16. Une intervention en centre de réadaptation inspirée de l’approche Snoezelen
p. 322-340
Texte intégral
Malgré tous les efforts que déploient les intervenants pour assouplir et personnaliser les modalités d’accompagnement en internat de réadaptation, il arrive que, dans ce milieu, un jeune ne trouve que peu d’occasions de vivre des moments de calme et de quiétude. Il se peut également que, dans l’effervescence de la vie du groupe, certaines de ses compétences ne soient pas suffisamment sollicitées, reconnues ou mises à contribution. Souvent mal préparés à faire face aux défis que la vie leur réserve, certains jeunes se montrent bien démunis devant les événements stressants ou anxiogènes, qu’ils soient vécus ou anticipés. Par ailleurs, étant donné le contexte d’autorité dans lequel se fait l’intervention, de nombreux obstacles bloquent l’établissement d’une relation d’aide avec l’éducateur. Face à ces problèmes, l’approche Snoezelen est intéressante en ce qu’elle permet la mise en place de conditions pouvant aider les jeunes à traverser des moments difficiles et soutenir les éducateurs dans leur recherche de nouveaux moyens pour atteindre certains objectifs inhérents à la démarche de réadaptation.
1C’est une discussion entre une adolescente hébergée et un chef du service au Centre jeunesse de Laval (CJL), à l’automne 2002, qui constitue le point de départ de toute l’aventure. La jeune fille raconte avec enthousiasme son expérience dans une salle Snoezelen, lors du récent séjour qu’elle a fait à l’hôpital Rivière-des-Prairies. Invitée à en dire plus, elle décrit très positivement le local et l’équipement qui s’y trouve. Curieux d’en savoir davantage, le chef de service entreprend des démarches auprès des autorités de l’hôpital concerné. Quelques visites, rencontres et expérimentations plus tard, son intérêt pour le projet ne cesse de croître. À un point tel que germe en lui l’idée de l’importer dans les murs du CJL et d’en faire bénéficier les usagers. Entre-temps, dans la foulée de la démarche d’agrément du CJL, les intervenants des services de réadaptation sont invités à explorer de nouveaux moyens pour répondre aux besoins de calme et de tranquillité des jeunes. Ils sont aussi à la recherche d’alternatives aux méthodes traditionnelles en matière de prévention et de soutien à l’intervention.
2Un an plus tard, la convergence de tous ces efforts se solde par la décision d’aller de l’avant avec l’aménagement d’une salle Snoezelen en milieu de réadaptation. Dès lors, un programme de formation est préparé par le récréologue coresponsable de l’animation de telles salles à l’hôpital Rivière-des-Prairies. De septembre 2006 à mars 2007, trois rencontres de formation ont lieu avec lui et des personnes de la Direction des services de réadaptation (DSR) : deux chargés de projet, deux conseillers à l’intervention et sept éducateurs-formateurs en devenir. Parallèlement, un projet d’expérimentation Snoezelen est conçu pour la clientèle du CJL. Il a pour objectif de vérifier la pertinence de cette approche pour répondre à des besoins de mise à distance et d’apaisement chez les jeunes hébergés en internat. Le projet se décline en quatre composantes : formation des formateurs, formation des éducateurs, mise au point de l’activité Snoezelen proprement dite et mise au point d’activités et interventions spécifiques réalisées dans le milieu Snoezelen.
3La phase expérimentale du projet s’amorce début mars 2007 et elle se poursuit jusqu’à la fin août 2008. Par la suite, un bilan est préparé, qui porte sur les formations dispensées, l’utilisation effective de la salle Snoezelen, les données colligées au terme de chaque activité vécue dans la salle, ainsi que le déroulement plus général du projet1.
quelques éléments théoriques
4Le concept Snoezelen est apparu aux Pays-Bas dans les années 1970. Dans un centre pour personnes lourdement handicapées, on avait installé une tente d’activités où il était possible de faire l’expérience de sons, de lumières et d’effets spéciaux. Deux psychologues, Hulsegge et Verheul (1989), s’y sont intéressés et se sont par la suite consacrés au développement d’une approche centrée sur de telles activités sensorielles. Le terme snoezelen vient de la contraction de deux verbes néerlandais ; snuffelen réfère à l’idée de renifler, ressentir, fouiner et fureter, tandis que doezelen a le sens de se détendre, s’apaiser et se sentir bien. Autrement dit, s’agit à la fois de fureter et de se détendre.
5Dans les années 1980, Joe Kewin s’est intéressé aux stimulations sensorielles et il a introduit le concept chez lui, en Angleterre (Kewin et Hutchinson, 2004). Au début des années 1990, Annie et François Jacquemot (2005), qui expérimentaient dans le champ de la musicothérapie, ont découvert à leur tour le concept Snoezelen et l’ont introduit en France, l’adaptant et le diffusant par le biais de diverses formations. À la même époque, lors d’un voyage en Angleterre avec sa fille handicapée, une Canadienne, Barbara McCormack, a découvert l’espace Snoezelen et a décidé d’importer le concept au pays. Elle a donc ouvert la section canadienne de la compagnie new-yorkaise Flaghouse, elle-même associée à Rompa International, une compagnie anglaise qui détient les droits sur le terme Snoezelen et sur le matériel spécifique portant le même nom.
6Au Québec, le premier milieu Snoezelen a été implanté à l’école Peter Hall de Montréal. Pendant ce temps, à l’hôpital Rivière-des-Prairies, Claudette Larocque, ergothérapeute, et Michel Théroux, récréologue, ont créé en 1992 un milieu de vie sensoriel pour la clientèle polyhandicapée. Leurs recherches se sont enrichies du concept Snoezelen. Après être entrés en contact avec madame McCormack, ils ont inauguré en novembre 1996, à l’hôpital, le deuxième milieu Snoezelen au Québec. Au fil des ans, les salles de ce type se sont progressivement multipliées, ici comme en Europe. Et, depuis 1997, plusieurs congrès mondiaux ont réuni des praticiens de cette approche.
7À ce jour, très peu de notions théoriques permettent d’expliquer et de conceptualiser l’approche préconisée. En effet, l’évolution du concept Snoezelen au cours des trois dernières décennies repose presque exclusivement sur une démarche empirique. Les résultats, observés à la suite de nombreuses expériences, permettent d’être optimiste quant à la mise en branle d’un projet Snozelen en centre de réadaptation.
fondements de l’approche
8Les principaux fondements de l’approche sont centrés sur les expériences sensorielles, la détente, le respect du rythme personnel et le savoir-être.
Priorité aux expériences sensorielles
9En 1998, Baudenne écrit : « Snoezelen, c’est vivre personnellement, en relation dans un milieu naturel ou non, un type d’expérience sensorielle, subjective et bénéfique. Ce type d’expérience a comme composante fondamentale la sensorialité de la personne, en tant que moyen de sécurisation, de réduction de tensions et de motivation à l’action. » Pour cet auteur, le sensoriel, mode d’accès au monde, est à la base de toute l’évolution psychoaffective et intellectuelle ultérieure. En cela, il s’accorde avec la théorie de Piaget (1937), pour qui l’activité sensorimotrice joue un rôle central dans la naissance de l’intelligence et la construction du réel. Il s’inscrit aussi dans le prolongement des travaux de Spitz (1968), pour qui les processus psychologiques émergent des états physiologiques préliminaires. Dans l’approche Snoezelen, la sensorialité est donc utilisée pour entrer en contact avec le monde matériel et, éventuellement, en relation avec les personnes.
Recherche de plaisir, de satisfaction, de détente et de bien-être
10L’approche privilégie les expériences sensorielles agréables en tant que moyens pour découvrir l’environnement. Une promenade à la campagne ou en forêt, l’observation des oiseaux, une halte au bord d’un ruisseau sont autant d’expériences sensorielles qui peuvent procurer satisfaction et bien-être. Toutefois, ces exemples vécus dans des conditions naturelles ne sont pas à la portée des jeunes qui sont placés en internat. Cela dit, le milieu institutionnel, qui présente de nombreuses limites, comporte aussi ses avantages. À l’abri des caprices de Dame Nature, il offre la possibilité de recréer des conditions favorables à certaines expériences sensorielles bienfaisantes en tout temps et en toute saison. Loin d’être immuables, certaines de ces conditions peuvent aussi faire l’objet d’ajustements en fonction des besoins de chacun.
11Deux facteurs contribuent en grande partie à la création d’une ambiance propice à une expérience sensorielle satisfaisante : l’absence des stresseurs inhérents à l’activité quotidienne en milieu institutionnel et la présence dosée de stimulations reconnues pour leur impact sécurisant et apaisant (éclairage tamisé, musique douce, ameublement feutré, lampe à bulle, etc.). Autrement dit, pour que le vécu dans un milieu Snoezelen soit sécurisant et valorisant, il faut accorder de l’importance à l’ambiance. Baudenne nous le rappelle : « Une bonne ambiance génère l’expression du bien-être : un visage apaisé, un sourire, une décontraction, une respiration… Une mauvaise ambiance est synonyme de tensions, de pleurs, d’expression de douleur. » La neutralisation des stimuli négatifs permet une meilleure concentration et une plus grande réceptivité. Par conséquent, les stimulations sensorielles apaisantes proposées peuvent être captées et ressenties plus intensément. En pénétrant dans un tel milieu, les sujets ressentent habituellement de l’étonnement, puis de la curiosité envers les stimuli proposés. Ils disent avoir l’impression de se couper du monde réel pour entrer dans un autre monde, une bulle, un univers étrange. Très peu y restent indifférents.
Respect de la personne et de son rythme
12Aucun objectif comportemental ou production tangible n’est attendu dans l’approche Snoezelen. Seul le vécu de la personne importe, toute exigence de performance étant supprimée. Cette perspective, où la possibilité d’un échec est absente, contribue elle aussi au sentiment de bien-être. Théroux (2001) indique que l’accompagnement offert « compte autant que l’environnement créé, sinon plus. C’est notre manière d’agir et d’être qui influencera tout le vécu de la personne que nous accompagnons sur la sensation de liberté qu’elle a de vraiment choisir, d’aller à son rythme, de s’ouvrir aux stimulations sensorielles, de vraiment déterminer la durée et de ne pas ressentir d’échec […]. Notre présence à l’instant présent, notre vigilance, notre observation et notre écoute seront les ingrédients indispensables pour bien accompagner des personnes selon l’approche Snoezelen. »
Être et savoir-être
13Le milieu Snoezelen, utilisé et animé selon l’approche décrite précédemment, favorise la réalisation de l’être et non l’accomplissement d’actions (du faire). Il fournit à chacun l’occasion de prendre conscience de son corps, de reprendre contact avec lui-même et de redécouvrir la place des autres dans cet espace. Selon Martin (1995), « si l’on accepte que Snoezelen relève d’un esprit ou d’un type d’approche et non d’une méthode ou d’une technique, l’idée de former des intervenants implique une référence à un savoir-être plus qu’à des savoirs ou à des savoir-faire […]. De plus, l’intégration de l’esprit Snoezelen sera probablement bien moins l’effet d’une formation spécifique que celui d’une longue maturation par le biais de sessions et autres démarches non centrées spécifiquement sur l’approche, mais dans lesquelles celle-ci est résolument présente. »
14En 2001, dans un texte traitant de l’approche psychoéducative, Gendreau et ses collègues écrivaient que l’éducateur ne peut aider le jeune à atteindre ses objectifs que s’il « établit avec lui une relation privilégiée qui lui permettra d’atteindre les objectifs poursuivis […]. Cette relation […] s’établit d’abord à travers le savoir-être de l’éducateur ; et le savoir-être se traduit dans l’exercice de certains schèmes relationnels : […] la considération, la sécurité, la confiance, la disponibilité, la congruence, l’empathie. » Bref, des liens paraissent pouvoir être établis entre l’esprit de l’approche Snoezelen et certains principes de l’approche psychoéducative.
Effets attribués à l’approche Snoezelen
15Plusieurs auteurs font état d’observations qui traduisent les effets bénéfiques attribués à l’approche Snoezelen, malgré le fait qu’aucun objectif prédéterminé ne soit poursuivi. Ainsi, dans un premier temps, elle favorise la relaxation, la détente, l’autonomie et la communication. Sur une plus longue période, elle semble permettre une meilleure communication non verbale et verbale entre le sujet et l’intervenant. Elle a des chances d’améliorer leur confiance et leur compréhension mutuelles, de faciliter l’atteinte des objectifs liés à la démarche de réadaptation et de bonifier la qualité de la relation d’aide.
16Pour l’intervenant, ces moments sont des occasions privilégiées d’observer le jeune, afin de mieux le connaître et le comprendre. Il peut poser sur lui un autre regard que celui de tous les jours, puisque ses capacités, ses forces et ses compétences sont mises de l’avant. La réciproque est tout aussi importante. Pour le jeune, voir son accompagnateur dans un rôle où il n’exerce plus ni contraintes ni autorité, vivre auprès de lui des moments de bien-être dans un contexte où il n’a pas d’attente, peut modifier favorablement la perception qu’il en a.
17La caractéristique principale d’un milieu Snoezelen est que l’on aime généralement y passer du temps et y faire des expériences sensorielles positives. La grandeur, la forme et l’aménagement de l’espace peuvent varier à loisir. L’atmosphère et l’ambiance du milieu se veulent propices à la découverte d’un autre mode d’approche de la personne. L’animation et le savoir-être de l’éducateur contribuent aussi à favoriser chez le jeune une ouverture à la communication, à l’environnement et à l’autre. De nouvelles voies d’accès se découvrent, s’explorent, tandis que de nouveaux moyens relationnels se créent.
Les jeunes visés
18Jusqu’à maintenant, la plupart des expériences de type Snoezelen ont été réalisées avec des jeunes dits multi-ou polyhandicapés (par exemple, trouble envahissant du développement ou déficience intellectuelle sévère). La grande limitation de ces personnes, sur le plan de la motricité et de la locomotion, entraîne souvent une carence dans leur développement psycho affectif et une grande dépendance face à leur entourage. Il est donc compréhensible qu’on cherche à leur offrir un lieu où ils peuvent à la fois fureter et se détendre. Cela dit, soutenue par les succès obtenus et les espoirs qu’elle génère auprès des clientèles sévèrement atteintes, l’approche Snoezelen s’est vite répandue dans un grand nombre d’institutions, d’écoles et elle a été proposée à des clientèles diversifiées. Elle exerce désormais un attrait chez les intervenants, qui sont nombreux à s’intéresser à la réalisation de l’être et non à celle du faire.
19À notre connaissance, peu de travaux se sont intéressés aux applications spécifiques de l’approche Snoezelen avec les jeunes ayant des troubles du comportement. Sous ce titre, on trouve néanmoins le mémoire de Célia Pierret (2002), selon qui quatre domaines symptomatiques chez un adolescent caractériel peuvent bénéficier de l’approche : les perturbations familiales, les perturbations corporelles, les passages à l’acte, ainsi que le sentiment de culpabilité inconscient. En interrogeant des adolescents caractériels, la jeune psychologue a appris que la séance leur procurait la tranquillité et la possibilité de se poser. L’intérêt porté à cette activité se manifestait d’autant plus lorsqu’ils ne se sentaient pas bien (énervement, stress, fatigue, etc.). Les adolescents ont ensuite dit combien leur état intérieur influençait le déroulement de la séance. Ils s’y rappelaient des souvenirs agréables ou désagréables. C’est à ce niveau, dit l’auteure, qu’il faut comprendre le travail qui peut être réalisé après coup en entretien. Les adolescents doivent être invités à participer activement à un travail de liaison entre l’expérience de la séance et leur situation personnelle, leur famille, leur propre image et leurs comportements.
20Au Québec, aucune étude ou expérience traitant de l’approche Snoezelen auprès d’une clientèle similaire à la nôtre n’a encore été répertoriée. Les questions de la pertinence et de l’utilité demeurant entières, c’est donc avec beaucoup de prudence que nous avançons les hypothèses qui suivent. Sur le plan des capacités physiques et intellectuelles, on peut considérer qu’un jeune hébergé au CJL possède un avantage non négligeable sur la personne polyhandicapée : la capacité de communiquer par la parole. Cette distinction significative pourra donc être mise à profit durant l’expérimentation. Cela dit, au niveau du développement psychoaffectif, les deux clientèles sont un peu plus comparables. Leurs limitations et handicaps peuvent se ressembler, même s’ils ne sont pas l’aboutissement des mêmes processus. Il en est de même pour ce qui est des manifestations comportementales qui en découlent. Ankylosées pour les uns et exacerbées pour les autres, les réactions à ce niveau se situent souvent aux antipodes d’un continuum allant d’une extrême passivité au passage à l’acte sans retenue.
21Au CJL, l’éducateur accompagne un jeune dont la sécurité ou le développement est compromis. En règle générale, la sphère psychoaffective de son développement s’avère la plus affectée. De plus, son vécu relationnel difficile est souvent associé à des mécanismes de défense importants, qui rendent souvent ardu pour l’éducateur l’établissement d’une relation d’aide. Or, utilisée dans les règles de l’art, l’approche Snoezelen ne sollicite pas chez le jeune le recours à de tels mécanismes de défense. Au contraire, pour le sujet qui y est exposé, l’ambiance apaisante qui prévaut dans ce milieu et l’animation non directive de l’éducateur sont très rarement menaçantes ou agressantes. Bref, tout l’intérêt de cette nouvelle approche réside dans le fait qu’elle permet l’établissement d’une relation pacifique entre le jeune et son intervenant, qu’elle crée de nouveaux canaux de communication et facilite la manifestation d’autres facettes de la personnalité. Dans le contexte d’un centre de réadaptation, elle donne une occasion d’aborder, de découvrir et de connaître le jeune différemment. Elle donne aussi à celui-ci une occasion d’aborder, de découvrir et de connaître ses accompagnateurs dans un autre cadre que celui du quotidien.
le projet snoezelen du cjl
22À partir d’un ensemble de réflexions, les responsables du projet au CJL ont été amenés à formuler trois hypothèses :
- Étant donné leur effet d’apaisement, l’activité proprement dite et le milieu Snoezelen sont des moyens pertinents et utiles pour la réadaptation des jeunes hébergés en centre jeunesse.
- L’animation de l’activité Snoezelen permet à l’éducateur d’apprendre quelque chose d’intéressant sur le jeune, son fonctionnement, ses besoins, et elle permet au jeune d’apprendre des choses sur lui-même.
- L’animation d’autres activités ou interventions psychoéducatives dans le milieu Snoezelen favorisera l’atteinte de leurs objectifs.
23Aussi constructives soient-elles, ces hypothèses demandent, bien sûr, à être vérifiées.
24En fonction de la conception que Gilles Gendreau (1978) a de l’intervention psychoéducative et de la terminologie qu’il a proposée, on peut considérer que chaque opération professionnelle réalisée dans ce projet doit refléter et respecter l’esprit des trois hypothèses formulées précédemment. De même, le recours à l’activité comme moyen à privilégier durant l’expérimentation du projet apparaît tout indiqué. En s’inspirant des principes théoriques liés à l’approche Snoezelen, l’éducateur peut aussi se référer à des éléments du modèle psychoéducatif qu’il connaît bien, à savoir l’organisation, l’animation et l’utilisation d’activités.
25Pour être en mesure d’évaluer l’atteinte des objectifs du projet, les jeunes et les éducateurs ont été invités à participer à une collecte de données. Afin de soutenir l’éducateur dans ses observations et de valider ses perceptions, un questionnaire a été conçu pour chacun des deux types d’activités (activité Snoezelen proprement dite ou activité spécifique animée dans cette salle).
objectifs et autres composantes du projet
26Qu’il s’agisse des activités destinées aux jeunes ou des formations offertes aux intervenants, l’ensemble du projet Snoezelen CJL est structuré à partir des 10 composantes du modèle psychoéducatif de Gendreau (notamment, les objectifs, les responsabilités et les échéanciers).
27Ainsi, le projet a pour objectif de fournir aux jeunes des moments de quiétude à l’écart de la situation de groupe. Il vise également à doter les intervenants de moyens additionnels pour connaître les jeunes et pour les soutenir lorsqu’ils sont aux prises avec des situations conflictuelles et génératrices de tensions.
28Outre le chargé de projet et son associés, des conseillers à l’intervention, des éducateurs-formateurs et des éducateurs-animateurs participent aux diverses activités. Le chargé de projet est responsable de l’implantation du projet dans son ensemble, de même que des installations matérielles et de l’équipement. Il s’assure que soient offerts la formation et le soutien dont tous les participants au projet ont besoin et il rend compte de l’évolution du projet au directeur des services de réadaptation. Quant aux conseillers à l’intervention, ils doivent documenter toutes les étapes de la réalisation du projet, soutenir les éducateurs et les gestionnaires impliqués, procéder à l’analyse des données recueillies et rédiger le rapport de synthèse. Après avoir eux-mêmes été formés, les éducateurs-formateurs sont appelés à devenir responsables de la formation des éducateurs-animateurs de la salle Snoezelen. Ils agissent comme personnes-ressources auprès des éducateurs formés et ils contribuent à la collecte de données. Occasionnellement, ils participent à des réunions de mise en commun avec les conseillers et les chargés de projet. Quant aux éducateurs-animateurs, ils sont responsables de l’animation des activités selon le modèle préconisé. Durant toute la période d’expérimentation, ils participent aussi à la collecte de données.
29Un échéancier s’étalant sur près de deux années balise les différentes étapes. L’étape de la compréhension clinique s’est amorcée à l’automne 2006 et elle prévoit la réalisation d’une recension partielle des écrits, suivie d’une identification des besoins spécifiques de la clientèle des jeunes en internat. Les hypothèses émanant de cet exercice permettent d’accéder à la deuxième étape : la conceptualisation des activités, la formation des formateurs avec le soutien d’une personne-ressource externe et la préparation d’un diaporama conçu localement. L’étape de réalisation commence dès janvier 2007, avec les formations des éducateurs-animateurs et l’expérimentation concrète auprès des jeunes. Notons que le cadre administratif du projet prévoit que tous les intervenants qui utilisent la salle Snoezelen aient préalablement reçu la formation qui lui correspond.
formation des formateurs et des animateurs
30Le groupe d’éducateurs-formateurs comprend à l’origine sept intervenants qui, au besoin, peuvent recourir au soutien d’un des conseillers ou des gestionnaires impliqués. Ils savent qu’il importe qu’ils dispensent tous le même contenu de formation aux éducateurs participants, afin que tous aient la même compréhension de l’approche. En plus de sensibiliser les éducateurs à l’approche et au projet, la formation a pour objectif de leur faire connaître le potentiel expérientiel de la salle Snoezelen. Elle se compose de deux activités distinctes, entre lesquelles une période d’environ deux mois est laissée à l’éducateur pour expérimenter le milieu Snoezelen à une dizaine de reprises au moins.
31La première activité de formation, d’une durée de trois heures et demie, présente quelques notions importantes de l’approche, ainsi que les contenus cliniques et organisationnels des activités à réaliser dans la salle. Au cœur de l’activité, une visite de la salle Snoezelen permet aux participants de se familiariser avec l’équipement, de même que d’expérimenter librement certains effets sélectionnés. La dernière partie de l’activité est réservée aux échanges qui font suite à la visite de la salle, ainsi qu’à la présentation des instruments relatifs à la collecte de données. Deux mois plus tard s’organise la deuxième activité de la formation. Plus courte, elle consiste essentiellement en un partage des lectures et d’expériences réalisées depuis la première activité. À la fin du deuxième volet de la formation, l’éducateur se voit remettre un certificat attestant de sa participation.
la salle snoezelen
32La salle Snoezelen du CJL est située au 6e étage du centre Notre-Dame-de-Laval. Il s’agit d’une salle d’environ quatre mètres sur sept. Elle constitue un environnement sensoriel composé de matériel spécifiquement conçu ou de matériel ordinaire ayant des particularités sensorielles pouvant correspondre aux intérêts du jeune qu’on y accompagne. Avec ses murs blancs capitonnés à mi-hauteur et son tapis bleu, cette salle laisse filtrer un minimum de lumière extérieure, et possède un système de chauffage et de ventilation minimal afin de conserver la température dans les limites du confort. Des meubles confortables y sont disposés : une chaise-hamac suspendue, quatre poufs et un matelas de mousse souple. Plusieurs appareils complètent le mobilier : tube à bulles interactif et sa plate-forme encadrée de miroirs, projecteur rotatif pouvant transférer des motifs lumineux le long des murs, un diffuseur olfactif, un jeu de fibres optiques de 200 câbles, une boule en miroir rotative suspendue au plafond. Une armoire contient une chaîne stéréo et une console qui permet de contrôler le fonctionnement de l’équipement visuel et sonore de la salle. Y sont également rangés des plaques lumineuses de rechange, des cassettes et des CD de relaxation, des huiles pour le diffuseur, les manuels d’instructions sur les appareils ainsi que des objets à manipuler.
33La salle a été aménagée pour être aussi simple que possible, facile à entretenir ou à modifier, et sans danger. À l’écart des milieux de vie des jeunes (unités ou foyers), elle ne présente pas les contraintes, les pressions, les tracas du quotidien et les exigences soutenues du milieu d’hébergement. Animée par un éducateur formé à l’approche Snoezelen, elle devient un milieu à la fois relaxant et stimulant où règne une atmosphère de confort, de calme et de sécurité. Lorsqu’il s’agit plutôt d’une activité ou d’une intervention spécifique faite dans le milieu Snoezelen, l’éducateur fournit le matériel qui lui est lié (par exemple, matériel d’écriture ou de dessin).
l’activité snoezelen proprement dite
34L’activité Snoezelen proprement dite s’adresse à tout garçon ou fille de 6 à 18 ans hébergé dans les services de réadaptation. Lorsqu’une activité est planifiée, c’est habituellement parce que de nouveaux moyens d’intervention ou de soutien sont recherchées. Le jeune est accompagné à la salle Snoezelen dans le but d’y vivre une expérience multisensorielle non dirigée. En ce qui concerne la durée de l’activité, en principe, elle devrait dépendre de la volonté et des besoins du jeune. Dans un centre de réadaptation, toutefois, la durée de l’activité demeure assujettie à des horaires. Des blocs d’une heure au maximum doivent donc être prévus.
35L’activité Snoezelen proprement dite comporte quatre étapes : la transition, la mise en train, la période de production et la fin de l’activité. L’atteinte des objectifs suppose l’alternance de deux types d’animation : l’une est expérientielle et vécue en séance ; l’autre est symbolique et faite au moment de communiquer avec le jeune. L’animation de cette activité doit suivre une certaine séquence :
- Présentation de la salle, de l’équipement et de leur potentiel expérientiel.
- Initiation aux différents effets de l’équipement.
- Animation non directive de l’exploration, de l’utilisation de l’équipement et des objets par le jeune.
- Observation participante et non participante.
- Retour avec le jeune sur ce qu’il a vécu durant l’activité.
36L’éducateur qui intervient en suivant les préceptes de l’approche Snoezelen fournit d’abord au jeune un milieu sans stress ni tension. Aucun objectif spécifique n’est fixé et l’éducateur n’a aucune attente d’apprentissage ou de changement envers le jeune. Le choix du matériel, de l’action ou de l’inaction, de la solitude ou de l’interaction, du positionnement ou des déplacements sont à la discrétion du jeune. Ce dernier garde le contrôle sur le rythme, la durée et les effets. Il fait ses propres choix, quoique l’éducateur puisse doser le nombre de stimulations offertes simultanément en fonction des capacités et des intérêts manifestés par le jeune.
37La qualité de la présence de l’éducateur, sa vigilance, son écoute et ses observations sont des ingrédients indispensables pour bien accompagner les jeunes. Il doit tantôt s’éclipser, tantôt être un appariteur, un confident ou un compagnon de jeu. L’éducateur laisse le temps et l’espace qui permettent de s’exprimer en gestes ou en paroles. Il évite de conseiller, de faire la morale, de dévier sur des anecdotes, d’interroger, d’expliquer, de corriger ou d’exposer ses opinions sur la situation. Il n’en demeure pas moins qu’il anime l’activité en fonction de son mandat d’intervenant en réadaptation et en conformité avec le plan d’intervention.
les activités et interventions spécifiques faites dans le milieu snoezelen
38Nous entendons par « milieu » Snoezelen non seulement la salle, mais aussi l’utilisation de son matériel afin de créer une atmosphère de calme et de sécurité. Étant donné son effet d’apaisement, il est possible d’utiliser le milieu Snoezelen comme lieu d’une autre activité ou d’une intervention2 spécifique. Il s’agit alors de favoriser la gestion de l’anxiété et du stress ou de faciliter la communication nécessaire à l’atteinte des objectifs poursuivis. (La communication désigne ici l’interprétation de la réalité externe, c’est-à-dire des événements et des comportements, et la mise en mots de la réalité interne, c’est-à-dire des idées et des émotions.) Toute intervention spécifique qu’on veut faire dans le milieu Snoezelen poursuit ses objectifs propres. Dans la salle, le jeune profite tout simplement de l’effet apaisant du milieu. Il se retrouve dans des conditions qui favorisent le calme, la relaxation, la gestion de l’anxiété ou, plus simplement, un peu de tranquillité et de quiétude à l’écart du groupe. Pour sa part, tout en poursuivant les objectifs de l’intervention qu’il vient faire dans la salle, l’éducateur utilise l’effet apaisant du milieu pour améliorer sa communication avec le jeune.
39L’intervention spécifique faite dans le milieu Snoezelen s’adresse aux jeunes hébergés dans un service de réadaptation et elle est indiquée en présence de difficultés d’adaptation au stress. En effet, devant des signes d’anxiété relative à un événement vécu ou anticipé (comparution au tribunal, rencontres importantes, visite d’un proche, table d’orientation, agression, perte affective, etc.), on voudra appliquer l’effet apaisant du milieu Snoezelen. Il faudra toutefois qu’il s’agisse de jeunes qui ne sont pas envahis ou désorganisés au point de poser des actes destructeurs.
40En fait, l’utilisation du milieu Snoezelen favorise la mise en relation du jeune avec les objectifs de l’activité spécifique qui vient d’avoir lieu. Il doit bien évidemment s’agir d’une activité dont le contenu est compatible avec ce milieu et dont la durée n’excède pas la limite prescrite d’une heure. L’utilisation de ce milieu pour une intervention spécifique nécessite au préalable une période de sensibilisation-exploration de la salle par le jeune afin qu’il puisse se centrer sur le contenu de l’activité proposée. Il est donc indispensable qu’il ait vécu une ou plusieurs activités Snoezelen proprement dites avant de lui faire vivre une intervention spécifique dans le milieu Snoezelen.
bilan du projet
41Les lignes qui suivent présentent le bilan qu’il est possible de faire de ce projet, sous l’angle de la formation des formateurs, de la formation des éducateurs et de la mise à l’épreuve des hypothèses de départ.
La formation des formateurs
42Au lieu de sept, ce sont finalement cinq éducateurs qui ont été formés pour devenir formateurs. Ils ont été exposés à trois rencontres avec le formateur externe, ainsi qu’à une présentation du diaporama de la formation Snoezelen préparée par les chargés de projet. Chacun des cinq formateurs a donc reçu toutes les informations pertinentes et le matériel requis pour être en mesure de former à son tour les éducateurs-animateurs. L’activité fut aussi pour les participants l’occasion d’exprimer leur anxiété par rapport à l’animation qu’ils auraient à faire.
La formation des éducateurs
43Lorsqu’est venu le moment d’organiser la formation des éducateurs-animateurs, seulement trois des cinq éducateurs-formateurs étaient disponibles. Ce sont eux qui, deux à la fois, ont formé l’ensemble des éducateurs-animateurs. Pour ce faire, ils ont opté pour une formule de coanimation de chaque activité, plutôt qu’un fonctionnement à un seul animateur et un collègue en soutien. Il est à noter qu’à partir de la troisième activité, ils ont un peu modifié l’ordre du contenu et la façon d’animer, afin de mieux tenir compte des interactions avec le groupe d’éducateurs présents.
44La période d’activités de formation prévue devait aller de janvier à juin environ. Toutefois, elle n’a pu commencer avant le mois de mars, étant donné qu’il était difficile d’assurer le remplacement du personnel dans les unités de vie. La formation a été dispensée par point de service, en plus d’être offerte sur la base d’un intérêt individuel, ce qui a permis de former un grand nombre d’éducateurs sans engendrer de coûts de remplacement. En tout, 103 éducateurs ont participé à la première activité de formation, qui s’est tenue 16 fois.
45Lors de la visite de la salle, l’expérimentation de l’approche Snoezelen par les participants est vite apparue primordiale. En effet, c’est à ce moment qu’ils font l’expérience de la théorie qu’ils ont reçue. De l’avis de plusieurs éducateurs, c’est ce moment de la formation qui est le plus significatif.
46La planification du projet permettait d’espérer qu’une centaine d’éducateurs participent ensuite à la deuxième activité de formation, chacun ayant environ deux mois pour animer les 10 activités requises. La réalité a plutôt montré qu’après un an, seulement sept éducateurs s’étaient qualifiés. Après 18 mois, il y en avait dix, dont cinq avaient reçu la deuxième activité de formation.
les activités et les interventions
47En tout, 218 questionnaires ont été compilés pour l’activité Snoezelen proprement dite et 77 autres pour les interventions spécifiques faites dans ce milieu, pour un total de 295 utilisations de la salle. Ces données ont permis de mettre à l’épreuve les trois hypothèses à l’origine du projet.
48La première hypothèse voulait que l’activité et le milieu Snoezelen soient apaisants pour les jeunes hébergés en centre jeunesse et qu’ils leur fournissent des moments de quiétude à l’écart du groupe. À cet effet, les jeunes reconnaissent, dans une proportion de 62 %, que leur état de stress s’est amélioré après avoir participé à une activité Snoezelen proprement dite. Après une intervention spécifique faite dans le milieu Snoezelen, la proportion est de 43 %. Dans 95 % des cas d’utilisation, les jeunes disent avoir vécu un moment agréable.
49La deuxième hypothèse voulait que l’animation de l’activité Snoezelen proprement dite permette à l’éducateur d’apprendre quelque chose sur le jeune, son fonctionnement et ses besoins, et au jeune d’apprendre quelque chose sur lui-même. Dans les faits, dans 48 % des utilisations, les éducateurs mentionnent avoir découvert des comportements indicatifs ou de nouvelles capacités chez le jeune. Il s’agit surtout de capacités d’adaptation à la nouveauté (la musique douce, le silence, l’obscurité ou le calme) et de capacités relationnelles (faire confiance, s’affirmer, faire des choix ou exprimer son opinion). Quant aux jeunes eux-mêmes, ils disent s’être découvert de nouvelles capacités, dans 33 % des utilisations. Ils identifient surtout leur capacité à relaxer, à se détendre, à réfléchir et à prendre du recul par rapport aux événements.
50La troisième hypothèse voulait que le milieu Snoezelen favorise l’atteinte des objectifs poursuivis par les interventions spécifiques qui y sont faites. À cette hypothèse était jumelé l’objectif de doter les intervenants de moyens alternatifs pour soutenir les jeunes anxieux. Les éducateurs disent que l’atteinte des objectifs de l’intervention qu’ils venaient faire dans le milieu Snoezelen a été favorisée dans 96 % des cas. Selon eux, ce milieu a favorisé la gestion du stress par le jeune dans 91 % des utilisations. Ils mentionnent aussi que la communication en lien avec l’intervention spécifique à faire s’est améliorée dans 86 % des cas.
51Toutes les données recueillies et analysées ne peuvent être présentées ici. Spécifions toutefois qu’en ce qui a trait aux deux premières hypothèses, les mêmes questions étaient soumises à l’éducateur et au jeune. Les résultats montrent que les réponses des uns et des autres sont concordantes, à peu de différences près.
discussion des résultats
52Tout en étant soucieux de la rigueur et de l’objectivité requises lorsque de nouvelles pratiques sont implantées, les artisans du projet Snoezelen CJL n’affichent aucune prétention quant à la valeur scientifique de l’évaluation qu’ils ont réalisée. Il est clair qu’en aucun cas il ne s’agit d’une recherche de type universitaire, en bonne et due forme. Néanmoins, c’est en donnant la parole au jeune et à l’éducateur que les concepteurs entendent donner du crédit au projet Snoezelen CJL. Et d’un point de vue global, les résultats obtenus nous confortent quant à la pertinence clinique de la salle et des activités qui y sont vécues.
53De façon générale, grâce à l’investissement soutenu des chargés de projet, des conseillers à l’intervention et des formateurs impliqués, l’implantation du projet s’est réalisée comme prévu. Seul le calendrier du projet a vraiment été malmené. L’étirement des délais des 10 activités requises pour pouvoir suivre la deuxième activité de formation, les difficultés de remplacement du personnel et l’agenda chargé des personnes impliquées dans le projet ont certes contribué à cette situation.
54D’autres constats retiennent l’attention. En premier lieu, il faut signaler que le taux d’utilisation réel de la salle se révèle en deçà de nos projections. En effet, à peine la moitié des personnes habilitées à utiliser la salle Snoezelen y sont effectivement allées. De plus, la très grande majorité des jeunes utilisateurs proviennent du site qui abrite la salle. Cela suggère que la contrainte liée à l’accompagnement un pour un du jeune et la distance physique qu’il faut parcourir pour se rendre à la salle sont de possibles obstacles à son utilisation. Mentionnons ensuite le fait que certaines unités, où les jeunes présentent plus d’anxiété, d’agressivité contre soi ou autrui et de symptômes liés à des troubles mentaux, utilisent plus régulièrement la salle que les autres. Pour plusieurs de ces jeunes, le recours aux activités ou au milieu Snoezelen se retrouve inscrit dans leur plan d’intervention. Troisièmement, les résultats obtenus au moyen des questionnaires s’adressant à la fois à l’éducateur et au jeune renforcent la confiance des intervenants en cet outil additionnel.
55Somme toute, l’ensemble des apprentissages découlant de cette démarche nous apparaît constituer un enrichissement de la qualité des services offerts à la clientèle et un encouragement à poursuivre l’exploration de l’approche Snoezelen.
***
56Cette application de l’approche Snoezelen à de jeunes hébergés en unité de réadaptation est, à notre connaissance, une première au Québec. L’attrait qu’exerce ce concept novateur et original ne fait que s’accroître, non seulement au CJL mais également à l’extérieur de ses murs. Ainsi, à l’occasion d’une réunion de directeurs tenue au CJL, une présentation et une visite de la salle Snoezelen ont été animées par le chargé de projet. Depuis, certaines régions, dont Québec, Chaudière-Appalaches, les Laurentides et Montréal, ont pris contact avec ce dernier et confirmé leur intérêt à en savoir plus. À ce jour, le CJM-IU a procédé à l’inauguration d’une salle Snoezelen (en septembre 2009) et le Centre jeunesse des Laurentides se prépare à en ouvrir une deuxième sur son territoire. D’autres régions attendent de connaître le dénouement de notre aventure avant de se lancer.
57Pour les personnes ayant participé au projet Snoezelen CJL, il ne fait aucun doute que cette approche, porteuse de sens et d’espoir, répond à des besoins bien réels chez les jeunes et qu’elle outille mieux les intervenants. L’intérêt qu’elle suscite et la rapidité à laquelle elle se diffuse en témoignent.
58En terminant, une question s’impose. Pourquoi devrait-on limiter à la seule salle Snoezelen les vertus qu’on lui attribue ? Les milieux de réadaptation ne pourraient-ils pas s’inspirer de cette approche et tenter d’installer plus largement dans les unités de vue une ambiance sécurisante et favorable au bien-être des jeunes ? Et si on permettait à l’« esprit Snoezelen » de s’infiltrer dans toute l’organisation des centres jeunesse ? N’y aurait-il pas plusieurs retombées positives sur le milieu de travail, le personnel et les jeunes ?
Bibliographie
références
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Notes de bas de page
1 Ont contribué par leur implication et leur expertise à toutes les étapes du projet : Mario Lefebvre, chef de service et gestionnaire chargé du projet ; Chantal Leblanc, chef de service et gestionnaire associée au projet ; Daniel Lecompte, psychoéducateur, conseiller rattaché au projet ; Raymond Bachand, psychoéducateur, conseiller rattaché au projet. Denise Bacon, Stéphanie Giard et Éric Paradis, éducateurs, ont animé avec générosité toutes les formations des éducateurs.
2 Dans la suite du texte, le terme « intervention » renverra également aux activités.
Auteur
Psychoéducateur. Conseiller à l’intervention, CJ Laval
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