Je ne puis que confirmer ma lettre de cet après-midi : j’ai attendu vainement ce monsieur à Wandsworth, et enfin, je suis parti en lui laissant un mot pour qu’il vous écrive définitivement par le prochain courrier355.
744J’espère que vous aurez compris mon mauvais gribouillage de tout à l’heure ; je ne pouvais d’abord trouver un endroit pour vous écrire et j’ai dû enfin me contenter de plume et d’encre exécrables.
745S’il existe une convention entre la France et les États-Unis peut-être pourrez-vous — vous-même — protéger Rome à New York, dans le cas où l’ouvrage ne serait pas vendu immédiatement356 : mais pour ce qui concerne la traduction anglaise cela est impossible à moins d’y faire composer typographiquement au moins une partie de cette traduction et de la faire paraître là-bas en même temps qu’en Angleterre. La loi américaine que j’ai lu[e], dit en effet ceci : « La protection des lois est accordée seulement aux ouvrages en langue anglaise qui seront composés typographiquement dans un des États de l’Union, et qui seront imprimés et déposés dans un de ces États, soit avant la publication ailleurs, ou en même temps (jour pour jour) que cette publication. » Si ces conditions ne sont pas remplies l’ouvrage tombe dans le domaine public357.
746Pour le cas actuel puisque Rome va paraître en feuilletons on peut le protéger progressivement c’est-à-dire en faisant tirer par exemple les 2 premiers chapitres en Amérique en attendant la vente de l’ouvrage. Pour le restant l’acheteur s’occuperait des formalités. Je pourrais par le courrier de Vendredi soir envoyer les 1ers chapitres de la traduction à un imprimeur de New York et les faire composer et déposer là-bas le 28 Déc., jour où la publication commencera ici, et même, ce jour-là il suffirait de déposer un seul chapitre, et peut-être d’ici là aura-t-on vendu l’ouvrage.
747Il suffirait de tirer 4 ou 5 exemplaires de ce 1er chapitre : 2 pour le dépôt et 2 ou 3 pour faire acte de publication : Ce chapitre se trouverait donc absolument protégé : nul ne pourrait le reproduire sans autorisation de vous. Huit jours après si cela était nécessaire on pourrait faire déposer le chapitre 2 ; et il me semble que si ces 2 premiers chapitres étaient protégés personne ne songerait à faire de la piraterie.
748Si j’ai de vos nouvelles le vendredi matin je puis faire le nécessaire : la dépense ne s’élèvera qu’à quelques centaines de francs tout au plus. En partant d’ici Samedi matin le 14 la copie arriverait à New York le 21 et dans huit jours la chose peut être faite.
749Un mot de vous et je m’occuperai de tout358.
750Du reste il faut espérer que Rome sera vendu pour l’Amérique d’ici la fin du mois. Quant à ce M. Hawley je ne m’en été pas plus occupé [sic], comptant qu’il vous aurait écrit directement. N’ayant pas eu de nouvelles, ni de lui ni de vous, je pensais que la chose était tombée dans l’eau. Enfin, peut-être allez-vous recevoir une lettre de lui en même temps que celle-ci, qui vous parviendra Mardi soir ou Mercredi matin. Si j’ai de vos nouvelles Vendredi je ferai comme je l’ai dit plus haut : je ferai protéger tout au moins le 1er chapitre : tout sera prêt pour l’envoi mais je ne veux pas agir sans votre assentiment.
751Votre bien dévoué.
752Ernest A. Vizetelly
753Postscriptum : L’avis que je vous donne n’est pas seulement le mien. Lorsque j’étais à Londres ce matin j’ai consulté M. Chatto et d’autres personnes qui font affaire avec l’Amérique, et tous ils m’ont dit que si on ne vendait pas à temps pour faire paraître là-bas le 28 il faudrait y faire imprimer et publier, soi-même, au moins le commencement de l’ouvrage. Nécessairement on ne ferait pas un tirage en nombre, on ne lancerait que 4 ou 5 exemplaires en tout ; cela suffirait pour remplir les conditions de cette loi américaine, qui est faite tout à l’avantage des pirates de là-bas.
754La loi américaine exige la composition typographique là-bas, afin de protéger l’imprimerie nationale, et d’empêcher la vente de stéréotypies ou d’éditions venues d’Angleterre. Autrefois des stéréotypies anglaises se vendaient beaucoup là-bas, mais cette loi en a détruit le commerce. C’est la « protection » dans toute sa beauté !
755(genre Méline)359
756L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
75757*
75816 Chestnut Road
759Raynes Park Londres
760Le 13 décembre 1895
761samedi
762Mon cher Maître,
763J’ai fait le nécessaire pour faire composer les 2 premiers chapitres de Rome à New York et de les faire enregistrer là-bas360.
764D’après les conseils que j’ai reçu[s] j’ai confié les épreuves à :
765Messieurs Putnam Sons
76624 Bedford Street
767Strand, Londres
768qui ont aussi une maison et une imprimerie à New York361 : donc pas de délai, aussitôt les épreuves arrivées là-bas, elles passeront à l’imprimerie et le nécessaire sera fait.
769La maison Putnam est moitié anglaise moitié américaine, et placée comme elle est, elle se charge toujours de faire saufgarder [sic] les droits des auteurs &c à New York. On m’a montré des lettres de nos premiers éditeurs anglais leur confiant ce soin.
770Maintenant ils m’ont demandé s’ils pourraient vous acheter Rome pour l’Amérique et j’ai répliqué que oui. On m’a demandé un prix, j’ai donné celui de 25 000 francs, traduction comprise. On l’a trouvé trop élevé et finalement j’ai dit que s’ils en donnaient 20 000 francs peut-être pourrait-on s’arranger, et qu’en tout cas vous examineriez avec soin leurs offres362.
771Je vous dirai que leur grande objection provient de la longueur de de [sic] l’ouvrage — car la composition typographique là-bas, protégée comme elle l’est par les lois, coûte plus cher qu’en France ou qu’en Angleterre, et ils craignent de ne pouvoir éditer Rome à moins de 2 dollars l’exemplaire soit une dizaine de francs. De là nécessairement une vente plus restreinte : un court volume lancé à un dollar rapporteraient [sic] disent-ils bien plus.
772Enfin ils m’ont dit que dans la lettre qui donneraient [sic] les instructions nécessaires pour l’enregistrement des épreuves, ils demanderaient l’avis de leur associé à New York, et si son avis est favorable ils m’aviseront : Dans le cas d’un avis favorable on télégraphierait de New York à la maison de Londres est [sic] cette dernière traiterait avec vous et moi directement. En attendant l’enregistrement serait fait. Pour cela si on fait affaire on ne me comptera rien, mais dans le cas contraire on m’enverra une note basée sur le coût de l’impression.
773Donc pour l’enregistrement vous pouvez être tranquille : et si cette maison veut acheter on le saura vers le 23 ou 24 Déc.
774On tirera environ 12 exemplaires de la partie enregistrée et on m’en enverra deux. Je vous en transmettrai une pour votre satisfaction personnelle.
775Je vais aussi aller voir le représentant de la maison Lippincott363 et celui de la maison Harper364 voir s’il y a quelque chose à faire avec eux ; et Lundi je relancerai le bonhomme à Wandsworth365.
776Votre bien dévoué.
777Ernest A. Vizetelly
778L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
77958*
78016 Chestnut Road
781Raynes Park
782Londres S.W.
783Le 10 janvier 1896
784Mon cher Maître,
785Je vous envoie par ce même courrier un exemplaire du 1er chapitre de Rome tel qu’il a été imprimé et enregistré à New York : prochainement j’aurai le 2nd chapitre. Vous voyez donc que le livre sera bien protégé là-bas366. Malheureusement les négociations que j’ai entamées pour l’achat du livre ont coïncidé avec les ennuis entre l’Amérique et l’Angleterre367. Mes lettres sont arrivées là-bas en pleine crise, au moment où toutes les affaires périclitaient. Il est certain que le commerce américain a éprouvé à ce moment un très grand coup, et qu’on n’osait rien entreprendre de considérable. Ainsi la maison Putnam (qui s’est chargé[e] de l’enregistrement du livre) a reçu par courrier partant de New York le 28 Décembre une lettre de ses associés là-bas déclarant que dans l’état actuel ils ne seraient aucunement d’avis d’acheter Rome car il était impossible de prévoir les événements.
786Vous vous rappellerez que la crise a éclaté juste au moment où je commençais mes démarches : J’ai été voir 2 ou 3 représentants ou associés de maisons américaines ici et partout on a témoigné de l’inquiétude et on a demandé du temps ne voulant rien faire pour le moment. C’était désastreux et j’en ai été bien ennuyé, mais avec les journaux d’ici criant à tue-tête contre les américains et les autres criant à tue-tête contre nous, je voyais bien qu’il n’y avait rien à faire tant que la situation ne se serait pas éclaircie : Mardi j’ai reçu un mot de Putnam ici, me priant de passer chez lui : j’y suis allé hier, c’est alors qu’on m’a donné connaissance de la lettre du 28 Déc. dont j’ai parlé plus haut, et qu’on m’a remis l’exemplaire que je vous envoie368.
787Actuellement les choses vont mieux ; tout n’est certainement pas fini mais au point de vue de l’Amérique il y a de la détente. Aujourd’hui je suis entièrement pris par des épreuves, mais demain ou Lundi je vais retourner à Londres chez les personnes qui avaient remis l’affaire à plus tard ; ils [sic] ont tous promis d’écrire là-bas et sans doute ils auront maintenant des nouvelles. Une chose me semble bien acquise : le livre est protégé contre les pirates. J’ai fait enregistrer les 2 premiers chapitres ayant appris la mésaventure qui est arrivée tout dernièrement à un auteur anglais : celui-ci s’était contenté de faire protéger le dernier chapitre d’un volume croyant que cela lui suffirait. Or, une maison américaine a eu le toupet de lancer le livre en reproduisant tous les chapitres non protégés et en faisant écrire « une nouvelle fin » à l’ouvrage par quelque malheureux de là-bas. L’auteur a beau protester il ne peut rien ! C’est pourquoi je ne me suis pas contenté de faire enregistrer seulement le chapitre I, j’ai poussé jusqu’au deux, qui a dû être déposé en entier le 4 Janvier : dès qu’un exemplaire me parviendra je vous l’enverrai.
788Il va sans dire que je vais faire tout mon possible, mais vous comprendrez, j’en suis sûr, quelle a été la difficulté dans tous ces derniers temps. D’autre part si vous avez quelqu’un en vue vous-même je vous conseille d’écrire. Peut-être que des propositions émanant de vous-même, d’un Français, seraient plus promptement accueillies. Enfin je vous écrirai Lundi ce qu’on m’aura dit ici369.
789Londres est toujours en ébullition. Le parti de la guerre mène grand bruit. Si on parle moins de l’Amérique en revanche on crie contre les Allemands370. Presque tous les soirs il y a des manifestations dans les théâtres et les cafés concerts. Cela ressemble étonnamment aux préambules de la guerre de 1870. On vient chanter des airs patriotiques sur la scène : l’auditoire se lève en masse et prend part aux refrains. Jusque dans les banquets de sociétés et autres on entend chanter les airs nationaux et on boit à la confusion de l’empereur Guillaume. Je suis allé dîner en ville Lundi — le banquet annuel d’une société des arts typographiques — et j’ai vu les gens les plus paisibles d’ordinaire perdre la tête et se joindre à une manifestation des plus bruyantes. Puis, plusieurs de nos grands journaux poussent aux hostilités et je crains bien que le gouvernement ne soit complice de tout cela car il ne se contente pas de faire préparer une escadre volante mais voilà qu’il attache une grande flotille de torpilleurs et d’embarcations pour la destruction de torpilles ennemies à la flotte de la Manche et de la Mer du Nord, chose qu’on ne ferait pas si on ne craignait pas une guerre en Europe. Il est certain que la situation est très grave sous tous les rapports : Quant au rapprochement entre l’Angleterre d’une part et la France et la Russie de l’autre c’est trop tôt pour en rien dire, mais ce matin presque tous les grands journaux d’ici le conseillent en disant toutefois qu’il faudrait des gages de part et d’autre.
790Vous pourrez m’envoyer de nouveaux chapitres de Rome dès que vous voudrez. Lundi je vous écrirai de nouveau.
791Votre bien dévoué.
792Ernest A. Vizetelly
793L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
79459*
795Londres
796Le 13 janvier [1896]371
797au soir
798Mon cher Maître,
799Je n’ai encore rien ; j’ai vu trois personnes aujourd’hui : L’un [sic] n’a voulu rien faire du tout. Quant aux deux autres ils [sic] lisent actuellement les épreuves des premiers chapitres : j’en avais donné à l’un précédemment, et ce matin j’ai pris la précaution d’emporter une seconde suite. On me promet une réponse définitive presqu’instantanément372.
800Pour le moment je ne vois personne d’autre ; il n’y a que très peu de maisons Américaines qui aient des bureaux ici. Quant à Putnam chez qui je suis également allé il n’avait encore rien reçu de New York, à part la lettre et la brochure du 28 Décembre.
801Vous pourrez m’envoyer de nouvelles épreuves dès que vous le voudrez.
802Votre bien dévoué.
803Ernest A. Vizetelly
804L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
80560*
80616 Chestnut Road
807Raynes Park
808Londres S.W.
809Le 26 janvier 1896
810Mon cher Maître,
811Quoique je n’aie rien de décidé pour l’édition américaine de Rome je tiens à vous écrire pour vous rendre compte de l’état actuel des négociations. Je mets sous ce pli une liste des différentes maisons auxquelles je me suis adressé, soit par l’intermédiaire de leurs représentants à Londres, soit directement. Cette liste seule vous démontrera que je n’ai pas été inactif car pour certaines de ces maisons je me suis rendu 2 ou 3 fois à Londres afin de voir les représentants, leur expliquer différentes choses et d’écarter certaines objections373.
812À force de me renseigner j’ai pu découvrir quelques représentants que je ne connaissais pas, et à l’heure actuelle trois maisons en Amérique doivent me donner réponse soit par dépêche ou par lettre. Ce sont les no. 7, 8 et 11 de ma liste. Pour les 7 et 8 je suis chaudement appuyé par les représentants ici : du reste, chose assez curieuse, ces représentants de « commerce » sont tous les deux, des hommes de lettres : le 7. surtout, M. Conway est un auteur américain très distingué, ayant fait des études sérieuses sur la Révolution française et fort connu ici et à New York374. Maintenant pour les réponses, leur arrivée ne peut dépasser la fin de cette semaine-ci.
813Pour les prix j’ai donné le chiffre Bennett pour Lourdes, mais je ne dois pas vous cacher que tous m’ont dit à peu près ceci : M. Bennett est plus ou moins eccentrique [sic], il est millionnaire, et se passe bien des fantaisies, nous, ou nos maisons, nous sommes des marchands et nous ne pouvons dépasser certains prix crainte de perdre375. Enfin, dans les 3 cas nos. 7,8 et 11, on doit me fixer le chiffre qu’on ne voudra pas dépasser, et si dans les 3 il y a un chiffre raisonnable peut-être vous déciderez-vous à l’accepter.
814Reste le No. 6 sur lequel je désire appeler votre attention. La maison Macmillan occupe le 2e ou 3e rang en Angleterre : M. Fasquelle vous dira comme moi : Personnellement je mets la maison Longmans qui fait pour 10 millions d’affaires par an en tête de notre commerce de librairie ; ensuite peut-être Sampson Low376 mais immédiatement après Macmillan — Écossaise d’origine et très intègre cette maison occupe une situation très importante dans tous les cas, et c’est pourquoi, au pis aller, l’offre qu’elle m’a faite ne serait peut-être pas à dédaigner.
815Elle a une maison, imprimerie et bureaux à New York ; elle offre de prendre Rome et de vous payer une somme de — par chaque exemplaire vendu, absolument comme le fait la Maison Charpentier. Je saisis parfaitement quels seraient les inconvénients de ce système pour vous et certes s’il ne s’agissait pas d’une maison qu’on peut ranger parmi les Firmin Didot anglais, je ne vous conseillerais pas un instant d’y faire attention. Mais d’autre part, si les 3 maisons américaines dont nous attendons des nouvelles n’offrent que des sommes insuffisantes, peut-être y aurait-[il] lieu à envisager les possibilités d’une pareille combinaison. Franchement je crois que les Macmillan seraient au-dessus de toute tromperie sur les chiffres de tirage etc. Et certes si Rome a tout le succès que j’espère peut-être feriez-vous à la longue une bien meilleure affaire qu’en procédant autrement377.
816En tout cas ne voulant laisser passer aucune chance j’ai répondu à MM. Macmillan, que, certes, en principe vous ne pouviez vous dire l’ennemi du système qu’ils suivent avec leurs auteurs, puisque c’est ce même système qui gouvernent [sic] vos relations avec vos éditeurs de Paris ; mais, dans l’espèce, je me demandais quels seraient les moyens de contrôle, et aussi quel serait le prix du volume à New York et le tant pour cent qu’ils vous offriraient. Ils vont sûrement me répondre d’ici un jour ou deux.
817Personnellement, si les offres d’autre part ne sont que des offres dérisoires, j’opterais pour la combinaison Macmillan, avec certaines garanties ; mais dans une question aussi importante je ne veux pas insister si votre sentiment y est contraire. Si nous en arrivons là, je désire surtout que vous preniez conseil de M. Fasquelle qui connaît la place de Londres et pourra bien vous renseigner. Du reste, M. Campbell Clarke, qui est un homme sûr, doit très bien connaître la haute situation de cette maison378. Si vous le voyez, demandez-lui ce qu’il en pense.
818Ils m’ont dit carrément : C’est là notre système, nous le suivons avec presque tous nos auteurs ; et surtout avec un auteur, qui nous est nouveau, dont nous ne connaissons pas nous-mêmes les possibilités de vente, nous ne voulons pas agir autrement. Au moins c’est franc, et c’est cela qui m’a plu.
819Mais après tout je n’envisage cela que comme pis aller : J’ai bon espoir de lever au moins une de mes 3 maisons américaines, surtout le No. 7. Quoique le représentant du 8 m’a [sic] également bien appuyé je crains que la maison ne soit quelque peu pimbêche....
820Du reste, mon cher Maître, je dois vous l’avouer, je suis persuadé que la plupart des refus que j’ai essuyés ne s’adressent pas tant à Rome, qu’à vous-même. Que voulez-vous c’est comme ça : les préjugés sont durs à vaincre.
821J’ai lu hier, Samedi, dans l'Athenaeum un article très intéressant de Claretie qui parle de votre candidature pour le fauteuil de Dumas, et qui dit que la section littéraire de l’Académie va faire un grand effort, peut-être un effort décisif pour vous faire triompher379. J’espère que ces bonnes paroles reposent vraiment sur une base solide.
822Personne ne sera plus content que moi de votre victoire quoique dans les circonstances je ne vois [sic] rien de honteux dans une défaite. Mais je voudrais vous voir récolter les fruits de cette obstination à vaincre dont vous avez donné tant de preuves380. Et vous savez si vous êtes élu je viens à Paris pour votre réception : vous aurez à me réserver une carte, même deux si vous le pouvez car j’aimerais bien y amener ma femme : du reste rien que la traduction de votre discours de réception paieraient [sic] tous mes frais. Allons, bonne chance et Victoire ! Dès que j’aurai un mot je vous écris ou je vous télégraphie.
823Votre bien dévoué.
824Ernest A. Vizetelly
Rome : Édition Américaine (Démarches de M. Vizetelly)
Maison Américaines | Représentants à Londres | Résultat |
1. Harper381 | {Maison correspondante Osgoode, McIlvaine & Co382} | Refus |
2. Charles Scribner’s Sons383 | M. Lemuel Bangs, St. Dunstans House Fetter Lane. E.C. | Refus |
3. Appleton & Co.384 | M. F.A. Dominick 14 St. Martin’s Court W.C. | idem. |
4. Lippincott Co.385 | Ils ont un représentant à Londres, mais j’ai écrit directement au mois de Décembre ; car je sais que le représentant ici n’a aucun pouvoir | aucune réponse |
5. Houghton, Mifflin & Co.386 | idem. | idem. |
6. Macmillan & Co. (maison anglaise, ayant aussi une maison à New York) | Bedford Street, Covent Garden Londres. | (voir ma lettre) |
7. Holt & Cie.387 | Mr. Moncure D. Conway Russell Mansions Southampton Row. W.C. | à l’étude ; très appuyé par le représentant |
8. Dodd Mead & Co.388 | M. Max Pemberton 1 Aberdare Gardens West Hampstead N.W. | idem. idem. |
9. G.P. Putnam’s Sons.389 Londres et New York | rien à faire | refus |
10. F.A. Stokes Company.390 | F.A. Dominick 14 St. Martins Court | très catholiques ce que je ne savais pas ; de là refus. |
11. Stone & Kimball391 | M. R. McClure Hastings House Norfolk Street Strand. | À l’étude. Le représentant a appuyé, mais trouve tous les prix trop forts. |
825Donc 11 maisons, toutes de bonne renommée, offrant de la surface.
826Résultat : 5 refus positifs, 2 qui ne répondent pas, ce qu’on peut prendre pour des refus — Total 7 refus.
827Restent 4, dont 3 à l’étude.
828En plus j’ai lieu de croire qu’une autre maison peut se mettre sur les rangs mais je ne sais rien de certain aujourd’hui.
829L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
83061*
83116 Chestnut Road
832Raynes Park, Londres
833Le 28 février 1896
834Mon cher Maître,
835Je désire tout d’abord vous poser deux questions importantes de la part de M. Chatto qui demande une prompte réponse : 1e Quelle est la date fixée pour la publication de Rome à Paris392 ? 2e Pouvez-vous nous dire maintenant si en longueur le roman doit dépasser de beaucoup La Débâcle393 ?
836Au sujet de la 1ère question je dois dire que M. Chatto, personnellement, a l’habitude de s’absenter d’Angleterre tous les printemps : du reste il est allé vous voir une fois à Paris à cette époque. Il tient cependant à être ici, s’il le peut, au moment de la publication de Rome, ou à prendre tous les arrangements nécessaires avant son départ. Il vous sera donc très reconnaissant si vous voudrez [sic] bien dire la date — à quelques jours près — de la publication de Rome à Paris.
837Pour la 2nde question il s’agit de commander le papier pour le volume. Nous espérons vivement qu’il n’y aura pas un trop grand écart entre Rome et La Débâcle. M. Chatto n’a pas connaissance jusqu’à présent de la longueur des derniers chapitres mais je dois avouer que le no X m’a quelque peu effrayé394 — et je me suis demandé si les 8 derniers chapitres n’allaient pas dépasser en longueur les 8 premiers. Actuellement vous pourrez sans doute me donner à ce sujet des renseignements plus positifs que dans le temps.
838Je passe maintenant à l’affaire de l’Amérique. Vous trouverez sous ce pli des traductions textuelles des réponses des 3 maisons avec l’une desquelles au moins je comptais pouvoir faire affaire. Ces réponses sont malheureusement négatives. Pour que vous puissiez bien en saisir la portée je dois dire que sans avoir changé en aucune façon le sens de votre texte j’ai modifié ou plus tôt [sic] atténué en plusieurs endroits vos phrases, surtout au point de vue de certaines phrases du procès de divorce395. Il y avait là quelques petites choses qui pouvaient offusquer les pudibonds et j’ai cru bon de ne pas insister. M. Chatto qui a examiné les passages en question, tels qu’ils sont sortis de ma plume, a trouvé que cela pouvait aller sans inconvénient ; cependant dans une des réponses américaines vous verrez qu’on ne veut pas de l’ouvrage à cause de ce qu’il contient à propos de ce divorce396. On ne le dit pas crûment mais cela se devine sans difficulté. Du reste des agents américains ici à Londres m’ont déjà dit la même chose de vive voix. De cela il résulte qu’on est encore plus pudibond en Amérique qu’en Angleterre : ce qui est un comble.
839Je suis désolé de ce que les choses me forcent à être un colporteur de mauvaises nouvelles, mais il n’y a vraiment pas de ma faute. Une chose également ennuyeuse c’est que M. Alexandre Macmillan, l’éditeur anglais qui m’avait écrit pour me dire qu’il prendrait le livre quitte à payer un tant pour cent sur chaque exemplaire est mort subitement moins de 8 jours après sa lettre397. Sa maison s’est réorganisée en société anonyme et dans la bousculade de cette réorganisation je n’ai pu jusqu’à présent avoir aucune confirmation de la proposition qui m’avait été faite.
840D’autre part, chose assez curieuse, la grande maison Harper frères de New York qui, tout d’abord, avait refusé absolument même d’examiner l’ouvrage s’est ravisée. Il y a une dizaine de jours ses correspondants Messrs. Osgoode de Londres m’ont écrit pour me dire que réflexion faite messieurs Harper seraient contents de voir mes épreuves, et j’ai donc pris des arrangements pour qu’ils puissent examiner l’ouvrage jusqu’au chapitre 8 inclusivement398. Ils pourront donc baser leur décision sur une moitié de l’ouvrage, [ce] qui doit leur donner au moins une bonne idée de ce que le livre sera dans sa totalité. Jusqu’à présent je ne pouvais avoir de réponse, mais je sais très bien que maintenant le temps presse, et si je ne reçois pas de lettre de New York par le courrier de Mardi matin je télégraphierai pour savoir à quoi m’en tenir. Et si alors Harper m’envoie une reponse négative, je ferai mon possible pour arriver à une combinaison à tant pour cent par exemplaire soit avec Macmillan ou avec Putnam.
841Du reste j’ai déjà fait autre chose : ne pouvant ici atteindre les maisons américaines qui n’ont pas de bureaux à Londres j’ai donné à Putnam des instructions pour mettre (en mon nom) une annonce dans le Critic, le premier journal littéraire de New York, disant que les droits de Rome en Amérique étaient à vendre et que toutes les propositions devraient m’être adressées ici399. Le prochain courrier (qu’on distribue ici soit le Lundi soir ou le Mardi matin) m’apportera peut-être quelques offres.
842Vous verrez que je ne cesse de faire tout mon possible ; et certes je ne désespère pas encore. Toutes ces difficultés sont bien ennuyeuses sans doute, mais ma tâche était bien plus pénible lorsque j’ai pris en mains La Débâcle et quand il s’agissait de faire oublier tous les ennuis qui résultaient de la condamnation de mon père400. À ce moment-là on ne voulait de vos ouvrages ici à aucun prix ; cependant on a fini par triompher et je compte bien, que malgré les déboires actuels, on finira de même pour Rome et pour l’Amérique.
843À ce sujet j’ai dans l’idée que le parti Catholique commence à être très puissant là-bas, et dans les refus que j’ai éprouvés ici des choses m’ont été dites qui me donnent à croire que certaines influences ont été employées auprès de quelques éditeurs.
844J’ai également reçu quelques lettres me menaçant de la colère de Dieu et un individu demeurant à Edimbourg m’a écrit pour me dire qu’il était heureux pour moi de vivre en ces temps-ci car deux siècles plus tôt on m’aurait brûlé ainsi que vous-même.
845Je vous prie de me répondre de suite, brièvement mais d’une manière aussi positive que possible, au sujet des 2 questions de M. Chatto. De mon côté si le prochain courrier ne m’apporte aucune bonne nouvelle je vous écrirai pour vous dire à mon avis quelle serait la meilleure des solutions.
846Croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
847Ernest A. Vizetelly
848P.S. Je termine en ce moment le chapitre 10.
849Traductions
850New York
851Le 14 février 1896
8521. à M. Vizetelly
853Cher Monsieur. Ns [nous] avons reçu vs [votre] lettre et ns [nous] avons fait demander à MM. Putnam les épreuves de Rome, afin d’examiner la proposition que vs [vous] avez bien voulu ns [nous] faire par l’intermédiaire de M. Pemberton. Et tout bien considéré ns [nous] ne croyons pas qu’il serait désirable pour ns [nous] d’éditer ce livre en Amérique. Ns [nous] ns [nous] sommes rangés à cet avis en partie par suite de la lecture des pages de l’ouvrage qu’on nous a soumis, et qui, à part toute question religieuse traitent par-ci par-là des choses que ns [nous] croyons de nature à déplaire à bon nombre de lecteurs et de critiques de ce pays ; car ils ne sont pas d’une nature à modifier la réputation (sous quelques rapports regrettables) qui s’attache ici aux ouvrages de M. Zola. Nous renvoyons les épreuves à MM. Putnam tout en vs [vous] remerciant, &c, &c.
854Dodd Mead & Co.
855Londres
856février 1896
8572.
858Cher monsieur, après avoir examiné vos propositions Messrs Stone et Kimball sont d’avis qu’il ne leur conviendrait pas d’acquérir les droits américains du livre de M. Zola car certains éléments de cet ouvrage soulèveraient de grandes difficultés au point de vue des lois américaines. Toutefois ils me prient de vous remercier pour votre offre. Cordialement.
859R. McClure
860New York Le 13 février 1896
8613. [Cette lettre-ci a une certaine importance]401
862Cher Monsieur, Nous vous remercions pour votre proposition. Actuellement, cependant, au point de vue du roman, le commerce de la librairie se trouve dans de très mauvaises conditions ici. Nous avons d’abord plusieurs nouvelles publications mensuelles, magazines, et autres, lancées dans des conditions surprenantes de bon marché, et qui font grand tort au commerce en volume. En plus, le traité international avec l’Angleterre a depuis un an environ amené la faillite de plusieurs anciens pirates, et les stéréotypes qu’ils possédaient sont restés pour solde entre les mains d’imprimeurs qui en ont tiré parti en imprimant un très grand nombre d’ouvrages, lancés à peu de chose au-dessus du prix coûtant. Tant que le marché est dans cet état d’encombrement il nous paraît imprudent de ns [nous] lancer dans une affaire considérable qui comporte d’ailleurs de grands risques ; car quoique vs [votre] traduction soit protégée Rome n’en demeure pas moins un livre français et ns [nous] n’avons aucun traité avec la France. Or, nous croyons que le traité avec l’Angleterre ne garantirait pas entièrement les droits de l’acheteur de Rome. On pourrait peut-être chercher à faire paraître ici une autre traduction et cela serait désastreux pour l’acquéreur de vos droits. À ce sujet ns [nous] croyons devoir vous donner un bon conseil : ce serait de faire paraître vs [votre] traduction en Amérique une huitaine de jours avant la publication du volume français, ce qui donnerait une quinzaine de jours d’avance à l’acheteur américain et lui permettrait de placer son volume partout avant que les pirates ne peuvent [sic] agir. Ns [nous] regrettons que l’état des affaires ne ns [nous] permet [sic] pas de vs [vous] répondre autrement, et aussi que ns [nos] lois sur les droits d’auteur soient aussi barbares, mais pour les modifier au point de vue des livres en langue étrangère il faudrait de[s] démarches de la part des différents gouvernements, surtout du gouvernement français qui trouverait ici un appui sérieux chez tous les négociants honorables402. Bien cordialement à vous,
863Henry Holt and Co.
864L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
86562*
86616 Chestnut Road
867Raynes Park
868Londres
869Le 29 février 1896
870samedi
871Mon cher Maître,
872Je reçois à l’instant la lettre suivante : —
873« 45 Albermarle Street
874Londres W.
87529.2.96.
876« Cher Monsieur, Ns [nous] venons vs [vous] prévenir que ns [nous] avons reçu ce matin par câble transatlantique une dépêche de MM. Harper Frères de New York, ns [nous] informant que MM. Harper, tout en n’étant pas jusqu’à présent favorables à Rome, ne peuvent arriver à une décision sans avoir vu la totalité de l’ouvrage en épreuves, soit en français ou en anglais. Veuillez donc avoir l’obligeance de nous faire parvenir les épreuves des derniers chapitres le plus tôt qu’il vous sera possible. Bien sincèrement à vous.
877Osgoode McIlvaine et Cie. »
878Quoi dois-je répondre ? Je vais pouvoir fournir les épreuves des ch. IX et X en anglais presque de suite. Pourrez-vous donner des épreuves en double des chapitres suivants — une suite pour mon travail et l’autre pour envoyer là-bas ? Dans combien de temps le dernier chapitre sera-t-il prêt en épreuves françaises ?
879Faites-moi savoir je vous prie ce que je dois répondre à ces gens. Ainsi que ma lettre d’hier vous aura démontré, c’est la seule maison que ns [nous] ayons en vue pour le moment puisque les autres ont refusé403.
880Il est aussi important que vous répondiez de suite au sujet des 2 questions de Chatto, car la 1ère (celle de la date de la publication du volume à Paris) aura une très grande importance au sujet de l’Amérique et je tiens à être exactement fixé à cet égard404.
881Le prochain courrier pour New York part Mercredi à midi (de Londres). Afin de communiquer avec MM. Osgoode à temps pour qu’ils puissent écrire là-bas, je devrais si faire se peut, avoir de vos nouvelles pas plus tard que Mardi.
882Croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
883Ernest A. Vizetelly
884P.S. Les Harper sont solides et sérieux. Ils sont propriétaires non seulement d’un « magazine » renommé mais aussi du plus grand journal illustré de l’Amérique, une machine dans le genre du Graphic et de l'Illustration. C’est donc une maison solide et de bonne foi405. Ce sont les « Harper » qui ont lancé ce roman Trilby, écrit par un français M. Georges du Maurier, le caricaturiste du Punch. Ce livre Trilby a été le succès de l’année et ici et en Amérique ; c’est bête comme chou mais ça se vend comme du pain. On en a fait une pièce de théâtre et il paraît que l’auteur aurait récolté environ 150 000 frs sans que le succès de son livre soit épuisé406.
885L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
88663
887Londres
888[18 mars 1896]407
889Envoyez suite épreuves aussitôt possible408
890Vizetelly
891Télégramme (copie), coll. Dr Brigitte Émile Zola.
89264*
89316 Chestnut Road
894Raynes Park
895Londres S.W.
896Le 12 avril 1896
897dimanche
898Mon cher Maître,
899La traduction de Rome est enfin terminée : je n’ai pu finir que Vendredi dernier, ayant depuis une quinzaine d’atroces douleurs névralgiques qui ont rendu la fin de mon travail un vrai supplice.
900J’ai bien envoyé à Harper à New York, les dernières épreuves en français ; en calculant bien les départs de bateaux je devrais recevoir leur réponse définitive d’ici quelques jours.
901L’annonce que j’avais mis[e] dans un journal là-bas409, m’a amené 2 réponses, et aussi une introduction à M. Reynolds de New York, agent littéraire qui m’a offert ses services. J’ai eu de bons renseignements sur lui, et dans le cas où (après tout) les Harper ne voudraient pas du livre Reynolds doit le placer410.
902Un courrier est bien arrivé hier mais ne m’a rien apporté : je pense donc que ce sera Mercredi que j’aurai des nouvelles.
903Autre chose : vous m’avez écrit que vous comptiez publier à Paris le 10 mai, et vendredi, j’ai reçu une lettre de Chatto où l’on me dit (ce qui est vrai) que le 10 mai tombera un Dimanche. Chatto tient absolument à publier le même jour qu’à Paris et demande à être avisé : Quel sera au juste votre jour, le 9 ou le 11 — ou plus tôt ou plus tard411 ?
904Chatto me dit une chose qui est très vraie, c’est qu’en publiant après coup ici il perd beaucoup d’articles dans les journaux. Ainsi pour Lourdes, nous avons publié 15 jours ou 3 semaines après vous, et tous les journaux (ou du moins beaucoup) avaient déjà parlé du volume français, et n’ont rien ajouté pour celui en anglais412. En publiant ici en même temps qu’à Paris on pourra avoir des comptes rendus et du livre en français et de la traduction dans un même article. Cela me profitera du reste, si toutefois on trouve mon travail bien fait. Du reste j’ai toujours promis à Chatto qu’il pourra publier le même jour que Paris. Donc veuillez m’aviser de votre date définitive — 2 mots sur une carte suffiront.
905Le journal ici et je crois aussi celui aux Indes ont encore beaucoup à publier mais tant pis pour eux s’ils se sont mis en retard413. Je vais maintenant m’occuper de faire rentrer leur argent, mais je suis vraiment exténué de travail et j’ai besoin de 3 ou 4 jours pour me remettre — ce qu’il me faut c’est de l’exercice.
906Je trouve Rome fort remarquable mais cela m’a donné beaucoup de mal. J’ai dû rogner par-ci par-là, à cause des idées pudibondes ici, et malheureusement sacrifier en partie votre belle mort de Benedetta414. Cela m’a beaucoup ennuyé mais que voulez-vous !
907Dans le courant de la semaine qui s’ouvre vous recevrez encore de mes nouvelles.
908Votre bien dévoué.
909Ernest A. Vizetelly
910Post-scriptum : Je collectionne des données sur les énormes pirateries d’ouvrages français qui se font en Amérique. Je suis persuadé que les auteurs français, romanciers, écrivains historiques, scientifiques et autres sont volés de plusieurs centaines de mille francs par an par suite de ce qui se passe en Amérique. Je vais écrire un mémoire là-dessus, et je l’apporterai avec moi à Paris pour le remettre à la Société des Gens de Lettres. Il faut que la société pèse sur le gouvernement français afin que ce dernier fasse tout ce qu’il pourra pour arriver à une convention littéraire entre la France et l’Amérique. La société des auteurs Américains appuiera ; elle me l’a promis ou du moins son représentant ici me l’a promis. Du reste je vous expliquerai cela à Paris il y a quelque chose de très bon et de très utile à faire415.
911L.a.s., coll Dr Brigitte Émile-Zola.
91265*
913Londres
914Le 28 avril 1896
915Mon cher Maître,
916N’ayant pu malgré tous mes efforts vendre Rome à un éditeur américain pour une somme fixe qui serait acceptable, car on ne m’a offert que des prix dérisoires j’ai été obligé de jouer la carte que je tenais en réserve, c’est-à-dire de traiter ici avec la maison Macmillan (les anciens éditeurs de Lord Tennyson et de l’Université d’Oxford) sur la base d’un tant par volume vendu. Les Macmillan ont une maison à New York. Ils vont prendre les stéréotypies que j’avais fait faire des 2 premiers chapitres416, au prix que ça leur coûterait à faire eux-mêmes, puis, après communication avec leur maison là-bas, me faire un versement à titre d’acompte sur les sommes à venir. Ils s’engagent à payer environ 95 centimes par volume écoulé.
917Leurs livres seront contrôlés par M. Reynolds, l’agent que j’avais employé là-bas417. Je propose de partager de la manière suivante : à vous un shilling, soit 1 franc 25 par 2 volumes418, soit 621/2 centimes par volume ; à moi le reste soit 32 1/2 centimes par volume : là-dessus je paierai les frais de contrôle de Reynolds soit 4 pour cents — de manière que vous ayiez votre part nette.
918Je pense qu’à part le remboursement que les Macmillan me feront pour les frais de stéréotypies je recevrai d’eux sous peu de jours un premier versement de 1 000 à 1 200 francs. Puis ils feront un versement tous les 6 mois, plus souvent si le livre se vend bien — et les comptes seront épluchés et balancés à la fin d’année.
919Vous pouvez toujours compter sur vos 62 1/2 centimes par volume à moins qu’une piraterie ne nécessite une baisse de prix afin de lutter avec cette concurrence. Il semble impossible de protéger un livre français là-bas d’une manière absolue419. Il paraît qu’il se publie là-bas des 3 et 4 traductions différentes de chacun de vos livres. C’est même pour cela qu’aucun éditeur n’a voulu donner un fort prix fixe pour Rome : le plus qu’on m’a offert était 2 500 francs, et je n’en ai pas voulu.
920Dès que j’aurai touché le 1er versement de Macmillan et qu’il m’aura payé pour les stéréotypies ce qu’il fera aussitôt qu’il reçoit la réponse de sa maison là-bas je viendrai vous voir à Paris et nous liquiderons tous nos comptes. Ce sera probablement dans une dizaine de jours peut-être plus tôt420.
921Votre bien dévoué.
922Ernest A. Vizetelly
923L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
92466*
92516 Chestnut Road
926Raynes Park
927Londres S.W.
928[Le 7/8 décembre 1896]421
929Mon cher Maître,
930J’aurais dû vous répondre plus tôt mais à la vérité j’attendais pour pouvoir vous envoyer de l’argent. Cependant je me vois reculé [sic] de quelques jours, et en attendant cet envoi, je ne veux plus retarder les explications que je vous dois422.
931Le fait est que j’ai touché entièrement la somme que Chatto devait donner pour Rome, et aussi ce que j’ai pu récolter des journaux, soit en tout 10 000 francs dont je ne vous ai envoyé que la moitié. Avec les journaux, j’ai eu toutes sortes de déboires. D’abord Rome fut promis par vous pour l’automne de ‘95423. N’étant pas prêt à cette époque il s’est trouvé que lorsqu’on a pu enfin livrer la copie, le seul journal de Londres qui avait consenti à publier le livre n’en a plus voulu. D’autre part, des difficultés sont survenues avec les 2 journaux de province, qui ont protesté que le livre ne répondait pas à ce que je m’étais engagé à livrer ; qu’on ne pouvait l’appeler un roman ; que leurs lecteurs ne pouvaient supporter semaine par semaine des dissertations aussi longues sur la ville de Rome qui noyaient l’intérêt de l’ouvrage au point de vue « roman ». Bref, ils avaient des griefs, ils m’ont accusé de les avoir trompé [s] sur le genre du livre. Enfin, j’ai dû transiger avec eux.
932Malheureusement comme vous le savez, peu après la fin de mon travail je suis tombé dangereusement malade et pendant plusieurs mois je n’ai pu absolument rien faire. Par la force des choses et à mon vif regret j’ai été amené à disposer du restant de votre argent, il faut l’avouer. Cependant, dès que je fus rétabli je me suis attelé à un travail considérable, aujourd’hui terminé, et dont depuis une huitaine déjà j’attends le paiement. Ce n’est plus qu’une affaire de quelques jours, quand je vous enverrai 5 000 francs.
933En plus, au mois de Janvier, je dois recevoir les comptes d’Amérique, que je vous transmettrai avec la somme qui vous revient424. J’ignore si Rome s’est bien vendu là-bas avec toute cette affaire de l’élection présidentielle425 ; mais j’ai reçu grand nombre d’articles de journaux, les uns vous attaquant avec la plus grande méchanceté, tandis que d’autres prenaient fait et cause pour vous : ce qui semble indiquer que le livre a fait du bruit là-bas426.
934Quant à la question de Paris, puisque Chatto a déjà acheté Lourdes et Rome et que je suis seul fautif pour ce dernier livre, il me semble que vous lui devez la préférence pour Paris, que ce soit moi qui le traduise ou non. J’ai vu M. Chatto (à qui je ne pouvais confier tout ce que je viens de vous écrire) mais à qui j’ai dit que la question de Paris se présentait actuellement. Il vous en offre 10 000 francs pour les droits de librairie et si vous le désirez il vous en versera 2 000 dès à présent pour conclure l’affaire. Si vous voulez bien m’avertir à cet égard je vous ferai envoyer un chèque directement par lui427.
935Quant aux journaux au point de vue de Paris je ne puis dire grand’-chose, après tous les ennuis avec Rome. Le fait est que vos ouvrages, admirables en volume, ne plaisent pas ici en feuilleton. Pour le feuilleton ici, et le genre du monde qui le lit, il faut le roman ordinaire vivement mené428. Enfin, j’ai causé de Paris avec le directeur du Daily Mail de Londres, journal quotidien récemment fondé par les Frères Harmsworth qui sont riches et qui ont organisé tout dernièrement une expédition au Pôle Nord429. Le directeur du Mail m’a écrit la lettre ci-incluse430. Peut-être y a-t-il quelque chose à faire avec lui, mais tout dépendra du livre. S’il est du même genre que Rome c’est-à-dire aussi descriptif, je crains des difficultés avec n’importe quels journaux. Enfin le Daily Mail est un bon journal et peut-être pourrait-on donner à ce monsieur les renseignements qu’il désire avoir : c’est-à-dire votre prix, date de publication, longueur du livre, et un aperçu de ce qu’il contiendra431. Un nouveau journal comme celui-ci étant plus entreprenant que les anciens (que j’ai vu[s] des fois sans nombre mais inutilement pour Rome) je pense qu’il offre plus de chances que nul autre.
936Enfin vous verrez ; et vous voudrez bien peser la proposition de Chatto et me répondre à cet égard. Lui a toujours été loyal et je serais désolé s’il perdait Paris par suite d’une faute dont je suis personnellement responsable.
937Enfin pour l’argent que j’ai à vous envoyer, je vous prie de vous rassurer, et je vous répète que ce ne sera que l’affaire de quelques jours. Je suis affligé de ce qui est arrivé, mais j’espère que vous me pardonnerez cette faute, qui me tourmente affreusement et dont assurément je n’aurais pas été capable si je ne m’étais trouvé là alité, sans pouvoir travailler avec des charges de famille si lourdes. Je fais donc appel à votre bienveillance, et si, après le remboursement de votre argent, je puis continuer à vous être utile je vous prie de disposer de moi432. Pour le moment tout ce que je désire savoir c’est si vous voudrez accepter l’offre de Chatto qui vous fera tous vos paiements directement.
938Bien sincèrement à vous.
939Ernest A. Vizetelly
940L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
94167*
94216 Chestnut Road
943Raynes Park Londres S.W.
944Le 16 décembre 1896
945Mon cher Maître,
946Votre lettre retardée par le mauvais temps m’est parvenue Lundi soir433. J’ai vu hier M. Chatto qui m’a dit qu’il allait vous envoyer les 2 000 frs. d’acompte pour Paris434.
947J’ai rendez-vous demain Jeudi aux bureaux du Daily Mail : je ferai part à ces messieurs de ce que vous m’écrivez au sujet de Paris435.
948Je réunis en ce moment tous les papiers ayant rapport à nos comptes, de manière à établir exactement la somme que je vous dois. Ce travail terminé je vous l’enverrai436. Je vous remercie infiniment pour votre lettre et je ne négligerai rien afin que la confiance revienne ainsi que vous le souhaitez. En vous envoyant le compte j’indiquerai comme vous le proposez le chiffre des acomptes que je pourrai payer régulièrement afin d’arriver à une liquidation complète dans le plus bref délai possible. Pour terminer le compte j’ai besoin de voir mon avoué au sujet de l’affaire de vos anciens livres qui a entraîné certains frais dont je ne connais pas exactement le chiffre. Je tâcherai de le voir demain quand j’irai au Daily Mail.
949À propos de Chatto, tout en lui donnant une partie des détails sur Paris qui se trouvaient dans votre lettre j’ai cru bon de ne pas lui fixer une date précise pour ce livre. Ce qui est entendu entre vous est tout simplement ceci : que vous lui céderez les droits anglais de Paris (vente en volume) lorsque le livre sera prêt, contre la somme de 10 000 frs. dans laquelle sont compris les 2 000 qu’il doit vous verser maintenant. Attendu que vous commencez seulement à écrire l’ouvrage, et que des retards peuvent survenir par des circonstances qu’on ne peut prévoir, j’ai préféré laisser de côté la question de date. Du reste tout ce que Chatto a demandé ç’a été d’être assuré du livre lorsqu’il sera terminé. Par conséquent vous n’avez pas à vous engager avec lui pour une date fixe.
950Nécessairement j’ai à agir autrement avec le Daily Mail et l’Amérique et j’indiquerai la seconde quinzaine d’Octobre comme date probable pour la publication de Paris en feuilleton. Ayant tant de temps devant moi j’espère bien arriver à un arrangement qui vous contentera. Je vais du reste insister sur ce que vous m’écrivez au sujet du livre afin de détruire autant que possible [l’]impression peu favorable (au point de vue « feuilleton ») que Rome a laissé[e] ici.
951En vous renouvelant mes remerci[e]ments pour votre lettre si bienveillante, je vous prie de croire à mes meilleurs sentiments.
952Ernest A. Vizetelly
953L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
95468*
95516 Chestnut Road
956Raynes Park Londres S.W.
957Le 20 avril 1897
958Mon cher Maître,
959J’aurais répondu plus tôt à votre lettre mais à son arrivée ici j’étais absent, étant allé à l’occasion de Pâques passer quelques jours chez un parent. Je me suis occupé autant que j’ai pu de la publication de Paris en feuilleton ici mais jusqu’à présent je n’ai rien trouvé. Depuis le commencement de l’année les affaires sont devenues bien mauvaises, à cause principalement de la situation générale. Voici 3 mois au moins qu’un parti ici pousse à la guerre437, et qu’il règne un malaise général. En librairie tout est au plus bas, on ne se rappelle guère une année aussi mauvaise. Et maintenant que les Grecs et les Turcs ont commencé et qu’on ne sait où tout cela s’arrêtera la situation ne peut qu’empirer438. On dévore les journaux pour voir ce qui se passe en Orient, et c’est là la seule chose à laquelle on s’intéresse. La maison qui a publié le récit du voyage de Nansen y perd 200 000 francs439.
960Vous vous rappellerez que j’avais entamé des négociations pour Paris avec un journal qui s’appelle le Daily Mail440 : j’ai vu ces messieurs plusieurs fois, nous avons aussi échangé de nombreuses lettres mais à la fin ils ont décliné mes offres pour leur journal. Je n’ai eu ce résultat définitif qu’assez tard en Février, au moment où la situation commençait à tourner vraiment au noir. Depuis lors, j’ai essayé dans 3 ou 4 directions mais je n’ai pu avoir que des réponses vagues. Je vois bien qu’on hésite à s’engager à quelque chose de considérable dans un moment tel que celui-ci, quand un parti très actif cherche par tous les moyens à faire sortir l’Angleterre du concert européen, ce ne pourrait être que le signal d’une guerre générale. Il est certain que tout roman perd de son intérêt quand les choses sont aussi embrouillées et certes je ne voudrais pas offrir Paris à vil prix.
961Puisqu’une guerre nous était destinée il aurait mieux valu quelle éclate plus tôt. Ce serait peut-être déjà fini. J’espère que celle-ci durera peu, c’est ce qui pourra arriver de mieux. J’en suis personnellement de plus en plus ennuyé car je n’ai jamais fait grand’étude des choses turques et grecques qui seules semblent avoir de l’intérêt en ce moment, de sorte que pendant que les journaux ici donnent jour par jour des pages entières à ces affaires-là, c’est à peine si je réussis à faire passer un méchant article sur autre chose, par-ci, par-là. Et cependant j’ai bien besoin de travailler, et pour me libérer envers vous et pour suffire au courant441.
962Malgré tout cela je ne cesserai d’essayer de placer Paris dans un journal. Si j’ai évité d’insister quelque peu, jusqu’à ces jours passés, c’est parce que j’espérais, ainsi que beaucoup de monde, que les choses se termineraient pacifiquement <...> qu’il serait <...> pour que la situation fut plus <...> heureusement c’est le contraire qui est arrivé442. Enfin je vais retourner chez les journaux et demander une réponse catégorique. Et si je ne peux rien obtenir en ce moment je profiterai de la première éclaircie qui se produira.
963J’estime que c’est un avantage d’avoir pu convenir avec Chatto puisque cela au moins est réglé443. Mais nécessairement il faut avoir un journal et je ferai tout mon possible pour en trouver un. Chatto ne demande pas mieux que de me confier la traduction de Paris et je le lui ai promis. Au pis aller on serait forcé de se contenter de ça, mais si cette question d’Orient peut être résolue sous peu j’aurais beaucoup plus de chances de placer le livre en feuilleton.
964Dans l’état actuel des choses je ne puis en ce moment vous envoyer de l’argent. J’ai un roman à moi de terminé et je le crois pas mauvais mais je ne peux trouver le prix que j’en voudrais444. Ce prix me fut offert à un moment, puis la maison s’est dédite et depuis je n’ai pu retrouver les mêmes conditions : Cela est pour beaucoup dans mes ennuis. Dès que j’aurai revu les directeurs des journaux auxquels j’ai parlé de Paris je vous recrirai [sic].
965Votre bien dévoué.
966Ernest A. Vizetelly
967L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
96869*
96916 Chestnut Road
970Raynes Park
971Londres S.W.
972Le 12 août 1897
973Mon cher Maître,
974J’ai enfin trouvé un journal pour Paris mais c’était ma dernière chance445. Il faut vous dire franchement, qu’au point de vue feuilleton. Rome vous a fait du tort ici parce qu’il y avait si peu d’action dans ce livre. Et malgré vos lettres au sujet de Paris, m’annonçant que cet ouvrage serait plein de vie et de mouvement446, j’ai essuyé partout des refus pendant de longues semaines. Enfin le People qui autrefois a publié votre Germinal m’a dit qu’il prendrait Paris pour la Grande Bretagne pour 3 000 francs. Et ne pouvant plus courir, car je ne voyais pas un seul autre journal auquel je pouvais m’adresser, j’ai accepté cet [sic] offre, car il fallait se décider sur-le-champ.
975Je dois vous dire que mon seul ennui dans tout cela, c’était la question feuilleton. Je sais que Rome s’est fort bien vendu en librairie ici. Plusieurs directeurs de journaux le savaient aussi bien que moi ; mais ils me répétaient : « M. Zola a pris un autre genre, ses écrits fort bien en volume ne sauraient convenir à des journaux qui demandent de la vie et du mouvement. » J’ai une lettre de vous que j’ai montrée à plusieurs personnes mais je n’ai pu les convaincre que Paris serait bien plus mouvementé que Rome.
976Enfin sur les 3 000 francs du People je vous offre 2 500 net. Avec les 10 000 de Chatto cela vous fera 12 500. Et j’espère pouvoir augmenter la somme. J’ai écrit il y a longtemps déjà en Australie, aux Indes, et au Cap où, aujourd’hui, il y a des journaux qui peuvent lâcher soit 1 000 ou au bas mot 6 ou 700 francs pour des épreuves. Et ils sont bons à prendre n’importe à quel prix [sic], car ils porteront votre nom de plus en plus loin447.
977Malheureusement des Indes j’ai essuyé un refus par dépêche télégraphique qui m’a coûté quelques livres. Mais ce pays est dans un état si déplorable à la suite de la famine, la peste, et les troubles de ces derniers temps que ce refus ne m’a pas trop étonné. Dans un temps normal j’aurai pu avoir de là un billet de mille à 1 200 frs.
978Des autres colonies britanniques je n’ai encore pas de réponse, mais pour l’Australie par exemple ma lettre est à peine arrivée. Enfin avec les uns et les autres j’espère pouvoir récolter 2 ou 3 mille francs en plus.
979Maintenant pour l’Amérique on demande à voir et je crois vraiment pouvoir placer Paris dans un journal soit de New York ou de Philadelphie si vous pouvez sous peu m’envoyer quelques épreuves. Quand pourriez-vous me livrer les 2 premiers chapitres par exemple448. Une de mes grandes difficultés c’est d’être forcé de travailler toujours sans pouvoir rien montrer d’avance. La lecture d’un seul chapitre ferait souvent plus d’effet que toutes mes paroles et même vos lettres. Enfin voyez si vous ne pouvez m’envoyer quelque chose si peu que ce soit prochainement. Il n’y aura aucun abus de confiance vous pouvez en être assuré. J’attends une lettre de New York ces jours-ci et je voudrais pouvoir y répondre sans trop de délai.
980Puis il y a une autre question. M. Madge du People449 m’a dit à peu près textuellement ceci : « Nous avons dans le temps publié Germinal qui ne fut pas en feuilleton un bien grand succès ; c’est pour cela que j’ai dû refuser vos offres de Lourdes et Rome. Enfin je veux bien essayer Paris, mais j’ai quelque peu peur de notre clientèle qui va se dire : “Oh ce sera dans le genre de Rome puisque ç’en est la suite”. Je voudrais donc annoncer l’ouvrage par des affiches de nature à attirer l’attention ; et je voudrais faire une affiche coloriée si c’est possible ou tout au moins avec une gravure, en noir et blanc qui reproduirait quelque incident du livre. Donnez-moi l’idée pour une gravure quelconque, et tâchez au moins que le sujet soit quelque chose d’intéressant. » Pouvez-vous nous aider à cet égard ? Dans une demi-heure, j’en suis persuadé vous pourriez me tracer un scénario quelconque : une chambre, un jardin, tel et tel personnage (blond ou brun) faisant ceci ou cela. Ou si vous ne voudriez pas [sic] dévoiler d’avance un incident du livre, pourrait-on prendre un sujet emblématique. Paris sous tel ou tel aspect ? Faut-il Paris riche, Paris misère, Paris la révoltée, ou tout bonnement le Paris classique avec des attributs divers. Ou encore Paris en sphinx dont on ne déchiffre pas l’énigme450.
981Tout pesé je préférerais un sujet moderne, un incident du livre : s’il y a quelque chose à glaner dans les premiers chapitres nous pourrions la prendre — mais dans ce cas il faudrait m’envoyer quelques épreuves car les affiches prennent longtemps à préparer. Veuillez je vous prie me répondre à ce sujet le plus tôt possible et en même temps si vous le pouvez fixez-moi la date exacte du 1er feuilleton à Paris451.
982Dès que j’aurai mes réponses des colonies, je vous les ferai connaître. Pour les journaux américains, il me faut des épreuves [d’] 1 ou 2 chapitres. Ces épreuves ne quitteraient pas Londres : si les représentants d’ici sont satisfaits on pourrait traiter.
983Je vous écris à votre adresse à Paris, mais fort probablement vous serez à Médan. Toutefois je pense qu’on vous fera parvenir ma lettre.
984Votre bien dévoué.
985Ernest A. Vizetelly
986L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
98770*
98816 Chestnut Road
989Raynes Park
990Londres S.W.
991Le 19 août 1897
992au soir
993Mon cher Maître,
994J’ai reçu votre lettre du 16 courant dans la matinée d’hier, et j’ai fait part à l’administration du People de ce que vous m’écrivez au sujet des épreuves et de l’affiche de Paris452. Que vous envoyiez ces épreuves le 1er Sept. à Chatto ou à moi cela m’est indifférent. Il a été absolument convenu entre Chatto et moi au mois de Décembre dernier qu’il vous enverrait directement votre argent et il est certain qu’il s’exécutera. Mais attendu qu’il vous a versé 2 000 frs. d’acompte je ne pense pas qu’il vous remettra des fonds à votre 1er envoi d’épreuves : d’autant plus que lui pour agir aura besoin de la traduction et cela je ne pourrai la lui donner qu’au fur et à mesure qu'elle paraîtra dans ce journal453. On ne pourra faire commencer les imprimeurs du volume que lorsqu’il y aura une certaine quantité de fait c’est-à-dire vers le mois de Novembre. Si donc à cette époque-là vous désirez recevoir votre acompte vous n’aurez qu’à écrire à M. Chatto directement454.
995Depuis ma lettre de l’autre jour je n’ai rien reçu des colonies mais j’attends de nouvelles dépêches de jour en jour. Les tarifs étant fort élevés (de 5 à 7 frs le mot souvent) il est convenu qu’on ne me répondra par dépêche qu’en cas d’acceptation. J’aurai à payer ces frais, mais en arrangeant nos prix à nous, je tiendrai compte de cela455.
996Quant au People ils m’ont proposé de payer par tiers ce que j’avais accepté. Ainsi je livrerais un tiers de la traduction et je recevrais un tiers de l’argent et ainsi de suite. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de rien changer à cet arrangement. Pour les traductions, pour arriver à les bien faire, il me faut presque une semaine par chapitre. Je ne peux jamais y travailler à raison de plus de 5 jours de suite, car c’est un travail fort fatigant et si j’essaie de me forcer je ne fais que de la cochonnerie qu’il me faut remanier dans les épreuves. Toutefois je pense que si j’ai les 5 premiers chapitres au commencement de Septembre, et la suite de bonne heure en Octobre, je pourrais arriver à un premier paiement dans ce dernier mois456.
997Maintenant pour l’Amérique il est évident pour moi que vous avez égaré ou peut-être que vous n’avez pas reçu une lettre que je vous ai écrit[e] au début de l’été. J’ai deux lettres de vous du commencement de l’année dans laquelle vous me dites de m’occuper de l’Amérique ; et j’avais agi en conséquence457.
998Rome a été publié là-bas en 2 volumes, leurs conditions de travail, les frais de papier etc, bien plus grands qu’ici ne leur permettant guère d’éditer un livre aussi long dans un seul volume bon marché. J’avais fait des frais pour protéger le livre, environ 750 francs en tout. En traitant avec la Compagnie Macmillan j’ai touché £50 seulement ce qui devait me rembourser ces frais et me laisser quelques centaines de francs. Par le fait 500 francs à peu près. Il fallait mener la chose vivement et passer par-dessus certaines questions de détail. Il a été convenu qu’on me paierait un tant pour cent sur la vente absolument comme cette maison fait pour tous ses auteurs et pour l’Université d’Oxford dont elle est le représentant là-bas. Ici, on m’avait dit que je pourrais toucher quelque chose au commencement de cette année ; mais vers la fin du printemps le Président de la Société Américaine est venu à Londres et j’ai eu de longs entretiens avec lui. Il m’a expliqué toute leur manière de procéder. Ils ont à faire avec tout un continent, avec des villes séparées par des centaines, quelquefois des milliers de kilomètres et leurs rentrées sont fort lentes. Ils ont donc l’habitude d’établir leurs comptes une fois par an seulement, et pour leurs clients européens de leur soumettre ces comptes qui sont payables au trimestre suivant si on les accepte458.
999Pour Rome voici ce qu’il en est. Vous étiez nouveau pour eux, on avait de grands préjugés contre vous là-bas, aucun de vos livres n’avait été publié par une bonne maison américaine, il n’y avait de bon à votre actif là-bas que la publication de Lourdes, en feuilleton459, par Brett. Pour commencer donc M. Brett460, c’est le nom du président de la maison à New York, (ils sont tous présidents là-bas) a voulu faire appel au public le plus élevé des États-Unis, pour faire sortir votre nom et vos ouvrages de l’espèce de discrédit dans lequel ils étaient tombés par suite de toutes les mauvaises traductions lancées à droite et à gauche par des éditeurs pirates. De certains de vos livres il existe là-bas des 4 et 5 traductions toutes plus mauvaises les unes que les autres. Il fallait donc frapper un certain coup pour gagner le monde vraiment littéraire. La Compagnie Macmillan a donc publié Rome en 2 volumes reliés et fort bien faits461. M. Brett m’en a donné un exemplaire et il devait m’en envoyer un second. Mais il faut croire qu’il l’aura oublié. Cependant je vous envoie l’exemplaire qu’il m’a remis afin que vous puissiez le voir : je m’en procurerai un autre plus tard.
1000De cette édition il a été tiré environ 2 600 exemplaires, dont 175 ex. ont été donnés aux journaux etc. Cela doit être vrai car je possède plus de 100 articles critiques sur l’ouvrage, qui ont paru dans les plus grands journaux du continent américain.
1001Je dois avouer que beaucoup de ces articles attaquaient le livre très vigoureusement, pour la plupart au point de vue de la religion : le parti catholique étant évidemment très puissant là-bas. D’autre part des journaux appartenant aux capitalistes, aux millionnaires américains, ne pouvaient souscrire aux tendances plus ou moins socialistes du livre. Cependant en dépit de toutes ces attaques un grand coup moral a été porté. Bien des journaux ont signalé le fait que pour la 1ère fois un livre de M. Zola paraissait en Amérique chez un éditeur de 1ère classe, et que l’on ne se servait plus de papier à chandelle et de vieilles [sic] types. C’était donc un livre à traiter sérieusement. Sans vous entretenir de moi j’ajouterai que ma traduction a été fort bien jugée. Nous avons donc eu des articles dans les 1ères publications du pays, des attaques oui, mais pour la 1ère fois on vous prenait au sérieux. Et c’est là un grand pas de fait462.
1002Passons à la vente. Là, il y a eu un écueil sérieux. Absolument comme le jubilé ici a arrêté tout le commerce de librairie pendant 2 mois, là, l’élection présidentielle a bouleversé [le pays] pendant 5 ou 6 mois. Rome a été publié à New York en Juin 1896, et depuis Août jusqu’à la fin de l’année la politique est venue mettre le holà aux affaires463. M. Brett m’a affirmé cependant que là-bas, vu l’étendue du pays on ne frappe jamais un bien grand coup avec un livre au début : c’est plutôt une pelote qui grossit, une boule de neige qui s’agrandit peu à peu. Quand il est venu à Londres il ne savait au juste quel nombre d’exemplaires on avait pu vendre ferme, car il n’avait pu établir d’autres comptes que ceux de la 1ère mise en vente et ils n’étaient pas fort brillants. Je lui ai dit qu’il aurait dû publier le livre en un seul volume et aussi bon marché que possible, mais il m’a donné alors les explications que j’ai indiquées plus haut. Toutefois il m’a dit que cette 1ère édition épuisée, il réimprimerait le livre dans un format plus à portée du peuple464. Il voulait pour cette première affaire frapper d’abord un coup en haut ; et cela certainement il l’a fait.
1003Le compte qui doit être établi jusqu’au mois de Juin de cette année-ci et que je m’attends à recevoir prochainement, serait liquidé, si je l’approuve au trimestre d’Octobre. J’ai tout lieu de croire que cette 1ère édition de Rome sera épuisée et que nous toucherons sur une vente d’environ 2 400 exemplaires. Naturellement je n’accepterai pas les comptes les yeux fermés ; j’ai une personne retenue là-bas pour les éplucher, contre paiement s’entend. Mais j’estime que vous recevrez pour votre part en Octobre de 2 000 à 2 500 francs pour cette 1ère année, toute fâcheuse qu'elle ait été par suite de cette longue campagne présidentielle. Et en me basant sur les affirmations de M. Brett, la publication de Rome à meilleur marché dans une nouvelle édition, donnera aussi un bon coup de collier à la vente, et cela doit certainement être en train de se faire même à l’heure actuelle. Il m’a dit positivement que cette vente ne pouvait que s’accroître et que pendant de longues années nous serions assuré [s] vous et moi d’une rente payable chaque année d’environ 2 à 3 000 francs. D’abord il faut 4 ou 5 mois rien que pour permettre à un livre de percer et de s’imposer là-bas. Puis est venu[e] la question de Paris, qui donnerait un regain de succès à Rome et qu’il m’a offert de prendre. C’est alors que je vous ai écrit ; et n’ayant pas eu de lettre d’objection de vous j’ai traité provisoirement car le temps pressait à cause du retour de M. Brett en Amérique. Actuellement je suis forcé de croire que ma lettre s’est égarée et c’est pourquoi je répète toutes ces explications.
1004Pour Paris voici ce que j’avais arrangé. Tout en approuvant ce que M. Brett avait fait pour Rome je ne lui ai pas caché que c’était bien long d’attendre une année465 ; que pour Rome je n’avais touché qu’une bagatelle dont les 2 tiers avaient été absorbés à liquider les frais que j’avais eu[s] pour protéger le livre là-bas466. Que par conséquent il fallait qu’il me paie une somme quelconque lorsque je lui donnerais le livre : cette somme serait à valoir sur le tant pour cent qu’on toucherait plus tard.
1005Il m’a offert de prendre tous les frais pour protéger le livre à sa charge et de me faire un versement de 2 500 francs en recevant ma copie. Je lui ai dit que de cette manière on pourrait s’arranger, et il est parti en croyant bien que c’était fait. Pour ainsi dire ces 2 500 francs nous attendent, car je suis sûr qu’il les paierait de suite et même sans attendre la copie si je les lui demandais. J’ai cru bien faire et je vais être bien ennuyé si la chose ne se fait pas.
1006Lui ne veut que le volume en librairie mais il s’est offert pour me le vendre à un journal à prix ferme pour le droit de feuilleton, et c’est par lui qui je me suis mis en rapport avec des représentants de journaux ici. Maintenant vous me dites que vous traitez ailleurs467. Que dois-je faire ? Traitez-vous avec un journal ou un éditeur ? Si c’est le premier tout peut s’arranger, mais autrement je crains, personnellement, bien des désagréments.
1007Voulez-vous m’autoriser à écrire directement à Brett pour qu’il envoie les 2 500 francs. Mon idée était de vous envoyer 2 000 à vous et de garder les 500 pour moi, car pour lui j’aurai à faire recopier mon manuscrit ce qui me fera faire quelques frais. Cependant je suis prêt à vous faire envoyer le tout et attendre moi-même à plus tard. Notez ceci que si vous publiez une ligne en France ou en Angleterre même en feuilleton avant de publier aux États-Unis, les pirates se jetteront sur le livre. Ils ont des lois dégoûtantes là-bas au sujet de la propriété littéraire.
1008Moi j’ai pensé ceci : les 2 500 francs sont une certitude ; un journal à prix à peu près semblable serait une certitude aussi ; et en même temps on aurait ses droits protégés pour rien, et on continuerait à toucher un tant pour cent sur le livre d’année en année.
1009Si je ne m’arrangeais pas avec un représentant de journal ici je comptais envoyer les 1ers chapitres à Brett pour qu’il traite directement là-bas avec des administrations, comme il m’a offert de faire le cas échéant. Il vendrait au comptant ce droit de feuilleton et me renverrait l’argent dès qu’il le toucherait ; en même temps il verserait pour sa part les 2 500 frs.
1010Mais il m’a écrit ceci : « Si vous ne placez pas Paris par l’intermédiaire d’un correspondant de journaux à Londres et qu’il est nécessaire pour moi de voir les directeurs ici, il faut me donner un délai aussi long que vous le pourriez pour mes négociations. Le cas échéant je ferai composer vos premiers chapitres pour les enregistrer à mes frais à votre nom. »
1011Veuillez je vous prie fixer dans tout cela le pour et le contre. Je suis persuadé qu’on aura un journal américain quelconque et qu’on en tirera au bas mot 3 000 francs. Ajoutez à cela les 2 500 que Brett s’est engagé à payer et cela fera de 5 000 à 6 000 francs, que l’on toucherait sur Paris, cette année-ci. Pour ma part pour faciliter l’affaire je veux bien vous laisser entièrement les 2 500 frs. de Brett et deux tiers de ce que je recevrais du journal. Vous toucheriez donc de 4 à 5 000 comptant sans comptez [sic] les sommes à recevoir plus tard, selon la vente en volume468.
1012Répondez-moi donc de suite et si faire se peut et que je dois [sic] continuer l’affaire tâchez de hâter l’envoi des épreuves469.
1013D’autre part fixez-moi sur ceci : négociez-vous avec un journal ou un éditeur. Dans le 1er cas on pourrait toujours réserver le volume à Brett. Autrement je serai forcé d’écrire en Amérique de suite et peut-être d’essuyer un procès puisque Brett tient ma promesse. Et dans ce cas tout l’effort considérable qui a été fait avec Rome pour vous poser sur un tout aussi piédestal [sic] que celui que vous occupiez là-bas sera, en ce qui me concerne, absolument perdu.
1014Excusez la longueur et le décousu de cette lettre mais j’ai voulu vous donner tous les détails possibles au sujet de cette affaire.
1015Votre bien dévoué.
1016Ernest A. Vizetelly
1017Je vous envoie l’édition américaine de Rome par ce même courrier.
1018L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
101971
1020[Londres]
1021Le 31 août 1897
1022Il a bien reçu la dernière lettre de Zola et il va écrire en Amérique, ainsi que Zola le lui demande470.
1023Vizetelly a demandé à Chatto de lui faire parvenir les épreuves le plus rapidement possible. À cause de la nouvelle façon dont Zola envoie ses épreuves en Angleterre, Vizetelly va devoir se rendre à Londres et cela lui coûtera cher en temps et en argent. Il demande donc à Zola d’envoyer ses épreuves avec régularité471.
1024Collection particulière.
102572*
1026[Londres]
1027[vers le 10 septembre 1897]472
1028Mon cher Maître,
1029En relisant mes épreuves de Paris il m’a semblé que ce nom de Lord Elliot que vous donnez à un de vos personnages (sous lequel je crois reconnaître Lord Alfred Douglas) pourrait avoir des inconvénients473.
1030Une pairie d’Angleterre s’attache à chacun des noms suivants.
1031Eliot
1032Eliott
1033Elliot.
1034Et en feuilletant un annuaire de la noblesse je vois parmi ces gens Charles-Georges, et un George Henri. De plus le titre de Lord Elliot est porté par un jeune homme tout juste de 21 ans, héritier à la pairie de son père, le Comte de St. German’s.
1035Jusqu’à présent il n’est mention de votre personnage que vers la fin du chapitre II, et ensuite au chapitre IV où on l’entrevoit à la matinée de la Princesse Rosemonde. S’il doit figurer davantage dans le livre je crois qu’il y aurait lieu de modifier ce nom, surtout si ce doit être un individu du genre que je suppose.
1036Voici donc quelques noms anglais se rapprochant du nom Elliott, qui ne figurent pas dans les listes de la pairie et cetera.
1037* Eldrett,
1038Elston,
1039Elson,
1040Elgie,
1041* Elnor,
1042Elwood.
1043J’ai indiqué par un signe les 2 que je préfère personnellement et qui, au point de vue de notre langue, auraient un cachet plus aristocratique que les autres. Le double t à la fin du premier de ces 2 noms fait bien ; puis l’autre — Elnor — possède une certaine sonorité qui me plaît, et qui ferait contraste avec le caractère de celui dont vous parlez. Dans tous les cas, que vous changiez le nom Elliot dans votre texte ou non, je crois que pour la traduction anglaise il vaudrait mieux de la faire à fin [sic] d’éviter toute confusion474.
1044Si vous êtes de mon avis de changer le nom faites-le-moi savoir par une simple carte475.
1045Si jamais en écrivant vos romans vous désirez y faire figurer plusieurs anglais je pourrais facilement vous envoyer des listes de noms adaptés à toutes sortes de personnages, selon leurs métiers ou leurs caractères, etc. Pour mes machinettes à moi j’ai dressé de temps à autre des listes de ce genre.
1046Je vous écris très hâtivement pour attraper si faire se peut le courrier.
1047Merci pour votre lettre que j’ai bien reçu[e]476.
1048Votre bien dévoué.
1049Ernest A. Vizetelly
1050L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
105173*
105216 Chestnut Road
1053Raynes Park
1054Londres S.W.
1055Le 20 septembre 1897
1056Mon cher Maître,
1057Je reçois ce matin même une courte lettre d’Amérique, réponse courrier par courrier à celle que j’avais écrit[e] au sujet des arrangements là-bas. On m’envoie pour vous remettre deux copies du contrat pour Paris plus un chèque de £80. Je vous ai fait une traduction du contrat, vous en garderez un exemplaire pour vous : et l’autre vous le signerez et vous me le renverrai [sic] le plus tôt possible477.
1058M. Brett me dit tout simplement ceci : « Je vous envoie les contrats et le chèque pour M. Zola, à valoir sur Paris. Il doit être entendu que M. Zola ne fera usage du chèque que lorsqu’il aura signé et renvoyé le contrat. » Il me réclame dans un postscriptum un de vos derniers portraits format album, signé de vous dans le bas ; il en a besoin pour sa publicité. Envoyez-moi cela de suite.
1059Nous nous proposons de mettre Rome sur le même pied que Paris, en tant que cela vous concerne ; et M. Brett doit me récrire [sic] à ce sujet probablement par le prochain courrier. Mais l’arrangement primitif avait été fait par l’entremise de la maison Macmillan ici, autrefois affiliée à celle d’Amérique, et par ce fait il y aura quelque petit délai. Vous verrez par le contrat ci-inclus les dates de paiement de la maison américaine. Dès que le nouveau contrat pour Rome, basé sur les mêmes données que celles de Paris sera prêt je vous l’enverrai avec votre argent. Je devrai tout d’abord aller voir la maison Macmillan ici. Pour la suite, l’argent vous ira directement à Paris de New York, mais Brett avait à me demander quelques explications et pour cela il m’a écrit à moi. Tout bien considéré je crois que vous pouvez renvoyer le contrat en Amérique directement. Voici l’adresse :
1060Mr George P. Brett
1061The Macmillan Company
106266 Fifth Avenue
1063New York City.
1064United States, America.
1065Dans ce cas avisez-moi. Le portrait pourrait accompagner le contrat. Faites recommander le tout.
1066Brett va s’occuper des journaux là-bas, et s’il peut faire quelque chose c’est à moi qu’il écrira encore. Cela est nécessaire à tous les points de vue : d’abord le temps presse, et c’est plutôt de la traduction que du texte français qu’on aurait besoin là-bas. Du reste j’envoie à Brett maintenant les épreuves anglaises de vos 3 premiers chapitres ; cela l’aidera. Il connaît nos prix, 3 000 pour vous net ; et vous pouvez être persuadé qu’il fera tout ce qu’il pourra. Ici, avec les représentants des journaux je ne pouvais rien faire au mois d’Août, faute d’avoir une partie du livre à montrer. Puis, dernièrement, 2 m’ont dit que c’était trop tard et un 3e après avoir vu le texte français (l’anglais n’était pas prêt) m’a dit que cela ne conviendrait pas à ses chefs. Brett cependant aura un champ plus étendu là-bas et pourra peut-être réussir à faire quelque chose. Toutefois les Yankees sont à peu près aussi pudibonds que les anglais, et à [en] juger par mes propres expériences ici, il y aura peut-être quelque petite difficulté478.
1067Personnellement j’ai beaucoup d’ennuis avec cela. Vendredi matin en recevant mes 1ères épreuves j’en ai porté à un monsieur qui s’occupe énormément de la presse coloniale, et sur lequel j’avais beaucoup compté puisqu’il m’avait demandé jusqu’à 10 tirages d’épreuves pour des journaux anglais dans toutes sortes de pays d’Australie, Afrique etc. Eh bien, Samedi après-midi, j’ai reçu de mauvaises nouvelles de lui : il n’aime pas beaucoup ça, il a peur de ce qui va suivre étant donné surtout cette situation de la Baronne Duvillard, de Camille et de Gérard. « Mais ça va tourner à l’inceste, me dit-il, et je crains beaucoup qu’on n’en voudra pas479. » J’avais cependant fait tout mon possible pour adoucir certaines choses à ce point de vue, dans ma traduction. Enfin je m’en vais au People où je trouve Madge, le directeur, en fort mauvaise humeur également et il me rend mes épreuves (que j’ai fait tirer par les imprimeurs de Chatto) et me dit qu’il faut remanier tout cela, couper, rogner pour ne pas offenser la morale publique ! Du reste depuis plusieurs semaines il est d’une humeur massacrante : d’abord c’était la question de l’affiche480, il voulait la faire ici, puis l’idée lui est venue d’acheter un tirage de l’affiche française, et ne connaissant pas le français lui-même il me fait écrire à Xau au Journal. Xau me répond très cordialement, accepte la proposition en principe, et me promet des renseignements détaillés qui ne viennent pas. Je lui écris de nouveau et je ne reçois toujours pas de réponse, pendant que les gens du People me tombent tous sur le dos481. Enfin, ils vont maintenant faire quelque saleté de gravure ici ; une machine de l’explosion482. Tout cela n’est qu’un détail ; mais si je vais être embêté par eux pour mon texte, tout adouci qu’il est déjà, si je suis forcé de leur préparer pour leur usage personnel quelque adaptation tronquée et anodine, je vais être dans une fichue position. Ils donnent déjà bien peu, ma part se réduit à 500 francs, mais pensant que je n’aurais qu’à leur fournir des épreuves c’était au pis aller acceptable. Mais si je dois faire tout un travail sur ces épreuves, je vais perdre de l’argent de semaine en semaine. Puis voilà les colonies devenues bien incertaines, et l’Amérique aussi, au point de vue feuilleton, quoi que je compte quelque peu sur l’énergie de Brett483. Enfin, il est certain qu’avec les 1 500 francs que je touche de Chatto, les 500 de Brett pour le volume, et les 500 du People, en tout 2 500 francs je toucherai à peine de quoi vivre pendant la durée de l’ouvrage (5 à 6 mois). Et avec les exigences du People, cette prétention plus ou moins ridicule de rogner, adoucir la moindre chose qui s’écarte de la stricte morale, je ne pourrai rien faire entre temps : mes journées seront complètement prises. Quant à un bénéfice quelconque, je n’en aurai certainement aucun.
1068Chatto lui ne se plaint pas du texte, mais sans doute il voit ça à un autre point de vue. Il édite ça en volume qu’on est libre d’acheter ou de ne pas acheter selon ses goûts. Mais le People se pique d’être lu dans les familles, et de là sans doute ces cris et ces protestations. Naturellement, j’en conviens, je leur avais promis un roman honnête ; mais je ne vois pas sujet à tant de difficultés dans ce que vous avez écrit, d’autant plus que ma traduction est déjà quelque peu adoucie. Pour moi qui connaît [sic] la vie, je ne vois pas qu’il soit bien monstrueux d’écrire ce que vous avez écrit du ménage Duvillard ou d’autres, tels qu’Hyacinthe484, mais malheureusement je dois avouer que l’hypocrisie anglaise est toujours la même, et qu’on s’obstine ici à vouloir cacher toutes les turpitudes : ce qui ne veut pas dire qu’on soit plus moral qu’en France, car nous avons de bien tristes scandales à notre actif.
1069Mais que je finisse avec mon budget d’ennuis : Chatto je vous ai dit ne se plaint aucunement du livre mais il a un grief dont il ne cesse de m’entretenir, un grief qui est par le fait bien fondé, car on lui a porté un préjudice considérable et à moi aussi. M. Chatto m’en avait déjà causé l’année dernière, et j’avais offert alors de vous en faire part, mais il m’a répondu : « La chose est passée, attendons Paris et alors nous vous prierons d’écrire à M. Zola. » Il paraîtrait que la maison Chatto vous en a touché deux mots en vous envoyons [sic] les 2 000 fis. dernièrement485, mais n’ayant reçu aucune satisfaction on me prie de vous exposer ce qui suit :
1070Il avait été convenu pour Rome comme pour Lourdes et Le Docteur Pascal précédemment que MM. Chatto pourraient mettre l’ouvrage en vente ici le même jour qu’il serait mis en vente en France. À différentes reprises et à la demande même de MM. Chatto je vous avais écrit pour vous demander la date fixée entre vous et MM. Charpentier et Fasquelle. Vous m’avez finalement donné une date, écrite sur une carte, que moi j’ai fait parvenir à la maison Chatto. Puis moi, Rome fini, à la suite d’un travail de traduction aussi ardu, je suis allé chercher un petit repos à l’autre bout de l’Angleterre. De leur côté MM. Chatto prennent toutes leurs dispositions pour lancer l’ouvrage à la date convenue et pas avant. Cependant à leur grande surprise 8 jours environ avant cette date ils voient Rome paraître en français et couvrir les étalages des principaux libraires de Londres486. Ils se hâtent ; au bout de 6 jours environ ils parviennent à mettre en vente la traduction, qui était toute prête sauf pour la reliure qu’on n’avait pas pressé[e] attendu que selon les conventions on avait encore une semaine ou deux devant soi. En se laissant ainsi devancer par les éditeurs français ils ont perdu non seulement sur la vente immédiate mais aussi au point de vue de la publicité. Les journaux quotidiens et autres prennent le texte français, se prononcent dessus, et ne font aucune allusion à la traduction. Quand cette dernière paraît la semaine suivante on y consacre 2 ou 3 lignes par-ci par-là au plus.
1071J’étais moi-même stupéfait en rentrant à la maison car pour moi c’était une déconfiture absolue. Si les 2 volumes, français et anglais, avaient paru à la même date les critiques les auraient pris ensemble, comme on fait toujours ici, et j’aurais eu mes quelques mots de louange ou de blâme selon le cas. Mais rien ; à peine un mot par-ci par-là. De leur côté MM. Chatto sont convaincus qu’ils ont perdu plusieurs milliers de francs par suite de ce qui s’est passé. Ils ont écrit [pour] se plaindre à MM. Charpentier et Fasquelle dont ils ont reçu une lettre que j’ai vue. C’était une lettre fort impolie pour ne pas dire davantage487.
1072Enfin MM. Chatto font de cette question un grief formel, et ils demandent qu’il soit absolument entendu et arrêté entre eux et vous et vos éditeurs français qu’ils auront le droit de publier la traduction anglaise de Paris à la même date que l’œuvre française paraîtra à Paris, et que l’exercice de ce droit leur sera facilité par l’indication, en temps utile, de la date que vous et vos éditeurs français auront [sic] arrêtée ensemble.
1073MM. Chatto ne contestent aucunement votre droit de faire vendre vos ouvrages en français à Londres ; ils ne cherchent aucunement à restreindre cette vente, sachant fort bien qu’un anglais connaissant le français lira toujours le texte français de préférence à la traduction anglaise. Mais ils demandent le droit de mettre en vente en même temps, droit qu’ils exercent pour tous les ouvrage d’origine française qu’ils achètent d’avance, comme ils achètent vos romans. Ils font remarquer qu’ils vous donnent un prix considérable pour Paris et qu’il n’est pas juste qu’ils soient frustrés surtout de la publicité — critiques détaillées et entrefilets — qu’ils pourraient obtenir dans les journaux en faisant paraître l’édition anglaise de Paris en même temps que l’édition française.
1074Pour ma part j’appuie en mon nom personnel tout ce que disent MM. Chatto, car le principal bénéfice que je retire de ces traductions est un bénéfice indirect, et si ce qui s’est passé pour Rome doit se renouveler avec Paris, si ma traduction ne doit paraître (sans que cela soit la faute ni de Chatto ni de moi) que lorsque tous les principaux journaux anglais auront rendu compte du texte français et ne pourront m’accorder une place dans leurs colonnes, dans ce cas, franchement j’aimerais mieux dans l’avenir passer la main à d’autres. Je ne crois pas, et je l’ai dit à M. Chatto, qu’il y ait eu de votre faute à vous dans tout cela, mais je vous prie de faire part de ces observations à Messieurs Charpentier et Fasquelle afin que l’on arrive à une entente. Nous ne les devançons jamais, pourquoi nous devancent-ils ? MM. Chatto ne demandent pas mieux que de tenir tous les engagements que j’ai pris avec eux, en votre nom pour Paris, mais ils désirent vivement que cette question soit, une fois pour toutes, définitivement tranchée488.
1075Je vais tâcher d’arranger mes ennuis avec le People et les autres et je vous récrirai [sic] de nouveau489. J’aurai bientôt fini la 1ère partie de Paris, tâchez de m’en envoyer d’autres épreuves. Surtout pour ce travail d’expurgation qu’on me demande je devrais voir la suite : je travaille dans l’obscurité ne sachant si je biffe une chose importante, nécessaire pour la suite du roman et peut-être encore aurai-je tout à refaire. J’en deviens écœuré avec toutes ces exigences, ça prend tout mon temps, ça réduit mon gain à zéro, et encore personne n’est content.
1076Répondez-moi je vous prie au sujet du petit mémorandum que vous trouverez ci-inclus490.
1077Votre bien dévoué.
1078Ernest A. Vizetelly
1079J’envoie cette lettre à Medan : avisez-moi de votre rentrée à Paris.
1080Le chèque est tiré sur une Banque de Londres. Vous n’aurez qu’à l’endosser et à le faire passer par votre banquier.
1081L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
108274*
108316 Chestnut Road
1084Raynes Park
1085Londres S.W.
1086Le 22 octobre 1897
1087Mon cher Maître,
1088Je regrette beaucoup d’avoir à vous informer que je viens de recevoir de bien mauvaises nouvelles d’Amérique au sujet de Paris. On a offert cet ouvrage à plus de 30 journaux ou publications littéraires, et on n’a pu trouver acheteur. Pour faciliter la chose j’avais envoyé là-bas une suite de vos épreuves en français (1ère Partie) et aussi les épreuves de la 1ère partie de ma traduction. Mais tous les efforts qui ont été faits sont restés sans résultat. Quant aux motifs des différents refus, plusieurs directeurs de journaux n’en ont donné aucun ; mais d’autres ont écrit qu’ils ne pouvaient publier un roman qui attaquait le Christianisme : votre 1er chapitre a dû les offusquer491.
1089On va faire de nouvelles tentatives mais il reste peu d’espoir. Je crains bien que ce projet de faire paraître Paris dans un journal américain ne soit une affaire enterrée492.
1090Jusqu’à présent je n’ai eu que 2 réponses des colonies anglaises — de celles les plus rapprochées de nous : ce sont également deux refus. Mais d’autres y viendront [sic] et peut-être seront-elles meilleures.
1091Je suis en train de revoir la traduction pour le People493. Cela me donne beaucoup de travail et beaucoup d’ennui. Dès qu’il y aura du nouveau, je vous écrirai494.
1092Votre bien dévoué.
1093Ernest A. Vizetelly
1094L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
109575*
109616 Chestnut Road
1097Raynes Park
1098Londres S.W.
1099Le 5 janvier 1898
1100au soir
1101Mon cher Maître,
1102Tout d’abord permettez-moi de vous souhaiter à vous et à Mme Zola une bonne et heureuse année. J’aurais dû vous écrire cela plus tôt mais harcelé par toutes sortes de chagrins et d’ennuis je ne l’ai pas pu.
1103J’ai su que vous étiez assez occupé de l’affaire Dreyfus il y a peu de temps : j’ai suivi votre campagne dans le Figaro, que je reçois journellement et M. Fasquelle a bien voulu m’envoyer un exemplaire de votre lettre à la Jeunesse Française. J’ai suivi tout cela avec infiniment de sympathie car vous n’avez plaidé que pour la vérité et la justice. Du reste plusieurs journaux d’ici vous ont cité495.
1104Entretemps j’étais dans le plus grand ennui. Figurez-vous qu’au mois d’Octobre un gredin a manqué d’assommer ma femme dans des champs près d’ici. Une dame qui se trouvait avec elle s’était enfuie. Ma femme a été jetée trois fois à terre, blessée, ses vêtements déchirés et personne pour la secourir. Enfin, un enfant vient me prévenir, j’étais à la maison en pantoufles, en train de corriger des épreuves de Paris. C’était un dimanche après-midi. Je sors, une canne à la main, et je poursuis mon individu sur un parcours de plus d’un kilomètre. Enfin il m’échappe car il avait de l’avance, et de plus je n’avais aux pieds que des savates dans lesquelles je ne pouvais guère courir. Heureusement qu’on l’avait reconnu et qu’on a pu le retrouver de sorte qu’il a été condamné à un mois de prison avec travail forcé. Peu de chose direz-vous ! C’est mon avis. Mais enfin il a pu interjeter appel de la décision du tribunal de police devant lequel je l’avais fait comparaître et ayant fourni une caution de 2 500 frs. il a été relâché jusqu’au moment actuel quand la chose doit être jugée de nouveau devant le tribunal de Kingston dont je dépends, car notre demeure, pour les choses de la justice, est juste en dehors du ressort du Comté de Londres. Toute ma journée d’hier et celle d’aujourd’hui ont été passées au tribunal. Ce soir seulement on nous a donné avis qu’on ne passerait que Vendredi matin devant le jury.
1105Je dois ajouter que mon individu est un homme de 55 ans, très fort et trapu, propriétaire et entrepreneur de déménagements. Il peut avoir 12 000 francs de rente. Je suis persuadé que sa condamnation sera confirmée et que son renvoi ne lui vaudra rien496. Mais de mon côté, (la question des frais à part) que de chagrin et que d’ennuis. Vous connaissez ma femme, une bonne petite créature toute vaillante sans méchanceté aucune. Cette attaque odieuse m’a laissé une émotion dont je ne suis pas encore revenu. Et à cela entretemps sont venus s’adjoindre des deuils de famille qui m’ont touchés de fort près497.
1106Mais enfin il faut travailler et je suis bien de votre avis qu’à force de piocher on surmonte ses douleurs. Je m’approche maintenant de la fin du Xe ‘livre’ de Paris ; et à ma rentrée à la maison ce soir je trouve une lettre de Chatto me demandant la date de publication en France et aussi la fin du livre. Nécessairement on voudrait être averti à temps, il reste toute une partie (la 5e) à traduire, une affaire de 15 jours au moins pour moi, sinon plus498. Mais le cas échéant je distribuerais des chapitres entre plusieurs, de manière à arriver, quitte à revoir leur travail avant l’impression. Du reste je crois que cela sera nécessaire. Je suis d’une nature très nerveuse et très sensible ; par le fait je ne vis que par les nerfs, et en ce moment je me sens tout à fait ébranlé par tout ce qui nous est arrivé. Enfin si je confie ce restant de travail à d’autres je choisirai de bons traducteurs afin que le livre ne souffre pas du changement499. Je suis assez content de mon travail jusqu’à présent. Et je trouve qu’il y a de bien belles pages dans Paris. Je ne puis m’arrêter sur tout, mais j’aime bien ce tableau de Paris à l’approche de la nuit qui précède l’explosion à l’hôtel Duvillard500. Et j’ai trouvé remarquable cette scène entre Ève et sa fille, dans le salon bleu et argent, peu d’instants avant la vente de charité501. Voilà du théâtre et du vrai théâtre si je ne me trompe. Je voudrais voir cela à la scène. Cela m’a frappé vivement, et je n’ai pu m’empêcher de songer à certains insuccès de théâtre que vous avez éprouvé [s], car il m’a semblé que vous pourriez fort bien (si cela était dans vos idées) prendre une forte revanche de ces échecs — à condition d’écrire des scènes telles que celle dont j’ai parlé. Je vous écris cela en toute franchise, c’est absolument mon avis502.
1107Puis tout le chapitre de la fuite de Salvat à travers le Bois est admirable ; il y a là également de vos meilleures pages503. Quant à la portée morale de votre ouvrage nous sommes d’accord là-dessus ; sur toutes ces choses tristes et terribles je pense presqu’absolument comme vous. Malheureusement tout le monde n’est pas du même avis. Je vous mets sous ce pli une lettre reçue ces jours derniers de Street + Co qui s’occupaient [sic] pour nous aux colonies : il m’écrit qu’il n’a pu rien faire du tout ni en plusieurs colonies d’Australie, ni aux Indes504.
1108Enfin j’ai eu d’énormes difficultés avec le People, à tel point que je leur ai signifié d’avoir à enlever de leur journal mon nom de traducteur. D’abord, ils ne pouvaient donner qu’une espace limitée [sic] par semaine (6 colonnes en tout) il fallait rogner, spécialement pour eux, chaque chapitre ; ensuite ils prétendaient que je rognais mal, qu’au lieu de couper telle ou telle chose il fallait en couper une autre ; plus tard ils se sont mis à changer, rectifier tout cela eux-mêmes : c’était ou trop radical ou trop socialiste, ou trop peu respectueux de la religion (car les voilà fanatiques maintenant) et ainsi de suite. Bref, cette publication au People a été pour moi la plus ennuyeuse, la plus dure, la plus ingrate des corvées. Enfin je viens d’envoyer promener le principal propriétaire et directeur, Sir George Armstrong (Baronet) en lui disant tout tranquillement que je prétends connaître mon travail tout aussi bien que lui, que je veux que ma copie paraisse telle que je la lui donne, attendu que j’y fais déjà toutes les modifications nécessaires pour arriver à mettre un chapitre dans le peu d’espace à ma disposition ; et que pour ménager les susceptibilités de ses lecteurs je rogne de mon texte tous les passages qui pourraient les offusquer. Ce que je ne souffrirai pas c’est qu’il se permette de faire, comme il a fait pendant 3 ou 4 semaines de suite, de tels changements au texte que vous paraissez vouloir dire absolument le contraire de ce que vous avez écrit505.
1109Vous savez que pour cette affaire du People nous toucherons 3 000 francs. Je vous avais proposé 2 500, pour vous, ne croyant avoir à leur donner que mes épreuves, comme je faisais autrefois pour le Weekly Times506. Mais attendu que j’ai eu tout ce travail de rognage, de raccommodage et de modification, vous consentirez je suis sûr à un autre arrangement. Il vaut mieux peut-être laisser cette question à un peu plus tard, pour voir si enfin il arrivera une bonne réponse des autres colonies (voir ma note à la lettre ci-incluse)507 ; car il y a aussi la question des frais que j’ai fait[s] avec la maison Street, les lettres, les envois d’épreuves dans tous les coins du monde etc. Si l’on réussit quand même à avoir un ou deux journaux d’outremer, je pourrais facilement régler cette question de frais, mais autrement cela va me tomber sur le dos508.
1110Enfin vous verrez pour la question du People. Pour moi, n’importe quelle concession que vous ferez, je perdrai toujours avec eux, car tout autre ennui à part, leur manière d’agir m’a tenu dans un état d’exaspération depuis bientôt 4 mois, de sorte que lorsque j’avais un moment tranquille ils ont toujours réussi à l’empoisonner avec leurs exigeances [sic] et leurs bêtises.
1111Maintenant, pour en finir avec Chatto donnez-moi votre date de publication en France et envoyez-moi la 5e partie de la copie. Si vous pouvez m’accorder 15 jours pour la traduire — 3 semaines en tout, car il faut imprimer et corriger les épreuves — je pourrai peut-être tout terminer moi-même. Sinon, comme je vous l’ai écrit plus haut, je serai forcé de donner vos feuillets à plusieurs et les payer de ma poche bien entendu.
1112En vous renouvelant tous nos bons souhaits pour la nouvelle année croyez je vous prie mon cher maître, à mes sentiments affectueux et dévoués.
1113Ernest A. Vizetelly
1114L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
111576*
111616 Chestnut Road
1117Raynes Park
1118Londres S.W.
1119Le 14 janvier [18]98
1120Mon bien cher Maître,
1121Je viens de voir mes avoués ; demain matin j’aurai les noms et les adresses des meilleurs experts en écriture de l’Angleterre. Je vous les enverrai par la poste et vous les recevrez Dimanche matin au plus tard.
1122Si cependant c’était trop tard envoyez-moi donc une dépêche en recevant cette lettre et je vous enverrais ces noms et adresses par dépêche télégraphique509.
1123Croyez je vous prie à toute mon affection et admiration. Disposez de moi comme bon vous semblera.
1124Dans le cas ou vous ne pourriez pas m’écrire dites je vous prie à Mme Zola de m’envoyer un mot. Je suis tout à fait à votre disposition pour quoi que ce soit.
1125Votre bien sincèrement dévoué.
1126Ernest A. Vizetelly
1127Vous recevrez les noms et les adresses dimanche matin.
1128L.a.s., coll. Dr Brigitte Émile-Zola.
112977*
113016 Chestnut Road
1131Raynes Park
1132Londres S.W.
1133Le 22 janvier [18]98
1134Mon cher Maître,
1135On me réclame de la part de plusieurs journaux ici, des portraits récents de vous. J’en ai besoin de 4 au moins. Si vous n’en avez pas à votre disposition pourriez-vous envoyer un mot au photographe, avec mon adresse, afin qu’il m’envoie directement 4 ou 5 exemplaires de suite. Qu’il mette une facture dans le pli, et je l’acquitterai par mandat de poste par retour du courrier510.
1136On suit toujours avec beaucoup d’intérêt ici les développements de votre affaire. Les journaux anglais sont presque tous en votre faveur511. J’ai dû prendre part aux discussions qui ont eu lieu. Dimanche 30 Janvier, il y aura ici une grande conférence sur l’affaire faite par M. D. Christie Murray, un de nos meilleurs romanciers et critiques littéraires512.
1137On est stupéfait de la citation du ministre de la guerre, car elle ne traite absolument que du 1er conseil de guerre, et laisse entièrement en dehors les accusations que vous avez portées contre tel et tel officier. Le Daily News fait remarquer ce matin que c’est là une nouvelle preuve de la détermination du gouvernement d’étouffer l’affaire autant qu’il le pourra, car au lieu de trouver devant vous tous ceux que vous avez désigné [s] il n’y aura tout bonnement que les membres du 1er Conseil de Guerre. Je ne sais si cela est exact mais dans le cas affirmatif ce qu’on ne comprend pas ici c’est que M. du Paty de Clam et les autres personnes désignées dans votre lettre au Président Faure, consentent à rester sous le coup de vos accusations sans chercher à les relever. Tout cela est tellement bizarre qu’on en est dérouté ici.
1138Je pioche toujours sur Paris mais j’arrive vers la fin513.
1139Je vous récrirai [sic] prochainement et je ferai mon possible pour aller à Paris vous voir avant votre procès514.
1140Croyez je vous prie à mes sentiments dévoués.
1141Ernest A. Vizetelly
1142L.a.scoll. Dr Brigitte Émile-Zola.
114378
114416 Chestnut Road
1145Raynes Park
1146Londres S.W.
1147Le 26 janvier [1898]515
1148au soir
1149Il voudrait avoir une date précise pour la mise en vente de Paris, et il se demande si le procès de Zola retardera le livre, qui devait paraître le 10 février, à Paris516. Il n’a besoin que d’une courte réponse517.
1150Collection particulière.
Notes de bas de page
1 Selon des lettres aujourd’hui perdues (20 et 28 juin 1891), C. Juge, codirecteur du Service central de la presse, 19, boulevard Montmartre, avait communiqué à Zola une proposition de Ebenezer J. Kibblewhite (1846-1924), directeur de l’hebdomadaire anglais The Weekly Times and Echo, relative à la publication en feuilleton d’une traduction anglaise de La Débâcle (Burns, 1988, p. 69). Ernest Vizetelly était entré en relations avec Juge par l’intermédiaire de Charles Dubois, l’agent londonien du Service central de la presse. Fondée en 1889, cette agence fournissait la correspondance parisienne de nombreux journaux des départements et de l’étranger (CZ, VII, 1.130).
2 « M. Juge m’a en effet parlé de l’affaire », répondit Zola le 4 juillet, « et je lui ai répondu que je désirais ne traiter qu’en octobre. » (CZ, VII, 1.130). « Bien que je ne sois pas engagé envers lui », poursuivit-il, « je crois devoir vous dire que je ne terminerai rien avec vous sans l’en avertir. Il y a là un petit point de délicatesse. » (ibid.). Aucune correspondance ultérieure entre Zola et Juge n’a été retrouvée.
3 C’était à Vizetelly lui-même que Ebenezer Kibblewhite avait confié le soin de traduire La Débâcle en anglais.
4 « J’accepte quatre mille francs », écrivit Zola dans sa lettre du 4 juillet, « avec la promesse que vous me trouverez ensuite un éditeur pour la somme de trois mille francs. » Sur la publication en volume de La Débâcle chez Chatto & Windus, voir la lettre 9, n. 5.
5 Voir la lettre 9.
6 Le premier feuilleton de La Débâcle parut à Paris dans La Vie populaire le 20 février 1892 (numéro daté du lendemain) et dans The Weekly Times and Echo le 21 février.
7 « Vous pourriez commencer la traduction dès décembre », écrivit Zola dans la lettre précitée. « Seulement, je ne vous promets pas que vous aurez en main tout le manuscrit, lorsqu’un journal de Paris en commencera la publication. Il m’arrive de n’achever une œuvre que lorsque la moitié des feuilletons a paru. » (ibid.).
8 Hebdomadaire londonien qui jouissait dans les années 1890 d’un prestige considérable, The Weekly Times and Echo. A Liberal Newspaper of Political and Social Progress avait été fondé le 4 octobre 1885 par la fusion de The Weekly Times et The Weekly Echo. Dirigé à cette époque par Ebenezer J. Kibblewhite, le journal eut comme propriétaire John Passmore Edwards (1823-1911). C’est en 1878 que ce dernier confia à Kibblewhite la direction de deux périodiques dont il était propriétaire, The Building News et The English Mechanic, ensuite, en 1884, celle de The Weekly Times and Echo. Kibblewhite, qui fut aussi conseiller municipal de Londres, dirigea The Weekly Times and Echo jusqu’en 1910.
9 Effectivement, le père du traducteur, Henry Vizetelly, propriétaire de la maison d’édition Vizetelly & Co., avait été condamné et emprisonné en mai 1889 pour attentat aux bonnes mœurs à la suite de la publication de la traduction anglaise de La Terre. En fait, la condamnation de Henry Vizetelly entraîna la faillite de sa maison d’édition. Le scandale retentissant soulevé par le procès explique sans doute la méfiance des éditeurs anglais à l’endroit des romans de Zola. Voir, à ce propos, King, 1978, p. 228-254, ainsi que notre Introduction.
10 George Moore (1852-1933) partit très jeune de l’Irlande pour Paris, où il voulait étudier les beaux-arts. Très vite, il se mêla à la bohème artistique et fit la connaissance de Zola par l’intermédiaire de Manet. De retour à Londres en 1880, il devint collaborateur de divers périodiques et publia ses premiers recueils de poésie, fortement marqués par l’influence française (Flowers of Passion, 1878 ; Pagan Poems, 1881). Gagné à la cause réaliste et naturaliste, il devint très tôt un des auteurs de la maison Vizetelly & Co., et, lors de la publication de son deuxième roman, A Mummer’s Wife, en 1885, il fut accueilli par la critique comme « the English Zola ». À partir de cette époque cependant il s’éloigna du naturalisme et se montra sévère envers Zola et les naturalistes dans son premier ouvrage autobiographique, Confessions of a Young Man, publié en 1888. En 1901, il s’installa à Dublin, où il prit part à la vie politique et littéraire du pays. De 1911 à sa mort, il vécut à Londres. Il rédigea la préface de The Rush for the Spoil (La Curée) pour l’édition lancée en 1887 par Vizetelly & Co.
11 « Rien, dans le roman », affirma Zola dans sa lettre du 4 juillet, « ne peut scandaliser la pudeur britannique, je le jure. » (ibid.). Et pourtant de nombreux passages du texte original de La Débâcle furent modifiés par Vizetelly afin de le rendre acceptable aux yeux du public victorien anglais. Voir King, 1978, p. 409-410.
12 « [J]e m’engagerai à ce que vous ayez en main le texte en temps opportun », lui répondit Zola, « de façon à ce que votre traduction paraisse en Angleterre au fur et à mesure que l’original paraîtra en France. Vous pourrez remettre au directeur du journal la moitié de l’œuvre traduite, avant le premier feuilleton ; mais ne lui promettez pas davantage. » (ibid.).
13 Des négociations relatives au copyright avaient été entreprises entre la France et l’Angleterre dès les années 1830. C’est en novembre 1851 que les deux pays signèrent une entente, sous l’impulsion d’Henry Labouchère, alors président du Board of Trade : « The treaty took account of the all-important point about translations. [...]. It was agreed that the author could reserve the rights of translation for five years after original publication, provided that the work was deposited within three months of publication, and that a declaration of the reservation of the rights was printed on the title-page. Registration was to be at the Bureau de la Librairie at the Ministry of the Interior in Paris as well as at the Stationers’Hall in London. » (Feather, 1994, p. 161-162). La Convention de Berne, mise en vigueur en 1886, s’inspira de l’esprit de cet accord bilatéral.
Voir aussi la lettre 22.
14 Ernest Vizetelly avait suivi l’armée du général Chanzy comme correspondant pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871. Ses articles sur la retraite de Vendôme au Mans parurent dans la Pall Mall Gazette, quotidien prestigieux de Londres. Il évoqua ces mêmes événements dans des volumes de souvenirs, dont My Adventures in the Commune. Paris 1871 (1914).
15 Il s’agit de la lettre de Zola du 4 juillet 1891 (CZ, VII, 1.130). Voir la lettre précédente.
16 Vizetelly se trompe ici : il s’agit selon toute vraisemblance de la lettre de Zola du 4 juillet.
17 À la fin de cette phrase, Vizetelly ajoute un appel de note. En bas de la page, on lit : « Cette traduction paraîtrait en Angleterre au fur et à mesure que l’original paraîtrait en France. » Ce qui ne fut pas le cas. Tandis que la publication de l’original dans La Vie populaire dura du 20 février au 21 juin (numéros datés du lendemain), La Débâcle parut dans The Weekly Times and Echo en 41 livraisons du 21 février au 27 novembre 1892.
18 « Rien ne presse », avait écrit Zola dans la lettre précitée, « puisque je commence à peine le roman. [...] il vaut mieux ne traiter qu’en octobre » (ibid.).
19 Zola avait effectivement indiqué dans sa lettre du 4 juillet que La Débâcle ne commencerait à paraître en feuilleton « qu’en janvier ». En fait, la première livraison du feuilleton parut au rez-de-chaussée de la première page de La Vie populaire à Paris le 20 février 1892.
20 Voir la lettre précédente, n. 7.
21 Le volume fut mis en vente chez Charpentier et Fasquelle le 21 juin 1892.
22 Voir la lettre suivante.
23 Il s’agit de la lettre précédente.
24 Vizetelly fait allusion à la lettre de Zola du 4 juillet 1891. Voir la lettre 1.
25 C’est-à-dire la maison de campagne de Zola. C’est en 1878, après le grand succès financier de L’Assommoir, que le romancier acheta un « modeste asile champêtre » dans la région de Triel, à l’ouest de Paris (C.Z, III, 1. 99). Au fil des années, Zola y fit édifier des tours, des pavillons, même un laboratoire de développement photographique, et il y résida une grande partie de l’année, y recevant de nombreux amis et écrivant ses œuvres.
26 Zola était à l’époque président de la Société des Gens de lettres. Fondée en 1838, la Société avait pour but à ses origines la protection des droits des écrivains feuilletonistes dans les journaux. Admis comme sociétaire en février 1891, Zola fut élu, au cours de l’assemblée générale du 5 avril suivant, membre du comité pour trois ans. Le lendemain, il était élu président pour 1891-1892, et son mandat fut renouvelé pour 1893-1894 et encore pour 1895-1896. L’année suivante, il fut réélu membre du comité pour trois ans, mais ne présida plus. Il assista régulièrement aux séances du comité jusqu’en 1898, au moment où l’affaire Dreyfus éclata. Pour une description détaillée des activités de Zola à la Société des Gens de lettres, voir Becker, 1993, p. 164-165.
27 Malgré l’empressement de Vizetelly, Zola ne lui répondit que le 8 janvier 1892. « Je n’ai pu vous écrire plus tôt », expliqua-t-il, « ignorant à quelle date la publication de La Débâcle pourrait commencer dans un journal de Paris. Maintenant je suis fixé : cette publication commencera dans les derniers jours de février. » (CZ, VII, 1.197). Voir la lettre suivante.
28 Vizetelly répond à une lettre de Zola en date du 8 janvier 1892, dans laquelle celui-ci négocie la publication en feuilleton de la traduction anglaise de La Débâcle. « le désirerais [...] savoir courrier par courrier », écrivit Zola, « si le journal, au nom duquel vous m’avez écrit, pourrait encore traiter pour cette époque. [...] Selon votre réponse, Monsieur, nous pourrons traiter sans attendre davantage. » (CZ, VII, l.197). Notons qu’en janvier 1892, le taux de change de la livre britannique était de 25 francs français.
29 Le règlement proposé par Kibblewhite ne répond pas exactement à la demande de Zola, qui avait écrit dans sa lettre du 8 janvier : « [J]e voudrais savoir s’il [Kibblewhite] consentirait à donner la somme offerte, tout de suite, dès l’envoi du manuscrit des premiers chapitres. Ces règlements d’argent avec l’étranger », poursuivit-il, « m’ont causé parfois tant d’ennuis, que le mieux est de s’en débarrasser immédiatement. » Zola finit pourtant par accepter la proposition de Kibblewhite.
30 D’origine modeste, John Passmore Edwards (1823-1911) fit fortune dans le monde du journalisme [→ lettre 1, n. 8], et consacra les dernières années de sa vie aux œuvres philanthropiques. À partir de 1889, Edwards fonda bibliothèques, hôpitaux, écoles, maisons de repos et musées. Quelque 70 instituts publics en Angleterre portent son nom comme fondateur. Il établit des bourses à l’université d’Oxford. Peu avide de reconnaissance publique, il déclina la pairie sous le règne de Victoria et encore sous Édouard VII.
31 Robert Harborough Sherard, né à Londres en 1861, était l'arrière-petit-fils du célèbre poète anglais William Wordsworth. Après avoir fait ses études à Oxford, il séjourna à Naples et à Bonn, avant de se fixer en 1882 à Paris, où il fréquentait le salon de Mme Lockroy et noua des liens d’amitié avec Oscar Wilde. Son premier roman, A Bartered Honour, parut en 1883. À partir de 1884, il se lança dans le journalisme comme correspondant parisien de journaux anglais, dont The Daily Graphic et The Weekly Times and Echo. Le 10 juillet 1893, Sherard interviewa Zola dans son appartement de la rue de Bruxelles à Paris afin d’écrire une biographie du romancier que ses éditeurs anglais, Chatto & Windus, avaient demandée. Emile Zola. A Biographical and Critical Study parut à Londres cette même année. Selon The Times, l’ouvrage, peu critique et excessivement louangeux « is no exception to the good rule that a biography should not be written in the hero’s lifetime », bien que « the purely biographical part of the work is as accurate as it is full and interesting » (17 novembre 1893).
Revenu en Angleterre en 1895, il fit paraître une série d’ouvrages sur la vie des ouvriers en Grande-Bretagne, dont The White Slaves of England (1897) et The Cry of the Poor (1901). Il fut également l’auteur de volumes de souvenirs (Twenty Years in Paris, 1905, et Memoirs of a Mug, 1942), ainsi que de nombreuses biographies, dont celles de Daudet, de Maupassant et d’Oscar Wilde. Sherard mourut à Londres en 1943. Ernest Vizetelly cita souvent Sherard dans les préfaces qu’il écrivit pour les romans de Zola.
32 Lettre non retrouvée.
33 Le 22 janvier, Zola écrivit : « J’accepte les propositions du directeur du journal The Weekly Times, c’est-à-dire la somme de cent soixante livres sterling payables par fractions, chaque fois que j’enverrai une partie du manuscrit. » Il ajouta : « Demain, je mettrai, à l’adresse du journal, en un paquet recommandé, le tiers de La Débâcle, c’est-à-dire huit chapitres sur vingt-quatre. » (CZ, VII, l. 205). En fait, selon une lettre de Zola à Vizetelly en date du 25 janvier, c’est le 24 janvier et non le 23 qu’il expédia son manuscrit à Londres (CZ, VII, 1. 207).
34 Voir les lettres 7 et 9.
35 C’est-à-dire la lettre précédente.
36 Zola ne se hâta point d’accepter la proposition du traducteur. Ce ne fut qu’à la suite d’une sollicitation pressante de Vizetelly (lettre 6) qu’il répondit, le 22 janvier : « Le roman commencera à paraître à Paris, le 20 février, dans La Vie populaire. » (CZ, VII, l. 205).
37 « J’hésite à vous mettre en rapport avec La Vie populaire », avoua Zola, « car l’affiche qu’elle fera ne conviendra guère pour Londres. Je préférerais que votre publicité fût faite par vous-même. » (ibid.). Nous n’avons trouvé aucun renseignement sur l’affiche publicitaire du Weekly Times and Echo.
38 Sur la page titre de la traduction anglaise, on lit : « The Downfall (La Débâcle). A Story of the Horrors ofWar by Emile Zola. Translated by Ernest A. Vizetelly, war correspondent 1870-1 ».
39 Il s’agit toujours des propositions faites par Ebenezer Kibblewhite du Daily Times and Echo à propos de la traduction anglaise de La Débâcle. Voir la lettre 4.
40 Vizetelly répond à une lettre de Zola datée du 25 janvier 1892.
41 Dans la lettre précitée, Zola écrivit : « Je viens de recevoir la visite d’un éditeur anglais, M. Heinemann, 21 Bedford Street, W.C., qui m’a témoigné le désir de publier La Débâcle en volume. Vous ferez bien de le voir, dans le cas où l’on pourrait s’entendre avec lui. » (CZ, VII, l. 207).
William Heinemann (1863-1920), éditeur britannique d’origine allemande, fonda sa maison d’édition à Londres en 1890. Maison des plus respectées encore aujourd’hui, la maison Heinemann compta parmi ses auteurs les plus grands noms de l’époque en Angleterre, dont Robert Louis Stevenson. Elle publia également en traduction anglaise les œuvres de Tourguéniev, Tolstoï et Dostoïevski et fonda, avec James Loeb, la « Loeb Classical Library », une collection des principaux textes de l’antiquité gréco-romaine.
42 Sur la publication en feuilleton de La Débâcle en Angleterre, voir la lettre 2, n. 3.
43 Comme on le sait, ce fut la maison Chatto & Windus qui publia La Débâcle, la maison Heinemann n’ayant offert que la somme de 2 000 francs (→ lettre 9). Dans la biographie qu’il consacra à Zola, Emile Zola. Novelist and Reformer, Vizetelly décrivit les difficultés qu’il rencontra lorsqu’il essayait de trouver un éditeur britannique pour sa traduction anglaise du roman (1904, p. 315-317).
44 James McNeill Whistler (1834-1903) avait été nommé chevalier de la Légion d’honneur en novembre 1889, en reconnaissance de sa contribution à l’Exposition universelle. En novembre 1891, le célèbre portrait de la mère de l’artiste, Arrangement in Grey and Black : Portrait of the Painter’s Mother (1871), fut acheté par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pour le musée du Luxembourg. Grand ami depuis longtemps de William Heinemann, Whistler fut promu officier de la Légion d’honneur à la fin de janvier 1892.
45 On lit, par exemple, dans la Pall Mall Gazette du 26 janvier : « The London correspondent of the Glasgow Herald has seen a private letter ffom M. Zola to a friend, in which he refers to his current and projected literary work. M. Zola says that he is at present writing a story the scene of which is laid during the Franco German war, and this will not be completed before April or May. The “Débâcle” will be followed by “Docteur Pascal”, and this will be the last of the Rougon-Macquart series, but it will not, M. Zola thinks, be finished until towards the end of 1893, and, under the most favourable circumstances — if there are no interruptions — not before the end of this year. The hero of “Docteur Pascal” has already been slightly sketched in “La Faute de l’Abbé Mouret”. The new book will work out the notion of a man of science devoted to his researches, and absorbed in them, but living in an unhappy home owing to the faithlessness of his wife. »
46 Voir la lettre précédente, n. 4. En fait, les négociations devaient tramer en longueur, et ce ne fut qu’au début de juillet que l’entente lut confirmée. Voir à ce propos les lettres 9 et 10.
47 C’est le 29 mai que Zola apprit à Vizetelly qu’il avait fait son dernier envoi au Weekly Times and Echo : « J’ai envoyé les dernières pages de La Débâcle au journal », écrivit-il, « et vous avez donc tout le roman entre les mains. » (CZ, VII, l. 252).
48 Voir la lettre 1, n. 14.
49 Dans le 4e chapitre de la première partie du roman, Zola évoque les marches forcées des Prussiens à travers la Champagne et les Ardennes : « Pendant que les Français allaient hésiter et osciller sur place, comme frappés de paralysie brusque, les Prussiens faisaient jusqu’à quarante kilomètres par jour, dans leur cercle immense de rabatteurs, poussant le troupeau d’hommes qu’ils traquaient vers les forêts de la frontière. » (OC, VI, p. 754). C’est à la dernière phrase de ce passage dans la traduction anglaise que Vizetelly ajoute sa note en bas de page : « The marching powers of the German infantry are well known. Before a Prussian recruit is entered in a foot regiment he is carefully examined in order to see whether his feet will bear the strain of long marches, and the greatest attention is paid to the fit of the excellent boots with which he is provided. In war time, moreover, whenever practicable, the knapsacks are conveyed in a cart attached to each company, in order to facilitate rapid motion. Such care is sure to reap its reward. — Trans. » (The Downfall [London, Chatto & Windus, 1892], p. 82).
50 Voir les lettres 9 et 10.
51 Voir la lettre précédente.
52 L’Angleterre se préparait à des élections qui s’annonçaient difficiles pour le Liberal Party. Gladstone tentait de rallier son parti autour de l’idée de « Irish Home Rule », seul moyen selon lui de réconcilier Irlandais et Anglais. Il remporta de justesse les élections, qui eurent lieu en juillet. Il présenta un projet de loi relatif au « Irish Home Rule » en janvier 1893, projet qui fut adopté par la Chambre des Communes mais défait par la Chambre des Lords en septembre 1893.
53 Il s’agit de la maison Chatto & Windus. En 1876, Andrew Chatto (1839-1913), fils d’un publiciste connu, et William Windus (1828-1910) achetèrent la librairie et maison d’édition fondée par John Camden Hotten, maison où Andrew Chatto était entré comme jeune apprenti. À partir des années 1890, William Windus cessa de jouer un rôle actif dans les affaires de la maison Chatto & Windus, et fut remplacé par Percy Spalding (1854-1930), qui faisait partie de la maison dès ses débuts. Chatto & Windus surent s’attirer de nombreux auteurs célèbres, dont Wilkie Collins, Robert Louis Stevenson et Mark Twain.
54 Voir la lettre 1.
55 La traduction anglaise de La Débâcle parut au mois d’octobre 1892. Voir la lettre 12.
56 Peut-être Zola accéda-t-il à la requête de Vizetelly. Le chèque envoyé au romancier par Vizetelly pour terminer les négociations relatives à La Débâcle était de 2 000 francs et non de 2 500 (→ » CZ, VII, l. 314), à moins que Vizetelly n’ait obtenu une somme supplémentaire de Chatto & Windus. Voir la lettre suivante et la lettre 11.
57 Voir la lettre 1, n. 9.
58 Zola ne répondit pas, selon toute vraisemblance, à cette lettre de Vizetelly. Voir la lettre suivante.
59 Voir la lettre précédente.
60 Selon Burns, Zola envoya à Vizetelly deux lettres dans les premiers jours de juillet, qui n’ont pas été retrouvées (1988, p. 75). Vizetelly accusa réception de ces deux missives dans sa lettre du 8 juillet (lettre 12). Marie Vizetelly, la femme du traducteur, fait allusion d’ailleurs à deux lettres de Zola reçues les 2 et 4 juillet, dans lesquelles Zola aurait accepté la proposition de Chatto & Windus (→ lettre 11).
61 En fait le volume parut au mois d’octobre 1892.
62 C’est Marie Vizetelly, femme du traducteur, qui adressa cette lettre au romancier. Née en 1860, Marie Tissot était la septième des huit enfants d’une famille d’agriculteurs savoyards. C’est en mars 1881 qu’elle épousa Ernest Vizetelly, dont elle avait fait la connaissance lors des vacances de celui-ci dans les montagnes de la Savoie. Marie Vizetelly eut quatre enfants : Violette (née en 1882), Victor-René (né en 1884), Dora (née en 1890) et Marie (née en 1891). Elle mourut le 8 décembre 1935.
63 À la suite de la faillite de sa maison d’édition (lettre 1, n. 9), Henry Vizetelly, ruiné financièrement et de santé précaire, s’était retiré à Tilford (Surrey), au sud-ouest de Londres, chez son troisième fils, Arthur (1855-1916).
64 Voir la lettre précédente, n. 2. Il faut croire, d’après la réaction de Marie Vizetelly, que dans sa seconde lettre (celle du 3 juillet), Zola retira l’offre des 500 francs qu’il avait faite dans la première, celle du 1er juillet.
65 Voir les lettres 9 et 10.
66 C’est-à-dire Chatto & Windus.
67 Il s’agit de The Scorpion : A Romance of Spain, qui parut chez Chatto & Windus en 1894. Voir la Bibliographie des traductions et ouvrages d’Ernest Vizetelly en annexe.
68 « Quant aux volumes publiés autrefois par votre père », répondit Zola dans sa lettre du 26 mars, « ils sont également bien entre vos mains, et j’approuverai tout ce que vous ferez pour en tirer parti. » (CZ, VIII, l.80). À partir de 1896, la maison Chatto & Windus fit paraître des traductions des romans dans la série des Rougon-Macquart, publiés par la maison Vizetelly & Co. avant le procès de La Terre. Ces romans furent traduits ou remaniés par Vizetelly lui-même : The Fat and the Thin [Le Ventre de Paris] (1896), The Dram Shop [L’Assommoir] (1897), His Excellency Eugène Rougon (1897), The Fortune of the Rougons (1898), Abbé Mouret’s Transgression [La Faute de l'abbé Mouret] (1900), The Conquest of Plassans (1900), Germinal (1901), The Joy of Life [La Joie de vivre] (1901), et His Masterpiece [L’Œuvre] (1902). Ladies’Paradise et A Love Episode avaient paru chez Hutchinson & Co. en 1895, dans des traductions d’Ernest Vizetelly. Voir, pour de plus amples renseignements, Vizetelly, 1904, p. 542-546, Wilson, 1964, p. 142-144, et King, 1978, chapitres 15 et 22.
69 Voir la lettre précédente, n. 2.
70 Il s’agit des lettres (non retrouvées) des 1er et 3 juillet. Voir la lettre 10, n. 2.
71 Lettre non retrouvée.
72 Voir la lettre 10, n. 3.
73 C’est le 5 octobre que Zola accusa réception d’un chèque au montant de 2 000 francs (CZ, VII, 1.314). « Je vous remercie », écrivit-il, « et je vous en donne reçu. Voilà une affaire terminée. » (ibid.).
74 Sur Robert Sherard, voir la lettre 4, n. 4.
75 Voir la lettre 9, n. 2.
76 En effet, dans les pages liminaires de la traduction Chatto & Windus de La Débâcle, intitulées « Opinions of the Press », on lit un paragraphe extrait de la Army and Navy Gazette : « This long-promised addition to the celebrated Rougon-Macquart series has brought joy to the admirers of M. Zola, and has raised him in the estimation even of those who have no sympathy with his methods. M. Zola has painted for his countrymen, in all its horrors, the downfall of their patrie before the German ; and his strongly-drawn characters march through all the horrors of the war : many of the scenes, let us say, being given in a masterly manner, and with a stem grasp of the psychology of the battle-field. »
77 Aucune traduction d’articles relatifs à La Débâcle par Vizetelly n’a été retrouvée à ce jour.
78 C’est le 5 octobre que Zola autorisa Vizetelly à placer son roman. « Je rentre à Paris », écrivit-il de Monte-Carlo, « et je vais me mettre au Docteur Pascal. [...] C’est un roman intime, de passion, dans le genre d'Une page d’amour et de La Joie de vivre. Son grand intérêt est d’être le dernier volume de la série des Rougon-Macquart. Il ne paraîtra guère dans un journal français avant février. Mais, dès maintenant, vous pouvez chercher à en placer la traduction anglaise à Londres. » (CZ, VII, l. 314).
79 Fondé en 1842, le Lloyd’s Weekly Newspaper, d’orientation libérale, visait la classe moyenne et maintenait son prix de vente le plus bas possible. Boycotté par les vendeurs de journaux pour cette raison, le Lloyd’s organisa son propre système de distribution et de publicité. Le journal couvrait des sujets variés : débats parlementaires, sports, procès, nouvelles militaires, littérature, théâtre, marchés boursiers, etc.
80 Fondé en 1801, ce journal, d’abord sans orientation politique précise, devint libéral dans les années 1870. Comme son prix était assez élevé, il perdit une large part de ses lecteurs de la classe moyenne et ne tirait plus qu’à quelques milliers d’exemplaires à la fin du siècle.
81 Vizetelly vise juste : The Weekly Dispatch (septembre 1801-juin 1928), hebdomadaire londonien, s’adressait à l’époque principalement à la classe ouvrière.
82 En fait, le directeur du People, Sir William Thomas Madge (1845-1925), avait acheté à Zola en 1884 les droits de reproduction en feuilleton de Germinal. L’achat, au prix de 1 000 francs, se fit par l’intermédiaire d’Albert Vandam, le correspondant parisien du Globe. Germinal parut dans The People du 30 novembre 1884 au 26 avril 1885, sous le titre Germinal or Master and Man. Par la suite, la maison du père d’Ernest Vizetelly acheta les droits de reproduction du roman et publia en juin 1885 la première édition anglaise du roman (Vizetelly, 1904, p. 221).
C’est également Albert Vandam qui prépara la traduction anglaise de L’Œuvre, qui parut en feuilleton dans The People. Encore une fois, la maison Vizetelly & Co. acheta au People les droits de publication en volume.
Notons qu’à l’époque de la publication de Germinal, The People était l’hebdomadaire populaire le plus important de l’Angleterre. Fondé en 1881, il se voulait « a weekly newspaper for all classes ». Pour les négociations relatives à la publication de Germinal dans The People, voir CZ, V, l.117 et suivantes et, pour L’Œuvre, CZ, V, l. 245.
83 Reynolds News fut un hebdomadaire londonien du dimanche, d’orientation libérale, voire radicale. Son propriétaire, J.H. Dalziel, et son rédacteur en chef, W.M. Thompson, le destinaient surtout aux classes laborieuses.
84 Plusieurs journaux de la fin du dix-neuvième siècle portèrent ce titre. Il s’agit peut-être ici du Weekly Star fondé en 1875, hebdomadaire illustré qui couvrait avant tout la scène londonienne.
85 Pour la publication en feuilleton de La Débâcle dans The Weekly Times and Echo, voir les lettres 1 et suivantes.
86 En effet, Le Docteur Pascal est sensiblement plus court que La Débâcle (354 pages contre 534 pages dans l’édition Chatto & Windus). La publication du feuilleton dans The Weekly Times and Echo dura pourtant du 19 mars au 20 août 1893.
87 Ce qui fut fait. Le lendemain, Zola écrivit à Vizetelly : « Je vous avoue que je ne croyais pas avoir à baisser mes prix après La Débâcle. Mais, bien que cela me contrarie, je dois vous écouter, puisque vous êtes mieux placé que moi pour juger les choses ; et j’accepte donc ce que m’offre le Weekly Times pour la publication du Docteur Pascal, c’est-à-dire trois mille francs. » Et de poursuivre : « Mais il est bien entendu que vous resterez le maître du volume et que vous le céderez à un éditeur au même prix que le volume de La Débâcle. » (CZ, VII, 1. 329). Sur la vente du Docteur Pascal en volume, voir la lettre suivante, n. 2.
88 C’est-à-dire en trois paiements égaux. Voir la lettre 4, n. 6.
89 À en croire Vizetelly, il avait recommandé La Débâcle à d’anciens correspondants de guerre de sa connaissance qui auraient vraisemblablement gardé des liens dans le monde de la presse (Vizetelly, 1904, p. 317). Toujours selon lui, un article d’Archibald Forbes, dans une revue littéraire, aurait suscité une douzaine d’autres articles de journaux (ibid.).
Dans les pages liminaires de la traduction anglaise de La Débâcle d’ailleurs, Vizetelly cite une dizaine de comptes rendus de sa traduction, dont des articles dans The Spectator du 13 août, The Athenaeum du 27 août, ainsi qu’un article de George Moore, qui parut dans The Fortnightly Review du 1er août 1892. Le rédacteur anonyme de The Athenaeum consacra un long compte rendu fort louangeux au roman. Il apprécia surtout la discrétion dont Zola fit preuve : « Whereas in the previous volumes of the Rougon-Macquart series — in “L’Argent,” which dealt with the lives and doings of stockbrokers and of company-promoters — one or two passages of revolting coarseness are dragged gratuitously into the narrative without having any necessary connexion with its sequence or surroundings, in “La Débâcle,” which treats of the horrors of war with microscopic detail, the author maintains an absolute silence on some of the worst features of a campaign which amateurs of the morbid and horrible would have expected M. Zola to make ghoulish and effective use of. [...] The tale of Sedan has been told a hundred times, but not one of the narrations will have had one-hundredth part of the readers who will make “La Débâcle” their textbook for the crucial disaster of the année terrible. » George Moore, pour sa part, fut moins enthousiaste. Selon lui, « M. Zola’s books are growing more and more diffuse ; it is clear that he has ceased to practise the art of omission. » Il souligna cependant plusieurs passages, dont la description de la bataille de Sedan, qu’il qualifia de « magnificent work ».
90 Voir la lettre précédente, n. 11.
91 Comme pour La Débâcle, Vizetelly céda les droits de la traduction du Docteur Pascal à la maison Chatto & Windus au prix de 2 000 francs. Le volume parut à Londres au début d’août 1893.
92 « Il est donc convenu », répondit Zola le 14 novembre, « que je cède au Weekly Times le droit de publier la traduction anglaise de mon roman Le Docteur Pascal, pour la somme de trois mille francs, et que la lettre que vous m’avez écrite à ce sujet nous tiendra lieu de traité. » (CZ, VII, 1. 336).
93 « Je m’engage, d’autre part », poursuivit-il dans sa lettre du 14, « à ce que le roman ne contienne rien qui puisse offenser la pudeur de vos compatriotes ; et, d’ailleurs, je vous donne le droit de modifier, dans votre traduction, les passages qui vous sembleraient inquiétants. » (ibid.).
Graham King discute dans son étude des traductions anglaises des romans de Zola les suppressions opérées par Vizetelly dans le texte du Docteur Pascal : il relève notamment la grande scène d’amour entre Pascal et Clotilde au chapitre VII, qui est réduite à une demi-douzaine de lignes (1978, p. 410-411). Selon Burns, de telles modifications ne nuisirent pas au succès du volume, qui devint vite un best-seller (1988, p. 79). Notons que le succès du roman en France fut tout aussi remarquable : la première édition fut tirée en mai 1892 à 66 000 exemplaires — les deux romans précédents avaient été tirés à 55 000. En cette même année, on fit neuf rééditions du roman, pour un total de 176 000 exemplaires, chiffre extraordinaire pour l’époque.
94 « Si je le puis », répondit Zola dans sa lettre du 14 novembre, « du 18 au 20 déc., je vous fixerai la date exacte à laquelle on pourra commencer la publication. » (CZ, VII, l.336). Le « mot de rappel » de Vizetelly n’a pas été retrouvé, mais, dans une lettre en date du 7 janvier 1893, Zola écrivit : « Il est très à croire que Le Docteur Pascal commencera à paraître dans La Revue hebdomadaire du 19 mars. Je vous confirmerai prochainement cette date. Si le premier chapitre paraît le 19 mars, le dernier paraîtra le 18 juin. Il faudra que le journal anglais reste dans ces limites. » (CZ, VII, l. 351). En fait, Le Docteur Pascal parut dans La Revue hebdomadaire du 18 mars au 17 juin 1893 et dans The Weekly Times and Echo du 19 mars au 20 août de cette même année.
95 Sur la publication en volume de La Débâcle, voir la lettre 18, n. 3.
96 Selon King, la vente de La Débâcle en Angleterre en 1911 s’éleva à 229 000 exemplaires, le plus fort chiffre pour une traduction d’un roman de Zola (1978, p. 427).
97 Lettre non retrouvée.
98 En fait, Zola n’avait point le don des langues. Lors de l’enquête « médico-psychologique sur la supériorité intellectuelle » qu’il consacra à Zola en 1897, le docteur Édouard Toulouse écrivit : « M. Zola n’est pas un polyglotte. On a vu qu’il avait, au collège, embrassé la bifurcation scientifique, en partie parce que l’étude des langues mortes le rebutait. [...] Il ne parle aucune langue vivante étrangère. » (Toulouse, 1897, p. 211-212). Lors de l’exil en Angleterre (juillet 1898-juin 1899), il s’initia pourtant à l’anglais. Voir la lettre 102, n. 5.
99 Les Zola avaient séjourné à Lourdes du 18 août au 1er septembre 1892 : bien qu’il n’eût pas encore terminé sa série des Rougon-Macquart, Zola s’y documentait en vue du premier volume de sa prochaine série romanesque, Les Trois Villes. Le 30 octobre 1892, il dit à un reporter du Temps qu’il voulait, avec Lourdes, Rome et Paris, « établir le bilan religieux, philosophique et social du siècle — en mêlant, bien entendu, une action romanesque à ces considérations qui, toutes nues, seraient vraiment trop arides. »
100 Robert Williams Buchanan (1841-1901) fit ses débuts dans le journalisme avant de commencer sa carrière de poète et de romancier. Il publia son premier recueil de poésies, Idylls and Legends, en 1865. En 1876 parut The Shadow of the Sword, le premier d’une longue série romanesque. Il fut également l’auteur de God and the Man (1881) et A Nine Days Queen (1880).
101 Dans La Débâcle, Zola brosse un portrait de la défaite de l’armée française devant les troupes prussiennes à Sedan, la chute de l’Empire, le siège de Paris et les événements de la Commune. Selon Becker, il choisit comme personnage principal non un individu, mais un groupe de soldats, ayant à leur tête le caporal Jean Macquart. Paysan, Jean Macquart se lie d’amitié avec Maurice Levasseur, « type du bourgeois lettré ». Les deux hommes, aux yeux de Zola, représentent les deux France : Jean représente la France saine et sage, Maurice la France exaltée, « s’emportant contre les injustices dans des rêves fous ». Lorsque Jean entre à Paris avec les Versaillais, il blesse accidentellement Maurice qui se bat aux côtés des communards. Maurice meurt de sa blessure, et Jean s’en va « à l’avenir, à la grande et rude besogne de toute une France à refaire ». (Becker, 1993, p. 102).
102 The Wandering Jew : A Christmas Carol venait de paraître à Londres chez Chatto & Windus. Selon le biographe de Buchanan : « The conception of the poem was a terrible as well as a pathetic one — that of a Christ grown grey and old, despairing and heartbroken, surviving through the ages, and finding at every stage that He is forgotten by the very Churches and denied even the poor tribute of occasional imitation. [...] The publication of the Wandering Jew caused more stir than anything which the poet had given to the world for many years. It was taken up by the clergy and made the text of innumerable sermons both in London and the country, and finally it was made the subject of a most interesting series of letters which appeared in the columns of the Daily Chronicle under the heading “Is Christianity Played out ?” The poet, I need hardly say, was responsible for some of the most interesting of these letters [...]. » (1903, p. 259).
103 Il n’est plus jamais question, dans la correspondance Vizetelly-Zola, de cette nomination, sur laquelle nous n’avons retrouvé aucun renseignement.
104 Ce fut effectivement Vizetelly qui obtint le droit de traduire Lourdes et Rome ; cependant, il éprouva beaucoup de mal à les vendre en feuilleton en Angleterre et aux États-Unis. Voir à ce propos la lettre 33 et la lettre 46, n. 11.
105 En fait, il existait en 1893 au moins trois éditions pirates américaines de L’Argent, dixième roman de la série des Rougon-Macquart, paru chez Charpentier et Fasquelle le 14 mars 1891. Le National Union Catalogue relève les éditions suivantes : Money, a realistic novel, traduit par Max Maury et publié chez Laird & Lee à Chicago en 1891 ; Money, traduit par Kendall Warren et publié également à Chicago par la Nile Publishing Company [1891], et enfin Money, traduit par Benjamin R. Tucker, publié à New York chez Worthington Company en 1892.
106 Dans le roman, le financier Aristide Saccard, caractérisé par Zola comme « capitaine d’aventures » et « poète des affaires », rêve de conquérir Paris en dominant les mécanismes de la Bourse. Saccard se lie avec la belle baronne Sandorff, et Zola décrit ainsi la scène d’amour entre les deux protagonistes : « Devant le grand feu, aux braises ardentes, Saccard était sur le dos, couché au bord de la chaise longue, n’ayant gardé que sa chemise, qui, roulée, remontée jusqu’aux aisselles, découvrait, de ses pieds à ses épaules, sa peau brune, envahie avec l’âge d’un poil de bête ; tandis que la baronne, entièrement nue, toute rose des flammes qui la cuisaient, était agenouillée ; et les deux grosses lampes les éclairaient d’une clarté si vive, que les moindres détails s’accusaient, avec un relief d’ombre excessif. » (OC, VI, p. 504).
En parlant du roman (en version française) dans The Athenaeum, le critique anglais (anonyme) relève « one or two passages of revolting coarseness [which] are dragged gratuitously into the narrative without having any necessary connexion with its sequence or surroundings » (27 août 1892, p. 278). Dans la traduction de Vizetelly, la scène est omise.
107 Le 1er avril, Zola s’excusa de ne pas avoir répondu plus tôt à cette lettre de Vizetelly. Il poursuivit : « Quant au prix, il m’est difficile de vous le fixer. Voyez vous-même ce que vous pourrez tirer d’un éditeur, et faites-moi ensuite une offre, que j’accepte d’avance, si elle est raisonnable. » (CZ, VII, 1. 375). Pour les suites de l’affaire, voir la lettre 22.
108 « Si vous placez en librairie la traduction de L’Argent », poursuivit Zola dans sa lettre du 1er avril, « je vous autorise parfaitement à introduire, dans cette traduction, les modifications que vous jugerez indispensables. » (CZ, VII, l.375).
Dans la préface qu’il écrivit pour sa traduction de L’Argent, Vizetelly avoua qu’il lui avait fallu modifier sensiblement le texte de Zola : « In preparing the present version for the press I have followed the same course as I pursued with regard to “Dr. Pascal.” Certain passages have been condensed, and others omitted ; and in order to reconnect the narrative brief interpolations have here and there been necessary. Nobody can regret these changes more than I do myself, but before reviewers proceed to censure me (as some of them did in the case of “Dr. Pascal”), I would ask them to consider the responsibility which rests upon my shoulders. If they desire to have Verbatim translations of M. Zola’s works, let them help to establish literary freedom. » (p. xiii). Vizetelly souligne d’ailleurs dans sa préface le côté selon lui moralisateur et réformateur du roman : « A work [...] which exposes the evils of “speculation,” [...] which demonstrates how the public is fooled and ruined by the brigands of Finance, is evidently a work for the times, even though it deal with the Paris Bourse instead of with the London market. For the ways of the speculator, the promoter, the wrecker, the defaulter, the reptile journalist, and the victim, are much the same all the world over ; and it matters little whence the example may be drawn, the warning will apply with as much force in England as in France. » (p. vii).
109 Sur l’accueil du Docteur Pascal, voir la lettre 14, n. 4.
110 « Une de mes meilleures photographies », écrivit Zola dans sa lettre du 1er avril, « se trouve chez Liébert, photographe, rue de Londres. » (CZ, VII, 1. 375). En effet, un portrait de Zola par Liébert parut en tête de la traduction anglaise du Docteur Pascal, publiée chez Chatto & Windus. Né en 1826, Alphonse Liébert fut officier de marine avant de devenir photographe. Auteur de plusieurs ouvrages techniques, dont La Photographie en Amérique (1864), il fut un des premiers photographes à employer pour ses portraits la lumière électrique (CZ, VI, l. 456).
111 À la fin du mois d’avril, Zola reçut une invitation de la part de l’Association générale des étudiants de Paris pour présider le banquet annuel de leur société (CZ, VII, l. 379). Selon la lettre qu’il reçut de Paul Wiriath, à l’époque président de l’Association, les étudiants avaient pour tradition d’offrir la présidence du banquet annuel « à un homme, qui par son talent, son génie littéraire, scientifique ou artistique, fai [sait] honneur à l’esprit français » (B.N., MSS, n.a.f. 24510, f° 631).
Le banquet eut lieu le 18 mai, à l’hôtel Moderne, place du Château d’Eau. Devant un reporter du Gaulois, Zola réfuta l’idée, courante à l’époque, que la science avait fait banqueroute, et il fit de son discours « un hosannah au travail et à la science » (18 mai). « La science a-t-elle promis le bonheur ? Je ne le crois pas. Elle a promis la vérité, et la question est de savoir si l’on fera jamais du bonheur avec la vérité. » Pour Zola, la réponse aux incertitudes et aux tourmentes de la vie se trouvait dans le travail. « Le travail ! Messieurs, mais songez donc qu’il est l’unique loi du monde, le régulateur qui mène la matière organisée à sa fin inconnue ! [...] Je sais qu’il est des esprits que l’infini tourmente, qui souffrent du mystère, et c’est à ceux-là que je m’adresse fraternellement, en leur conseillant d’occuper leur existence de quelque labeur énorme dont il serait bon même qu’ils ne vissent pas le bout. [...] Un homme qui travaille est toujours bon. Aussi suis-je convaincu que l’unique foi qui peut nous sauver est de croire à l’efficacité de l’effort accompli. Certes, il est beau de rêver d’éternité. Mais il suffit à l’honnête homme d’avoir passé, en faisant son œuvre. » (OC, XII, p. 682-683).
Le discours eut un retentissement énorme : tous les quotidiens de Paris le citèrent et le commentèrent longuement. Chez Fasquelle, il parut en brochure, intitulé Le Travail.
112 En effet, des extraits du discours de Zola parurent dans The Daily Telegraph du 20 mai et dans The Times de la même date. Selon le rédacteur du Times, « It was a delightful discourse on the saving quality of work ; but perhaps the most interesting aspect of M. Zola’s remarks was the evidence that they afforded of the softening influence of time and experience on the temperament of a writer who has been one of the hardest fighters in the contemporary French literary movement. »
113 Voir la lettre 19, n. 3.
114 Voir la lettre 22.
115 L’arbre généalogique de la famille Rougon-Macquart qui figure dans l’édition française du Docteur Pascal fut reproduit en traduction dans les pages liminaires de l’édition Chatto & Windus sous forme de tableau. Vizetelly inclut ce tableau dans sa préface, ainsi que le texte d’une interview que Zola avait accordée à Robert Sherard en mars 1893 et qui avait paru dans The Weekly Times and Echo du 12 mars.
116 Le Docteur Pascal parut en volume chez Charpentier et Fasquelle le 19 juin 1893.
117 En fait, la traduction de Vizetelly parut à Londres, chez Chatto & Windus, à la fin du mois de juillet.
118 Voir la lettre précédente.
119 Ce projet ne vit pas le jour. Voir la lettre 22.
120 Mary Elizabeth Braddon (1837-1915), journaliste, dramaturge et romancière, connut son premier grand succès en 1862 avec Lady Audley’s Secret. Elle fut l’auteure de plus de 70 romans, dont des best-sellers de l’époque comme Henry Dunbar (1864) et Miranda (1913).
121 Fils d’un pasteur protestant canadien, Grant Allen (1848-1899) fut l’auteur de très nombreux livres dans plusieurs domaines. Bien qu’il mourût jeune, il écrivit des douzaines de romans, dont plusieurs best-sellers pour la maison Chatto & Windus : The Beckoning Hand (1888), The Jaws of Death (1889), The Scallywag (1893), Miss Cayley’s Adventures (1899). Allen s’adonna également à la science : Force and Energy. A Theory of dynamics (1885), Common Sense Science (1886) ; aux récits de voyage : Cities of Belgium (1897), Florence (1897), Paris (1897) ; à la psychologie : The Colour-Sense (1879), The Evolution of the Idea of God (1897) ; et à la nature : The Colours of Flowers (1882), Flashlights on Nature (1898).
122 Dans sa préface, Vizetelly souligne le côté sentimental du Docteur Pascal : « Blended with the author’s disquisitions on philosophical and religious questions will be found the most pathetic love story that has yet corne from his pen. » (p. viii). La scène de la mort du docteur se trouve au douzième chapitre du roman (OC, VI, p. 1351-1372).
123 Voir la lettre précédente, n. 3. Quatre jours plus tard, Zola accusa réception du volume (CZ, VII, 1. 429).
124 En réalité, ce n’est que le 2 septembre que Vizetelly envoya à Zola les 2 000 francs qui lui étaient dus pour la publication du roman en volume chez Chatto & Windus. Voir la lettre 24.
125 Le discours de Zola au banquet de l’Association générale des étudiants de Paris avait paru dans le numéro 50 de The New Review (juillet 1893), sous le titre « Life and Labour ». Sur le discours de Zola, voir la lettre 17, n. 1.
126 « Lorsque vous m’enverrez la somme qui m’est due pour ce volume », écrivit Zola le 5 août, en faisant allusion à la traduction du Docteur Pascal, « le mieux serait d’y joindre la somme de soixante-quinze francs que vous m’offrez pour ma part, dans votre petite affaire de mon discours aux étudiants. » (CZ, VII, l. 429).
127 « Autre chose, et très importante », ajouta Zola dans sa lettre du 5 août. « Je suis en effet invité au congrès des journalistes qui se tiendra au palais de Cristal, et je vais sans doute accepter. C’est pourquoi je vous prie de m’envoyer les renseignements que vous m’offrez, par retour du courrier, s’il est possible. » (ibid.) Voir la lettre suivante. Effectivement, l’Institut des journalistes anglais invita Zola, en sa qualité de président de la Société des Gens de lettres et comme ancien journaliste, à participer à son congrès annuel qui eut lieu à Londres du 21 au 26 septembre 1893 et qui réunit 3 500 journalistes venus de toute l’Angleterre. Le congrès eut lieu au Lincoln’s Inn Hall à Londres, et fut couronné par un grand banquet au Crystal Palace, édifice de verre et d’acier bâti par Sir Joseph Paxton pour l’Exposition universelle de 1851. Zola y lut un discours fort bien accueilli sur l’anonymat dans la presse, les journalistes anglais n’ayant pas l’habitude à l’époque de signer leurs articles. Pour le texte du discours de Zola, voir OC, XII, p. 687-694. Sur cette visite, triomphale pour Zola à tous les égards, voir les lettres suivantes, ainsi que Vizetelly, 1904, p. 324-336 et Burns, 1986.
128 C’est-à-dire Chatto & Windus.
129 Pour les pourparlers relatifs à la publication de la traduction anglaise de Lourdes, voir les lettres 22 et suivantes.
130 C’est-à-dire la lettre de Zola du 5 août (CZ, VII, 1.429). Voir la lettre précédente, n. 5. En fait, c’est George Petilleau, le représentant de la Société des Gens de lettres en Angleterre, qui avait, le premier, parlé à Zola de cette invitation. Dans une lettre datée du 25 juillet, Petilleau écrivit : « Vous connaissez certainement The Royal Institute of Journalists (“Incorporated by Royal Charter”). On m’a fait l’honneur de m’élire membre du comité de réception des hôtes du prochain congrès de Londres (21-26 septembre) et, comme tel, on m’a chargé de proposer une liste de sept journalistes parisiens. [...] Il va sans dire que je vous ai mis en tête de liste. M. Lucien Wolf [→ n. 10], continental editor du Daily Graphic a dû vous envoyer votre invitation à Médan avec l’énorme programme du congrès. [...] En dehors du speech obligatoire, je vous conseille de rédiger quelques lignes sur ce sujet : “De l’anonymat en matière de journalisme”. J’ai entendu, samedi, mes collègues de l’Institute discuter cette question, et j’ai dit : “Si Zola voulait vous donner son opinion, ce serait le clou du congrès.” » (B.N., MSS, n.a.f., 24523, fos 3-4).
131 Fondé à Birmingham en 1884, The Institute of Journalists, dont le siège se trouvait au 74, Fleet Street, Londres, avait reçu sa charte royale en 1890. À l’époque, il comptait plus de 3 500 membres et fut présidé par Charles Russell, directeur du Glasgow Herald. L’Institut fusionna en 1946 avec The National Institute of Journalists. Pour de plus amples renseignements, voir Lee, 1976 et Burns, 1986.
132 Sur l’accueil fait en Angleterre à la publication de La Débâcle, voir la lettre 13, n. 12.
133 Rappelons que Henry Vizetelly fut condamné à trois mois de prison pour attentat aux bonnes mœurs à la suite de la publication d’une traduction anglaise de La Terre. Voir la lettre 1, n. 9.
134 Cette liste s’étale sur deux pages manuscrites de la lettre de Vizetelly. En marge de la première page, où on trouve les titres La Fortune des Rougon jusqu’à Au Bonheur des Dames, Vizetelly écrivit : « ne se vendent qu’en français. Le gouvernement a menacé de poursuites quiconque vendrait des traductions en anglais ». En marge de la deuxième page, où on trouve les titres La Joie de vivre jusqu’à Le Capitaine Burle, on lit : « Ces ouvrages ne circulent qu’en français ici. Le gouvernement a menacé de poursuites quiconque les publierait en anglais. » Pour la liste des traductions anglaises de ces romans, voir la Bibliographie des traductions et ouvrages de d’Ernest Vizetelly en annexe.
135 Vizetelly se trompe. En 1891, T.B. Peterson de Philadelphie avait publié une traduction anglaise de La Bête humaine, intitulée The Human Beast, due à la plume de G.D. Cox. Sur les traductions américaines de L’Argent, voir la lettre 16, n. 1.
136 Affirmation déjà faite par Vizetelly dans sa préface de L’Argent. Voir la lettre 16, n. 4.
137 Dans sa lettre du 8 août, Zola répondit : « Si je n’ai pas répondu tout de suite [à l’invitation de l’Institut], c’est que, comme vous, je me suis méfié. Il me semble pourtant difficile qu’on m’invite pour me mal recevoir. Cela manquerait absolument de courtoisie. Je ne désire pas que la presse anglaise s’engage à chanter mes louanges, mais je voudrais être certain qu’elle soit simplement polie, pendant que je serai son hôte. Toutes sortes de raisons me font désirer d’être bien reçu à Londres. Veuillez donc faire votre petite enquête le plus tôt possible, et me dire ce que vous pensez franchement de la situation. Il m’est difficile de faire attendre ma réponse au delà de quelques jours. » (CZ, VII, l. 430). Voir la lettre 22.
138 Nouvelle sans fondements. Voir la lettre suivante.
139 « La lettre d’invitation officielle que j’ai reçue », écrivit Zola dans sa lettre du 8 août, « porte les signatures de M. Lucien Wolf, directeur du Daily Graphic, je crois, et de M. Albert Raphael, secrétaire. La lettre a un en-tête imprimé », poursuivit-il, « “The Institute of Journalists (incorporated by royal charter)”. J’oubliais de vous dire », ajouta le romancier en post-scriptum, « que l’invitation est adressée à M. Émile Zola, président de la Société des Gens de lettres. » (CZ, VII, l. 430).
Lucien Wolf (1857-1930), principal rédacteur des nouvelles européennes au Daily Graphie, était le président du comité chargé d’accueillir les invités étrangers de l’Institut des journalistes. Voir CZ, VII, l.455. Albert Raphael, de son vrai nom Albert Raphael Borrill, était le secrétaire du comité présidé par Wolf. Albert Raphael fut l’auteur d’ouvrages sur la chiromancie et l’astrologie, dont Earthology, publié en 1901. La lettre d’invitation en question n’a pas été retrouvée.
140 Vizetelly ne réussit pas à joindre le romancier irlandais (→ lettre 24, n. 4). Sur George Moore, voir la lettre 1, n. 10.
141 Il s’agit d’un entretien avec Herbert Cornish, secrétaire de l’Institut des journalistes. Voir la lettre précédente.
142 Selon Colin Burns, une douzaine de journalistes français éminents, dont Francis Magnard, Fernand Xau, Aurélien Scholl et Pierre Mille avaient été invités au congrès (1986, p. 45).
143 En fait, le congrès s’ouvrit le 21 août à Lincoln’s Hall Inn dans la Cité de Londres. Sir Charles Russell, « attorney-general » dans l’administration de Gladstone, fit un discours de bienvenue aux congressistes.
144 Dans ses « Notes sur Londres », Zola décrivit l’Institut impérial comme « un bâtiment colossal, des salles, des corridors immenses » (Burns, 1986, p. 65).
145 La soirée du 22 août, offerte par le Lord Mayor de Londres, Sir Stuart Knill (1824-1898) au Guildhall, fut brillante. Devant les 4 000 invités, les Zola furent accueillis comme des souverains : « Le soir, au Guildhall, triomphe. [...] Un défilé royal, nous marchons ma femme et moi devant le lord maire. Les trompettes qui sonnent, et la descente de l’escalier dans l’immense salle de bal, haute comme une salle d’église. [...] Nos noms (M. Zola ! Mme Zola !) jetés à pleine voix par l’huissier. Les applaudissements redoublent. Très beau, très émouvant. » (ibid., p. 66).
146 Lors du banquet, Zola se trouva assis à côté du Lord Mayor. À la fin du repas, Charles Williams, président de la section londonienne de l’Institut, porta un toast à la santé des invités étrangers. Dans sa réponse, Zola parla de la littérature comme moyen d’abolir les querelles entre nations, ainsi que les débats entre écoles littéraires. « Je bois donc, messieurs », conclut-il, « à la patrie commune, à l’immortelle littérature. Je bois à tous nos grands écrivains, puisqu’ils nous rendent frères. Je bois à tous les talents, à tous les génies, qu’ils viennent de la réalité ou qu’ils viennent du rêve. Je bois à l’intelligence humaine, souveraine du monde. » (ibid., p. 54).
147 Le dimanche 24, Zola participa à une excursion à Taplow, ville à l’ouest de Londres où vivait Sir Edward Lawson, ancien président de l’Institut des journalistes et, en 1893, directeur et propriétaire du Daily Telegraph. Après avoir assisté à cette garden-party, Zola et ses confrères dînèrent chez Campbell Clarke, correspondant parisien du Daily Telegraph. Zola raconta d’ailleurs son après-midi à Taplow dans une interview qu’il accorda à un rédacteur du Temps à son retour de Londres : « Sir Edward Lawson, le directeur du Daily Telegraph m’a invité à une garden party dans sa propriété de Taplow. Le pays est délicieux. Les femmes rament elles-mêmes ou dirigent les canots à l’aide d’une perche. Il y a des bateaux où l’on donne des soirées, des bals avec orchestre, des fêtes vénitiennes. C’est toute une vie de rivière, d’une charmante originalité. » (Le Temps, 3 octobre 1893).
148 Zola ne participa pas à cette excursion, où 800 journalistes se rendirent à Portsmouth dans des trains spéciaux, afin de visiter les docks, les musées et les navires de guerre.
149 En fait, la réception fut offerte par Sir Augustus Harris, dramaturge et directeur de théâtre, à l’Opéra de Covent Garden.
150 Hatfield House, propriété magnifique dont les parties les plus anciennes datent du quinzième siècle, fut le château de Robert Cecil, Marquis de Salisbury, alors chef du parti conservateur britannique, et ancien premier ministre de l’Angleterre (1885-1892).
151 Rien n’indique que Rowland Strong accompagna les Zola lors de leur voyage en Angleterre. On sait, par contre, que Vizetelly, Robert Sherard et George Petilleau les accueillirent à Calais.
152 En réalité, les Zola furent logés au Savoy Hotel, toujours un des hôtels les plus luxueux de la capitale.
153 Voir la lettre 28, n. 4.
154 La Fin du monde, par Camille Flammarion, illustré par Laurens, Rochegrosse et Méaule, parut d’abord en feuilleton, puis chez Ernest Flammarion au début de 1894.
155 Vizetelly fait allusion à une note parue dans The Star, selon laquelle aucune invitation n’avait été adressée à Zola (lettre précédente).
156 Vizetelly répond à deux lettres de Zola, la première datée du 18 août et la deuxième du 22 août. Dans sa première lettre, Zola apprit à Vizetelly qu’il avait accepté officiellement d’assister au congrès annuel de l’Institut des journalistes anglais (→ lettres 20 et 21). « Ce serait très amiable à vous », poursuivit Zola, « de me tenir informé de tout incident qui pourrait se produire, et je me fie à vous également pour me faire savoir aussitôt que possible à quel toast je devrai répondre. » Zola ajouta qu’on lui avait demandé de prononcer quelques paroles sur l’anonymat dans la presse. « C’est une question importante pour les Anglais, n’est-ce pas ? Vous seriez bien aimable de me dire votre avis là-dessus, et ce que la majorité des journalistes anglais en pensent. Je voudrais connaître le terrain d’avance. » (CZ. VII, 1.439).
N’ayant pas reçu de réponse de Vizetelly, Zola revint à la charge le 22 août : « Je prépare les quelques pages que je peux écrire sur l’anonymat dans la presse anglaise [→ lettre 20, n. 1], et j’attends les renseignements que vous voudrez bien me donner. » Et Zola de poser une question supplémentaire : « Est-ce que la critique littéraire et artistique est aussi anonyme en Angleterre ? Je veux dire, est-ce que vos critiques, ceux qui jugent les livres et les œuvres d’art, ne signent pas non plus leurs articles ? Donnez-moi donc quelques renseignements là-dessus », écrivit-il en guise de conclusion, « dites-moi bien nettement quelle est la situation de la critique chez vous, si elle compte des hommes remarquables, si on la connaît, si on se passionne pour ou contre elle. » (CZ, VII, l. 440).
Les notes fournies par Vizetelly n’ont pas été retrouvées, mais Zola en remercia Vizetelly dans une lettre du 27 août : « Je vous remercie mille fois de l’envoi de vos excellentes notes, qui vont me permettre de faire un travail intéressant. » (CZ, VII, l. 441). On sait d’ailleurs que George Petilleau (→ lettre 20, n. 1) lui avait également fourni des notes. Dans une lettre datée du 1er septembre, Petilleau conseilla au romancier de parler de « l’utilité incontestable d’une espèce d’internationale de la presse politique, ou mieux de la presse parlementaire », qui représentait, aux yeux de Petilleau, « la diplomatie de l’avenir et l’avenir de la diplomatie » (B.N., MSS, n.a.f. 24523, f° 6).
157 En fait, Vizetelly exagère quelque peu : L’Argent parut chez Charpentier le 14 mars 1891.
158 À cette offre, venue sans doute de la maison Chatto & Windus, Zola répondit le 27 août : « Je m’en remets absolument à vous pour toutes mes affaires de traduction, et il suffit que vous me disiez qu’un traité est bon pour que je l’accepte ; car je vous crois dévoué à mes intérêts et vous êtes bien placé pour décider de tout. J’accepte donc », poursuivit-il, « la somme de 1750 francs pour ma part dans l’affaire de L’Argent. » (CZ, VII, l. 441). La traduction anglaise de L’Argent (Money) parut chez Chatto & Windus le 26 avril 1894.
159 Quotidien à un sou (« penny daily »), le New York Herald fut fondé en 1835 par James Gordon Bennett (1795-1872) qui, durant les premières années de l’existence du journal, exerçait les fonctions d’éditeur, de reporter et de lecteur d’épreuves tout à la fois. Bennett publia le premier une rubrique sur la bourse, qui devint rapidement fort appréciée. En 1836, Bennett négocia une entente avec un fabricant de produits pharmaceutiques, ce qui lui assura l’indépendance financière. Pendant la guerre contre le Mexique (1846), Bennett mit en place un réseau de correspondants, qui fournissaient des rapports sur la guerre aux bureaux de New York. De même, pendant la guerre civile, Bennett avait quelque 60 correspondants de guerre en place. Pour devancer ses compétiteurs dans le domaine des nouvelles européennes, Bennett maintenait des navires sur la côte est des États-Unis, qui allaient à la rencontre des bateaux européens afin d’obtenir les dernières nouvelles.
Juste avant la mort de son père, en 1872, James Gordon Bennett fils (1841-1918) assura la direction du journal. Innovateur comme son père, il ne changea point l’orientation du journal : en 1871, il envoya Henry M. Stanley en Afrique, à la recherche du missionnaire David Livingstone.
160 Journal indépendant de tendance conservatrice, The Pall Mall Gazette. An Evening Newspaper and Review s’adressait à un public bourgeois cultivé. Publié du 7 février 1865 au 27 octobre 1923, le journal s’occupait surtout de la politique, tant intérieure qu’extérieure, avec un grand réseau de correspondants à l’étranger. Dirigé à l’époque par K. Clarke, The Pall Mall Gazette traitait également de la littérature, des nouvelles financières et sportives.
161 Sur la publication en feuilleton de La Débâcle dans The Weekly Times and Echo, voir la lettre 1.
162 En fin de compte, les négociations avec The Pall Mall Gazette échouèrent : Zola et Vizetelly durent se contenter de la publication du roman en volume chez Chatto & Windus à l’automne de 1894. Voir la lettre 35.
163 « J’accepte les 6 000 ff. pour la publication de la traduction anglaise de Lourdes dans la Pall Mall », écrivit Zola dans sa lettre du 27 août. « Seulement, pour [Lourdes], tâchez de trouver un bon éditeur, car j’avais espéré que le journal et le volume me donneraient une dizaine de mille francs. » (CZ, VII, l. 441).
164 C’est le 2 septembre que Vizetelly envoya à Zola un chèque au montant de 2 075 francs. Voir la lettre 24. Rappelons que le romancier avait cédé les droits du volume à la maison Chatto & Windus au prix de 2 000 francs. Vizetelly ajouta les 75 francs qu’il avait promis à Zola pour la traduction de son discours prononcé au banquet annuel de l’Association générale des étudiants de Paris (lettre 19, n. 4).
165 Voir la lettre 1, n. 13.
166 On sait qu’il existait avant 1893 au moins trois éditions pirates américaines de L’Argent (lettre 16, n. 1). Nous ignorons de quelle traduction il s’agit dans cette lettre.
167 En fait, George Petilleau était à l’époque le représentant de la Société des Gens de lettres en Angleterre (lettre 20, n. 1). Président de la National Society of French Masters in England, il était alors professeur au collège Charterhouse à Godalming (Surrey), l’une des écoles privées les mieux connues du pays. Il fut également président de l’Alliance française (région des Îles britanniques), et l’auteur d’éditions scolaires de nombreuses œuvres littéraires contemporaines, dont L’Abbé Constantin (1888) et Le Petit Chose (1892). Il collabora au journal français de Londres, Le Courrier de Londres et de l’Europe. Petilleau joua un rôle important dans l’organisation du séjour de Zola à Londres : il conduisit Zola à l’hôpital français à Londres et à la Société nationale française d’Angleterre.
168 Vizetelly se trompe vraisemblablement de titre de journal. La Pall Mall Gazette ne publia pas d’entrefilet relatif à Zola pour la période en question.
169 « J’ai en effet reçu la visite de plusieurs reporters anglais », répondit Zola dans une lettre du 30 août. « Mais si celui de la Pall Mall Gazette est venu, il n’a pas été du tout question de Lourdes entre nous. » (CZ, VII, l.444). Sur le journal en question, voir la lettre 22, n. 5.
170 Sur l’accueil que fit la critique anglaise au Docteur Pascal, voir la lettre 14, n. 4.
171 « Whilst the translation was appearing in the columns of the Weekly Times and Echo, in which it was first issued », écrivit Vizetelly dans la préface de sa traduction du roman, « I was favoured [...] with numerous letters — a few of praise, and many of blame and abuse. If I mention this matter, it is because one of my correspondents brought forth an objection to the story which may possibly occur to other readers of it now that it is issued in book form. It was pointed out to me as most wrong and most unnatural that an uncle and a niece should fall in love with one another [...]. I am wholly against intermarrying ; there is nothing I more strongly deprecate. But, on the other hand, to those who feel like my correspondent on this question, I would point out that marriages between uncles and nieces are perfectly legal in France, as in other countries of Europe ; while, with regard to the religious aspect of the question, I am assured that the Holy Father annually grants hundreds, if not thousands, of dispensations to enable such marriages to be solemnized in accordance with the rites of the Catholic Church. » (p. viii-ix).
172 « Lourdes aura à peu près la longueur de La Débâcle », écrivit Zola dans sa lettre du 30 août. « Mais je vais faire tous mes efforts pour qu’il soit plus court d’un cinquième, car ces volumes trop longs sont désastreux en France. » (CZ, VII, l.444). En fait, Lourdes comporte 598 pages dans l’édition originale de Charpentier et Fasquelle, tandis que La Débâcle en comporte 636 dans la même édition.
173 Voir la lettre 19, n. 2.
174 Rappelons que la traduction de L'Argent avait été vendue à la maison Chatto & Windus (lettre 22, n. 7).
175 Vizetelly ne réussit pas à vendre sa traduction à la Pall Mall Gazette. Voir la lettre 22.
176 « Je vous remercie de m’avoir envoyé l’adresse de George Moore à Londres », écrivit Zola le 6 septembre. « Il va sûrement m’écrire. » (CZ, VII, L 449). George Moore écrivit à Zola en effet le 6 septembre même : « Je viens d’apprendre par votre agent que vous désirez m’écrire à propos de votre voyage à Londres. J’ignore la raison de cette démarche. Évidemment, je suis à votre disposition et je serai très heureux de vous voir. Je ne sais pas encore, mais peut-être serai-je forcé d’aller à Paris vers la fin du mois. Mais je ferai mon possible pour être à Londres à l’époque de votre visite. » (B.N., MSS, n.a.f. 24522, f° 392). Selon Burns, Zola rencontra effectivement Moore pendant son séjour à Londres et c’est Moore qui accompagna le romancier lors de sa visite à Greenwich (Burns, 1988, p. 91). La lettre par laquelle Vizetelly communiqua l’adresse de Moore à Zola ne nous est pas parvenue.
177 La Société des auteurs anglais (The Authors’Club) fut fondée en 1884 par Walter Besant (→ n. 2), qui la présida jusqu’en 1892. Ce fut Sir Frederick Pollock (1845-1937), juriste, philosophe et écrivain, qui présida la société à l’époque de la visite de Zola à Londres. Ayant fait des études à Eton et à Trinity College, Cambridge, il devint avocat en 1871 et professeur de droit à l’Université d’Oxford de 1883 à 1903. Il fut l’auteur de plusieurs livres, dont Principles of Contract at Law and in Equity (1876) et Spinoza, His Life and Philosophy (1880).
178 Walter Besant (1836-1901), à partir de 1895 Sir Walter Besant, fit des études à King’s College, London et à Cambridge. Il fut professeur à l’île Maurice avant de se consacrer à la littérature. En 1871, il se lia avec James Rice, avec qui il écrivit de nombreux romans, dont Ready-Money Mortiboy (1872) et The Steamy Side (1881). Seul, il fut l’auteur de nombreux ouvrages qui décrivaient les misères de l’« East End » de Londres et qui réclamaient des réformes sociales : AU Sorts and Conditions of Men (1882), Children of Gibeon (1886). Comme résultat de ses réclamations, Besant vit construire à Londres, en 1887, le People’s Palace, lieu de récréation pour tous. Besant fut également le secrétaire du Palestine Exploration Fund, et le premier président de la Société des auteurs anglais.
179 Né à Portsmouth en 1828, George Meredith fit son droit avant de devenir écrivain. Très peu lu à ses débuts, Meredith écrivait pour The Fortnightly et travaillait comme lecteur d’épreuves. Son premier succès littéraire, Diana of the Crossways, parut en 1885. La vie conjugale troublée de Meredith influença fortement son écriture romanesque, et le thème de la lutte des sexes colore beaucoup de ses œuvres. Meredith s’intéressa également au darwinisme, et notamment au processus de la sélection naturelle. Poète ainsi que romancier, il mourut en 1909. Citons, parmi ses ouvrages, Harry Richmond (1871), Poems and Lyrics of the Joy on Earth (1883), The Amazing Mariage (1895), A Reading of Life (1901).
180 Bien que connu surtout pour ses romans, Thomas Hardy (1840-1928) avait aussi le don de la poésie. Architecte avant de devenir littéraire, Hardy fut l’auteur de nombreux romans devenus classiques, dont Far From the Madding Crowd (1874), Tess of the D’Urbervilles (1891) et Jude the Obscure (1894). En 1909, il devint président de la Société des auteurs anglais.
181 C’est-à-dire le banquet au Crystal Palace, où Zola devait prononcer son discours sur l’anonymat dans la presse (lettre 22, n. 1).
182 « Je crois que nous pouvons sans danger fixer le dîner avec les romanciers anglais au jeudi 28 sept. », répondit Zola dans une lettre datée du 9 septembre. « Dites donc à ces messieurs que je serai à eux, ce jour-là. » (CZ, VII, l. 452). Ce fut en effet le 28 septembre que le banquet eut lieu à l’hôtel Metropole, à Londres, sous la présidence de l’écrivain anglais Oswald Crawfurd (1834-1909). Dans son discours d’accueil, Crawfurd résuma la réception accordée à Zola pendant sa visite en Angleterre : « C’a été en vrai conquérant que M. Zola a passé par la terre [sic]. En Angleterre, où il avait rencontré jadis la plus grande résistance, il vient d’être reçu comme l'imperator litterarum. Il est non seulement un artiste littéraire, mais un philosophe dans la plus large acception du terme, qui s’est constitué l’apôtre du réalisme, qui a toujours inscrit sur sa bannière : “Le réel et le vrai”. » (cité par Burns, 1986, p. 58).
Le discours de Crawfurd fut reçu avec enthousiasme par les invités, parmi lesquels le reporter du Courrier de Londres et de l’Europe. Dans son compte rendu du banquet, il signale la présence d’Oscar Wilde, Frank Harris, et Arthur Conan Doyle (30 septembre 1893). Notons que, d’après son volume de souvenirs, Vizetelly assista également à ce banquet (1904, p. 334).
183 « Ma femme m’accompagne à Londres », répondit Zola dans sa lettre du 9 septembre, « et est invitée à toutes les fêtes données par l’Association des journalistes. » (CZ, VII, 1. 452).
184 « Quant au dîner avec M. Chatto », répondit Zola dans sa lettre du 9 septembre, « voulez-vous bien attendre que je sois à Londres, pour en arrêter la date ? Ne pensez-vous pas qu’un déjeuner vaudrait mieux ? Enfin, je ferai ce que vous voudrez. » (CZ, VII, l.452). Il s’agit d’Andrew Chatto (1839-1913), co-directeur, avec William Windus (1828-1910), de la maison d’édition londonienne. Selon Vizetelly, ce fut un « friendiy luncheon » que Chatto offrit à Zola et sa femme (1904, p. 334).
185 Journal quotidien de tendance libérale, The Westminster Gazette (1893-1928) offrait à ses lecteurs des chroniques d’une grande variété : nouvelles de Londres, spectacles, publicité, caricatures, nouvelles parlementaires, sportives, etc., ainsi que des rapports détaillés de la bourse, rédigés par des experts. L’interview, signée « E.A.V. », parut dans le numéro du 22 septembre. Dans « A Morning with Zola. Behind the Scenes », Vizetelly raconte la première matinée de Zola à Londres et reproduit certaines impressions du romancier sur la capitale anglaise.
186 Voir la lettre précédente.
187 Le 7 septembre, Lucien Wolf, président du « Foreign and Colonial Reception Committee » du congrès de l’Institut des journalistes anglais (lettre 20, n. 10), apprit à George Petilleau, secrétaire du comité, qu’il avait reçu une lettre « d’un M. Vizetelly » dans laquelle ce dernier se disait être le responsable de « tous les arrangements » pour le séjour de Zola dans la capitale (B.N., MSS, n.a.f. 24524, P 549). Selon toute vraisemblance, Wolf contacta Vizetelly par la suite, afin de tirer les choses au clair (lettre suivante). George Petilleau avait déjà écrit à Zola d’ailleurs à propos de son séjour londonien. Le 2 septembre, il écrivit au romancier : « M. Lucien Wolf s’offre avec moi comme guide pendant toute la durée de votre séjour à Londres [...] et sera heureux de vous servir de secrétaire dans vos relations avec les célébrités qui briguent l’honneur de vous recevoir. » (B.N., MSS, n.a.f. 24513, f° 9).
188 Sur Walter Besant, fondateur de la Société des auteurs anglais, voir la lettre précédente, n. 2.
189 Voir la lettre précédente. Les Zola ne quittèrent Londres que le 1er octobre.
190 « Vous me demandez », écrivit Zola dans sa lettre du 9 septembre, « quelles sont mes intentions, pendant mon séjour à Londres. Mais je ne puis en avoir aucune, puisque, comme vous le dites très bien, je ne vais pas m’appartenir. Dès mon arrivée, vous viendrez me voir, et nous causerons. » (CZ, VII, l. 452).
191 Sur ce dîner, qui eut lieu le 28 septembre, voir les deux lettres précédentes.
192 Sur Sir Frederick Pollock, voir la lettre 25, n. 1.
193 Voir la lettre 25, n. 3.
194 C’est-à-dire le siège parisien de la Société des Gens de lettres.
195 Le n septembre, George Petilleau fit parvenir à Zola une lettre de Lucien Wolf, dans laquelle celui-ci se formalisait quelque peu de l’intervention de Vizetelly (lettre précédente, n. 2). Dans une note qui l’accompagna, Petilleau exprima son inquiétude car, selon lui, les activités de Vizetelly, qui n’était même pas membre de l’Institut, pourraient occasionner un « conflit d’attributions ». « Je ne doute pas », conclut-il, « de sa bonne volonté, mais son satellitisme peut devenir gluant sinon collant. » (B.N., MSS, n.a.f. 24523, f° 13).
Le même jour, Zola accusa réception de la lettre de Petilleau, et s’expliqua avec Wolf à propos de Vizetelly : « M. Vizetelly, qui a traduit mes derniers romans en langue anglaise, m’a fait savoir que certains romanciers anglais désiraient m’offrir à dîner, et j’ai cru ne pouvoir refuser. J’ai fixé la date du 28 sept., pensant qu’à cette date je serai libre de mes engagements, pris pour le congrès. Mais, en dehors de ce fait, M. Vizetelly n’est nullement chargé d’accepter pour moi les autres invitations qui pourraient se produire ; et puisque vous avez bien voulu accepter cette corvée avec M. Petilleau, je suis heureux de rester entre vos mains » (CZ, VII, l. 455).
196 « J’ajoute que je vous laisse toute liberté », poursuivit Zola dans sa lettre du 12. « Que ces messieurs invite [sic] en moi le romancier ou le président de la Société des Gens de lettres, je n’en serais pas moins profondément touché et flatté. Je ne suis pas formaliste, toutes les sympathies réelles m’iront également au coeur. » (CZ, VII, l. 454).
197 « Le représentant de notre Société à Londres est toujours en effet M. George Petilleau. Il est en ce moment en France, et voici son adresse : au château du Tranchis, par Martizay, Indre. À Londres, je crois qu’on peut lui écrire à la Société nationale des professeurs de français, 20, Bedford Street, Strand, W.C. » Et de conclure : « Je serais heureux qu’on invitât M. Petilleau, pour avoir au moins un compatriote avec moi. » (CZ, VII, l. 454). Petilleau assista en effet au banquet offert à Zola par The Authors’Club.
198 Voir la lettre précédente.
199 En fait, les Zola arrivèrent à Victoria Station à 7 h 10, le 20 septembre. Ils y furent accueillis, selon les « Notes sur Londres » prises par Zola, par Sir Edward Lawson, ancien président de l’Institut et directeur du Daily Telegraphe qui leur adressa un court discours de bienvenue, auquel Zola répondit. Lawson fut accompagné par Lucien Wolf et les membres du « Foreign and Colonial Reception Committee » de l’Institut. Voir à ce propos Burns, 1986.
200 Cette lettre n’a pas été retrouvée.
201 Voir la lettre 22, n. 1. Dans son discours, Zola établit une comparaison entre la presse anglaise, où les articles ne portaient pas de signatures, et la presse française, où tous les rédacteurs étaient connus de leur public. Dans le domaine de la politique, Zola admirait la puissance et l’autorité de la presse anglaise, bien qu’il estimât que l’anonymat de la presse dans ce domaine faisait prévaloir la tendance idéologique du journal plutôt que l’échange libre des idées, comme dans la presse française. Pour ce qui était de la critique littéraire, l’anonymat menait, selon Zola, à une littérature « incolore et médiocre » : « Que la discipline [...] s’impose en politique, cela est certainement sage. Mais qu’on réduise la production littéraire et artistique à satisfaire l’ensemble d’un parti, [...] c’est ce que je trouve dangereux pour la vitalité intellectuelle d’une nation. [...] Ce qui ajoute à ma surprise, devant cet anonymat de la critique dans votre presse, c’est qu’il n’existe certainement pas au monde une littérature qui ait montré plus de frère liberté, plus d’originalité fougueuse et déchaînée, que la littérature anglaise. » En conclusion, Zola releva l’idée que George Petilleau lui avait suggérée quelques semaines auparavant (lettre 22, n. 1), c’est-à-dire le rêve d’établir une « Internationale de la presse parlementaire » : « Ne peut-on pas dire, messieurs, qu’en invitant ici quelques-uns de vos confrères du continent, vous avez fait la première tentative d’une discussion et d’une entente internationales entre les journaux du monde entier ? Un jour peut-être en sortiront la paix universelle et la fraternité des peuples. » Pour le texte du discours de Zola, voir OC, XII, p. 687-694.
Le discours de Zola eut un retentissement énorme. Publié en primeur dans Le Figaro le 22 septembre, le discours fut reproduit le lendemain par de nombreux journaux en France et en Angleterre. La traduction anglaise du texte fut préparée par Joseph Watson. Dans ses souvenirs, Glances Back through Seventy Years, Henry Vizetelly, père du traducteur, fait des réflexions amères sur l’accueil que la capitale consacra à Zola : « I cannot help remarking that the irony of fate has so willed it, that, after having been prosecuted for issuing M. Zola’s novels by the solicitor-general of one administration, I read in the newspapers at the very moment I am penning these concluding lines, of the enthusiastic reception of M. Zola at the Institute of Journalists, with Sir Charles Russell, the attorney-general of another administration, giving the signal for the rounds of ringing cheers with which the representatives of British journalism welcomed the great French novelist. » (1893, p. 432). Notons qu’une traduction allemande du discours, due à Bettina Wirth, parut le 22 septembre dans la Neue Freie Presse de Vienne (CZ, VII, l. 458).
202 Voir la lettre précédente. La note de Zola n’a pas été retrouvée.
203 Fondé en octobre 1873, The Sun, journal indépendant et conservateur, fut à ses origines dirigé par Alexander Mackie, qui y contribua 3 000 livres comme bailleur de fonds. Le journal fut vendu en 1875 à Ashton Dilke, au prix de 11000 livres (Lee, 1976, p. 153-154). L’article en question n’a pas été retrouvé.
204 Sur Marie Vizetelly, voir la lettre 11, n. 1.
205 Vizetelly parle ici des engagements pris par Zola du 27 au 30 septembre dans le cadre de son séjour londonien, d’où la date que nous attribuons à cette lettre.
206 En fait, Zola rendit visite au Cercle français de Londres le 27 septembre, en compagnie de George Petilleau. Il en fut nommé membre honoraire.
207 Le samedi 30, Zola, accompagné de Vizetelly et d’un de ses confrères du Star, visita le East End de Londres, notamment « County Council and Rowton lodging-houses, Roths-child almshouses, various sweaters’dens, sundry Jewish homes in Whitechapel, and Italian ones at Saffron Hill ». Vizetelly rapporte que Zola y trouva la misère moins noire qu’à Paris : « He declared it to be nothing in comparison with what might be found in Paris. There was much want, no doubt, but it struck him that the passer-by saw little of it. And to emphasize his meaning he reminded Vizetelly of the Parisian ragpickers’‘Île des Singes’and the woeful Route de la Révolte, which certainly never had its parallel in modem London. » (1904, p. 335).
208 Dans ses « Notes sur Londres », Zola écrivit en effet : « Mercredi — [...] À midi Vizetelly. À midi et demi départ pour chez Chatto, déjeuner. À 4 h au British Museum. » Sur le déjeuner chez Andrew Chatto, voir la lettre 25, n. 8. Au British Museum, Zola fut reçu par le Docteur Richard Garnett (1835-1906), alors conservateur du Département des imprimés à la bibliothèque du British Museum, où l’on avait organisé une exposition de journaux conservés dans les archives, dans le contexte du congrès des journalistes. Le Docteur Garnett lui fit visiter la célèbre bibliothèque et la salle de travail. Selon Vizetelly, « the British Museum Library [...] pleased [Zola] immensely, notably on account of its perfect arrangements which were so superior, said he, to those of the Bibliothèque Nationale in Paris. » (1904, p. 335-336). Sur le Docteur Garnett, voir aussi la lettre 128.
209 Sur le dîner offert par The Authors’Club, voir la lettre 25, n. 6.
210 Lors de cette visite, ce fut Campbell Clarke, le correspondant parisien du Daily Telegraph, qui lui servit de cicérone. « At the National Gallery », écrivit Vizetelly, « he was most interested in Turner, whom he called la palette incarnée and whom he regarded as being far superior to Claude. And he greatly admired Turner’s water-colour sketches in the little rooms in the basement of the building, where he lingered for nearly a couple of hours. » (1904, p. 335).
211 Il s’agit de la visite de Zola à l’Abbaye de Westminster, l’après-midi du vendredi 29 : « When one first entered the abbey [...], some afternoon service was in progress, and after standing and watching for a time, Zola whispered to Vizetelly : “I did not know this was still a Catholic Church.” “It is Church of England — Protestant”, Vizetelly answered, whereupon Zola seemed lost in astonishment. “Protestant ?” he whispered again, “well, all that is very much like Mass to me.” Then he shrugged his shoulders and led the way outside, where one waited till the service was over. » (1904, p. 335).
212 Dans sa biographie de Zola, Vizetelly explique en détail la controverse. Lors du congrès annuel de l’église anglicane, tenu en 1893 à Birmingham, le révérend Perowne, évêque de Worcester, affirma que Zola « avait passé sa vie à corrompre les esprits et les âmes non seulement de plusieurs milliers de jeunes Anglais, mais de plusieurs millions de jeunes âmes partout dans le monde ». Lors de la même réunion, J.E.C. Welldon, directeur de l’École de Harrow et par la suite évêque de Bombay, dénonça Zola comme étant « infâme » et encouragea les assistants à soutenir la National Vigilance Association, dont il était, selon un journal cité par Vizetelly, « a conspicuous ornament ». Rappelons d’ailleurs que ce fut la National Vigilance Association qui avait traîné le père d’Ernest Vizetelly en cour d’assises pour avoir publié sa traduction de La Terre (→ lettre 1, n. 9).
De même, l’évêque de Truro, lors d’un second congrès ecclésiastique dans l’ouest de l’Angleterre, affirma que les traductions des œuvres de Zola, fort néfastes selon lui, qui se vendaient alors dans les gares, n’auraient jamais vu le jour sous le règne moral de W.H. Smith. Vizetelly riposta que seules les traductions de La Débâcle, Le Rêve et Le Docteur Pascal étaient offertes dans les librairies des gares, et qu’il doutait fort que l’évêque y trouve une seule phrase qui puisse porter atteinte aux bonnes mœurs anglaises.
Ce fut le critique littéraire A.T. Quiller-Couch qui répondit aux accusations de Perowne et de Welldon, dans l’hebdomadaire libéral anglais, The Speaker, ce qui donna lieu à un débat qui se prolongea jusqu’au mois de novembre (Vizetelly, 1904, p. 336-339).
213 Ses négociations avec The Pall Mall Gazette ayant échoué (l. 22, n. 5 et 7), Vizetelly songeait sans doute à faire paraître sa traduction de Lourdes dans The Weekly Times and Echo, tout comme il l’avait fait pour La Débâcle et Le Docteur Pascal. Le 12 novembre, Zola lui répondit : « Voici les dates probables. Lourdes commencera à paraître dans le Gil Blas du 1er au 15 mars et y durera environ trois mois. » (CZ, VIII, l. 27).
214 La publication dura en fait quatre mois, du 14 avril au 14 août.
215 « Les feuilletons auront par jour deux cent cinquante à deux cent quatre-vingts lignes », affirma Zola dans sa lettre du 12 novembre. « Le journal paraît tous les jours et il est certain qu’il ne consentira pas à interrompre le feuilleton un seul jour. » (CZ, VIII, l.27). Notons qu’en fait la publication fut interrompue à plusieurs reprises. Voir CZ, t. VIII, l.163.
216 Zola répondit : « Le roman est divisé en cinq parties de cinq chapitres chacune : donc, en tout, vingt-cinq chapitres, à peu près égaux comme contenu. » (ibid).
217 « Je crois toujours », écrivit Zola dans cette même lettre, « que Lourdes fera les quatre cinquièmes de La Débâcle. » (ibid.). Voir la lettre 23, n. 5.
218 Il est à croire que Zola aurait préféré une publication dans un journal quotidien plutôt qu’un hebdomadaire. « Il est donc tout à fait impossible », demanda-t-il, « de trouver un journal quotidien qui publierait le roman ? Si cela ne s’est jamais fait, cela pourrait se faire peut-être. » (ibid.).
219 En fait, Money ne parut à Londres chez Chatto & Windus que le 26 avril 1894.
220 Il s’agit de Emile Zola. A Biographical and Critical Study (Londres, Chatto & Windus, 1893), que Robert H. Sherard avait écrit à la demande d’Andrew Chatto. En préparant son ouvrage, Sherard se mit en rapport avec Henry Céard, grand ami de Zola, qui lui communiqua les lettres qu’il avait reçues du romancier (voir CZ, VII, l. 411). Sur Robert Sherard, voir la lettre 4, n. 4. Le 1er novembre, Zola avait écrit à Sherard pour le remercier de l’envoi de « ce beau monument que vous avez érigé pour l’édification de mes amis les Anglais » (CZ, VIII, l. 22). Sur l’accueil du livre, voir la lettre 4, n. 4.
221 Il s’agit vraisemblablement de comptes relatifs à la publication du Docteur Pascal en volume.
222 Lettre non retrouvée.
223 Dans une lettre du 5 février, Zola s’étonna du silence de Vizetelly : « Je n’ai plus de vos nouvelles, et voici Lourdes qui commencera à paraître dans le Gil Blas du 20 au 25 mars pour durer trois mois. N’avez-vous rien trouvé ? » (CZ, VIII, l. 66).
224 Bien qu’il n’en parlât pas dans sa courte lettre du 4 janvier (lettre précédente), Vizetelly avait perdu son père le 1er janvier. Henry Vizetelly mourut à Tilford (Surrey), chez son fils Arthur et sa fille, et fut enterré à Churt, près de Tilford. Notons que, d’après une lettre de Zola en date du 30 novembre 1893 adressée à William Luson Thomas, le propriétaire du Daily Graphic de Londres, celui-ci avait organisé une collecte en faveur de Henry Vizetelly (CZ, VIII, l. 41).
225 Sur la Pall Mall Gazette, voir la lettre 22, n. 5.
226 Sur le Weekly Times and Echo, voir la lettre 1, n. 8.
227 Sur le Lloyd’s Weekly Newspaper, voir la lettre 13, n. 2.
228 Sur The People, voir la lettre 13, n. 5.
229 Fondé en 1896 par J.P. O’Connor, ce journal, largement illustré, refusa le sensationalisme des rapports de police et se concentra sur la critique littéraire et politique sérieuse et bien informée.
230 Sur The Weekly Dispatch, voir la lettre 13, n. 3.
231 Hebdomadaire illustré, le Black & White parut du 2 novembre 1889 jusqu’au 12 janvier 1912. Sans orientation politique précise, le journal offrait à ses lecteurs des nouvelles dans le domaine de la politique nationale et internationale, du mouvement social contemporain, de la littérature, de la culture et de la science.
232 Zola répondit dans une lettre du 27 février : « Vous me dites la difficulté que vous avez à placer l’œuvre dans un journal anglais, parce qu’on la croit une œuvre de discussion catholique. Vous pouvez affirmer que la religion tient une très petite place dans le roman, que c’est avant tout un roman, un tableau de mœurs curieuses, très capable d’intéresser tout le monde. Et le livre pourra être mis entre les mains des jeunes filles. » (CZ, VIII, l.72).
233 Sur The Westminster Gazette, voir la lettre 25, n. 9. Ces négociations échouèrent. Voir la lettre suivante.
234 Voir la lettre 18, n. 6.
235 Cette combinaison ne lui réussit pas non plus : Lourdes ne parut pas en feuilleton en Angleterre.
236 En parlant de la traduction anglaise de Lourdes, Zola écrivit, le 27 août 1893 : « Tâchez de trouver un bon éditeur, car j’avais espéré que le journal et le volume me donneraient une dizaine de mille francs. » (CZ, VII, l. 441).
237 En fait, la maison Chatto & Windus acheta les droits de la traduction anglaise de Lourdes au prix de 4 000 francs (→ lettre 35, n. 1).
238 Voir la lettre 22, n. 4. Le projet de Vizetelly relatif au New York Herald n’aboutit pas. La traduction américaine de Lourdes commença à paraître dans The New York Herald de James Gordon Bennett le 15 avril.
239 L’Argent parut en traduction anglaise le 26 avril, date où Vizetelly envoya au romancier un chèque de mille francs (lettre 35).
240 Le 27 février, Zola apprit à Vizetelly que Lourdes devait commencer à paraître dans le Gil Blas le 14 avril (CZ, VIII, l. 72). N’ayant pas reçu de réponse, il revint à la charge : « Je pense bien que vous n’avez aucune nouvelle à me donner, puisque vous ne m’écrivez pas. Je crois bon pourtant de vous répéter que Lourdes commencera à paraître dans le GU Blas du 15 avril » (CZ, VIII, l. 75).
241 Vizetelly fait allusion au fait que le premier ministre britannique, William Gladstone, venait d’annoncer sa démission prochaine.
242 « Pour la publication du volume », répondit Zola le 26 mars, « nous avons le temps, car l’original français ne paraîtra ici, chez Charpentier, que vers le 20 juillet. Dites-moi l’époque à laquelle le texte vous sera nécessaire. » (CZ, VIII, l.80). En fait, le volume parut à Paris le 25 juillet.
243 « Vous me demandez la somme que je désire », écrivit Zola dans cette même lettre. « Je désire le plus possible, et je laisse entièrement l’affaire à vos bons soins. » (ibid.).
244 Voir à ce propos la lettre 20.
245 « Quant aux volumes publiés autrefois par votre père », répondit Zola dans sa lettre du 26 mars, « ils sont également bien entre vos mains, et j’approuverai tout ce que vous ferez pour en tirer parti. » (CZ, VIII, l.80). À partir de 1896, la maison Chatto & Windus fit paraître des traductions des romans dans la série des Rougon-Macquart, publiés par la maison Vizetelly & Co. avant le procès de La Terre. Ces romans furent traduits ou remaniés par Vizetelly lui-même : The Fat and the Thin [Le Ventre de Paris] (1896), The Dram Shop [L’Assommoir] (1897), His Excellency Eugène Rougon (1897), The Fortune of the Rougons (1898), Abbé Mouret’s Transgression [La Faute de l'abbé Mouret] (1900), The Conquest of Plassans (1900), Germinal (1901), The Joy of Life [La Joie de vivre] (1901), et His Masterpiece [L’Œuvre] (1902). Ladies’Paradise et A Love Episode avaient paru chez Hutchinson & Co. en 1895, dans des traductions d’Ernest Vizetelly. Voir, pour de plus amples renseignements, Vizetelly, 1904, p. 542-546, Wilson, 1964, p. 142-144, et King, 1978, chapitres 15 et 22.
246 La traduction parut le 26 avril. En effet, Vizetelly fait, dans son introduction, un plaidoyer en faveur des victimes de la faillite du groupe financier Liberator qui, comme la Banque universelle de Saccard, fit une chute qui entraîna la débâcle financière de beaucoup de petits rentiers : « There have been, I believe, over 2,200 applicants for relief to the fund which has been raised for the benefit of the sufferers [...], and among the numbers it appears that there are nearly 1,400 single women and widows. Some of the victims have committed suicide, others have gone mad. Thousands, moreover, who are too proud to beg, find themselves either starving or in sadly straightened circumstances, with nothing but a pittance left them of their former little comforts. This is a specimen of the work done by the brigands of Finance. » (p. ix). Vizetelly souligne ensuite le besoin de réforme qui existe au niveau gouvernemental : « [A]lthough callous Governments and legislators may postpone and shirk it, the task remains before them, ever threatening, ever calling for attention, and each day’s delay with it only adds to the evil. We are overrun with rotten limited liability companies, flooded with swindling ‘bucket-shops’, crashes and collapses rain upon us. And the ‘promoter’and the ‘guinea-pig’still and ever enjoy immunity. [...] I fail to see why a series of measures directed against the brigands of Finance should not promptly receive the assent of both Houses of Parliament and become law. » (p. ix-x).
247 Rappelons que Vizetelly avait vendu les droits de traduction en langue anglaise de La Débâcle et du Docteur Pascal au prix de 2 000 francs chacun à la maison Chatto & Windus. Dans une lettre datée du 27 avril, Zola écrivit : « J’accepte les quatre mille francs offerts par M. Chatto pour l’achat de mon roman Lourdes, en librairie. » (CZ, VIII, l. 84).
248 « Vous recevrez très prochainement », écrivit Zola dans la lettre précitée, « les trois cinquièmes du texte, et vous pourrez vous mettre tout de suite au travail. » (ibid.).
249 « Je vous accuse réception des mille francs », poursuivit Zola dans sa lettre du 27, « et je vous autorise parfaitement à garder les sept cent cinquante francs pendant le temps nécessaire à votre combinaison. » (ibid.).
250 Voir la lettre précédente, n. 6.
251 Les Zola partirent le 29 octobre pour un séjour de presque trois semaines en Italie, où le romancier rassemblait, à Rome, la documentation de son nouveau roman, Rome. Ils visitèrent également Naples, Florence, Venise et Milan avant de regagner Paris le 16 décembre.
252 Les fluctuations des prix de l’or, de l’argent et du coton avaient entraîné une hausse des taux d’intérêt, ce qui ralentissait l’activité économique du pays.
253 Voir la lettre précédente.
254 Voir la lettre 34, n. 6.
255 C’est-à-dire Percy Spalding.
256 Zola répondit le lendemain : « Je fais partie d’une société, la Société des Romanciers français, qui a en effet traité avec une agence, pour régulariser le service des traductions de nos romans dans le monde entier. Mais je reste le maître de mes traductions, si je trouve de mon côté un prix supérieur à celui que l’agence m’offre. » (CZ, VIII, l. 91). Selon une lettre de Gustave Toudouze à Zola, l’accord entre la Société des Romanciers français [CZ, VII, l.366] et le directeur de l’Agence internationale des traducteurs, Henri Fontaine, venait d’être conclu le 17 mai 1894. L’accord fut résilié le 6 mai 1895 (B.N., MSS, n.a.f. 24524, f° 102).
257 « Quand il faudra que vous vous occupiez de Rome », répondit Zola dans sa lettre du 8 juin, « je vous préviendrai. Ce sera une lutte au plus offrant, et vous n’aurez qu’à vous entendre avec Chatto. Vous restez mon intermédiaire comme par le passé, tant que ces messieurs ne m’auront pas prouvé qu’ils peuvent faire mieux que vous. » (ibid.). En fait, ce fut Chatto & Windus qui publièrent la traduction anglaise de Rome et de Paris, les deux traductions dues à la plume de Vizetelly. On voit d’ailleurs l’effet de l’intervention de l’Agence sur le prix que Chatto offrit finalement à Zola pour la publication en volume de la traduction de Rome : comme Vizetelly le fit remarquer, l’éditeur offrit le double de ce qu’il avait offert pour Lourdes (→ lettre 47).
258 C’est-à-dire la lettre de Zola du 8 juin. Voir la lettre précédente.
259 Voir la lettre 42.
260 Lors de sa publication à Londres chez Chatto & Windus, Lourdes fut très bien accueilli. Selon The National Observer de Londres, par exemple, « the glory of the book is in the inexhaustible, overflowing human sympathy which transfuses it from end to end. » Le reviewer du Graphic apprécia également le livre : « Lourdes marks the breaking away from orthodox Zolaism and is at the same time the most perfect specimen of literary art yet produced by M. Zola. [...] a model of powerful and poetic narrative. »
261 C’est le 5 février 1894 que la maison Henry Holt & Co., les éditeurs de la Société Lutétienne, contacta Zola pour la première fois, afin de lui proposer une publication privée de six de ses romans, chacun en deux volumes (d’où les douze volumes dont parle Vizetelly) : « Ce n’est pas notre intention que ces traductions seront [sic] vendues au public anglais ordinaire », expliqua l’éditeur. « Nous désirons de publier [sic] ces ouvrages dans une édition spéciale et limitée, dans l’intérêt seulement des amateurs de livres et des hommes de lettres. » Et de conclure : « En vous soumettant ce projet, nous espérons d’obtenir [sic] de vous une autorisation afin que les livres pourront [sic] être publiés avec votre permission. Publiés expérimentalement, on ne saurait attendre que ces volumes livreront du profit considérable [sic]. Tout de même, [...] le but de cette lettre [est] de vous faire savoir que nous vous payerons volontiers la somme de 1 500 francs. » (coll. particulière).
En 1894 et 1895, la Société Lutétienne (« Lutétia » étant l’ancien nom de Paris) de Londres fit paraître une série de six traductions des romans de Zola, sous la direction d’Alexandre Teixeira de Mattos : La Curée (traduit par Alexandre Teixeira de Mattos, 1895), L’Assommoir (traduit par Arthur Symons, 1895), Nana (traduit par Victor Plarr, 1895), Pot-Bouille (traduit par Percy Pinkerton, 1895), Germinal (traduit par Havelock Ellis, 1894), et La Terre (traduit par Ernest Dowson, 1895).
Les traducteurs des six romans, qui reçurent chacun la somme de 50 livres pour leurs traductions, étaient tous des hommes de lettres et, selon King, au moins deux d’entre ces traductions, L’Assommoir d’Arthur Symons et Germinal de Havelock Ellis, sont des chefs-d’œuvre. King loue également la traduction de La Terre faite par Ernest Dowson, poète fort connu à l’époque (King, 1978, p. 372).
Les éditions de la Société Lutétienne étaient les premières traductions de l’œuvre de Zola à paraître en Angleterre sous forme intégrale. Si une telle publication, sans coupures ni modifications fut possible, c’est que l’édition de la Société Lutétienne était une édition privée, vendue par souscription à un nombre fort limité d’acheteurs, 300 au total. Les volumes, numérotés, furent imprimés sur du papier fabriqué à la main, avec de très belles reliures.
262 Sur la maison d’édition Vizetelly & Co. et La Terre, voir la lettre 1, n. 9. Sur la vente de Germinal à cette même maison, voir la lettre 13, n. 5.
263 Dans une lettre datée du 8 mars, l’éditeur remercia Zola de son autorisation et lui promit les 1500 francs dont il avait parlé dans sa première lettre, sans resoulever la question de la préface qu’il avait demandée dans sa première lettre (coll. particulière). Voir cependant la lettre 46.
264 Ce ne fut qu’en 1901 qu’Edward Vizetelly, le frère aîné d’Ernest, publia à Londres, chez Hutchinson & Co., sa traduction de La Bête humaine, qu’il intitula The Monomaniac. Voir la lettre suivante, n. 2. Notons en passant qu’une traduction pirate du roman existait depuis 1891 aux États-Unis. La maison T.B. Peterson de Philadelphie mit en marché sa traduction de La Bête humaine, The Human Beast, faite par G.D. Cox.
265 Les 310 exemplaires de chaque roman furent mis en vente au prix de 2 guinées chacun. L’entreprise n’eut pas de succès sur le plan financier. Selon Victor Plarr, traducteur de Nana pour la Société : « Our books as remainders drifted off finally to the States, where to my horror Nana reappears as a huge and, I am told, lavishly illustrated production in ‘The Millionaires’Library’, or some such edition. » (1914, p. 99).
266 Robert Sherard avait l’habitude de séjourner à Cap Breton, petit village au bord de la mer dans le Midi (Sherard, 1905). Sur Sherard, voir la lettre 4, n. 4.
267 Lettre non retrouvée. Sur le début des démêlés de Vizetelly avec la Société Lutétienne, voir la lettre précédente.
268 Il s’agit d’Edward Henry Vizetelly (1847-1903), frère aîné d’Ernest Vizetelly. Né à Chiswick (Londres), Edward Vizetelly fit des études à Eastbourne et St. Orner, avant de devenir correspondant de guerre. En 1870, il combattit dans l’armée du général Garibaldi. Par la suite, il fut rédacteur en chef du Times of Egypt, écrivant sous le pseudonyme de « Bertie Clare ». Il quitta The Times of Egypt pour collaborer au Journal de Paris. Revenu en Angleterre en 1893, il travailla, pendant les dix dernières années de sa vie, comme romancier, journaliste et traducteur. Notons que les rapports entre les deux frères ne furent toujours pas des meilleurs (→ lettre 178).
Ce fut en 1895 que la maison Heinemann publia les traductions en question : Stories for Ninon et The Mysteries of Marseilles, toutes les deux dues à Edward Vizetelly. Voir, pour les suites de l’affaire, la lettre 45, n. 2.
269 La réponse de Zola n’a pas été retrouvée.
270 Selon Vizetelly, Zola l’accueillit à Médan à l’automne de 1894, peu avant son départ pour l’Italie. Lors de leur entretien, Zola confia à Vizetelly qu’il avait l’intention de demander une audience avec le Saint-Père à Rome. Lors de son retour à Londres, Vizetelly fit circuler partout cette nouvelle, qui fut démentie peu après par Zola (1904, p. 410).
271 Joshua Ballinger (1813-1886), libraire et éditeur né dans le New Jersey, fonda la maison J.B. Lippincott & Co. en 1836. L’entreprise connut un grand succès et dès 1850, elle dominait le marché dans toute la région de Philadelphie. Après la mort de Ballinger, la maison fut vendue et transformée en société anonyme. La maison Lippincott ne publia aucun roman de Zola. Lourdes, pour lequel Zola avait reçu 20 000 francs du New York Herald de James Gordon Bennett, parut en 1894 à Londres chez Chatto & Windus et à New York chez Macmillan.
272 Voir les lettres 40, n. 1 et 46.
273 Voir la lettre 41, n. 2.
274 Cette communication n’a pas été retrouvée.
275 Il s’agit selon toute vraisemblance d’un règlement de comptes à propos de Lourdes. Le 28 octobre, Zola répondit pour accuser réception des 1 000 francs que son correspondant lui avait envoyés (CZ, VIII, l.139).
276 Voir la lettre précédente, n. 1.
277 C’est-à-dire pendant le séjour de Zola en Italie (lettre 35, n. 5).
278 Le 27 octobre, Edward Vizetelly écrivit à Zola : « Selon ce qui avait été convenu entre moi et mon frère Ernest, je devais vous remettre la somme de mille francs en échange de votre autorisation pour la publication en langue anglaise de vos livres Les Mystères de Marseille, Contes à Ninon et Nouveaux Contes à Ninon. J’ai maintenant le plaisir de me conformer à cet arrangement. » (coll. particulière). Le 28 octobre, Zola répondit : « J’autorise M. Edward Vizetelly à traduire et à publier en anglais, en toute propriété, mon roman Les Mystères de Marseille, qu’il pourra faire suivre de la mention “traduction autorisée par l’auteur”, et je m’engage à ne pas autoriser d’autre traduction que la sienne. » (Burns, 1990, p. 123). C’est la maison Hutchinson & Co. qui publia The Mysteries of Marseilles en février 1895. Dans cette édition, Edward Vizetelly reproduit la lettre d’autorisation datée du 28 octobre que le romancier lui adressa. Peu après, Edward Vizetelly se brouilla avec la maison Hutchinson (voir Colburn, 1952, p. 67). Ce fut par conséquent la maison Heinemann qui publia, en novembre 1895, Stories for Ninon (qui comporta les Contes à Ninon aussi bien que les Nouveaux Contes à Ninon), sans préface ni commentaire, mais avec un portrait de Zola par Will Rothenstein.
Notons que par sa lettre du 27 octobre, Edward Vizetelly sollicita également la permission de Zola de traduire Une page d'amour : « Si vous pouvez me donner une autorisation pour Page d'amour (dont les droits n’existent plus ici) dans les mêmes conditions, c’est-à-dire £14, soit frcs 350, je vous enverrai l’argent tout de suite. » (coll. particulière). Et Zola de répondre : « Il faut demander cela à votre frère. » (CZ, VIII, l.139).
279 Rappelons que Vizetelly était en pourparlers avec la maison Chatto & Windus en vue d’une série de rééditions d’anciens romans dans la série des Rougon-Macquart. Voir la lettre 34, n. 6.
280 A Love Episode. Translated with a preface, by Ernest A. Vizetelly ; and illustrated with ninety-four wood engravings from drawings by E. Thévenot parut à Londres chez Hutchinson & Co. en 1895.
281 Pour cette édition, Vizetelly reprit la traduction publiée en 1886 par Vizetelly & Co., et y opéra des coupures supplémentaires, notamment la rencontre entre Hélène et son prétendant, le docteur Deberle.
282 Il s’agit de Hélène : A Love Episode, paru en 1878 à Philadelphie chez T.B. Peterson & Bros. La traductrice, Mary Neal Sherwood, se cachait derrière le pseudonyme de John Stirling.
283 Voir à ce propos la lettre 1, n. 13.
284 On ne trouve aucune mention, dans la correspondance ultérieure, de ce règlement de compte.
285 La maison Vizetelly avait acheté les droits d’Au Bonheur des dames au traducteur Frank Turner : après avoir modifié cette traduction, Vizetelly & Co. la mit sur le marché londonien en 1886. À la suite de remaniements supplémentaires dus à Vizetelly, Hutchinson & Co. mit The Ladies’ Paradise en vente à Londres en 1895. Sur les négociations entre Zola et Turner, voir CZ, V, l. 160 et suivantes.
286 Pour ce qui est de Son Excellence Eugène Rougon, ce fut la maison Chatto & Windus qui acheta les droits de la traduction de 1886, faite par Vizetelly & Co. Remaniée par Ernest Vizetelly, His Excellency Eugène Rougon parut à Londres en 1897.
287 Ce fut Chatto & Windus qui publia à Londres la traduction anglaise de Rome en 1896.
288 Les quatre romans en question parurent chez Chatto & Windus dans des traductions remaniées par Vizetelly. The Fortune of the Rougons (Vizetelly & Co., 1886) parut en 1898, The Conquest of Plassans (Vizetelly & Co., 1887) en 1900, The Pat and the Thin (Vizetelly & Co., 1888) en 1895 et The Joy of Life (Vizetelly & Co., 1886, sous le titre How Jolly Life is !) en 1902.
289 Voir la lettre suivante.
290 Cette lettre faisant suite à la précédente, nous la datons évidemment de 1895.
291 Voir la lettre précédente.
292 Voir la lettre 40, n. 1.
293 Il s’agit en toute vraisemblance de l’entretien qui eut lieu à Médan en septembre 1894 (lettre 42).
294 Voir à ce propos les lettres 34 et 35.
295 Selon une lettre à Zola de Henry Holt & Co., l’éditeur de la Société Lutétienne, en date du 20 novembre 1894, Vizetelly leur avait écrit qu’il avait lui-même acquis les droits de reproduction des romans en question des administrateurs de son père, et qu’il comptait empêcher la publication desdits volumes par la Société. « Quand notre avoué a vu hier les avoués de Mons. Vizetelly », poursuivit-il, « ils lui ont montré votre reçu pour Quatre Vingts Livres Sterling pour les droits anglais de La Terre, dans lequel reçu vous avez fait usage de la phrase : “propriété de traduction”. [...] Nous ne pourrions croire que vous aurez cédé à nous des droits déjà acquis par un autre éditeur anglais, et nous expliquons votre phrase, “propriété de la traduction”, comme ne concernant que la propriété de cette traduction seule, sans vous préclure d’un arrangement semblable avec une autre maison pour une traduction nouvelle. » (coll. particulière). Selon une lettre ultérieure de Holt & Co. à Zola, celui-ci ne répondit pas à cette lettre (lettre du 4 février 1895, coll. particulière).
296 Sans doute la traduction de Germinal de Havelock Ellis.
297 Selon une lettre datée du 4 février 1895, de Henry Holt & Co. à Zola, Vizetelly menaçait la maison d’édition d’un procès devant le tribunal civil. « C’est pourquoi », expliqua l’éditeur, « comme nous sommes très désireux d’éviter un tel procédé, nous vous prions instamment de nous vouloir envoyer votre réponse le plus tôt possible. » (ibid.). Aucune réponse de Zola n’a été retrouvée.
298 Par la suite, Vizetelly vendit les droits de la traduction anglaise de Germinal à la maison Chatto & Windus, qui publia le texte remanié par Vizetelly en 1901.
299 Pour ce qui est de La Terre, la traduction ne fut jamais reprise par Chatto & Windus.
300 Andrew Chatto autorisa Frank Tennyson Neely, éditeur américain de Chicago, à publier la traduction de Vizetelly de Lourdes. Le 12 juillet 1894, Neely accusa réception de lettres de Zola (non retrouvées), et lui proposa d’acheter les droits de publication pour Les Trois Villes aux États-Unis : « Je serais bien aise de faire un arrangement avec vous pour publier en Amérique — feuilleton et livre — vos romans Rome et Paris — attendus avec impatience par le monde américain. Veuillez bien me faire savoir le prix en argent comptant, que vous accepterez pour ces deux romans, et pour Lourdes. » En guise de conclusion, Neely remercia Zola de l’accueil qu’il lui avait réservé lors de son passage à Paris (coll. particulière).
301 Voir la lettre 22, n. 4.
302 En fin de compte, c’est la compagnie Macmillan de New York qui publia la traduction de Vizetelly de Lourdes. Sur l’Agence internationale des traductions, voir la lettre 37, n. 3.
303 Vizetelly ne réussit pas à vendre sa traduction de Rome à un journal de la capitale : Rome parut dans des journaux anglais de province, dans The Times of India à Bombay, et dans un journal de la Nouvelle-Zélande (lettres 52, 66).
304 Voir la lettre 45.
305 Zola répondit dans une lettre datée du lendemain : « Je crois que vous pouvez traiter avec Chatto, s’il me donne huit mille francs, pour le volume traduit de Rome. Mais il faudrait absolument qu’il vous donnât à vous deux mille francs. » (CZ, VIII, l.173).
306 « Si vous trouvez trois mille francs dans un journal », répondit Zola dans sa lettre du 19 janvier, « il faut traiter aussi. » (CZ, VIII, 1.173). Voir la lettre 52.
307 La liste des questions posées par Vizetelly, avec les réponses de Zola en regard, fut publiée par Colin Burns (1989, p. 58-59).
308 Rome parut en feuilleton dans Le Journal du 21 décembre 1895 au 8 mai 1896.
309 Zola se trompe vraisemblablement sur l’année : il faut lire sans doute « 1896 ».
310 En fait, Rome fut d’un quart plus long que Lourdes, dépassant Lourdes de 150 pages.
311 Rappelons qu’au mois de septembre 1894, Vizetelly avait rendu visite au romancier à Médan (lettre 42).
312 Vizetelly fait allusion ici non à la lettre de Zola en date du 8 juin 1894 (CZ, VIII, l.91), mais à une lettre du 11 juin 1894, dont le texte n’a pas été conservé, mais dont Vizetelly parle dans son livre sur Zola (1904, p. 413). Il espérait, écrivit-il, faire de Rome un ouvrage d’intérêt général, européen, dans lequel il parlerait des progrès faits par l’Église catholique en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
313 L’allusion aux négociations relatives à Rome nous fait dater cette lettre de 1895.
314 Voir la lettre 52.
315 C’est-à-dire la lettre 47.
316 Aucune lettre de Vizetelly autour de cette date n’a été retrouvée.
317 Voir la lettre 47.
318 En fait, le roman ne commença à paraître en feuilleton à Paris que le 21 décembre (→ lettre suivante).
319 Vizetelly reçut un premier envoi, à savoir les deux premiers chapitres, entre les 18 et 20 octobre (lettre 51).
320 Sur Rome en feuilleton, voir la lettre 46, n. 14.
321 Selon une lettre non retrouvée, à laquelle Vizetelly fait allusion dans sa lettre du 25 juin (lettre 50), Zola accepta la somme globale de 12 000 francs pour les droits (feuilleton et volume) de la traduction anglaise de Rome.
322 Sur les débuts de la controverse avec la Société Lutétienne, voir les lettres 40 et suivantes.
323 C’est-à-dire la condamnation en 1889 de Henry Vizetelly pour attentat aux bonnes mœurs à la suite de sa publication d’une traduction anglaise de La Terre. Voir King, 1978, p. 228-254.
324 Il n’est plus question, dans la correspondance Vizetelly-Zola, de cette affaire : il est à croire que Vizetelly ne réussit pas à obliger la Société Lutétienne à partager ses bénéfices avec lui. Sur le dîner offert à Zola par The Authors’Club de Londres, voir la lettre 25, n. 1.
325 Voir la lettre 45.
326 Voir la lettre 34, n. 6.
327 Lettre non retrouvée.
328 « Je compte que vous pourrez commencer à publier Rome, dans un journal anglais, le 20 décembre de cette année », répondit Zola dans une lettre du 28 juin. « Mais, comme toute chose humaine », poursuivit-il, « cela est soumis à des conditions ; car si je tombais bien malade, par exemple, l’œuvre serait forcément retardée. » (CZ, VIII, l.216). Rappelons que la publication de Rome débuta dans Le Journal à Paris le 21 décembre 1895.
Sur la lettre autographe de Vizetelly, d’ailleurs, on lit cette note, de la main de Zola : « répondu que le journal anglais pourra commencer le 20 décembre ».
329 « Vous aurez les deux premiers chapitres deux mois à l’avance », confirma Zola dans sa lettre du 28 juin (CZ, VIII, l. 216). Voir la lettre 52.
330 Voir la lettre précédente. Dans une lettre du 10 octobre, Zola répondit : « Je vous enverrai les deux premiers chapitres, mais vous ne les recevrez que du 18 au 20. » (CZ, VIII, l.238). Ce fut le 21 octobre que Vizetelly accusa réception des épreuves (→ lettre suivante).
331 Rappelons que Vizetelly remplaça l’hebdomadaire de province qu’il avait trouvé à l’origine par un journal de la Nouvelle-Zélande. Dans sa lettre du 10, Zola réagit un peu vivement aux remarques de Vizetelly : « Et, maintenant, laissez-moi vous dire que, s’il se produit un retard, il sera en dehors de ma volonté. Je ne suis pas sans inquiétude, car je me sens fatigué et je me trouve déjà un peu attardé. Pourtant, dans ma pensée, la date de publication en feuilleton reste fixée, non pas au 21 décembre, mais du 25 au 28. Continuez à compter sur cette date, sauf avis de ma part. » (CZ, VIII, l. 238). On sait que Le Journal commença la publication de Rome le 21 décembre.
332 Nous ignorons à quelle date précise commença la publication de Rome dans les deux journaux coloniaux auxquels Vizetelly avait vendu sa traduction.
333 Vizetelly accuse réception des épreuves des deux premiers chapitres de Rome, expédiés par Zola le 19 octobre (CZ, VIII, l. 242).
334 Zola écrivit, dans une lettre du 19 octobre : « Il est bien entendu, n’est-ce pas ? que je confie ces deux chapitres à votre loyauté et que personne au monde ne doit en avoir connaissance. Il est entendu, d’autre part, que pas une ligne de votre traduction ne sera publiée avant le 28 décembre. » (CZ, VIII, l. 242).
335 C’est-à-dire sa lettre du 5 octobre (lettre 51).
336 Vizetelly répond à la demande exprimée par Zola dans sa lettre du 19 : « Écrivez-moi pour me dire définitivement dans quelles conditions vous désirez recevoir la suite du roman, et en me donnant les plus longs délais possibles. » (CZ, VIII, l. 242).
337 Document non retrouvé.
338 The True Story of the Chevalier d’Eon : His Experiences and his Metamorphoses in France, Russia, Germany and England, told with the Aid of State and Secret Papers venait de paraître à Londres chez Tylson and Edwards and A.P. Marsden. Vizetelly y raconte la vie de Charles de Beaumont d’Éon (1728-1810). Le chevalier d’Éon fut un agent secret pour Louis XV. Exilé en Angleterre à cause de sa passion pour les vêtements féminins, il revint en France après avoir juré de ne plus jamais paraître vêtu en femme. Habile diplomate et fine lame, il se distingua sur le champ de bataille. Il fut l’auteur de plusieurs livres, dont ses mémoires, Loisirs du Chevalier d’Éon sur divers sujets d’administration pendant son séjour en Angleterre (1775).
339 Il s’agit de Le Secret du roi. Correspondance secrète de Louis XV avec ses agents diplomatiques, 1752-1774 (Paris, Calmann-Lévy, 1878). Puisant à la fois aux archives diplomatiques et aux archives de la famille de Broglie, le duc de Broglie était parvenu à reconstituer « le tableau complet de l’origine, du but et de toutes les péripéties de la diplomatie intime de Louis XV » (p. iv). Selon de Broglie, le chevalier d’Éon n’y jouait qu’un rôle marginal.
340 C’est-à-dire l’ouvrage de Frédéric Gaillardet, Mémoires sur la chevalière d’Éon... La vérité sur les mystères de sa vie, d’après des documents authentiques, suivis de 12 lettres inédites de Beaumarchais, publié à Paris, chez Dentu, en 1866.
341 À notre connaissance, l’ouvrage ne parut jamais en traduction française.
342 Nous n’avons pas retrouvé de comptes rendus du livre de Vizetelly dans les journaux et revues anglais que nous avons consultés.
343 Le 19 novembre F.T. Hawley avait écrit à Zola de Wandsworth, dans la banlieue de Londres. Dans sa lettre, il expliquait qu’il s’était déjà entretenu avec Vizetelly et qu’il voulait traiter avec ce dernier pour la traduction américaine de Rome (coll. particulière).
344 Après avoir reçu une réponse de Zola (non retrouvée), Hawley lui répondit, le 23 novembre : « Il me faut prendre l’avis de mes correspondants en Amérique, ne pouvant moi-même aller jusqu’au chiffre de 20 000 francs. D’après les données que je possède, je ne puis dépasser une dizaine de mille francs [...], ce qui serait sans doute insuffisant à votre point de vue. Cependant, je viens de communiquer avec mes correspondants [...]. Pouvez-vous donc attendre quelques jours ? » (coll. particulière). Pour les suites de l’affaire, voir les lettres 55 et 56.
345 En fin de compte, après avoir essuyé de nombreux refus, Vizetelly réussit à placer sa traduction chez Macmillan à New York. Le roman y parut en 1898 (→ lettre 65).
346 En 1724, l’imprimeur John Eyre obtint la permission d’imprimer la Bible et le Prayer Book de l’Église anglicane britannique. Son fils, Charles, prit comme associé William Strahan qui, à son tour, céda le brevet à son fils et ensuite à ses neveux, Andrew et Robert Spottiswoode. La maison Eyre and Spottiswoode passa ensuite de père en fils et resta l’imprimeur attitré du gouvernement anglais. Elle imprimait aussi les ouvrages de la maison Chatto & Windus.
347 Vizetelly répond vraisemblablement à la lettre de Zola en date du 7 décembre (CZ, VIII, 1. 269).
348 « Je n’ai plus de nouvelles de l’affaire d’Amérique », écrivit Zola dans une lettre du 7 décembre. « Que devient-elle ? » (ibid.).
349 Vizetelly répond à la question de Zola posée dans sa lettre du 7 décembre : « Ne pourriez-vous pas faire une chose ? Ce serait de faire le nécessaire là-bas pour que votre traduction fût déposée et protégée. Il y a des formalités à remplir », ajouta-t-il, « voulez-vous vous en charger, et tout de suite ? Répondez-moi immédiatement. » (ibid.).
La question de la propriété littéraire des volumes anglais aux États-Unis était en effet fort épineuse. À moins qu’une traduction anglaise ne fût composée typographiquement en Amérique même, l’auteur de l’œuvre en question n’avait aucune protection aux États-Unis contre les éditeurs pirates, qui publiaient des traductions non autorisées par l’auteur. Voir à ce propos MacGillivray, 1902, p. 253-254 et Salvan, 1943, p. 72-81.
350 C’est en 1891 que le Congrès des États-Unis reconnut pour la première fois les droits de propriété littéraire des écrivains étrangers en votant, le 4 mars, le « Copyright Bill » : la question des traductions cependant restait toujours bien équivoque. Il est intéressant de noter que déjà au printemps de 1891, Zola, en sa qualité de président de la Société des Gens de lettres, fut mis au courant des efforts d’Émile de Kératry. Délégué du Syndicat français pour la protection de la propriété littéraire et artistique, Kératry négocia avec les Américains une convention qui fut à l’origine du « Copyright Bill ». Après avoir négocié l’accord à Washington, de Kératry fonda, à New York et à Paris, une agence agréée par la Société des Gens de lettres, l’Agence française du « Copyright ». Voir à ce propos CZ, VII, lettres 81 et 117.
351 D’où l’en-tête que nous reproduisons ici.
352 Voir la lettre suivante.
353 Il s’agit des épreuves de Rome (→ lettre 56).
354 Cette lettre fait suite à la lettre précédente, d’où la date que nous lui attribuons.
355 Zola répondit par une lettre du 11 décembre : « J’attends la lettre que vous m’annoncez du monsieur qui demeure à Wandsworth. D’ailleurs », ajouta-t-il, « si nous ne traitons pas avec lui, vous ferez bien de vous aboucher avec les éditeurs américains. Il est impossible que nous ne placions là-bas votre traduction ; et c’est pourquoi, je le répète, il est indispensable de le [sic] protéger. » (CZ, VIII, l. 271). Voir la lettre suivante.
356 Voir la lettre précédente, n. 4.
357 Voir la lettre précédente, n. 3.
358 Zola répondit le mercredi 11 : « Je suis absolument d’avis que vous fassiez tout de suite le nécessaire pour publier, en Amérique, le premier chapitre de votre travail, et même le second, pour que cette traduction soit protégée. Je finirai bien par vendre là-bas votre texte ; et, en tout cas, je veux empêcher un vol certain. » (CZ, VIII, l. 271).
359 Avocat de formation, Félix Jules Méline (1838-1925) se lança très tôt en politique, appartenant à l’opposition républicaine sous le Second Empire, puis devenant député des Vosges en 1872. Spécialiste de l’agriculture, il créa le Mérite agricole en 1884 et fut le chef du mouvement protectionniste qui fit instituer le double tarif douanier en 1892. En 1905, Méline mit en place un vaste mouvement de retour à la terre.
360 Voir la lettre précédente.
361 La maison G.P. Putnam’s Sons fut fondée en 1866 par George Palmer Putnam (1814-1872). Putnam fit ses débuts à Londres où, en 1840, il ouvrit une librairie qui se spécialisa en livres américains. En 1848, il revint aux États-Unis où il fonda sa maison d’édition. À la mort de George Palmer Putnam, son fils, George Haven Putnam (1844-1930) prit la direction de l’entreprise. En 1878, la maison eut un premier grand succès avec The Leavenworth Case de Katharine Green, roman qui consacra le roman policier comme genre. Dix ans après, l’œuvre complète en dix volumes de Benjamin Franklin rapporta également un grand succès littéraire et financier.
362 Les négociations avec la maison Putnam devaient échouer. Voir les lettres suivantes.
363 Sur la maison Lippincott, voir la lettre 43, n. 1.
364 La maison d’édition Harper and Brothers fut fondée à New York en 1833 par quatre frères : James (1795-1869), John (1797-1875), Joseph (1801-1870) et Fletcher (1806-1877). La fin de la guerre de Sécession aux États-Unis amena un succès financier à la maison, qui offrit des livres comme The Story of the Great Mardi du colonel George Ward Nichols (1865), un des best-sellers de l’époque. La maison compta également parmi ses auteurs de nombreux écrivains britanniques, dont Thackeray, Eliot, Trollope et Hardy, et fit paraître de nombreuses éditions d’ouvrages anglais, à la fois piratés et légitimes. Harper and Brothers atteignirent une apogée dans les années 1880, avec plus de 800 employés, un chiffre de 4 millions de ventes par année, 4 000 livres et 4 revues en vente. En 1890, la maison était la plus grande des États-Unis. En 1893, John W. Harper prit la direction de la maison, en une année d’incertitude financière. En 1896, il fut obligé d’emprunter de grandes sommes d’argent et enfin de céder la maison à J.P. Morgan & Co. George B. Harvey fut nommé directeur en 1899, et les fortunes de la maison remontèrent grâce à des auteurs comme Theodore Dreiser et Zane Grey.
365 C’est-à-dire F.T. Hawley. Voir la lettre précédente, n. 2.
366 Voir les lettres 56 et 57.
367 Vizetelly fait allusion aux difficultés politiques entre les États-Unis et l’Angleterre survenues au début de 1896 au sujet de l’intervention américaine au Venezuela : cette brouille devait avoir des retombées dans le domaine économique.
368 Lettre non retrouvée.
369 Voir la lettre suivante.
370 La découverte de mines d’or et de diamant sur les territoires de l’État libre d’Orange et de la République sud-africaine (Transvaal) avait considérablement enrichi les Boers, qui tenaient à leur indépendance politique et qui refusaient de devenir sujets de la couronne britannique. Les campagnes anti-boers menées par les missionnaires anglais (qui accusaient les Boers d’esclavagisme), de même que la politique ouvertement impérialiste de Londres entraînèrent de nombreux conflits et la guerre fut déclarée en octobre 1899. Les Boers, largement inférieurs en nombre, se battirent héroïquement jusqu’en octobre 1900. Comprenant l’inutilité de leurs efforts dans le cadre d’une « guerre classique » (affrontements offensifs), ils choisirent une stratégie de guérilla, qui dura jusqu’en mars 1902. Ils furent alors obligés de baisser les armes, vaincus à la fois par la politique de « terre brûlée » menée par les Britanniques et par la puissance de l’armée anglaise, mieux armée et mieux ravitaillée.
C’est surtout la question coloniale qui devait opposer l’Angleterre et l’Allemagne à cette époque : celle-ci soutint fortement la république des Boers, les encourageant à réagir contre la domination britannique. La presse anglo-saxonne estimait évidemment que le gouvernement allemand s’occupait de questions hors de sa sphère d’influence. Voir aussi la lettre 166, n. 5.
371 Cette lettre fait évidemment suite à la lettre précédente (lettre 58), d’où la date que nous lui attribuons.
372 Il s’agit toujours des négociations entreprises par Vizetelly en vue de la vente de sa traduction de Rome aux États-Unis. Voir les lettres précédentes.
373 Cette liste a été conservée. Nous la reproduisons en annexe à cette lettre.
374 Moncure Daniel Conway (1832-1907), né en Virginie, fut abolitionniste et pasteur unitarien. Ayant fait une tournée de conférences sur la guerre de Sécession aux États-Unis en Angleterre, il s’installa à Londres, où il travailla comme pasteur (1864-1897). Co-éditeur du journal abolitionniste, Commonwealth, Conway fut également l’auteur de nombreux volumes sur la religion et l’histoire, dont The Earthward Pilgrimage (1870), Atheism. A Spectre (1878), Rights of Man (1895), et Dogma and Science (1904).
375 C’est-à-dire 20 000 francs. Voir la lettre 22, n. 4.
376 La première maison Sampson Low fut fondée en 1766, et passa de père en fils. Le Sampson Low dont il est question dans cette lettre naquit en 1796 et travailla chez Longmans, avant de s’établir libraire en 1819. En 1837, il devint rédacteur en chef du Publishers’Circular et, en 1867, il l’acheta, y restant jusqu’en 1883 et travaillant en collaboration avec son fils, Sampson Low III. Il fut l’auteur de Low’s Comparative and Historical Register of the House of Gommons 1827-1841 ; 1841-1847. Il soutenait la Book Trade Benevolent Society et fut, de 1848 à 1852, secrétaire de la London Booksellers’Association.
377 La maison d’édition Macmillan & Co. fut fondée par deux frères, Daniel (1813-1857) et Alexander (1818-1896), originaires d’Écosse. Tout jeune, Daniel devint l’apprenti d’un libraire à Irvine (Écosse), sa ville natale. En 1839, les deux frères trouvèrent du travail dans une librairie de Londres, avant de s’établir libraires à Cambridge en 1842 et imprimeurs en 1843. En 1845, Daniel et Alexander Macmillan jouissaient déjà d’une certaine importance dans le monde de l’édition anglaise, et ils nouèrent des liens d’amitié avec des auteurs célèbres, comme Wordsworth, Thackeray et Kingsley. De 1845 à 1855, la maison publia un grand nombre de volumes, dont beaucoup de traductions classiques, comme la République de Platon en 1852. En 1855, Westward Ho ! de Charles Kingsley fut un énorme succès. La publication de Two Years Ago, également de Kingsley, dépassa toute attente.
À la mort de Daniel en 1857, Alexander prit la direction de la maison et lança Macmillan’s Magazine en 1859. La maison fut nommée imprimeur attitré de l’université de Cambridge en 1863 et, en novembre 1869, établit une succursale à New York. Macmillan comptait à l’époque parmi ses auteurs les écrivains les plus célèbres du jour : Thackeray, Walter Pater, Tennyson, Hardy, Christina Rosetti et cardinal John Henry Newman, entre autres. En 1893, le fils de Daniel, Frederick (1851-1936) fut nommé directeur de la compagnie avec son frère Maurice comme associé.
Rappelons que c’est avec la maison Macmillan que Vizetelly réussit enfin à placer sa traduction (→ lettre 65).
378 Campbell Clarke était à l’époque le correspondant parisien du Daily Telegraph de Londres.
379 Vizetelly fait allusion aux « Notes from Paris » de Jules Claretie, parues dans The Athenaeum du 25 janvier 1896. Dans ses remarques sur les élections de l’Académie, Claretie écrivit : « For [the chair] of M. Dumas, the so-called literary part of the Academy seems resolved to make a great effort, probably decisive, in favour of M. Emile Zola. The literary quarrels which have marked recent years seem to have ended, and the repugnance which some Academicians, and not the least considerable, displayed to the candidature of the very great writer whom they reproached with certain passages in ‘L’Assommoir, ‘Nana,’ ‘and’ L’Argent, diminished by lapse of time, has either ceased to be felt or has greatly abated. The years have, one may say, obliterated certain prejudices, toned down certain audacities in the novelist’s books. And then M. Zola possesses a patron of the first order for the chair of M. Dumas, a sponsor of the first rank — that is, Alexandre Dumas himself. M. Dumas made himself, in the last years of his life, the chief election agent of M. Zola, and the latter has taken good care to recall the fact in his letter of candidature addressed to the perpetual secretary of the Academy. » Dans une lettre qu’il adressa à Zola le 30 novembre 1895, d’ailleurs, Claretie encouragea fortement Zola à soumettre sa candidature au fauteuil de Dumas fils, mort le 27 novembre : « Dumas, c’était à l’Académie votre parrain, votre très ardent avocat. Nous avons parlé hier de votre candidature. Elle va faire boule de neige. Nous sommes, les gens de lettres, décidés à la soutenir ! Et nous réussirons. Mais ne vous présentez que sur ce fauteuil. Là est le succès — certain, je crois. » (Rubenach, 1977, p. 171). Lors de l’élection, qui eut lieu le 28 mai, aucun des six candidats n’ayant atteint la majorité, l’élection fut ajournée. On se rappelle que Zola ne siégea jamais à l’Académie.
380 Deux jours après l’élection, Zola dit à Ange Galdemar du Gaulois : « Tout nouvel échec me donne comme un coup de fouet. Je me remets au travail avec une ardeur toute juvénile. Je suis pris comme d’un désir de lutte, d’une fièvre de bataille et j’abats de la besogne allègrement. » (« L’échec de M. Émile Zola au fauteuil de Dumas raconté par lui-lui-même », 30 mai 1896).
381 Sur la maison d’édition Harper, voir la lettre 57, n. 5.
382 Après des faillites successives comme éditeur en 1878 et en 1885, James R. Osgoode (1836-1892) devint l’agent londonien de la maison Harper. En 1891, il prit comme associé Clarence W. McIlvaine et fonda Osgoode, McIlvaine & Co. La maison connut quelques succès, notamment la publication de Tess of the D’Urbervilles de Thomas Hardy, mais elle disparut en 1897.
383 Né en 1854, Charles Scribner fils fit des études à Princeton avant de débuter en 1879 dans la maison d’édition de son père. Plutôt conservateur, Scribner mit l’accent sur la qualité des publications de sa maison, comptant parmi ses auteurs Edith Wharton, George Meredith, Rudyard Kipling, J.M. Barrie et John Galsworthy. Ayant vendu Scribner’s Monthly en 1881, il lança Scribner’s Magazine en 1887. Scribner fonda et finança les Presses de l’université Princeton. Il mourut en 1930. Lemuel W. Bangs, dont il est question ici, fut l’assistant de Charles Welford, ce dernier ayant fondé la succursale londonienne de la maison Scribner. Lorsque Welford mourut en 1885, ce fut Bangs qui prit la relève.
384 En 1868, William W. Appleton (1845-1923) devint associé de la maison familiale. En 1888, il lança une collection, « Town and Country Library », qui devait comporter 213 titres (Conrad, Gissing, Merrick), avec de nouveaux ajouts tous les mois. La maison vit son apogée dans les années 1890, avec des best-sellers de Conrad, Arthur Conan Doyle et Edward Bellamy, entre autres. La maison Appleton se spécialisa également dans des volumes de référence et d’histoire, dont Webster’s Blueback Speller et la « International Education Series » qui commença en 1886 et comportait plus de 60 volumes sur la médecine, la chirurgie, la sociologie, etc. La maison connut des difficultés financières en 1900 et fut réorganisée sous la présidence de Joseph H. Sears.
385 Sur la maison Lippincott, voir la lettre 43, n. 1.
386 À la fin de la guerre de Sécession aux États-Unis, Henry Houghton fut une des figures dominantes dans le monde de l’édition à Boston. Avec George Harrison Mifflin, il établit, en 1880, la maison Houghton Mifflin qui eut bientôt une liste impressionnante d’auteurs à son compte (Longfellow, Emerson, Thoreau, Tennyson). La maison offrait à ses lecteurs de nombreuses collections importantes, dont « American Statesman Series », « American Men of Letters », et « Riverside Literature Series ». À la mort de Henry Houghton en 1895, son fils Harry prit la direction de la maison jusqu’à sa mort en 1905.
387 Né en 1840, Henry Holt fit des études à Yale et à Columbia, avant d’aller travailler chez Leypoldt & Holt en 1866, où il s’occupa des traductions des œuvres d’Eichendorff, Heine, Goethe, Gautier et Sand, ainsi que des ouvrages de Thackeray et de Kingsley. En 1871, Holt fonda la maison Holt & Williams, dont la « Leisure Hour Series » de romans populaires comportait en 1886 presque 200 titres. À partir de cette même époque, Holt lança ses « Condensed Classics ». Son « American Science Series » connut également un succès énorme, avec des auteurs comme William James, John Dewey et Henry C. Adams. À partir de 1890, Holt vendit ses collections et se concentra dès lors sur des ouvrages de caractère plus général, et sur les manuels scolaires.
388 En 1870, Frank Howard Dodd (1844-1916) prit la direction de la maison de son père, Moses Dodd, et s’associa avec son cousin, Edward S. Mead (1843-1894). En 1871, Barriers Burned Away de E.R Roe devint leur premier best-seller, avec plus d’un million d’exemplaires vendus à l’époque. Dodd lança plusieurs collections et, en 1884, publia l'International Cyclopedia, qui fut bien reçue. Lors de la promulgation de l’American Copyright Law, Dodd, Mead & Co. se lia avec de nombreux éditeurs européens, et publia les ouvrages de Edmund Gosse, Walter Besant, Jerome K. Jerome et Maeterlinck. La maison acheta les droits de publication du périodique anglais, The Bookman, dont elle publia, à partir de 1894, une édition américaine.
389 Sur G.R Putnam’s Sons, voir la lettre 57, n. 2.
390 Après des études à Yale, Frederick A. Stokes (1857-1939) travailla à la maison Dodd, Mead & Co. Il fonda sa propre maison d’édition en 1881, et se spécialisa dans les livres pour enfants, les livres d’art, et les ouvrages de jeunes écrivains. Très prospère pendant les années 1890, la maison lança à l’époque une collection de réimpressions à bas prix. Frederick Stokes fut le président de l’American Copyright League et un membre fondateur en 1900 de l’American Publishers’Association.
391 Établie en 1893 à Chicago par Herbert Stuart Stone et Hannibal Ingalls Kimball, Jr., la maison Stone & Kimball eut un premier grand succès en 1896 avec The Damnation of Theron Ware de Harold Frederic. L’association des deux hommes se termina en avril 1896 : Kimball se lança dans le monde de la finance. La maison Herbert & S. Stone continua et fut achetée en 1934 par Dodd, Mead & Co.
392 Le 1er mars, Zola répondit : « Nous allons tâcher de faire paraître le volume chez Charpentier le 10 mai, quelques jours plus tôt, si nous le pouvions. » (CZ, VIII, l. 298). Ce fut en fait le 8 mai que Rome parut à Paris chez Charpentier et Fasquelle.
393 « La longueur du roman dépassera sûrement celle de La Débâcle », répondit Zola dans sa lettre du 1er mars. « Comptez quatre-vingts à cent pages de volume de plus. Nous atteindrons, chez Charpentier, les sept cents pages. » (ibid.). L’édition Charpentier devait en fait comporter 771 pages, par rapport à La Débâcle, qui en comporte 636 dans la même édition.
394 Dans l’édition Charpentier de Rome, le dixième chapitre comporte 56 pages.
395 Dans le roman, Zola décrit les efforts de la famille Boccanera pour libérer la jeune Benedetta d’un mariage de raison, jamais consommé d’ailleurs, afin qu’elle épouse son cousin, Dario, qu’elle aime depuis longtemps.
396 Vizetelly fait allusion, de toute vraisemblance, à la lettre de Dodd, Mead & Co.
397 Alexander Macmillan (1819-1896), propriétaire de la maison, l’avait fondée en 1843 avec son frère, Daniel (1814-1857).
398 Voir la lettre suivante.
399 Aucune annonce relative à la vente des droits de Rome aux États-Unis n’a été retrouvée dans The Critic.
400 À cause de sa publication de la traduction anglaise de La Terre (lettre 1, n. 9).
401 Les crochets sont de Vizetelly.
402 Il est vrai que malgré les conventions littéraires existantes (lettre 55, n. 3), les œuvres publiées en traduction étaient particulièrement difficiles à protéger. Sur les efforts entrepris par Vizetelly pour protéger l’édition américaine de Rome, voir les lettres 56 et suivantes.
403 Zola répondit le lendemain : « Je vous envoie aujourd’hui les chapitres XI et XII. Vous recevrez sûrement les quatre derniers chapitres avant la fin de ce mois, le dernier peut-être vers le 25. » (CZ, VIII, l. 298).
404 Voir la lettre précédente, n. 1 et 2.
405 Sur la maison d’édition Harper, voir la lettre 57, n. 5.
Le Graphic auquel Vizetelly fait allusion est The Daily Graphic. An Illustrated Newspaper. Ce quotidien, qui vécut de 1890 à 1926, était effectivement très illustré, luxueux et destiné à la bonne société. Il réservait une place importante aux nouvelles de la Cour anglaise et à l’actualité londonienne. L’Illustration, périodique tout aussi luxueux, fut créé en 1843 à l’imitation de The Illustrated London News, et vécut jusqu’en 1944. Plutôt conservateur, il présentait à ses lecteurs, un public riche et mondain, des contes et nouvelles, de la critique littéraire et théâtrale, un courrier de la mode, le tout étant illustré de reproductions de tableaux et de dessins d’époques diverses, ainsi que d’œuvres originales d’artistes contemporains.
406 Le roman de George Du Maurier (1834-1896), Trilby, parut en feuilleton illustré dans le Harper’s Monthly durant les premiers mois de 1894. Considéré comme le premier best-seller publié aux États-Unis, Trilby fit l’objet d’une intense campagne publicitaire, utilisant les moyens modernes de marketing et de mise en marché. Trilby parut en volume durant l’été 1894, et 200 000 exemplaires en furent vendus en moins d’un an. Le dramaturge américain Paul Potter adapta le livre à la scène. La pièce fut ensuite revue par Herbert Beerbohm Tree et Du Maurier lui-même, et fut jouée à Londres au Haymarket Theatre (254 représentations à guichets fermés). On a pu parler d’ailleurs d’une « Trilbymania », les industriels rivalisant pour créer des produits « Trilby » (allant des chaussures à la crème glacée). Les Harper avaient réalisé un énorme profit dans l’affaire, d’où la certitude de Vizetelly à propos de la solidité financière de la maison.
407 Date du cachet postal.
408 C’est-à-dire des épreuves de Rome, dont Vizetelly devait terminer la traduction le 10 avril (→ lettre suivante).
409 Voir la lettre 61, n. 8.
410 On se rappelle que c’est la maison Macmillan qui publia Rome aux États-Unis. L’agent new-yorkais, Reynolds, servit d’intermédiaire entre Vizetelly et la maison d’édition (→ lettre suivante).
411 Rome parut à Paris chez Charpentier et Fasquelle le 8 mai.
412 C’est le 25 juillet 1894 que Lourdes fut publié chez Charpentier et Fasquelle à Paris. Le roman ne parut que dans le courant d’août chez Chatto & Windus, à Londres. Sur l’accueil que la presse anglaise réserva au volume, voir la lettre 39, n. 1.
413 Sur la publication en feuilleton de Rome en province et aux colonies, voir la lettre 49.
414 Juste avant son mariage avec Benedetta, Dario est empoisonné par accident. Au moment de la mort de celui-ci, Benedetta se jette dans ses bras et meurt elle-même, foudroyée par le chagrin. Graham King cite d’ailleurs la traduction de Vizetelly de cette scène dans Garden of Zola (1978, p. 320).
415 Selon toute vraisemblance, Vizetelly ne termina pas ce travail, qui n’a jamais été retrouvé : quelques jours après avoir écrit la présente lettre, le traducteur tomba sérieusement malade, et dut renoncer à son voyage à Paris.
416 Rappelons que Vizetelly avait fait faire des stéréotypies des deux premiers chapitres de Rome afin de protéger sa traduction contre les éditeurs pirates aux États-Unis. Voir les lettres 55 et 56.
417 Voir la lettre 64, n. 2.
418 L’édition américaine de Rome comportait deux volumes.
419 Voir la lettre 55, n. 3 et 4.
420 Projet non réalisé. Étant tombé gravement malade quelques jours après avoir terminé sa traduction de Rome, et ayant sa femme et ses quatre enfants à sa charge, Vizetelly, dorénavant incapable de travailler, était obligé de remettre le règlement de comptes pour la vente de Rome qu’il prévoit dans cette lettre. Voir la lettre suivante.
421 La réponse de Zola à cette lettre date du 11 décembre, d’où la date que nous attribuons à la lettre de Vizetelly.
422 Le 27 juillet, Zola avait écrit à Vizetelly : « Je suis un peu surpris de ne plus avoir de vos nouvelles. Où en sont nos affaires de Rome ? Je n’ai encore rien touché. Est-ce que les journaux n’ont pas payé ? Est-ce que Chatto ne paie pas ? Renseignez-moi et hâtez un peu les règlements, qui se font, il me semble, beaucoup attendre. » (CZ, VIII, l. 351). Ayant reçu une lettre d’explication avec un chèque au montant de 5 000 francs (lettre non retrouvée), Zola écrivit de nouveau à Vizetelly le 9 août : « J’ai oublié de vous accuser réception du chèque de cinq mille francs, que j’ai touché. » Et de poursuivre : « Soignez-vous, rétablissez-vous, et envoyez-moi le règlement, quand vous pourrez, de façon à ce que ce soit une affaire terminée et que nous puissions nous occuper de Paris. » (CZ, VIII, l. 354).
423 Voir la première question posée par Vizetelly dans le document qu’il envoya au romancier en annexe à sa lettre du 18 janvier 1895 (lettre 47).
424 Selon la lettre précédente, la maison Macmillan avait l’habitude de régler les comptes des auteurs de la maison en fin d’année.
425 Il s’agit de la campagne électorale de 1896, qui opposa William McKinley (1843-1901), représentant du Republican Party et William Jennings Bryan (1860-1925) pour le Democratic Party. La campagne souleva en effet l’enthousiasme du public américain pendant l’été et l’automne de 1896. Les partisans de McKinley dépensèrent quelque 4 millions de dollars (brochures, articles et réclames dans les journaux, conférenciers célèbres, etc.). Lors de l’élection, McKinley reçut 271 votes contre 176 pour Bryan, avec une majorité de 600 000 voix.
426 Voir, à ce propos, la bibliographie de David Baguley (1976, p. 195-198).
427 En fait, à partir de décembre 1897, Zola négocia directement avec la maison Chatto & Windus, sans passer par l’intermédiaire de Vizetelly. Dans une lettre datée du 5 janvier 1897, le romancier accusa réception d’un chèque de deux mille francs envoyé le 5 décembre 1896, en acompte sur les dix mille francs promis par la maison anglaise pour la propriété de la publication en librairie de la traduction anglaise de Paris (CZ, VIII, l. 390).
428 Le 11 décembre, Zola rassura Vizetelly sur ce que serait son prochain roman : « Mon plan est achevé et je vais commencer le livre. Paris sera un roman, empli d’action, sur tous les différents “mondes” de Paris — le monde politique, le monde intellectuel, la société, le monde ouvrier, etc. Il n’y aura ni digression ni dissertation, mais le plus de vie et d’action possibles. Vous savez que je ne fais jamais de promesses sans les tenir. » (CZ, VIII, l.380).
429 Alfred Charles William Harmsworth, Baron Northcliffe (1865-1922) et son frère, Harold Sidney Harmsworth, Viscount Rothermere (1868-1940), étaient propriétaires de nombreux journaux, dont The Evening News et The Daily Mail, qu’ils fondèrent en 1896. Le 8 avril 1895, l’explorateur norvégien, Fridtjof Nansen (1861-1930), partit en traîneau vers le pôle nord. Il atteignit la latitude de 86°, personne n’ayant jamais approché le pôle d’aussi près, mais dut entreprendre un dur hivernage dans l’archipel François-Joseph, où il vécut de la chasse aux ours. Comme moyen de lancer leur nouveau journal, The Daily Mail, les frères Harmsworth financèrent l’expédition Jackson-Harmsworth : en juin 1896, Nansen et son équipe furent recueillis par l’explorateur anglais Frederick George Jackson (1860-1938). En fin de compte, Vizetelly ne traita pas avec The Daily Mail : il vendit sa traduction de Paris à The People, l’hebdomadaire qui avait publié Germinal et L’OEuvre en feuilleton (lettre 13, n. 5).
430 « Dear Sir », écrivit S.J. Summers du Daily Mail à Vizetelly dans une lettre datée du 6 décembre 1896, « it is quite possible that we shall be able to run M. Zola’s forthcoming work through the ‘Daily Mail’ ; but that would, of course, depend on the work itself and the arrangements you would be prepared to make. I shall be glad to have a reply as soon as convenient to yourself. » (coll. Dr Brigitte Émile-Zola). Vizetelly fournit à Zola une traduction de cette lettre en bas de page et, au verso de la lettre, il ajouta, à l’intention de Zola : « Note : Il faudrait donner à ce Monsieur (qui est le rédacteur en chef du journal) les renseignements suivants : Prix des droits anglais pour la publication de Paris en feuilleton. Un aperçu du livre, soit des épreuves spécimens ou des détails sur le sujet que vous comptez traiter. Longueur de l’ouvrage. Date à laquelle vous commencerez la publication à Paris. Indiquer aussi si le roman paraîtra à Paris dans un journal quotidien ou hebdomadaire. »
431 « Le roman commencera à paraître dans Le Journal entre le 15 et le 31 octobre », écrivit Zola dans sa lettre du 11 décembre, « et il sera publié en volume à la fin de janvier 1898. » (CZ, VIII, l.380). En fait, Paris parut dans Le Journal de Fernand Xau du 23 octobre 1897 au 9 février 1898. La publication en volume, retardée à cause du procès qui suivit la publication de « J’Accuse », eut lieu chez Charpentier et Fasquelle le 1er mars 1898.
432 On sait que Vizetelly resta le traducteur attitré du romancier jusqu’à la mort de celui-ci en septembre 1902.
433 Il s’agit de la lettre de Zola du 11 décembre. Voir la lettre précédente.
434 Voir la lettre précédente, n. 7.
435 Voir la lettre précédente, n. 8 et 11.
436 Ce document ne nous est pas parvenu.
437 Voir la lettre 58, n. 5.
438 Vizetelly fait allusion au conflit sur l’Île de Crète, où, en janvier 1897, un groupe de guerillas crétois et de Grecs se déclarèrent en révolte contre le régime turc, et proclamèrent l’union de la Crète avec la Grèce. Le 3 février, une armée de 10 000 Grecs occupèrent l’île sous la direction du prince Georges. Les batailles qui s’ensuivirent coutèrent la vie à de milliers de Grecs et de Turcs.
439 Voir la lettre 66, n. 9.
440 Voir la lettre 66, n. 10.
441 Vizetelly fait allusion à la dette qu’il avait encourue auprès de Zola. Voir la lettre 66.
442 La lettre autographe porte une tache, qui nous empêche de déchiffrer cette phrase en son entier.
443 Voir la lettre 66, n. 7.
444 Il s’agit vraisemblablement de A Path of Thorns, roman qui parut chez Chatto & Windus, à Londres, en 1900.
445 Voir la lettre 66.
446 Vizetelly fait sans doute allusion à la lettre que le romancier lui écrivit le 11 décembre 1896. Voir la lettre 66, n. 8.
447 On ne trouve aucune mention, ni dans les lettres de Vizetelly, ni dans celles de Zola, d’une publication en feuilleton de la traduction anglaise de Paris hors de l’Angleterre.
448 Ce fut le 31 août que Zola envoya les cinq premiers chapitres du roman à Chatto & Windus, en double exemplaire (CZ, VIII, l. 451).
449 Il s’agit de W.T. Madge, directeur du People depuis l’époque de la publication de Germinal dans le journal.
450 La correspondance entre les deux hommes ne nous donne aucune indication ultérieure sur l’affiche sollicitée par Vizetelly. On sait cependant, par la lettre de Vizetelly en date du 19 août (lettre suivante), que Zola lui envoya une lettre le 16 (lettre non retrouvée).
451 « Je vous répète », écrivit Zola dans sa lettre du 31 août, « que le roman commencera à paraître dans Le Journal le 20 octobre. » (CZ, VIII, l. 451).
452 Lettre non retrouvée. Voir la lettre précédente.
453 C’est-à-dire Le Journal, où Paris parut en feuilleton à partir du 23 octobre.
454 Rappelons qu’il fut décidé, après les difficultés survenues à la fin de 1896 (lettre 66), que Zola enverrait ses épreuves directement à la maison Chatto & Windus, au lieu de passer par l’intermédiaire de Vizetelly. De même, Zola devait recevoir ses acomptes de ses éditeurs anglais, et non du traducteur.
455 Voir la lettre précédente, n. 3.
456 Le 31 août, Zola apprit à Vizetelly qu’il venait d’adresser les cinq premiers chapitres de Paris à la maison Chatto & Windus (CZ, VIII, l. 451).
457 Voir la lettre 64. Dans une lettre datée du 11 décembre 1896, Zola dit effectivement : « Vous pouvez [...] sonder les Américains, en leur disant que vous leur apporterez le livre le plus vivant et le plus intéressant que j’aie jamais écrit. » (CZ, VIII, l.380).
458 Voir la lettre 65.
459 Voir la lettre 22, n. 4.
460 Né en Angleterre, George R Brett immigra très tôt aux États-Unis. Il succéda à son père chez Macmillan & Co. (entreprise britannique ayant une succursale à New York). En 1896, Brett devint président de la branche américaine nouvellement fondée de Macmillan Company. Il réorganisa complètement le réseau de distribution des livres en établissant des bureaux et des points de vente dans les grandes villes américaines. Il demeura à la tête de l’entreprise jusqu’en 1931. Il mourut à Greenfield Hill (Connecticut) le 20 septembre 1938.
461 Voir la lettre 65.
462 Sur l’accueil fait à Rome aux États-Unis, voir la lettre 66, n. 6.
463 Il s’agit de l’élection de 1896. Voir la lettre 66, n. 5.
464 À notre connaissance, la maison Macmillan ne publia jamais une édition populaire de Rome.
465 Voir la lettre 65.
466 Voir les lettres 55 et 56.
467 Vizetelly fait vraisemblablement allusion à la lettre non retrouvée du 16 août.
468 Voir pourtant la lettre 74. Vizetelly ne réussit pas à vendre Paris en feuilleton aux États-Unis.
469 Selon la lettre suivante (lettre 71), Vizetelly reçut une réponse de Zola le 30 août. Cette lettre cependant n’a pas été retrouvée.
470 Aucune de ces deux lettres ne nous est parvenue.
471 Selon des arrangements faits à la fin de 1896, Zola envoyait le jeu d’épreuves de Paris destiné à Vizetelly, ainsi que celui qui était destiné à Chatto & Windus, en un seul envoi chez l’éditeur, ce qui obligeait le traducteur à se déplacer (lettre précédente, n. 3). Par une lettre en date du 8 septembre, Zola demanda à Chatto & Windus d’envoyer la suite des épreuves directement à Vizetelly (CZ, VIII, l. 455).
472 Vizetelly a dû recevoir les épreuves des cinq premiers chapitres de Paris dans les premiers jours de septembre (lettre 70, n. 5), ce qui nous fait attribuer cette date approximative à la présente lettre.
473 Vizetelly fait allusion à la liaison entre Oscar Wilde et Lord Alfred Bruce Douglas (1870-1945). Après des études à Oxford, le jeune Douglas fit la connaissance de Wilde et, malgré l’opposition des parents de Douglas, le marquis et la marquise de Queensbury, les deux hommes continuèrent à se fréquenter. Outré, le père de Douglas intenta à Wilde le fameux procès qui valut à ce dernier deux ans de prison. Lorsque Wilde fut libéré, Douglas et lui partirent ensemble à Naples et devaient continuer à se voir jusqu’à la mort de Wilde en 1902. Douglas fut nommé éditeur de The Academy en 1907, mais se brouilla avec ses collègues peu après. Poète, il est également l’auteur de volumes de souvenirs, dont Oscar Wilde and Myself (1914), Autobiography (1929) et Oscar Wilde. A Summing-Up (1940).
474 Zola arrêta son choix sur le nom de Elson. Voir OC, VII, p. 1237.
475 Lettre non retrouvée.
476 S’agit-il de la lettre de Zola en date du 31 août (CZ, VIII, l. 451), dans laquelle le romancier lui fournit des précisions sur la longueur de Paris ?
477 Ni la lettre ni le contrat n’ont été retrouvés. Sur les négociations entre Vizetelly et la maison Macmillan à propos de la publication de Paris aux États-Unis, voir la lettre 70.
478 Le lendemain, Zola se formalisa : « Mon œuvre est toujours morale, entièrement morale. [...] Je ne vous autorise pas à la modifier pour l’accommoder au goût des hypocrites. » (CZ, VIII, l. 462).
479 Dans le roman, la baronne Ève Duvillard, encore très belle et très séduisante à 45 ans, et sa fille Camille, petite et contrefaite, sont amoureuses du même homme, le beau Gérard de Quinsac, dernier représentant d’une famille de la vieille noblesse. Ève et Gérard ont une liaison, au grand dépit de Camille. Après bien des déchirements, Ève finit par quitter Gérard, qui épouse Camille. Dans la scène évoquée par Vizetelly, la mère et la fille se font face et se disputent la propriété et l’amour de Gérard (OC, VII, p. 1334-1338).
480 Voir la lettre 69.
481 Correspondance non retrouvée.
482 Il s’agit de la scène de l’attentat contre l’hôtel Duvillard (OC, VII, p. 1253-1254).
483 Voir la lettre 74.
484 Zola peint en Hyacinthe, fils du baron et de la baronne Duvillard, le jeune dandy efféminé de la fin du siècle, blasé, cynique, revenu de tout, sans scrupule ni énergie.
485 Dans une lettre à Vizetelly du 3 septembre, et ensuite dans une lettre à Zola du 10, lediteur anglais insista sur la nécessité de fixer une date exacte pour la publication du volume, afin d’assurer la simultanéité de l’apparition du volume à Paris et à Londres (archives Chatto & Windus, Reading University).
486 Rome avait paru le 8 mai 1896 à Paris et en août à Londres. La même situation s’était produite pour Lourdes. Voir la lettre 64.
487 Nous n’avons pas eu communication de cette lettre.
488 En fait, Paris parut le 1er mars 1898 des deux côtés de la Manche.
489 Voir la lettre suivante.
490 Document non retrouvé.
491 Dans le premier chapitre de Paris, le lecteur retrouve l’abbé Pierre Froment, revenu de Lourdes et de Rome, mais qui n’arrive toujours pas à retrouver la foi : « La simple probité ne lui commandait-elle pas de jeter la soutane, de retourner parmi les hommes ? Sa situation fausse, à certaines heures, l’emplissait de dégoût de son héroisme inutile, et il se demandait de nouveau s’il n’était pas lâche et dangereux de laisser vivre les foules dans leur superstition. Certes, le mensonge d’un Dieu de justice et de vigilance, d’un paradis futur où étaient rachetées toutes les souffrances d’ici-bas, avait longtemps semblé nécessaire aux misères des pauvres hommes ; mais quel leurre, quelle exploitation tyrannique des peuples, et combien il serait plus viril d’opérer les peuples brutalement, en leur donnant le courage de vivre la vie réelle, même dans les larmes ! » (OC, VII, p. 1180).
492 Ce qui fut le cas : Paris ne parut pas en feuilleton aux États-Unis.
493 Rappelons que Paris parut en feuilleton dans The People, hebdomadaire londonien, du 24 octobre 1897 au 27 mars 1898, dans une version sévèrement estropiée, à cause des craintes exprimées par W.T. Madge, directeur du journal.
494 Voir la lettre suivante (lettre 75).
495 Peu intéressé par les hauts et les bas de la vie politique avant 1898, Zola fut tout à fait bouleversé, on le sait, par son engagement dans l’affaire Dreyfus. Profondément convaincu de l’innocence du capitaine juif, alors emprisonné à l’île du Diable, Zola entreprit dans Le Figaro, le 25 novembre 1897, une série d’articles en faveur de la cause dreyfusiste : « M. Scheurer-Kestner » (25 novembre), « Le syndicat » (1er décembre) et « Procès-verbal » (5 décembre). Le 14 décembre parut en brochure chez Fasquelle sa « Lettre à la jeunesse ». Ayant déjà fait appel à la jeunesse quelques années plus tôt, notamment pour lui expliquer sa foi en le travail et la science (lettre 17), Zola essaya par cette lettre de rallier la jeunesse intellectuelle à la cause dreyfusiste : « Jeunesse, jeunesse, sois humaine, sois généreuse. Si même nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu’un innocent subit une peine effroyable, et que notre cœur révolté s’en brise d’angoisse. Que l’on admette un seul instant l’erreur possible, en face d’un châtiment à ce point démesuré, et la poitrine se serre, les larmes coulent des yeux. [...] Comment ne fais-tu pas ce rêve chevaleresque, s’il est quelque part un martyre succombant sous la haine, de défendre sa cause et de le délivrer ? Qui donc, si ce n’est toi, tentera la sublime aventure, se lancera dans une cause dangereuse et superbe, tiendra tête à un peuple, au nom de l’idéale justice ? » (OC, XIV, p. 909).
En fait, de nombreux journaux anglais citèrent longuement l’appel de Zola. Le correspondant parisien du Times, par exemple, cita un extrait du discours en traduction, le préfaçant ainsi : « M. Zola, in a letter of remonstrance to the students on their demonstrations against the champions of Captain Dreyfus, reminds them that, under the Empire, they always sided with the weak. » (14 décembre 1897). Sur le retentissement de l’affaire Dreyfus dans la presse britannique, voir Burns, 1980.
496 Dans une lettre datée du 7 janvier, Zola adressa ses condoléances à Marie Vizetelly (CZ, IX, 1. 55).
497 Le 22 octobre 1897, James Thomas George Vizetelly, l’onde de l’éditeur, mourut à Hampton Wick, Middlesex. Ernest et Arthur Vizetelly assistèrent à ses obsèques, qui eurent lieu à Windsor.
498 Zola répondit, le 7 janvier : « Je vous envoie le livre cinquième et dernier de Paris, et vous allez avoir un grand mois devant vous, ce qui va vous permettre de mener votre travail à bonne fin. Dites à M. Chatto que l’original français ne paraîtra pas en librairie avant le 10 février. » (CZ, IX, l. 55).
499 Rien n’indique que Vizetelly eut recours à cette combinaison.
500 Au chapitre V du premier Livre, Zola décrit un attentat à la bombe contre l’hôtel du baron Duvillard, dont l’auteur est l’anarchiste Salvat (→ n. 9).
501 Voir la lettre 73, n. 3.
502 Il est vrai que certaines adaptations des pièces de Zola ne connurent qu’un succès fort médiocre : Paris ne fit jamais l’objet d’une adaptation théâtrale. Sur les adaptations des pièces de Zola à la scène, voir Carter, 1963.
503 Il s’agit de la scène où Zola décrit la fuite éperdue de l’anarchiste Salvat. Activement recherché par la police, soupçonné d’un attentat à la bombe perpétré contre l’hôtel Duvillard, Salvat se réfugie au Bois de Boulogne. Il tente d’échapper à la police, courant de sentier en sentier, de fourré en fourré, allant jusqu’à se jeter dans le lac pour tromper les chiens. Il est finalement pris, rapidement jugé, et décapité, pour l’exemple.
504 Lettre non retrouvée.
505 « Je compatis à vos ennuis », écrivit Zola dans sa lettre du 7 janvier, « et j’espère que tout s’arrangera. » (CZ, IX, 1. 55).
506 Vizetelly fait allusion à ses négociations avec The Weekly Times and Echo à propos de La Débâcle (l.1).
507 La note de Vizetelly n’a pas été retrouvée.
508 « Vous savez », lui écrivit Zola dans sa lettre du 7 janvier, « que je vous laisse prélever le juste salaire de votre travail. Quand vous aurez réglé avec Le Peuple, vous me direz ce que vous croyez raisonnable, et c’est accepté à l’avance. » (CZ, IX, l. 55).
509 Rien, dans la correspondance entre les deux hommes, ne nous éclaire sur cette affaire. Il s’agit, selon toute vraisemblance, du fameux bordereau, une des pièces à conviction dans le procès Dreyfus.
En septembre 1894, le Service des renseignements de l’armée intercepta cette communication, adressée au général von Schwartzkoppen, l’attaché militaire allemand en poste à Paris. Une enquête fut lancée dans les bureaux de l’état-major, où les soupçons se portèrent sur un officier stagiaire, le capitaine Alfred Dreyfus. Une première analyse graphologique n’ayant pas été concluante, le bordereau fut resoumis à trois autres experts, qui conclurent à la culpabilité de Dreyfus.
Dans sa « Lettre au président de la République » (le fameux « J’Accuse », publié le 13 janvier 1898 dans L'Aurore), Zola cibla, entre autres, les trois experts français : « J’accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d’avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement. » (CZ, IX, l. 56). Les trois hommes assignèrent Zola, par la suite, à comparaître devant le tribunal correctionnel, estimant qu’ils avaient été diffamés dans la lettre de Zola au président Faure.
510 « Je n’ai pas de photographies », répondit Zola dans une lettre du 25 janvier, « et Nadar, malheureusement, ne pourra vous en envoyer que dans quelques jours, car il en manque aussi. » (CZ, IX, l. 68).
511 Voir à ce propos Burns, 1980.
512 C’est dans sa biographie de Zola que Vizetelly rend compte de la conférence en question : « Mr. David Christie Murray, the novelist, gave a very interesting lecture on the bordereau at the Egyptian Hall in London. [...] In the course of his remarks, Mr. Murray strongly praised Zola’s attitude, pointing out that after toiling through poverty, privation, and obloquy, to fame and wealth, he braved imprisonment and ruin out of pure pity and love of justice. » (1904, p. 448).
David Christie Murray (1847-1907) fit ses débuts comme journaliste au Birmingham Evening News. Il travailla ensuite comme correspondant parlementaire du Daily News (1871) et comme correspondant de guerre pendant le conflit entre la Turquie et la Russie (1877-1878) pour The Times et The Scotsman. Il eut beaucoup de succès comme conférencier, faisant des tournées en Australie (1889-1891), aux États-Unis et au Canada (1894-1895). De 1879 jusqu’à sa mort, il publia au moins un roman par an, dont plusieurs étaient des best-sellers pour la maison Chatto & Windus : Joseph’s Coat (1881), Rainbow Gold (1885) et Aunt Rachel (1886). Collaborateur à la Contemporary Review et au New York Herald, Murray se consacra, à partir de 1898, à des publications et des conférences en faveur de la cause dreyfusiste.
En 1898, David Christie Murray contribua un témoignage au Livre d’hommage des Lettres françaises à Émile Zola (Paris, Société libre d’Éditions des Gens de Lettres, p. 125) :
« Monsieur, je me hâte de vous remercier de l’honneur que vous me faites en me priant de m’associer à la brillante assemblée d’hommes qui rendent actuellement hommage au courage et au dévouement de M. Émile Zola. Je m’empresse d’autant plus de me joindre à cette manifestation de haute considération et sincère admiration, que j’ai toujours été un adversaire des procédés artistiques de M. Zola. Ce fut pour moi une bonne fortune de trouver l’homme derrière l’artiste et de constater que, dans la nature d’un écrivain, auquel je m’étais toujours instinctivement opposé, il y avait un élément pour lequel je pouvais avoir une admiration raisonnée et sans restriction. L’amour passionné et sincère de M. Zola pour la justice, son humanité, son grand et courageux patriotisme lui ont acquis l’estime de millions d’hommes qui, par tempérament, lui étaient opposés. Il est incompris par le pays qu’il aime si profondément et pour l’honneur duquel il combat en ce moment si ardemment, mais il obtiendra justice devant l’histoire et dès maintenant il peut trouver une sublime consolation en pensant que les hommes libres du monde entier l’applaudissent. »
513 Sur la publication de Paris en Angleterre, voir la lettre 66.
514 Rappelons que le premier procès de Zola, devant la Cour d’assises de la Seine, s’ouvrit le 7 février. Le 18 juillet, il partit pour l’Angleterre, à la suite de sa condamnation à la Cour d’assises de Versailles.
515 L’allusion à la publication de Paris nous fait dater cetter lettre de 1898.
516 Dans sa lettre du 25 janvier, Zola précisa : « Dites à M. Chatto que nous ne mettrons pas Paris en vente le dix février. Ce serait une grande faute, au milieu de la bousculade actuelle. Nous ne paraîtrons sans doute que vers la fin de février. Que M. Chatto attende donc que je le prévienne, ce que je ferai toujours une dizaine de jours à l’avance. » (CZ, IX, l. 68).
517 Ce fut le 2 février que Zola confirma la date dans une lettre à Andrew Chatto : « Je vous préviens, dès aujourd’hui, que le roman ne sera mis en vente ici que le 1er mars, et il est donc formellement convenu que, de votre côté, vous ne mettrez la traduction en vente que ce jour-là. Nous avons retardé la mise en vente de quelques jours, pour qu’elle ne tombât pas dans l’effroyable agitation actuelle. » (CZ, IX, l. 72). Dans une lettre datée du 6 février, Zola confirma la nouvelle pour Vizetelly (CZ, X, l. 76).
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