5. Apprendre des autres
p. 119-138
Texte intégral
Les leaders en devenir ont tous appris de personnes qui leur ont servi de mentors, de coachs, de passeurs, de challengers, de modèles et parfois même d’antimodèles. Comment leur ont-elles permis de s’actualiser ? Comprendre l’influence de ces individus dans l’actualisation du leadership permet d’en retirer un bénéfice maximal et de pouvoir rendre la pareille à d’autres personnes en devenir. Ce chapitre explore les facteurs relationnels de l’apprentissage dans l’actualisation d’un capital de leadership.
1Robert Dutton, PDG de Rona, atteste que les développeurs de son capital de leadership ont été nombreux et ont exercé des influences différentes. Ses parents – ses principaux modèles – lui ont inculqué des valeurs d’entraide et de travail assidu. Ses premiers employeurs lui ont plutôt proposé des défis en lui confiant des responsabilités inattendues qui l’obligeaient à sortir de sa réserve habituelle. Enfin, des mentors spirituels l’ont guidé à divers moments critiques de ses réflexions sur ses dilemmes de chef d’entreprise et d’humaniste.
2Les parents de Monique F. Leroux, présidente du Mouvement Desjardins, ont aussi été, dit-elle, ses premiers modèles. Ils lui ont enseigné très tôt le sens du devoir, du travail bien fait et de l’autodiscipline, mais il y a eu d’autres mentors dit-elle. Elle ajoute un autre développeur indirect de leadership : travailler dans un climat de confiance et de transparence1.
3Les développeurs de leadership varient selon les étapes de l’existence : tantôt ce sont les parents, tantôt c’est un éducateur, un employeur, un conjoint, un personnage de l’actualité ou de l’histoire. Peu importe leur origine, l’important est de bien accueillir ces relations et même de les rechercher.
4Dans les pages qui suivent, les différents rôles que peuvent jouer les personnes significatives sont présentés. Apprendre à reconnaître ces rôles permettra d’une part, de s’en inspirer plus efficacement dans l’actualisation de son capital de leadership et d’autre part, d’en aider d’autres dans leur développement.
Les six catégories de développeurs du capital individuel de leadership
5Au fil des années, les entretiens avec des leaders de tous les milieux ont fait ressortir l’existence de six rôles principaux que peuvent exercer des personnes significatives dans l’actualisation du leadership : mentor, coach, challenger (« proposeur de défis »), passeur, modèle et antimodèle. Leurs axes d’intervention sont, respectivement : orienter, instruire, mettre au défi, mettre en rapport, inspirer et « contre-inspirer ».
6Le mentor a pour fonction principale d’orienter son protégé par ses questions et ses réflexions sur le sens. Celle du coach est d’instruire. Celle du challenger est de mettre l’autre au défi et de l’amener à se surpasser. Celle du passeur est de mettre en rapport la personne avec des gens, des programmes, des activités qui pourraient lui être utiles. Le modèle est celui qui inspire par ses valeurs et ses réalisations. Quant à l’antimodèle, il inspire par la négative, car il est celui à qui on ne veut pas ressembler. La figure 5.1 illustre ces différents rôles et axes d’influence dans l’actualisation du leadership.
Figure 5.1. Axes d’influence des développeurs de leadership
7 1. Le mentor. Le mentor est celui qui guide la personne dans l’acquisition de ses valeurs, de sa vision, de ses orientations personnelles, professionnelles ou organisationnelles. Il permet au mentoré de prendre du recul face à son quotidien. Le mentor s’inscrit dans une perspective à long terme ou accompagne durant des périodes de remise en question. Le mentor a une expérience qui lui permet d’orienter les décisions de son protégé. En posant les bonnes questions, le mentor, par une démarche analogue à celle de Socrate avec ses disciples, aide son protégé à réfléchir par lui-même sans lui fournir nécessairement de réponses spécifiques. Il peut également donner des conseils, mais leur portée est à plus long terme que ceux du coach.
8Il existe différents types de mentors : spirituel, intellectuel, de carrière, d’affaires, communautaire, externe ou interne à une organisation. Le bon mentor incite l’aspirant au leadership à développer en profondeur sa réflexion et sa rigueur morale ou scientifique, et il guide à bon escient la prise de décisions majeures. Il joue un rôle important dans l’actualisation du capital de leadership en favorisant chez le mentoré, par le dialogue plutôt que par des instructions, les réflexions sur le sens de la vie et le rôle du travail. Il met l’accent sur l’importance de l’engagement, de la responsabilisation, de l’intégrité, du développement démocratique et durable des personnes et des organisations.
9Le mentor a une influence moins bénéfique lorsque les valeurs transmises sont éloignées de l’éthique, lorsque le protégé glisse vers une relation de dépendance envers lui, lorsque le mentor filtre l’information et contrôle son interlocuteur plus qu’il ne le soutient dans son cheminement2.
10Les difficultés surviennent aussi lorsque la relation manque de continuité pour de multiples raisons : rencontres en nombre insuffisant, conflits de priorités, absence de véritable engagement à l’égard du programme de mentorat ou incompatibilité entre le mentor et son protégé.
11Le mentorat informel entre deux individus, à l’intérieur comme à l’exté rieur de l’organisation, peut avoir une influence aussi importante, sinon plus, que le mentorat formel, puisque les personnes se choisissent de manière spontanée.
12Les meilleurs mentors sont donc ceux recrutés par les aspirants leaders eux-mêmes, la marque d’un futur leader résidant dans sa capacité de s’associer les personnes qui accéléreront leur développement3.
13Martine Clément, présidente d’une entreprise spécialisée dans le recouvrement plastique de pièces pour l’industrie aéronautique (la Société de Galvanoplastie Industrielle), mentionne le rôle crucial qu’a joué son mentor spirituel, un jésuite, en l’amenant à approfondir son sens de la responsabilité sociale et morale en tant que propriétaire et chef d’entreprise.
14Marie-Claude Peyrache aussi a bénéficié des conseils d’un mentor qui l’a soutenue dans les moments clés de sa carrière tout en réfléchissant avec elle à une vision à long terme du parcours à suivre. Un des premiers enseignements qu’elle a retenu concernait l’importance d’acquérir une expérience internationale, non seulement en raison des compétences à développer (compétences linguistiques, perspective globale, connaissance des marchés, possibilité accrue d’exercer des responsabilités importantes), mais aussi en raison de la valeur ajoutée que cela représenterait éventuellement pour l’entreprise.
15Plusieurs sociétés, comme par exemple Michelin et Bombardier, ont implanté des programmes de mentorat pour les nouveaux employés, pour les individus au potentiel élevé et pour les gestionnaires à divers paliers de l’organisation. Ces programmes réduisent le temps d’apprentissage des individus, les assistent dans leur choix de carrière à l’intérieur de l’organisation et contribuent à transmettre la culture de l’entreprise.
16C’est donc un rôle de sage que joue le mentor, avec une portée éducative qui se veut vaste et à long terme. Ses modes d’intervention dominants sont d’orienter (voir figure 5.1) et de permettre des apprentissages à long terme ; les réflexions se font sur les stratégies à mettre en œuvre, et sur les préceptes à la base de ces stratégies.
17 2. Le coach. Le coach (ou instructeur) est une personne qui transmet des connaissances spécifiques concernant l’exercice du leadership. À la différence du mentor, le coach a une approche davantage orientée vers le court ou le moyen terme, plus axée sur les comportements à adopter et sur les conseils tactiques que sur la vision d’un futur lointain. Le coach permet de faire évoluer une situation en prodiguant des avis précis et en posant des questions à portée relativement immédiate4. Alors que le mentor soutient l’autre dans une perspective à long terme en l’aidant à identifier ses valeurs, le coach, plus tactique, l’instruit grâce à son savoir-faire sur un sujet.
18Il existe des coachs formels comme il existe des coachs informels et spontanés, qui se manifestent dans des situations précises. Une personne rencontre en général plus de coachs que de mentors.
19Le danger que représente cette catégorie de développeurs du leadership tient au fait que certains individus s’improvisent coachs malgré une démarche se rapprochant davantage de celle du clinicien, sans posséder la formation requise et en se risquant à poser des diagnostics ou en prescrivant des cheminements de type thérapeutique. L’aspirant au leadership doit porter une attention particulière aux approches préconisées par un coach.
20Un bon coaching, tout comme un bon mentorat, donne des résultats satisfaisants lorsque la relation entre les deux partenaires est voulue et empreinte de respect mutuel, lorsqu’il y a une entente claire sur les objectifs visés, que le coach est parcimonieux dans ses conseils, préférant répondre à une interrogation plutôt que de tout révéler d’emblée, lorsqu’il est à l’écoute de son interlocuteur et le soutient sans le juger et, à la différence du mentor, lorsqu’il peut au besoin fournir des commentaires sur les performances de son protégé.
21Idéalement, une entente de développement de compétences devrait être conclue entre le coach, le principal intéressé, le supérieur immédiat ou un responsable des ressources humaines. Ce type d’entente circonscrit clairement les objectifs de développement, l’approche privilégiée, le nombre de rencontres, les termes de confidentialité et les réunions tripartites visant à faire le point sur les progrès.
22Les objectifs du coaching sont généralement de deux ordres : développer des compétences spécifiques ou remédier à des écarts de comportement ou de performance. La période de coaching est précédée géné ralement d’un bilan de compétences ou d’un plan de développement.
23Le coach permet d’actualiser le capital de leadership en donnant à son interlocuteur la possibilité de développer plus rapidement certaines compétences dans un contexte donné.
24 3. Le challenger. Le rôle de challenger dans l’actualisation du capital de leadership est totalement différent des deux précédents.
25Le challenger a une influence considérable auprès de ceux qui l’entourent grâce au niveau très élevé de ses attentes. Il les met au défi de se surpasser dans le cadre de projets exigeants ou face à des tâches nouvelles, bref hors de leur zone habituelle de confort. Aux yeux du challenger, les défis qu’il donne, quoique exigeants, ne sont pas pour autant au-dessus de leurs capacités. C’est justement parce qu’il croit en leurs capacités que le challenger exerce un rôle important dans l’actualisation de leur capital de leadership.
26Ce chef de division est l’exemple type du challenger qui attend de son équipe et de ses proches collaborateurs une contribution de haut calibre. Il donne des mandats à des personnes que d’autres jugeraient manquer d’expérience. Plusieurs professionnels se sont surpassés en raison justement du niveau élevé de ses exigences et des expériences de leadership qu’ils ont vécues. Mais plusieurs ont fui aussi devant ses attentes appréhendant les efforts à fournir ou craignant de ne pas être à la hauteur des défis.
27Les apprenants et les aspirants leaders doivent reconnaître que les challengers les font avancer plus rapidement, justement parce qu’ils attendent un haut niveau de performance. En outre, les résultats obtenus lors d’expériences difficiles et exigeantes aiguisent le sentiment d’efficacité personnelle et le savoir-faire sous-jacents à tout acte de leadership.
28Tirer parti du challenger, c’est accueillir le défi proposé comme une occasion de se développer davantage et d’accroître un sentiment d’efficacité personnelle face au leadership5.
29Caroll L’Italien, ancien cadre supérieur chez Bombardier et Alcan et aujourd’hui à sa retraite, a bénéficié d’un challenger quand il a amorcé sa carrière. Âgé de 24 ans et fraîchement diplômé en relations industrielles, il se voit confier une lourde tâche par son premier employeur : négocier la convention collective de 3 000 employés et établir les politiques en ressources humaines. A-t-il l’expérience ? Non. A-t-il même déjà démontré des compétences de négociateur dans d’autres situations ? Non. Il accepte néanmoins de relever le défi. Il comprend fort bien que cette expérience, bien qu’exigeante, sera riche d’enseignements. Selon lui, cette expérience a été un terreau fertile d’actualisation de son capital leadership.
30Lorsque les expériences enrichissantes surviennent tôt, elles sont porteuses d’enseignements très bénéfiques pour le reste de la vie active. Toutefois, les défis favorisant l’actualisation du leadership peuvent être profitables à tout âge. En témoigne l’expérience de Bill. Ingénieur au tempérament effacé, il est propulsé à l’âge de 40 ans à la direction d’un projet complexe qui connaissait des dérapages importants, tant dans la livraison des produits que sur le plan des coûts de production. Son nouveau patron lui donne l’occasion de faire ses preuves. Cette marque de confiance, la combativité ainsi acquise et le savoir-faire technique de Bill lui permettent de remettre le projet sur les rails. Cette expérience, authentique moment de vérité, lui a permis de progresser et d’accepter par la suite d’autres défis de leadership.
31Les challengers sont donc des personnes qui peuvent éveiller un potentiel latent en raison même des défis qu’ils proposent et des réalisations de haut niveau qu’ils attendent. Les professionnels chevronnés, les supérieurs immédiats ou les éducateurs deviennent des challengers lorsqu’ils augmentent les standards de qualité. Un partenaire, un client, peut également jouer le rôle de challenger lorsqu’il demande l’excellence.
32La démarche des trois premiers développeurs de leadership présentés ci-haut – le mentor, le coach et le challenger – est généralement proactive et délibérée. Les trois suivants – le passeur, le modèle et l’antimodèle – exercent plus souvent leur influence sans que l’instigateur en soit conscient ou en ait la volonté explicite.
33 4. Le passeur. Le passeur est le type de personne qui donne accès à des individus, à des expériences ou à des informations qui faciliteront le développement accéléré d’un capital de leadership. Le passeur permet le passage d’une étape de vie à une autre étape, tout comme celui qui, au moyen d’un traversier, amène les passagers d’une rive à l’autre. Le passeur donne accès à des possibilités qui sortent de l’ordinaire, de sorte que l’aspirant qui saisit l’occasion peut se développer autrement. Le passeur n’agit pas directement, il ne lance pas de défis à la manière du challenger, il n’inspire pas à la manière d’un modèle. Essentiellement, il facilite le passage d’une réalité à une autre. Mais la traversée vers l’autre rive a des chances de modifier significativement le cours de l’histoire du passager.
34Plusieurs aspirants leaders ont évolué au départ dans des milieux (organisationnel, professionnel, familial ou autre) peu propices à l’actualisation de leur leadership et de leurs aspirations. Des passeurs ont fait toute la différence. À titre d’exemple, George L. a eu un patron qui a rempli cette fonction alors qu’il était jeune fonctionnaire. Cet employeur lui a donné l’occasion de s’inscrire à un programme international de formation supérieure dans une université américaine. Grâce à ce patron, il a acquis des connaissances approfondies dans un contexte qui a modifié de façon irréversible ses paradigmes personnels.
35Gabrielle Chanel est née dans une famille très modeste et surtout très instable. À sa sortie de l’orphelinat où elle a passé toute son adolescence après le décès de sa mère, elle rencontre Étienne Balsan. Sans en anticiper les conséquences, celui-ci joue un rôle de passeur radical. Il va l’introduire à un tout autre monde et à une tout autre réalité : celle des gens aisés, de l’aristocratie, des bourgeois, des financiers et des intellectuels. Ce monde deviendra le sien. Ses acteurs seront dorénavant ses clients, parfois ses amis. Que serait devenue Chanel si ce passeur ne s’était pas manifesté ? Si elle n’avait pas été réceptive et une fine observatrice des façons de faire et de penser de ce nouveau monde ? Serait-elle restée simple couturière ? Les passeurs jouent des rôles primordiaux en autant que les aspirants leaders ou les jeunes professionnels aient l’esprit ouvert aux occasions qu’ils leur présentent.
36Trois niveaux de passeurs sont possibles : le passeur indirect, le passeur direct et le passeur radical.
37Au premier niveau, se trouvent les passeurs qui donnent accès indirectement à une autre vision ou à d’autres expériences en transmettant une information ou en introduisant l’aspirant au leadership à des personnes qui, elles, joueront un rôle plus direct : mentor, coach, challenger.
38Au deuxième niveau, le passeur donne accès plus directement à des expériences ou à des programmes de développement qui seront significatifs pour l’actualisation du capital de leadership. Le gestionnaire exerce cette influence lorsqu’il facilite la participation de son employé à de nouvelles assignations ou lorsqu’il encourage une personne à s’adjoindre un coach ou un mentor qui l’assistera dans l’actualisation de son leadership.
39Le troisième niveau de passeur est plus radical : le passeur extrait la personne de son milieu pour l’intégrer dans un univers diamétralement opposé, en lui offrant une perspective tout à fait différente de sa réalité ou du futur qu’il imagine. Tel a été le cas d’Étienne Balsan, qui a fait connaître à Gabrielle Chanel un monde à l’opposé du sien. C’est aussi un passeur radical qui a permis à un JF désabusé, qui plafonnait dans une entreprise financière, de s’engager dans une toute autre aventure professionnelle, dans une toute autre organisation et dans un autre type d’industrie où ses talents et ses aspirations se sont enfin épanouis.
40Le tableau 5.1 résume les différents types de passeurs, leurs actions et leur influence potentielle.
Tableau 5.1. Les passeurs, leurs actions et leurs influences potentielles
41 5. Le modèle inspirant. L’apprentissage social au leadership peut reposer aussi sur l’imitation de modèles qui nous font découvrir ou qui valident nos intérêts, valeurs et aspirations. Les modèles peuvent se trouver dans l’environnement immédiat, à travers des écrits ou des histoires de cas. Généralement, les aspirants au leadership s’inspirent de modèles dont ils se croient être capables de reproduire certaines caractéristiques, qu’il s’agisse de valeurs ou de comportements.
42Les leaders rencontrés au fil des années citent une variété de modèles dont ils se sont inspirés à différents moments de leur vie. Pour plusieurs, les parents ont exercé ce type d’influence. Parfois, le modèle a été un professeur ou un ami de la famille. Puis, au fur et à mesure que leur horizon s’est élargi, les modèles sont apparus dans d’autres milieux : le monde du travail, le monde politique, le milieu communautaire, le milieu religieux ou celui des loisirs.
43Jean-Marie de Koninck, le fondateur de Nez rouge, précise que ses propres modèles de leadership ont été dans les faits des morceaux d’inspiration puisés chez différentes personnes : ses parents, des sportifs, un professeur de mathématiques au primaire, et plusieurs autres. Il ajoute qu’il s’inspire aussi de certaines idées et façons de faire de quelques leaders politiques6 non pas de façon globale, mais dans certains aspects de leur personnalité. On n’est pas l’autre, dit-il, mais on peut prendre certaines de leurs idées et de leurs façons de faire.
44Les modèles inspirent les émules potentiels de façon spécifique ou holistique. L’influence est plus marquante lorsque ces derniers ont une certaine idée de ce qu’ils recherchent dans la vie, même si c’est encore imprécis. Les modèles peuvent exercer leur effet par leur visibilité ou leur accessibilité. La visibilité a trait à leur présence dans l’environnement immédiat, mais aussi dans les médias et les publications. Leur accessibilité concerne leur degré de disponibilité par le biais de rencontres et d’échanges directs (voir tableau 5.2).
45Le potentiel le plus élevé d’émulation touche des modèles dans l’entourage immédiat : parents, éducateurs, chefs d’équipe, gestionnaires, formateurs, collègues de travail, intervenants dans la communauté que l’on côtoie. En observant ces modèles familiers, les aspirants peuvent apprendre à reproduire de nouveaux comportements. Ils peuvent en déduire leur propre potentiel, et se mobiliser à se dépasser.
46Pour de nombreux leaders, leurs parents ont été de puissants modèles qui leur ont permis d’acquérir les valeurs fondamentales à la base de leur leadership. Le père de Maria Fernandez lui a communiqué des valeurs de travail, d’honnêteté et de détermination. Un modèle très inspirant pour Martine Clément a été une Américaine, une leader communautaire dédiée à sa collectivité et qu’elle avait connue à l’âge de 16 ans.
Tableau 5.2. La variété des modèles selon leur visibilité et accessibilité
Modèles héros historiques |
Modèles médiatisés |
Modèles puissants mais très peu accessibles physiquement, psychologiquement et temporellement, |
Modèles qui font l’actualité, rapidement accessibles ; risque élevé de ne durer qu’un court moment. |
Modèles silencieux |
Modèles familiers |
Modèles peu visibles publiquement et éloignés en raison même de leur discrétion. |
Modèles très accessibles parce que dans l’environnement immédiat, mais leur visibilité est limitée aux membres du cercle privé. |
47Les modèles qui ont inspiré le président Barack Obama sont multiples. En premier lieu sa mère, par sa capacité d’œuvrer dans des milieux multiculturels variés et de contribuer à l’amélioration du sort des moins nantis, par exemple, en aidant des milliers d’Indonésiennes à accéder au micro-crédit. Sa grand-mère, éminente femme d’affaires, a été un modèle de force, d’accomplissement et d’humilité qui l’a incité à prendre des risques.
48Quant aux modèles de type héros historiques, ce sont aussi des modèles marquants, mais parfois la distance temporelle et contextuelle les rend difficiles à imiter, d’autant plus qu’ils ont souvent fait des choses extraordinaires à des moments uniques de l’histoire. Gandhi ou Churchill en sont des exemples types. Ils peuvent être une source d’inspiration en raison de leurs valeurs, de leur détermination, de leur courage ou d’autres caractéristiques. Rudolph Giuliani, maire de New York jusqu’en 2002, souligne dans ses mémoires qu’il a été inspiré par Churchill lors des événements du 11 septembre 20017. Il s’est remémoré comment Churchill avait été déterminé à aider les Londoniens à faire face à l’adversité lors des bombardements de la capitale anglaise durant la Deuxième Guerre mondiale. Du reste, en dehors des lectures reliées directement aux affaires courantes, les biographies historiques sont les ouvrages dont les leaders et les chefs d’entreprises s’inspirent le plus pour les guider dans leur travail8.
49Les modèles de type discret ne sont accessibles qu’à un nombre restreint de personnes. Modestes, ils rayonnent très peu en dehors de leur cercle privé. Leur influence limitée, bien que réelle, dépend des rencontres qu’ils font et de ce que l’on raconte à leur sujet. Les fondateurs d’entreprise qui interagissent peu avec leurs employés, parce qu’ils sont occupés à développer leur entreprise ou tout simplement parce qu’ils fuient les démonstrations publiques de leur talent et de leurs réalisations, sont des exemples types de ces modèles réservés. En fait, seuls ceux qui les entourent réalisent l’ampleur de leur contribution ou de leur leadership. Les chercheurs qui travaillent dans l’ombre, les leaders communautaires ou les bénévoles appartiennent à cette catégorie de modèles9. David Packard (de Hewlett-Packard) en fait partie : il refusait d’appartenir au club sélect des dirigeants avides d’améliorer la rentabilité de leurs entreprises au détriment du personnel. Il se voyait davantage au service de ses employés, qu’il considérait comme des partenaires10. Plusieurs aspirants leaders pourraient bénéficier de la présence de ce type de modèles, mais leur rayonnement demeure limité en raison de leur faible visibilité et accessibilité.
50La dernière catégorie de modèles est à l’opposé des modèles discrets. Ce sont les modèles médiatisés, hautement visibles et accessibles dans la communauté grâce aux médias. Ils vivent à la même époque que les émules potentiels. Ce sont aussi des modèles accessibles grâce à leur grande visibilité au sein de l’organisation ou de la société à laquelle ils appartiennent. Ils sont une source majeure d’inspiration, justement parce qu’ils sont contemporains, accessibles et connus d’un grand nombre de personnes. Ils peuvent avoir un effet positif sur ceux qui savent s’en inspirer.
51Malheureusement, ces modèles risquent d’être éphémères en raison de l’influence de certains médias qui peuvent un jour créer des images de héros plus grands que nature pour les déchoir le lendemain. Chez les électeurs et le public, le manque de confiance dans les leaders en tous genres et les politiciens n’est pas étranger aux déceptions créées par la chute brutale de ces héros dans l’opinion publique dès que leurs égarements humains sont connus. L’aspirant leader averti doit savoir être prudent devant les modèles offerts par des médias soucieux d’augmenter leurs tirages ou leurs cotes d’écoute.
52Il existe enfin un autre type de rôle significatif, mais qui opère à l’inverse des modèles mentionnés précédemment. Il s’agit de l’antimodèle, celui que l’on ne veut surtout pas imiter, mais qui peut néanmoins avoir une influence positive sur l’actualisation du leadership à condition que les aspects qui rebutent soient identifiés clairement.
53 6. L’antimodèle. Parmi les leaders rencontrés ou étudiés, plusieurs ont eu, dans leur entourage, des antimodèles – des individus qu’ils ne voulaient pour rien au monde imiter. Ces modèles négatifs ont eu malgré tout une influence positive en suscitant chez eux la motivation de trouver une autre direction ou d’agir différemment.
54Gabrielle Chanel a fort probablement rejeté sa mère comme modèle, notamment en raison de la grande dépendance affective et financière de celle-ci à l’égard de son père. Ce type de dépendance n’était pas rare à l’époque, mais ce qui est particulier dans ce cas, c’est que la mère de Gabrielle Chanel chargeait les grands-parents ou les tantes de s’occuper de ses enfants pendant qu’elle rejoignait son mari qui allait de village en village, exerçant divers petits métiers. C’est d’ailleurs lors d’une de ces escapades qu’elle s’épuisera pour mourir à l’âge de 36 ans, laissant derrière elle ses quatre enfants.
55Tout à l’opposé de sa mère, Gabrielle Chanel sera un modèle d’indépendance, tant financière qu’affective. Elle a certes aimé plusieurs hommes, mais elle ne s’est jamais abandonnée au point de tout quitter pour être avec l’un d’eux. D’ailleurs, se marier aurait signifié pour elle perdre une partie de ses droits au profit de son mari, puisque le code Napoléon en vigueur à son époque énonçait clairement la subordination de la femme à son mari. Les arrangements matrimoniaux étaient également au bénéfice de l’homme, puisqu’il devait autoriser toutes les transactions financières de son épouse. Bref, la femme était sous la tutelle du mari11. Gabrielle Chanel, femme d’affaires, chef de son entreprise, n’avait aucun intérêt à se retrouver dans ce type de situation.
56Les antimodèles peuvent donc avoir une influence très positive chez des aspirants leaders, ou toute autre personne, dans la mesure où ils comprennent ce qui les rebutent. Ils peuvent cependant avoir une influence négative lorsque l’observateur rejette complètement une personne, sans comprendre spécifiquement ce qu’elle rejette. C’est le cas, par exemple, de Francis qui avait rejeté entièrement son père comme modèle, alors que c’étaient seulement des aspects bien précis qu’il ne voulait pas assimiler. Il a même transféré sa relation conflictuelle avec son père à toute situation susceptible de rappeler l’autorité paternelle. Le père de Francis était, aux yeux de son fils, un financier dominateur et intransigeant, intéressé uniquement par les questions d’argent. Ne comprenant pas les sources de son aversion, Francis a rejeté pendant de nombreuses années toute activité professionnelle associée de près ou de loin à la comptabilité ou à la finance et qui aurait pu lui rappeler son père. Francis a finalement pris conscience que ce qui lui déplaisait chez son père était uniquement son intransigeance et sa mesquinerie. Il s’est découvert une passion pour les chiffres et il pu ensuite s’épanouir dans le monde de la finance. Ce n’est qu’au moment de cette prise de conscience qu’il a pu actualiser son potentiel dans la bonne direction.
57La connaissance de soi est un levier important de son propre leadership et les antimodèles représentent une source parmi d’autres d’information sur soi. Le coach et le mentor peuvent aider à mieux comprendre ces antimodèles et, plus spécifiquement, les caractéristiques que l’on refuse. Grâce à une meilleure compréhension de cette aversion et, par le fait même, à une conscience plus aiguisée, on peut libérer des énergies, renforcer sa capacité d’être authentique et de mieux entrer en relation avec autrui.
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Tableau 5.3. Apprendre des autres : synthèse
58L’apport des autres dans l’actualisation d’un capital individuel de leadership partagé a été décrit dans ce qui précède. Cet apprentissage social résulte de la manifestation de l’un ou l’autre des six rôles décrits. Il a pour effet de renforcer chez chaque individu le sentiment qu’il est en mesure de maîtriser son existence et qu’il est un atout important dans son milieu.
59Comment un groupe peut-il actualiser son potentiel collectif de leadership grâce à l’apprentissage social ?
Apprentissage social et développement du leadership partagé
60Mis à part les fondements du leadership partagé présentés en introduction – compréhensions communes, but commun, sentiment d’efficacité collective, co-responsabilité, imputabilités claires, dialogue supérieur, leadership individuel assumé – un groupe développe son capital collectif de leadership par apprentissage social si :
61 1. Les membres s’encouragent mutuellement et ouvertement à exercer leur leadership. Développer un capital collectif de leadership suppose non seulement l’expression du leadership de chacun, mais de changer de paradigme – saconception du leadership –et de concevoir le leadership partagé comme complémentaire au leadership vertical. Cet apprentissage demande des ajustements de part et d’autre, dont concevoir sa contribution non plus uniquement en relation avec un supérieur immédiat, mais surtout en lien avec un but commun. D’ailleurs, la méfiance généralisée envers les dirigeants crée une pression supplémentaire en faveur d’une forme complémentaire d’exercice de l’influence au moment où les nouveaux gestionnaires apprécient davantage l’initiative plutôt que l’obéissance12. Chaque membre peut faciliter l’apprentissage du leadership partagé au sein du groupe.
62 2. Il y a une manifestation de confiance de la part des détenteurs du pouvoir formel envers le groupe. Cette confiance se manifeste notamment lorsque l’autorité formelle délègue du pouvoir dans des sphères spécifiques et donne au groupe l’autonomie et les ressources requises à la prise de décision et d’actions. La confiance se manifeste aussi par des appréciations explicites par toute personne crédible, par exemple, par un expert, un membre de la direction ou un leader reconnu. La confiance manifestée envers le groupe renforce la croyance de celui-ci en sa capacité d’agir et de réussir.
63 3. Le capital de coopération – la force, la qualité et la permanence des rapports d’entraide et de considération entre les personnes –est suffisamment solide. Ce capital de coopération est constitué de la volonté commune du groupe, de la confiance mutuelle entre les membres, d’un bilan positif en matière d’entraide et de réciprocité13, et des valeurs de coopération renforcées par les personnes et les systèmes en place. La coopération est favorisée lorsque des normes claires sont établies à ce sujet et qu’il y a une transmission culturelle permettant l’évolution de comportements de coopération14. Par ailleurs, les recherches récentes révèlent que la coopération serait en soi une source physiologique de satisfaction et de plaisir15. L’état de ce capital de coopération fera en sorte que le groupe se mobilisera ou non en vue d’atteindre ses objectifs communs en leadership partagé.
64 4. Le groupe souhaite se développer en tant que tel, apprendre les uns les autres, apprendre de ses expériences. Le groupe renforce son leadership s’il se conçoit en plus comme un ensemble social où les membres peuvent apprendre les uns les autres et se développer collectivement. Grâce aux mécanismes de réflexion sur ses apprentissages et son fonctionnement d’équipe, le processus de rétroaction fera progresser le leadership partagé en consolidant les forces et en ciblant les améliorations nécessaires. Les équipes qui pratiquent un processus d’apprentissage collectif éprouvent un plus grand désir de collaborer ensemble. L’appren tissage coopératif qui en résulte a des effets positifs sur la pratique du leadership partagé16.
65Cependant, l’apprentissage du leadership partagé s’inscrit dans une intersubjectivité où les membres de l’équipe décodent les motivations et les comportements des uns et des autres. Le chef formel est-il parfois plus affirmatif, plus catégorique dans ses propos ? On en déduira alors qu’il retourne à un style plus directif et cassant. Le groupe est-il plus silencieux, prend-il moins d’initiatives ? Le chef d’équipe risque d’en déduire que son équipe ne sait ou ne veut pas s’engager davantage. Cette intersubjectivité fait partie de la transformation et elle mérite d’être discutée ouvertement pour que le progrès vers le leadership partagé soit accéléré plutôt que ralenti. La transformation est plus ardue si l’on s’explique mal les comportements des autres en les interprétant comme un retour au passé. Cette volonté lui permettra d’établir des mécanismes de réflexion sur ses apprentissages et son fonctionnement d’équipe.
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66En conclusion, apprendre des autres constitue un levier incontestable dans l’actualisation du leadership. Sur le plan individuel, actualiser son capital de leadership signifie beaucoup plus qu’obtenir des promotions ou des responsabilités importantes. Cela signifie intervenir sur le cours de sa vie en développant de plus en plus la capacité de changer les choses et d’améliorer la qualité de la vie des autres tout autant que la sienne.
67L’une des clés de l’actualisation individuelle est la recherche de relations qui seront significatives. Six types de relations significatives dans l’actualisation du capital individuel de leadership ont été détaillés dans ce chapitre. Comprendre l’apport de chacune permet de réaliser que les personnes significatives peuvent jouer l’un ou l’autre rôle à divers moments de notre existence. Il importe non seulement d’y être ouvert, mais aussi de les rechercher plutôt que d’attendre passivement que la chance les place sur notre route.
68Les développeurs potentiels du leadership peuvent décider d’exercer l’un ou l’autre de ces rôles auprès de la relève ou de leurs propres équipes. Leur influence dépend en grande partie de la réceptivité de l’apprenti au leadership et de sa capacité à agir de manière à encourager une relation avec un mentor, un coach, un challenger, un passeur ou un modèle. L’aspirant leader ne doit donc pas demeurer passif et attendre qu’on lui fasse signe. Il doit sortir de l’ombre et aller à la rencontre de ces développeurs.
69Sur le plan collectif, l’apprentissage coopératif favorise le leadership partagé.
Notes de bas de page
1 Papineau, J.-M. (2006), « Une CMA au sommet de son art », Elite CMA, <http//www.cma-quebec.org/fr/Ordre/TetesAffiche/Portraits/MoniqueFLeroux.aspx> ; Perron, A. (2008), Monique Leroux : L’équilibriste, Revue Commerce, juillet, p. 116-122.
2 Sulkowicz, K. J. (2004), « Worse than Enemies : the CEO’s Destructive Confidant », Harvard Business Review, vol. 82, no 2, 67-71.
3 Bennis, W. et Thomas, R. J. (2002), « Crucibles of Leadership », Harvard Business Review, vol. 80, no 5, p. 39-45.
4 Devillard, O. (2001), Coacher. Efficacité personnelle et performance collective, Paris, Dunod.
5 Bandura, A. (1977), Social Learning Theory, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall.
6 Proulx, J. (2006), Entrevue d’un leader, rencontre avec Jean-Marie de Koninck, texte non publié dans le cadre de la maîtrise en gestion de l’éducation, Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke, Québec.
7 Giuliani, R. (2002), Leadership, New York, Miramax Body.
8 Mintzberg, exposé donné en janvier 2004 au CIRANO, Montréal, traitant des stratégies de développement des leaders.
9 Greenleaf, R. (1982). Servant Leadership. A Journey into the Nature of Legitimate Power and Greatness, New York, Paulist Press.
10 Collins, J. (2003). « The 10 Greatest CEOs of All Time, Learn from Them », Fortune Magazine, vol. 148, no 2, juillet, p. 55-68.
11 Ce n’est qu’en 1965 que les femmes françaises ont pu ouvrir un compte à la banque et accepter un emploi sans avoir au préalable l’approbation du mari. Voir Montreynaud, F. (1999). Le XXe siècle des femmes, Paris, Éditions Nathan.
12 Herciu, M., Ogrean, C. et Belascu, L. (2009), La dynamique du binôme capital financier – capital intellectuel dans la création de la valeur de l’entreprise dans une société basée sur la connaissance, Munich Personal RePEc Archive, <http://mpra.ub.umi-muenchen.de/16305>.
13 Dugatkin, L. A. (1997), Cooperation among animals, an evolutionary perspective, New York, Oxford University Press; Waal, F. (2006), Le singe en nous, Paris, Fayard.
14 Boyd, R. et Richerson, P. J. (1982), Cultural transmission and the evolution of cooperative behavior, Human Ecology, vol. 10, no 3, p. 325-351.
15 Tabibnia, G. et Lieberman, M. (2007). « Fairness and cooperation are rewarding », New York Academy of Sciences, 1118, p. 90-101.
16 Gali, B. et Leutchtefeld, R. (2009), An Environment that Fosters Shared Leadership and the Effects on Engineering Education : An Analysis and Proposed Structure, 39th ASEE-IEEE Frontiers in Education Conference, October 18-21, San Antonio, TX.
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