Le pour qui et le pourquoi (des manuscrits) des coutumiers clunisiens
p. 121-138
Remerciements
Je remercie Jacques Ménard et Frederick Paxton d’avoir bien voulu relire mon article. Les erreurs qui subsistent sont bien entendu miennes.
Texte intégral
« Toi qui as entrepris de devenir un athlète du Christ chez les moines,
Examine cet ouvrage afin de savoir comment combattre ;
Si tu veux connaître la loi sous laquelle tu vis,
Ne néglige pas de savoir ce que contient ce texte2. »
1 C’est sur ce court poème que s’achève le manuscrit Paris, BnF, lat. 138753. Il contient les coutumes de Cluny mises par écrit au début des années 1080 par Bernard, moine du lieu. Ces quatre vers sont à interpréter en parallèle avec l’épître dédicatoire : ensemble, ils expliquent pour qui et pourquoi Bernard écrivait. Audience et emploi des quatre coutumiers clunisiens tels qu’envisagés par leurs auteurs et tels que leurs manuscrits nous les laissent entrevoir constituent les thèmes centraux de cet article4.
2Les deux sujets semblent faciles à traiter puisque trois des quatre textes ont conservé encore à ce jour un prologue, une proportion étonnamment élevée pour ce genre de sources5. Pourtant, la majorité des chercheurs qui se sont penchés sur ces écrits clunisiens et ont voulu en expliquer l’existence semblent en avoir ignoré les prologues. Je démontrerai pourquoi il faut bel et bien donner crédence aux lettres d’introduction des coutumiers6. La première question, qui est aussi celle pour laquelle il est le plus facile de donner une réponse, et pourtant celle sur laquelle je m’oppose le plus à divers chercheurs, est celle du pour qui. J’y répondrai succinctement puisque j’en ai déjà discuté dans d’autres articles. La seconde question, celle du pourquoi, est beaucoup plus malaisée à traiter. Aucune réponse simple ne peut être offerte : les trois coutumiers clunisiens pour lesquels nous avons des prologues furent conçus pour des usages complètement différents, au moins superficiellement. J’essayerai malgré tout de voir si des parallèles ne peuvent pas être faits entre leurs emplois.
3Les coutumiers monastiques sont des textes qui décrivent le quotidien des moines au fil des jours et des saisons liturgiques, complétant et même parfois se substituant à la règle de saint Benoît7. Certains sont extrêmement complets, au point d’expliquer en détail, par exemple, comment on cuisait les fèves dans la cuisine des frères ; tel est le cas des deux derniers coutumiers clunisiens de la fin du XIe siècle8. Les coutumiers plus anciens, décrivant Cluny ou d’autres institutions célèbres, sont plus succincts, parfois ne différant guère d’un ordinaire, comme le premier coutumier clunisien9. Le deuxième coutumier clunisien se trouve à mi-chemin entre ces deux extrêmes, avec la particularité d’être singulièrement riche en informations sur les processions des moines du lieu10. Ces quatre coutumiers décrivent la vie à Cluny, célèbre abbaye bourguignonne fondée en (909 ou) 910, qui connut son heure de très grande gloire au XIe et au début XIIe siècle, mais continua à être une importante tête d’ordre bénédictine jusqu’à la Révolution11. Ces textes ont déjà été présentés à diverses reprises, entre autres par Dominique Iogna-Prat12 ; je me contenterai de résumer ici ses dires, en insérant quelques corrections. Le plus ancien, les consuetudines antiquiores [CA ], date de la fin du Xe siècle ou du début du XIe siècle, plus probablement dans les années 990, mais peut-être aussi tard que 1015. Il ne possède pas de prologue et il est donc impossible de savoir dans quelles conditions il fut rédigé. Pourtant, son contenu et l’origine de ses manuscrits peuvent nous donner des indices sur ses conditions de rédaction. Le deuxième coutumier, le Liber tramitis [LT], fut conçu en diverses étapes entre le deuxième et le troisième quart du XIe siècle. Il subsiste à ce jour dans deux manuscrits au contenu presque identique, tous deux liés à l’abbaye impériale de Farfa, dans la Sabine13. Il est malaisé d’associer ce texte à des auteurs spécifiques, car les modificateurs ultérieurs n’ont pas laissé de signature ; un d’eux a néanmoins rédigé un prologue qui nous donne certains indices sur le premier rédacteur Johannes, ses motivations et la manière qu’il entreprit son travail. Les deux plus récents coutumiers sont celui d’Udalrich (ou Ulrich) de Zell [Udal] et celui de Bernard de Cluny [Bern]. À l’encontre des affirmations des derniers chercheurs à avoir travaillé sur eux, Joachim Wollasch et Burkhart Tutsch, je considère qu’ils ne furent pas écrits simultanément à Cluny, sur l’ordre de l’abbé Hugues, pour des audiences différentes, externe et interne à l’ecclesia cluniacensis, mais plutôt qu’Udal fut écrit en premier aux alentours de 1080, loin de Cluny, et qu’il n’est pas certain qu’Hugues ait eu son mot à dire ; Bernard décida ensuite de corriger, transformer et très largement compléter ce travail14. L’audience envisagée par ces deux auteurs est évoquée plus particulièrement dans leurs lettres dédicatoires.
4La rédaction de coutumiers monastiques est une activité qui a perduré jusqu’à l’époque moderne15. Depuis la fin du XIe siècle, les coutumiers ont presque toujours été destinés à tous les moines de la communauté ou de l’ordre décrit par ces textes ; autrement dit, la communauté-source, celle que décrit le coutumier, est la communauté-destinataire, celle qui utilise le coutumier16. Il en était autrement, selon moi, avant la fin du XIe siècle : les deux étaient le plus souvent dissociées. Par exemple, un des plus anciens coutumiers est une lettre écrite par l’abbé du Mont-Cassin décrivant les coutumes de son abbaye à la demande d’un noble de Francia, pour être utilisée au-delà des Alpes17 ; autre exemple, un de ces coutumiers du « premier âge » sur lequel nous avons d’amples informations, grâce à son épître dédicatoire et aux travaux d’Anselme Davril et de Lin Donnat, est celui de Fleury, daté des environs de l’an mil : son auteur était un ancien moine de la célèbre abbaye, Thierry d’Amorbach, qui écrivait pour un évêque allemand, saint Bernward, probablement désireux d’utiliser ce texte dans l’abbaye qu’il venait de fonder à Hildesheim18. Le Fleury médiéval ignorait vraisemblablement l’existence de ce petit traité qui décrivait son quotidien ; comme la plupart des monastères traditionnels, il attendit le XIIIe siècle pour écrire son propre coutumier à usage interne, en ne faisant aucune référence, implicite ou explicite, au travail de Thierry d’Amorbach19.
5Malgré tout, la majorité des chercheurs ont projeté sur ces coutumiers du premier âge le modèle qui s’est imposé ultérieurement20. Par exemple, on a considéré que trois des quatre coutumiers clunisiens furent écrits avant tout pour l’ecclesia cluniacensis (Cluny et ses monastères dépendants) et tous ses moines : CA, LT et Bern21. Or, quelles en sont les preuves ? Pour CA, hormis le fait que le texte décrit la vie à Cluny, il n’en existe aucune qui soit incontournable, mais quelques indices rendent un tel schéma de production douteux. Aucun des monastères qui ont conservé un manuscrit de ce texte, à savoir Saint-André de Villeneuve-lès-Avignon22, Nonantola23, San Ilaro di Galeata24 et Saint-Bénigne de Dijon25, ne faisaient partie de l’ecclesia cluniacensis, la famille des monastères clunisiens26. Il est vrai que la question est complexe en ce qui concerne la dernière abbaye. Elle fut réformée par Guillaume de Volpiano, sur l’ordre de Maïeul, le quatrième abbé de Cluny, qui l’envoya sur place vers 990. Pourtant, à cette époque, les monastères réformés par un clunisien conservaient ensuite leur indépendance et tel fut le cas pour Saint-Bénigne, qui fut même jaloux de sa liberté27. Un réflexe moderne serait de supposer que Guillaume partit de Cluny avec CA sous le bras pour faciliter son travail28 ; mais il faut se méfier des réflexes modernes, particulièrement pour comprendre le Moyen Âge pré-scolastique. Celui-ci était beaucoup moins confiant dans la valeur des sources écrites que ne le deviendront les futures générations. D’ailleurs, ni les prolixes Histoires de Raoul Glaber, ni sa Vita de Guillaume, qui chantent les louanges des coutumes de Cluny à diverses reprises, ne parlent d’un tel ouvrage29. Tout indique plutôt que Guillaume enseigna à ses moines de Dijon ou d’ailleurs le modus vivendi clunisien par sa personne (via le geste et la parole), selon le modèle décrit si bien par C. Stephen Jaeger30. Si CA avait été produit à Cluny, comment expliquer d’ailleurs qu’il n’existe aucune filiation textuelle entre cette première fournée et le coutumier fait indéniablement à Cluny, par un clunisien, pour des clunisiens, à savoir Bern ?
6Même problème avec les manuscrits de LT. Ils sont tous deux liés à l’abbaye impériale de Farfa, au nord de Rome31. Elle ne fut jamais une dépendance de Cluny, et il n’y a pas davantage de lien de filiation entre LT et Bern. Par ailleurs, dans le cas de LT, le prologue a subsisté et explique, de manière assez absconse, il est vrai, les conditions de rédaction. Une chose ne laisse pourtant aucun doute : ce texte n’a pas été conçu pour l’abbaye de Cluny ni pour des moines de l’ecclesia cluniacensis. La communauté-destinataire fut dès le départ envisagée comme constituée de moines vivant au sud des Alpes, désireux de suivre le modèle clunisien dans l’espoir de se réformer32. Il est plus que probable que l’auteur principal et premier du coutumier, Johannes, disciple de Romuald de Ravenne, n’ait pas été l’auteur du prologue, celui-ci ayant été plutôt le produit d’un des continuateurs ultérieurs qui modifia et adapta ce texte pour Farfa. Quoi qu’il en soit, le contenu du coutumier lui-même indique la divergence entre abbaye-source et abbaye-destinataire : des coutumes sont parfois réexpliquées pour être mieux comprises, preuve que l’audience projetée n’avait aucune connaissance directe des pratiques décrites en ces pages33. D’autres fois, la répétition n’est qu’apparente : une version présente la pratique liturgique à Farfa et l’autre celle de Cluny34. Compte tenu de tous ces éléments, il n’y a pas de raison de croire que le Liber tramitis ou une version antérieure fut utilisé ou même façonné à Cluny35.
7Le coutumier de Bernard fut composé dans des conditions très différentes : il s’agit du premier coutumier clunisien pour Cluny. Il est symptomatique à cet égard que, à l’encontre des manuscrits évoqués jusqu’alors, contenant CA et LT, le manuscrit Paris, BnF, lat. 13875, qui serait le témoin le plus ancien subsistant de Bern, fut non seulement originaire de l’ecclesia cluniacensis, mais produit à Cluny même, à la fin du XIe siècle36. Malgré tout, à l’inverse de ce que la majorité des chercheurs ont affirmé jusqu’à maintenant, Bernard ne se mit pas à la tâche dans le but premier de rédiger un coutumier pour toute la communauté de Cluny. Encore une fois, il n’y a pas adéquation parfaite entre l’abbaye-source et l’abbaye-destinataire. Bernard explique dans son épître dédicatoire que les anciens de Cluny passent trop vite de vie à trépas et laissent ainsi les nouveaux venus dans l’incertitude vis-à-vis des coutumes ; il écrit donc son coutumier pour ces derniers, afin de remédier à ce mal. Par conséquent, ce texte n’était pas originellement destiné à tous les moines de Cluny, mais aux convertis récents. Dans la conclusion de son prologue, on comprend que Bernard aurait bien voulu tout de même que n’importe quel frère soit prêt à s’y ressourcer à l’occasion, mais il ne s’agit pas d’un écrit normatif, ni au sens strict, ni au sens large :
Et je supplie nos frères, s’il leur arrive d’avoir soif, qu’ils ne dédaignent pas de prendre la boisson de la vérité dans un vase de bois ni ne méprisent l’eau fraîche et claire à cause du conduit de plomb par lequel elle coule, afin qu’ils sachent sur quels avis ils doivent s’appuyer pour ne pas s’éloigner du chemin des saintes coutumes 37 .
8On comprend que Bernard craignait que les moines n’écoutent d’autres avis que le sien, car des batailles faisaient rage au chapitre sur les coutumes à suivre quand il prit la plume38. Ce passage indique aussi que, pour quiconque allait user de son livre, même pour les novices, Bernard ne semblait pas envisager celui-ci comme un manuel obligatoire, mais plutôt comme un ouvrage de référence. Le petit poème à la fin du manuscrit Paris, BnF, lat. 13875, et donné en exergue à cet article exprime la même idée. « Toi qui a entrepris de devenir un athlète du Christ chez les moines » est un nouveau venu au monastère encouragé à consulter le coutumier. Il n’est pas certain que ce poème soit de la plume de Bernard. On ne le retrouve pas dans tous les manuscrits de Bern39. Latin 13875 n’est pas un autographe, puisque le manuscrit contient déjà quelques erreurs de copiste (s), dont des sauts du même au même, sans compter divers ajouts ici ou là ; malgré tout, il constitue une copie presque contemporaine du texte original. Ainsi, dans ce manuscrit clunisien d’un texte composé pour certains moines de Cluny par un moine du lieu, peut-être légèrement remanié par un autre moine sur place, l’audience envisagée reste une audience locale qui était désirée, mais non captive, et partielle, puisqu’elle regroupait avant tout les nouveaux venus.
9Le coutumier de Bernard marque un tournant dans l’histoire de ces sources. Tous les autres coutumiers ultérieurs furent écrits de telle sorte que l’abbaye-source soit l’abbaye-destinataire (y compris ou non ses dépendances). En revanche, le coutumier d’Udalrich, composé peu avant celui de Bernard, est encore typique des coutumiers ancien style. En effet, il fut écrit pour une abbaye-destinataire indéniablement distincte de l’abbaye-source : Udalrich explique très clairement dans son épître dédicatoire qu’il composa son coutumier à la demande et pour l’usage de Guillaume, abbé d’Hirsau, dans le diocèse de Spire40. Comme je l’ai déjà mentionné, Udal est le seul coutumier clunisien pour lequel les chercheurs ont admis jusqu’alors un public autre que l’abbaye-source. Mais quel fut l’initiateur de ce projet-ci ? Encore une fois, la tendance a été de croire que l’ordre initial venait du sommet de la hiérarchie clunisienne. Les derniers chercheurs à avoir travaillé sur ce texte, Joachim Wollasch et surtout Burkhardt Tutsch, ont affirmé qu’Udalrich écrivit sur l’ordre de l’abbé Hugues de Cluny et produisit ainsi une sorte de texte officiel pour usage externe à l’ecclesia cluniacensis41. Il n’existe aucune preuve du bien-fondé de cette double affirmation (ordre d’Hugues et audience envisagée très étendue), ni dans le prologue du coutumier d’Udalrich, ni dans celui du coutumier de Guillaume, texte nouveau style42. Ce que ce dernier dit des conditions de rédaction du coutumier d’Udalrich corrobore d’ailleurs parfaitement les informations contenues dans le prologue de ce texte. Pourquoi imaginer d’autres circonstances ? L’origine des sept manuscrits d’Udal ne permet pas de rejeter mon hypothèse, mais elle ne la confirme pas non plus43. Selon Tutsch, malgré l’emploi envisagé pour Udal et Bern au moment de leur création, ils furent en fait utilisés de la même manière ; mais ce chercheur ignorait qu’un nombre beaucoup plus grand de manuscrits contenant partiellement ou intégralement Bern subsistent, presque le triple44 : ceci indiquerait pour le moins qu’une plus grande exactitude était reconnue à Bern au Moyen Âge central, ce qui tendrait à corroborer mon hypothèse d’un Udal corrigé et élargi par Bern. Un des manuscrits d’Udal est certes originaire de Cluny, le Paris, BnF, lat. 18353II, mais comme l’a suggéré Monique-Cécile Garand, l’existence de cette copie pourrait s’expliquer par le prologue de Guillaume d’Hirsau : trois fois, cet abbé envoya deux de ses moines compléter Udal à Cluny45. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que l’abbaye bourguignonne ait hérité d’une copie au passage. Il n’est pas nécessaire d’en conclure qu’Udal a été composé sur l’ordre de l’abbé Hugues, ni qu’Udalrich l’a écrit sur place. Comment expliquer autrement diverses déclarations de ce dernier, selon lesquelles il ne se rappellerait pas de telle ou telle coutume de Cluny, s’il avait mis ces coutumes par écrit à Cluny même46 ? Comment également comprendre que cet écrit soi-disant produit sous la houlette de l’abbé Hugues ait été jugé inadéquat par Guillaume au point qu’il le fit corriger trois fois ? Cinq autres manuscrits d’Udal proviennent soit d’abbayes indépendantes de Cluny, soit d’abbayes qui en furent un temps dépendantes, mais étaient en révolte contre Cluny au moment de la copie d’Udal47. Il n’existe qu’une seule copie d’Udal qui fut faite dans une dépendance de Cluny alors que celle-ci n’était pas révoltée contre elle : il s’agit du manuscrit Paris, BnF, lat. 2208II, composé à Saint-Martial de Limoges à la fin du XIe siècle. Ce texte fut très vite, en partie, corrigé à l’aide de Bern : des lignes entières furent rayées pour être remplacées par le texte de Bern. Pour comprendre pour quelle audience il fut composé, il faut se pencher sur l’usage envisagé pour les coutumiers : pourquoi les écrivait-on avant qu’ils ne deviennent, à la fin du XIe siècle, des textes normatifs à usage interne ? Cette question sera traitée dans la deuxième et dernière partie de l’article. Il suffit pour l’instant de noter qu’Udalrich n’écrivit pas son coutumier en envisageant une communauté comme celle de Saint-Martial, quelle que soit la thèse adoptée sur l’audience des coutumiers d’Udal et de Bern, la mienne ou celle de Tutsch : Saint-Martial n’était pas externe, mais appartenait à l’ecclesia cluniacensis. J’expliquerais en outre ce coutumier par les aspirations à l’indépendance de certains moines limousins de Saint-Martial, toujours présentes, même si parfois sous-jacentes48.
10Pour résumer cette première section : en réponse à la question du pour qui, on peut affirmer que deux des coutumiers dits clunisiens, LT et Udal, et probablement trois si on leur ajoute CA, furent rédigés pour des communautés sans aucun lien formel avec Cluny. Il en va de même des manuscrits de ces coutumiers à l’exception d’un seul, celui de Saint-Martial de Limoges. Il est vrai qu’avec cinq manuscrits pour CA, deux pour LT, et sept pour Udal, l’échantillon est fort restreint et il est difficile d’affirmer quoi que ce soit avec certitude. On peut pourtant penser que Cluny, même avant Bern, comme d’ailleurs la majorité des abbayes bénédictines à travers l’histoire, n’avait probablement nul besoin de tels écrits pour conserver en mémoire sa propre coutume : celle-ci ne se transmettait pas par des textes, mais par l’imitation et les dires des anciens.
11Bernard évoque le rôle des anciens comme transmetteurs habituels de la coutume au tout début de sa lettre dédicatoire ; mais quand il composa celle-ci, la situation avait récemment évolué. Il explique, en effet, que les anciens mouraient maintenant trop rapidement pour permettre la transmission du savoir49. Sur ce point, j’ose m’éloigner quelque peu de ce qu’il affirme et proposer une explication légèrement différente : les anciens paraissaient mourir trop vite en ce dernier quart du XIe siècle, car le nombre de recrues adultes s’accroissait trop rapidement50. Aussi, le mode normal de transmission, par le geste et la parole des seniores, parfaitement adéquat tant que les nouveaux venus avaient été avant tout des oblats (enfants offerts au monastère entre la fin de l’allaitement et avant l’âge adulte, soit environ entre trois ans et quatorze), ne parvenait plus à suffire à la tâche. La création de Bern essayait de remédier à ce nouvel état des choses. En ses pages, les nouveaux pouvaient vérifier à l’occasion des points de coutume. Les corrections et ajouts ici ou là qui parsèment Paris, BnF, lat. 13875 semblent attester de la continuation d’un tel emploi au fil du temps51 ; il est plus que probable que Bern ne servait plus alors aux seules recrues adultes, mais aussi à d’autres frères. Les manuscrits témoignent également de l’usage de ce texte en d’autres monastères au sein de l’ecclesia cluniacensis ou hors de celle-ci. Selon moi, rien ne laisse entendre pour autant, dans les écrits clunisiens postérieurs, que Bern ait jamais été imposé comme la norme à laquelle auraient dû se plier toutes les communautés de la famille clunisienne, ni même celle de Cluny52. Il me semble que le texte continua plutôt à servir de texte de référence. Autrement dit, si j’emprunte ici la terminologie des travaux de Gert Melville, l’autorité ne devint jamais inhérente au texte lui-même, mais à la coutume qu’il se contentait de coucher sur le parchemin53. Ce texte était plutôt la source à laquelle on venait se désaltérer en cas de doute, comme l’avait désiré Bernard dès le départ, ou – autre analogie aussi suggérée par quelques mots de sa lettre dédicatoire – une espèce de guide à consulter par les voyageurs un peu perplexes, soucieux de « ne pas s’éloigner du chemin des saintes coutumes »54. Malgré tout, Bern est exceptionnel et les spécificités de son emploi ne doivent pas être généralisées. Quel usage avait donc été envisagé pour les trois autres coutumiers clunisiens ? Quelle était leur réponse au pourquoi ?
12Il est aisé de répondre à la question du « pourquoi (une communauté étrangère à Cluny pouvait désirer posséder) les coutumes ? » Simplement parce que, durant le XIe siècle, plus particulièrement dans la deuxième moitié, Cluny était perçu comme possédant la meilleure coutume possible. Tel est par exemple ce qu’affirme l’auteur du prologue de LT et ce que fait dire Udalrich à Guillaume dans l’épître dédicatoire de son coutumier, une croyance confirmée par le prologue du coutumier du même Guillaume55. Habituellement, le mode de transfert des coutumes entre monastères était fort semblable à celui ayant cours au sein d’une seule et même communauté, l’imitation restant le maître mot : on envoyait des frères dans l’abbaye dont on désirait imiter les coutumes ou recevait sur place des frères venant de cette même abbaye-source56. Probablement du fait de la grande distance entre la Bourgogne de Cluny et l’Italie centrale, il fut résolu, dans le cas des moines italiens disciples de Romuald et de l’abbé de Farfa, d’avoir plutôt recours à l’écrit. Aussi l’auteur initial de LT, Johannes, est-il allé à Cluny mettre par écrit ce qu’il observait sur place ; puis l’abbé Hugues de Farfa se procura ce texte pour son abbaye, où il fut corrigé à diverses reprises57.
13Mais que faisait-on avec ces coutumes concernant un monastère étranger, aussi éminent soit-il, une fois qu’elles avaient été mises par écrit ? Pour CA, il est impossible de répondre à cette question, en tout cas en ce qui concerne les objectifs de l’auteur initial, faute de prologue. On peut tout de même observer que quatre des cinq manuscrits emploient presque exclusivement la troisième personne du pluriel (indicatif et subjonctif), ce qui pourrait indiquer qu’il subsistait une certaine distance entre les pratiques décrites et celles de l’abbaye-destinataire. Il est alors possible que le coutumier ait été lu, comme on pouvait lire par exemple la Concordia regularum de Benoît d’Aniane, mais jamais suivi à la lettre58. En revanche, le « nous » apparaît parfois dans le manuscrit de Saint-Bénigne et Carolyn Malone a montré récemment comment le coutumier clunisien fut modifié ici ou là pour être adapté pour le quotidien des moines dans la fameuse église construite par Guillaume de Volpiano, avec sa chapelle axiale à ciel ouvert59. Ces corrections n’effacent pas pour autant le tracé initial clunisien qui reste encore bien visible.
14Pour LT, on peut noter aussi un usage occasionnel du « nous », et Susan Boynton a expliqué comment certaines caractéristiques de la liturgie de l’abbaye de Farfa avaient été insérées dans le texte même ; d’autres fois, celui-ci était en désaccord avec les pratiques du lieu60. Le LT se présente en outre avec un prologue, qui offre de nombreux indices sur l’emploi envisagé. On y apprend que Romuald de Ravenne, dont Johannes était le disciple, voulait réformer les coutumes des monastères à sa garde. Le LT, commencé par Johannes, devait donc servir, dans cette optique, d’itinéraire optionnel pour une réforme, laissant libre choix aux utilisateurs d’adopter ou non certaines de ses clauses61. En revanche, l’abbé Hugues de Farfa décida d’imposer la coutume clunisienne en son abbaye (« imponens usum cluniaci caenobii »), toujours aux dires du prologue62. D’autres sources de Farfa indiquent que ce processus commença dès 998, bien avant la rédaction de LT et peut-être même avant sa conception. Ainsi, dans les premières décennies d’influence clunisienne à Farfa, l’adoption des coutumes dut se faire selon le mode traditionnel, par le geste et la parole, avec visites de moines clunisiens et/ou visites dans des monastères clunisiens63. Puis l’abbaye impériale obtint LT grâce au travail de Johannes. Dans un tel contexte, le coutumier permettait probablement de s’assurer que la coutume clunisienne continuait à rester en vigueur au fil du temps (« ut ab illorum usu in nullo discreparet »)64 : cette fois-ci le coutumier était davantage un itinéraire transcrit pour combattre l’oubli, et c’est dans cette optique qu’il fut recopié à Farfa. Malgré tout, ici encore, au moins dans un premier temps, le tracé clunisien n’a pas été effacé, au contraire65. En effet, l’abbaye voulait être reconnue comme suivant la coutume clunisienne66. LT servait par conséquent d’aide-mémoire et on retrouve donc ici un emploi similaire à celui du coutumier de Bern tel qu’espéré par Bernard. Il est peut-être significatif que les copies de Farfa survécurent tandis que le texte original de Johannes n’existe plus : les coutumiers qui servaient de manuels de référence avaient probablement une plus grande chance de survie que les autres, simples outils d’inspiration.
15Ainsi, le manuscrit d’Udal pour Hirsau, qui devait justement servir de simple outil d’inspiration en vue de l’établissement d’une nouvelle coutume en l’abbaye de la Forêt-Noire, a aussi disparu67. Uldalrich nous apprend qu’il écrivit en effet son coutumier à la demande de Guillaume, afin que celui-ci puisse s’en inspirer pour en produire un nouveau pour ses moines. Aux dires d’Udalrich lui-même, Guillaume ne devait pas prendre son coutumier comme norme : au contraire, il l’encourageait dans son prologue à définir de nouvelles coutumes sur la base non seulement de celles de Cluny, mais aussi des anciennes d’Hirsau et de celles du monastère où ils avaient tous deux grandi comme oblat, Saint-Emmeran68. Autrement dit, Udalrich écrivit son texte dans la même optique que Johannes. Il précisa en outre qu’il tenait beaucoup à ce que Guillaume et ses frères lisent son coutumier et ne fassent pas comme une autre communauté qui lui avait demandé de mettre la coutume de Cluny par écrit, puis avait complètement ignoré le fruit de son travail69. Cette remarque prouve bien que, dans la liste des pourquoi, il faut envisager la possibilité d’un coutumier ancien style ne servant aucune fonction, pour la communauté-destinataire.
16Il existait donc au moins deux utilisations assez distinctes des coutumiers ancien style, certains de ceux-ci pouvant être surnommés les « inspirationnels » et les autres, les référentiels. Il ne faudrait pourtant pas exagérer leurs divergences. Au cours de ces derniers paragraphes, je voudrais sortir quelque peu des sentiers battus et hasarder des comparaisons entre les coutumiers et d’autres types de sources, au risque parfois de commettre un anachronisme, afin d’essayer de mieux comprendre l’usage des premiers. Il ne s’agira bien évidemment que de proposer des hypothèses de travail, un peu farfelues certes, mais offrant la possibilité de mieux appréhender la conception qu’avaient les moines d’eux-mêmes et de leur mode de vie.
17Les coutumiers ne contiennent aucune remarque sur les possibles états d’âme des moines, ni sur la manière dont ils devaient contrôler ceux-ci. Ils ne peuvent donc être associés aux miroirs des princes. Cette hypothèse séduisante m’avait été suggérée par Didier Méhu, mais je dus malheureusement l’abandonner. Le premier miroir des princes destiné à un membre de l’Église et non à un laïc serait la Regula pastoralis de Grégoire le Grand, expliquant comment se façonner en un parfait évêque70. Or, ce texte est consacré avant tout aux mouvements de l’âme tandis que les coutumiers sont complètement silencieux sur ce sujet. Comme le De Institutis de Cassien, et à l’encontre de ses Collationes, ils ne parlent que du comportement externe attendu de ces apprentis en perfection71. Cette grande place accordée à la gestuelle du moine suggère une nouvelle hypothèse : la possibilité de lire chaque coutumier comme la description détaillée et minutieuse d’une chorégraphie, celle accomplie par les moines d’une communauté donnée au fil des heures, des jours et des saisons liturgiques. Mon seul problème avec cette image est la notion de performativity inhérente à toute chorégraphie : cette notion, chère à certains chercheurs contemporains, me semble incongrue si l’on prend compte que les moines médiévaux y jouaient leur salut éternel72. Certes, ils se donnaient aussi parfois en spectacle, devant le reste du monde, mais surtout entre eux ; pourtant, cette mise en scène n’était qu’un moyen et non une fin. Même aujourd’hui, une part infime de notre modus vivendi est performative.
18L’emploi des coutumiers clunisiens – mais ceci me semble aussi vrai pour l’emploi de la grande majorité des coutumiers ancien style – pourrait plutôt être comparé à celui d’itinéraires de voyage. L’idée n’est pas aussi farfelue qu’elle en a l’air : le titre du deuxième coutumier n’est-il pas Liber tramitis, le « livre du chemin », tandis que Bernard parle du trames sanctarum consuetudinum, le « chemin des saintes coutumes »73 ? Il faut noter au passage le paradoxe fascinant qui consiste à présenter les monastères, lieux clos par excellence, comme des chemins vers le salut, et l’existence cloîtrée des moines, théoriquement statique sur le plan spatial et cyclique sur le plan temporel, comme un cheminement74. Certaines communautés utilisaient un tel itinéraire de voyage comme référence lorsqu’elles craignaient de dévier du chemin – ou bien afin d’en dévier en toute connaissance de cause75 –, telle Farfa avec LT et Cluny avec Bern ; d’autres désiraient se le procurer pour le consulter à l’occasion, pour s’en inspirer ou l’ignorer, tout en continuant à progresser sur leur chemin propre, telles probablement certaines communautés qui usèrent de CA et Hirsau. Toutes, en effet, avaient le même but ultime, la même destination. Certes, nos itinéraires de voyage actuels ne parlent que rarement de gestuelle, mais il faut penser davantage en terme de pèlerinages, d’expéditions dans le Grand Nord, ou d’ascensions dangereuses pour lesquels chaque geste compte76.
19Penser les coutumiers sous un tel angle permet de mieux comprendre leur modification d’un auteur à l’autre, d’un monastère à l’autre, et d’un manuscrit à l’autre. La rédaction d’un coutumier devait être perçue comme un exercice difficile ; sinon comment concevoir, par exemple, que Bernard n’ait pas repris du tout au tout la coutume de Cluny, mais ait préféré recopier des pages entières du texte d’Udalrich, en le corrigeant et le complétant de manière extensive ? Au XIIe siècle, de nombreux ordres écriront leur coutumier (cisterciens, chartreux, mais surtout beaucoup d’ordres de chanoines réguliers), mais dans ce monde plus literate du XIIe siècle, ils y étaient poussés par leur décision de tracer un nouveau chemin vers le salut (caractérisé entre autres par le désir de maintenir le même modus vivendi au fil du temps et de l’espace, à savoir de génération en génération et d’une dépendance à l’autre). Ces coutumiers nouveau style avaient maintenant une fonction bien différente. Cette image d’itinéraire de voyage permet aussi de mieux saisir la production de textes hybrides parmi les coutumiers ancien style d’inspiration clunisienne : le tracé initial clunisien était toujours conservé dans les grandes lignes, parce que son intérêt résidait justement dans le fait qu’il était clunisien, mais il pouvait être annoté ici ou là sur la base des expériences personnelles des utilisateurs. Quoi qu’il en soit, l’itinéraire de voyage gardait sa valeur intrinsèque et on se le procurait quitte à l’ignorer, le reproduire pas à pas, ou comme inspiration pour son propre voyage vers le salut.
Notes de bas de page
2 « Monachorum qui Christi fieri pugil arripuisti
Ut pugnare scias, hoc opus inspicias.
Lex sub qua uiuis que sit cognoscere si uis
Nosse quid hec habeat pagina non pigeat. »
BnF Latin 13875, f. 180r. Ce poème et le long coutumier qui le précède furent édités dans leur intégralité, pour la première fois, vers 1717, par des clunisiens. Voir entre autres BnF, Ld16 370. Après en avoir corrigé certaines fautes, Marquard Herrgott édita à nouveau ce texte en 1726, dans son Vetus disciplina monastica, Paris, 1726. Ce volume entier fut réimprimé tel quel par Pius Engelbert, Vetus disciplina monastica, Siegburg, 1999. À propos de l’histoire de l’édition du coutumier de Bernard, voir Marc Saurette, « Excavating and Renovating Ancient Texts : Seventeenth-and Eighteenth-Century Editions of Bernard of Cluny’s Con suetudines and Early-Modern Monastic Scholarship », dans Susan Boynton, Isabelle Cochelin dir., From Dead of Night to End of Day : The Medieval Customs of Cluny – Du cœur de la nuit à la fin du jour : les coutumes clunisiennes au Moyen Âge, Turnhout, 2005 (Disciplina monastica, 3), p. 85-107.
3 Charles Samaran et Robert Marichal, Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, tome III : Bibliothèque nationale, fonds latin (nos 8001 à 18613), Paris, 1974, p. 341.
4 Au fil de cet article, j’emploie l’appellation « coutumiers clunisiens », pour désigner des textes décrivant la vie à Cluny. Comme je le démontrerai, il ne faut pas en conclure que ces sources furent composées par des clunisiens, bien que ce fût parfois le cas, ni surtout que leurs auteurs les avaient envisagées pour une audience clunisienne.
5 Depuis 1963, de très nombreux coutumiers ont été édités dans la série Corpus Consuetudinum Monasticarum (abrégée par la suite CCM) par Kassius Hallinger et d’autres chercheurs, par la maison F. Schmitt à Siegburg. Les prochains volumes à paraître devraient être le coutumier de Guillaume de Hirsau et celui d’Udalrich de Zell, ce dernier édité par Barbara Müller. Une traduction française du prologue et de la préface du Liber tramitis, de l’épître dédicatoire et du proemium d’Udalrich, et de l’épître dédicatoire de Bernard, avec les originaux latins et une traduction anglaise, sont offerts dans : Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 319-353.
6 Les prologues médiévaux n’en sont pas moins des textes complexes, qu’il faut lire avec circonspection. Voir entre autres : Jacques Dalarun, « Épilogue », dans Les prologues médiévaux, Turnhout, 2000 (Fédération internationale des Instituts d’Études médiévales. Textes et études du Moyen Âge, 15), p. 639-661.
7 Il n’existe à ce jour, à ma connaissance, aucune monographie offrant une vue d’ensemble des coutumiers monastiques et de leur histoire. Outre les études citées ultérieurement et concernant plus spécialement Cluny, on pourra malgré tout se référer aux travaux suivants : Lin Donnat, « Les coutumiers monastiques : une nouvelle entreprise et un territoire nouveau », Revue Mabillon, 3, tome 64, 1992, p. 5-21 ; Éric Palazzo, Le Moyen Âge : Des origines au XIIIe siècle, Paris, 1993, p. 221-227 ; Florent Cygler, « Règles, coutumiers et statuts (Ve- XIIIe siècles). Brèves considérations historico-typologiques », dans La vie quotidienne des moines et des chanoines réguliers au Moyen Âge et Temps modernes. Actes du Premier Colloque international du L.A.R.H.C.O.R, Wrocław, 1995, p. 31-49.
8 Sur la préparation des fèves : Udalrich de Zell, Antiquiores consuetudines Cluniacensis monasterii collectore Udalrico monacho benedictino, dans Patrologia Latina [PL ], 149, 726-727 (abrégé par la suite par Udal.) et Bernard de Cluny, Ordo Cluniacensis per Bernardum saeculi XI scriptorem, dans Herrgott éd., Vetus disciplina monastica, p. 236-238 (abrégé ultérieurement par Bern.).
9 Consuetudines Cluniacensium antiquiores cum redactionibus derivatis, éd. Kassius Hallinger, CCM 7.2, 1983 (ensuite abrégé comme CA).
10 Liber tramitis aeui Odilonis abbatis, éd. Peter Dinter, CCM 10, 1980 (abrégé LT). Sur les nombreuses processions décrites dans LT, voir par exemple Kristina Krüger, « Monastic Customs and Liturgy in the Light of the Architectural Evidence: A Case Study on Processions (Eleventh-Twelfth Centuries) », dans Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 191-220.
11 Sur la fondation de Cluny, voir maintenant Isabelle Rosé, Construire une société seigneuriale. Itinéraire et ecclésiologie de l’abbé Odon de Cluny (fin du IXe - milieu du Xe siècle), Turnhout, 2008 (Collections d’études médiévales de Nice, 6), p. 139-155. Sur l’histoire de Cluny jusqu’à Pierre le Vénérable, voir en dernier lieu Joachim Wollasch, Cluny – « Licht der Welt. » Aufstieg und Niedergang der klösterlichen Gemeinschaft, Zürich/Düsseldorf, 1996, et les quelques pages très stimulantes de Dominique Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, Paris, 1998, p. 35-99. Sur l’histoire de « Cluny après Cluny », voir maintenant Denyse Riche, L’ordre de Cluny à la fin du Moyen Âge, Université de Saint-Étienne, 2000 (C.E.R.C.O.R.).
12 Dominique Iogna-Prat, « Coutumes et statuts clunisiens comme sources historiques (c. 990 – c. 1200) », Revue Mabillon, 3, tome 64, 1992, p. 23-48.
13 À propos du LT et de son utilisation à l’abbaye impériale de Farfa, au nord de Rome, il faut se référer maintenant à Susan Boynton, Shaping a Monastic Identity : Liturgy and History at the Imperial Abbey of farfa, 1000-1125, Ithaca/Londres, 2006 (Conjunctions of Religion and Power in the Medieval Past), p. 110-143.
14 Joachim Wollasch, « Zur Verschriftlichung der klösterlichen Lebensgewohnheiten unter Abt Hugo von Cluny », Frühmittelalterliche Studien, 27, 1993, p. 317-349. Entre autres publications de Burkhardt Tutsch, qui fut l’étudiant au doctorat de Wollasch et a poursuivi plus loin la réflexion de celui-ci sur les conditions de rédaction d’Udal et de Bern, voir plus particulièrement « Die Consuetudines Bernhards und Ulrichs von Cluny im Spiegel ihrer handschriftlichen Überlieferung », Frühmittelalterliche Studien, 30, 1996, p. 248-293 et Studien zur Rezeptionsgeschichte der Consuetudines Ulrichs von Cluny, Münster, 1998 (Vita regularis, 6). Isabelle Cochelin, « Évolution des coutumiers monastiques dessinée à partir de l’étude de Bernard », dans Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 29-66. Sur les rapports entre Bern et Udal, voir aussi, dans ce même ouvrage, les articles d’Anselme Davril, Susan Boynton et Frederick Paxton qui partagent mon point de vue, à savoir que Bernard corrigea le texte d’Udalrich.
15 Lin Donnat et Willibrord Witters, « Consuetudini monastiche », dans Dizionario degli Istituti di Perfezione, Rome, vol. II, 1975, col. 1692-95.
16 Quand je dis moines, je veux dire ici moines du chœur, car les convers ne sont pas toujours inclus dans ce groupe. Par exemple, dans le cas des cisterciens, il existe un coutumier pour les moines du chœur (de tout l’ordre) et un autre pour les convers (de tout l’ordre) : Les Ecclesiastica officia cisterciens du XIIe siècle. Texte latin selon les manuscrits édités de Trente 1711, Ljubljana 31 et Dijon 114. Version française, annexe liturgique, notes, index et tables, éds Danièle Choisselet, Placide Vernet, Abbaye d’Œlenberg, La Documentation cistercienne, 1989. Chrysogonus Waddell, Cistercian Lay Brothers: Twelfth-century Usages with Related Texts, Cîteaux, 2000 (Commentarii cistercienses).
17 Theodomarus, Theodomari abbatis Casinensis epistula ad Theodoricum gloriosum (778-779), éds Jacques Winandy, Kassius Hallinger, Initia consuetudinis benedictinae – Consuetudines saeculi octavi et noni, CCM 1, 1963, p. 127-136.
18 Thierry d’Amorbach, Le coutumier de Fleury. Consuetudines Floriacenses antiquiores, éds. et trad. Anselme Davril et Lin Donnat, L’Abbaye de Fleury en l’an Mil, Paris, 2004 (Sources d’histoire médiévale, 32), p. 145-251.
19 Consuetudines Floriacenses saeculi tertii decimi, éd. Anselme Davril, CCM 9, 1976.
20 Voir par exemple ce qui est dit des coutumiers dans un des meilleurs survols de l’histoire monastique au Moyen Âge : Clifford Hugh Lawrence, Medieval Monasticism, Harlow, 2001, p. 107-108. Pour des descriptions un peu plus fines, mais qui conçoivent également le modèle ultime comme le modèle dominant même avant 1100, voir Anselme Davril, Éric Palazzo, La vie des moines au temps des grandes abbayes Xe -XIIIe siècles, Paris, 2000 (La vie quotidienne), p. 31-34 ou Donnat, Witters, « Consuetudini… », col. 1692 : « Praticamente, a partire dal sec. X-XI sino ai nostri giorni, alla regola – che per i monaci diventa quella di s. Benedetto – si accompagna sempre un manuale di c. » Ces différents chercheurs présentent malgré tout une position moins extrême que le premier grand spécialiste moderne des coutumiers monastiques, Kassius Hallinger, pour qui ils avaient valeur de loi (« Introduction editoris », dans Initia consuetudinis benedictinae – Consuetudines saeculi octavi et noni, éd. Kassius Hallinger, CCM I, p. xxxii-xxxv).
21 Voir plus particulièrement les publications de Burkhardt Tutsch mentionnées ci-dessus et : Iogna-Prat, Ordonner…, p. 36-37 et p. 67-70. Un ouvrage récent sur Cluny présente même les quatre coutumiers comme des « instruments de gouvernement » des abbés clunisiens, afin de mieux contrôler la famille clunisienne étendue : Riche, L’ordre…, p. 221-222.
22 Vatican, Vat. Barb. Lat. 477, f. 110v-123v (copie de CA appelée B) et f. 130r-147v (copie de CA appelée C). À la suite des travaux de Bruno Albers (Bruno Albers, « Le plus ancien coutumier de Cluny », Revue Bénédictine, 20, 1903, p. 174-84), ces différents manuscrits de CA furent présentés en détail : Kassius Hallinger, Consuetudinum saeculi X/XI/XII monumenta. Introductiones, CCM 7.1 [1984], p. 207-277, mais ses conclusions doivent être lues avec un œil critique, car, comme je l’ai dit auparavant, il était convaincu que les coutumiers clunisiens constituaient la preuve flagrante du joug clunisien, toujours plus étendu et étouffant, alors que je les conçois au contraire comme un possible acte d’indépendance.
23 Rome, Casanat. 54, f. 14r-21v (copie de CA appelée B1).
24 Poppi, B.C. 63, f. 2r-22v (copie de CA appelée G).
25 BnF lat. 4339, f. 77v-88r (copie de CA appelée B2).
26 Maria Hillebrandt, « Le doyen à Cluny : Quelques remarques sur sa terminologie et son histoire », Annales de Bourgogne, 72, 2000, p. 399. Sur quelles institutions appartenaient à la famille clunisienne et à quelles dates : Dietrich Poeck, Cluniacensis Ecclesia. Der cluniacensische Klosterverband (10.-12. Jahrhundert), Munich, 1998 (Münstersche Mittelalter-Schriften, 71).
27 Iogna-Prat, Ordonner…, p. 62-63 ; Neithard Bulst, Untersuchungen zu den Klosterreformen Wilhelms von Dijon (962-1031), Bonn, 1973 ; Jeremiah D. Brady dans son compte rendu du livre de Bulst, Speculum, 52/2, 1977, p. 355-359 ; Carolyn Malone, Saint-Bénigne de Dijon en l’an Mil, Totius Galliae basilicis mirabilior : Interprétation politique, liturgique et théologique, Turnhout, 2009 (Disciplina monastica, 5). Tous ont étudié Saint-Bénigne de Dijon à la fin du Xe et au début du XIe siècle et ont tous insisté sur son indépendance vis-à-vis de Cluny et le fait qu’il ne fallait en aucun cas la percevoir comme un satellite de l’abbaye de Maïeul et Odilon.
28 Telle semble être la théorie de John France : Raoul Glaber, Rodulfi Glabri Historiarum libri quinque. Eiusdem auctoris Vita Domni Willelmi abbatis, éd. John France, Oxford, 1989, p. lxxviii. Hallinger pensait en effet que le coutumier avait été remanié à Dijon sur les ordres de Guillaume : CCM 7.1 (1984), p. 248.
29 Non seulement il n’est jamais question de l’existence d’un coutumier, mais il est clair que les coutumes se transmettent par le biais d’individus en chair et en os. Ainsi quand le prévôt de Saint-Sernin voulut que lui et ses frères adoptent le mode de vie clunisien, il demanda à Mayeul de nommer « aliquem […] qui eum [le prévôt] cum fratribus sibi commissis ad salutis uiam agnoscendam instituere ualeret » – Raoul Glaber, Vita…, p. 266. Je reviendrai en fin d’article sur ce type de métaphore pour parler des coutumes. Cette personne fut Guillaume que Raoul loue ailleurs pour avoir été un incomparabilis huius ordinis propagator – Raoul Glaber, Historiarum…, p. 120. En un autre passage, c’est Odon qu’il loue de la sorte (huius instituti propagator – ibidem, p. 126). Plus généralement, son résumé de l’histoire de la coutume suivie par Odon, Guillaume et les autres (depuis Benoît et sa règle) ne parle d’aucun texte écrit, mais uniquement d’une coutume qui semble avoir son existence propre, mais dont la diffusion est aidée par des individus et des communautés (ibidem, p. 122-126). Sur ce dernier point, la traduction anglaise de John France est fautive ; voir plutôt Raoul Glaber, Histoires, trad. Mathieu Arnoux, Turnhout, 1996 (Miroir du Moyen Âge), p. 172-175.
30 C. Stephen Jaeger, The Envy of Angels. Cathedral Schools and Social Ideals in Medieval Europe, 950-1200, Philadelphie, 1994, entre autres, p. 189: « This passage formulates a fundamental principle of eleventh-century culture. Truth is in the immediate presence of a model human being. His personality, his conduct, his bearing is the thing itself, is what study and learning are about. He himself, and not books and texts, is the lesson. The living presence, equipped with the weapons of virtue, outdoes even sacred history. » À propos de la transmission orale des coutumes avant la fin du XIe siècle, voir: Susan Boynton, « Oral Transmission of Liturgical Practice in the Eleventh-Century Customaries of Cluny », dans Steven Vanderputten dir., Understanding Monastic Practices of Oral Communication (Western Europe, Eleventh-Thirteenth Centuries), Turnhout, 2009 (Utrecht Studies in Medieval literacy), à paraître; Isabelle Cochelin, « Community and Customs: Obedience or Agency? », dans Sébastien Barret, Gert Melville, Giancarlo Andenna dir., Oboedientia. Zu Formen und Grenzen von Macht und Unterordnung im mittelalterlichen Religiosentum, Münster, 2005 (Vita regularis 27), p. 229-253. Je serais tentée de penser que l’abbaye bourguignonne se procura CA après la mort de Guillaume, soit après 1031, afin de posséder un aide-mémoire de l’admirable mode de vie clunisien qu’elle avait fait sien, mais sans devenir dépendante de Cluny. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas possible de savoir vraiment la date de rédaction de B2. En dernière instance, voir les remarques de Carolyn Malone à ce propos : Malone, Saint-Bénigne…, p. 171-172.
31 Vat. lat. 6808 ; Rome, Abb. S. Paolo f. M. 92. Plus généralement, sur ces deux manuscrits: Susan Boynton, « The Uses of the Liber Tramitis at the Abbey of Farfa », dans Terence Bailey, László Dobszay dir., Studies in Medieval Chant and Liturgy in Honour of David Hiley, Budapest/Ottawa, 2007 (Musicological Studies, lxxxvii), p. 87-104.
32 LT, p. 3-4; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 320-321.
33 On lit par exemple : « Forsan non intellexisti hoc bene. Dicamus denuo, ut intellegatis melius » – LT, p. 73.
34 Boynton, « The Uses… », p. 95-97.
35 Telle est pourtant la position de l’éditeur du LT, Peter Dinter. En témoignent ses commentaires, même cinq ans après son édition du LT, en introduction de : Consuetudines Fructuarienses-Sanblasianae, éds Luchesius Spätling, Peter Dinter, CCM 12.2 (1987), p. xxxi. Par conséquent, il pense avoir discerné des copies de LT, aujourd’hui perdues, qui seraient parties de Cluny ; mais ses preuves, qu’il s’agissait bel et bien de copies de LT et qu’elles furent envoyées de Cluny, sont trop intangibles pour pouvoir servir de contre-arguments (« Einleitung », LT, p. xxxii-xxxiii).
36 Charles Samaran, Robert Marichal, Catalogue des mss en écriture latine…, p. 341.
37 « Obsecro autem fratres nostros ne dedignentur ex ligneo uase potum ueritatis sumere, neque propter plumbeam fistulam per quam fluit aquam frigidam claramque despiciant si eos sitire contigit ut sciant quibus sentenciis inniti debeant ut a sanctarum consuetudinum tramite non recedant ». – Bern, p. 135 et Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 352-353.
38 Bern, p. 134 et Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 350-351.
39 Je serai malgré tout tentée de penser qu’il s’agit bel et bien d’un poème de Bernard, car il se retrouve dans ce qui m’a semblé constituer les deux versions principales de son texte, une plus ancienne, plus proche d’Udal, et une autre plus récente. À propos des deux versions, voir Isabelle Cochelin, « L’évolution… », p. 63.
40 Udal., 635-640 et Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 330-343.
41 Wollasch, Cluny…, p. 321 et Tutsch, Studien…, p. 27. J’explique plus en détail pourquoi je rejette leur affirmation dans l’article Cochelin, « Community and Customs… », p. 235-236 et 244.
42 Guillaume de Hirsau, Constitutiones hirsaugienses, dans PL 150, 929. Au sujet de l’édition critique de cet ouvrage, à paraître prochainement dans CCM, voir Pius Engelbert, « Die Constitutiones Hirsaugienses des Abtes Wilhelm von Hirsau. Arbeitsbericht zur Edition », Studien und Mitteilungen zur Geschichte des Benediktinerordens und seiner Zweige, 119, 2008, p. 25-35.
43 Cochelin, « L’évolution… », p. 41.
44 Sur la liste des manuscrits de Bern : ibidem, p. 63.
45 Guillaume de Hirsau, Constitutiones…, 929 ; Monique-Cécile Garand, « Les plus anciens témoins conservés des consuetudines cluniacenses d’Ulrich de Ratisbonne », dans Sigrid Krämer et Michael Bernard dir., Scire litteras. Forschungen zum mittelalterlichen Geistesleben, Munich, 1988, p. 172.
46 Par exemple, Udalrich déclare avoir eu besoin des connaissances d’un juvenis pour clarifier certains points (Udal, 666 et 680). Certes, ce jeune avait vécu vingt-cinq à l’abbaye, après y être probablement entré comme oblat. Pourtant, ces emprunts indiquent, selon moi, qu’Udalrich ne se trouvait pas à Cluny au moment de la rédaction – il aurait sinon trouvé une source un peu plus imposante qu’un juvenis – et qu’il n’écrivait pas sur les ordres de l’abbé Hugues. Comment expliquer autrement la présence de tels passages incertains sur ce qui se vivait réellement à Cluny ?
47 Cochelin, « L’évolution… », p. 37, 41-42.
48 Ces sentiments d’indépendance survécurent jusqu’au XIIIe siècle, voir : Florent Cygler, « L’ordre de Cluny et les ‘rebelliones’ au XIIIe siècle », Francia, 19/1, 1992, p. 85. À propos de Saint-Martial et de ses relations parfois tendues avec Cluny à la suite de son annexion de 1062, voir Jean-Loup Lemaître, Mourir à Saint-Martial. La commémoration des morts et les obituaires à Saint-Martial de Limoges du XIe au XIIIe siècle, Paris, 1989, p. 140-141. Andreas Sohn démontre que l’abbaye limousine accepta son incorporation à Cluny sous l’abbatiat énergique d’Adhémar, mais il lui permit aussi de consolider son identité : Andreas Sohn, Der Abbatiat Ademars von Saint-Martial de Limoges (1063-1114). Ein Beitrag zur Geschichte des cluniacensischen Klösterverbandes, Münster, 1989. Voir aussi : Claude Andrault-Schmitt, « Les heures de gloire de l’abbaye médiévale », dans idem dir., Saint-Martial de Limoges : Ambition politique et production culturelle (Xe-XIIe siècles), Limoges, 2006, p. 16-17.
49 Bern., p. 134; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 350-351.
50 Sur l’évolution des entrées à Cluny dans la deuxième moitié du XIe siècle, je me permets de renvoyer à mon article : Isabelle Cochelin, « Peut-on parler de noviciat à Cluny pour les Xe-XIe siècles ? », Revue Mabillon, n. s., 9, 1998, p. 17-52.
51 Par exemple, BnF lat. 13875, f. 180v-183v.
52 Sur l’usage de Bern dans les siècles suivants sa rédaction, voir entre autres : Saurette, « Excavating… » ; Sébastien Barret, « Regula Benedicti, consuetudines, statuta : le corpus clunisien », dans Cristina Andenna, Cosimo Damiano Fonseca, Gert Melville dir., Regulae, Consuetudines, statuta, Münster, 2005 (Vita regularis 25), p. 69 sq. ; Catherine Magne, « Le sanctoral clunisien (Xe-XVe s.) », thèse de doctorat, Université Paris-I, 2005. Cette dernière pense malgré tout que Bern acquit de plus en plus d’autorité normative avec le temps. Pour la fin du XIe et le XIIe siècle, voir pourtant l’article de Manuel Pedro Ferreira qui démontre que les coutumes de Cluny (en partie sur la base du coutumier de Bernard) pouvaient fort bien être adoptées par des monastères indépendants de Cluny, alors que certaines de ses dépendances semblaient les ignorer : Manuel Pedro Ferreira, « Cluny at Fynystere : One Use, Three Fragments », dans Bailey, Dobszay dir., Studies…, p. 179-228.
53 Gert Melville, « Action, Text, and Validity : on Re-examining Cluny’s Consuetudines and Statutes », dans Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 67-83.
54 Bern., p. 135; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 352-353.
55 Guillaume de Hirsau, Consuetudines…, 929.
56 Le prologue de LT offre un bon exemple de ce va-et-vient.
57 LT, p. 4 et Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 320-323. Comme je l’ai déjà laissé sous-entendre plus haut, je pense en outre que certains monastères se procurèrent un coutumier clunisien pour pouvoir vivre cette coutume sans tomber pour autant sous la coupe de Cluny. Il y avait en effet souvent une énorme pression des seigneurs laïques alentour pour qu’ils adoptent cette coutume si hautement prisée, mais les abbayes (et occasionnellement les seigneurs eux-mêmes) n’appréciaient guère le prix usuel à payer, à savoir la perte d’autonomie. Sur cette nouvelle politique à partir d’Odilon (994-1049), voir Iogna-Prat, Ordonner…, p. 63.
58 LT, p. 91 et 264.
59 Par exemple : « Non canimus […] non canimus […] incipimus […] non dicimus […] » – CA B2, p. 25-27. Au moins une fois, le manuscrit C utilise la deuxième personne du singulier, mais pour dire à son lecteur de trouver une liste écrite des antiennes pour le mercredi de l’avent « […] alias [antiphonas] […] quae sunt ad ipsum diem pertinentes, inuenies scriptas ». CA p. 22). Malone, Saint-Bénigne…, plus particulièrement les chapitres 5 à 8.
60 Par exemple, LT, p. 91, mais il faut prendre en compte que certains des emplois de la première personne du pluriel renvoient à Odilon et ses moines, tel LT, p. 200-201. Boynton, Shaping…, p. 117 sq. et 126 sq.
61 À propos de Romuald et ses réformes : Cécile Caby, De l’érémitisme rural au monachisme urbain : les camaldules en Italie à la fin du Moyen Âge, Rome, 1999 (Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome, 305), p. 65.
62 LT, p. 4; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 320-321.
63 Boynton, Shaping…, p. 110-111 ; Ildefonse Schuster, « L’abbaye de Farfa et sa restauration au XIe siècle », Revue bénédictine, 24, 1907, p. 28-33.
64 LT, p. 4; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 322-323.
65 Boynton, Shaping…, p. 119. L’effacement des pages dédiées à la description de l’église et des bâtiments claustraux de Cluny ii dans le deuxième manuscrit, plus tardif et dédié à une dépendance de Farfa, indique probablement une appropriation de plus en plus grande de ces coutumes (Boynton, « Oral Transmission », à paraître).
66 Boynton, Shaping…, p. 111 et 118 ; Schuster, « L’abbaye… », p. 33-34.
67 Garand, « Les plus anciens témoins… », p. 172.
68 Udal, 639; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 340-341.
69 Udal, 638; Boynton-Cochelin dir., From Dead of Night…, p. 340-341.
70 Grégoire le Grand, Règle pastorale, introduction, notes et index par Bruno Judic, éd. Floribert Rommel, trad. Charles Morel, Paris, 1992 (Sources chrétiennes 381-392). Sur l’interprétation de la regula pastoralis comme un miroir de princes pour évêques par Alcuin, voir : ibidem, p. 93-95.
71 Des quatre coutumiers clunisiens, qui doivent faire un total de presque cinq cents pages, je ne connais que deux exceptions ; même si j’ai la mémoire qui flanche et que ce nombre peut encore être multiplié par cinq, c’est extrêmement peu. Une première exception concerne les enfants : quand l’un des petits oblats tombe malade et se retrouve à l’infirmerie, son maître peut lui parler de ses parents. Bien que rien ne soit précisé ici de l’état mental de l’infans en question, cette phrase ne peut se comprendre sans faire référence aux angoisses que devaient traverser ses enfants fragilisés par la maladie (Bern p. 187). L’autre passage est d’Udalrich et fait référence au service nocturne pendant le mois de novembre, si long qu’il avait tendance à sommeiller pendant cette période (Udal 687).
72 Sur la performativity, voir par exemple Jean-Marie Moeglin, « ‘Performative turn’, ‘communication politique’et rituels au Moyen Âge. À propos de deux ouvrages récents », Le Moyen Âge, 113/2, 2007, p. 393-406.
73 Les références au chemin en relation aux coutumes et coutumiers sont loin d’être exceptionnelles. On en trouve par exemple d’autres dans les deux poèmes qui précèdent les deux livres de LT, p. 7-8 et 202-203. Voir aussi n. 29* et 74*. Il est évident que cette métaphore n’est pas la seule pour comprendre l’emploi des coutumiers (voir par exemple le poème en exergue de cet article qui semble faire référence à un manuel de combat, et le premier poème de LT qui évoque la nourriture, LT p. 8), malgré tout elle me semble prometteuse pour comprendre la transmission manuscrite des textes. Et puis, j’avoue très innocemment ne rien connaître aux combats, mais avoir l’habitude des voyages et des itinéraires.
74 Un exemple parmi d’autres : dans la charte de fondation de Montierneuf (Poitou) de 1076, il est dit que « le chemin de la piété ne se trouvait dans aucun [des monastères d’Aquitaine] » avant que la réforme clunisienne n’y fut instituée (« Et quia omnia monasteria per Acquitaniam regulari erant ordine destituta – nec enim in aliquo eorum religionis trames poterat inveniri » – Poeck, Cluniacensis Ecclesia…, p. 62).
75 Suggestion très intéressante et très certainement valable qui m’a été faite par mon collègue Joseph W. Goering.
76 Dois-je préciser que le fameux Liber sancti Jacobi avec son guide pour les pèlerins (qui occupe le dernier des cinq livres), de quelques décennies plus tardif qu’Udal et Bern est tout à fait différent, compte tenu des commentaires très émotionnels offerts sur les différents peuples rencontrés sur la route pour de Compostelle ? Liber sancti Jacobi, codex calixtinus, éds Klaus Herbers, Manuel Santos Nota, Saint-Jacques-de-Compostelle, 1998.
Auteur
Professeure à l’Université de Toronto (Département d’histoire et Centre d’études médiévales). Ses recherches et publications concernent principalement la vie quotidienne des moines jusqu’au XIIe siècle. Elle dirige avec Susan Boynton (Music, Columbia University) la collection Disciplina monastica (Brepols). Avec cette dernière et dans cette collection, elle a publié From Dead of Night to End of Day : The Medieval Customs of Cluny – Du cœur de la nuit à la fin du jour : les coutumes clunisiennes au Moyen Âge (2005). Elle finalise l’édition d’une collection d’articles sur le cycle de vie au Moyen Âge en collaboration avec la littéraire Karen Smyth (University of East Anglia, UK). Enfin, elle travaille sur un livre concernant l’histoire des coutumiers monastiques jusqu’au XIIe siècle.
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