Annexes
p. 245-253
Texte intégral
1Note pour les lecteurs français : ne vous fatiguez pas à porter plainte devant l’Ordre des médecins. L’Ordre n’est pas une juridiction destinée à servir le citoyen. Il ne peut pas réparer un préjudice causé par un médecin, il ne peut que dicter des sanctions, et celles-ci sont rarement sévères.
Annexe 1 : Les dix droits du patient
- Le droit de choisir son médecin
- Le droit d’être écouté et respecté
- Le droit à la confidentialité
- Le droit d’être informé (et de s’informer librement)
- Le droit de consentir (ou non) aux examens et aux traitements
- Le droit de ne pas souffrir
- Le droit de faire une pause et de réfléchir
- Le droit de demander réparation
- Le droit d’être représenté
- Le droit d’échanger et de partager
2Source : Salomé Viviana et Martin Winckler, Les droits du patient, Paris, Fleurus, 2007.
Annexe 2 : Les comportements inappropriés des professionnels de santé
3Voici une liste, non exhaustive, de signes qui doivent vous donner à penser que le professionnel de santé à qui vous avez affaire n’a pas un comportement professionnel. Comme vous le verrez, ils traduisent le non-respect des dix droits exprimés plus haut.
4Votre médecin se comporte de manière inappropriée si :
- Il n’écoute pas ce que vous dites, vous coupe sans arrêt la parole ou vous ordonne de vous taire ;
- Il dénigre vos sentiments, vos émotions, votre expérience ou vos opinions ;
- Il tient des propos humiliants ou qui tendent à vous ridiculiser ;
- Il crie ou est verbalement violent ;
- Il ne répond pas aux questions et refuse de vous informer sur votre état ;
- Il reste silencieux, distant, évitant, évite le contact visuel, parle par monosyllabes ;
- Il vous reproche vivement, de manière autoritaire, de ne pas suivre ses prescriptions ;
- Il réagit aux questions ou à la remise en cause de ses prescriptions avec colère ; il se froisse facilement ;
- Il est insultant à votre égard ou à l’égard d’autres patients ;
- Il s’oppose fermement à ce que vous demandiez un second avis ;
- Il cherche à vous imposer un traitement ou des tests dont vous ne voulez pas ou refuse un traitement sans justification ; il menace de ne plus vous soigner si vous n’obtempérez pas ;
- Il viole (ou menace de violer) l’obligation de confidentialité en révélant des informations à votre entourage, ou vous révèle des informations qui ne vous concernent pas sur une personne de votre entourage ou un autre patient ;
- Il ne vous demande pas votre consentement pour pratiquer un geste médical ; il effectue sur vous ou une personne de votre entourage des gestes brutaux, inappropriés, déplacés ou agressifs ;
- Il vous demande des honoraires non prévus contractuellement, sans les justifier, en argent liquide, et sans vous remettre de reçu ;
- Il s’oppose à ce que vous preniez le temps de réfléchir à une procédure ou à un traitement ;
- Il refuse que vous le consultiez en présence d’un tiers (conjoint, parent, ami) ;
- Il s’oppose à ce que vous alliez demander conseil à un autre professionnel ;
- Il refuse de vous communiquer tout ou une partie de votre dossier.
Annexe 3 : Êtes-vous pris dans une relation de maltraitance médicale ?
5Répondez par oui ou par non aux questions suivantes. Si elles vous semblent similaires à celles qui permettent de définir une relation abusive avec un parent ou un conjoint, c’est parce que tous les abus par personne de confiance sont similaires.
- Avez-vous peur de votre médecin ?
- Avez-vous tendance à éviter certains sujets de peur de contrarier votre médecin ?
- Avez-vous le sentiment que vous devez obéir aux instructions de votre médecin sous peine de le voir se « fâcher » ou « vous gronder » ? Et, si vous ne suivez pas ses prescriptions, trouvez-vous préférable de le lui cacher ?
- Avez-vous le sentiment que vous devez vous comporter d’une certaine manière pour obtenir du médecin qu’il s’occupe de vous ?
- Avez-vous le sentiment que votre médecin vous impose des gestes ou des tests inutiles ?
- Avez-vous le sentiment que vous ne pouvez pas dire « Non » à votre médecin ?
- Vous sentez-vous souvent plus mal en sortant de chez le médecin qu’en y entrant ?
6Lorsque vous êtes en entretien avec lui, est-ce que votre médecin :
- vous humilie ou vous fait des reproches ?
- vous critique ou vous diminue ?
- ignore ou dénigre vos opinions, vos croyances ou vos questions ?
- vous laisse entendre que si vous êtes malade, c’est votre faute ?
- cherche systématiquement à vous effrayer ou à vous culpabiliser pour vous faire changer de comportement ?
- vous traite comme un cas, plutôt que comme une personne ?
- pratique le chantage moral (en menaçant de ne plus vous soigner si vous ne lui obéissez pas, par exemple) ?
- vous fait des remarques ou des propositions de nature sexuelle ?
- rejette vos questions, vos suggestions ou les informations que vous lui apportez ?
- a un tempérament irritable ou imprévisible ?
- vous fait souvent mal ou vous met souvent mal à l’aise quand il vous examine ?
- vous culpabilise ou vous embarrasse face à votre conjoint ou votre famille ?
- refuse que vous preniez une autre opinion ?
- refuse que vous ayez accès à certains traitements ou certains soins ?
- ne cesse de contrôler votre comportement ?
- porte des jugements sur vos comportements ?
7Plus le nombre de « oui » est élevé, plus la probabilité est grande que cette « relation de soin » soit en réalité une situation de maltraitance.
Annexe 4 : Que faire, face à une maltraitance médicale ?
8Les médecins sont des êtres humains, ils peuvent être physiquement harassés ou préoccupés par des soucis personnels. Un médecin fatigué a le droit d’être de mauvaise humeur. Un médecin qui a toujours un comportement désagréable n’a pas d’excuse.
9Tout comportement médical maltraitant qui persiste malgré les protestations du patient trahit la confiance que celui-ci a accordé au médecin. Il ne doit pas être toléré. Il y a beaucoup de choses à faire face à la maltraitance exercée par un médecin. Je vais m’en tenir ici à la situation courante qu’est la consultation, mais les principes sont les mêmes pour les situations d’hospitalisation.
1. Refuser la maltraitance
10La plus grande force de ceux qui nous oppriment, c’est l’idée que nous ne pouvons rien faire contre eux. La première chose à garder à l’esprit est qu’un professionnel de santé qui vous maltraite, de quelque manière que ce soit, est dans son tort. Il n’a aucun droit de le faire, et vous n’avez pas à vous sentir coupable de le ressentir ainsi et de rejeter son attitude. Aucun diplôme, aucun statut, aucun titre ne peut justifier un comportement maltraitant.
11Vous êtes toujours en droit de dire à votre médecin que son comportement vous met mal à l’aise, vous choque, vous est désagréable ou insupportable ; vous êtes toujours en droit de refuser de vous déshabiller ou de vous faire examiner si cela vous est pénible ; vous êtes toujours en droit de demander des explications précises avant qu’on vous touche ; vous n’êtes jamais tenu de vous mettre dans une posture humiliante ; vous n’êtes jamais tenu de vous faire examiner par plusieurs médecins (qu’ils soient ou non en formation).
12En dehors d’une situation d’extrême urgence, où votre vie est menacée dans l’heure, toutes les décisions graves méritent réflexion. Même une maladie grave (cancer) justifie que vous preniez le temps de réfléchir. Il n’est jamais justifié qu’on vous contraigne, sous prétexte d’« urgence », à vous faire opérer dans un très bref délai, sans vous avoir donné le temps de réfléchir, de poser toutes les questions, de demander à connaître toutes les options – voire de demander un second avis. Au moment où on vous donne le diagnostic, vous n’êtes pas brusquement beaucoup plus malade que vous ne l’étiez la veille. L’annonce de la maladie ne l’aggrave pas. Et cette annonce ne justifie pas que vous abandonniez vos décisions au médecin.
2. S’extraire de la situation
13Si vous vous sentez maltraité, et si cette maltraitance persiste après que vous l’avez clairement exprimé, vous êtes en droit de partir.
14Prenez vos affaires et sortez du bureau du médecin.
15Vous avez toujours le droit de ramasser vos affaires et de sortir. Un médecin n’est pas un juge ou un officier de police. Et si le comportement du médecin a compromis le déroulement de la consultation et la prise en compte de votre problème de santé, vous êtes en droit de ne pas le payer. Car ce n’est pas le droit de vous asseoir dans son bureau que vous rémunérez, c’est le service professionnel qu’il vous rend. S’il ne vous l’a pas rendu, il n’a pas à demander des honoraires.
16Si vous vous trouvez à l’hôpital, demandez à voir un autre médecin en expliquant pourquoi à un autre professionnel de santé du service. En dehors des situations d’urgence, c’est presque toujours possible.
17Si besoin, faites-vous seconder par un conjoint, un parent, un ami qui servira de témoin et de « tiers ». Beaucoup de comportements maltraitants cessent quand leurs auteurs ne sont plus en tête à tête avec le patient.
18Votre dossier et vos résultats d’examens vous appartiennent. Le médecin est tenu par la loi de le transmettre au médecin de votre choix. En France, si votre dossier se trouve dans une clinique ou un centre hospitalier, vous pouvez saisir la CADA – Commission d’accès aux documents administratifs1. S’il s’agit d’un dossier conservé par un médecin privé, prévenez le médecin par courrier que vous porterez plainte au commissariat s’il ne transmet pas votre dossier à un autre médecin dans un délai d’une semaine. Et s’il ne le fait pas, allez porter plainte. (Note : vous ne pouvez demander la transmission d’un dossier que s’il vous concerne personnellement ou, dans le cas du dossier d’un enfant, si vous êtes détenteur de l’autorité parentale.)
3. Briser le silence
19Les médecins maltraitants et de mauvaise foi se pensent hors d’atteinte. Cette illusion est entretenue par le silence de ceux qu’ils maltraitent. Briser le silence, c’est inverser le rapport de force.
20Après la rencontre, écrivez noir sur blanc ce qui s’est passé et ce que vous avez ressenti, ou parlez-en à quelqu’un et enregistrez vos propos pour garder la trace de tout ce que vous vous rappelez.
21Parlez-en à une personne de confiance de votre entourage.
22Si la maltraitance a été essentiellement verbale, écrivez au médecin qui vous a maltraité pour lui dire précisément ce que vous lui reprochez. Citez explicitement les articles du Code de Déontologie qui ont, à votre avis, été violés par son comportement. Et demandez-lui de vous répondre par écrit. Écrivez ou faites transcrire votre lettre à l’ordinateur et non à la main ; imprimez-la en plusieurs exemplaires. Indiquez dans l’en-tête que vous envoyez cette lettre en copie à son autorité de tutelle (Conseil de l’Ordre, Collège des médecins), au syndicat de médecins de sa spécialité, au service d’assurances sociales (en abusant de vous, il abuse du système, ce qui n’est pas acceptable), à la direction de l’établissement (si vous l’avez consulté à l’hôpital ou en clinique) ou au chef du service dont il dépend, ainsi qu’à une association de consommateurs ou de patients.
23Le but de cette correspondance consiste, avant tout, à attirer sur le comportement du praticien l’attention des institutions et des organismes susceptibles d’interagir avec lui ou d’avoir connaissance d’autres abus.
24L’objectif de la lettre (que vous enverrez en recommandé avec accusé de réception) est aussi d’obtenir une réponse du médecin – s’il est de bonne foi, il cherchera à s’amender. S’il ne l’est pas, la lettre (et surtout, le fait de savoir que d’autres personnes que lui ont été mises au courant de son comportement) a pour but de le déstabiliser. Elle a aussi pour but de créer un précédent – si tous les patients maltraités par un même médecin écrivent et expriment leur révolte, ce comportement ne peut plus passer inaperçu.
25 Si vous devez retourner voir un médecin maltraitant, faites-vous accompagner par une personne de confiance qui notera ce qui sera dit et pourra servir de témoin.
26(Note : le médecin n’a pas le droit de refuser d’entrer à votre accompagnant(e) si vous en faites la demande explicite. Le secret professionnel n’est pas opposable au patient. Si vous êtes d’accord pour qu’une autre personne entende ce qu’il a à dire, il ne peut pas s’y opposer. S’il refuse, n’entrez pas dans son bureau.)
27 Si la maltraitance a été morale ou physique, ou si vous estimez qu’il a commis un délit (le harcèlement sexuel ou le harcèlement moral sont des délits), ou une faute médicale (s’il vous a contraint à subir un traitement, à subir un examen ou une intervention dont vous ne vouliez pas, par exemple) décrivez-le très précisément, comme dans le cas précédent. Rappelez-vous que ce sont ses actes qui comptent (ses paroles, ses gestes, son comportement) et non vos sentiments. Citez les articles du code de Déontologie qu’il a enfreints ; joignez la référence des documents montrant qu’il a menti, ou qu’il ne respecte pas l’état des connaissances scientifiques sur le point qui vous concerne. Puis, après avoir envoyé cette lettre à tous les interlocuteurs compétents, allez demander les conseils d’une association de patients ou de consommateurs ou d’un avocat, en vue d’une éventuelle action devant la justice.
Notes de bas de page
1 http://www.cadafr/
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Le patient et le médecin
Ce livre est cité par
- Le Berre, Rozenn. Lancelle, Alice. (2017) L’éthique clinique comme expérience démocratique ?. Nouvelles pratiques sociales, 28. DOI: 10.7202/1041186ar
- Meek-Bouchard, Catherine. (2021) Les professions de soins en temps de COVID-19. Nouvelles pratiques sociales, 32. DOI: 10.7202/1080886ar
Le patient et le médecin
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