13. SCIADOR : un système clinique informatisé d’aide à la décision d’orientation en réadaptation
p. 263-284
Texte intégral
Dans le cadre d’une démarche d’aide multicritère à la décision, l’expérience ici présentée a consisté à concevoir et à implanter un système clinique informatisé d’aide à l’orientation des jeunes vers la bonne ressource de réadaptation (SCIADOR). Pour en arriver à diversifier les services de réadaptation, il devenait impérieux pour l’établissement de mieux baliser les décisions prises à propos des mouvements de clientèle, et ce, dans la perspective de rendre le bon service au bon moment. Afin de déterminer l’orientation vers un programme de réadaptation approprié, toutes les situations de jeunes admis en réadaptation avec hébergement ont été analysées avec le SCIADOR. Ce système a été bâti de telle façon que l’appréciation de la situation à partir des critères retenus puisse indiquer également les services éducatifs externes susceptibles de bien répondre aux besoins du jeune.
1Au tournant de l’an 2000, le Centre jeunesse Chaudière-Appalaches (CJCA) était confronté à un problème récurrent d’engorgement des places dans ses deux centres de réadaptation. On se préparait donc à appliquer cette solution traditionnelle, et tout aussi récurrente, qui consiste à ajouter des places sur une base temporaire pour la durée du pic de demandes d’hébergement. Mais voilà que les réflexions autour de ce phénomène ont amené la direction à faire le pari, audacieux, de localiser dans la communauté plusieurs services de réadaptation et de diversifier l’offre de service aux jeunes en difficulté.
2Un plan assez novateur conduisit les instances de l’établissement, en 2001, à fermer quatre unités de réadaptation dans une région où, pourtant, le rapport entre le nombre de places d’hébergement et la taille de la population des 12-17 ans est un des plus faibles du Québec. D’une part, on a transformé en services externes de réadaptation un grand nombre de postes d’éducateurs en internat. D’autre part, on a diversifié les ressources de réadaptation avec hébergement pour mieux répondre aux besoins des jeunes et pour les rapprocher de la communauté. À côté des traditionnelles unités internes de réadaptation, on vit apparaître divers programmes de réadaptation avec hébergement dans la communauté : foyers jeunesse (FJ), résidences de réadaptation en communauté (RRC), ressources résidentielles de réadaptation (RRR, devenues ensuite des ressources intermédiaires) et hébergement jeunesse (des places « achetées » par le centre jeunesse à un organisme communautaire). À côté des services ambulatoires traditionnels, on en vit émerger de nouveaux : programme de soutien intensif aux familles (PSIF), programme de services aux mères en difficulté d’adaptation (MDA, financé dans le cadre du programme d’aide communautaire aux enfants du gouvernement fédéral) et centre de ressources multidisciplinaires (CRM, mis sur pied dans le cadre d’un partenariat avec les commissions scolaires et les Centres locaux de services communautaires).
3L’augmentation de la variété des programmes de réadaptation commandait divers ajustements, notamment pour ajuster l’offre de services aux clientèles qui les requièrent. Un groupe de travail fut mis en place dès 2002 afin de se pencher sur les mécanismes d’accès aux services de réadaptation, qu’ils soient offerts en internat ou dans un autre contexte. Il s’agissait surtout d’orienter vers d’autres options que l’internat les jeunes pour qui cette solution ne semblait pas la plus appropriée. La perspective était aussi d’éviter les hébergements en cascade durant lesquels les jeunes, d’un placement à un autre, passent des ressources les plus légères aux ressources les plus lourdes.
4Le leitmotiv de la direction du CJCA était d’assurer le bon service au bon moment. Cela signifiait notamment que, si le placement immédiat en internat de réadaptation constituait la meilleure solution pour un jeune, on n’avait pas à essayer d’abord une ressource plus près de la communauté. De la même façon, un jeune dont la situation nécessitait un hébergement plus léger ou plus près de la communauté devait être orienté vers ce type de ressource. Et un effort maximal devait être consenti pour l’y maintenir durant le temps requis à ses apprentissages sociaux.
5Une des premières actions liées au projet fut de mettre sur pied un mécanisme décisionnel central pour contrôler les mouvements de la clientèle admise. On a donc créé une instance de « coordination des admissions et des mouvements de clientèle » dans les ressources d’hébergement du centre jeunesse. Il était entendu que son responsable avait le pouvoir décisionnel d’orienter un jeune vers les ressources de réadaptation avec hébergement et qu’il jouait un rôle conseil majeur dans son orientation vers d’autres programmes ou services.
6Il fallait ensuite s’assurer que l’orientation vers tel ou tel programme tienne compte de façon optimale des caractéristiques des jeunes et de la nouvelle variété de ressources mises en place sur le territoire. Un groupe de travail fut donc formé afin d’examiner le profil des clientèles rencontrées dans la pratique et d’extraire une série de critères permettant de créer des profils-types et, éventuellement, d’orienter le bon jeune vers la bonne ressource. Avec l’aide d’étudiants de la maîtrise en sciences de l’administration, ces critères furent classés et codifiés dans le but de créer un outil susceptible de soutenir l’orientation de la clientèle.
7La lecture de différents documents de référence sur le placement des enfants ne permettait pas d’identifier clairement des critères qui font choisir une ressource plutôt qu’une autre lors d’une orientation vers le placement. Par ailleurs, ce relevé de la littérature ne permettait pas plus de repérer un système informatisé d’aide à la décision reposant sur une approche multicritère. Cela nous a conduits à élaborer un outil informatisé à partir de l’expérience clinique d’un comité d’experts, c’est-à-dire d’intervenants seniors provenant des secteurs de la réadaptation et de la protection de la jeunesse. De là, sont nés les différentes dimensions et leurs critères.
8L’objectif fondamental du système clinique est, répétons-le, d’offrir le bon service où la bonne ressource de réadaptation au bon moment. Partant de là, trois filtres s’appliquent : quel est l’âge du jeune, son sexe et sa provenance (de quel milieu arrive-t-il et depuis quand y est-il ?). Sur la première dimension, il s’agit d’évaluer la nature des problèmes présentés. Les dix critères ont été regroupés en troubles de comportement (sur le plan scolaire, familial, social ou personnel) ; besoins de protection contre lui-même (risque de fugue/évasion, toxicomanie ou urgence suicidaire) ; délinquance ; problème de santé/maladie mentale ; et déficience liée à un problème physique. La deuxième dimension porte sur les capacités personnelles du jeune. De ce point de vue, les critères sont : la maturité décisionnelle, la maturité comportementale, la motivation, la capacité socio-affective, la capacité d’autoévaluation et la capacité d’attachement. La dernière dimension est celle des capacités environnementales et elle regroupe : la capacité des parents, leur volonté, l’encadrement disponible et la capacité d’apprentissage du milieu.
9Par la suite, ces critères ont été situés sur une échelle de gravité (aucun, modéré, sérieux, important ou extrême) et une échelle de récurrence (circonstanciel, récent ou persistant). Chacune de ces cotations a été définie par une série de comportements appelés indicateurs.
10Enfin, en vue de contribuer à la décision, l’ensemble des critères proposés dans le système a été pondéré pour chacune des ressources existantes au sein de l’établissement, créant ainsi des profils-types pour chaque ressource. Au total, le travail d’élaboration et de validation des critères s’est échelonné sur 18 mois.
11L’outil SCIADOR a d’abord été expérimenté à partir d’un échantillon de 150 décisions d’orientation. Puis, il a fait l’objet de corrections en 2004 de même qu’en 2006, notamment pour accorder un poids différentiel à certains facteurs (par exemple, la maturité comportementale) selon que le jeune en est à son premier placement ou, au contraire, qu’il a déjà une première expérience d’hébergement. En effet, lorsqu’il s’agit d’une réorientation vers un placement, il est apparu nécessaire d’apprécier l’éventualité d’un cheminement personnel du jeune par rapport à ses comportements. En 2010, le SCIADOR est toujours utilisé, car sa pertinence demeure reconnue par l’ensemble des acteurs concernés par les décisions d’orientation vers la bonne ressource de réadaptation.
caractère novateur du projet
12Comme nous l’avons déjà précisé, une revue de la littérature sur le placement d’enfants n’a pas permis d’identifier des critères probants permettant de choisir une ressource plutôt qu’une autre lors d’une orientation vers un service d’hébergement. Par ailleurs, la littérature disponible n’a permis de repérer aucun système informatisé qui rend possible des orientations ou des choix cliniques en utilisant une approche multicritère d’aide à la décision. Cela a conduit à élaborer un outil informatisé, à partir de l’expérience concrète d’un comité d’experts.
13Des échanges suivis avec les responsables du développement des systèmes de soutien à la pratique (SSP) à l’Association des centres jeunesse du Québec ont permis de confirmer la pertinence et l’originalité de cette approche. Elle comble notamment le retard actuel dans le déploiement du SSP-Orientation vers les ressources de réadaptation et permet de préparer le terrain aux gens qui utiliseraient un jour ce module SSP, même si le système mis de l’avant au Centre jeunesse Chaudière-Appalaches n’est pas de type neuronal, comme le SSP1.
14De plus, comme l’outil du CJCA a été développé sur une base EXCEL, il ne comporte aucun coût d’utilisation. Il est facile de le réviser quand l’expérience montre qu’il faut le faire, même si l’insertion d’ajustements requiert une certaine expertise. Le système a également l’intérêt d’être transparent, car les demandeurs de placement en connaissent les fondements et la structure. Cela les aide à se préparer dans leur demande et dans les discussions conduisant à une décision d’orientation vers la ressource appropriée. Autant les modules de SSP assurent une plus grande cohérence dans les décisions de rétention des signalements ou d’évaluation en protection de la jeunesse, autant l’utilisation de SCIADOR permet une telle cohérence dans les décisions d’orientation vers la meilleure ressource ou vers le meilleur service de réadaptation. Par ailleurs, à de nombreuses reprises, il est apparu que des orientations préliminaires vers l’hébergement ont pu être questionnées à partir de l’analyse de la situation faite en fonction des multiples critères du système SCIADOR.
15Ajoutons que cet outil a contribué à maintenir dans la région une offre de service de réadaptation satisfaisante, même si 12 places de réadaptation interne ont encore été fermées en 2007 pour élargir l’intervention en communauté.
16Précisons enfin que le CJCA examine actuellement la possibilité d’adapter cet outil en vue de soutenir les décisions de jumelage entre la situation et les besoins d’un enfant et les caractéristiques du milieu d’accueil de type familial le plus indiqué. En effet, il a déjà été démontré dans la littérature (Walsh et Walsh, 1990 ; Sinclair et Wilson, 2003 ; Rycus et Hughes, 1998) que l’interaction se développant entre un enfant et sa famille d’accueil était un facteur déterminant dans la réussite ou l’échec du placement et qu’il serait utile de déterminer des indicateurs pertinents au jumelage et d’utiliser un processus standardisé pour y procéder.
cadre théorique
17Les systèmes d’aide à la décision reposent sur une modélisation des croyances et des préférences (avec le vague qui les entoure) des personnes concernées par un ensemble de décisions. Comme le souligne Perrot (1998), ils traduisent le souci de représenter correctement en machine des situations décisionnelles et d’y apporter des solutions satisfaisantes. Avec l’incertitude et l’imprécision qui entourent souvent des décisions importantes, les travaux dans ce domaine partent du principe que la représentation des préférences et des croyances, comme dans les processus de décision humains, doit permettre aux décideurs d’effectuer un compromis entre des idéaux normatifs et un certain réalisme issu de l’expérience et de l’acquisition de connaissances incrémentales (Brézillon et Tijus, 2005).
18Le choix d’une méthode multicritère s’est vite imposé pour développer le système d’aide à la décision envisagé par l’établissement. L’objectif d’un tel système est de représenter une action (dans ce cas-ci, l’orientation d’un jeune) selon la représentation qu’en a le décideur et selon ses préférences. Cela permet d’exploiter l’information préférentielle en vue de réaliser un système de sélection ou de classement. Il existe diverses méthodes pour traiter la problématique du tri ou de la classification des informations à considérer dans le choix d’une décision. Pour le CJCA, la méthode recherchée devait être simple et applicable dans un délai raisonnable, pouvoir intégrer le caractère souvent flou des évaluations de critères et posséder un caractère explicatif très fort. De façon plus précise, le choix a porté sur une logique floue. Comme le mentionne Bouchon-Meunier (1995), il s’agit d’une extension de la logique classique permettant de traiter les connaissances imparfaites souvent associées à l’évaluation d’une capacité ou d’un comportement humain2.
19Dans le cas du SCIADOR, le choix s’est arrêté plus précisément sur la méthode de filtrage flou par indifférence conçue en France par Henriet (2000). Comme l’explique ce dernier, le cadre de l’aide multicritère à la décision implique qu’on tienne compte des préférences d’un décideur. L’approche qu’il propose se fonde sur l’utilisation d’une relation d’indifférence comme reflet des préférences du décideur vis-à-vis de l’objet à classer (dans ce cas-ci, un jeune). Imaginons que le décideur doive apprécier l’importance d’une variable (par exemple, le niveau de consommation de substances psychoactives d’un jeune) dans l’établissement du portrait de ce jeune et dans le niveau d’encadrement requis de la ressource qui l’hébergera. Il peut être indifférent aux valeurs accordées ou affectées à cette variable ou, plutôt, définir un seuil de préférence où il acceptera (selon son degré d’aversion pour le risque) un écart jusqu’à une certaine distance métrique. Ainsi, si le profil d’un adolescent à héberger comporte une valeur de 0,15 à la variable « consommation », alors que le seuil envisagé pour cette variable, en vue d’un placement dans une ressource foyer jeunesse, comporte plutôt un poids de 0,10, on doit établir si le décideur accepte un tel écart.
20Le principe d’affectation, associé à la méthode d’aide multicritère à la décision, consiste à évaluer l’appartenance d’un objet à une catégorie à partir de l’évaluation de l’indifférence vis-à-vis de l’objet à classer et des objets typiques de la catégorie (points de référence). Selon Henriet, cette méthode possède l’avantage de procurer au décideur, non seulement un résultat, mais aussi l’explication de ce résultat, ce qui est un des aspects fondamentaux de l’aide à la décision. D’autre part, et de même que pour les points de référence, un décideur peut éprouver de la difficulté à fixer certains paramètres préférentiels (seuils et poids). Henriet propose à cet effet une procédure permettant de construire à partir de points exemples les coefficients d’importance relative des différents critères (poids) qui entrent en compte dans le processus d’aide à la décision.
21Le CJCA a donc mis sur pied un comité d’intervenants experts avec lesquels il a fallu notamment apprécier, dès le départ, les seuils de préférence et de discordance dans les critères à retenir pour les diverses dimensions, les indicateurs définissant la situation du jeune, les composantes de l’échelle de gravité/capacité et le poids accordé aux diverses variables. Des intervenants et des chefs de service ont aussi été mis à contribution pour procéder à des accords interjuges sur les critères (et leur importance dans la contribution à la décision) à considérer dans la « fabrication » de la décision d’orientation vers tel ou tel type de ressources de réadaptation.
22De nombreux tests de mise au point ont aussi été faits en cours de route et le système, dans sa phase initiale, a été expérimenté avec plus d’une centaine de demandes de placement, avec la préoccupation d’observer si la décision prise par l’expert était conforme à la décision suggérée par le système. Une analyse a ensuite été faite des situations où un écart était observable. Il s’est avéré que les écarts étaient dus principalement à des questions d’âge ou de sexe, ou à des contraintes cliniques (comme l’évitement d’une interface quotidienne entre un agresseur et sa victime).
23Comme l’ont montré Brézillon et Tijus (2005), le recours à ce type de démarche se fait dans une perspective d’optimisation combinatoire, les décideurs ayant à configurer de façon optimale les éléments considérés dans la décision (qui, dans le cas présent, appartiennent à la situation de l’adolescent, aux capacités de l’environnement et au profil des ressources disponibles) et le poids accordé à ces différents éléments dans des situations singulières.
dimensions et critères décisionnels
24L’outil développé par le CJCA permet d’abord de considérer, dans la recherche d’informations utiles à la décision, trois grandes dimensions : les capacités fonctionnelles du jeune, les capacités personnelles du jeune et les capacités environnementales. Dans chacune de ces dimensions, une série de critères sont explorés (entre quatre et dix). Les critères retenus dans l’établissement des niveaux de gravité et de récurrence sont le fruit d’une longue démarche de réflexion fondée sur l’expérience d’intervenants experts issus des secteurs de la protection et de la réadaptation au CJCA et sur des calculs répétés d’accords interjuges dans la catégorisation proposée. Lors de la décision d’orientation, l’intervenant demandeur de placement est systématiquement questionné par le responsable de l’admission sur ces variables et c’est ce dernier qui cote la situation dans le SCIADOR.
les dix critères relatifs aux capacités fonctionnelles du jeune
251. Le tableau 1 présente un extrait de la grille analysant les capacités fonctionnelles du jeune sous l’angle des problèmes qu’il présente. L’extrait concerne l’éventualité d’un trouble d’apprentissage sur le plan scolaire.
262. Sous l’angle du trouble de comportement sur le plan familial, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) manipulation, opposition à l’autorité, difficulté de communication, isolement, non-participation aux activités familiales (modéré) ; c) non-respect de l’autorité et des règles, mensonges persistants, dénigrement, langage grossier (sérieux) ; d) défie et provoque toute forme d’autorité, fugues diurnes ou nocturnes, violence verbale, vols intrafamiliaux (important) ; e) violence physique ou psychologique (intimidation) ou menaces à l’intégrité, agression sexuelle, atteinte aux biens matériels (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
273. Sous l’angle du trouble de comportement sur le plan social, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) pas de relations sociales durables, isolement, inhabileté sociale, relations sociales virtuelles (modéré) ; c) relations sociales médiocres, fréquentations de pairs marginaux, aucun engagement social persistant (sérieux) ; d) violence verbale, agirs sexuels déviants ou compromettants, prostitution, comportements antisociaux, irrespect des autorités sociales, fréquentation à risque (important) ; e) violence physique ou psychologique, intimidation ou menaces à l’intégrité, incitation à la délinquance, violence gratuite, « homme de main », soumission à des abus par des tiers (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
284. Sous l’angle du trouble de comportement sur le plan personnel, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) influençabilité, affirmation inappropriée, passivité, apathie, isolement volontaire, limitation dans l’investissement affectif (modéré) ; c) engagement négatif, leader négatif, principe du plaisir très présent, incapable de répondre à ses besoins de façon responsable (sérieux) ; d) acting out, impulsivité, imprévisibilité, intolérance à la frustration (important) ; e) implosion émotionnelle, déni très élevé, décrochage, absence de culpabilité ou remords devant des actes répréhensibles, imperméabilité à l’intervention (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
295. Sous l’angle du risque de fugue ou d’évasion, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) verbalisations sans antécédent, propos et scénarios non concrétisés (modéré) ; c) verbalisations et antécédents, fugues répétitives et risque de mettre sa sécurité et son développement en danger (sérieux) ; d) verbalisations et antécédents chroniques, fugues chroniques et risque de mettre sa sécurité et son développement en danger mais tout en étant en contrôle avec son environnement (important) ; e) verbalisations et antécédents chroniques avec conséquences graves mettant en danger sa sécurité et son développement de manière significative (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
306. Sous l’angle de la toxicomanie, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) consommation expérimentale (moins de 5 fois dans sa vie) ; b) consommation occasionnelle (de 1 à 3 fois par mois), drogues douces, alcool, médicaments (modéré) ; c) consommation régulière (de 1 à 2 fois par semaine), drogues chimiques sans assuétude forte (sérieux) ; d) surconsommation en tant que mode de vie, drogues chimiques avec assuétude forte (important) ; e) consommation abusive, excessive, sans arrêt (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
317. Sous l’angle de l’urgence suicidaire, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) flashs ou idéation suicidaire (modéré) ; c) ruminations ou plan organisé dans plus de 48 heures, avec prescription de niveau d’encadrement et de surveillance adaptés (sérieux) ; d) plan organisé dans moins de 48 heures ou tentative en voie de réalisation, avec prescription de niveau d’encadrement et de surveillance adaptés (important) ; e) jeune référé au protocole et prescription de niveaux de surveillance, avec verbalisations et antécédents chroniques nécessitant l’application de mesures spécifiques (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
328. Sous l’angle de la délinquance, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) vols à l’étalage (modéré) ; c) vandalisme, vols par effraction (sérieux) ; d) LSJPA : vols qualifiés, trafic de stupéfiants, menaces de mort sans vouloir passer à l’acte (important) ; e) LSJPA : risque d’évasion, abus de tiers ou agression sexuelle, violence physique (voies de fait), tentative de meurtre (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
339. Sous l’angle de la santé ou de la maladie mentale, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en termes de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) problème de santé mentale avec ou sans médication, jeune fonctionnel au quotidien avec soutien (modéré) ; c) problème de santé mentale avec ou sans médication, jeune relativement fonctionnel au quotidien, qui nécessite un encadrement (sérieux) ; d) problème diagnostiqué de maladie mentale avec médication, qui demande ajustement au besoin, jeune peu fonctionnel au quotidien (important) ; e) problème diagnostiqué de maladie mentale, jeune dysfonctionnel au quotidien, dangereux pour lui ou pour les autres, ne reconnaît pas son problème de maladie mentale (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
3410. Sous l’angle d’une déficience liée à un problème physique, il faut d’abord que l’évaluateur précise si le problème est circonstanciel, récent ou persistant. Quant aux indicateurs du degré de gravité, ils se déclinent ainsi : a) aucune gravité en terme de durée, intensité, fréquence et étendue des manifestations ; b) problème physique non diagnostiqué présentant une lenteur et un manque d’autonomie fonctionnelle (modéré) ; c) problème physique diagnostiqué avec ou sans médication affectant la vie quotidienne et limitant les activités (sérieux) ; d) problème physique diagnostiqué avec médication présentant une importante limitation au niveau des activités de la vie quotidienne et de l’autonomie (important) ; e) problème diagnostiqué avec médication demandant un soutien et une aide particulière dans l’exécution des tâches (extrême) ; f) gravité inconnue ou trop incertaine.
les six capacités personnelles du jeune
35L’étape suivante consiste à apprécier les capacités personnelles du jeune. La cotation sélectionnée doit être la plus représentative du jeune et l’échelle comporte quatre degrés. Une capacité existante et forte (très opérationnelle) est jugée adéquate. Une capacité présente, mais actualisée de façon aléatoire (imprévisible), est considérée observable. Une capacité incertaine, actualisée de façon aléatoire (imprévisible) est qualifiée de douteuse. Enfin, une capacité inexistante (très peu opérationnelle) est dite absente. Six critères sont pris en compte.
- Pour apprécier le degré de maturité décisionnelle, les indicateurs sont les suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) capacité d’autocontrôle, mais impulsivité, bonne autonomie, parfois irresponsable, possession d’acquis, mais rejet sporadique de ses responsabilités (observable) ; c) manque d’autocontrôle, se prend parfois en main mais pas sur une longue durée, peut nuire aux autres en répondant à ses besoins, manque de responsabilité, apprentissage et maintien des acquis si fortement stimulé, efficace si le nombre d’options offertes est limité (douteuse) ; d) absence d’autocontrôle, aucune tolérance à la frustration, aucune intériorisation des règles, position de victime, ne se prend aucunement en main, répond à ses besoins sans tenir compte des autres, irresponsable (absente) ; c) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Pour apprécier le degré de maturité comportementale, les indicateurs sont les suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) reconnaissance par le jeune de ses problèmes, mais peu de changement dans ses comportements, remords suite à des actes répréhensibles, mais rechutes (observable) ; c) reconnaissance des impacts de ses gestes, mais non-reconnaissance de sa responsabilité, inadéquation entre ses choix ou ses valeurs et son comportement (douteuse) ; d) comportement immature, en réaction, incapacité de voir les impacts de ses comportements parce que ne reconnaît pas comme problématique le geste posé ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Pour apprécier la motivation, les indicateurs sont les suivants : a) motivation, capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) reconnaissance de ses problèmes, mais manque de confiance, besoin de suivi et d’encouragement (observable) ; c) reconnaissance de ses problèmes, mais refus de modifier ses comportements puisque n’admet aucune responsabilité quant aux gestes posés (douteuse) ; d) non-reconnaissance de ses problèmes, refus de modifier ses comportements (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Pour apprécier la capacité socio-affective, les indicateurs sont les suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) ambivalence, instabilité émotive, investissement défaillant dans la relation, une certaine sensibilité aux autres (observable) ; c) contrôle d’autrui, liens utilitaires, sens moral en voie de développement, peu d’investissement affectif, discontinuité des liens, mais possibilité d’investissement (douteuse) ; d) hostilité, insensibilité aux autres, absence de remords et de culpabilité (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Pour apprécier la capacité d’autoévaluation, les indicateurs sont les suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) capacité de juger des effets de ses comportements et d’explorer des alternatives comportementales, mais inhabileté à les appliquer (observable) ; c) capacité à juger des effets de ses comportements, mais difficulté à explorer des alternatives comportementales et encore plus à les actualiser (douteuse) ; d) incapacité à juger des effets ou de la portée de ses comportements, de nommer ses comportements, repères égocentriques à la compréhension des personnes et des événements (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Pour apprécier la qualité des relations d’attachement, les indicateurs sont les suivants : a) capacité d’attachement, attachement sécurisant, sain, intériorisation de la sécurité nécessaire à un développement normal permettant de développer sa confiance en soi et s’inscrivant dans un mode relationnel sain pour le présent et l’avenir (adéquate) ; b) attachement évitant, comportements oscillant entre deux opposés, soit l’évitement et le rapprochement, possible alternance d’explosion de colère et de soudaine vigilance doublée de méfiance (observable) ; c) attachement ambivalent ou résistant, comportements caractérisés par l’anxiété et l’angoisse de la séparation (douteuse) ; d) attachement désorienté ou désengagé, détachement permanent, incapacité de vivre de l’intimité car elle constitue une menace et incapacité d’être empathique, relation narcissique et utilitaire avec autrui (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
les quatre capacités environnementales
36Enfin, il importe de coter les capacités environnementales ou la capacité du milieu familial ou social de soutenir les apprentissages du jeune ou son encadrement. La cotation sélectionnée doit être la plus représentative du milieu dans lequel le jeune évolue. Par ailleurs, il faut faire l’évaluation en fonction de l’autorité parentale du parent avec lequel le jeune vit ou est le plus en contact. Les capacités environnementales discriminent peu l’accès aux ressources, mais influencent largement la durée du service et l’orientation future. L’échelle comporte quatre degrés. La capacité de l’environnement à répondre adéquatement aux besoins du jeune est jugée adéquate. La capacité de l’environnement à répondre marginalement aux besoins du jeune est considérée observable. Lorsque l’environnement ne répond pas aux besoins du jeune, mais ne nuit pas à l’enfant, sa capacité est qualifiée de douteuse. Lorsque l’environnement ne répond pas aux besoins du jeune et peut lui nuire, sa capacité est dite absente.
- Au moment de situer la capacité des parents, l’évaluateur peut se référer aux indicateurs suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) reconnaissance des problèmes du jeune, acceptation mitigée de ses particularités (observable) ; c) reconnaissance partielle des problèmes et non-acceptation des particularités du jeune (douteuse) ; d) non-reconnaissance de leurs propres problèmes, des problèmes du jeune, non-acceptation des particularités du jeune (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Au moment de situer la volonté des parents, l’évaluateur peut se référer aux indicateurs suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) les parents seraient volontaires pour une intervention en milieu familial, mais ont besoin d’encouragement et de soutien (observable) ; c) les parents seraient volontaires, mais n’ont pas les moyens de faire face à la situation (douteuse) ; d) les parents ne sont ni volontaires ni motivés pour une intervention en milieu familial (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Au moment de situer l’encadrement disponible en milieu naturel, l’évaluateur peut se référer aux indicateurs suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) implication de ressources de la communauté ou de la famille élargie dans l’encadrement du jeune (observable) ; c) jeune parfois laissé à lui-même, sans encadrement ou sans encadrement adéquat (douteuse) ; d) jeune laissé à lui-même, sans encadrement ou sans encadrement adéquat (absente) ; e) capacité inconnue ou trop incertaine.
- Au moment de situer la capacité du milieu d’apprentissage (l’école ou le milieu de travail), l’évaluateur peut se référer aux indicateurs suivants : a) capacité existante et forte, très opérationnelle (adéquate) ; b) le milieu d’apprentissage tolère le jeune et tente d’offrir des services adaptés à ses besoins (observable) ; c) le milieu d’apprentissage tolère le jeune sans offrir de services adaptés à ses besoins (douteuse) ; le milieu d’apprentissage ne fait preuve d’aucune tolérance, n’offre aucun service de soutien (absente) ; capacité inconnue ou trop incertaine.
37Pour chacun de ces critères, on applique une échelle de gravité ou de capacité et une échelle de récurrence. Dans le cadre d’un questionnement de la responsable des admissions avec les différents demandeurs de placement institutionnel ou communautaire, pour chaque niveau de gravité/capacité, des indicateurs permettent d’apprécier la situation du jeune dont le placement est envisagé. Un poids a été accordé à chaque réponse. Dès que toutes les données sont entrées dans le système, celui-ci propose une orientation qui tient compte des paramètres et des frontières précisés pour les différentes ressources de réadaptation, selon la politique de l’établissement sur les mécanismes d’accès.
38Par exemple, pour la dimension des capacités personnelles du jeune, si on considère un des six critères, soit la maturité décisionnelle du jeune, l’échelle de récurrence pourrait indiquer « circonstanciel » (parce que nous assistons à un phénomène discontinu où un événement déclencheur est identifiable). Quant à l’échelle de gravité, elle pourrait indiquer « douteuse » en raison des indicateurs suivants : il y a manque d’autocontrôle, le jeune se prend parfois en main, mais pas sur une longue durée, il peut nuire aux autres en répondant à ses propres besoins (manque de responsabilité), il peut faire un apprentissage et un maintien des acquis s’il est fortement stimulé et il peut être efficace si le nombre des options qui lui sont offertes est limité.
39Le score obtenu pour le jeune lors de son exposition aux 20 critères du système conduit à une proposition où les poids indiquent des préférences d’orientation. Par ailleurs, le système a récemment été perfectionné afin de tenir compte de la situation d’un jeune déjà hébergé qu’on voudrait réorienter. En effet, dans un tel cas, un jeune pourrait « bien coter » sur certains critères ou sur certaines échelles tout simplement parce qu’il est encadré dans son milieu de vie institutionnel.
40La grille de résultats issue de l’utilisation des divers indicateurs donne lieu à une cotation des ressources de réadaptation appariées aux trois dimensions considérées. Le tableau 2 présente comment l’orientation vers telle ou telle ressource s’appuie d’abord sur la nature des problèmes présentés par le jeune. Le tableau 3 présente comment l’orientation vers telle ou telle ressource est aussi fondée sur les capacités personnelles du jeune. Finalement, le tableau 4 présente comment l’orientation vers telle ou telle ressource est complétée par l’évaluation des capacités de l’environnement. Dans tous les cas, les cinq colonnes de gauche décrivent les situations ou le responsable a le pouvoir décisionnel d’orienter un jeune vers les ressources de réadaptation avec hébergement. Les autres illustrent celles ou il joue un rôle conseil majeur dans l’orientation vers d’autres programmes ou services.
41Les contraintes d’âge ou de sexe ne sont pas traitées par l’outil, mais elles sont considérées ultérieurement par le décideur. Le système conserve en mémoire les orientations qui ne peuvent se réaliser avec la première préférence en raison de limites dues au sexe, à l’âge ou à d’autres caractéristiques comme le lieu géographique souhaité. Cela permet d’accumuler de l’information utile pour la planification, l’offre de services, la révision de la structure de distribution des services de réadaptation et même l’architecture des installations.
42Le système permet de prendre une décision rapide quant à l’accès à l’une ou l’autre des ressources : ressources résidentielles de réadaptation, foyers jeunesse (FJ), résidences de réadaptation en communauté (RRC), centre de réadaptation en milieu ouvert (MO) ou en unité pour problématiques multiples (UPM), familles d’accueil avec services de réadaptation (FAR), famille d’accueil régulière (FA), programme de soutien intensif aux familles (PSIF) ou services de réadaptation externe (SRE).
43Il faut se rappeler qu’un système d’aide à la décision ne remplace jamais le décideur. Un décideur expérimenté peut être confronté à une orientation où la proposition du SCIADOR ne lui semble pas tenir compte d’informations qu’il détient, qui lui font accorder un poids différent à certaines variables et qui l’amènent à préférer une autre décision d’orientation. Cette situation est bien connue des psychologues, dont l’évaluation globale et les recommandations cliniques peuvent être fondées en partie sur les tests administrés à une personne, mais aussi sur d’autres considérations suggérées par leur expérience clinique. Le SCIADOR étant un système d’aide à la décision et non un logiciel de décision, le décideur peut toujours déroger à l’orientation suggérée par le système. La même possibilité est offerte aux utilisateurs du SSP lorsqu’ils ont à prendre des décisions relatives à la rétention d’un signalement, ou à l’évaluation de la compromission de la sécurité ou du développement d’un enfant.
44Durant quelques années, un comité aviseur s’est penché sur les décisions d’orientation opérationnelles qui différaient des orientations suggérées par le SCIADOR. Ce monitorage a permis d’ajuster l’affectation des poids accordés à certains indicateurs. En 2009, une revue a permis de constater que ces écarts décisionnels constituaient un épiphénomène tout à fait acceptable.
45À la suite de l’expérimentation de l’outil, une tournée des équipes d’intervenants a été entreprise par la responsable des mouvements de clientèle. Cela a permis de bien faire comprendre la nouvelle façon de procéder, de gérer les écarts de compréhension et de créer un climat de confiance autour du nouveau processus de gestion des orientations. Cela a notamment permis aux intervenants de constater que le processus d’orientation ne perdait aucune vertu clinique en devenant un processus assisté par ordinateur.
46La mise au point de l’outil a profité également de la contribution inestimable d’une employée effectuant un travail de maîtrise (MBA) en modélisation et décision organisationnelle, qui a orienté son projet afin de soutenir les travaux en cours dans l’établissement.
composition et fonctionnement de l’équipe
47L’équipe de mise au point de l’instrument était composée originellement d’un expert de la direction des services professionnels, d’une professionnelle de la direction des ressources financières, matérielle et informationnelles spécialisée en analyse de système et de la coordonnatrice des admissions et mouvements de clientèle admise. S’est ajoutée, durant toute la phase d’expérimentation, une équipe d’intervenants en protection et en réadaptation, agissant comme groupe critique et comité aviseur.
48L’instrument est entré dans la pratique courante du service des admissions en 2004 et, six ans plus tard, il sert encore de référence principale pour l’orientation vers les services de réadaptation avec hébergement. Ce système est exportable dans d’autres centres jeunesse. Après un travail de calibrage pour ajuster l’outil aux ressources différenciées disponibles dans telle ou telle région, les personnes préposées à l’admission ou aux mouvements de clientèle peuvent l’opérer, c’est-à-dire saisir les demandes dans le SCIADOR à partir de l’information transmise par les intervenants. Il s’agit de diffuser aux intervenants demandeurs de placement le document qui présente les dimensions et les indicateurs retenus, afin qu’ils fassent leur analyse de façon à obtenir l’information requise. Ils pourront alors répondre aux questions que les responsables des admissions poseront à partir de l’outil.
49Au CJCA, l’opération se fait en temps réel, car la responsable des admissions saisit directement dans le système l’information livrée par les intervenants en réponse aux questions posées. Les intervenants n’ont donc pas à remplir de questionnaire. Ils se contentent de répondre aux questions du responsable des admissions à partir de l’information qu’ils ont déjà recueillie sur la situation ou des rapports dont ils disposent. Il arrive que la proposition d’orientation ne puisse émerger immédiatement, notamment quand l’intervenant n’a pas les réponses à des questions significatives et qu’il doit compléter sa connaissance de la situation. À ce titre, les intervenants demandeurs de placement font partie de la grande équipe de personnes qui bénéficient de l’outil, mais qui sont aussi responsables de son efficacité.
évaluation
50Un des principaux résultats produits par le SCIADOR est l’uniformisation et le resserrement du processus de gestion des mouvements de clientèle. Les différents demandeurs de placement sont interpellés à partir des mêmes questions et ils doivent documenter les mêmes critères utiles à la décision de placement. Cela se traduit parfois par des réorientations de la demande ou de la stratégie clinique. Il arrive en effet qu’une connaissance plus organisée du jeune et de ses capacités écarte l’hypothèse du placement institutionnel comme stratégie adéquate. On observe aussi, en cours de placement, moins de réorientations résidentielles dues à l’insuffisance initiale d’informations pertinentes sur la situation. Le système permet également d’identifier des services qui risquent de mieux répondre que le placement institutionnel à la demande ou à l’objectif poursuivi.
51Le système mis en place a contribué à raccourcir le processus décisionnel, car l’organisation des données obtenues et l’attribution des poids appropriés permettent d’induire une orientation. Il ne reste finalement qu’à vérifier sa pertinence, eu égard à des caractéristiques de la situation ou du jeune dont le système n’aurait pas réussi à tenir suffisamment compte. Et, comme il a été souligné précédemment, une fonction mémoire du système permet de conserver les situations où la situation requérait une ressource ou un service qui s’est révélé non accessible en raison de la distance, du sexe, de l’âge, de l’organisation interne ou du lieu géographique.
52Somme toute, le principal résultat de l’implantation du SCIADOR est une plus grande sûreté personnelle et institutionnelle dans l’orientation des jeunes vers le bon service ou la bonne ressource au bon moment. On a également constaté que le système pourrait facilement être utilisé dans d’autres milieux en étant ajusté en fonction des caractéristiques des ressources ou des services disponibles.
53D’après les rétroactions recueillies auprès des intervenants, les décisions paraissent plus confortables et cohérentes, en plus d’être prises dans un délai plus court. Le recours au système évite notamment des escalades de services, car les acteurs concernés savent mieux, et plus tôt, quelle ressource tient le mieux compte du large ensemble de critères et de facteurs considérés. Il est clair que la gestion des places s’en trouve grandement facilitée. Jointe à d’autres mesures prévues dans le Plan de rapprochement des services de réadaptation en communauté, l’utilisation du système d’orientation a contribué à la disparition des pics d’engorgement récurrents, qui étaient auparavant observables à divers moments de l’année, ce qui s’est révélé fort intéressant pour une région où le ratio de places par rapport à la population jeunesse est un des plus bas au Québec.
54Des rétroactions ont aussi été recueillies parmi les utilisateurs. Les concepteurs ont tenu de nombreuses séances de travail avec ces derniers, afin, notamment, d’apprécier la congruence entre les décisions d’orientation proposées par le SCIADOR et les décisions réelles (il faut se rappeler que les écarts constituent un faible pourcentage des décisions prises). Des ajustements ont aussi été apportés à quelques reprises dans les poids accordés à des indicateurs ou à des critères. Cela dit, le centre jeunesse n’a pas encore réalisé d’étude formelle de validation scientifique du SCIADOR. Cette avenue demeure intéressante et pourrait constituer une belle opportunité pour un chercheur ou pour un étudiant à la maîtrise ou au doctorat en intelligence artificielle, en mathématiques, en management ou en analyse stratégique.
Bibliographie
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références
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Notes de bas de page
1 En électronique, un réseau dit neuronal est un modèle qui reproduit le comportement du cerveau humain. Il s’agit donc d’un système intelligent qui évolue en fonction de son environnement et de ses expériences. Au gré de leurs expériences et des échanges qu’ils réalisent entre eux, les neurones élargissent leurs connaissances. Le SSP est basé sur une telle conception et constitue une base de connaissances issues d’une modélisation du savoir des intervenants et appelées à croître sans cesse.
2 Bernadette Bouchon-Meunier est rédactrice en chef de l’International Journal of Uncertainty, Fuzziness and Knowledge-Based Systems. Elle est l’auteure de cinq livres sur la logique floue et le traitement d’incertitude en intelligence artificielle.
Auteurs
Coordonnateur de la promotion et du contrôle de la qualité des services, CJCA
Spécialiste en développement organisationnel, CJCA
Coordonnatrice des admissions et du mouvement de la clientèle en réadaptation, CJCA
Coordonnatrice des ressources de type familial, CJCA
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