19. Un guide de pratique de prévention et d’intervention en prostitution juvénile
p. 379-394
Texte intégral
La prostitution juvénile constitue une problématique complexe qui interpelle divers milieux et acteurs. Sous la direction du Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire (CJQ-IU), une Table régionale de concertation sur la prostitution juvénile a été mise sur pied à l’hiver 2007 pour aider les jeunes qui se retrouvent dans cette situation à s’en sortir grâce à de meilleures interventions. Les membres de cette Table proviennent d’établissements aussi variés que le CJQ-IU, le Service de police de la Ville de Québec, les commissions scolaires, les centres de santé et des services sociaux (CSSS), le milieu communautaire, le Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et des familles à risque (JEFAR) de l’Université Laval et l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale. Cette démarche de partenariat, qui vise principalement à aider les intervenants à prendre conscience des réalités et des enjeux reliés au monde de la prostitution juvénile, a donné naissance au Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile. La clientèle desservie par ce guide est constituée d’intervenants qui désirent comprendre ce phénomène et orienter leur intervention de façon structurée et concertée afin de mieux aider les jeunes concernés et leur famille. Le guide vise aussi à répondre aux besoins de formation des intervenants jeunesse de divers milieux, tant sur le plan du savoir, du savoir-être que du savoir-faire en matière d’intervention préventive et curative auprès des jeunes, garçons et filles, victimes de la prostitution juvénile ou pouvant présenter une vulnérabilité à cet égard.
1En 2002, lors du démantèlement d’un réseau de prostitution juvénile, un important travail de collaboration entre le Service de police de la Ville de Québec et le CJQ-IU a permis de constater la nécessité de travailler en partenariat pour intervenir plus adéquatement face à cette problématique. En février 2005, le CJQ-IU a formé un groupe de travail avec le Service de police de la Ville de Québec, le Centre de recherche JEFAR de l’Université Laval et l’organisme Projet intervention prostitution Québec (PIPQ). Ce groupe de travail avait pour but de déposer un plan d’action en matière de prostitution juvénile. En février 2006, le groupe s’est donné comme orientation l’établissement d’une Table régionale de concertation sur la prostitution juvénile.
2En partant du principe que pour intervenir en prostitution juvénile il importe de développer diverses connaissances, le groupe de travail a réalisé un sondage auprès de milieux concernés par le phénomène. On a donc sollicité les intervenants de trois commissions scolaires de Québec, du Service de police de la Ville de Québec, des CSSS de Québec-Nord et de la Vieille-Capitale, de 11 organismes communautaires œuvrant auprès des jeunes et du CJQ-IU. Les résultats ont confirmé que, pour chacun de ces milieux, il existait des besoins de formation en matière de prostitution juvénile.
3À l’hiver 2007, au premier groupe de travail se sont jointes différentes organisations de la région de Québec concernées par le phénomène, pour former dorénavant une véritable Table régionale de concertation. Les membres de cette Table, à laquelle s’est jointe par la suite l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, se sont entendus dès lors pour élaborer un projet de formalisation des pratiques réputées les plus concluantes en lien avec la prostitution juvénile, cela sous la forme d’un Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile, ainsi que d’une formation s’y rattachant.
4Après plus d’un an de travail sur ce projet spécifique dont la rédaction incombait à un sous-comité, mais nécessitait, à toutes les étapes, l’aval de la Table de concertation, a eu lieu, en novembre 2008, le lancement du Guide. À l’hiver 2009, l’obtention d’une subvention du ministère de la Sécurité publique a permis d’amorcer le processus de formation d’intervenants dans les différents milieux d’intervention de la région de Québec, de même qu’une évaluation de cette formation.
caractère novateur du projet
5La concertation intersectorielle représente la force principale du partenariat qui a mené à la réalisation du guide. En effet, la collaboration et l’implication de tous les partenaires (réseau de la santé et des services sociaux, éducation, sécurité publique et milieu communautaire) ont rendu possible la publication d’un guide qui tient compte des spécificités et des besoins des milieux représentés, et la mise en place de la formation qui l’accompagne.
6La démarche a permis aux établissements partenaires de se mobiliser et de se structurer pour constituer une Table régionale de concertation permanente, d’assurer un suivi systématique des services entre les partenaires et de partager de l’information afin de mieux suivre l’évolution de la problématique. Il s’agissait, par ailleurs, d’échanger soutien et supervision en partageant ses expertises, de maximiser les ressources et de rendre les actions plus efficientes, en évitant de brûler inutilement les ressources financières, matérielles et humaines des différentes organisations. Il fallait aussi éviter les conflits, les zones grises, les ruptures de services entre les partenaires ou, à l’inverse, le chevauchement des interventions auprès des personnes en cause. Les travaux ont également permis d’harmoniser, dans le respect des mandats propres à chacun des établissements partenaires, les pratiques existantes grâce au décloisonnement des milieux d’intervention. En ce qui a trait à la prévention et à l’intervention, il a fallu voir à ce que les responsabilités se partagent et se répartissent en fonction des besoins particuliers de chaque jeune, de chaque famille et de chaque milieu. Assurer la continuité de l’aide reçue par le jeune et par son milieu de vie (s’assurer qu’il n’y ait pas de rupture à la suite d’un signalement non retenu) a constitué une autre priorité. Finalement, les membres de la Table régionale ont tâché de constituer une banque de ressources, un espace de discussions et de débats, un lieu de diffusion d’outils de dépistage, d’interventions, d’expériences efficientes et de conditions liées au succès d’actions concrètes en matière d’intervention et de prévention en prostitution juvénile.
7À notre connaissance, ce projet n’a pas d’équivalent ailleurs au Québec, d’où son caractère novateur. Sa mise en place représente quelque chose d’unique, tant par la diversité des secteurs d’activités regroupés que par le caractère permanent de son implantation. Au moment d’écrire ces lignes, la plupart des milieux partenaires comptent déjà dans leurs effectifs des intervenants sensibilisés et formés à la prévention et à l’intervention en matière de prostitution juvénile (notons que les formateurs proviennent aussi de ces divers milieux). Le guide et sa formation ont déjà fait l’objet d’intérêt et de demandes de la part d’autres milieux, tant au Québec et au Canada qu’en Europe. De plus, la façon de faire qui a été développée peut s’appliquer à d’autres problématiques, comme celle des enfants fugueurs. À l’automne 2009, la commission scolaire anglophone de la région de Québec, Central Québec, s’est montrée intéressée à intégrer la Table régionale de concertation. Une traduction en anglais du guide et de la formation qui l’accompagne est maintenant envisagée à court terme.
constats à l’origine du projet
8À l’aube des années 2000, les citoyens de la région de Québec se voyaient alertés par un phénomène qui prenait des proportions de plus en plus importantes au fur et à mesure qu’étaient découvertes les ramifications de réseaux de prostitution juvénile, en particulier celles dirigées par des gangs de rue. C’est alors que s’est fait sentir le besoin d’élaborer de nouvelles stratégies pour soutenir les intervenants qui cherchaient des moyens de mieux remplir leur mission de prévention, de protection et de réadaptation.
9En décembre 2002, le Service de police de la Ville de Québec démantelait un important réseau de prostitution juvénile impliquant au départ 17 jeunes filles âgées de 13 à 17 ans. Cette enquête, surnommée l’enquête Scorpion, a permis de rencontrer des centaines de jeunes filles, témoins ou victimes d’activités de prostitution juvénile, dont certaines ont été prises en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) du CJQ-IU. L’arrestation de plusieurs proxénètes et clients avait alors fait la manchette et provoqué un remue-ménage dans les valeurs des Québécois. Dans la foulée d’un important travail de collaboration, la nécessité de travailler en partenariat s’est imposée. Constatant la difficulté qu’ils avaient à intervenir auprès de ces jeunes vulnérables et de leurs parents démunis, les intervenants ont été les premiers à se rendre compte de la complexité de cette problématique et, surtout, de leur manque de connaissances et d’outils pour les aider adéquatement. En 2005, un premier groupe de travail a été formé.
10Pour formaliser les pratiques cliniques en lien avec la prostitution juvénile, il devenait impératif de tracer d’abord un portrait de cette problématique, en particulier pour la ville de Québec. Cela a pu être fait à l’aide de données recueillies dans la littérature sur le sujet et dans le système Programme d’intégration jeunesse (PIJ) des centres jeunesse1. Le document « Prostitution juvénile. Portrait des jeunes suivis au Centre jeunesse de Québec » (Fortin et Fournier, 2006) a été produit en mars 2006. Il contient une recension des écrits portant sur la prostitution juvénile, et surtout, une analyse des données accessibles à partir du CJQ-IU qui a permis d’observer 84 cas (pris en charge du 11 novembre 2002 au 20 mai 2005) qui présentaient une problématique de prostitution à l’étape de la réception et du traitement des signalements à la Direction de la protection de la jeunesse. Ce portrait décrit des situations pour lesquelles les jeunes avaient reçu des services au CJQ-IU. Il s’agissait également de comparer les données recueillies à celles recensées dans la littérature, et de documenter les problématiques associées à la prostitution. Dans l’ensemble, les données obtenues par l’examen des dossiers ont concordé avec celles retrouvées dans les textes.
11Par la suite, un sondage Internet a été mené auprès d’intervenants interpellés par la problématique de la prostitution juvénile et œuvrant dans différentes organisations de la région de Québec (le CJQ-IU, le Service de police de la Ville de Québec, le CSSS de la Vieille-Capitale, trois commissions scolaires et onze organismes communautaires). Les résultats de ce sondage ont confirmé et précisé les besoins de formation des intervenants en matière de prostitution juvénile. Notamment, 60,7 % des répondants ont affirmé être motivés à investir du temps dans une formation sur le sujet. Des besoins ont été identifiés sur le plan du savoir (17,6 %), du savoir-faire (65,1 %) et du savoir-être (39,6 %). Les autres besoins en matière de formation touchaient des sujets comme la collaboration entre les différents services, la formation conjointe avec les partenaires, les gangs de rue, les différents types ou modes de prostitution, la distinction garçons/filles et l’identification de personnes-ressources pour une intervention rapide ou pour obtenir des conseils.
12En février 2006, le groupe de travail s’est donné comme principale orientation l’établissement d’une Table régionale de concertation sur la prostitution juvénile. Plusieurs organisations de la région de Québec concernées par le phénomène se sont jointes au premier groupe de travail pour la former. Une deuxième consultation a par la suite été réalisée. Les intervenants provenant d’une quinzaine d’établissements représentés à la Table de concertation ont été consultés par le biais de neuf groupes de discussion. Ils avaient alors à réagir à la lecture d’une première version du Guide de prévention et d’intervention, alors en gestation. Cela a permis de connaître encore plus précisément les besoins de formation propres à chacun des milieux.
Stratégies d’intervention
13La prostitution juvénile constitue une problématique complexe qui interpelle divers milieux et acteurs (voir figure 1). Pour prévenir et intervenir efficacement auprès des jeunes, il est impératif que la majorité de ces milieux et de ces acteurs soient impliqués. Les stratégies d’intervention peuvent se diviser en quatre étapes : le rationnel et les démarches pour la constitution d’une Table régionale de concertation en prostitution juvénile ; le développement du guide d’intervention et de prévention et de la formation qui s’y rattache ; la mise en œuvre de la formation ; et l’établissement d’une structure de partenariat de services.
14Au printemps 2007, la Table régionale de concertation sur la prostitution juvénile a été constituée. Depuis, la Table poursuit ses travaux avec la préoccupation et le souci d’assurer, dans une véritable concertation, une prévention, une intervention et une formation de la plus haute qualité. Ajoutons que les questionnements autour de la confidentialité sont régulièrement abordés à la Table. C’est un enjeu au quotidien, qui est traité dans le respect des lois, des droits et dans l’intérêt du jeune.
Développement du guide et de la formation
15Afin d’orienter sa démarche, le premier groupe de travail s’était fixé, entre autres, comme objectifs : d’identifier les besoins en connaissance et en formation des différents acteurs ; et d’élaborer un contenu de formation, de le valider puis de le diffuser aux intervenants afin qu’ils puissent partager leurs connaissances et développer un langage commun.
16Pourquoi un guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile et pourquoi l’accompagner d’une formation ? Principalement, pour aider les intervenants à prendre conscience des réalités et des enjeux reliés au monde de la prostitution juvénile, à cerner les exigences et les défis inhérents à cette problématique, ainsi que pour les soutenir dans leur intervention. Plus spécifiquement, les objectifs du guide et de la formation sont d’amener les intervenants à avoir une meilleure connaissance des réalités liées à la prostitution juvénile (Module I. Le savoir), de leur permettre d’être davantage sensibilisés aux réalités de la prostitution juvénile et d’être plus à l’aise dans la réalisation d’activités de prévention et d’intervention (Module II. Le savoir-être) et de les amener à acquérir des habiletés spécifiques de prévention et d’intervention en matière de prostitution juvénile (Module 3. Le savoir-faire).
17Le travail de rédaction, dirigé par le CJQ-IU de concert avec le JEFAR, a été fait en collaboration avec la Table régionale de concertation. Différentes versions du guide ont été soumises à ses membres, dont les débats ont permis d’en arriver à un langage qui soit partagé par tous, au développement d’une vision commune et à un consensus autour des outils et des façons de travailler en partenariat. Les suggestions et les commentaires issus de ce processus ont été pris en considération en vue de bonifier le guide. Un corpus de formation constitué d’exercices d’intégration et d’animation a été incorporé à chacun des modules, car il apparaissait primordial que les connaissances transmises et acquises soient orientées vers l’action sur le terrain. Sur le plan scientifique et pédagogique, la présence tout au long du processus d’un professeur-chercheur du Centre de recherche JEFAR de l’Université Laval fut d’une grande aide. Grâce à son expertise dans le domaine de la recherche et de l’intervention en prostitution juvénile, il a pu superviser la rédaction du guide et la conception de la formation qui l’accompagne.
Réalisation de la formation
18L’idée à l’origine de la formation est que, pour dépister, prévenir et intervenir adéquatement en prostitution juvénile, il importe que les intervenants (communautaires, des services sociaux, de l’éducation et des milieux policiers) acquièrent les connaissances adéquates. Un exemple concret de son utilité a surgi lors d’un des groupes de discussion. La lecture du Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile avait permis à un intervenant en milieu scolaire de prendre conscience qu’une de ses étudiantes, pour laquelle il n’aurait jamais soupçonné une telle situation, était probablement impliquée dans des activités de prostitution. Ainsi, la lecture des indices pouvant aider à identifier des conduites de prostitution a permis à cet intervenant d’être aux aguets et de tisser par la suite un « filet de sécurité » autour de cette jeune personne vulnérable.
19Cependant, la connaissance seule ne suffit pas. Après avoir suivi la formation ayant trait au savoir, au savoir-être et au savoir-faire, cet intervenant en saura davantage sur les actions à poser pour aider une telle adolescente, si elle a besoin de soutien spécialisé ou spécifique. De plus, il saura s’il doit la référer ou non au DPJ, quelle information il est nécessaire de détenir et de transmettre lors d’un signalement et, surtout, quelle mesure de protection il doit mettre en place pour que cette jeune personne soit en sécurité. Avec ce guide, on veut amener les intervenants à se poser des questions utiles avant d’agir auprès de ces jeunes et de leurs proches, et leur fournir des perspectives d’intervention réalistes. Cette formation leur permet d’avoir une meilleure connaissance des réalités liées à la prostitution juvénile et d’acquérir des habiletés spécifiques.
20Le manque de formation et d’outils de dépistage peut amener certains professionnels à occulter ou à banaliser des situations de prostitution juvénile. Il importe donc de mieux former les intervenants, de désigner une personne-ressource dans chaque établissement et d’assurer une concertation entre les différents réseaux d’intervention. À partir du Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile, les membres de la Table régionale de concertation ont mis sur pied des sessions de sensibilisation et de formation pour tous les intervenants jeunesse, afin que ces derniers soient plus aptes à prévenir et à intervenir dans des situations de prostitution juvénile. L’encadré qui figure ci-après fournit un bref aperçu du contenu de la formation soutenant l’utilisation du guide. Le Module I présente les objectifs du guide d’intervention et de prévention, puis il fait état des connaissances en matière de prostitution juvénile. Le Module II traite du savoir-être, c’est-à-dire des croyances, mythes et préjugés à contrer, de même que des attitudes spécifiques à développer pour intervenir en prostitution juvénile. Le Module III aborde le savoir-faire, soit le travail en partenariat, l’évaluation et les stratégies d’intervention en matière de prostitution juvénile. Un second encadré présente un exemple d’activité de sensibilisation.
milieux et acteurs interpellés en prostitution juvénile
Introduction
Contenu de la formation soutenant l’utilisation du guide
• Objectifs du guide • Historique • Étapes parcourues • Objectifs principaux de la formation
Activité de sensibilisation 1 (20 min)
• Principes qui sous-tendent l’intervention en prostitution juvénile
Activité de sensibilisation 2 (20 min)
MODULE I - LE SAVOIR : LES CONNAISSANCES ACTUELLES EN PROSTITUTION JUVÉNILE
1. Les faits
• Définition • Prévalence • Formes, organisations et modes de recrutement
2. Les jeunes qui ont des activités de prostitution juvénile
• Qui sont-ils ? • Les motivations
Activité d’intégration 1 (15 min)
• Profils divers, typologie des filles, typologie des garçons • Phases d’engagement
en contexte de gang de rue • Impacts
Activité d’intégration 2 (15 min)
3. Indices pouvant être associés à la prostitution
• Indices de vulnérabilité • Phénomènes précurseurs • Phénomènes concomitants • Indices pouvant aider à identifier les conduites de prostitution
Activité d’intégration 3 (15 min)
• Langage utilisé dans le milieu de la prostitution
Activité d’intégration 4 (10 min)
• Mot sur la sexualité des jeunes
4. Les prostitueurs
• Les clients • Les proxénètes
5. Ce que prévoit la loi
• Âge de consentement • Infractions
Activité d’intégration 5 (10 min)
MODULE II - LE SAVOIR-ÊTRE : INTERVENIR EN PROSTITUTION JUVÉNILE
1. Contrer les croyances populaires, les mythes et les préjugés
Activité d’intégration 6 (15 min)
2. Attitudes spécifiques à développer pour intervenir en prostitution juvénile
• Composer avec : les situations de dangerosité et de marginalité ; des jeunes en
état de stress post-traumatique ; le thème de la sexualité
Activité d’intégration 7 (15 min)
• Savoir composer avec les attitudes sexualisées des jeunes
3. Ce qu’il faut savoir pour construire une relation d’aide en prostitution juvénile
• Établir un lien de confiance dans un contexte de méfiance
• Valoriser des attitudes aidantes « gagnantes » auprès de ces jeunes
Activité d’intégration 8 (15 min)
MODULE III - LE SAVOIR-FAIRE : INTERVENIR EN PROSTITUTION JUVÉNILE
1. Le travail en partenariat
2. L’intervention
• L’évaluation : les premières rencontres ; la participation des parents ; Activité d’intégration 9 (15 min)
Le partenariat lors de l’évaluation
• Le besoin de protection : l’évaluation du besoin de protection du jeune ;
l’implication des parents dans la protection de leur enfant ; les interventions selon la forme d’autorité ; le partenariat dans la protection du jeune ; la prise de décision en fonction du besoin de protection
Activité d’intégration 10 (25 min)
• La stratégie d’intervention : établir un plan d’intervention ; établir des buts et des objectifs clairs et précis ; contrer les résistances du jeune et le motiver au changement ; impliquer les parents dans la stratégie d’intervention ; utiliser les ressources du milieu ; favoriser le partenariat dans la stratégie d’intervention
Activité d’intégration 11 (25 min)
une activité de sensibilisation en matière de prostitution juvénile
Thème L’intervention auprès de personnes d’âge mineur qui se prostituent : valeurs, attentes et besoins.
But Permettre aux participants de réaliser quelles sont les valeurs qu’ils véhiculent en ce qui concerne les personnes d’âge mineur qui se prostituent et leurs proches
Mise en situation Le formateur remet au hasard à chaque participant une étiquette autocollante présentant l’une des désignations suivantes :
-Adolescente prostituée par un gang
-Adolescente qui se prostitue par elle-même
-Adolescent qui se prostitue dans la rue
-Parent d’un adolescent qui se prostitue
-Parent d’une adolescente qui se prostitue
- Jeune proxénète
-Meilleure amie ou meilleur ami d’un jeune qui se prostitue
Le formateur interroge alors les participants, qui ont collé l’étiquette sur leur vêtement :
• Quelles réactions les participants ont-ils en arborant cette étiquette ?
Les réactions peuvent être tant positives que négatives. Certaines personnes peuvent même refuser de porter l’étiquette. Il ne faut pas s’en formaliser, mais plutôt tenter de savoir pourquoi cela les rend si mal à l’aise.
• Quelles réactions les étiquettes portées par d’autres participants
suscitent-elles en eux ?
• Est-ce que certaines étiquettes les rendraient inconfortables ? Si oui,
lesquelles et pourquoi ?
Aux personnes qui déclarent n’avoir aucune réaction ni aucun préjugé, on peut poser la question suivante : « Et si, par exemple, je vous disais que nous allions porter ces étiquettes toute la journée, durant les pauses et même au dîner, diriez-vous la même chose ? »
• Qu’est-ce que ces réactions leur apprennent sur leurs valeurs
personnelles ?
• Qu’est-ce que cette activité leur suggère quant à leurs besoins de
formation sur le sujet ?
Une structure de partenariat de services
21La formation offerte au personnel des différents réseaux et la mise sur pied par la Table de concertation d’un guide et d’un partenariat de services favorisent une compréhension commune de la problématique de la prostitution juvénile et encouragent le travail de concertation entre les organismes. Ce travail de concertation améliore la continuité et la complémentarité des services d’aide et de protection et répond mieux aux besoins particuliers de chaque jeune et de chaque milieu. Chaque intervenant peut ainsi assumer des responsabilités spécifiques et complémentaires, selon son secteur de compétence et le mandat de l’organisme pour lequel il travaille.
22Ce travail en partenariat permet :
- de mettre en commun l’information pour mieux suivre l’évolution de la problématique et des jeunes concernés ;
- d’éviter le chevauchement des interventions auprès des personnes en cause ;
- d’harmoniser les pratiques existantes grâce au décloisonnement des milieux d’intervention en permettant que les responsabilités se répartissent en fonction des besoins de chaque jeune et de chaque milieu en ce qui a trait à la prévention ;
- d’assurer la continuité de l’aide reçue par le jeune et par son milieu de vie ; et
- de constituer une banque de ressources, un espace de discussion et de débats, un lieu de diffusion d’outils de dépistage, d’expériences efficientes et, surtout, de conditions liées au succès et à la mise en œuvre d’actions concrètes en matière d’intervention et de prévention de la prostitution juvénile.
23Le représentant de chacun des organismes partenaires de la Table sert de relais et de répondant dans son milieu afin de s’assurer que le guide et la formation qui l’accompagnent répondent aux besoins spécifiques des intervenants en matière de prévention et d’intervention, soient activement diffusés, utilisés et évalués, et soient bonifiés de façon à s’adapter continuellement aux milieux et aux différents aspects de la prostitution juvénile (par exemple, les modes possiblement changeants de recrutement et d’exploitation sexuelle développés par les gangs de rue).
24Afin d’assurer une continuité dans la concertation entre les partenaires, chacun de ceux impliqués à la Table de concertation identifie une personne de référence, ou « pivot », dans son milieu, laquelle sert, au besoin, de référence auprès de ses collègues sur la problématique concernée.
25À ce jour, le projet a reçu une subvention de 150 000 $ pour la première des trois années prévues au programme. Cette subvention permet la diffusion de la formation à tous les intervenants jeunesse concernés de la région de la Capitale-Nationale, et son évaluation. L’évaluation vise à assurer une rétroaction pendant les trois années d’implantation du projet afin de bonifier de façon continue le guide et les formations, tant sur le fond que sur la forme. En somme, ce projet touchera des centaines d’intervenants de tous les milieux œuvrant auprès des jeunes dans la région de Québec et aura, par conséquent, des retombées auprès des milliers de jeunes que rejoignent le Centre jeunesse, le Service de police, les commissions scolaires et leurs écoles, les organismes communautaires et les centres de santé et de services sociaux.
composition et fonctionnement de l’équipe
26La réalisation du projet a nécessité l’implantation de trois structures complémentaires. D’abord, la Table de concertation, puis l’équipe de formateurs et, enfin, l’équipe de personnes de référence ou « pivots ».
Composition de la Table régionale de concertation
27Tous les acteurs présents à la Table régionale de concertation en prostitution juvénile considèrent que la mise en commun des diverses pratiques, connaissances et compétences provenant des différents milieux est essentielle pour mieux intervenir sur un phénomène aussi complexe et changeant que la prostitution juvénile. Tous visent à atteindre les mêmes objectifs : que leurs intervenants aient une meilleure connaissance de la problématique, qu’ils y soient davantage sensibilisés, qu’ils se sentent plus à l’aise lorsque confrontés à cette réalité, qu’ils acquièrent des habiletés spécifiques d’intervention et qu’ils agissent en concertation pour sortir les jeunes de la prostitution.
28Les activités de la Table de concertation permettent de formaliser les pratiques des intervenants et d’offrir une formation en prostitution juvénile à des personnes de référence, ou « pivots », déjà identifiées dans divers établissements qui servent de soutien dans leur milieu, ainsi qu’à des centaines d’intervenants œuvrant dans différentes ressources de la région de Québec et qui sont interpellés par cette problématique. Elles permettent aux intervenants qui en ont besoin d’identifier à qui ils peuvent s’adresser en cas de signalement et ce qu’ils devraient transmettre comme information. Enfin, elles leur permettent de mieux accueillir, protéger et aider les jeunes impliqués dans des activités de prostitution, ainsi que leurs proches.
29Depuis janvier 2007, les membres de la Table régionale de concertation se réunissent régulièrement dans les locaux du CJQ-IU. Leurs travaux visent à implanter le guide grâce à des formations offertes dans tous les établissements partenaires, d’évaluer cette implantation et d’offrir un suivi rétroactif à la formation et à l’implantation. L’implantation a commencé à l’hiver 2009 dans la région de la Capitale-Nationale et elle pourrait éventuellement être exportée dans d’autres régions. Tout le long de ce processus, la Table de concertation demeure active et voit, au fur et à mesure, à l’ajustement des actions.
L’équipe de formateurs
30Pour constituer l’équipe de formateurs, neuf personnes ont été recrutées dans les divers milieux et organisations représentés à la Table de concertation. Elles ont reçu une formation donnée conjointement par trois personnes détenant une grande expertise dans le domaine de la prostitution juvénile et qui avaient contribué à la préparation initiale du guide : une représentante du milieu communautaire, une représentante du milieu policier et un représentant du milieu universitaire. Par la suite, ces formateurs ont été amenés à donner une première formation à des personnes de référence (ou « pivots ») de la région de la Capitale-Nationale. Ils offrent également cette formation à tout autre intervenant s’intéressant à cette problématique. Ces formateurs travaillent toujours en dyade, et ces dyades sont toujours de provenance mixte, c’est-à-dire de plus d’un milieu. L’implantation de la formation, rappelons-le, est actuellement soumise à une évaluation.
L’équipe de personnes de référence
31Le partenariat de services recherché repose, entre autres, sur l’identification et la formation dans chacun des milieux partenaires d’intervenants de référence dits « pivots ». Au-delà d’une cinquantaine dans la région couverte, ils sont sous la responsabilité de leur milieu respectif. Toutefois, leurs rôles et mandats ont été définis à partir de recommandations issues de la Table régionale de concertation. Selon les particularités et les besoins de chacun des milieux, des modifications peuvent y être apportées.
32Ces intervenants-pivots doivent d’abord s’engager à assister à la formation tirée du Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile, puis à se tenir informés sur l’évolution du phénomène de la prostitution juvénile et de l’exploitation sexuelle des mineurs sous toutes leurs formes (par exemple, le mode de recrutement). Leur rôle consiste à recueillir dans leur milieu respectif toute information susceptible d’aider à mieux connaître et comprendre le phénomène. De plus, ils voient à renseigner les différentes instances de gestion de leur organisation sur les situations rencontrées et les risques encourus par la clientèle. Chacun est appelé à informer, à animer et à sensibiliser son milieu quant à la prévention, la détection et l’intervention en matière de prostitution juvénile et d’exploitation sexuelle. Il s’agit encore de transmettre l’information nécessaire et de collaborer avec les différents partenaires concernés aptes à assurer un filet de sécurité aux jeunes et à leur famille. Agir comme consultant et personne-ressource auprès des intervenants et des gestionnaires qui en font la demande fait aussi partie de leur mandat. Au besoin, la personne de référence documente la situation et oriente les jeunes, leur famille et les intervenants vers les ressources appropriées. Elle collabore étroitement avec la Table régionale et l’équipe de formateurs. Enfin, elle participe à diverses activités de formation et d’information lui permettant de maintenir et de développer ses savoir, savoir-faire et savoir-être en lien avec son rôle de « pivot » au sein du programme de prévention et d’intervention en prostitution juvénile.
évaluation
33Une évaluation de l’implantation du guide et de sa formation, ainsi que de leurs impacts sur les pratiques de la clientèle cible en matière de prévention et d’intervention en prostitution juvénile s’est amorcée grâce à la collaboration d’un professeur-chercheur de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Cette évaluation s’échelonnera sur une période de trois ans. Elle permettra d’observer le déroulement de l’implantation dans le milieu et d’en mesurer l’impact. Les commentaires reçus tant à propos du guide que de la formation sont très positifs et encourageants.
***
34Après avoir présenté cette concertation intersectorielle de façon systématique et plutôt didactique, il importe de mentionner la synergie de compétences et d’habiletés qu’elle a instaurée. On a rarement vu autant d’organismes travailler en collaboration, ni autant d’intervenants de diverses formations, idéologies et provenances s’entendre sur des actions conjointes. Rien de tout ce qui a été amorcé et réalisé ne l’aurait été sans une volonté commune des individus et des organismes impliqués. En dépit de quelques difficultés rencontrées en cours de route – il n’est pas toujours aisé de réunir autant de gens autour de projets collectifs et d’obtenir consensus sur ces projets et leurs fondements –, les personnes et organisations ont non seulement travaillé de concert, mais ont montré beaucoup d’enthousiasme à faire progresser cette action commune. Nous pouvons conclure que nous avons tous appris et profité non seulement du projet et de ses retombées, mais aussi du processus qui a mené à sa mise en œuvre.
35Signalons enfin que le Guide de prévention et d’intervention en prostitution juvénile a remporté le Prix d’excellence du ministère de la Santé et des Services sociaux, édition 2008-2009, dans la catégorie ouverte aux organismes communautaires et aux établissements dans le domaine du partenariat.
Bibliographie
références
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Fortin, S. et I. Fournier (2006), Prostitution juvénile : Portrait des jeunes suivis au Centre jeunesse de Québec, Québec, CJQ-IU.
Notes de bas de page
1 Le PIJ a pour objectif de centraliser, d’intégrer et de mettre à jour toutes les informations concernant un jeune client et sa famille. Ces informations sont offertes aux différents intervenants qui ont à interagir avec son dossier.
Auteurs
T.s. Agent de planification, de programmation et de recherche, Direction du développement de la pratique professionnelle et des affaires universitaires, CJQ-IU
Professeur et chercheur, École de service social et JEFAR, U. Laval
T.s. Agent de planification, de programmation et de recherche, Direction du développement de la pratique professionnelle et des affaires universitaires, CJQ-IU
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