15. Apprivoiser les différences : un traitement individualisé pour une clientèle en santé mentale
p. 301-321
Texte intégral
1Marie, 16 ans et quelques mois, est connue comme étant une jeune fille difficile, impulsive, voire agressive. Depuis l’âge de 12 ans, elle a connu plusieurs placements et déplacements : famille d’accueil, retour avec sa mère et foyer de groupe. Actuellement hébergée en unité de réadaptation, elle désorganise souvent le milieu de vie qui l’héberge par ses gestes impulsifs et sa difficulté à supporter les autres adolescents.
2Simon s’isole de plus en plus pour écouter de la musique ou visiter les sites Internet de groupes rock, et il refuse de voir ses amis. Il lui arrive fréquemment de ne pas dormir la nuit et de se promener dans la maison. Sa mère l’a même surpris à parler tout seul, « comme s’il faisait un rêve éveillé », dira-t-elle à l’intervenante. Elle est inquiète et elle a quelquefois peur de ce qu’il pourrait faire. Elle demande un placement.
3Julie est connue de la Direction de la protection de la jeunesse depuis qu’à l’âge de quatre ans, elle a fait l’objet d’un signalement pour négligence. Elle a d’abord été placée en famille d’accueil durant trois ans. Ensuite, elle est retournée chez son père, puis chez sa grand-mère maternelle. Placée en foyer de groupe à l’âge de 12 ans, elle a été suspendue de l’école en raison de son absentéisme chronique et de ses gestes agressifs. Elle vit actuellement dans une unité de réadaptation régulière où elle fait la pluie et le beau temps. Ses multiples gestes et menaces suicidaires inquiètent l’équipe traitante. Conduite quelques fois en urgence à l’hôpital, elle y reste habituellement quelques heures, puis revient dans l’unité. Le dernier médecin qui l’a vue à l’urgence aurait évoqué des traits de personnalité limite (borderline) en devenir.
4Ces trois adolescents et tous ceux qui, comme eux, présentent des conduites déroutantes, explosives, voire inquiétantes sont à la fois en besoin de protection et de traitement. Alors, comment mettre en place un milieu thérapeutique qui permette à la fois de répondre à la diversité de leurs besoins et de soutenir les intervenants qui tentent de le faire ? C’est pour relever ce double défi que le Programme d’intervention en santé mentale et troubles de la conduite a été élaboré. En 2003, à partir d’observations cliniques (tel jeune est explosif, il ne répond pas à la structure habituelle des unités de vie ou nécessite un encadrement supplémentaire, etc.) et d’une évaluation plus systématique des besoins de la clientèle, on en était arrivé aux conclusions suivantes :
Au CJM, plusieurs jeunes présentent à la fois des troubles sévères de la conduite et des désordres psychiques significatifs.
Ces adolescents vivent de grandes difficultés d’adaptation, notamment à vivre en groupe, ce qui déstabilise leur entourage et les intervenants.
Il faut développer pour eux des interventions spécifiques et une organisation de services appropriés.
Le travail de consultation et de partenariat avec les services spécialisés en santé mentale est d’une première importance.
Il y a nécessité pour les intervenants de développer des connaissances et des compétences plus spécialisées en santé mentale.
5Le programme Apprivoiser les différences a été rédigé en 2003. Avant sa parution, il a été présenté à un psychiatre de même qu’à des chefs de services de psychiatrie en centres hospitaliers. Il a été officiellement lancé en janvier 2004, moment où une première unité de traitement individualisé (UTI) a vu le jour. Celle-ci a été suivie d’une deuxième en septembre 2005. L’implantation des premiers volets du programme s’est déroulée en amont du Plan d’action en santé mentale 2005-2010 du MSSS. L’évaluation de l’implantation du programme a débuté en 2006 dans les deux unités de traitement individualisé.
6Une offre de service en santé mentale est venue préciser en 2007 les services à mettre en place pour l’ensemble du CJM. S’inscrivant dans le prolongement des orientations ministérielles sur le développement des services en santé mentale pour la clientèle jeunesse, cette offre consiste à organiser les services autour de cinq axes : la promotion-prévention, la détection, l’évaluation, le traitement et la réinsertion.
7En janvier 2008, une équipe en santé mentale dite « de deuxième niveau »1 a été mise sur pied, conformément aux recommandations du MSSS, qui prévoient une telle équipe dans chaque centre jeunesse. Composée de professionnels du CJM et d’autres du milieu hospitalier, elle travaille désormais en étroite collaboration avec l’équipe « suicide » du Centre. Elle s’implique dans l’implantation du programme Apprivoiser les différences, ainsi que dans l’actualisation de l’offre de service en santé mentale. C’est donc à partir du désir d’aider les adolescents par rapport à leurs symptômes et de mettre en place un cadre de traitement adapté à leurs besoins qu’est né ce projet.
8Mais revenons à Marie, Simon et Julie. La plupart des jeunes qui leur ressemblent ont en commun une propension à agir plutôt qu’à réfléchir. L’incapacité de penser, à cause de la douleur psychique que la réflexion pourrait provoquer, amène rapidement l’action. Des réactions de colère devant des incidents mineurs, l’absence de réaction devant des situations qui semblent bien plus graves, des actes incompréhensibles de violence tournés vers leur corps, des escalades de violence, de destruction, d’intimidation et de désespoir… voilà une panoplie de messages que les intervenants doivent décoder pour ensuite adapter leurs actions. Ces adolescents ont fréquemment des débordements émotifs, des demandes répétitives, des difficultés importantes à gérer leurs émotions ou un monde fantasmatique envahissant. Ils peuvent présenter des bizarreries, des réactions démesurées face à des situations plutôt anodines ou se terrer dans un mutisme inquiétant. Leur grande perméabilité aux tensions et la plasticité de leurs comportements les rendent vulnérables au stress et à la manipulation par les pairs.
bien connaître les problématiques de santé mentale
9Dans un premier temps, il fallait aider les intervenants à mieux comprendre ce qui pouvait se cacher sous tous ces symptômes, mieux en connaître les origines et adopter de meilleures attitudes éducatives. Pour y arriver, il s’agissait d’abord de recenser les différentes problématiques de santé mentale présentées par l’ensemble des jeunes du CJM. Tous les diagnostics posés, allant de l’hypothèse diagnostique au diagnostic avéré, ont alors été considérés. C’est à partir de cet inventaire que le choix des troubles à aborder dans le programme a été fait. Ont été retenus les troubles de la personnalité (plus spécifiquement : limite, narcissique, schizoïde, antisociale, paranoïaque et schizotypique), les troubles dissociatifs, les troubles psychotiques, la maladie affective-bipolaire, la dépression, le trouble obsessif-compulsif, la maladie de Gilles de la Tourette, les troubles alimentaires et les comportements d’automutilation.
10Un guide d’information a été rédigé, qui, pour chaque trouble, regroupait les éléments suivants : la prévalence, l’étiologie, la comorbidité et les principales pistes d’intervention à privilégier. En encadré, à titre d’exemple, on trouvera un extrait de la section portant sur le trouble de la personnalité limite. Pour faciliter l’utilisation du guide, nous avons tenté de faire une présentation simple, nuancée, visant à soutenir à la fois la compréhension de la problématique et les enjeux qu’elle soulève au plan de l’intervention. Le contenu de cette section du programme sert principalement à la formation de base des intervenants du programme.
le trouble de personnalité limite (extrait du programme)
Pistes d’intervention : Il n’y a actuellement aucun traitement médical spécifique pour le trouble de personnalité limite. Les neuroleptiques sont souvent prescrits quand les symptômes sont plus apparents. Cependant, certains jeunes reçoivent une médication spécifique en lien avec une problématique associée (hyperactivité, état dépressif, etc.).
L’approche clinique privilégiée pour les jeunes présentant un TPL préconise une démarche à la fois de psychothérapie, d’utilisation d’une approche cognitive et comportementale, d’activités d’entraînement aux habiletés sociales et de travail avec la famille.
Comme ces jeunes présentent une importante tendance à la dépendance et une recherche intense d’être pris en charge, l’intervenant travaillant avec cette clientèle devra installer très tôt des frontières et des règles claires. Ces jeunes sollicitent des attitudes de maternage chez les intervenants cherchant ainsi à perpétuer leur besoin de dépendance. Une certaine neutralité thérapeutique de l’intervenant permet de ne pas solliciter le faux soi.
Pour éviter les situations de clivage (bon objet/mauvais objet) et les mauvaises interprétations de la réalité, l’organisation du milieu de vie devra offrir un encadrement ferme, constant et clair.
Une attitude calme et neutre devant les débordements émotifs de ces jeunes favorisera une meilleure reprise de leur contrôle. Un travail de soutien à l’identification des émotions en jeu, l’utilisation du « je » pour s’approprier les émotions identifiées et le recadrage des émotions dans la séquence des événements de la réalité, sont autant de façons de soutenir la régulation et la gestion des émotions de ces jeunes.
Comme ces jeunes privilégient davantage l’agir à la mentalisation, l’intervenant devra utiliser des interventions favorisant le recours aux activités symboliques : raconter, dessiner, mimer, etc.
Le retrait devrait être utilisé avec précaution et pour de courtes périodes afin d’éviter la complaisance et le développement de bénéfices secondaires comme une trop grande attention, un maintien dans une attitude de dépendance excessive à l’autre.
un modèle d’analyse systémique
11À partir d’une meilleure connaissance des principales problématiques observées, il fallait développer un processus de traitement des informations concernant chaque jeune et sa famille, de même que proposer un modèle d’analyse. Il a été convenu de travailler à partir d’une collecte de données assez exhaustive et d’un génogramme de la famille. Ainsi, l’intervenant est invité à décrire sommairement les principaux comportements de l’adolescent dans les différents secteurs de sa vie ; il s’assure alors d’en noter la fréquence et l’intensité. Une attention particulière est aussi portée à l’âge d’apparition des problèmes, aux ruptures relationnelles dans la vie du jeune, aux situations d’abus physiques et sexuels, aux antécédents de maladies mentales dans la famille, aux symptômes inhabituels ou discordants compte tenu de l’âge – qu’ils soient psychiques (délire, isolement, autres bizarreries) ou physiques (perte d’appétit, hypersomnie, insomnie, perte de poids, etc.).
12Le modèle d’analyse d’Apprivoiser les différences se fonde principalement sur la théorie systémique. La famille est le premier lieu d’enracinement et de socialisation de l’enfant. L’intervenant ou l’aidant s’y intéresse donc, comme point de départ de l’histoire de chacun des jeunes. Cela dit, chaque famille a son histoire, ses secrets, ses traditions et ses règles de fonctionnement. Selon Minuchin (1996), il s’agit de « … s’occuper à la fois de l’individualité et des connexions, et savoir élargir les histoires individuelles en les adaptant à la perspective familiale ». Dans l’approche systémique, le symptôme n’est pas considéré seulement comme un problème, mais aussi comme une information spécifique et révélatrice du fonctionnement familial. Il est postulé que le symptôme a une fonction de régulation, autrement dit qu’il sert à maintenir l’homéostasie du système familial. C’est par un travail sur la structure du système familial (ses règles, ses rôles, ses frontières et triangles relationnels) que l’on peut espérer apporter des modifications et des changements.
13À la base du travail d’analyse sur la problématique ciblée, se trouve le concept de circularité, qui désigne les modalités d’interactions entre les différents éléments d’un système. Les applications de ce concept dans l’intervention sont le questionnement circulaire et l’entretien circulaire (Lane, 1994). En général, au départ de la consultation, la famille se présente en définissant le problème comme étant celui d’un de ses membres. Ainsi, c’est Simon qui met la famille en péril et c’est Julie qui est incapable de respecter les règles familiales. Centré sur les difficultés d’un seul individu, le système familial ne perçoit ni les enjeux individuels, ni les enjeux collectifs du problème. Sans minimiser les difficultés réelles du patient désigné, l’analyse systémique permet un recentrage sur l’ensemble des acteurs entourant le patient, sur leurs patterns relationnels, ainsi que sur la souplesse du système au moment d’opérer des changements.
14À partir d’une collecte de données exhaustive et d’une analyse systémique, l’intervenant peut, avec la participation de la famille, formuler une hypothèse sur le sens du symptôme et sur sa fonction à l’intérieur du système. En général, cette formulation contribue à rassembler l’ensemble des informations sur la famille et à guider l’investigation. Pour être efficace, l’hypothèse systémique doit être circulaire, c’est-à-dire qu’elle doit inclure l’ensemble des membres de la famille et donner un sens possible quant à l’impact relationnel de la problématique pour chacun.
stratégies d’intervention
15Les enfants dont nous nous occupons au CJM ont, pour la grande majorité, développé des symptômes importants qui nuisent à leur développement affectif et social et qui souvent portent atteinte à leur propre intégrité ou à celle des autres. Auprès des adolescents présentant une double problématique, le défi consiste à offrir un lieu d’hébergement qui a pour fonction de protéger, d’offrir un espace de traitement, d’encadrer, tant sur le plan statique qu’humain, et de répondre aux multiples besoins identifiés. S’appuyant sur deux notions tirées des travaux de Winnicott (1969, 1970), soit le « holding » (la manière de porter, de soutenir) et le « handling » (les soins donnés, tant sur le plan physique qu’affectif), l’UTI est conçue pour offrir aux jeunes un environnement en mesure de les contenir, tant physiquement que psychiquement. Le but général est d’offrir protection et soins, pour en arriver à un mieux-être de l’adolescent.
Un cadre contenant
16La notion de « cadre contenant » est primordiale dans l’intervention auprès des jeunes qui vivent de grandes difficultés sur le plan de leurs habiletés affectives, cognitives, physiques, morales ou sociales. En effet, avec ces adolescents, les manifestations symptomatiques s’expriment avec intensité, à travers des attitudes et comportements qui peuvent être déstabilisants pour l’entourage et les intervenants. Souvent, il faut composer avec des débordements émotifs explosifs, des réactions intransigeantes vis-à-vis des autres, des déficits significatifs de l’autonomie et une anxiété envahissante.
17Dans ce contexte, le milieu physique devient une partie intégrante du travail de réadaptation étant donné son rôle contenant et protecteur. Dans les unités de traitement individualisé, l’environnement se doit donc d’être accueillant, sécurisant et apaisant, mais aussi stimulant pour le développement des jeunes. Sur le plan relationnel, la notion de cadre contenant prend une place tout aussi importante. Il s’agit alors d’instaurer un lieu ou un « espace psychique » où le jeune peut mentaliser son expérience. Pour chaque adolescent, il faut développer des attitudes cliniques qui permettent à la fois d’être un contenant et de mettre des limites fermes. Les intervenants tâcheront de contenir et non de punir, de contenir et non de contrôler, de contenir pour permettre l’exploration des émotions ressenties dans un espace qui protège.
18Pour ces jeunes, la chambre devient souvent un lieu investi, qui sert autant à s’isoler qu’à se réfugier quand la tension devient trop forte. Pour cette raison, elle ne doit pas être utilisée comme lieu de punition. Tout au plus, elle peut être utilisée comme un lieu de retrait momentané. Souvent, à l’image de leur vie intérieure, la chambre des adolescents est très désorganisée, voire malpropre. L’intervenant doit alors adapter ses interventions au cas par cas. Certaines fois, la désorganisation peut être tolérée temporairement parce qu’elle est comprise comme une attitude de mise à distance défensive et nécessaire. D’autres fois, elle doit faire l’objet d’interventions plus fermes parce qu’elle semble contribuer à maintenir chez le jeune une image négative. Ainsi, chaque intervention prend un sens particulier compte tenu de la singularité de la problématique. Cette individualisation de l’action clinique est un défi de taille pour les intervenants habitués au travail de groupe et aux règles collectives.
Thérapie de milieu
19Une des particularités des adolescents suivis à l’UTI est assurément leur importante difficulté de socialisation. Elle rend souvent problématique l’adaptation à une vie de groupe dans les unités de vie régulières. Les méthodes de réadaptation conçues pour les troubles de la conduite sont souvent difficilement applicables aux jeunes présentant une double problématique. Pour ces adolescents, plus fragiles, la vie collective et les activités en groupe sont souvent perturbatrices. Elles peuvent mener à une recrudescence des symptômes, ainsi qu’à un rejet par les pairs. Certes, dans une unité régulière, certains efforts sont faits pour individualiser l’intervention, mais pour les jeunes dont il question dans ce texte, ce n’est pas suffisant.
20De plus, bien que la maladie mentale soit une maladie comme les autres, les préjugés l’entourant sont persistants. La compréhension clinique de ces problématiques est bien meilleure aujourd’hui que dans le passé. Néanmoins, la particularité de certains symptômes et de certaines bizarreries ne favorisent pas l’intégration de ces adolescents dans un service de réadaptation régulier.
21Enfin, les jeunes hébergés dans l’UTI sont fragiles et facilement déstabilisés. Un changement de routine, de personnel ou d’horaire, bref, une perte de repère dans le quotidien, peut leur faire vivre une angoisse intense. Cette préoccupation doit donc être constante dans l’élaboration de la programmation. L’ensemble de la programmation de l’UTI s’appuie sur la notion de thérapie de milieu, développée plus particulièrement dans les écrits du Dr Michel Lemay (1973, 2006) et sur le modèle psychoéducatif de Gilles Gendreau (1978). Des routines de la vie quotidienne (repas, douche, soins de santé, etc.) aux activités plus structurées, les éducateurs qui jouent un rôle de donneurs de soins se centrent sur le « vécu partagé dans l’ici et maintenant ».
22L’UTI, son nom l’indique, cible des activités individualisées, qui peuvent cependant être vécues en présence des pairs. On sait que ces jeunes sont aux prises avec des déficits importants et des incapacités relationnelles les rendant temporairement inaptes à soutenir la pression exercée par la vie de groupe. Souvent dépouillés de mécanismes défensifs adéquats, ils nécessitent des interventions protectrices et soutenantes des intervenants. Le travail n’est donc pas centré sur l’utilisation de la vie de groupe, mais plutôt sur une adaptation constante d’objectifs et de défis spécifiques aux besoins et aux capacités de chaque adolescent. Le travail de l’intervenant devient un accompagnement qui vise à la fois à comprendre le langage symptomatique du jeune, à créer des conditions d’activation de ses capacités et à soutenir son inclusion dans le milieu (plutôt que son exclusion). Bref, la programmation est entièrement ancrée dans une approche psychoéducative personnalisée qui tient compte à la fois de la problématique affective, de la symptomatologie et des capacités de l’adolescent.
Activités cliniques
23Sur le plan des activités cliniques, la rencontre d’accompagnement est un moment privilégié pour les jeunes aux prises avec d’importantes difficultés relationnelles. Lorsqu’il rencontre un éducateur sécurisant et soutenant, l’adolescent peut partager avec lui ce qu’il vit, ce qu’il souhaite vivre, ses inquiétudes et ses projets. Pourtant, ce moment important peut susciter chez lui de l’ambivalence, des réactions intenses, voire une certaine dépendance. Voilà pourquoi les éducateurs doivent, là encore, individualiser les moments cliniques en fonction des objectifs spécifiques du traitement.
24Lorsque le contact est vécu de manière envahissante par le jeune, l’utilisation d’un médium (matériel de créativité ou jeux) pourra faciliter ces moments de rencontre. Un suivi clinique constant sur les modalités et le contenu des rencontres d’accompagnement est évidemment indiqué. L’analyse du matériel projectif apporté par l’adolescent, de même que l’analyse de la relation transférentielle et contre-transférentielle doivent faire l’objet de supervisions cliniques rigoureuses.
25Les activités psychoéducatives soutiennent l’organisation du jeune dans le temps, dans l’espace et dans sa compréhension des rapports de causalité. Elles sont aussi essentielles à la mise en place d’un meilleur ancrage dans la réalité. Structurées à partir de défis gradués et réalistes, elles contribuent à soutenir l’adolescent dans la réalisation de ses forces et de ses compétences, et dans la découverte de ses capacités. S’il faut pouvoir compter sur une programmation bien orchestrée, l’élément important est davantage l’utilisation des activités comme moyen de mise en relation entre le jeune et ses capacités.
26D’une part, des activités comme la peinture, le dessin ou la céramique peuvent être d’excellents médiums pour l’adolescent. En effet, elles lui offrent des occasions de traduire visuellement ses anxiétés, ses joies, sa peine et ses inquiétudes. Faciles à individualiser, ces activités peuvent aussi être utilisées cliniquement par les intervenants. Le matériel produit peut permettre de faire des liens avec ses forces et les défis auxquels il doit faire face. Cela dit, ces adolescents peuvent avoir une production qui est déstabilisante, lorsque leur imagination débordante met en scène un matériel projectif éclaté, des peurs ou des angoisses primitives souvent mortifères. Les intervenants doivent faire preuve d’une très grande prudence dans l’utilisation de ce matériel. Une supervision quant à l’interprétation et à l’utilisation clinique de ce type de matériel est donc apportée aux intervenants, notamment par le conseiller clinique, le chef de service et le pédopsychiatre de l’adolescent.
27D’autre part, on sait que les activités sportives sont souvent difficiles à vivre pour les jeunes présentant des problématiques en santé mentale. Dans leur petite enfance, ces adolescents ont souvent vécu de la négligence ou encore des ruptures relationnelles importantes. Ces brisures n’ont pas favorisé un développement harmonieux du schéma corporel ou des habiletés motrices en général. La conscience du corps, souvent limitée, est également affectée par la médication psychotrope. Enfin, ces jeunes ont peu de capacité à soutenir toute activité nécessitant de la coopération et peu de motivation à pratiquer des sports d’équipe. Voilà pourquoi dans une UTI, on favorisera des activités soutenant à la fois une restauration du schéma corporel et un sentiment de bien-être physique. Par des activités comme la natation, la musique ou la danse, on s’efforcera de réduire le stress de la performance ou de la compétition.
équipe traitante et partenaires
28Le travail avec les jeunes présentant une problématique en santé mentale peut être déstabilisant pour les membres du personnel. En effet, ces adolescents vivent fréquemment des périodes de grande fragilité et ils ont des comportements souvent mal ancrés dans la réalité. Les changements sont lents, il faut répéter souvent la même intervention et l’impression de ne pas être aidant peut être décourageante. L’équipe de traitement doit alors faire preuve de patience, de compréhension, de calme et de cohérence. Une lecture clinique constante, une réévaluation régulière des interventions et du temps de formation continue sont autant d’outils indispensables au bon fonctionnement de l’équipe éducative. L’approche multidisciplinaire que nécessite cette clientèle requiert aussi un travail de concertation avec l’ensemble des partenaires. Pour bien soutenir la démarche de réadaptation de ces jeunes, la contribution de nombreuses ressources extérieures est nécessaire. À l’équipe de base s’ajoutent donc des partenaires et des environnements essentiels à la réussite du traitement : la famille, les milieux hospitaliers, les milieux scolaires, la communauté et les ateliers d’apprentissage au travail. Avec eux, des efforts de complémentarité et de cohésion doivent être faits.
évaluation de l’implantation
29Une évaluation d’implantation du programme Apprivoiser les différences a été amorcée en janvier 2006. Elle visait à répondre à la question : avons-nous fait ce que nous avions planifié de faire ? Pour y répondre, il importait de savoir si la clientèle desservie correspondait à la clientèle cible, si le modèle d’intervention était appliqué tel que prévu et de quelle façon s’actualisait la collaboration avec les partenaires.
30Cette démarche a été formatrice, car elle a permis d’identifier les difficultés éprouvées, ainsi que les stratégies méritant d’être répétées. Les variables à l’étude ont été identifiées à partir du modèle d’action du programme. La multiplicité des objets d’évaluation nécessitait, pour la cueillette des données, une gamme variée de sources et de moyens. L’équipe de recherche évaluative a donc fait appel à une combinaison de méthodes qualitatives et quantitatives. Afin de procéder à une triangulation des données, il fallait aussi recueillir le point de vue d’une variété suffisante d’acteurs (Yin, 1984).
Méthodes, sujets et sources des données
31Diverses mesures ont été prises. Tout d’abord, on a procédé à l’analyse quantitative et qualitative des informations contenues dans un échantillon de dossiers des usagers. Le portrait de la clientèle est basé sur un échantillon de 36 adolescents desservis en UTI, soit 22 filles et 14 garçons. Enfin, pour bien caractériser la clientèle de l’UTI, on a formé deux groupes de comparaison. Le premier compte 139 jeunes hébergés en unité à encadrement intensif (EI1) pour lesquels les diagnostics, la médication et le suivi sont disponibles. Le second groupe est composé de 32 adolescents hébergés en unité à encadrement intensif (EI2) pour lesquels des données sur les services dispensés ont été compilées. De plus, plusieurs acteurs (éducateurs, intervenant psychosocial, gestionnaires, conseiller clinique, personnel médical, partenaires) ont été rencontrés en entrevue individuelle ou de groupe. Ils ont aussi répondu à un questionnaire portant sur le programme et sa mise en œuvre. Presque tous les acteurs impliqués ont été rencontrés, le taux de participation étant très satisfaisant.
32L’évaluation portant sur l’implantation d’un programme est une entreprise délicate et complexe qui comporte nécessairement certaines limites. Dans ce cas-ci, l’essentiel du matériel sur lequel repose l’étude est fourni par les acteurs vivant l’expérience des UTI. Les résultats reposent donc sur la validité de la perception et du point de vue de chacun. Par ailleurs, les collectes effectuées dans les dossiers dépendent de la qualité des informations qui y sont colligées. Enfin, cette évaluation trace un portrait à un moment précis d’un objet qui est continuellement en mouvement, puisque les deux UTI de la Montérégie sont en voie d’implantation.
Résultats relatifs aux jeunes
33L’analyse des dossiers montre que la clientèle des UTI se caractérise par la concomitance des diagnostics de troubles de santé mentale et par la consommation de médicaments psychotropes. lorsqu’on la compare aux jeunes hébergés en unité d’encadrement intensif (EI1), cette clientèle se démarque par l’importance des difficultés. En effet, les adolescents de l’UTI ont tous reçu au moins un diagnostic de trouble de santé mentale, comparativement à 38 % des jeunes du groupe de comparaison (voir tableau 1). De surcroît, la présence de problématiques en comorbidité est significativement plus importante chez les jeunes de l’UTI. En effet, parmi ceux qui ont reçu un diagnostic, les adolescents de l’UTI ont en moyenne 4,3 troubles identifiés, ce qui est nettement supérieur à ceux du groupe de comparaison chez qui on a identifié 1,9 trouble en moyenne. Dans un même ordre d’idées, les adolescents de l’UTI se distinguent des autres par leur consommation de psychotropes. En effet, la différence est très significative, puisque, en UTI, au moins 29 adolescents (83 %) consomment un médicament de ce genre, et seulement 34 % dans le groupe de comparaison. Enfin, en UTI, les jeunes ayant une médication psychotrope en consomment une plus grande variété que ceux de l’autre groupe.
tableau 1. Prévalence des diagnostics et des médicaments psychotropes
| UTI | Groupe de comparaison (N=139) | Analyses comparatives |
Adolescents ayant un diagnostic | 35(100%) | 53 (38%) | X2=11,79** |
Nombre de diagnostics | M=4,3 | M=1,9 | 7=8,17*** |
Adolescents consommant une médication psychotrope | 29(83%) | 47 (34%) | X2=11,92** |
Nombre de familles de médicaments | M=2,5 | M=1,6 | T=2,57* |
34La figure 1 compare les problématiques de la clientèle des UTI à celles du groupe de comparaison (EI1). En UTI, le trouble de personnalité (la plupart du temps, il s’agit de personnalité limite) est la problématique la plus souvent identifiée, puisqu’elle touche 57 % (n = 20) de la clientèle. Le trouble de la conduite, le trouble oppositionnel, le trouble des conduites alimentaires, les troubles psychotiques et les troubles de la personnalité, de même que le fonctionnement intellectuel limite sont des problématiques significativement plus répandues en UTI. Par ailleurs, le TDAH, les troubles de l’humeur, les troubles anxieux, les troubles de l’attachement et les troubles de l’adaptation ne sont pas plus fréquemment observés en UTI qu’en unité à encadrement intensif. La figure 2 montre que parmi les adolescents sous médication psychotrope, ceux de l’UTI se caractérisent par le type de traitement prescrit. En effet, ils sont significativement plus nombreux que les jeunes du groupe de comparaison à consommer des antipsychotiques.
35Les adolescents de l’UTI se caractérisent aussi par la présence de problèmes associés tels que la délinquance (69 % sous LSJPA), la toxicomanie et la consommation d’alcool (47 %), les comportements suicidaires et d’automutilation (58 %) et le fait d’avoir été victimes d’abus sexuels et physiques (31 %). Qui plus est, 75 % de la clientèle avait, dans sa famille immédiate, un proche souffrant de problèmes de santé mentale, d’alcoolisme ou de toxicomanie.
36Les analyses comparatives des services reçus ont permis de démontrer que, de façon générale, la durée de séjour des adolescents de l’UTI (252 jours en moyenne) est statistiquement plus longue que celle des jeunes du groupe de comparaison EI2 (138 jours). De plus, ils sont plus significativement vieux lorsqu’ils quittent l’UTI (17,3 ans en moyenne) que ceux du groupe de comparaison (16,1 ans). Plus de 80 % des adolescents des UTI y ont vécu leur dernier placement, tandis que ceux du EI2 ont majoritairement (90 %) été transférés vers d’autres services du CJM. Par ailleurs, les jeunes des UTI ne se distinguent pas des autres par le nombre de placements, de l’âge lors du premier placement et de la durée des mesures.
37L’analyse qualitative des entrevues menées avec des acteurs de l’UTI trace le portrait d’une clientèle vulnérable, aux prises avec des difficultés majeures d’adaptation et nécessitant une supervision constante. Bref, les résultats des analyses quantitatives et qualitatives nous indiquent que la clientèle cible du programme est rejointe. À cet égard, le processus d’accès a été identifié comme étant essentiel au bon fonctionnement des UTI. C’est essentiellement ce processus qui permet de desservir la clientèle pour laquelle le programme a été conçu.
38L’évaluation d’implantation a d’abord permis d’établir que les intervenants apprécient le contenu du programme et qu’ils adhèrent à l’approche préconisée. D’ailleurs, la majorité des intervenants connaissent le modèle d’analyse du programme ainsi que les objectifs visés par celui-ci. Plusieurs formations et sensibilisations ont été réalisées auprès des intervenants, des partenaires internes et externes et des différents acteurs impliqués. La formation et les ateliers d’intégration sont très appréciés des intervenants. Finalement, les intervenants rapportent que le soutien à l’application du programme, à travers l’accompagnement du conseiller clinique et la disponibilité du chef, sont des éléments essentiels à la continuité du projet.
Résultats relatifs au processus clinique
39Une des difficultés des jeunes de l’UTI provient de leur difficulté à vivre en groupe. Selon les répondants, la présence constante des trois éducateurs est indispensable à l’application du modèle. Le nombre réduit d’adolescents dans l’unité et l’ajout d’effectifs permettent d’investir plus de temps et d’énergie pour offrir une intervention concertée, cohérente et individualisée. Malgré un fonctionnement global commun, la programmation des UTI est adaptée par le contenu des activités. Les horaires peuvent être individualisés, selon les besoins des jeunes. Les différentes données recueillies permettent d’affirmer que l’intervention en UTI est fidèle au modèle préconisé. Néanmoins, certains aspects restent à être consolidés. Par exemple, l’élaboration systématique du plan de services individualisé permettrait de mieux structurer l’intervention des nombreux professionnels interpellés. En outre, l’utilisation des instruments cliniques pourrait être mieux installée dans la pratique.
40Collaboration avec les partenaires. Les propos recueillis auprès des acteurs de l’UTI et des partenaires indiquent que, de façon générale, la collaboration est bonne. Plusieurs partenaires internes et externes ont assisté à une sensibilisation au programme, ce qui a d’ailleurs un impact positif sur la collaboration. En effet, une meilleure compréhension du modèle d’intervention et des problématiques facilite les échanges. L’implication du personnel enseignant avec l’équipe UTI est décrite comme étant positive de part et d’autre. De plus, la proximité, la disponibilité de l’équipe médicale à l’interne est aidante. Selon les répondants, les services de pédopsychiatrie sont sensibles à la réalité des UTI, ils y réfèrent des patients et reconnaissent l’expertise spécialisée de ce service.
41Éléments facilitants et contraignants. Dans les UTI, le défi que représente le maintien d’une rigueur, d’une concertation et d’une cohérence dans l’intervention nécessite la mise en place de conditions pour favoriser la mise en œuvre du programme. Pour ce faire, la préparation des activités psychoéducatives et des suivis nécessite de dégager un moment dans l’horaire pour accomplir ces tâches cliniques. D’autre part, les lieux physiques doivent être aménagés de façon à être sécuritaires. Enfin, l’augmentation du nombre de locaux d’activités à même l’unité permet de maximiser l’intervention individualisée.
42Plusieurs ont rapporté que, malgré les effets bénéfiques du programme, il demeure que ces adolescents peuvent avoir des comportements impulsifs, dérangeants, voire dangereux pour eux-mêmes ou leur entourage. Le soutien de l’équipe est alors considéré comme un gage de réussite. Durant la mise en œuvre du programme, ce soutien s’est concrétisé de différentes façons. Le soutien entre collègues s’est développé naturellement et a été identifié comme étant indispensable. Il importe donc de favoriser le maintien d’un climat d’équipe positif. Le travail en équipe multidisciplinaire a également été considéré comme soutenant. Néanmoins, au-delà du soutien clinique propre à la structure UTI, un besoin de soutien ponctuel a été identifié par les intervenants pour faire face aux situations de crise ou d’agression.
43Les jeunes des UTI ont besoin de constance. La stabilité du personnel de gestion et du conseiller clinique doit donc faciliter la démarche. Depuis l’ouverture des UTI, le roulement du personnel a parfois freiné l’implantation du programme à cause du besoin de former constamment de nouveaux intervenants. Ces derniers doivent prendre le temps de s’approprier le contenu théorique et la philosophie d’intervention avant de maîtriser suffisamment le programme. Bien que ces mouvements du personnel soit une réalité dans bien des milieux, dans les UTI, il importe de mieux cibler les intervenants disposés à y travailler et d’identifier des stratégies pour maximiser leur rétention. À l’inverse, la méconnaissance de la réalité UTI et du programme peut créer des situations délicates ou des réactions inappropriées. La sensibilisation au programme pour l’ensemble des personnes susceptibles d’être exposées à la réalité des UTI peut donc faciliter les échanges.
44Les propos des personnes rencontrées semblent démontrer un effet bénéfique du passage en UTI pour la clientèle, surtout en ce qui concerne l’adaptation fonctionnelle. Une évaluation des effets du programme sur la clientèle permettra toutefois de mesurer plus précisément l’impact d’un séjour en UTI sur l’adaptation fonctionnelle, la réduction des symptômes et la réinsertion sociale. L’effort de documenter le processus d’implantation a donc permis d’identifier les difficultés et les forces de cette démarche. Il ne reste plus qu’à apprendre de cette expérience.
des uti à l’équipe de deuxième niveau
45D’un petit projet consistant à offrir du soutien spécialisé aux jeunes présentant une problématique de santé mentale, a émergé, au cours des dernières années, une offre élaborée de services. L’implantation des UTI en était le premier volet. En janvier 2008, l’équipe de soins en santé mentale de deuxième niveau a commencé ses activités de soutien et d’encadrement de la pratique pour l’ensemble de la clientèle présentant une problématique de santé mentale.
46Dans tous les cas où on s’interroge sur la santé mentale d’un enfant, d’un adolescent ou d’un parent, cette équipe de deuxième niveau est consultée. Ayant un rôle de soutien à l’intervention, sa mission est de développer différents services de consultation et de soutien à la pratique, afin que l’offre de service en santé mentale se déploie selon différents axes. Ses membres travaillent à outiller les intervenants des différents services en vue de favoriser la promotion et la prévention de la santé mentale, de faciliter la détection des problématiques de santé mentale, leur évaluation et leur traitement. Finalement, il s’agit de tenir compte de l’importance de soutenir la réinsertion sociale des jeunes qui présentent des problèmes de santé mentale.
47L’équipe, multidisciplinaire, est constituée d’une coordonnatrice, de deux psychologues cliniciens, de deux conseillers cliniques spécialisés en santé mentale et en réadaptation, d’un médecin omnipraticien du CJM et d’un médecin pédopsychiatre consultant. Cette collaboration a été rendue possible par une entente de partenariat avec l’hôpital Charles-Lemoyne.
48La consultation est une partie importante du soutien offert. Lorsque des intervenants se questionnent sur la présence d’une problématique de santé mentale, ils sont orientés vers des pistes d’observation et se voient proposer des outils cliniques. Les consultations peuvent aussi porter sur les interventions à mettre en place en présence de troubles mentaux avérés. Pour les questions plus pointues en lien avec les interventions à faire ou à éviter au quotidien, les intervenants peuvent être référés aux conseillers cliniques de l’équipe, qui détiennent la meilleure expertise en matière de réadaptation.
49L’analyse des demandes reçues peut aussi mener vers des études de cas multidisciplinaires en présence de tous les membres de l’équipe santé mentale. De telles études de cas se tiennent toutes les deux semaines. Elles sont particulièrement indiquées dans les cas complexes de jeunes qui ne sont pas suivis en psychiatrie, mais pour qui un avis médical apparaît nécessaire (par exemple, l’éventualité d’un trouble mental en voie de développement). Ces cas plus complexes peuvent faire l’objet de consultations plus poussées. Par exemple, on peut effectuer une évaluation psychologique afin d’éclairer certains aspects plus obscurs du fonctionnement ou de la dynamique d’un adolescent.
50Pour les intervenants psychosociaux, on a mis sur pied des groupes de soutien à l’intervention. Un groupe-soutien à l’intervention auprès des parents présentant des problématiques de santé mentale est offert aux intervenants des équipes enfance. Un groupe-soutien à l’intervention auprès des jeunes présentant des problématiques analogues est offert aux intervenants des équipes adolescence. Un psychologue de l’équipe anime ces groupes, qui utilisent également la supervision entre pairs.
51Enfin, l’équipe santé mentale poursuit le développement et la rédaction du programme Apprivoiser les différences. Les derniers ajouts, qui datent de 2008, portaient sur le trouble schizotypique, les troubles dissociatifs et l’automutilation. Des guides de soutien à l’observation ont également été élaborés au cours de la dernière année. Appréciés par les intervenants, ils leur servent de référence pour documenter leurs observations. Ils soutiennent aussi le travail du psychiatre et de l’équipe d’intervenants.
52L’équipe santé mentale est également chargée du développement et de l’animation d’activités de formation en lien avec l’implantation du programme. Depuis la création de l’équipe, plusieurs journées de formation sur les problématiques de santé mentale à l’enfance et à l’adolescence ont été données aux intervenants. Des ateliers sur l’intervention auprès des parents présentant des troubles de personnalité ont aussi été offerts.
53La rédaction de nouvelles sections du programme, au cours de la prochaine année, permettra de mieux faire connaître aux intervenants les caractéristiques, l’étiologie et la prévalence des troubles anxieux, des troubles de l’attachement et de l’état de stress post-traumatique, en plus de fournir un aperçu des pistes d’intervention indiquées en présence de ces problématiques. Des ateliers sur la problématique de l’automutilation seront offerts, incluant la présentation d’un protocole d’intervention. Des cadres de traitement pour des problématiques fréquemment observées parmi notre clientèle seront développés, notamment en rapport avec les troubles de personnalité limite et le trouble de l’attachement.
54L’équipe santé mentale deuxième niveau du CJM profite grandement de l’implication du pédopsychiatre qui offre une présence d’une demi-journée aux deux semaines. L’arrimage avec les CSSS se poursuit, car il est essentiel de pouvoir collaborer dans les dossiers qui doivent être dirigés vers les services de santé mentale jeunesse et la pédopsychiatrie. Des collaborations avec le réseau scolaire (formation offerte aux professionnels d’une commission scolaire, consultation de l’équipe santé mentale en lien avec une formation) ont aussi été actualisées.
***
55Le programme Apprivoiser les différences a permis de qualifier l’intervention destinée aux jeunes présentant une double problématique. Il a aussi favorisé une spécialisation de l’action clinique, tant par la formation donnée aux intervenants que par l’encouragement à mettre en place un suivi rigoureux et que l’offre d’ateliers d’intégration continus. Organiser pour le jeune un milieu de vie soutenant, lui offrir des activités appropriées à ses besoins et à ses capacités, lui permettre de découvrir ses forces et de mieux jongler avec ses difficultés, maintenir et accentuer le plus possible l’implication des parents dans la situation, voilà les objectifs visés au départ de cette grande aventure. Avec le développement de l’offre de service en santé mentale et la création d’une équipe santé mentale deuxième niveau, le modèle clinique du programme devient plus largement appliqué dans l’ensemble des services du CJM.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Dans le Plan d’action en santé mentale, le deuxième niveau de services regroupe les services qui soutiennent ceux de première ligne. Les personnes qui accèdent à ces services devraient y avoir été dirigées par un intervenant de première ligne.
Auteurs
Coordination du développement des programmes cliniques, Direction des services professionnels, CJM
Agente de planification, de programmation et de recherche, Direction de services professionnels, CJM
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